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culture et histoire - Page 1980

  • Brève histoire du capitalisme en quelques dates

    - 1846, la Grande Bretagne s'oriente vers le libre échangisme avec les lois sur le blé qui ruinent la paysannerie.
    - En 1914, la City ayant plus investi à l'étranger qu'en Grande Bretagne espéra redorer son blason avec la guerre. Mal lui en pris car en 1918 elle s'était encore plus affaiblie.
    Dans la période 1940-1945, la finance américaine sachant où était alors son intérêt, à savoir détruire un régime foncièrement hostile à la domination de l'argent sur les nations, incita à un effort industriel extraordinaire. Après 1945, la puissance industrielle américaine continua à se développer, notamment avec le plan Marschal destiné à solvabiliser l'Europe afin qu'elle achète les produits américains.
    - En 1945, le dollar avait été institué comme monnaie mondiale, étant réputée aussi bonne que l'or avec lequel elle était convertible, à un taux outrageusement bas puisque cette valeur de 35 $ l'once avait été fixée en 1934, au plus bas, durant la crise de 1929.
    - En 1967, de Gaule avait demandé le remboursement en or, ce qui avait provoqué une panique et des représailles (mai 68).
    - En 1971, Nixon suspendit la convertibilité du dollar - C'est alors que les banques américaines, avec Henri Kissenger firent ce grand coup politique d'adosser le dollar au pétrole : Kissenger s'entendit avec les pays de l'OPEP en les autorisant à quadrupler le prix du pétrole à condition de réinvestir leurs bénéfices en dollar.
    - Les masses de ces «pétrodollars» réinvesties aux États-Unis assurèrent une période de domination du dollar jusqu'au début des années 2000.
    Cela ne se fit pas sans difficultés : le gouvernement américain sut agir pour empêcher l'émergence de concurrents économiques et financiers importants, tant en Europe que dans le monde, le FMI (fond monétaire international) étant son bras armé, et mena une politique d'attractivité artificielle du dollar avec la politique monétariste de Paul Volker après 1979 :
    À noter que la collaboration est demeurée étroite durant tout ce temps entre la City (Londres) et Wall Street. En outre la City a pu continuer à joué un rôle mondial en jouant elle aussi d'un artifice : les pays du Commonwealth ont déposé leurs réserves d'or à la banque d'Angleterre afin d'étayer la £ comme deuxième monnaie du monde après le $.
    - En 1998, la faillite du fonds LTCM (Long Term Capital Management) était un signe avant-coureur de la crise actuelle.
    À titre d'exemple, LTCM, qui était un fonds spéculatif, ce qu'on appelle un « hedge found » jouait 24 fois ses mises de fond en faisant des paris sur telle ou telle affaire financière, 200 milliards étaient en jeu.
    Or l'un de ces paris, sur la dette publique russe s'étant révélé perdant, le risque encouru par la finance était tel qu'un consortium de 14 banques injecta 4 milliards de dollars pour le renflouer et l'assainir. Ainsi fut éviter un krach financier américain, et par suite mondial qui risquait de s'effondrer comme un jeu de dominos. À noter que la Fed baissa par trois fois ses taux d'intérêt ce qui alimenta derechef la bulle boursière américaine....
    Patrice Plard ( aidé d'un document d'A de Benoist)

