Jack Lang et Houria Bouteldja sont remis à leur place et confrontés à leurs mensonges sur la colonisation et les troupes coloniales engagées dans les deux guerres mondiales.
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Jack Lang et Houria Bouteldja sont remis à leur place et confrontés à leurs mensonges sur la colonisation et les troupes coloniales engagées dans les deux guerres mondiales.
Voici 25 siècles, sur ce théâtre unique, face aux “Barbares”, des Européens se découvrirent tels.
À l'aube du Ve siècle avant notre ère, dans un monde égéen peu peuplé, sous pression des “Barbares” aux frontières de l'Hellade, les Grecs avaient une faible conscience de leur identité. Tout allait changer avec les guerres médiques et la menace d'une invasion ressentie comme celle de l'Asie.
Jusqu'alors, le Barbare était avant tout l'étranger qui ne parlait pas la langue d'Homère. Sa prononciation « lourde et empâtée », comme la caractérisera Strabon au Ier siècle encore, suscite les moqueries. Le mot même de “Barbare” retranscrit les onomatopées ou le bredouillis incompréhensible que les Hellènes entendaient dans la bouche du voyageur accueilli suivant les règles d'hospitalité, mais qui était radicalement étranger à leur univers. Si le fait linguistique était la manifestation immédiatement perceptible d'une différence, ce sont les liens du sang, de la religion, des coutumes de la terre qui fondaient le sentiment d'appartenance.
Sentiment encore faible. Il n'interdisait pas les querelles entre les cités soucieuses de leur autonomie. Ce n'est pas en vain que l'on a pu parler de culture “agonale”, c'est-à-dire belliqueuse, pour les Grecs. Une vision hellénocentrée du monde, avec Delphes pour centre ou pour “nombril”, rejetait les Barbares, qu'ils soient égyptiens, carthaginois ou perses, vers des marges géographiques que seuls les voyageurs, ou encore des esprits atypiques comme Hérodote, étaient en mesure de connaître. Pourtant, la trop grande proximité du puissant empire perse à la lisière du monde grec allait radicalement modifier la perception des Barbares et, en retour, l'image que les Grecs se faisaient d'eux-mêmes.
La prise de conscience d'une menace représentée par les hordes du Grand Roi fut cependant tardive. Sur la rive asiatique de la mer Égée, l'Ionie, peuplée de Grecs, avait été brutalement conquise au milieu du VIe siècle par le souverain achéménide Darius Ier, et intégrée à un ensemble politique oriental qui s'étendait jusqu'à l'Indus. Des maîtres perses et mèdes furent imposés aux Grecs ioniens, qui devaient compter avec une forte présence étrangère sur leur territoire. Il faut préciser que les Perses et les Mèdes d'alors, mêlés aux populations disparates de la Babylonie, n'avaient plus guère de parenté avec les conquérants indo-européens arrivés dans ces régions plus de mille ans auparavant. Le fossé ethnique se doublait d'une forte opposition politique, dans la mesure où l'occupant favorisait le régime des tyrans. Mais lorsqu'en -499 les cités d'Ionie se révoltèrent, seules Athènes et Érétrie répondirent à l'appel et se portèrent à leur secours. La menace n'était pas encore ressentie comme assez pressante pour que les Grecs dans leur ensemble, et en tant que tels, en mesurent l'ampleur.
En 492 avant notre ère, 2 ans après la destruction de Milet, la traversée du Bosphore par les troupes perses que menait Mardonios, gendre du Grand Roi, précisa tout à coup l’imminence du danger. Quelques cités, soucieuses de leur autonomie, préférèrent pourtant s'accommoder d'une tutelle étrangère et même profiter de la situation pour asseoir un pouvoir jusque-là contesté. Il est vrai qu'allaient s'affronter un puissant État centralisé et une poussière de communautés de type rural, plus habituées aux querelles de voisinage qu'à la résistance à une invasion étrangère ! « Qui serait donc capable de tenir tête à ce large flux humain ? Autant vouloir par de puissantes digues contenir l'invincible houle des mers ! » écrira Eschyle (Les Perses, - 472). L'armée barbare semblait irrésistible. Mais lorsque les émissaires achéménides vinrent exiger d'Athènes « la terre et l'eau », c'est-à-dire la soumission de la cité, ils furent, simplement, mis à mort.
Après avoir incendié Naxos ou encore Érétrie, dont les populations furent réduites en esclavage, les Perses débarquèrent alors à Marathon en -490. Contre toute attente, Athéniens et les Platéens, leurs voisins, forts de la cohésion de leur phalange, sortir vainqueurs d'une bataille où l'infanterie barbare l'emportait pourtant par le nombre. Ils s'offrirent même le luxe de rentrer à Athènes au pas cadencé pour protéger la cité d'un éventuel débarquement. Dès lors, les Athéniens pouvaient se flatter, comme l'explique Hérodote, « d'avoir été les premiers de tous Grecs à affronter l'ennemi, les premiers à supporter la vue du vêtement mède et des hommes ainsi vêtus, alors que les Grecs prenaient peur rien qu'à entendre le nom des Mèdes ».
Dix ans plus tard, l'ambitieux Xerxès, successeur de Darius, décida d'une seconde expédition, préparée méthodiquement et sans commune mesure avec la précédente. Hérodote a dépeint une armée immense qui défila pendant 7 jours et 7 nuits devant son chef ! Conscients qu'il ne s'agissait cette fois non plus de représailles mais d'une véritable invasion, les Grecs s’organisèrent sous le commandement de Sparte et cela en dépit des oracles défavorable de Delphes.
La Grèce était menacée d'anéantissement. L’Achéménide voulait la réduire par la force et la noyer dans la masse des peuples déjà sous tutelle. La deuxième guerre médique commença en -480. À la tête d'une immense armée bigarrée, Xerxès passa l'Hellespont. Par la Thrace, la Macédoine et l'Épire, il descendit vers la Grèce centrale. Malgré l'héroique résistance des Spartiates de Léonidas, le défilé stratégique des Thermopyles fut franchi. Les Athéniens durent se réfugier sur leur flotte et quitter leur cité. Eux qui se considéraient comme les véritables fils de Gaïa – la Terre divinisée –, enracinés au plus profond du sol de leur patrie, ils laissèrent leurs terres aux mains de l'ennemi. Mais c'était pour prendre une éclatante revanche sur mer, à Salamine, sous le commandement de Thémistocle. Cette première victoire précédait celle du Spartiate Pausanias, l'année suivante, sur terre, à Platée.
Ces victoires et d'autres encore précipitèrent la déroute des Perses et la libération des cités grecques d'Asie Mineure, regroupées dans la ligue de Délos par Athènes en -478. Après de nouvelles victoires navales, le Grand Roi dut reconnaître l'indépendance des villes d'Ionie. Et c'est naturellement dans la bouche des Athéniens, jurant de ne jamais trahir leurs alliés au profit des Perses, qu'Hérodote place la première reconnaissance explicite de la « grécité ». Après avoir évoqué les temples saccagés et les dieux profanés par les Barbares, qui appellent vengeance, « il y a le monde grec uni par la langue et par le sang, les sanctuaires et les sacrifices qui nous sont communs, nos mœurs qui sont les mêmes… » (Enquête, livre VIII).
