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culture et histoire - Page 1891

  • Bleiburg, démocide yougoslave

    Le 23 mai 1945, le Times de Londres publiait une lettre d'un soldat de retour de Yougoslavie : « Pendant la guerre contre l'Allemagne, disait le jeune homme, nous avons choisi d'attribuer toutes les qualités à ceux qui luttaient avec nous et de cacher leurs crimes. Aujourd'hui, il n'y a plus aucune raison valable pour continuer de se taire. »
    Fort louable, ce désir de vérité est, hélas, resté sans lendemain. L'heure n'était pas à l'objectivité. Abreuvé de récits épiques sur la Résistance et saturé d'informations horrifiques sur l'Holocauste et les turpitudes forcément odieuses de l'armée allemande, le grand public a donc continué d'ignorer des pans entiers de l'histoire de la IIe Guerre mondiale. Notamment ce qui concerne les aspects les plus contestables de l'action des Alliés. Au premier rang de ces grands "oublis" figure par exemple la livraison aux Partisans de Tito de plusieurs centaines de milliers d'anticommunistes Slovènes, croates, serbes et monténégrins, réfugiés autour du village de Bleiburg.
    LES PRÉMISSES
    Incluse contre son gré dans la Yougoslavie, en 1918, la Croatie mit à profit l'invasion allemande de 1941 pour proclamer son indépendance (le 10 avril) et confier le pouvoir à Ante Pavelic, le chef des Oustachis. Confronté à une guerre impitoyable, menée contre lui par des guérillas monarchiste (Tchetniks) et communiste (Partisans), ce dernier se trouva contraint à une alliance avec l'Italie et l'Allemagne. Une situation lourde de conséquences pour son peuple et son État. En effet, quoique très modestement associée à l'effort de guerre de l'Axe, la Croatie avait tout de même signé divers traités qui faisaient d'elle, au moins sur le papier, l'adversaire des Alliés. En 1944, lorsque le conflit prit un tour définitivement défavorable pour le Reich, le gouvernement croate, désireux de sauver l'essentiel, envisagea un renversement d'alliance. Fortes du fait que leurs troupes n'avaient jamais affronté les armées occidentales, et encouragées par divers contacts avec la diplomatie anglo-saxonne, les autorités oustachies entrèrent en relation avec les Alliés pour les convaincre de débarquer en Dalmatie. Malgré les avis favorables du général Wilson, du général Eaker et du roi Georges VI, elles se heurtèrent cependant à une fin de non-recevoir. Dénoncés aux Allemands - probablement par les Soviétiques -, les "comploteurs" furent arrêtés et plusieurs d'entre eux fusillés.
    Le 20 octobre, lorsque les communistes entrent à Belgrade, le territoire croate est encore largement sous le contrôle de l'armée nationale. Toutefois, l'encerclement menace suite à l’invasion de l'Italie et de la Hongrie. Face à une situation qui empire et compte tenu des menaces du général communiste Arso Jovanovic (« Si Zagreb résiste, notre Armée de libération et nos forces aériennes réduiront la ville en cendres »),le gouvernement doit donc se résoudre à ordonner le repli général (1er mai). Les suppliques de Mgr Stepinac, archevêque de Zagreb, et du Vatican étant restées sans réponse, les autorités tentent encore une ultime démarche : deux groupes quittent Zagreb le 4 mai dans le but de convaincre les Anglo-Saxons d'occuper immédiatement le pays. La première mission, composée des aviateurs alliés Edward J. Benkosky, Rodney Woods et John Gray, et porteuse d'un mémorandum signé par 19 ministres, ne dépassera pas Zadar où l'avion est intercepté et son pilote fusillé par les Partisans. La seconde mission, composée du ministre Vjekoslav Vrancic et du capitaine de vaisseau Andro Vrkljan, est interceptée le 11 mai à Forli : le message n'atteindra jamais le QG allié !
    INTER ARMA SILENT LEGES
    Pour bien comprendre toute l'absurdité criminelle de Bleiburg, il faut garder en mémoire les prescriptions des Conventions de La Haye et de Genève, documents signés le 20 janvier 1943 par l'État Indépendant Croate. L'un des premiers articles précise que les prisonniers doivent être traités avec humanité et défendus contre les violences, les insultes et la « curiosité publique ». Un autre ajoute que les prisonniers de guerre possèdent des droits concernant leur personne et leur honneur. Un troisième, enfin, fait obligation de garder les prisonniers loin des zones de combat...
    La tragédie proprement dite commence le 6 mai 1945. Plusieurs colonnes, soit près de 600 000 personnes (certains parlent même d'un million), partent vers l'Autriche, dans l'espoir de se rendre aux avant-gardes du maréchal Alexander. Aux 17 divisions de l'armée croate, qu'accompagnent des supplétifs et des dizaines de milliers de civils, se mêlent des Tchetniks serbes, quelques Albanais et au moins 15 000 combattants monténégrins que suivent 20 000 civils. Au fil des jours, cette énorme masse se grossira encore de réfugiés Slovènes, de Hongrois, de Cosaques et de soldats allemands. Malgré les barrages, ce sont au moins 250 000 soldats et autant de civils qui réussiront à se mettre temporairement à l'abri en Carinthie, autour du village de Bleiburg.
    Comme on s'en doute, la progression depuis Zagreb n'a pas été facile. Le 7 mai, un comité composé du colonel Crljen et des généraux Herencic, Stancer, Servatzy et Metikos a pris le commandement de l'exode : direction Celje puis Dravograd ou Maribor en Slovénie. À l'ouest, une autre colonne regroupe, aux ordres du général Franc Krener, environ 12 000 miliciens et 6 000 civils Slovènes qui entreront en Autriche le 10 mai pour se rendre aux Britanniques à Viktring.
    Pour les Croates, l'unique issue est Dravograd où un premier détachement est remis, le 9 mai, aux Yougoslaves ; sauvés par des soldats bulgares qui les protègent des Partisans, la plupart de ces prisonniers arriveront sains et saufs à Rijeka. Lorsque le gros de la colonne se présente à son tour, les points de passage sont verrouillés par plusieurs brigades titistes que les troupes croates vont bousculer, les 12 et 13 mai, avant de pouvoir franchir la frontière. Dans le même temps, un autre contingent croate (369e division de la Wehrmacht) a lui aussi gagné les lignes britanniques en compagnie de quelques unités allemandes du général Löhr.