  • Aux sources du FMI, un instrument du mondialisme

    Le FMI est à la fois pompier et pyromane. Soit, par ses diktats, il déstabilise les nations et les oblige à se plier aux exigences des financiers mondiaux, soit il intervient pour sauver des économies en péril comme récemment en Asie (et, à ce moment, il fait payer cher son intervention en renoncement à l'indépendance des États).
    Qu'il allume des feux ou qu'il les éteigne, le FMI se comporte, depuis sa création, comme un instrument de la mondialisation par la soumission à l'économie apatride.
    Son rôle a été une fois de plus mis en évidence par la crise asiatique qui continue à tant affoler le capitalisme mondial ennemi des peuples et des nations. Son efficacité a été moins grande que souhaitée et on envisage une réforme en prévision d'une troisième crise, la première ayant été celle du Mexique.
    « Il y aura une troisième crise », prédit M. Greenspan de la Réserve fédérale américaine. Il faut revoir et modifier l'architecture financière internationale, la menace d'implosion du système capitaliste venant, d'après lui, des « prêts interbancaires transfrontaliers à court terme ».
    On voudrait donc donner encore plus de pouvoirs au FMI comme le souhaite très clairement - entre les lignes - Le Monde, qui est devenu le quotidien français et francophone officiel de la mondialisation politiquement correcte.
    On se reportera donc avec avantage à l'article très documenté de la revue toujours précise et passionnante. Lectures Françaises, qui dénonce avec talent et depuis quarante ans, les mains cachées qui mènent le monde et complotent pour s'emparer du pouvoir sur une planète globale.
    Michel Leblanc, dans son analyse du rôle précis du FMI, nous rappelle que cet organisme international a été créé en 1945 lors des accords de Bretton Woods, que son but officiel est de protéger la coopération internationale sur le plan commercial et monétaire, et qu'il dispose d'un trésor de guerre alimenté par les États-membres, trente-neuf à l'origine, cent quatre-vingt-deux aujourd'hui.
    Pour sauver le capitalisme américain de la fracture mexicaine, le FMI a injecté, en 1995, près de 20 milliards de dollars dans l'économie de ce pays latin d'Amérique du Nord. Pour la crise asiatique, on a sans doute largement dépassé les 100 milliards de dollars, sans que cela soit suffisant pour épargner le Japon du raz de marée que pourraient provoquer les séismes de Thaïlande, de Corée du Sud et d'Indonésie. En tout cas, les dragons d'Asie ont dû accepter une large tutelle du FMI.
    Cependant, l'instrument privilégié du mondialisme économique n'est pas une banque mondiale, c'est un conseil des gouverneurs appelé la Board, qui représente les États-membres par le biais des ministres des Affaires étrangères. La Board, ou conseil d'administration, se compose de vingt-quatre membres dont huit permanents - les plus gros payeurs - la part du lion revenant aux USA qui fournissent plus de 40 milliards de dollars sur les 200 milliards de fonds de l'organisme.
    Le FMI est donc un instrument du Mondialisme à l'américaine. Et c'est toujours pour protéger les intérêts du capitalisme dominant, celui de Washington, que le FMI intervient. En Asie, on dénonce un véritable néocolonialisme qui vise tous les pays du monde... un langage difficile à employer aujourd'hui en Europe.
    Cependant, certains trouvent le FMI encore trop lié aux États pour jouer son rôle de gardien monétaire de la construction économique d'un futur gouvernement mondial. Ils plaident pour un impôt mondial qui rendrait le FMI indépendant des États-membres totalement indépendants des financiers apatrides à l'origine des institutions économiques onusiennes et mondialistes.
    Les USA craignent la troisième crise, celle qui, submergeant le Japon (qui  finance, par ses excédents commerciaux placés en bon du Trésor, le déficit américain), toucherait Wall Street en plein cœur et ferait s'effondrer la tour de Babel du capitalisme. Mais Babel s'est effondrée, tout comme le mur de Berlin. Depuis la chute du communisme, le capitalisme est unijambiste, et la canne du FMI pourrait, demain, ne plus lui assurer un équilibre artificiel. De sa chute inévitable sortirait alors un ordre nouveau tant redouté par ceux qui tirent les ficelles pour le malheur des peuples et l'abaissement des nations depuis 1945 et dont le FMI est un instrument dépassé.
    National Hebdo du 12 au 18 mars 1998

  • Clovis

    Clovis fut le roi des Francs de 481 à 511. Il est considéré à partir de 496 comme le premier roi catholique officiel de France (dynastie des Mérovingiens).