L'Hellade était sauvée et tous avaient conscience que seule l'alliance des cités avait permis de repousser l'envahisseur. Forts de leur victoire, les Grecs ne cessent alors de la raconter, d'exalter leur glorieuse résistance et de définir ce qui les distingue radicalement de vaincus qui restent néanmoins menaçants. Tous se reconnaissent dans une certaine façon de combattre. La phalange hoplitique, symbole de la cohésion de la cité, constituée de citoyens soldats luttant pour leur patrie, apparaît comme l'antithèse des armées barbares désordonnées, composées d'esclaves tributaires du Grand Roi, issues des différentes peuplades soumises aux Achéménides. L'iconographie grecque ne manque pas de les représenter au moment où ils s'apprêtent à fuir et tombent à terre, blessés, soulignant toujours le caractère exotique de leurs traits et de leur accoutrement. La pureté de la flotte grecque est également magnifiée, notamment par Eschyle. Au martèlement des rames frappant l'eau en cadence et le chant de guerre entonné d'une seule voix, le poète oppose le bruissement confus qui montent des navires barbares à Salamine.
L'absence d'ordre, la démesure, les comportements excessifs deviennent d'ailleurs les caractéristiques des Barbares. Incapables de se contrôler et de reconnaître les limites fixées à l'homme, ils perturbent l'équilibre du monde et ne peuvent que susciter la colère des dieux. Exemple de l'hubris [perte du sens de la mesure] barbare, Xerxès en personne. À la mer, coupable d'avoir démantelé un pont que ses soldats venaient d'achever, il ordonna d'administrer 300 coups de fouet et de marquer les flots au fer rouge, comme il l'aurait fait avec un esclave. De façon plus générale, face à une forme organisée et méthodique de domination qui les menaçaient, les Grecs ont, par contraste, fait de la liberté le trait caractéristique de leur civilisation.
Les contours de l'identité grecque se sont ainsi précisés dans l'adversité et la résistance commune. L'hellénisme peut désormais être perçu comme un destin historique qu'il s'agit de graver dans la pierre et dont il faut conserver la mémoire : avec la dîme du butin, un trépied d'or fut offert à Delphes, sur une colonne portant les noms des cités qui avaient combattu à Platée, et des fêtes panhelléniques de la liberté furent organisées tous les 4 ans sur le site de cette bataille. La mémoire historique des Grecs, qui se limitait jusqu'ici aux récits homériques, s'enrichit d'une référence majeure et fédératrice à laquelle on recourra toujours. L'Iliade, première épopée panhellénique, fut même réinterprétée et inscrite dans la longue série des conflits qui menèrent à l'invasion de Xerxès, tandis que la génération de Marathon était considérée comme l'égale des héros du cycle troyen. Sans doute les fils de Priam parlaient-ils la même langue et rendaient hommage aux mêmes dieux que les Achéens, mais ils comptaient des Barbares dans leur armée. La division du monde et de son histoire, « depuis que la mer a séparé l'Europe de l'Asie » en 2 blocs distincts, radicalement opposés, imposa une telle relecture.
S'il est vrai que la force de cette mémoire partagée, et sans cesse chantée par les poètes, fut mise à mal par l'atomisation des cités, la lutte contre les Perses n'en est pas moins à l'origine d'une prise de conscience identitaire. Elle est également la source de couples symboliques qui n'ont cessé de marquer les constructions historiques et politiques à venir : Europe et Asie, civilisation et barbarie.
► Emma Demeester, NRH n°7, été 2003./ http://vouloir.hautetfort.com
◘ Chronologie :
546-540 : Conquête de l'Asie mineure et des cités d'lonie par Darius Ier.
499-494 : Révolte de l'lonie contre les Perses.
490 : Première guerre médique : victoire athénienne de Marathon.
486 : Avènement de Xerxès Ier.
480-479 : Deuxième guerre médique.
480 : Sacrifice des Spartiates aux Thermopyles. Sac d'Athènes. Victoire navale des Athéniens à Salamine.
479 : Victoire de Platée, libération de la Grèce. Victoire navale de Mycale, libération de l'lonie.
478 : Révolte et libération des Grecs d'Asie Mineure.
Voici un texte tiré de l"Appel de Denikine" de Serge de Beketch.
Une leçon à méditer et à appliquer par toute la jeunesse nationaliste et royaliste d’Action française.
Merci à Zentropa
“On ne fait pas de militantisme tout seul. On ne peut pas être un militant isolé, et on ne peut pas être un militant anachorète. Je crois bien que certains hommes ont pu accéder à la sainteté par l’abstraction de la vie publique en se retirant dans le désert, et en s’abîmant dans la prière et la macération. Je ne sais pas très bien comment ils font, je dois dire, parce que je pense que l’homme est avant tout un être social et que le propre de l’homme est de s’intégrer à une société et d’essayer d’élever la société avec lui-même ou de s’élever lui-même en même temps que la société. Mais l’Eglise nous dit qu’il y a des saints ermites et par conséquent, je le crois. Mais c’est valable dans l’Eglise, qui est une chose sainte, différente de la société. Dans la société, ce n’est pas possible. Il est absolument impossible de se prétendre être un militant si on se contente de rester chez soi, de rédiger son journal (personnel) de militant : si on se contente de mettre sur le papier le résultat de ses réflexions, de ses méditations… parce que cela ne sert à rien.Le seul geste de publier, le seul acte de publier, pour le plus misanthrope des intellectuels, des écrivains, est un acte de militantisme extérieur. Cela manifeste que l’on attend des autres qu’ils vous lisent, et par conséquent que l’on considère qu’on a quelque chose à leur apporter. Si on reste dans le premier cas de figure, qui est de se mettre face à soi-même pour essayer de s’améliorer tout seul, on court obligatoirement à l’échec. Je crois que si je pouvais donner une leçon, livrer un conseil aux jeunes gens qui veulent s’engager dans la militante, ce serait celui-là : il faut qu’ils se convainquent que la vie militante est inimaginable si elle n’est pas avant tout une vie sociale. Car pourquoi est-on militant ? On milite pour changer un environnement social. Et cette volonté de changer un environnement social suppose que l’on s’engage dans cet environnement social, même s’il peut nous paraître que certains de ses aspects sont décevants.”
Serge de Beketch - À l’appel de Denikine
Après « Christiane contre les esclavagistes » et « Jacques demande toujours pardon », nous venons donc de vivre les trépidantes aventures de « François en Algérie ». La république nous a offert un nouvel exemple de cet exercice dans lequel elle excelle tant : la repentance.
Le refrain est connu, la France se bat la coulpe et endosse tous les péchés de la terre. Les rôles sont distribués. A votre droite, le vilain colonisateur ; à votre gauche, l’ancien opprimé bien déterminé à vous faire payer les fautes réelles ou supposées de vos pères et de vos grands-pères.
En France, s’excuser est même devenu la manière la plus simple de se hisser au panthéon de la bien–pensance et du médiatiquement correct. À force de voir nos dirigeant courber l’échine, on en finirait presque par croire que la flagellation est un passage obligé dans l’exercice du pouvoir. Et si on se trompait ? Il serait peut-être instructif de jeter un coup d’œil au-delà de nos frontières. Heureusement, tous les pays n’ont pas succombé au syndrome de la joue tendue. [...]