    Le 14 mai, le commandement croate adresse une offre de reddition (signée par le général Herencic, le colonel Crljen et l'ambassadeur monténégrin Krivokapic) au général Patrick D. Scott qui la rejette. Le lendemain, les Croates rencontrent les Britanniques et une délégation titiste dont le chef, Milan Basta, énonce ses conditions : une capitulation immédiate et l'application des lois de la guerre ou l'assaut conjoint de l'Armée Yougoslave et des forces alliées ! Face à cet ultimatum, les Croates tentent encore une démarche auprès des Britanniques mais ces derniers refusent de recevoir les plénipotentiaires. Faute d'alternative, la capitulation est donc signée le même jour, à 16 heures, et aussitôt annoncée aux réfugiés dont quelques centaines parviennent alors à s'enfuir.
    LA BOUCHERIE
    Le principe de l'extradition étant acquis, les Britanniques font croire aux prisonniers qu'ils seront évacués vers l'Italie et c'est donc pratiquement sans heurts que, de Klagenfurt, Krumpendorf, Rosseg, Ferlach, Toschling, Viktring et Wolfsberg, plusieurs trains gagnent la Yougoslavie où la tuerie débute aussitôt, sous les yeux mêmes des officiers anglais. Beaucoup de soldats britanniques, il faut le dire, estiment que l'opération contrevient aux règles de l'honneur. Le colonel Robin Rose-Price y voit l'illustration de « la plus sinistre duplicité » ; le romancier Nigel Nicolson, alors jeune officier, parle de « l'une des missions les plus honteuses jamais confiées à des soldats britanniques » et quant au futur ministre Tony Crosland, il évoquera plus tard « l'opération de guerre la plus répugnante » à laquelle il lui fut jamais donné de prendre part...
    À Maribor, les captifs sont regroupés dans trois camps puis transférés vers l'aérodrome de Tezno et froidement exécutés. Il y aura autour de ce site entre 60 000 et 70 000 victimes. À Ljubljana, capitale de la Slovénie, les prisonniers - civils et militaires - sont d'abord dirigés sur le camp de Sentvid ; affamés et brutalisés, ils sont ensuite divisés en petits groupes et entravés, avant d'être acheminés vers Tosko Celo, Topolo, Sveta Katarina, Sveta Marijeta, Skofja Loka et Podutik pour y être abattus ou précipités dans des gouffres. On parle de 25 000 morts. Les détenus monténégrins, eux, sont conduits à Kamnik où les hommes de la IIIe division procèdent à leur élimination. L'opération prend une ampleur exceptionnelle et en quelques semaines, la Styrie, la Carinthie et la Carniole autrichiennes se couvrent de charniers. Près de Slovenj Gradec, Velenje et Celje, ce sont encore d'autres tueries. Dans ce secteur, des exécutions massives ont lieu à Huda Luknja (Mislinje), Teharje, Huda Jama (Barbarin Rov), dans les bois de Bezigrad, près du château de Majdic, dans les mines désaffectées de Lasko, de Trbovlje ou de Hrastnik (7 000 victimes). D'autres encore se déroulent à Ratece, Sevnica, Brestanica, Ljubecna, Zasret, Rogaska Slatina, Slovenska Bistrica, près de Prevalje et entre Krsko et Kostanjevica. Là encore, les bourreaux sont bien identifiés : ils proviennent en majorité des 2e et 3e bataillons de la 7e brigade, une unité d'élite de la Xe division, mais aussi de la division slovène de Toni Anton Ricek. À Koceyje, et plus précisément au lieu-dit Kocevski Rog, ce sont 30 à 35 000 personnes qui sont tuées en quelques jours. Amenées de Sentvid, de Jesenice ou de Kranj, elles sont abattues au revolver et à la mitrailleuse ou simplement emmurées dans des grottes. Le grand coordonnateur du massacre est le major Simo Dubajic qu'assistent plusieurs détachements de la 11e brigade de la XXVIe division.
    La Slovénie se remplit à tel point de cadavres qu'en juin 1945, les communistes devront faire draguer certaines rivières qui alimentent Ljubljana en eau potable. On évalue les pertes sur la frontière à 200 000 ou 300 000 morts : proposée par l'Institut Croate Latino-Américain de Culture et le Committee for Investigation of the Bleiburg Tragedy (Cleveland), cette estimation paraît plausible. Pendant des années, les paysans locaux virent surgir dans leurs champs des restes humains que la chaleur gonflait et ramenait à la surface. Ce crime est à tous égards injustifiable mais cela n'empêchera pas l'écrivain communiste Milovan Djilas, un Monténégrin, d'affirmer non sans cynisme qu'« il était nécessaire pour que vive la Yougoslavie »...
    Pendant que l'on torture et que l'on tue en Slovénie, l'ancien État Indépendant Croate est lui aussi soumis à une épuration impitoyable (en 2009 et pour la seule République de Croatie, on dénombrait 830 sites de charnier...)
    À Zagreb où règne Rade Zigic, la purge est si massive qu'au moins 80 000 habitants sont arrêtés par la nouvelle police politique, la redoutable OZNA. D'abord "interrogés" dans des commissariats spéciaux, beaucoup de ces malheureux sont ensuite parqués dans une dizaine de camps de fortune, avant de finir, sans autre forme de procès, dans des fosses communes hâtivement creusées autour de la capitale. Sur l'ordre de Djoko Jovanic, chef de la VIe division prolétarienne, et de son acolyte Aleksandar Koharevic, les 4 800 blessés "ennemis" des onze hôpitaux de la capitale sont tous assassinés. Certains sont achevés à coups de marteau mais la plupart seront tout simplement jetés dans le gouffre de Jazovka. Cette terreur frappe aveuglément comme suffit à le démontrer l'exécution, sur la route de Kravarsko, des 60 élèves, âgées de 16 à 20 ans, d'un pensionnat de jeunes filles ! Le reste de la Croatie n'est pas épargné et les camps y poussent par dizaines. Les plus mortifères se situent à Vojnic, Bjelovar, Koprivnica ("Danica"), Zeleno Polje, Samobor, Krapina, Karlovac ("Dubovac"), Cemernica, Mirkovec, Oroslayje, Viktorovac et Djurmanec. Autour de ces lieux, la campagne se parsème de charniers. Avens, puits, vieux tunnels, galeries de mines et carrières abandonnées se remplissent de corps. Près de Harmica, au nord de Zagreb, 4 500 cadavres sont ensevelis, à Gornji Hrascani 1 700, à Slatinski Drenovac 1 600 et à Klinca Sela 1 500 autres ; près de Krapina, sur le site boisé de Macelj, ce sont 13 000 à 17 000 prisonniers qui passent de vie à trépas, tandis qu'en forêt de Luzanjak, ce sont 1 800 personnes qu'on assassine ; à Cazma, les victimes seraient près de 2 500 (dont 1 000 lycéens), à Zvecevo, elles seraient au moins 4 000 et à Jazovka, aux alentours de 20 000 !