    Vie de Clovis

    Clovis, fédérateur des Gaules

    Bien avant que la dynastie Mérovingienne ne s'établisse, le destin de la Gaule était étroitement lié à l'Empire romain d'Occident. En effet, bien que les Romains aient annexé la Gaule, ils ont apporté à cette terre un semblant d'unité, car sans eux, les Gaulois se seraient égarés dans l'anarchie la plus obscure qui soit. Il faut savoir que si les troupes Césariennes ont pu conquérir la Gaule si facilement, c'est bien faute d'unité, comme en atteste la faible opposition aux envahisseurs romains qui n’auront connu d’opposition que par l'existence d'un Vercingétorix. Comme le dit Jacques Bainville, « pendant 500 ans, la Gaule partage la vie de Rome »; elle a partagé un état d'esprit, un savoir, une culture que bien d'autres contrées n'ont pu assimiler. D'un point de vue théologique la mutation a été profonde : les Gaulois alors païens pour la plupart se sont initiés au christianisme et ont perpétué l'enracinement du dogme que l'on peut considérer aujourd'hui comme pierre fondatrice de la France. Sur le plan ethnique, sans les Romains, nous aurions sans aucun doute été germanisés, sans le courage d’un Probus qui repoussa l'envahisseur allemand et plus tard d’un Aetius qui, lui, avec l'aide des Wisigoths et des Francs, battit mémorablement Attila. Grâce à cette collaboration militaire, les frontières gauloises restèrent inviolées de l’hégémonie germanique.

    Les Francs, unificateurs du peuple gaulois

    Du fait de la déchéance de l'Empire romain d'Occident, les Francs, peuple établi à la limite de la Meuse et du Rhin, vont jouer un rôle primordial dans l'élaboration de la monarchie française. En effet, c'est le peuple le plus apte à conquérir la Gaule du fait de son contrôle de toutes les routes stratégiques menant à Paris: très tôt, l'Église comprit l'intérêt d’attirer ce peuple vers la foi chrétienne; à la suite de la débâcle romaine, le pouvoir revient à l'Église qui -ce n'est pas son rôle- ne peut exercer une autorité politique sur la Gaule: c'est donc tout naturellement qu'elle trouve chez les Francs le salut par le rétablissement d'une autorité, qui plus est chrétienne. C'est grâce aux intérêts communs de l'Église et des Francs que le Roi Clovis rencontrera l'archevêque de Reims, Saint Rémi. Malheureusement la situation en Gaule et en dehors était devenue intenable: l'anarchie commençait à se répandre et l'ennemi germanique assisté des Bagaudes se pressait près des frontières. Ainsi une sorte d'« union sacrée » s'établit : les régents de toutes les contrées reconnurent le Roi Clovis comme chef et se fédérèrent autour de lui. Ainsi, l’armée de Clovis repoussa l’ennemi allemand à Tolbiac en l’an de grâce 496 et du fait de la victoire, Clovis se convertit au christianisme comme avait fait l'empereur Constantin. Grâce à cela, la civilisation et la religion étaient sauves, liées durablement à la monarchie. Il restait dès lors au roi Clovis à unifier toute la Gaule, chose qu'il réussit non sans peine. La dynastie mérovingienne était née et, malgré ses imperfections -notamment à cause de la loi salique qui interdisait l’accession au trône d’une femme-, elle durera du Vème au VIIIème siècle.

    http://fr.metapedia.org

  • « Julien Freund », 1995

    Quand Julien Freund est mort à Strasbourg le 10 septembre 1993, à l’âge de soixante-douze ans, c’est l’un des plus grands politologues et sociologues français de ce siècle qui disparaissait. Il était né à Henridorff (Moselle) le 8 janvier 1921, d’une mère paysanne et d’un père ouvrier socialiste. Aîné de six enfants, il avait dû interrompre prématurément ses études après la mort de son père et était devenu instituteur dés l’âge de dix-sept ans. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il participa activement à la Résistance. Pris en otage par les Allemands en juillet 1940, il parvint à passer en zone libre et, dès janvier 1941, milita à Clermont-Ferrand (où s’était repliée l’université de Strasbourg) dans le mouvement Libération d’Emmanuel d’Astier de La Vigerie, puis dans les Groupes-francs de Combat animés par Henri Frenay, tout en achevant une licence de philosophie.