Patrick Weber - La suite sur Boulevard Voltaire
« Les remparts culturels tombent les uns après les autres comme les murs de Jéricho à l'appel des trompettes multinationales, et l'individu, privé des défenses naturelles de la famille, de la tribu, de l'artisanat, de la nation, de la religion, de la langue, de ce que j'ai appelé le nous opposé au je, sombre dans le on informe d'une humanité non différenciée : sous prétexte d'ouverture au monde, il demeure seul et sans défense devant son poste de télévision, cet entonnoir universel de la désinformation. »
Si les techniques de désinformation n'ont de cesse de se perfectionner, le phénomène reste intemporel. Pour Volkoff, nous vivons en psychocratie, où les émotions l'emportent sur le rationnel. Rien que de très banal. Au cours des années 1990 toutefois, trois événements auraient changé la donne quant à la désinformation :
– la chute du communisme privait l'Occident du bouc émissaire auquel on pouvait jadis attribuer toutes les opérations de désinformation, du moins toutes celles réussies ;
– les techniques de la désinformation étant désormais connues, elles échappaient au contrôle des États et étaient de plus en plus pratiquées par des organismes privés ;
– la « toute-puissante » image avait définitivement triomphé du mot dans la communication de l'information, et elle ouvrait aux désinformateurs des perspectives nouvelles et apparemment illimitées.
Résumé descriptif d'un essai de cet auteur incontournable sur ce sujet.
L'information comporte trois variables qui comprennent chacune des risques de biais : l'informateur, le moyen de communication, l'informé. Des précautions préalables à la validation par l'informé doivent donc être considérées : la marge d'erreur, volontaire ou involontaire ; l'impossible objectivité, et de fait accepter prioritairement des informations affichées comme partisanes ; la divergence des impressions entre différents informateurs : la concordance est suspecte (cf. les journaux de gauche comme de droite, dixit Volkoff). L'information, note-t-il, est une « denrée frelatée ». Sa communication a un but bien précis dont il convient de ne pas être dupe. Dès lors, elle devient désinformation, « manipulation de l'opinion publique, à des fins politiques, avec une information traitée par des moyens détournés. » Quelle que soit l'époque (le sous-titre du bouquin est « du cheval de Troie à Internet »), la désinformation vise l'irrationnel, elle est une action psychologique. Son efficacité est assurée grâce (à cause) de notre activité de « lemming » : sujette à l'aveuglement, la promptitude d'une collectivité à se précipiter dans un néant tenu pour salvateur relève d'une constante anthropologique. Tout comme dans la psychologie des foules et la subversion, la contagion opère par vampirisme : le désinformé devient à son tour un désinformateur zélé.
Historiquement, le processus de désinformation s'est perfectionné au travers de trois phénomènes principaux : 1) l'invention de la presse à imprimer par Gutenberg en 1434, et la possibilité de démultiplier la désinformation qui s'en suivit et entraîna 2) le lancement du premier périodique (à Cologne en 1470) rapidement suivi d'une multitude d'autres, d'où la possibilité de modifier la désinformation au jour le jour qui elle-même contribua à 3) l'importance croissante, à partir du XVIIIème siècle, de ce qu'on appelle l'opinion publique dans la vie politique de l'Occident, d'où des occasions multipliées à l'infini pour la désinformation. Désormais, la désinformation serait complète, et davantage encouragée par l'irresponsabilité physique du journaliste, qui ne se voit opposer aucun contre-pouvoir réel.
Au XXème siècle, « Progrès » oblige, les techniques de désinformation se sont perfectionnées. Notons d'ailleurs qu'elles sont nées en démocratie avec le petit ouvrage d'Edward Bernays Propaganda et son sous-titre, Comment manipuler l'opinion en démocratie et la création par ce monsieur du « conseil en relation publique », en fait la langue de bois et sa fonction double : 1) amplifier le pouvoir idéologique et 2) permettre de participer momentanément au pouvoir et montrer qu'on est digne d'y participer davantage. Volkoff le précise, « la langue de bois ne signifie rien. Pour ceux qui en comprennent le sens codé, elle signalise ; pour ceux qui essaient de la prendre à la lettre, elle mystifie. » Durant le même siècle, la doctrine du RAP (Renseignement, Action, Protection) a été élaborée. L'idée – très orwellienne – est de pénétrer la pensée de l'adversaire, de réussir à penser à la place de l'opinion publique, notamment en provoquant une psychose et ainsi favorisant l'autodésinformation. La puissance de ce procédé augmente d'autant plus qu'il se prolonge dans le temps. Une nouvelle réalité est construite par les ingénieurs sociaux et se pérennise.
Ces explications préliminaires une fois exposées par Volkoff, il reste à répondre à la question majeure : la désinformation, comment ça marche ? Petites précisions sémantiques.
Un client bénéficie de l'opération. Des agents (d'influence) assurent la campagne de publicité. L'étude de marché permet de déterminer les supports qui serviront de relais. En désinformation, le public doit gober mais aussi croire. Les supports sont de petits faits vrais ou censés être vrais, et utilisés dans un certain contexte. Les relais sont les moyens utilisés, comme par exemple « le mot et l'image transmis par la presse écrite, parlée, filmée, télévisée, informatisée. » L'action de relais multiples est conjointe. Il existe également des relais au deuxième degré (comme des acteurs de cinéma qui serviront de caution au produit (1)). Toute campagne doit en outre avoir un thème, aussi simple que possible. La désinformation peut traiter le thème de plusieurs manières : « soit en ne diffusant pas une information, soit en diffusant une information incomplète, tendancieuse ou carrément fausse, soit en saturant l'attention du public par une surinformation qui lui fait perdre tout sens de ce qui est important et de ce qui ne l'est pas, soit par des commentaires orientés. » L'expression doit se faire dans un certain code. En publicité comme en désinformation, l'absence de rationalité crée une chance croissante d'achat. En publicité, les caisses de résonance sont avant tout les media, puis le public lui-même. En désinformation, plusieurs caisses de résonance sont nécessaires pour mener à bien une opération. Le recrutement – la corruption – se fait via le MICE (« souris » au pluriel) : Money, Ideology, Sex, Ego (argent, idéologie, sexualité, amour-propre). La cible est l'opinion publique de la population visée. Les procédés sont multiples : diabolisation (qui s'appuie sur de faux renseignements, de fausses photos, de fausses déclarations), manichéisme, psychose, etc.
En pratique, un fait peut être truqué de sept manières différentes : affirmé ; nié ; passé sous silence ; grossi ; diminué ; approuvé ; désapprouvé. Un bon désinformateur, ajoute Volkoff, peut rendre les faits malléables à volonté. De manière volontairement stéréotypée, il distingue en outre douze manières professionnelles de désinformer : négation des faits ; inversion des faits ; mélange vrai-faux avec titrage divers ; modification du motif ; modification des circonstances ; estompement ; camouflage ; interprétation ; généralisation ; illustration ; parts inégales ; parts égales ; variation sur le même thème. (2)
Les accessoires peuvent être verbaux ou sensoriels. Pour le premier registre, Volkoff s'appuie sur l'exemple hérité de mai 68. L'agent est l'enseignant et son relais la grammaire. Le thème en est la destruction des valeurs traditionnelles, religion, famille, bonnes mœurs. La psychose souhaitée : le nihilisme moral dans les jeunes générations. Tout comme chez Roger Mucchielli et la subversion, le désinformateur s'appuie sur la logomachie (« bataille à coups de mots »), invectivant, diabolisant et ridiculisant ses adversaires idéologiques. Les conséquences d'un tel réductionnisme sont dramatiques. Volkoff note que les antonymes respectifs étaient autrefois l'aristocratie et la démocratie. Mais désormais dépourvue d'antonyme, toute dialectique se révèle absconse à la démocratie. Par un procédé tant fallacieux que malhonnête, son opposé est donc appelé dictature, inflation sémantique aidant. Volkoff propose quelques exemples de terrorisme sémantique. Notons-en deux : 1) extrême-droite : quiconque est plus à droite que vous ; 2) fasciste : insulte qu'il faut être le premier à prononcer, parce qu'elle peut s'appliquer à votre ennemi autant qu'à vous.