    Provinces emblématiques de l'État croate, la Bosnie et l'Herzégovine paient également un lourd tribut. La répression y est féroce et c'est par milliers que les vainqueurs y suppriment catholiques et musulmans. Les exécutions de masse s'y succèdent nuit et jour, à Bosanski Brod, Drvar (Ticevo), Han Pijesak, Zenica, Butmir, Kasin-dol, Pecigrad, Prnjavor et aux grottes de Vardusa (7 000 victimes). Même les enfants n'échappent pas à cette folie, comme en témoigne l'assassinat de 5 000 d'entre eux à la sucrerie d'Usora, près de Doboj.
    LES MARCHES DE LA MORT
    La Croatie conquise mais non soumise, les communistes veulent encore l'impressionner pour longtemps, et dans ce but, ils organisent les tristement célèbres « marches de la mort ». Au moins 200 000 Croates périront dans ces funestes colonnes qui traversent à pied la Yougoslavie. Les routes les plus connues vont de Bleiburg à Bêla Crkva ou Kovin, de Jesenice à Zagreb ou Rijeka, de Zagreb à Gornji Podgradci ; plusieurs mènent les captifs au fin fond de la Serbie, à Vrsac, Pancevo, à la prison belgradoise de Glavnjaca, voire même jusqu'en Hongrie (Szeged), en Voïvodine ou en Macédoine (Djevdjelije). Régulièrement battus, affamés, souvent privés d'eau et cheminant pour beaucoup pieds nus, les prisonniers sont encore contraints de traverser des villages serbes où la population les agresse. Au bout de ce chemin de croix, beaucoup de ceux qui ont survécu sont purement et simplement liquidés - comme à Nasice, ou Backi Jarci, en Voïvodine - ou internés dans des camps dont l'horreur, si l'on en croit la Croix-Rouge, n'a rien à envier à celle du Goulag soviétique.
    RESPONSABILITÉS MILITAIRES
    Si l'on additionne les victimes croates de Slovénie, celles des épurations locales, celles des camps et celles des « marches de la mort », le total avoisine probablement les 600 000. Près de 30 fois Katyn !
    Ce democide, il faut le savoir, n'a pas été le fait d'individus incontrôlés, mais bien le fruit d'une politique délibérée. On a parlé d'un ordre formel de Tito et on a remarqué la parfaite organisation technique des bourreaux. Ces derniers sont bien connus et leurs carrières respectives n'ont pas eu à en souffrir : la plupart d'entre eux ont été promus beaucoup ont même reçu le prestigieux titre de « héros national ». Le gouvernement yougoslave n'a d'ailleurs jamais nié les faits ni tenté de se disculper : les Partisans impliqués ont été félicités et, en juillet 1948, Tito se vantait encore d'avoir « liquidé environ 200 000 soldats ennemis et autant de prisonniers ».
    Du côté britannique, la question des responsabilités peut également être posée. Elle l'a d'ailleurs été, dès 1946 et sans grand succès, par le Dr Harold Buxton, évêque anglican de Gibraltar, et par le député Douglas Savory. En 1975, certains documents confidentiels - archives du Foreign Office et carnets des forces britanniques en Autriche - ont été mis à la disposition des chercheurs : il ressort de leur examen que, sur le terrain, les responsables effectifs du rapatriement furent les généraux Patrick D. Scott, Horatius Murray, Charles F. Keightley et Toby A. Low. Ceci est malheureusement insuffisant : sauf à penser que la livraison des Croates fut le résultat d'une connivence ponctuelle, il faut ensuite chercher plus haut car, quel que fût leur rang, ces officiers n'étaient tout de même que des exécutants. De nombreux documents traduisent la volonté du haut commandement de se débarrasser des Croates, mais il reste très difficile d'identifier formellement les donneurs d'ordres. Au-dessus des généraux, il y avait le SACMED ou Commandement Suprême Allié en Méditerranée, à la tête duquel se trouvait le maréchal Harold Alexander. Très hostile à la livraison de prisonniers aux communistes, beaucoup prétendent qu'il ignorait ce qui se déroulait à Bleiburg, ce que contredisent plusieurs pièces. Le 14 mai, par exemple, son bras droit, le général Brian Robertson, envoie des directives à la VIIIe Armée pour que « tous les prisonniers dont la nationalité yougoslave est démontrée et qui prêtaient service dans les forces allemandes soient désarmés et remis aux forces yougoslaves ». Il est peu probable que cet officier supérieur ait pris une décision aussi capitale sans en référer. Le 15 mai, le SACMED adresse à son antenne de Belgrade le télégramme suivant : « Le commandement des troupes alliées en Autriche signale qu'environ 200 000 citoyens yougoslaves qui servaient dans l'armée allemande (sic) se sont rendus à lui. Nous voulons les remettre immédiatement aux forces du maréchal Tito, et souhaitons que ce dernier donne des ordres à ses commandants pour qu'ils conviennent avec le chef du Ve Corps d'Armée du rythme ainsi que du lieu de la livraison... » Le 16 mai, le vice-maréchal Arthur S.G. Lee transmet la proposition à Tito, et le 17, le général Ljubodrag Djuric répond par lettre que « le Maréchal approuve entièrement l'offre du maréchal Alexander » et que « les 200 000 prisonniers seront pris en charge par la IIIe Armée qui a reçu des instructions ».
    Cette décision anglaise restera secrète jusqu'au 31 juillet 1945, date à laquelle le général W.D. Morgan, chef d'état-major du SACMED, admet dans un courrier officiel que « vu la situation existant en Autriche, [les prisonniers] ont été remis aux forces militaires yougoslaves au cours d'opérations menées conjointement par les armées britannique et yougoslave, et conformément aux ordres émanant de ce Quartier Général ». Voilà qui tend donc bien à confirmer l'implication du maréchal Alexander, même s'il existe, par ailleurs, un ordre de ce dernier (en date du 4 juin, c'est-à-dire quand tout est fini) interdisant la poursuite des rapatriements forcés !