    Arrêté en juin 1942 à Clermont-Ferrand, puis en septembre à Lyon, il fut avec Emmanuel Mounier l’un des accusés du procès Combat. Incarcéré à la prison centrale d’Eysses, puis à la forteresse de Sisteron, il parvint à s’évader le 8 juin 1944 et rejoignit jusqu’à la Libération les maquis FTP des Basses-Alpes et de la Drôme. Rentré à Strasbourg en novembre 1944, il se consacra quelque temps au journalisme et à l’action politique, expériences qui furent pour lui une source de déception en même temps que le point de départ d’une longue réflexion. Il fut en 1945-46 responsable départemental du Mouvement de libération nationale (MLN) de la Moselle, et quelque temps secrétaire académique du SNES.

    Ayant postulé dès 1946 à un poste de professeur de philosophie, il avait passé son agrégation, puis enseigné successivement au collège de Sarrebourg (1946-49), au lycée de Metz (1949-53) et au lycée Fustel de Coulanges de Strasbourg (1953-60). De 1960 à 1965, il avait été maître de recherche au CNRS, spécialisé dans les études d’analyse politique. En 1965, année de la soutenance de sa thèse de doctorat à la Sorbonne, il avait été élu professeur de sociologie à l’université de Strasbourg, où il fut le principal fondateur, puis le directeur de la faculté des sciences sociales. Proche de Gaston Bouthoul, il créa en 1970 l’Institut de polémologie de Strasbourg. On lui doit aussi la fondation en 1967 d’un Centre de recherches et d’études en sciences sociales, en 1972 de la Revue des sciences sociales de la France de l’Est, et en 1973 d’un Centre de recherche en sociologie régionale. Il a également enseigné en 1973-75 au Collège de l’Europe de Bruges, puis en 1975 à l’université de Montréal. Nommé en 1979 président de l’Association internationale de philosophie politique, il avait pris peu de temps après une retraite très anticipée pour ne plus cautionner un enseignement et une administration universitaires qu’il réprouvait. Depuis, retiré à Ville, il se consacrait entièrement à ses livres. Une soirée en son honneur a été organisée en décembre 1993 par le conseil de l’université des sciences humaines de Strasbourg.

    Marqué par la pensée de Max Weber, de Georg Simmel, de Vilfredo Pareto et de Carl Schmitt, auteurs qu’il contribua à mieux faire connaître en France, Julien Freund s’était imposé d’emblée avec son livre sur L’essence du politique, issu de la thèse de doctorat qu’il avait soutenue le 26 juin 1965 sous la direction de Raymond Aron (le philosophe Jean Hyppolite ayant préféré se récuser pour n’avoir à patronner ses thèses). Sur la nature du politique, sur les présupposés de cette catégorie (la triple relation entre obéissance et commandement, ami et ennemi, public et privé), sur les notions de valeur, de conflit, d’ordre, etc., il y multipliait les vues originales et novatrices. Il ne cessera d’ailleurs, par la suite, de s’intéresser aux invariants de l’esprit humain, qu’il s’agisse de l’esthétique, de l’éthique, de l’économique ou du religieux.

    Ses livres, presque tous fondamentaux, se rapportent aussi bien à la science politique qu’à la sociologie, à la philosophie ou à la polémologie. Après L’essence du politique (Sirey, 1965, trad. espagnole en 1968), il avait publié Sociologie de Max Weber (PUF, 1966 et 1983), Europa ohne Schminke (Winkelhagen, Goslar 1967), Qu’est-ce que la politique ? (Seuil, 1968 et 1978), Max Weber (PUF, 1969), Le nouvel âge. Éléments pour la théorie de la démocratie et de la paix (Marcel Rivière, 1970), Le droit d’aujourd’hui (PUF, 1972), Les théories des sciences humaines (PUF, 1973), Pareto. La théorie de l’équilibre (Seghers, 1974), Georges Sorel. Eine geistige Biographie (Siemens-Stiftung, München 1977), Les problèmes nouveaux posés à la politique de nos jours (Université européenne des affaires, 1977), Utopie et violence (Marcel Rivière, 1978), La fin de la Renaissance (PUF, 1980), La crisis del Estado y otros estudios (Instituto de Ciencia politica, Santiago de Chile 1982), Sociologie du conflit (PUF, 1983), Idées et expériences (Institut de sociologie de l’UCL, Louvain-la-Neuve 1983), La décadence. Histoire sociologique et philosophique d’une catégorie de l’expérience humaine (Sirey, 1984), Philosophie et sociologie (Cabay, Louvain-la-Neuve 1984), Politique et impolitique (Sirey, 1987), Philosophie philosophique (Découverte, 1990), Études sur Max Weber (Droz, Genève 1990), Essais de sociologie économique et politique (Faculté catholique Saint-Louis, Bruxelles 1990), L’aventure du politique. Entretiens avec Charles Blanchet (Critérion, 1991), D’Auguste Comte à Max Weber (Economica, 1992), L’essence de l’économique (Presses universitaires de Strasbourg, Strasbourg, 1993).