Quant au registre sensoriel, l'influence repose sur les stimuli et les messages subliminaux. Les messages clandestins auditifs constituent une technique de désinformation. Une réaction endocrinienne permet à l'auditeur de recevoir de manière bienveillante des messages de manière inconsciente. Enfin, avec les caisses de résonance, le journaliste comme le désinformateur sont amenés à créer une émotion. On cherche à programmer de façon instinctive l'information sélectionnée par le lecteur en créant des effets de choc.
L'outil privilégié est ici l'image, qui se passe de la médiation du cerveau pour opérer directement sur les tripes. Or l'image, destinée aux masses, peut être sujette à toutes les manipulations. (3) D'après Volkoff, la puissance d'impact du sensationnel vient de son manichéisme et de l'ancrage dans l'inconscient du spectateur qu'elle entraîne, amplifiée par la répétition et la quasi-impossibilité à corriger une information fausse. Il suffit qu'à la source de l'information se trouve un groupe d'influence ayant intérêt à désinformer. Nous nageons dès lors en pleine ingénierie des perceptions : « en psychocratie, la vérité ne compte pas, à la limite elle n'existe pas, n'existe que ce que l'on fait croire aux gens ou, mieux encore, ce qu'on leur fait croire qu'ils croient. »
La désinformation s'inscrit cependant dans un registre plus large, la guerre de l'information. Cette guerre comprend trois aspects : savoir soi-même ; empêcher l'autre de savoir ; lui faire tenir un savoir corrompu (désinformation et influence). A l'heure d'Internet (bouquin écrit en 1999) et de la cybernétique, Volkoff juge le potentiel technique de désinformation – en particulier par l'image – illimité. Les deux cibles privilégiées sont les jeunes et les femmes. Les moyens techniques utilisés sont donc prioritairement les magazines, débats, interviews, spots. Comme modèle anthropologique, les maîtres désinformateurs cherchent aujourd'hui à imposer l'égalitarisme sous couvert de tolérance. Pour Volkoff, le droitdelhommisme œuvre dans ce sens. Il repose sur deux notions abstraites. 1) Le droit, qui ne prend sens que dans une collectivité donnée et 2) la notion d'homme, qui implique plus des devoirs que des droits. En généralisant, le droitdelhommisme dénature. Et pour rappel, la généralisation est un procédé de désinformation. Dès lors, que faire ? Volkoff incite à la cohésion de groupe et au tri méticuleux de l'information. Ce qui reste limité... Mais comme chez Mucchielli, la lecture de Volkoff, ancien agent de renseignement, donne les clés du décodage de diverses techniques de manipulation par exposé des mécanismes de la désinformation.
Notes :
(1) Dernièrement, l’appel au désarmement par des idiots utiles de l’industrie hollywoodienne après la psy-op de Newton : http://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique/video-newtown-des-stars-se-mobilisent-contre-les-armes_1202407.html
(2) Voir ici le chapitre XI, « Comment ça se pratique ».
(3) Volkoff en expose quelques exemples dans Désinformations par l’image. Sur les explications relatives aux processus chimiques à l’œuvre dans le cerveau, le rôle du système limbique, des neurones-miroirs, etc. afin de décrypter comment la manipulation procède sur les opérateurs cognitifs des sujets, je renvoie aux très complètes explications des Italiens Marco Della Luna et Paolo Cioni dans leur passionnant et non moins ambiguë Neuro-Esclaves.
***
Citations :
« Il faut garder bien présent à l'esprit que la désinformation ne s'adresse qu'en surface à l'intelligence du public qu'elle prétend induire en erreur ; en profondeur, elle s'adresse à sa sensibilité à tous les niveaux : au cœur, aux tripes, au bas-ventre, les passions étant toujours plus fortes en l'homme que les convictions. »
« Le cerveau se méfie par nature ; par nature, le cœur et les tripes s'émeuvent, et il est vrai que la charge émotionnelle d'une image, surtout en couleurs, surtout animée, est plus forte que l'expression verbale correspondante. [...] l'image, davantage que le mot, s'adresse aux masses : elle est facile à percevoir, facile à reproduire, et elle devient aussitôt un sujet de conversation. L'article doit être lu, ce qui va prendre au moins quelques minutes ; l'affiche ou l'image télévisuelle sont instantanées ; l'article que vous lisez n'est donc pas tout à fait celui que je lis, tandis que la même image est imposée simultanément à des téléspectateurs innombrables et contribue immédiatement à leur massification, ce qui les prive aussitôt de leurs défenses naturelles contre l'illusion. »
Annexe A : Sun Tzu et la désinformation :
D'après Volkoff, pour Sun Tzu il faut soumettre l'ennemi sans combattre, en le dépouillant soit de ses moyens, soit de son envie de combattre. Et ce, par la désinformation. De Sun Tzu, d'ailleurs, des procédés modernes ont été tirés : discréditer tout ce qu'il y a de bien dans le pays adverse (« le discrédit des valeurs traditionnelles est destructeur de l'identité d'un peuple ») ; impliquer les représentants des couches dirigeantes du pays adverse dans des entreprises illégales. Ébranler leur réputation et les livrer le moment venu au dédain de leurs concitoyens ; répandre la discorde et les querelles entre les citoyens du pays adverse ; exciter les jeunes contre les vieux. Ridiculiser les traditions des adversaires (mai 68 visait à détruire l'armature qui liait auparavant les générations entre elles). Sun Tzu préconise aussi d'encourager un « hédonisme amolissant » puis en fin de compte paralysant.
Annexe B : L'invention du « docteur Spin » :
Volkoff nous rappelle qu'Alvin et Heidi Toffer ont créé la notion de « docteur Spin » : c'est l'élément qui donne l'effet souhaité à l'information, la manière de la présenter. Selon lui, « ils trouvent six moyens de « fausser les esprits » :
Tout rapport avec des faits réels etc...