    RESPONSABILITÉS CIVILES
    Compte tenu de ce que l'on sait de la machine de guerre alliée, il est impossible de ne pas évoquer aussi le rôle du pouvoir civil. Là encore, force est de constater que les Britanniques furent bien les seuls ordonnateurs de la tragédie. On sait qu'en avril 1945, l'ambassadeur à Belgrade, Ralph Skrine Stevenson, et Sir Orme Sargent envisageaient de désarmer et d'interner les Croates, tandis que Churchill projetait même de s'en servir pour interdire Trieste aux communistes. Début mai, toutefois, leur attitude évolue en faveur d'un accord avec Tito, ce qui suscite l'opposition immédiate de l'ambassadeur américain à Caserte, Alexander C. Kirk, qui alerte Washington. Le 2 mai, le secrétaire d'État Joseph C. Grew déclare que les USA s'en tiennent au désarmement et à l'internement des prisonniers. Cette position ne variera pas et lorsque Kirk avertit Washington, le 14 mai, que Caserte a donné l'ordre de livrer les Croates, les autorités US font connaître leur refus. Ignorant que le rapatriement s'est d'ores et déjà effectué (ils ne le découvriront que le 4 août), les USA proposent même, le 19 mai, de contribuer matériellement à l'entretien et au ravitaillement des captifs.
    Même à Londres, il semble que certaines autorités aient été tenues à l'écart. Ainsi, le 29 mai, sir Alan Brooke, chef de l'état-major impérial, recommande-t-il de ne pas livrer les Croates car « les Américains pourraient ne pas approuver une telle mesure ». Pourtant, un homme au moins a dû être au courant, et cet homme, c'est Harold Macmillan, le ministre-résident qui supervisait le SACMED. Interrogé en 1984 - il fêtait ses 90 ans -, l'ancien Premier ministre a prétendu ne plus se souvenir... Reste qu'il paraît peu vraisemblable que les généraux aient agi à son insu et sans son aval. Reste également qu'il a effectué, le 13 mai 1945, une mystérieuse visite au QG du Ve Corps d'Armée, celui-là même qui avait sous sa garde les réfugiés croates... Ne venait-il pas régler les derniers détails de l'extradition ? Et n'avait-il pas troqué celle-ci contre l'évacuation de la Carinthie par les Partisans ou contre certaines garanties sur l'avenir de Trieste ?
    Au-dessus de Macmillan, il y avait encore Anthony Eden, futur indéboulonnable ministre britannique des Affaires étrangères que rien de concret ne permet jusqu'à présent de mettre en cause, mais dont il est néanmoins permis de supposer qu'il était au fait du problème. Vu la position très soviétophile qu'il avait adoptée vis-à-vis de la question des prisonniers russes, il n'est pas exclu de penser que de futures investigations puissent conduire un jour à voir en lui LE grand instigateur de la tragédie...
    LA JUSTICE TARDE
    65 ans après la tragédie, la sinistre affaire de Bleiburg refait surface. Partout, des cavités sont fouillées, des charniers sont ouverts, des ossements sont exhumés et expertisés. Les émigrés n'avaient donc pas menti : les preuves sont là, accablantes. En Croatie, les réactions sont toutefois mitigées. Envers et contre tout, il est encore des gens pour nier le crime, le minimiser ou même le justifier - « après tout, ils l'avaient bien mérité puisque c'étaient des Oustachis » - et quelques politiciens pour conseiller aux Croates de ne pas s'indigner trop fort. C'est que beaucoup de partenaires de la Croatie se réclament encore de l'antifascisme et à voir les Croates s'apitoyer trop ostensiblement sur les victimes de Bleiburg, ils pourraient en conclure que la Croatie n'adhère pas aux mêmes valeurs... Cette discrétion caractérise aussi une certaine élite où les rejetons d'anciens apparatchiks sont légion. Il n'est pas très plaisant, on le conçoit, de voir son nom associé à un bain de sang. Sans parler de quelques vieux "héros" qui ont carrément peur de finir leurs jours en prison. Quant au Royaume-Uni, il n'éprouve aucun remords particulier et n'envisage aucunement d'exprimer le moindre regret...
    De toute évidence, Bleiburg demeure un sujet sensible. Les investigations ne progressent que fort lentement et c'est avec une grande circonspection que l'on désigne parfois quelques bourreaux auxquels les tribunaux n'ont pas l'air très pressé, de demander des comptes. Il paraît pourtant légitime que les Croates sachent enfin où, quand, comment, pourquoi et par qui, leurs parents furent assassinés. Six cent mille morts, ce n'est tout de même pas rien ! À titre de comparaison, c'est plus que l'ensemble des pertes, civiles et militaires, de la France ou de la Grande-Bretagne durant toute la IIe Guerre mondiale ! Crime contre l'humanité, cette tuerie est imprescriptible et ses auteurs doivent être jugés. « Le glaive de la justice n'a pas de fourreau », affirmait en son temps le bon Joseph de Maistre. Voici l'occasion de le prouver.
    Christophe Dolbeau Écrits de Paris
    Esquisse d’un bilan
    La tragédie de Bleiburg n'a pas concerné que les Croates ; ont également disparu des Slovènes (20 000), des Monténégrins (10 000), des Serbes (5 000 à 10 000), des Italiens et des Allemands. En Istrie, on évalue à (au moins) 20 000 le nombre des Italiens jetés morts ou vifs dans des gouffres (les foibe), tandis qu'à Zadar, ce sont 900 membres de cette communauté qui seront noyés par les Partisans. Du côté allemand, les pertes s'élèvent au moins à 120 000 personnes dont beaucoup périrent dans les camps de Josipovac, Valpovo, Velika Pisanica, Rudolfsgnad, Krndija, Sipovac, Pusta Podunavlje et Tenja.
    Le nombre des victimes de Bleiburg est sujet à de multiples controverses. Spécialiste de renommée internationale, John Prcela avance le chiffre de 600 000, proche des estimations du général Herencic et du colonel Crljen ; Mate Simundi opte pour une fourchette de 245 000 à 295 000, Zeljko Kruselj avance le chiffre de 150 000, tandis que Vladimir Zerjavic parle, quant à lui, de 45 000 à 55 000 morts. L'ancien ministre et partisan Milovan Djilas cite le chiffre de 15 000, Juraj Hrzenjak parle de 12 000 à 15 000 et l'ancien général communiste Petar Brajovic descend jusqu'au chiffre négationniste de... 16 !