    Julien Freund avait encore dirigé plusieurs volumes collectifs, dont quatre numéros spéciaux de la Revue européenne des sciences sociales (Genève) et, avec André Béjin, le recueil Racismes, antiracismes (Klincksieck, 1986). On lui doit également des traductions de Max Weber (Le savant et la politique, Plon, 1959 ; Essais sur la théorie de la science, Plon, 1965, et Agora/Presses-Pocket, 1992 ; « Les concepts fondamentaux de la sociologie » in Économie et société, Plon, 1971).

    Son œuvre comprend aussi un nombre très important d’articles, d’essais, de préfaces et de communications. On en trouvera la liste dans « La bibliographie de Julien Freund » dressée par Piet Tommissen dans le numéro spécial de la Revue européenne des sciences sociales (no54-55, 1981, pp. 49-70) offert à Freund pour son 60e anniversaire. Une autre bibliographie, prolongée jusqu’en 1984 et également établie par Piet Tommissen, figure en annexe de Philosophie et sociologie (Cabay, Louvain-la-Neuve 1984, pp. 415-456 : « Julien Freund, une esquisse bio-bibliographique »).

    Tenu à l’écart par les coteries parisiennes, qu’il surclassait sans peine par l’ampleur de ses connaissances et la profondeur de ses analyses, Julien Freund était en revanche réputé dans le monde entier pour la qualité de ses travaux. Lutteur-né, auteur au savoir immense, remarquable conférencier, il était avant tout un esprit parfaitement libre qui, à maintes reprises, avait refusé de quitter son Alsace natale pour venir s’installer dans la capitale. « Kant vivait à Königsberg et non à Berlin », répondait-il à ceux qui s’en étonnaient. Mais il était aussi un homme truculent, fidèle à ses amitiés, courageux à l’extrême et d’une malicieuse rigueur. Amateur de peinture – il avait épousé en 1948 la fille du peintre alsacien René Kuder (1882-1962) – et de gastronomie régionale, il appartenait à l’espèce rare des pessimistes joyeux. Indifférent aux étiquettes et aux modes, il avait manifesté à la revue du GRECE Nouvelle École une sympathie active qui ne s’est jamais démentie pendant vingt ans. Plusieurs de ses essais y sont parus : Vilfredo Pareto et le pouvoir (no29, printemps-été 1976, pp. 35-45), Une interprétation de Georges Sorel (no35, hiver 1979-80, pp. 21-31), Que veut dire : prendre une décision ? (no41, automne 1984, pp. 50-58), Les lignes de force de la pensée de Carl Schmitt (no44, printemps 1987, pp. 11-27), Le conflit dans la société industrielle (no45, hiver 1988-89, pp. 104-115).

    1995. http://grece-fr.com

  • Les Mérovingiens

    Les Mérovingiens sont la dynastie qui régna sur une très grande partie de la France et de la Belgique actuelles, ainsi que sur une partie de l'Allemagne et de la Suisse, du Ve siècle jusqu'au milieu du VIIIe siècle.

    Cette lignée est issue des peuples de Francs saliens qui étaient établis au Ve siècle dans les régions de Cambrai et de Tournai, en Belgique (Childéric Ier). L'histoire des Mérovingiens est marquée par l'émergence d'une forte culture chrétienne parmi l'aristocratie, l'implantation progressive de l'Église dans leur territoire et une certaine reprise économique survenant après l'effondrement de l'Empire romain.

    Le nom mérovingien provient du roi Mérovée, ancêtre semi-mythique de Clovis.

