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culture et histoire - Page 1885

  • Se convertir ou crever


    Ce matin, sur un site nationaliste, j'ai vu une photo de musulmanes en foulards (pas le niqab ni la burka !), photo prise à la sauvette, avec le commentaire : photo prise dans un bus marseillais, comme si on avait pris en flagrant délit une bande de délinquants (quel scandale !).

    Alors je le dis pour les "modernes" qui se prétendent "traditionnels", mais qui réagissent comme des porcs consuméristes hyper modernes : QUAND J'ETAIS ENFANT, J'AI TOUJOURS VU MA MERE ET MES TANTES PORTANT DES FOULARDS.

    ET ELLES ETAIENT TOUT CE QU'IL Y A DE PLUS "desouche" et chrétiennes !!!!

    Le plus important, c'est la pudeur. Même pour les hommes. La retenue, la discrétion, sont des signes de piété et de dignité.

    C'est au moins une preuve de modestie, le contraire du narcissisme actuel. Je hais mon époque.

    Au fond, la détestation du musulman, par exemple de leur mode d'habillement, de leurs coutumes, de leurs croyance, c'est le réflexe de gens hyper modernes, qui haïssent la tradition et toute espèce de différenciation. Rien qui les sépare du Monsieur Homais, du voltairien le plus épaissement stupide. La preuve est l'invocation de cette infâme laïcité, qui n'est que la revendication à l'indifférence. "Laissez-moi consommer en paix, et ne m'emmerdez pas avec vos impératifs spirituels !' brame le marché. Soyez certes "différents", mais seulement au niveau de la casquette. Les mines de vierges farouches de certains face à l'engagement intégral de personnes croyantes (ce que nous ne sommes plus depuis belle lurette, nous, le peuple français qui avons vendu notre droit d'aînesse pour une platée de hamburger - que ça l'étouffe, le gros !) me rappelle ces petits bourgeois qui, devant leur télé, poussent des beuglements de veaux en regardant un reportage sur les kamikazes nippons. Il est sûr que ces nains dodus tiennent trop à leur petite vie minable pour comprendre qu'on puisse se sacrifier pour des principes supra-humains !

    Nous vivons une période de confusion et d'oubli des principes, même si l'on se réfère à des traditions, qui sont ce que sont les pseudos aux noms authentiques. Je ne cesse de le répéter. Canada dry à la place de l'alcool, esthétique du simulacre publicitaire par rapport à la vraie vie... beaucoup d'"identitaires" se croient ancrés dans le terreau national, mais ils sont résolument postmodernes, américains, si l'on veut. C'est désespérant. Et personne ne veut faire l'effort de réfléchir, de creuser, de peser. On se contente de formules, de slogans, et on s'agite comme des lapins au crépuscule. Une culture de petits rongeurs politiques.

    Et ils m'emmerdent, ceux qui brament obsessionnellement au "remplacement de population" et autre substitution.

    Chaque peuple n'a que ce qu'il mérite. Et il ne faudrait pas tout mettre sur le dos des pourris de politiciens, qui ne sont pas les seuls salopards dans l'affaire Certes, ils ont fait entrer des millions de migrants, pour faire éclater la société européenne, et arrondir leurs fins de mois ; mais sans vraie protestation du peuple. Ou trop tard.

    Ne s'agirait-il d'ailleurs que d'un refus de l'immigration incontrôlée ? La critique est un tout. Il faut percevoir clairement toutes les ramifications qui ont noué les lacets qui nous empiègent. Les racines seraient lointaines, mais regardons les dernières années.

    Qui a plébiscité l'avortement et la contraception ? Qui s'est rué avec ivresse vers la société de consommation avachissante, individualiste et matérialiste ?

    Qui a, avec enthousiasme voltairien, abandonné les traditions, l'Eglise, avec ou sans majuscule, en jouissant aux propos et chansonnettes anticléricales ?

    Qui a voté sans cesse pour les traîtres, les vendus et les pourris (58% aux dernières élection présidentielles pour l'UMPS, avec un fort taux de participations) ?

    Qui regarde les feuilletons les plus nuls, les émissions sous-américanisées, au lieu de faire des mômes capables d'apprendre à vivre aux Yankees ?

    En attendant, ce sont eux qui ont mené la danse. Ou plus certainement certaines opérations de protestation actuelles, qui fleurent un parfum libertarien.

    Que les manifestants « pour tous » montrent leur lucidité en virant les vendus aux yankees.

    La "manif pour tous" ne deviendra sérieusement dangereuse pour le système que quand la contestation de l'ordre libéral mondialiste (dont le mariage gay est une application), et de la servitude par rapport à l'empire américain, deviendra un mot d'ordre central.

    Vu les leaders de ce mouvement, ce n'est pas demain la veille.

    La plupart des "nationalistes" sont des héritiers de la vieille extrême droite occidentaliste et sécuritaire, anticommuniste et libérale, ce qui ne les sépare de la "droite de la droite" que d'un papier à joint. Il n'y a pas un abîme entre le moralisme le plus obtus et la corruption. Los Angeles n'est qu'à quelques dizaines de kilomètres de La Vegas !

    Si les centaines de milliers de défenseurs de la tradition qui manifestent contre la loi gay étaient conséquents, ils se rendraient en masse à la messe, ou dans la mosquée ou la synagogue, et restaureraient, dans leur comportement, leurs réflexes, leurs paroles et leurs actes, les vertus ancestrales de la spiritualité. Il n'y a pas à barguigner ! C'est plus important que de mettre un ballot de papier dans une boîte, même « républicaine » !

    Ce papier est mon dernier éditorial.