  • [Paris] Samedi 23 septembre 2013 : Premières Assises de la Résistance chrétienne

    Premières Assises de la Résistance chrétienne Samedi 23 mars de 19h30 à 22h30

    Forum de Grenelle, Paris XVème

    Face à une société fière de se dire post-chrétienne, nous voulons affirmer la valeur imprescriptible de la civilisation chrétienne, civilisation de l’amour fondée sur une foi intrépide, sur le sens du service, de la responsabilité personnelle et de l’entreprise, sur la famille comme institution et pas comme option…

    Aujourd’hui les problèmes politiques sont tellement radicaux qu’ils deviennent des problèmes spirituels.

    Nous touchons à la vérité elle-même, foi athée contre foi chrétienne.

    Programme :

    19H20 : Ouverture des portes

    19H40-20H20 :
    - Entre 2012 et 2013 : Pourquoi notre monde a changé. Jeanne Smits, Gabrielle Cluzel, Guillaume de Thieulloy et Abbé G. de Tanoüarn

    20H20 – 20h50 :
    - Le pape au cœur de la résistance mondiale. Laurent Dandrieu (Valeurs actuelles), Christophe Dickès (Monde et Vie) et Philippe Maxence (L’Homme nouveau)

    20h50 – 21h15 : Pause

    21H15 –22 H15 :
    - Les moyens de la Résistance
    - La presse libre : Bruno Larebière, communicant
    - Internet : Les prodiges de la Toile avec Michel Janva (Salon beige), Daniel Hamiche (Riposte catholique) et Eric Martin (Nouvelles de France)
    - Le droit : Un combat, Bernard Antony, président de l’AGRIF
    - La guerre est culturelle, Guillaume Bernard, politologue
    - Comment le combat est « politique d’abord », Catherine Rouvier, politologue

    22h15 : Buffet, ventes, dédicaces.

    Pour en savoir plus, rendez-vous sur notre site internet

    ou appelez le 07 62 07 26 41

    Forum de Grenelle, 5 rue de la Croix-Nivert, 75015 Paris - Métro Cambronne

    Tarif plein : 10 € - Tarif réduit : 5€

    http://www.actionfrancaise.net

  • Le vrai visage de la LICRA et de l'antiracisme en France

  • Buchanan, Gramsci et la triple dégénérescence des sociétés occidentales

    Pat Buchanan parle toujours très bien du suicide américain, codirigé par les libéraux et les néoconservateurs : faire des guerres ruineuses pour satisfaire quelques commanditaires ; remplacer la population de l’Amérique par l’immigration de couleur (j’en ai décrit les effets en Californie, depuis en faillite, pour ne pas parler du reste) et détruire l’appareil industriel, ce qui fut fait comme pour nous, à partir des années 90, avec les signatures incessantes des traités de libre-échange. Le tournant ici fut le NAFTA avec le très illuminé père Bush puis Clinton aux commandes. Une explication ? On sait que les politiques américains vont vite se recycler dans les entreprises qu’ils ont arrangées, eux ou à leur suite les commissaires européens ; on sait aussi que les fonctionnaires européens se servent la soupe les premiers et que dans l’indifférence générale ils prennent leur retraite à cinquante ans (on peut aussi toucher cinq mille euros mensuels à vie après cinq ans de commissariat...). La "presse sérieuse", appartenant à trois ou quatre grands groupes sert la soupe, en discréditant toute alternative ou en étouffant tout foyer de résistance. La liquidation de la population, la liquidation de l’industrie et les guerres à outrance sur commande sont donc les trois piliers du système actuel, que l’on vote pour la droite ou pour la gauche, et ce quelle que soit la "démocratie". Comme disait l’autre, qui diable peut bien gouverner en démocratie ? Je jure que je le demanderai à Chesterton après cette vie-même.

    Pour me consoler, j’ai téléchargé sur le web québécois, beaucoup plus achalandé que le français, quelques oeuvres de Gramsci, fameux théoricien marxiste devenu une icône dans les milieux nationalistes et néo-droitiers au cours des années 70 et 80. Il est très inégal, mais voici ce qu’il dit et écrit en 1920, que je trouve bien sûr très actuel :

    « Le capitaine d’industrie est devenu chevalier d’industrie, il se niche dans les banques, dans les salons, dans les couloirs des ministères et des parlements, dans les bourses. Le propriétaire du capital est devenu une branche morte de la production. »

    Comme on était alors lucide à gauche !

    Gramsci voit donc le problème de la désindustrialisation apparaître, le règne de la finance arriver avec les coups en bourse. Voyez 2013. Il n’y a plus d’usines en Amérique mais Wall Street n’a jamais été si élevé, avec un Dow Jones à 14.000, cherchez pourquoi ! Nos amis Bill Bonner et Pat Buchanan expliquent bien pourquoi : on a siphonné la richesse américaine comme on siphonne maintenant la richesse européenne, sauf peut-être l’allemande plus maligne et surtout familiale (j’allude aux dynasties industrielles comme les Piech, les Porsche ou les Quandt). A Londres et Bruxelles en tout cas la politique et la finance se disputent comme à New York le cadavre de l’industrie.

    Gramsci, dans un bon clin d’oeil aux libertariens de tout poil, voit aussi l’intrusion de l’Etat se produire et produire une dégénérescence systémique. La part de prélèvement est passé je le rappelle de 8 à 20 % en France entre 1914 et 1920. L’Etat intervient partout et va créer des générations maudites, pardon des générations perdues de gens oisifs. C’est la société du docteur Mabuse ou bien d’Henry Miller.

    « L’Etat devient ainsi l’unique propriétaire de l’instrument de travail, il assume toutes les fonctions traditionnelles de l’entrepreneur, il devient la machine impersonnelle qui achète et distribue les matières premières, qui impose un plan de production, qui achète les produits et les distribue : l’Etat bourgeois, celui des bureaucrates incompétents et inamovibles ; l’Etat des politiciens, des aventuriers, des coquins. Conséquences : accroissement de la force armée policière, accroissement chaotique de la bureaucratie incompétente, tentative pour absorber tous les mécontents de la petite-bourgeoisie avide d’oisiveté, et création à cet effet d’organismes parasitaires à l’infini. »

    Ce ne serait pas les bobos, cette petite-bourgeoisie avide d’oisiveté ?

    Gramsci décrit très bien la dégénérescence systémique aussi dans les lignes qui suivent. Le nombre de fonctionnaires avait décuplé en France en un siècle (l’observation avait déjà été faite par Marx dans son "Dix-huit Brumaire") :

    « Le nombre des non-producteurs augmente de façon malsaine, dépasse toute limite tolérable pour le potentiel de l’appareil productif. On travaille et on ne produit pas, on travaille durement et la production ne cesse de décroître. C’est qu’il s’est formé un gouffre béant, un gosier immense qui engloutit et anéantit le travail, anéantit la productivité.