    Origine

    La dynastie mérovingienne est issue de l'aristocratie franque. Les Francs, réunis en ligue depuis le IIIe siècle de notre ère, se sont progressivement installés dans le nord-est de l'Empire romain. Dès les premières années de l'Empire, des groupes migrants plus ou moins homogènes n'ont cessé de se déplacer d'est en ouest, poussés par d'autres migrants venus d'orient, et attirés en Gaule par la stabilité de la Pax Romana. Les premiers Francs pénètrent dans l'Empire légalement, certains sont intégrés dans l'armée romaine et peuvent espérer y faire une grande carrière (voir Richomer et Arbogast), d'autres s'installent dans l'Empire comme colons. Par la suite, les migrations franques dans le nord de la Gaule s'intensifient avec le déclin de l'autorité romaine et la chute de l'Empire d'Occident. Enrichies par leur service auprès de Rome, certaines grandes familles franques acquièrent un pouvoir local non négligeable. L'une d'entre elles, celle de Childéric Ier et de son fils Clovis, va s'imposer et fonder la première dynastie royale franque.

    Histoire générale et personnalités

    Le baptême de Clovis, d'après le Maître de Saint Gilles, ca. 1500

    Le premier représentant historique de la dynastie mérovingienne, Childéric Ier, fils de Mérovée, dominait l'ancienne province romaine de Belgique Seconde au nom de l'Empire. Son fils Clovis, roi en 481, n'est lui-même à l'origine qu'un des nombreux petits rois sous le gouvernement desquels se répartissaient les Francs Saliens. Son royaume, qui devait correspondre à peu près à l'étendue de l'ancienne cité romaine de Tournai, ne lui fournissant pas les forces nécessaires pour mener à bien l'attaque qu'il méditait contre Syagrius, officier romain auquel obéissait encore la région d'entre Loire et Seine, il associa à son entreprise ses parents, les rois de Thérouanne et de Cambrai. Mais il profita seul de la victoire. Syagrius défait, il s'appropria son territoire et employa la suprématie écrasante dont il jouissait désormais sur ses anciens égaux, pour se débarrasser d'eux. Soit par violence, soit par ruse, il les renversa ou les fit périr, fut reconnu par leurs peuples et en quelques années étendit son pouvoir à toute la région que le Rhin encercle de Cologne à la mer. Les Alamans qui, établis en Alsace et en Eifel, menaçaient le nouveau royaume d'une attaque par l'est, furent battus et annexés à la fin du Ve siècle. S'étant ainsi assuré la possession de toute la Gaule septentrionale du Rhin à la Loire, le roi des Francs put se consacrer à la conquête de la riche Aquitaine, dominée par les Wisigoths et leur roi Alaric II. Converti au catholicisme aux alentours de l'an 500Note 1, Clovis put éventuellement prétexter de leur hérésie (les Wisigoths adhéraient à l'arianisme) pour leur faire la guerre : il les battit à Vouillé en 507 et porta la frontière jusqu'aux Pyrénées. Le royaume des Burgondes (auxquels il s'était allié en épousant Clotilde, fille du roi Chilpéric II), de même que la Provence, le séparaient encore de la Méditerranée. Théodoric, roi des Ostrogoths, n'entendait pas laisser le royaume des Francs s'étendre jusqu'aux portes de l'Italie : Clovis dut donc renoncer à la Provence que Théodoric, pour plus de sûreté, annexa à son propre royaume1. Cette expansion rapide du royaume des Francs (latin regnum francorum) fut facilitée par sa conversion au catholicisme qui lui assura l'appui de l'aristocratie gallo-romaine et de l'Église catholique. Il installera sa capitale à Paris vers 507.