    Claude Bourrinet http://www.voxnr.com

  • RELIRE MAURRAS : La défense du pays, parent pauvre de la République

    L'Enquête sur la monarchie est non seulement un des livres fondateurs du mouvement d'Action française, mais, aussi dans son édition définitive de 1925, une sorte de bréviaire que chaque royaliste devrait relire régulièrement.
    L'Enquête fut d'abord publiée en feuilleton dans La Gazette de France au cours des premiers mois de l'année 1900. Dans la préface de la première édition, parue en librairie en 1909, Charles Maurras souligne « l'impuissance du régime démocratique et républicain à défendre sérieusement contre ses propres forces les secrets de l'État ». Dans l'édition de 1925 figurent les "discours préliminaires", où l'auteur dénonce l'impréparation de la France à la guerre. Dans le discours III, il critique « une conception théorique mal avouée », propre à certains intellectuels, et leur « volonté de sacrifier la patrie à l'humanité ». Dans le discours IV, il définit « la vraie république par la domination des intérêts, passions, volontés des partis sur l'intérêt majeur du peuple français, sur son intérêt national, tel qu'il résulte des conditions de la vie du monde. [...] On avait de l'argent, on le dépensait, mais pour contenter l'électeur, et non pour le protéger, ni pour le sauver. » Et de rappeler qu'un ministre « avait allégué qu'au début du XXe siècle ce pays s'était laissé prendre à la chimère d'idéalisme, à la chimère de la pacification universelle ».
    Dénatalité en chiffres
    Le discours V montre par des chiffres que non seulement la république n'avait pas su préparer la guerre, mais qu'elle n'avait pas su non plus préparer la paix. Alors qu'entre 1870 et 1914, l'Allemagne avait gagné trente millions d'habitants, l'Angleterre quatorze, l'Italie dix, la France n'en avait gagné que deux millions d'âmes pendant le même temps, alors qu'elle était sous l'ancien régime, le pays le plus peuplé d'Europe. Maurras juge la République coupable de cette dénatalité. Il pointe « cet individualisme éthico-social qui exige l'irréligion de l'État, [...] l'action du fisc en matière de successions, les traditions morales et les ressources physiques des foyers qui furent méthodiquement saccagées, [...] l'organisation ouvrière conçue de manière à rendre inévitable la guerre des classes ». La démocratie est pour Charles Maurras le mal qui désintégrait notre pays et qui décourageait le peuple. Dans le discours suivant, intitulé La Victoire de la France, Maurras s'applique à démontrer que si nous avons pu gagner la guerre c'est parce que nous étions, pour un temps, revenus à des valeurs d'Ancien Régime : « La guerre victorieuse s'acheva comme elle avait commencée, écrit-il : après la dictature de Joffre, celle de Clemenceau. [...] Les hommes de l'Action française clamaient tous les jours : l'autorité et l'ordre sont les conditions de la victoire. [...] Le gouvernement [républicain] obligé de sauver la France, [...] doit se séparer de lui-même [...] et faire des emprunts aux partis qu'il a le plus combattus. [...] En sorte que, s'il les avait anéantis complètement, jusqu'à étouffer toute la tradition, il ne lui fût resté ni une idée, ni un fonctionnaire pour son propre salut. »
    Plus loin, Maurras explique que nous avons été les jouets de nos alliés et de nos adversaires : « Bismarck disparu [...], nous avons subi Guillaume II près de vingt-cinq ans et nous sommes pliés aux méandres de son caprice. De 1900 à 1912, nous fîmes les pacifistes, les bons européens. Cependant, depuis 1900, lui-même ne défendait plus la paix. [...] Vers 1912 il nous a décidés. [...] Nous nous sommes engagés au même sentier de la guerre. Mais [...] de 1912 à 1918, son empire, son état-major y ont présidé, en ont réglé les phases, déterminé les prétextes. [...] C'est son action qui du dehors mena notre politique. [...] Notre démocratie, matière inerte et brute dont toute l'initiative, [...] se réduisait à l'élémentaire volonté de rester française. [...] En optant pour la démocratie, nous avions inscrit cette absence (un libre pouvoir qui anime un État raisonnable et humain ) dans la ligne de nos destins. »
    Certes, ajoute Maurras, nous avions vaincu, mais au prix fort, et en cédant sans combat à la révolution, à Wilson, à ce qu'on pût appeler les démocraties alliées. Guillaume II, lui, préserva l'avenir de l'Allemagne. Nous savons où cela nous a amenés.
    Louis de Galice L’ACTION FRANÇAISE 2000 Du 1er au 14 mars 2012

  • [Aix en Provence] Le Café Actualité d’avril

    Pour le premier mardi du mois d’avril, dans le cadre du Café Actualité d’Aix, Antoine de CRÉMIERS et Danièle MASSON présenteront "l’agonie de la vieille".

     
  • Manif pour tous : Pourquoi le 24 mars 2013 va entrer dans l’Histoire de France

    Par Jean-Baptiste Giraud , directeur de la rédaction

    Non, ce n’est pas une incatation auto-suggestive, mais une analyse politique réflechie de la situation pré-révolutionnaire dans laquelle notre pays, la France, se trouve désormais, quatre jours après la manifestation historique du 24 mars 2013,...

    ...et à quelques heures [publié le 28 mars] de l’intervention télévisée du président de la Républiquedont personne n’attend rien. En particulier pas les 51 % de Français qui pensent que François Hollande est un mauvais président, selon un sondage CSA pour BFM TV.

    Dimanche, 300 000 Français - selon l’estimation des commissaires politiques de la Stadt Sicherheit (Stasi) parisienne, 1,7 million selon les organisateurs bénévoles improvisés de la Manif pour tous - 1 million si l’on accepte le principe d’un compromis en faisant la moyenne des deux, sont "montés" à Paris pour défendre... non pas des intérêts catégoriels mais un principe, une vision de la Société.

    Retenez bien ceci : pour la première fois, un mouvement populaire, assis sur une myriade de structures associatives embryonnaires, dont aucune n’a été conçue pour organiser et piloter un mouvement de cette ampleur, a su lever une armée d’hommes, accompagnés de leurs femmes, enfants et parents puisque la manifestation était prévue et présentée comme "familiale".

    Une armée qui, jusqu’au 24 mars 15h00, était effectivement totalement pacifique, bien que déjà considérablement échauffée par le camouflet de Valls Mielke (Erich Mielke était ministre de la sécurité intérieure de la RDA en 1989, NDLR) qui a fait interdire les Champs-Elysées, mais aussi la moitié de la place de l’Etoile, pourtant promise par le préfet de police de Paris, moins de quatre jours avant la manifestation. [...]

    La suite sur Economie matin

    http://www.actionfrancaise.net

     
  • Effondrement du dollar et cycles de Kondratiev

    L’économiste russe Alexandre Aïvazov se fonde sur la théorie des cycles de Kondratiev pour prévoir l’effondrement de l’économie américaine aux alentours de 2014 et le transfert du leadership mondial vers la Chine. Le texte étudie également les perspectives de la Russie dans le monde “post-dollar”. Une synthèse du livre non traduit en français « Quand le dollar s’effondrera » (articles écrits entre 2008 et 2012).

    L’économiste russe Nikolai Kondratiev a émis une théorie des cycles longs, indiquant que l’économie pouvait se décomposer en périodes de croissance et de déclin, qui durent chacune entre 30 et 60 ans.

    À travers ses travaux, Kondratieff tente de démontrer la corrélation entre les cycles économico-boursiers et les excès de création monétaire basés sur la dette.

    Un cycle de Kondratiev est un cycle économique de l’ordre de 30 à 60 ans aussi appelé cycle de longue durée. Mis en évidence dès 1926 dans son ouvrage Les vagues longues de la conjoncture, il présente deux phases distinctes : une phase ascendante (phase A) et une phase descendante (phase B).

    Graphe retraçant le cycle de Kondratieff et les actifs à privilégier en ces différentes saisons. L’or et le cash sont les valeurs clé du moment. (Cliquer sur l’image pour l’agrandir)

    I. Grandes étapes des bouleversements à venir

     

    La récession qui a éclaté en 2008 dans les pays développés s’est diffusée à toute l’économie mondiale: le monde est entré dans la phase baissière du Cinquième grand cycle de Kondratiev, qui durera jusqu’en 2020-2025. La récession  durera jusqu’à la fin 2009, après quoi surviendra un léger soubresaut de l’économie mondiale dû aux mesures anticrise menées par les gouvernements occidentaux.