Dès Impasse Adam Smith, Michéa a proposé cette lecture. La propagande, expliquait-il, nous assure que les avancées technologiques toujours plus nombreuses et performantes libèrent progressivement l’homme de l’aliénation et de la domination. Dans les faits, il nous est demandé de travailler davantage pour des salaires minorés, et dans des conditions précaires. (1)
L’intelligentsia de gauche, principal relais de la propagande systémique, n’est pas épargnée par cette schizophrénie. Elle ne voit aucun paradoxe en prônant, d’une part, le sans-frontiérisme intégral, pour d’autre part exiger le respect des souverainetés tibétaine et palestinienne. Par sa réflexion bornée, l’intellectuel moderne évacue toute complexité de son esprit et ne voit aucune contradiction à fustiger une critique anticapitaliste forcément réactionnaire, tout en se faisant l’apologète du « doux commerce » dont le pouvoir émancipateur libère l’individu du carcan étatique et policier. L’enseignant de gauche est quant à lui forcé de tomber dans la même logique, en s’opposant aux réformes libérales tout en prétendant concomitamment que malgré celles-ci le niveau monte et que la démocratisation de l’école est bénéfique. (2)
Toutes les contradictions du libéralisme risquent donc de renouer avec la guerre de tous contre tous, mais sous une nouvelle forme, triple : concurrence généralisée, querelle procédurière permanente et incivilité généralisée (3), aboutissement logique du libéralisme culturel généralisé et de son droit de tous sur tout.
Michéa démontre par conséquent que la prétention libérale à émanciper l’individu pour en faire un être autoréférent est fallacieuse. Pour preuve, il prend le nombre croissant d’experts dans tous les domaines de la vie, et en premier lieu l’École. L’homme de bon sens, responsable, mature, s’en remettrait désormais aux « experts » en sciences de l’éducation. Citant Georges Trow, Michéa pose qu’« en l’absence d’adultes, on se met à faire confiance aux experts. » (4) Ce qui explique pour lui en grande partie le « destin libéral de l’école ». L’émancipation est de fait une fausse libération, encore plus mutilante que l’ancienne répression. Car si la modernité reconnaît l’homme en tant que consommateur, elle le nie en tant qu’être humain. Sa seule liberté est d’être un outil au service de la reproduction du système. Pour reprendre la métaphore proposée par Orwell, l’homme est désormais comme une guêpe qui n’a de cesse de se nourrir, sans fin, tout en ne s’apercevant pas qu’elle n’a plus d’abdomen. (5) La seule utilité de l’homme est alors d’accompagner le système marchand dans sa fuite en avant en se pliant à ses rythmes. Peu importe, pour ce faire, qu’il puisse développer des qualités humaines et une conception critique dans son rapport au monde dont il fait partie. Il est donc encore moins question de l’appréhender sous l’aspect d’un potentiel adulte responsable. Dans une société devenue exclusivement gestionnaire, où l’individu est infantilisé, l’expertise est devenue la norme.
Mais la réflexion de Michéa ne se limite pas à une simple critique ni au démontage de la logique philosophique contradictoire de la modernité libérale. Il entend promouvoir un socialisme populaire, proche des postulats originels – et donc tant distinct du clivage droite-gauche qu’opposé aux cultes du Progrès et de la Modernité. Hybride et transversal, ce socialisme doit avoir pour base, tel qu’énoncé dans Orwell éducateur, le syndicat et la coopérative socialiste. Pour synthétiser, cette pensée de Gauche est à deux dimensions, indissociables. Elle suppose dans un premier temps d’opposer un conservatisme critique au mythe progressiste Dans un second temps, elle entend instaurer une société basée sur la common decency, ce bon sens inné propre aux gens ordinaires, antithétique de l’homme calculateur égoïste.
Un conservatisme critique
Le conservatisme critique est le qualificatif donné par Michéa à la pensée politique de George Orwell, dans Orwell, anarchiste tory. La question que se pose l’auteur de 1984, que l’on retrouve dans son article « Les lieux de loisirs », est de savoir si tout « progrès », tout changement, nous rend plus ou moins humain. (6) Car la société d’Orwell – l’envers d’une société « orwellienne » – ne vise pas au bonheur (l’homme haïssait le « je-m’en-foutisme hédoniste » (7)) mais à la fraternité humaine. Elle est « une société libre, égalitaire […] honnête » (8) et « décente » (9). Méthodologiquement donc, Michéa opte lui aussi pour une comparaison systématique du présent et du passé pour distinguer ce qui dans la modernité aliène ou émancipe, en déterminant les seuils à ne pas franchir. Dans tous les cas, il s’agit d’opérer une critique radicale d’un monde analysé à travers le prisme de l’Économie.
1) Le rapport au langage
La liberté, en premier lieu, passe donc par le langage, dont la corruption entraîne le déclin de l’intelligence critique par dissociation du signifiant de son signifié originel (et réciproquement). La Gauche officielle, par exemple, assimile « conservatisme » à « archaïsme », « Droite », « ordre établi » ou encore « société d’intolérance et d’exclusion » (10). Tout anticapitaliste sincère, critique du libéralisme, se voit accoler le qualificatif de fasciste, utopiste, totalitaire, populiste – avec le sempiternel « vous faites le jeu du Front National » destiné à éviter toute critique sérieuse. Toute défense des valeurs propres à la société traditionnelle est quant à elle indexée comme conservatrice, réactionnaire ou raciste. (11) Michéa entend réhabiliter le sens des mots, notamment en redonnant sa signification réelle au populisme (12) et au socialisme. Mais cela implique aussi de refuser la dénaturation du langage et sa transformation en Novlangue tel que nous l’offre le globish abscons du tertiaire pur – auquel nous pourrions ajouter le langage SMS. En y opposant, par exemple, un nouveau langage commun. (13) Dans son dernier essai, La double pensée, il propose par exemple de privilégier la langue espérantiste face au business English, langue vernaculaire utilisée dans le processus libéral d’unification juridico-marchande – l’anglais qui, selon la logique libérale de Claude Allègre, « n’est pas une langue étrangère. » (14) Bien avant déjà, dans L’enseignement de l’ignorance, en plus d’insister sur la nécessité d’inclure des éléments conservateurs dans une vraie lutte anticapitaliste, Michéa précisait qu’un esprit critique est un esprit « qui n’a pas peur des mots ». (15)
Par ailleurs, une analyse du langage implique de déceler la signification réelle des euphémismes employés, qu’il s’agisse de l’émancipation, de la liberté ou encore de la Croissance. La critique de l’enseignement de l’ignorance est donc vitale. Toujours dans cet essai, Michéa offrait la traduction réelle d’une ville « qui bouge bien ». En réalité, ceci signifie qu’elle est détruite par le tourisme et la promotion immobilière. (16) Car le déclin de l’intelligence critique crée ce qu’Orwell appelait la canelangue (duckspeak) : « les bruits appropriés sortent du larynx mais le cerveau n’est pas impliqué, comme il le serait si lui-même devait choisir ses mots. » (17) Une réaction conservatrice est donc nécessaire pour éviter que l’esprit ne soit réduit à l’état de gramophone. Pour ce faire, il convient – contrairement à la méthode libérale – de partir non pas d’une position originelle hypothétique, paradigme épistémologique purement abstrait, mais du monde sensible – comme le fit Orwell – celui de l’expérience vécue. En se coupant du réel, le langage se prive de son rapport concret avec les choses et s'en dénature d'autant facilement. D’où, chez Orwell et Michéa, l’importance du rôle de la classe ouvrière.