    Les heures non payées du travail ouvrier ne servent plus à augmenter la richesse des capitalistes : elles servent à nourrir l’avidité de l’énorme multitude des agents, des fonctionnaires, des oisifs, elles servent à nourrir ceux qui travaillent directement pour cette foule de parasites inutiles. »

    La dette, l’industrie de la dette alimente les inactifs, les fonctionnaires et surtout les pseudo-actifs, ceux que l’on a nommé les manipulateurs de symboles, les joueurs de poker (new dealers) qui détruisent la richesse en prétendant la redistribuer ou bien la faire circuler. Bill Bonner explique aussi très bien que ce sont les politiques et avocats régulateurs qui ont crée la folle ploutocratie actuelle en Amérique : l’euphorie boursière profite à vingt mille gros actionnaires, alors que le niveau de vie général a bien sûr baissé depuis Nixon. Bonner estime que Bernanke l’a fait sciemment, comme Gramsci qui voit la collusion des financiers et politiques.

    Après bien sûr, la dette, les bons pourris, les notes des agences de notation, et la Grèce à l’encan, ainsi que tout le bataclan !

    « Et personne n’est responsable, personne ne peut être frappé : toujours, partout, l’Etat bourgeois avec sa force armée, l’Etat bourgeois qui est devenu le gérant de l’instrument de travail qui se décompose, qui tombe en morceaux, qui est hypothéqué et sera vendu à l’encan sur le marché international des ferrailles dégradées et inutiles... »

    Il ne faut donc plus s’affoler car ce ne sont pas les partis politiques fonctionnarisés et financés par l’électeur contribuable qui nous sortiront de l’ornière. Si la situation était aussi cauchemardesque en 1920 et qu’elle l’est toujours autant aujourd’hui, c’est que Joyce avait raison : l’histoire est un cauchemar dont il faut tenter de se réveiller.

    En lisant l’Evangile, peut-être ?

    Et il trouva dans le temple les vendeurs de boeufs et de brebis et de colombes, et les changeurs qui y étaient assis.

    Et ayant fait un fouet de cordes, il les chassa tous hors du temple, et les brebis et les boeufs ; et il répandit la monnaie des changeurs et renversa les tables.

    Nicolas Bonnal http://www.france-courtoise.info

    Gramsci, "l’Instrument de travail"
  • 12 septembre 1683 : Victoire sur les Turcs

    Vienne fut par deux fois un bastion décisif de la résistance aux invasions turques. D'abord en 1529, quand le sultan Soliman 1er, après avoir pris Belgrade (1521), Rhodes (1522), Buda (1526), la Bosnie, la Croatie, la Slavonie et la Dalmatie (1527), crut le moment venu de frapper au cœur l'Autriche en s'emparant de Vienne. Il misait sur la terreur provoquée par les atrocités commises par ses troupes pour éroder l'esprit de résistance des Viennois. Face aux 100 000 hommes et aux 500 pièces d'artillerie alignés par les Turcs, les quelques milliers d'hommes (dont des piquiers et des mousquetaires espagnols) commandés par le comte allemand Nicolas von Salm repoussèrent farouchement les assauts turcs, qui étaient appuyés par une intense canonnade et le creusement de mines destinées à faire écrouler les murailles. Les Turcs finirent par renoncer.
    Mais ils revinrent sous les murs de Vienne en 1683. Cette fois-ci leur dispositif était encore plus impressionnant : 250 000 hommes, commandés par le Grand Vizir Kara Mustafa, au nom du sultan Mehmet IV. Comme souvent, les Turcs essayent de profiter des dissensions entre Européens et Kara Mustapha fait alliance avec le roi de Hongrie Etienne Tokoly contre l'Autriche. Face à la menace, Autrichiens et Polonais concluent un pacte d'assistance mutuelle, qui doit faire effet à la première attaque turque.
    Les Turcs mettent le siège devant Vienne le 14 juillet 1683, alors que la défense de la capitale des Habsbourg est organisée par le comte Rüdiger Starhemberg et le bourgmestre Andreas Liebenberg. Les combats sont aussi acharnés que lors du siège de 1529 et les Turcs réussissent à provoquer l'écroulement d'une partie des murailles de Vienne. Mais une armée de 70 000 soldats allemands, autrichiens et polonais, commandée par Charles V de Lorraine, arrive à la rescousse, tandis qu'un renfort de 30 000 hommes est acheminé par le roi de Pologne Jean Sobieski. Celui-ci a choisi de dégarnir la défense de ses frontières pour réunir le maximum de forces... tout en avertissant les Hongrois qu'ils risquaient de sanglantes représailles s'ils essayaient de profiter de la situation.
    À 4h du matin, le 12 septembre, les Européens lancent l'assaut contre les Turcs pour dégager Vienne. Les Allemands sont au centre du dispositif, les Autrichiens à l'aile gauche, les Polonais à l'aile droite. L'affrontement a lieu sur la colline du Kahlenberg. Après douze heures de combats d'infanterie, quatre corps de cavalerie lourde (dont les hussards) chargent vers le bas de la colline, le roi de Pologne à leur tête. Ils parviennent jusqu'au camp ottoman, tandis que la garnison de Vienne sort de la ville pour se joindre aux combats. Les Turcs sont enfoncés. Si les janissaires se battent jusqu'au dernier, le reste de l'armée ottomane se débande, abandonnant canons et provisions (parmi lesquelles les Viennois trouvent 500 sacs de café, dont ils vont découvrir ainsi le goût nouveau, tandis que les boulangers de la ville, fiers d'avoir donné l'alerte lors d'une attaque nocturne des Turcs, confectionnent une pâtisserie qui va s'appeler le croissant, en souvenir de l'emblème des Turcs... (qu'on a plaisir à croquer à belles dents!).
    De retour à Stamboul, le grand vizir Kara Mustafa est décapité par le sultan. Cependant que les Autrichiens entamaient une guerre de libération qui devait permettre de récupérer de nombreux territoires tombés aux mains des Turcs. Une bonne partie des terres ainsi reconquises furent confiées à 60 000 Serbes, en récompense des services rendus contre les Ottomans.
    Les historiens Ernst Werner et Walter Markov ont tiré la conclusion de la victoire de 1683 : « La peur des Turcs, qui après la catastrophe de Nicopolis qui, en 1396, avait envoûté l'Europe comme un traumatisme (...) était enfin effacée, le retrait ottoman de l'Europe venait de commencer. »
    Les Turcs se souviennent des deux sièges de Vienne. Les Européens sauront-ils avoir autant de mémoire ?
    Pierre VIAL. Rivarol du 24 septembre 2010