    Mais en 2012-2013 commencera une dépression bien plus profonde et grave que la dépression des années 1930. Elle va toucher de plein fouet le secteur réel de l’économie et les pays se protègeront en introduisant des mesures protectionnistes. Parallèlement, ils commenceront à se débarrasser d’un dollar déclinant.

    Quand ces mesures prendront un caractère massif, le troisième défaut du dollar aura lieu (le premier remontant à 1933, le second à 1971), et la pyramide constituée par l’ensemble des dettes accumulées par les USA s’effondrera. Les États-Unis déclareront alors au monde: « la liberté du commerce et la libre-circulation des capitaux sont la principale valeur des USA (à qui elle a permis de consommer 40% du PIB mondial en n’en produisant que 20%). Et comme le reste du monde viole la pierre angulaire de l’économie de marché spéculative et néolibérale avec ses mesures protectionnistes, nous renonçons au dollar en tant que monnaie de réserve. Nos dettes sont effacées« .

    Ce défaut sur sa dette s’accompagnera de la transition vers une nouvelle devise (probablement l’Amero avec le Canada, le Mexique, et peut-être la Grande-Bretagne). Les États-Unis décideront alors librement d’échanger les dollars contre les Amero au taux qui les arrange en fonction des affinités. Certains pays se verront refuser la conversion.

    Suite à cela, jusqu’en 2016, l’économie mondiale s’adaptera à cette nouvelle situation. Le monde entier verra émerger des groupements régionaux de type Union européenne autour de gros pays comme la Chine, l’Inde, la Russie etc. ou de blocs d’États (pays islamiques, Amérique latine). Ces unions se doteront de devises régionales, qui pourraient être adossées à l’étalon or. De nouvelles organisations, formées sous les auspices de l’ONU et libérées des dictats américain, prendront la relève de l’OMC et du FMI, ces instruments de régulation visant en réalité à imposer partout la doctrine néolibérale.

    Pendant la gestation de ces unions régionales on verra apparaître les bases des nouvelles innovations qui constitueront la 6e BASE TECHNIQUE industrielle de la période haussière du VIe cycle de Kondratiev. Il s’agira probablement des nano- et biotechnologies, de l’ingénierie génétique, des technologies de l’information, des télécommunications spatiales et digitales, de l’énergie verte etc. On assistera ensuite à la phase haussière du 6e cycle de Kondratiev. Toutefois, avant cela, on traversera en 2017-2019 à une crise d’adaptation moins profonde que la précédente (2015).

    La phase actuelle, la vague baissière du 5CK (5e cycle de Kondratiev) s’achèvera aux alentours de 2020, puis l’économie entrera dans une phase haussière qui durera environ 20-25 ans. Avant cela, nous devrons donc faire face à une série de crises liées à la gestation de la nouvelle base technique et d’une architecture globale de marché dotée de nouveaux organismes de régulation. Tout ceci se fera sur la base du néo-keynésianisme, qui détrônera l’idéologie libérale qui dominait depuis les années 1980.

    II. La chute inéluctable du dollar

    Après la Deuxième Guerre mondiale, le système financier international fonctionnait selon les règles instaurées à Bretton Woods. Ce système considérait comme unique monnaie de réserve internationale le dollar fermement indexé sur l’équivalent or (1 once d’or = 35 dollars). Différents pays ont d’ailleurs recouru au droit d’effectuer la conversion de leurs dollars en or, comme la France de De Gaulle. Ceci a nettement amenuisé les réserves des USA, qui détenaient 70% de l’or mondial au lendemain de la guerre. Bretton Woods a été remplacé par les accords de Jamaïque, qui déliaient le dollar de l’étalon or. Ce fut le début d’une vaste dégringolade.

    Actuellement, les USA, produisant environ 20% du PIB mondial, consomment près de 40% de la production mondiale avec moins de 5% de la population planétaire. 

    Comment le pays couvre-t-il cette différence? En imprimant des dollars et en émettant des bons du trésor et d’autres titres sans plus de valeur que le morceau de papier sur lequel elles sont imprimées. Le prix de ces obligations ne cesse de baisser, ce dont témoigne notamment la hausse de l’or. Actuellement, la dette américaine atteint 60 milliards d’euros, soit quatre fois le PIB américain et près de la totalité du PIB mondial.

    Si les USA décidaient de rembourser leur dette, ils devraient pendant quatre ans s’abstenir de consommer quoi que ce soit et verser la totalité de leurs revenus. Mais qu’il soit clair que les États-Unis n’ont aucune intention de rembourser leur dette, ce qui causerait une chute des dépenses publiques et une baisse du niveau de vie des Américains. C’est pourquoi ils ont transformé leur système financier en une énorme pyramide financière afin de prolonger sa durée de vie. Le tout appuyé par des agences de notation chargées de « confirmer » la solidité de la pyramide américaine.

    Car l’économie américaine fonctionne en fin de compte comme n’importe quelle pyramide financière. Le principe d’une pyramide? L’afflux de nouvelles entrées financières sert à honorer les engagements envers les investisseurs précédents et à réaliser différentes opérations (publicité, manipulation des taux, etc) visant à attirer encore et toujours de ressources. Mais les entrées d’argent doivent toujours être supérieures aux investissements précédents. C’est pourquoi toute pyramide possède une limite de croissance.

    Le système financier américain arrive actuellement aux limites de sa croissance. Quelle que soit la politique menée à l’avenir, l’effondrement du dollar est inévitable. Des processus de stagflation se dessinent, comme dans les années 1970. Les déficits budgétaire, extérieur et des paiements des USA s’approfondissent. Le niveau d’épargne est devenu négatif pour la première fois de toute l’histoire des États-Unis, et la valeur du dollar a été divisée par 1,5 ces cinq dernières années. L’or et les matières premières, de leur côté, augmentent. La méfiance envers le dollar et le système financier fondé sur cette devise s’intensifie dans de nombreux pays. La fuite hors du dollar vers l’euro a commencé (la Chine ayant déjà annoncé le transfert d’une partie de ses réserves en euros).

    III. Les cycles de Kondratiev

    Il y a plus de 80 ans, l’éminent économiste russe N. Kondratiev a formulé et théorisé l’existence de vastes cycles économiques (45-60 ans) durant lesquels se produit le renouvellement de la « réserve des principaux biens matériels ». Cela signifie que les forces productives mondiales évoluent vers un niveau plus élevé de développement. Ces cycles sont divisés en phase haussière et phase baissière. Le passage d’un cycle à l’autre est basé sur les processus d’accumulation, de concentration, de pulvérisation et de dévalorisation du capital en tant que facteur clé de développement de l’économie capitaliste.

    Pendant la révolution russe de février 1917, Kondratiev fut adjoint au ministre du Ravitaillement des gouvernements Lvov et Kerensky. Dans les années 1920, il est le brillant directeur de l’Institut des Conjonctures Économiques au Commissariat du Peuple aux Finances. Son passé, mais aussi ses théories gênantes démontrant que le capitalisme reprendrait son expansion après chaque crise, lui valut les foudres de Staline.