2) Le rapport à la morale
Le second axe de la réflexion orwellienne – et par extension, michéenne – est relative au sens du passé, et donc de la morale – avant que le libéralisme et sa neutralité axiologique ne produisent d’effets réels. Ce sens du passé rompt avec le sens de l’histoire moderne et par suite post-moderne. Loin du monadisme nomade, Orwell promeut le lien et l’attachement, tout comme les travailleurs veulent protéger intuitivement certaines formes d’existence communautaire. (18) Ce désir de conserver un héritage traditionnel se situe d’ailleurs souvent à l’origine de l’esprit révolutionnaire – dont le combat Luddite du 19ème siècle représentait une manifestation très éclairante. Tant le déracinement que l’a-moralité ne sont nullement des signes d’émancipation, si l’on suit Michéa, pour qui la reconnaissance de « droits à » spécifiques n’implique nullement qu’ils soient pour autant légitimes. Être socialiste c’est donc, comme l'expose la d’Orwell éducateur, être réactionnaire en refusant la tabula rasa et ses arguments fallacieux. Pour revenir sur la comparaison entre le souhaitable et le dispensable dans l’innovation, Michéa distingue la marche arrière de la régression. Ce sont des rythmes imposés par le libéralisme dont il faut se méfier. Le sens des mots intervient encore une fois : la culture doit être distincte de la mode. Alors que la première, héritage de valeurs et tradition, relève de la transmission, la seconde reste intra-générationnelle, fugace et n’obéit qu’à la logique marchande. (19)
Le conservatisme critique du socialisme michéen entend entre autres appliquer sa méthode aux droits de l’homme, base théorique de départ privilégiée. Mais ils ne sont pas une fin, un dogme inaltérable qui comme aujourd’hui ne souffre aucune contestation. Si la théorie socialiste s’oppose au socialisme réellement existant auquel s’est confronté Michéa dans sa jeunesse, en allant en URSS, il refuse tout autant la sacralisation « citoyenne » droit-de-l’hommiste. Cette dernière formalisation s’est manifestée dans les années 1970, où les droits de l’homme ont été réintroduits « sans la moindre critique philosophique préalable ». (20) Les combats « citoyens » ont alors été la seule finalité de la gauche. En outre, la dimension critique suppose d’accepter le constat que la lutte pour « le droit des minorités » et « contre toutes les discriminations » est le plus allée de l’avant là où les puissances économiques étaient les plus fortes. Une logique d'ingénierie sociale utilise donc les droits de l’homme comme paravent pour mener à bien sa politique. Initialement, rappelle Michéa, ces droits de l’homme formalisent et entérinent l’individualisme libéral. Mais cette distance prise avec les obligations communautaires et traditionnelles n’implique pas un sujet souverain. Le rapport métaphysique a changé, lit-on, mais n’aboutit qu’à une plus grande aliénation. Bien avant La double pensée, Michéa écrivait que la destitution de la Loi et du Symbolique n'entraîne pas la victoire du sujet autonomisé, mais son passage à une autre forme de domination et de soumission, potentiellement plus forte. (21) Or si l’autonomisation individuelle et collective est pour Michéa le but de toute société décente, cela implique que l’homme soit pris dans sa dimension double : ni monade, ni rouage, il est un individu socialisé. Par cette vie en communauté, il doit donc respecter certaines règles collectives. Les droits de l’homme défendus par Michéa ne sont donc pas les droits négatifs du libéralisme, mais des droits qui refusent le postulat anthropologique nouveau du calculateur rationnel et égoïste. Ceci implique, par ailleurs, d’accepter d’émettre des jugements de valeur qui limitent la fuite en avant des revendications. Et ce faisant, d’assurer les possibilités de réalisation d’une société socialiste, c’est-à-dire décente – et vice-versa.
De la décence
Nous touchons là au cœur des valeurs michéennes, directement héritées de la pensée politique de George Orwell. et du concept central énoncé par ce dernier : la common decency. Loin d’être une simple marotte, elle est le fil conducteur qui relie toutes les analyses de Michéa. La common decency est, pour lui, la condition inaliénable à respecter pour établir une société décente, « fondée sur ce que les hommes peuvent donner de meilleur chaque fois que le contexte politique et culturel les y encourage. » (22) Il s’agit de refuser la fuite en avant, pour au contraire s’appuyer sur cette common decency (morale commune, décence ordinaire, décence commune) et le bon sens des classes populaires – et d’une frange de la classe moyenne – pour s’autolimiter en s’en servant comme garde-fou. Mais chez Michéa comme auparavant chez Orwell, il n’est pas question d’idéaliser de telles classes. Le contexte favorable dont parle Michéa est celui qui fait que l’homme reste vraiment homme, à savoir un individu socialisé enchevêtré dans un tissu de relations. Pour reprendre Mauss et ses héritiers du MAUSS (Mouvement anti-utilitariste en sciences sociales), la common decency est possible lorsque le système du don / contre-don trouve encore à s’exprimer. La triple obligation de donner, recevoir et rendre s’avère donc inséparable de toute société décente.
1) La common decency
Le socialisme populaire réside dans le maintien de cette common decency. Orwell est resté volontairement flou sur cette notion introduite pour la première fois dans son essai sur Charles Dickens. (23) Michéa la définit comme un ensemble de valeurs partagées permettant de faire sens par le lien commun. Elle est l’indicible qui prescrit et proscrit implicitement. Elle se caractérise, dans les faits, par la loyauté, l’amitié, le désintéressement, la générosité, la haine des privilèges. En deux mots, la sensibilité et la bienveillance. (24) Là où dans le libéralisme, l’individu a le choix d’opter pour des valeurs de générosité ou d’égoïsme, il est ici question de reconnaître la supériorité de certaines valeurs humaines, d’accepter de prendre parti. La common decency constitue donc, dans son essence, l’antithèse des valeurs de l’intelligentsia et autres relais d’extrême-gauche libérale. Héritée des valeurs traditionnelles, c’est toutefois dans la modernité occidentale qu’elle trouve le plus à s’appliquer. Dans L’enseignement de l’ignorance, Michéa la qualifie de « mixte, historiquement constitué, de civilités traditionnelles et de dispositions modernes qui ont jusqu’ici permis de neutraliser une grande partie de l’horreur économique. » (25) Il s’agit donc d’un dispositif critique interne à la modernité libérale. Il en va de même pour le socialisme, apparu après l’avènement de la civilisation industrielle. Orwell en donne de nombreux exemples dans son essai Le Quai de Wigan, parmi les ouvriers mineurs. Malgré la pauvreté de ce milieu, il y constate une réelle fraternité entre les hommes, et une forte propension au don de soi envers autrui. En somme, le contraire du Narcisse qui, ne parvenant pas à s’aimer, n’est pas capable d’aimer ni de donner à autrui. (26)