  • L'Europe face à la question afghane

    Archives: 2001
    L'attentat du 11 septembre 2001 contre les deux gratte-ciel de Manhattan et contre le bâtiment du Pentagone a finalement servi de prétexte pour asseoir une présence militaire américaine dans une région hautement stratégique. Elle est située sur l'ancien tracé de la fameuse Route de la Soie entre l'Europe et la Chine et dans un massif montagneux, proche du Pamir et de l'Himalaya, qui permet, à ceux qui le maîtrisent et en font un refuge inexpugnable, de contrôler les zones plus basses qui l'entourent. Depuis Alexandre le Grand, en passant par le conflit qui a opposé l'Empire russe, empire terrestre, à l'Empire britannique, empire maritime, au 19ième siècle, l'Afghanistan a toujours été un enjeu stratégique primordial. Dès la fin du siècle dernier, le géographe américain Homer Lea, ancien élève de Westpoint dont la carrière fut entravée pour des raisons de santé, rédige, pour le compte des Britanniques, une série d'articles et d'ouvrages qui énoncent en clair la doctrine stratégique clé pour la région: il faut empêcher les Russes (et toute autre puissance européenne) de franchir la ligne Téhéran-Kaboul et de s'approcher de l'Océan Indien. Il faut rappeler ici que les doctrines élaborées par les états-majors anglais sont toujours d'application, même si elles ont été élaborées, il y a fort longtemps. La doctrine de l'équilibre entre puissances continentales en Europe (où l'Angleterre s'allie toujours à la seconde puissance contre la première: avec la Prusse contre Napoléon, avec la France contre Guillaume II, avec Staline contre Hitler, etc.) a longtemps été une constante, reprise par les Etats-Unis, mais dans une perspective eurasienne cette fois, qui s'allient à la Chine en 1972 contre l'URSS de Brejnev. En août 1941, les Britanniques et les Américains permettent à des unités soviétiques d'occuper l'Iran, pour faire de ce pays la base logistique des arrières du front de l'Est, mais cette occupation ne peut s'étendre au-delà de Téhéran. En cela, la doctrine Lea, définitivement parachevée en 1912, a une nouvelle fois été appliquée à la lettre. En décembre 1978, quand les troupes soviétiques envahissent l'Afghanistan, elles dépassent forcément la ligne Téhéran-Kaboul, du moins sa portion qui se situe sur le territoire afghan. Ni Londres ni Washington ne peuvent le tolérer, justement au nom de cette doctrine Lea, qui reste vraiment un axiome de leur politique dans la région.
    Vu la situation internationale et la présence d'armes nucléaires de destruction massive dans les arsenaux soviétiques et occidentaux, une intervention directe des Etats-Unis s'avère impossible. Il faut donc procéder autrement, sans intervention apparente, en pariant sur des opposants locaux. Les instituts stratégiques anglo-saxons disposent de méthodes éprouvées depuis très longtemps: appui des insurgés espagnols et allemands contre Napoléon, armement des tribus arabes contre les Turcs en 1916-18 (l'aventure de Lawrence d'Arabie), appui à Tito contre les Allemands, les Italiens et les Croates (cf. les mémoires du chef des SAS, Sir Fitzroy MacLean), appui à certains maquis soi-disant "communistes" dans l'Ouest de la France en 1943-44, doctrines de la "counter-insurgency" aux Philippines et en Malaisie, appui aux "Contras" au Nicaragua, etc. Plus tard, on parlera plutôt de "low intensity warfare" (guerre à basse intensité), qui sera appuyée par le SOF ("Special Operations Forces") et doublée par des réseaux civils, notamment d'aide "humanitaire". L'UÇK au Kosovo constituant un autre exemple éloquent de cette façon de procéder. Dans le cas afghan, l'appui occidental aux Mudjahiddins anti-soviétiques a constitué une première phase, qui a duré jusqu'au retrait définitif des dernières unités soviétiques en 1989, puis, quand des éléments non défavorables à la nouvelle Russie dé-soviétisée ont fini par contrôler Kaboul, les Etats-Unis parient sur une nouvelle "opposition", celle des Talibans, d'abord actifs dans les zones habitées par l'ethnie pachtoune, à cheval sur les territoires afghan et pakistanais. L'ISI, service secret pakistanais, dévie l'effervescence talibane vers l'Afghanistan en espérant ainsi se donner une profondeur stratégique face à l'Inde, qui vient de retrouver une réelle vigueur politique avec le BJP nationaliste, qui s'est dotée de missiles "Agni" à plus longue portée et reste un allié tacite de la Russie. L'ISI, les Etats-Unis et l'Arabie Saoudite financent donc de concert les unités talibanes pour renverser le régime russophile de Nadjibullah. Comment cette alliance entre les USA et les talibans s'est-elle muée en hostilité?
    Les troupes talibanes sont composées de deux éléments: les Pachtounes afghans et les volontaires islamistes venus de tous les pays musulmans (qui suivent les doctrines rigoristes des Wahhabites saoudiens). Les Pachtounes sont d'accord pour que des oléoducs venus des républiques musulmanes ex-soviétiques transitent par l'Afghanistan et le Pakistan. Les légions arabes-islamistes, elles, travaillent plutôt pour l'Arabie Saoudite et ne souhaitent pas que le pétrole vienne d'ailleurs. Elles s'opposent donc, Ben Laden en tête, à ce projet et visent à le torpiller. Si Clinton et son administration démocrate ont joué longtemps la carte saoudienne en fermant les yeux sur les opérations téléguidées par les islamistes wahhabites en Tchétchénie, en Ouzbékistan et en Afghanistan, qui visaient à couper le flux des pétroles ex-soviétiques, de même que l'UÇK albanaise, l'administration républicaine de Bush, elle, entend prendre le pétrole là où il est et n'entend pas jouer exclusivement la carte saoudienne. D'où le conflit avec Ben Laden, homme des Saoudiens, et ancien instrument des services américains.
    De ce fait:
    - Les attentats du 11 septembre ont été sans doute préparés par Ben Laden, et derrière lui, l'aristocratie saoudienne qui craint de perdre ses immenses dividendes pétroliers, mais les services américains, avertis par les Français et les Allemands, ont fait la sourde oreille afin d'avoir un prétexte en or pour intervenir en Afghanistan, occuper le pays et assurer le transit pétrolier.
    - Il existe sans doute un accord Bush-Poutine pour concrétiser cette nouvelle organisation des "Balkans eurasiens". On se rappellera à ce propos les entretiens Bush-Poutine du début de l'année, où le Président russe réclamait une lutte contre le "terrorisme international", qui, pour lui comme pour les actuels géostratèges russes, est une émanation du wahhabitisme saoudien.
    - L'Europe est absente du jeu, n'ayant aucune politique cohérente ni aucune doctrine stratégique valable ni aucun personnel politique de valeur.
    - Les intérêts d'une Europe idéale, que nous appelons de nos v¦ux, seraient d'assurer un partenariat stratégique avec la Russie dans la région, en s'appuyant sur un principe anti-impérialiste (donc anti-britannique et anti-thalassocratique, dans les définitions données par Lénine, Roy, Gandhi, Niekisch, Schmitt, etc.): tous les Etats ont droit à avoir une façade sur l'Océan Indien ou à nouer des accords solides de coopération avec les pays riverains de l'Océan Indien sans immixtion intempestive de la part des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne.
    - Autre intérêt de l'Europe: se dégager d'une trop forte dépendance à l'endroit du pétrole et de jouer, comme l'avait voulu De Gaulle, sur la pluralité des sources énergétiques. Aujourd'hui, avec leur présence en Arabie Saoudite (de 10.000 à 20.000 soldats américains, sans compter l'aviation et la flotte, et 24.000 soldats britanniques à Oman, ce qui est un motif de "guerre sainte" pour Ben Laden) et en Afghanistan, les puissances maritimes anglo-saxonnes conservent une maîtrise totale sur le pétrole, en excluant ipso facto l'Europe et le Japon de ce jeu. Les concurrents géo-économiques potentiels des Etats-Unis sont affaiblis pour longtemps. Nous devons cette situation à l'impéritie de nos dirigeants politiques.
    - Vu l'avance foudroyante des troupes de l'³Alliance du Nord² (devenue sans doute malgré elle l'instrument d'une "counter-insurgency"), on peut énoncer l'hypothèse d'une prochaine partition ethnique de l'Afghanistan. Les zones ouzbeks et tadjiks reviendraient à l'Ouzbékistan et au Tadjikistan; le massif montagneux central deviendrait le domaine des Hazaras chiites (et encore partiellement bouddhistes; c'est dans leur territoire que se trouvaient les magnifiques Bouddhas de Bamiyan, détruits par les Talibans en février dernier) et les zones pachtounes seraient davantage liées au Pakistan, qui obtiendrait ainsi, en guise de compensation, la profondeur stratégique qu'il souhaitait obtenir pour faire face au réarmement de l'Inde. Kaboul serait administrée par l'ONU. Le précédent du Kosovo, où une province ethnique reçoit le droit de faire sécession, servirait de modèle à la partition de l'Afghanistan. Pour revenir à la doctrine Lea, signalons que les Hazaras et les Pachtounes habitent au sud de la ligne Téhéran-Kaboul. Cqfd.
    - L'objectif d'une Europe idéale et impériale serait de libérer la Route de la Soie de toute immixtion étrangère, a fortiori de toute immixtion venue d'une puissance thalassocratique. Les voies terrestres doivent être libres, comme le veut l'actuel président kirghize Askar Akaïev. Une voie centre-asiatique devrait relier l'Europe occidentale et la Russie, d'une part, à la Chine et à l'Inde, d'autre part. La croisée de ces chemins continentaux se situe notamment dans la fameuse Vallée de la Ferghana, menacée par les extrémistes islamistes, avant l'intervention américaine en Afghanistan.
    La voie que notre Europe idéale entend promouvoir est celle de l'harmonisation grande-continentale, "eurasienne", dans ces fabuleuses régions de rencontres entre les hommes et non une politique de "containment", comme le veulent les doctrines anglo-saxonnes d'Homer Lea à Zbigniew Brzezinski. C'est sous le signe de Marco Polo que l'Europe, si elle était bien gouvernée, devrait agir dans cette partie du monde et non sous le signe de la guerre et de l'égoïsme impérialiste.
    Robert STEUCKERS.http://robertsteuckers.blogspot.fr/
    (21 novembre 2001).