    « Chaque étape suivante du cycle est la conséquence des conditions accumulées au cours de la période précédente, et les cycles, dans un contexte d’économie capitaliste, se succèdent naturellement, tout comme les phases viennent l’une après l’autre. Il convient cependant de se rappeler que chaque nouveau cycle évolue dans de nouvelles conditions historiques concrètes, à un nouveau niveau de développement des forces productives, c’est pourquoi on n’est jamais en présence de la répétition pure et simple d’un nouveau cycle« .

    Voici la succession des cycles projetée par Kondratiev:

    Ier cycle: – Phase haussière: fin des années 1780-début des années 1790 – 1810-1817

    - Phase baissière: 1810-1817 à 1844-1851

    IIe cycle: – Phase haussière: de 1844-1851 à 1870-1875

    - Phase baissière: de 1870-1875 à 1890-1896

    IIIe cycle: – Phase haussière de 1890-1896 à 1914-1920

    - Phase baissière de 1914-1920 à 1936-1940.

    IVe cycle: -  Phase haussière: de 1936-1940 à 1966-1971

    - Phase baissière: de 1966-1971 à 1980-1985

    Ve cycle: -  Phase haussière: de 1980-1985 à 2000-2007

    - Phase baissière: de 2000-2007 à 2015-2025

    VIe cycle: – Phase haussière: de 2015-2025 à 2035-2045

    Kondratiev a été emprisonné en 1930 et fusillé en 1938, sa théorie ayant été mal perçue des autorités soviétiques (il était notamment hostile à une planification rigoureuse sans prise en compte de la réaction du marché). Son travail est passé aux oubliettes pendant près de 60 ans avant d’être redécouvert dans les années 1985 et affiné par différents économistes. Kondratiev était tout de même parvenu à prédire avec précision la phase baissière de la fin des années 1920 (grande dépression).

    Chaque cycle repose sur un agrégat de technologies de base, vecteur de développement qui va donner naissance à différents secteurs économiques et générer de nouveaux investissements. Il est à noter que cette base technologique est créée pendant la période baissière de la phase précédente, chaque crise contenant les germes de la croissance future. L’évolution du nouveau cycle se caractérise de la sorte: étape pionnière (implantation des nouvelles technologies), expansion (utilisation de masse), saturation, et disparition complète de toute perspective d’expansion future.

    Dès l’étape de saturation, on note une baisse du rythme de croissance, on observe çà et là des phénomènes de surinvestissement et des capacités excédentaires. Le profit devient si faible dans le secteur réel que ce processus n’est plus attrayant. L’argent se dirige alors vers les spéculations financières, où ils dégagent des profits phénoménaux. Des bulles se forment dans l’immobilier, les finances etc., provoquant en fin de compte la disparition du capital qui y est investi.

    Les périodes de crise (phase baissière) exigent objectivement un renforcement du rôle dirigiste et des fonctions de l’État dans l’économie avec une forte restriction de l’utilisation des schémas libéraux. A l’inverse, les périodes de hausse exigent au contraire plus de liberté pour les entrepreneurs et la prise de décisions en matière d’investissement, la levée des obstacles aux flux de capitaux, et une plus grande flexibilité du marché du travail.

    Cette libéralisation est nécessaire afin de permettre l’assimilation des innovations de base, la réorganisation structurelle et l’expansion économique. Cependant, en phase de saturation, cette libéralisation mènera à la surchauffe de l’économie et à la formation de différentes bulles et pyramides, accélérant l’arrivée de la crise et une nouvelle vague d’ »étatisation » de l’économie.

    6CK

    Graphique permettant de visualiser la crise actuelle (phase baissière du Ve CK) et le début de la phase haussière du VIe CK. Verticale: PIB mondial, horizontale: années.

    IV. Consensus de Washington vs. Consensus de Pékin

    Actuellement, la Russie est dominée par le modèle de développement économique néolibéral. Ce modèle est qualifié par Aïvazov de « spéculatif », car son essence est de détruire tout obstacle à l’accumulation incontrôlée de capitaux par le biais de la spéculation. C’est l’économie dite « casino ».

    Ce modèle s’est imposé dans les années 1980 avec l’arrivée au pouvoir de Reagan et de Thatcher. Les vecteurs de cette idéologie étaient les grandes compagnies transnationales qui ont alors accumulé une immense puissance financière et économique. Leur capitale officieuse est la City de Londres, les grandes compagnies ayant auparavant, selon Aïvazov, cherché à s’implanter à Paris en demandant le transfert de la capitale française à Lyon.

    Les grands axes du « consensus de Washington » sont:

    - Politique du pays visant en premier lieu à le rendre attrayant aux yeux des investisseurs.

    - Réduction au strict minimum des programmes d’aide sociale. Monétisation de ces derniers.

    - Politique monétaire restrictive profitant aux riches.

    - Totale liberté de déplacement des capitaux

    - Privatisation et transformation de toute ressource en bien de consommation.

    - Réformes fiscales visant à imposer le gros du fardeau aux couches les plus pauvres de la société.

    Le « consensus de Washington » a été à la base des réformes menées en Russie, en Amérique latine, en Europe de l’Est et en Asie, à l’exception de la Chine, par le biais du FMI et de la Banque mondiale.  Le principe était de forcer ces pays à ne pas créer leur propre système financier, mais à s’arrimer à des devises étrangères, principalement le dollar.

    Face au consensus de Washington a peu émergé une alternative parfois qualifiée de « consensus de Shanghai », qui a permis d’assurer une forte croissance, d’éviter l’instabilité politique, et malgré la pression du FMI/BM, de mettre en place un système financier sous contrôle souverain.

    C’est précisément la Chine qui montre que la croissance économique n’est pas uniquement possible sous la bannière américaine, mais aussi sous le contrôle d’un État souverain. Un État qui soutient l’innovation, renforce la politique industrielle, et soutient l’expansion des entreprises nationales sur la scène internationale.

    Ses principes de base sont:

    - Assurer la croissance en maintenant une indépendance vis-à-vis du capital international.

    - Efforts d’innovation et recherche.

    - Protection des frontières nationales et des intérêts nationaux.

    - Accumulation d’instruments de force asymétrique (par exemple des milliards de dollars de réserves de change).

    La Chine a obtenu une stabilité monétaire, et cherche à renforcer la justice sociale en augmentant la part du PIB redistribuée par l’État et en intensifiant le contrôle sur le gros capital privé. Pékin ne vit pas la mondialisation comme une libéralisation totale, l’État conservant une importante mainmise sur l’économie (de l’ordre de 65%). Le géant asiatique s’impose en outre comme le moteur de processus de régionalisation à différents niveaux (BRICS, ASEAN, OCS, etc).