La common decency est un mécanisme intuitif dont les implications sont partagées par ceux qui partagent la vie des classes populaires. A l’opposé de l’anthropologie libérale, elle s’appuie sur la confiance réciproque. Dans Impasse Adam Smith, Michéa isole trois traits pour théoriser ce concept-clé a minima a) le sentiment intuitif de ce qui ne se fait pas, pour maintenir une coexistence quotidienne « véritablement commune » effective b) la bienveillance qu’implique cette réciprocité renvoie à une historicité spécifique. En Occident, elle est l’héritage des valeurs chrétiennes et de la Révolution française. Mais son champ d’application la rend universalisable, car elle peut aller « de l’entraide bienveillante à la simple politesse » (27) c) aspect le plus décisif, pour Michéa, si la common decency est psychologiquement et philosophiquement accessible à tous, elle est avant tout l’apanage des gens ordinaires. Ces derniers ne dominent pas et ne cherchent pas à dominer – même si, réaliste, Michéa est conscient – comme l’était Orwell – que les risques de s’en écarter existent pour tous. (28) En somme, poursuit-il, la common decency est bien plus qu’un concept de résistance. Elle est « le point de départ indispensable de toute critique socialiste au sens originel du terme. » (29)
2) Donner, recevoir et rendre versus demander, recevoir et prendre
Sans ce « minimum de valeurs partagées et de solidarité collective effectivement pratiquée » (30), telle qu’est définie la common decency dans L’empire du moindre mal, une société est vouée à l’échec. En particulier, si la logique du donnant-donnant est universalisée, avec sa base contractualiste et calculatrice. Car la common decency, à lire Michéa, peut s’intégrer dans les théories maussiennes du système de don / contre-don. Cette théorie de Marcel Mauss repose sur la triple obligation de donner, recevoir et rendre, nœud borroméen qui sous-tend toutes les sociétés traditionnelles. Profondément symboliques, celles-ci maintiennent une forte solidarité en faisant primer « le lien sur le bien », la relation dans le temps que le donnant-donnant rompt en l’achetant. Avec cette approche, l’hypothèse libérale s’écroule à l’épreuve des faits, selon Michéa. Car les sociétés ne reposent pas sur une anthropologie pessimiste du soupçon faite de calculateurs égoïstes et rationnels, sans quoi elles n’auraient jamais pu se développer. L’anthropologie dite économique propose ainsi une hypothèse erronée en parlant de système économique originel voire de troc, une « fable » pour Michéa. La common decency est donc, en fin de compte, bien plus « naturelle » que notre comportement supposé rationnel, que la modernité libérale tente d’imposer pour que nous soyons enfin décidés à être nous-mêmes. Dans la common decency comme dans le système maussien, l’éventail de la psychologie humaine est pris en compte, tant dans sa capacité belliqueuse que bienveillante. Il faut donc favoriser le contexte qui incitera davantage à la coopération et à l’amitié qu’à l’égoïsme et au conflit généralisé. Il conviendra, dans tous les cas, de refuser les fausses alternatives économiques qui, qu’il s’agisse d’un altermondialisme ou d’une alteréconomie, ne constituent au bout du compte qu’un altercapitalisme, au lieu de proposer un autre rapport des hommes à l’économie. (31)
Plusieurs implications en découlent, que Michéa propose. Critique envers les autres, il l’est tout autant avec les militants proches de sa sensibilité. En premier lieu, il est indispensable de rompre avec l’imaginaire du Spectacle et la propagande publicitaire, « nouveaux dispositifs de domination et autorité symboliques » (32) qui, insidieux, fonctionnent à la séduction. Ceci permettra de se débarrasser de ces « machines » qui, avec l’industrie du divertissement, servent à faire intérioriser l’imaginaire moderne. Agir de manière efficiente suppose pour Michéa de se mettre en conformité avec plusieurs principes. La rotation permanente des tâches doit être assurée pour toutes les fonctions dirigeantes, pour se prémunir contre le révolutionnaire professionnel – que l’on retrouve d’ailleurs chez Orwell dans Le Quai de Wigan. De plus, comme notre révolution colorée de mai 68 l’a prouvé, il faudrait entretenir un rapport de méfiance à l’égard des médias officiels. Enfin, sans qu’il l’écrive explicitement, il faudrait utiliser les analyses combinées de Lasch et Orwell. A savoir, prendre la common decency comme jauge de l’intégrité du militant révolutionnaire – non exempt de critiques – afin de déterminer s’il n’agit pas uniquement comme une victime de la culture du narcissisme, i. e. un être incapable d’aimer et de donner mais en réalité animé par une volonté de puissance et la soif de reconnaissance, empli de ressentiment, obstacle psychologique fondamental (33) à la naissance d’une société décente. La common decency doit donc servir de correctif référent pour se prémunir des tentatives hégémoniques d’intellectuels partidaires en devenir au sein des mouvements anticapitalistes. Car pour Michéa, afin d’inverser la tendance de l’époque, donner, recevoir et rendre sont la condition indépassable d’une rupture avec un système qui incite de plus en plus à demander, recevoir et prendre (34), à l’envers des médiations sociales intemporelles. Car la volonté de puissance, selon lui, consiste à demander toujours plus sans jamais rien donner en retour, posant ainsi les jalons de l’exploitation. Ce qui peut difficilement être démenti à l’époque de l’ingénierie sociale, de la virtualisation de l’économie et des salaires indécents.
En résumé, la lecture de Michéa apporte de nombreux éléments pour comprendre de quoi le néo-libéralisme est le nom. Toute critique est diabolisée, l'extrême-gauche – toujours idiot utile – qualifie les réfractaires de néoconservateurs (35) et que les détracteurs du Marché mondial sont presque unanimement traités de fascistes. (36) Faussement partisan du moindre mal, le système s'appuie sur l'ingénierie sociale et nous mène tout droit vers la rationalisation technicienne intégrale tarée de Brzezinski & Attali Inc., celle du Meilleur des mondes à la Huxley. En détruisant les fondements de l’humanité, les conditions d’exercice de la socialité et les valeurs des gens ordinaires, nous dit Michéa, nous entrons de plain-pied dans cette post-humanité d’après le dernier homme (les actuels débats sur le post-humanisme en sont le meilleur exemple), telle que rêvée par l’économiste Francis Fukuyama.(37) Le complexe d'Orphée qui sort – rappelons-le – le 5 octobre prochain et l'intégralité des écrits de Michéa relèvent donc de la plus saine des lectures pour tout anti-mondialiste, par-delà droite et gauche, afin de réfléchir aux alternatives communes à proposer contre le néo-totalitarisme. Avis à ceux qui ne l'ont pas encore lu !
(1) Impasse Adam Smith, p.11.
(2) La double pensée, p.249.
(3) Ibid., p.154n.
(4) L’empire du moindre mal, p.175n1.
(5) Orwell (G.), Essais, articles, lettres volume I, 67, « Recension : Tropic of Cancer de Henry Miller », p.200.
(6) Orwell (G.), Essais, articles, lettres, volume IV, 19, « Les lieux de loisirs », p.104.
(7) Orwell (G.), Essais, articles, lettres volume II, 17, Le Lion et la Licorne : socialisme et génie anglais, p.133.
(8) Orwell (S.), in Orwell (G.), Essais, articles, lettres volume I, préface, p.8.
(9) Orwell (G.), Écrits politiques (1928-1949), 35, « La révolte intellectuelle », p.248.
(10) Orwell, anarchiste tory, p.137.
(11) La double pensée, p.217.
(12) Dans Les intellectuels, le peuple et le ballon rond, Michéa effectue le rappel historique qu’avant sa perversion sémantique sous l’impulsion des médias, « le terme de « populisme » était employé de façon tout à fait positive pour désigner certains mouvements révolutionnaires issus des traditions russes et américaines de la deuxième moitié du 19ème siècle. », pp.43-44. En ce sens, il exposait que « le Ministère de la Vérité avait déjà ainsi presque réussi à nous faire oublier que Pasolini plaçait naguère sa défense des paysans du Frioul ou des travailleurs de Naples sous le drapeau, clairement déployé, du populisme », in Impasse Adam Smith, scolies I, [S] p.83.