  • Liberté d’expression : Anne-Marie Le Pourhiet ne mâche pas ses mots

    PARIS (NOVOpress Breizh) – Le Code pénal est devenu un bréviaire totalitaire“. Lors de l’émission « Ce soir ou jamais » du 15 mars, Anne-Marie Le Pourhiet, professeur agrégé de droit public à l’université de Rennes 1, a dénoncé les atteintes portées en France à la liberté d’expression. Un point de vue jugé « dangereux pour la démocratie » (?!) par Bruno Roger-Petit, chroniqueur au Plus, une filiale du Nouvel Obs’.

    « Toutes les opinions autorisées par la loi sont défendues par la constitution. Tout ce qui n’est pas interdit est autorisé et ce n’est pas à moi, animateur de télévision, qui vais décider de ce qu’on a le droit de dire ». Réputé pour accueillir dans son émission des personnes connues pour exprimer des points de vue politiquement incorrects, Taddeï ne mâche pas ses mots. Raison pour laquelle il est actuellement dans le collimateur des éditocrates de la presse mainstream.

    Après Patrick Cohen, le patron de la matinale sur France-Inter, qui s’en est pris violemment la semaine dernière sur France 5 au présentateur de « Ce soir ou jamais », c’est au tour de Bruno Roger-Petit de critiquer celui qui s’est donné pour règle d’inviter à son émission des personnalités de tous bords.

    Dans un papier publié hier sur Le Plus, BRP reproche notamment à Taddeï d’avoir invité Anne-Marie Le Pourhiet. « Anne-Marie Le Pourhiet est l’un de ces invités potentiellement à problème » (sic), écrit-il. Selon lui, en effet, cette éminente juriste, régulièrement consultée par les parlementaires (voir deuxième vidéo), « affiche un conservatisme ultra », elle dit « n’importe quoi », « profère son petit chapelet de mensonges et d’amalgames », ce qui pervertirait « le débat démocratique ». Rien de moins.

    Dans un souci de contribuer à la liberté d’expression, et nonobstant les récriminations des tenants de la pensée unique, NOVOpress vous propose donc d’écouter Anne-Marie Le Pourhiet.

    Sur la défense de la liberté d’expression par Anne-Marie Le Pourhiet, on peut rappeler son intervention dans le cadre de l’Assemblée Nationale, où elle avait été invitée à parler devant la Mission d’information parlementaire sur les questions mémorielles. En tant que professeur de droit public elle avait défini comme étant des lois scélérates les lois mémorielles et sur l’histoire, et ce devant Jean-Claude Gayssot, initiateur de l’une de ces lois sur l’histoire qui porte son nom, la “loi Gayssot”.

    http://fr.novopress.info