    V. Trois modèles pour demain

    Nous entrons actuellement dans une phase de grands bouleversements. Le monde, tel les trois preux russes, se demande: par où aller? Actuellement, on voit émerger trois grands modèles, qui se dessineront de façon précise après la phase baissière du cycle de Kondratiev (d’ici 2015).

    a) Le modèle des néoconservateurs américains. Ce modèle est fondé sur la manipulation de la conscience collective à l’aide des médias transfrontaliers, des drogues, et de la culture pop. Son but final: l’implantation de cartes à puce dans tous les domaines de la société, et même l’être humain afin de le contrôler. Les néocons prévoient l’utilisation d’armées de mercenaires privées pour régler les questions sensibles en contournant les organisations internationales. Ses instigateurs cachent leurs fonds dans différents paradis fiscaux. L’utilisation du « terrorisme » à des fins de manipulation collective devrait s’intensifier dans le cadre de ce modèle.

    b) Le modèle néokeynésien ou modèle chinois est pratiquement l’incarnation de l’idée de Kondratiev selon laquelle un plan étatique doit exister, mais qu’il est vérifié et confirmé par le marché. Kondratiev était opposé à une planification dirigiste stricte, mais considérait que les objectifs devaient être combinés à de fines adaptations et réglages de marché, définis par le consommateur final. Un modèle éprouvé lors de la dernière crise, lorsque la Chine a compensé la chute de ses exportations en investissant dans la hausse de son marché intérieur et dans des projets d’investissement. La Chine a réduit ses pertes et aidé d’autres pays à surmonter la crise.

    c) Modèle islamique. Ce modèle acquiert dernièrement un rayonnement croissant. Les investissements réalisés conformément à la loi islamique constituent une sorte de placement éthique. Les investissements dans certains activités telles que la vente d’alcool, la promotion des jeux de hasard etc sont interdits. Les banques islamiques refusent l’usure. Les banques possédées par des actionnaires et les établissements de dépôt y sont séparés. En outre, les établissements islamiques ne prennent pas part aux activités spéculatives et à l’économie dite « casino ».

    VI. D’où vient la Russie?

    La Russie a toujours eu un temps de retard sur l’évolution des autres économies, les guerres ayant au cours de l’histoire constitué la « preuve » de cette arriération.  Alors que l’Angleterre était équipée de navires à vapeur, la flotte russe était uniquement constituée de navires à voile, car l’occident était en phase de gestation d’une nouvelle Base technique. Cette Base technique, la Russie l’a laissée échapper en raison de la « stabilité » prônée par les dirigeants de l’époque de Nicolas Ier. La guerre de Crimée de 1853-56 a mis à jour ce retard pris par la Russie.

    La « stabilité » de l’époque d’Alexandre III et le début du règne de Nicolas II ont débouché sur la défaite lors de la guerre russo-japonaise. La nouvelle base technique fondée sur l’électricité, formée à l’Ouest au dernier tiers du XIXe siècle, n’a commencé à voir le jour en Russie que 40 ans plus tard, sous l’URSS.

    Une seule fois au cours des 250 dernières années, la Russie a été à l’ “avant-garde de la compétition économique”: c’est quand elle a utilisé la grande dépression (phase baissière du IVe CK) afin de posséder les dernières innovations. La façon dont une telle percée a été réalisée (goulag, Golodomor) constitue une autre question.

    Mais le fait est qu’en trois plans quinquennaux, l’URSS est parvenue à faire surmonter au pays un retard de 40 ans. Le pays est remonté dans le peloton de tête, s’assurant la victoire lors de la 2 GM et par la suite ses succès dans le domaine spatial.

    L’URSS a par la suite manqué une nouvelle étape technique durant la « stagnation » sous Brejnev, ce qui a provoqué sa défaite lors de la guerre froide.

    Concernant les perspectives de la Russie dans le futur (6e) cycle de Kondratiev: les slogans scandés par les dirigeants russes, qui appellent à mettre en place une « économie de l’innovation », resteront lettre morte tant qu’ils s’efforceront d’arrimer l’économie russe au dollar américain au lieu de financer la mise en place des infrastructures de la prochaine révolution technologique.

    VII. Où va la Russie?

    La Russie est dans une situation paradoxale: d’un côté Moscou, par la bouche de son leader national, a ébauché une doctrine (Stratégie 2020) absolument en phase avec les exigences du Sixième cycle de Kondratiev; de l’autre, ce même leader national et les personnes en charge de l’économie russe au sein du gouvernement et de la Banque de Russie affichent dans leur politique une totale soumission aux principes du Consensus de Washington et au modèle néolibéral, à l’origine de la crise.

    Les principes du Consensus de Washington ont été imposés à partir de 1992 en Russie sous la pression du FMI. Le défaut de paiement de la Russie de 1998 a été la conséquence directe des réformes libérales menées au pas de course (« thérapie de choc »).

    Si l’on observe la politique monétaire menée par la Russie jusqu’à une date récente, on constate que le principal canal d’émission du rouble est l’achat de devises étrangères. La Banque centrale de Russie imprime de l’argent, stimulant de la sorte l’inflation, non pas en fonction des besoins de l’économie nationale, mais uniquement en vue du rachat des devises étrangères.  D’énorme sommes ont en outre été allouées au Fonds de stabilisation en devise, arrimant de la sorte l’économie du pays au dollar US. Cette politique a notamment obligé les banques et entreprises russes à aller emprunter de l’argent à l’étranger pour assurer leur développement. C’est précisément ce qui a cantonné la Russie au statut d’économie de matières premières.

    Les discours appelant à mettre en place en Russie une économie de l’innovation resteront lettre morte tant que le pays restera attelé au consensus de Washington; les puissances occidentales ne tolèreront pas que la Russie passe du statut de marchand de matières premières à celui de concurrent.

    La Russie est actuellement face à un choix historique. Si notre pays continue d’évoluer dans le sillage du système financier américain, en pensant passivement que « si ça se trouve on s’en sortira », notre système sera enterré sous les décombres de la pyramide américaine.

    En effet, la Russie n’a pour le moment pas été capable de mettre en place un système financier souverain. Le ministère russe des Finances et la Banque de Russie financent en réalité le déficit du budget US, mais pas les banques et corporations russes. Ce n’est que quand le tonnerre a grondé en 2008 que nos autorités financières se sont rappelées l’existence d’un système financier russe autonome, créant en toute hâte un système de refinancement au sein du pays et insufflant de l’argent dans l’économie russe. Ceci a notamment permis  d’éponger les crédits en devises des entreprises russes.

    Les tentatives visant à sauver le système financier actuel sont vouées à l’échec. Si elle se lance dans cette voie, la Russie sera perdante.

    Mais il existe une autre voie possible. La Russie peut saisir au bond la balle de l’initiative civilisationnelle, et se poser en architecte en leader du « monde post-dollar » en promouvant les réformes nécessaires avec les BRICS et d’autres pays.

    Aucun autre Etat que la Russie n’a l’expérience nécessaire dans ce domaine. Même la Chine n’est pas encore assez mûre. Elle n’a pas l’expérience de  puissance mondiale que la Russie, héritière de l’URSS, a formée après la Seconde Guerre mondiale pendant la Guerre froide. L’Europe divisée s’est confinée au rôle de vassale des Etats-Unis.