(13) Orwell éducateur, p.71.
(14) La double pensée, p.170n.
(15) L’enseignement de l’ignorance, p.104.
(16) L’enseignement de l’ignorance, [F] « Anticapitalisme et conservatisme », p.105n2.
(17) Cité in Orwell, anarchiste tory, p.48.
(18) Impasse Adam Smith, p.49.
(19) L’enseignement de l’ignorance, [F], p.106n2.
(20) La double pensée, p.240.
(21) Michéa (J.-C.), Finkielkraut (A.), Bruckner (P.), Les valeurs de l’homme contemporain, p.24.
(22) La double pensée, p.265.
(23) Essais, articles, lettres volume I, 162, « Charles Dickens », pp.517-574.
(24) Les intellectuels, le peuple et le ballon rond, p.20.
(25) L’enseignement de l’ignorance, [D] « De l’ambiguïté de l’échange marchand », p.91.
(26) Les valeurs de l’homme contemporain, pp.16-17.
(27) Impasse Adam Smith, p.95.
(28) Essais, articles, lettres volume I, 149, « Recension : Russia under Soviet rule », pp.477-478.
(29) Impasse Adam Smith, p.97. C’est Michéa qui souligne.
(30) L’empire du moindre mal, p.55.
(31) Orwell éducateur, p.81.
(32) Culture de masse ou culture populaire ?, préface, p.20.
(33) Orwell éducateur, scolies I, [A], p.19.
(34) La double pensée, p.50n.
(35) Ibid., p.176.
(36) L’empire du moindre mal, p.125.
(37) « Le caractère ouvert des sciences contemporaines de la nature – écrit-il encore – nous permet de supputer que, d’ici les deux prochaines générations, la biotechnologie nous donnera les outils qui nous permettront d’accomplir ce que les spécialistes d’ingénierie sociale n’ont pas réussi à faire. A ce stade, nous en aurons définitivement terminé avec l’histoire humaine parce que nous aurons aboli les êtres humains en tant que tels. Alors commencera une nouvelle histoire, au-delà de l’humain. », cité par Michéa in L’empire du moindre mal, p.200.
Paul Léautaud est né le 18 janvier 1872 à Paris. Sa mère, l'une des multiples compagnes d'un père des plus volages, l'abandonnera cinq jours après l'accouchement. Son père, qui fut comédien puis souffleur durant vingt-trois ans à la Comédie française, relèvera et lui fera découvrir le monde du Théâtre qui l'enchantera. Le petit Paul jouit très jeune d'une grande indépendance. Dès l'âge de huit ans, il possède une clef du domicile, situé 21 rue des Martyrs. Il reverra sa mère en 1901, lors des obsèques de sa tante. Elle ne le reconnaîtra même pas... Elle mourra en 1916, assassinée par une domestique. Il entame, la même année, son Journal littéraire, qu'il tiendra soixante-trois ans. Le modeste employé de bureau va dévoiler, avec jubilation, les coulisses du monde des lettres, épingler les ridicules des petits et grands hommes de l'époque et raconter la comédie humaine, parfois scandaleuse, parfois risible. Bruno de Cessole, dans son « Défilé des réfractaires » le qualifie de « Saint-Simon de la IIIe République ». Misogyne et misanthrope affirmé, Paul Léautaud aimait la solitude et la compagnie de ses animaux favoris, chiens et chats (il en eut près de cinq cents), et même une chèvre, une oie et un singe, qu'il préférait de beaucoup à la fréquentation des hommes, qu'il jugeait féroces et hypocrites. Sans verser dans un freudisme de pacotille, on peut penser que Léautaud, le cynique, est devenu écrivain pour compenser les carences affectives dont il avait souffert, enfant : un enfant esseulé, sevré de tendresse, nostalgique d'un bonheur qu'il n'avait pas connu. Il refusa la possibilité d'être heureux, quand celle-ci se présentait à lui. Il écrira : « Ce qui me navre, c'est cette faculté que j'ai pour laisser tout passer devant moi, à portée de moi, ce manque de ressort, d'ambition, de vie autre qu'intérieure. J'ai toujours plus joui de mes chagrins que de mes bonheurs. » De l'amour, il ne connaîtra que l'amour physique. Ce pessimiste écrira : « l'amour, c'est l'attrait charnel, le plaisir reçu et donné, la jouissance réciproque. Le reste, les hyperboles, les soupirs, les élans de l'âme, sont des plaisanteries, des propos pour les niais, des rêveries de beaux esprits impuissants. » Et l'écriture ? Il dira : « Je suis arrivé à cette opinion, que la littérature, comme tous les arts, est une faribole. Il n'y a rien d'admirable. Il arrive qu'on intéresse, qu'on distraie, qu 'on plaise, rien de plus... » - Alexandre Valette, directeur du Mercure, était l'un des hommes à l'avoir le plus côtoyé. Il lui dira : « Au fond, vous êtes un aristocrate. Tous vos faits et gestes, vos façons d'agir, le prouvent. » Un aristocrate, peut-être, mais un aristocrate solitaire, sans aucune quête d'un quelconque pouvoir, un misanthrope affirmé qui observait cependant ses contemporains avec la curiosité de l'entomologiste qui dissèque les insectes. Ses positions politiques ? Il était autant réactionnaire qu'anarchiste. Il haïssait le désordre et la nouveauté, n'aimait pas le peuple et méprisait le patriotisme, la violence, la guerre et l'esprit grégaire. Il s'en prend aux ouvriers, jugés fainéants, aux allocations familiales, aux syndicats et aux partis politiques. Il détestait la politique et n'a jamais voté... Antisémite, il l'était assurément. Il revient sans cesse sur les origines juives de Léon Blum et ne cesse d'exprimer son soutien à Chamberlain qui avait tenté de faire la paix avec l'Allemagne national-socialiste. Dans son journal d'après-guerre, il regrettera l'Occupation allemande et accusera la Pologne d'avoir provoqué « la grande nation allemande. »... Il écrira, en novembre 1946 : « Être antisémite, c'est une opinion. Cette opinion est devenue un crime comme quelques autres. Condamnation. Si les juifs sont un jour les maîtres, cela deviendra peut-être un crime d'aller à la messe. » Il connaît dans les années 1950 une certaine célébrité, grâce à ses entretiens radiophoniques avec Robert Mallet. « Il s'évertua à donner de lui l'image d'un affreux bonhomme, égoïste et ricaneur, réactionnaire et passéiste, pourfendeur des fausses gloires et des impostures de son temps », raconte Bruno de Cessole. Les Français prirent plaisir à l'écouter et l'aimèrent, comme on aime un grand-père râleur. Il meurt le 22 février 1956 à Château-Malabry. Ses dernières paroles auraient été : « Maintenant, foutez-moi la paix. » Par testament, il avait nommé comme ayant-droit de ses œuvres la S.P.A., laquelle les gérera jusqu'en 2035. Ses descriptions du monde animal, de ses souffrances, de l'abandon cruel de fidèles compagnons par des maîtres sans cœur, sont les plus touchantes de son journal littéraire. Roger Nimier dira de lui : « Il aurait bien voulu être méchant. Il n'y a pas réussi. »
R.S. Rivarol du 21 décembre 2012