    La Russie peut être la locomotive de l’architecture du futur système mondial, destinée à surmonter les conséquences destructrices de la phase baissière du Cinquième cycle de Kondratiev. Quand en 2012-2015 l’économie américaine s’effondrera, la Russie, riche de ses étendues immenses, de ses fantastiques réserves de matières premières, des terres les plus fertiles au monde et d’un fort potentiel scientifique, pourrait devenir le centre d’attraction des investissements du monde entier et d’utilisation des technologies de pointe.

    La Russie doit absolument intégrer l’OPEP, créer une « OPEP du gaz », mais aussi promouvoir une « OPEP alimentaire » vouée à organiser la lutte contre la spéculation effrénée sur les marchés.

    Il faut ici se rappeler comment la Russie est parvenue, lors de la phase baissière du 4e cycle de Kondratiev, à utiliser la Grande dépression de 1929 pour rattraper son retard, modernisant et industrialisant son économie, ce qui lui a permis de remporter la Seconde guerre mondiale, d’atteindre la parité militaire avec les États-Unis et, par la suite, de remporter la bataille pour la conquête de l’espace.

    Si la Russie continue durant la phase baissière du 5e cycle de Kondratiev à soutenir un système financier en ruine avec ses réserves de change et les moyens de son Fonds de stabilisation, elle périclitera. Il faut donc investir les fonds russes dans les innovations de la nouvelle (6e) Base technique, dans l’infrastructure du pays, et peut-être en dernière instance dans des corporations occidentales dépréciées qu’elle pourra racheter à bas prix. Mais surtout, elle doit éviter à tout prix d’investir dans les instruments financiers d’un système américain en faillite.

    Les choix historiques ont une importance cruciale: il y a 100 ans, la Russie réalisait une erreur stratégique en se mettant aux côtés de l’Alliance dirigée par l’empire britannique et la dynastie Rothschild. Le résultat fut la révolution, la destruction de l’Empire russe, la guerre civile. Une mer de sang et les souffrances de millions de gens: tel est le prix d’une erreur que Nicolas II paya lui aussi de sa vie.

    Actuellement, la Russie est exactement dans la même situation: choisira-t-elle de soutenir un système appartenant au passé, mais encore puissant, incarné par les pays anglo-saxons et Israël, ou s’alliera-t-elle aux nouveaux centres de l’économie mondiale (BRICS, OCS, Union eurasiatique) représentant le moteur de l’avenir? Telle est la question.

    Impressions russes   http://fortune.fdesouche.com

  • L'affaire Dreyfus entre nous

    L’affaire Dreyfus occupe une place primordiale dans la mythologie républicaine ; quoique reléguée dans l'histoire, estompée par le culte mémoriel de la Shoah, elle a été et reste l'élément fondateur de notre culpabilité collective. À nous Français - la France de l'affaire Dreyfus est antisémite ; à nous nationalistes - de Maurras à Le Pen, la droite française porte le stigmate d'avoir fait condamner un innocent. Une affaire qui nous agace, une affaire qui nous gêne, une affaire qu'on aimerait bien oublier, mais qu'on nous ressort régulièrement. Alors que faire ? Faut-il pratiquer la repentance ? Faut-il affirmer orgueilleusement la culpabilité du traître de 1894 ? Avant de définir une attitude, péché mignon de notre camp, il faudrait d'abord travailler, tenter d'y voir clair. C'est ce que j'ai fait, partie avec l'idée de comprendre, de dégager l'affaire réelle du verbiage qui l'entoure, de réfuter légendes et ragots - à commencer par ceux véhiculés « chez nous » qui sont autant de pièges. Je voulais faire sobre et court (à l'origine, un simple article pour Rivarol !), mais l'affaire Dreyfus est trop complexe, une question en entraîne une autre et, sept ans après, j'ai abouti à Dreyfus-Esterhazy, réfutation de la vulgate, réfutation dont ma plus grande fierté est d'avoir convaincu de son bien-fondé Georges-Paul Wagner, à qui la seconde édition est dédiée*.
    Reprenons à zéro. D'abord il y a deux « affaires Dreyfus » : la première, celle de 1894, qui s'achève par la condamnation d'Alfred Dreyfus pour trahison ; la seconde qui commence dans les coulisses en 1896, devient publique à l'automne 1897 avec l'apparition d'Esterhazy présenté comme le véritable coupable, atteint son paroxysme en 1898 et s'achève en 1899 par une nouvelle condamnation de Dreyfus au procès de Rennes. La seconde cassation et la réhabilitation, en 1906, ne sont, pour dire vite, que les retombées d'une affaire déjà refroidie et politiquement jugée.
    L'AFFAIRE DE 1894
    En 1894, l'affaire est celle du "bordereau", note manuscrite trouvée dans la corbeille à papiers de l'attaché militaire de l'ambassade d'Allemagne, Maximilien von Schwartzkoppen. L'origine est incontestable : nous connaissons aujourd'hui une masse de documents de même provenance, certains très importants, ainsi jetés à légère par un homme qui pratiquait pourtant fort sérieusement l'espionnage, avec des résultats tangibles. Mais nous sommes au XIXe siècle, aux balbutiements du Renseignement, qui se pratique alors avec des méthodes d'une grande naïveté à nos yeux (lunettes noires pour se dissimuler, petit trou dans les conduits pour écouter les conversations...) Les militaires français connaissent le sérieux de la source, mais ne peuvent la révéler. Cela donnera lieu à bien des complications... Le bordereau, anonyme, est une liste de cinq sujets sur lesquels l'auteur propose « quelques renseignements intéressants » qui semblent émaner de différents bureaux du ministère de la Guerre ; d'où l'idée de chercher parmi les officiers stagiaires. Un seul élément concret : l'écriture. Les comparaisons d'écriture mènent à Alfred Dreyfus.
    26 septembre - 22 décembre : enquête, premiers interrogatoires, instruction, procès, condamnation, tout cela est mené au pas de charge. Un dossier secret a été remis au tribunal militaire à l'insu de la défense, contenant des pièces issues de la même source que le bordereau. Nous sommes en 1894, dans un contexte très tendu avec l'Allemagne, haïe-admirée depuis l'humiliante défaite de 1870 ; on ne badine pas avec la trahison ; on ne s'embarrasse pas de scrupules juridiques. Son pourvoi en cassation rejeté, Dreyfus est dégradé le 5 janvier 1895 et expédié à l'île du Diable.
    Que peut-on dire de cette première phase ?
    D'abord, rejeter énergiquement la version selon laquelle Alfred Dreyfus aurait été accusé parce qu'il était un officier israélite. C'est absolument faux. Cet argument de propagande de l'époque repose sur des allégations sans fondement, reprises et amplifiées par des auteurs qui se copient les uns et les autres (notamment une déclaration tronquée et altérée du colonel Sandherr que l'on retrouve partout). Rien ne l'étaye. Dreyfus a été repéré parce qu'on cherchait la "taupe" parmi les stagiaires étant passés par les différents bureaux de l'état-major et que son écriture ressemblait à celle du bordereau. Son attitude gênée lors des interrogatoires, ses réponses embarrassées, parfois contradictoires, ont fait le reste.
    Ensuite, se débarrasser d'une légende tenace chez les antidreyfusards : non, Dreyfus n'a pas avoué. En aucun cas de vrais aveux au caractère officiel. Mais pas davantage ces bribes d'aveux qui lui auraient échappés le jour de la dégradation. Propos peu cohérents, d'interprétation aventureuse, recueillis dans des conditions de déréliction, rapportés tardivement dans des circonstances suspectes : rien à retenir de ces sornettes ni des sombres histoires qui les entourent (décès inexpliqués, etc.)
    Enfin, regarder en face les faiblesses du procès, grosses des tempêtes à venir. La mise en accusation d'Alfred Dreyfus reposait sur de forts soupçons, sa culpabilité a emporté la sincère conviction des différents acteurs du drame. Et pourtant... Et pourtant les expertises d'écriture n'ont pas fait l'unanimité. Le contenu des notes énumérées dans le bordereau n'a pas été connu, ni même cerné par d'éventuels recoupements. Aucune des pièces du dossier secret n'incrimine formellement Dreyfus. C'est léger, très très léger... On a établi qu'il pouvait connaître les thèmes évoqués, non qu'il les a connus ; on n'a pu trouver de mobile, l'accusé étant fortuné, son appartenance à des cercles de jeu évoquée mais non prouvée ; on a mis en évidence le caractère fureteur, rancunier, antipathique du personnage. Tout cela, exact, ne fait pas un coupable.
    Ajoutons que le procès de Rennes, qui a fait la lumière sur beaucoup de points, n'a pas apporté plus de preuves contre Dreyfus. Sa condamnation, à cinq voix contre deux, pour trahison « avec circonstances atténuantes » (lesquelles ?! Il est stupéfiant que les militaristes se soient réjouis de pareil verdict...) porte la trace des doutes éprouvés par les juges.
    Alors ?
    Coupable ? Innocent ? Sincèrement je ne sais pas, et je ne pense pas qu'on puisse savoir sans retrouver les fameuses notes livrées à l'Allemagne, mais ce qui est sûr c'est qu'aujourd'hui Alfred Dreyfus serait relaxé au bénéfice du doute. Le contexte de l'époque, l'horreur qu'inspirait la trahison (à comparer avec la pédomanie de nos jours), la volonté d'un châtiment exemplaire, peuvent expliquer les carences du procès de 1894. Mais cela ne saurait les justifier, ni constituer une caution historique. Non, un tribunal militaire n'est pas infaillible ! Et il est bien dommage que les nationalistes de l'époque ne se soient pas rangés derrière l'avis d'Urbain Gohier, très tôt partisan de la révision d'une condamnation qui « en violant les garanties que la loi accorde à tout accusé [...] créait un précédent qui pouvait être employé contre n'importe quel citoyen français n'épousant pas les idées du gouvernement ».
    ESTERHAZY
    Coupable ? Pas sûr, ce qui suffit pour un acquittement juridique. Innocent ? Jamais les partisans de Dreyfus n'auraient pu imposer cet acquittement historique sans le secours d'un « vrai coupable » : Esterhazy.
    Allons droit au but. J'ai acquis la conviction qu'Esterhazy a été stipendié par les dreyfusards pour endosser la culpabilité. Cette hypothèse, évidemment dénigrée par les auteurs actuels, a été évoquée en son temps par les antidreyfusards, voire même affirmée, mais jamais étayée sérieusement. Elle nécessite une connaissance approfondie de l'affaire (impossible de faire simple...), elle reste une hypothèse au sens strict où je n'en apporte pas la preuve formelle, mais elle repose sur des arguments solides, elle est cohérente et permet d'expliquer nombre de mystères de l'affaire. Les lecteurs d'Ecrits de Paris, pas plus que ceux de mon livre, ne sont obligés de me suivre jusqu'au bout, mais au moins qu'ils retiennent quelques bases saines. À utiliser sans modération !
    On nous gave de sornettes. Non, Esterhazy n'a pas été confondu par les experts en écriture. Les seules expertises officielles, effectuées par des professionnels, ont conclu que son écriture n'était pas celle du bordereau. Certes une kyrielle de témoins, parés de titres universitaires, sont venus dire que les deux écritures étaient identiques : mais tous sont des dreyfusards engagés, aucun n'a de compétences en graphologie. Certes des lettres providentielles d'Esterhazy sont réapparues, comportant des analogies d'écriture flagrantes : toutes sont suspectes d'avoir été refaites après coup et certaines ont une histoire si rocambolesque que les auteurs de la vulgate choisissent de la passer sous silence.
    Non, les aveux d'Esterhazy ne prouvent rien du tout. Il a d'abord été acquitté, sinon avec la complicité des militaires, du moins à leur grande satisfaction car ils n'ont vu que du feu à ce qui se préparait. Cet acquittement (janvier 1898), qui donne lieu au célèbre « J'accuse » de Zola et lance la phase aiguë de la crise, met Esterhazy définitivement à l'abri de toute poursuite : c'est alors seulement qu'il avoue être l'auteur du bordereau, aveux rétractés, modifiés, renouvelés au gré des circonstances. Argument joker des dreyfusards, ces pseudoaveux ne donnent aucune explication satisfaisante.
    Plus subtil, réservé aux connaisseurs, il y a aussi la dénonciation de Schwartzkoppen. Dans un ouvrage posthume, publié en 1930, celui-ci "avoue" que son informateur était bien Esterhazy. Parmi d'autres éléments suspects, je montre que des passages entiers de ce petit livre sont recopiés dans les œuvres de Joseph Reinach, le grand ordonnateur dreyfusard. Exit.
    Non, car certains le croient, la Cour de cassation, en 1906, n'a pas établi la culpabilité d'Esterhazy dont le cas ne lui était nullement soumis.
    Non, on n'a jamais pu établir ni qu'Esterhazy était en mesure de fournir les renseignements évoqués, ni qu'il était allé « en manœuvres » comme l'annonce l'auteur du bordereau - on sait même qu'il a commis un faux pour faire croire qu'il était au camp de Châlons lors d'essais du canon de 120. Les auteurs modernes, devant renoncer aux théories extravagantes de l'époque, telle une complicité avec le colonel Henry, se contentent d'une version soft, faisant de leur traître un petit espion de pacotille, mi-fou mi-escroc, ce qui permet de renoncer à toute démonstration. En ce qui concerne la trahison de 1894, le dossier d'Esterhazy est vide, bien plus vide que celui de Dreyfus.
    Non, Esterhazy n'a pas été le jouet des services de renseignements lors des contacts qui s'établissent à l'automne 1897. Cet épisode particulièrement ténébreux et compromettant pour l'armée, surtout en un temps où l'espionnage était ressenti comme indigne d'un officier, est à l'origine de moult complications, l'état-major se trouvant contraint de désavouer un homme courageux et lucide comme du Paty de Clam, ennemi numéro un des dreyfusards. Je montre qu'il est bien plus plausible que ce soit Esterhazy qui ait piégé les militaires, Esterhazy téléguidé par les dreyfusards.
    Le fait est qu'à ce moment toutes ses initiatives poussent à la réouverture du dossier Dreyfus, issue que les militaires repoussent tant qu'ils le peuvent, et sont d'un synchronisme parfait avec les démarches politiques du sénateur Scheurer-Kestener au même moment.
    Non, Esterhazy n'est pas un vieil ami d'Edouard Drumont - s'il a ses entrées à la Libre Parole, c'est après en avoir forcé les portes en 1896, et ses interventions de 1897 à 1899 dans le quotidien antisémite ont pour principal résultat de ridiculiser le journal. En revanche, c'est une vieille relation des Rothschild ; philosémite affiché, témoin de Crémieu-Foa dans le duel de celui-ci contre Drumont en 1892, il arrive à soutirer des subsides de cette élite israélite, tôt mobilisée pour défendre son coreligionnaire. Il existe une lettre d'Esterhazy, de début 1895, offrant ses services à Edmond de Rothschild. Toujours à court d'argent, dénué de scrupules, il était bien l'homme à utiliser comme coupable de substitution.
    Mais si Esterhazy n'est pas celui qu'on dit, il faut que le colonel Picquart, qui a découvert sa culpabilité à partir d'un nouveau document issu de la corbeille de Schwartzoppen, le Petit bleu, ne soit pas le preux chevalier que nous présente la vulgate. Les éléments existent étayant cette insolente hypothèse. Je montre par exemple que dès avril 1896, Picquart a établi une corrélation entre Esterhazy et Dreyfus, ce qui est contraire à toutes ses affirmations et dissimule forcément quelque chose.
    MUR DE MENSONGES
    Bien des coïncidences sont gênantes pour les dreyfusards. Simultanéité des actions de Picquart et de Mathieu Dreyfus en 1896, d'Esterhazy et de Scheurer-Kestner à l'automne 1897. Selon nos auteurs, tout cela serait fortuit. Comme il serait fortuit qu'Esterhazy soit dénoncé par sa cousine au moment où l'enquête contre lui piétine, puis quelques mois plus tard par son neveu dans un contexte qui permet de faire revenir Picquart en scène au moment précis où les dreyfusards en ont besoin. J'ai sorti tous ces faits de l'ombre. J'ai analysé des points cruciaux comme la façon dont Mathieu Dreyfus a eu connaissance du dossier secret : ce qu'on nous raconte ne tient pas, et l'officier qui a remis ledit dossier au conseil de guerre était Picquart...
    Il faut savoir que les dreyfusards ont entouré leur propre histoire d'un mur de silence, voire de mensonges justifiés â l'époque pour des militants, mais qu'il est sidérant de voir pieusement respectés par de prétendus historiens (visions d'une voyante, vertu intransigeante de la famille réputée s'être abstenue de tout contact avec l'Allemagne, avec Scheurer - ce qui est faux, etc.) C'est en grattant cette croûte maintenant séculaire que j'ai dressé une liste de questions auxquelles une réponse cohérente est la duplicité d’Esterhazy au profit de Dreyfus.
    LES ENJEUX
    Ce qui pourrait n'être qu'une passionnante énigme policière sortie du passé est une histoire lourde d'implications politiques. Dreyfus, hypothétique victime d'une erreur judiciaire comme il y en a eu cent, est un personnage falot qui s'efface derrière sa cause. Aujourd'hui comme hier, on se s'engage pas pour ou contre Dreyfus, mais pour ou contre l'armée, pour ou contre l'ordre moral, pour ou contre les droits de l'individu, etc. Ce sont les dreyfusards qui ont placé l'affaire sur ce terrain idéologique, de façon irréversible à partir de « J'accuse ». Et les nationalistes se sont rués joyeusement dans la bataille. Avec le recul, on ne peut que regretter que de belles intelligences comme Maurras, Brunetière, Barrès aient accepté les enjeux dans les termes imposés par les dreyfusards : ou Dreyfus est coupable et l'autorité de l'Etat est intacte ; ou Dreyfus est innocent et l'armée, donc le sentiment patriotique, est intrinsèquement coupable. C'était prendre un risque énorme sur un cas individuel - alors qu'aucun d'entre eux ne connaissait le dossier !
    Et cette attitude se crispe encore à la découverte du faux Henry. En 1898, il apparaît que le colonel Henry a introduit, en 1896, un faux document accablant Dreyfus dans un dossier décidément trop maigre. Au lieu d'une saine prudence politique, les nationaux se jettent à corps perdu dans la défense du faussaire... Tous en rang par deux derrière l'armée - qui accumule les maladresses ! Cette défense inconditionnelle a bloqué les esprits sur la culpabilité de Dreyfus, argument de foi (tout comme son innocence en est devenu un) les empêchant d'aller voir sérieusement du côté d’Esterhazy. Le meilleur livre antidreyfusards, Précis de l'affaire Dreyfus de Dutrait-Crozon, est symptomatique : puisque Dreyfus est coupable, Esterhazy est un homme de paille, inutile de chercher à le prouver. C'est l'inverse qu'il aurait fallu faire ! C'est la seule solution que je peux proposer.
    Les dreyfusards, largement minoritaires au début, ont peu à peu réuni toutes les forces anticonservatrices. À partir de J'accuse, qualifié par Jules Guesde de « plus grand acte révolutionnaire du siècle », tout ce qui est antimilitariste et anticlérical se rallie à la cause de Dreyfus dont les potentialités apparaissent énormes : ce n'est plus d'une éventuelle erreur judiciaire qu'il est question, c'est la perversité des valeurs traditionnelles qui est en cause. Peu à peu, francs-maçons, opportunistes, socialistes vont se lancer dans la bataille, les derniers devant renoncer à l'antisémitisme, jusqu'alors autant « de gauche » que « de droite » ; mais l'innocente victime est un juif... cela exige quelques sacrifices. Les dreyfusards leur livrent clef en main une machine à détruire le prestige de l'armée (pourtant si républicaine...), donc du patriotisme, donc du clergé catholique, donc de cette vieille France qui croyait encore aux valeurs éternelles. Ils prennent, ils jouent et ils gagnent. Les gouvernements Waldeck-Rousseau, Combes sont directement issus de l'affaire. Les forces nationales sont réduites à la défensive, désormais en position d'accusés. Et pour longtemps.
    CASSER LE MYTHE
    L'Affaire Dreyfus a ficelé le nationalisme français dans le rôle du méchant, en grande partie par manque d'esprit critique. Je pense donc qu'il ne faut pas nous enferrer dans une défense à contretemps des positions antidreyfusardes, largement assises sur une méconnaissance du dossier et une confiance aveugle en des militaires qui ne la méritaient pas toujours. En revanche, il reste nécessaire de dénoncer la propagande dreyfusarde, de montrer que la belle histoire qu'on nous raconte est fondée sur des mensonges et des silences inacceptables. Casser le mythe, réclamer un vrai travail d'historien. Révisionnisme, encore et toujours...
    Monique DELCROIX. Ecrits de Paris novembre 2010
    *Dreyfus-Esterhazy, Réfutation de la vulgate, 2e édition 2010. 464 pages avec bibliographie et index, 25 € ou 29 € port compris. Editions Akribéia, 45/3 route de Vourles, F-69230 Saint-Genis-Laval.