    A sa mort en 511, Clovis n'avait pas réglé sa succession et le royaume fut partagé entre ses quatre fils. Selon Grégoire de Tours, la région de Metz revint à Thierry, Orléans à Clodomir, Paris à Childebert et Soissons à Clotaire. Pour Bruno Dumézil2, mais également pour Geneviève Bührer-Thierry et Charles Mériaux3, il ne faut pas comprendre ce partage comme une division stricte du royaume. Les quatre frères sont rois en même temps mais l'intégrité du regnum francorum est en partie conservée, ce qui explique la relative facilité avec laquelle certains rois mérovingiens parviennent à réunifier le royaume à la mort de leurs frères (dont ils sont parfois eux-mêmes responsables). Cela n'a rien d'inédit si l'on compare cette succession à celles de certains empereurs romains comme Constantin Ier. C'est cette très fragile entente de circonstance entre les frères qui explique également la conquête de la Burgondie vers 534 par Childebert et Clotaire (à la demande de leur mère Clotilde selon Grégoire de Tours) puis de la Provence. Le royaume fut réunifié en 558 par Clotaire Ier, puis divisé à nouveau entre les fils de ce dernier en 561. Trois grosses entités territoriales se forment progressivement au sein du royaume : Neustrie, Austrasie et Bourgogne (l'Aquitaine passant sous l'autorité d'une dynastie de ducs indépendants). En 613, Clotaire II, petit-fils de Clotaire Ier, parvient à réunifier de nouveau le royaume des Francs. Comme le précise Bruno Dumézil, loin de régresser par suite de ces partages, « la superficie du monde franc double entre la mort de Clovis et la fin du VIe siècle »2.

    Les historiens ont longtemps considéré que le partage du royaume entre les fils, à la mort du roi, manifestait le fait que les peuples germaniques, et les Francs en particulier, considéraient le royaume comme un patrimoine personnel du roi et que la notion d’État leur était inconnue. Bruno Dumézil explique cependant que la notion romaine de "fisc" n'avait alors pas disparue et qu'une liste précise des terres "publiques" était tenue par les rois mérovingiens2.

    Cette réflexion sur la portée des partages successifs du royaume ne doit cependant pas masquer la réalité des conflits sanglants qu'a connus la dynastie mérovingienne à la fin du VIe siècle. Grégoire de Tours les rapporte longuement dans ses Dix livres d'histoires :

    Une querelle familiale opposa en effet pendant près de cinquante ans les deux fils de Clotaire Ier, à savoir Chilpéric Ier et Sigebert Ier, ainsi que leurs conjointes respectives, Frédégonde et Brunehilde. Selon Grégoire de Tours, Frédégonde, maîtresse de Chilpéric Ier, fit assassiner la femme de celui-ci, Galswinthe, une princesse wisigothique. La sœur de Galswinthe, Brunehilde, également épouse de Sigebert Ier, demanda alors à son mari de réagir en demandant une compensation en réparation du meurtre. Chilpéric Ier parut d'abord se soumettre mais, ne tenant pas ses engagements, la guerre finit par éclater entre les frères. On analyse souvent ce conflit comme la manifestation, à l'échelle du royaume, du principe de la "faide", le droit à la vengeance, comparable à la loi du Talion.

    Neuville, Le supplice de Brunehilde

    Le bilan de ce conflit familial est lourd :

    Au terme de ces cinquante années de conflit, Clotaire II parvient à réunifier le royaume des Francs, non sans avoir éliminé les gêneurs et les prétendants au trône. Il rassemble ainsi :

    On attribue à Clotaire II (584-629), l'édification d'un château à Clichy dans les Hauts-de-Seine, site probablement découvert à l'occasion d'une chasse. Rien ne permet d'en imaginer la forme ni l'importance. Cependant Clotaire II, en 626, y réunit un concile des évêques et princes de Neustrie et de Bourgogne. Son fils Dagobert Ier, roi des Francs de 629 à 639, s'y maria avec Gomatrude en 629, ce qui laisse penser que le palais avait quelque importance.

    Parmi les deux fils de Clotaire II, Charibert et Dagobert, le premier mourut prématurément en 632, et son fils Chilpéric décéda peu de temps après, ce qui permit l'unification du territoire. Le court règne de Dagobert Ier marqua alors une période d'apogée et de relative paix dans le royaume mérovingien. C'est également sous son règne que se placent les dernières conquêtes en direction de la Germanie, permettant d'atteindre le Danube.

    Le dernier siècle mérovingien est celui de l'ascension politique d'une famille aristocratique d'Austrasie appelée à un bel avenir : les Pippinides. Dès le règne de Clotaire II, Pépin Ier de Landen s'allie au roi contre Brunehilde, et obtient la mairie du palais d'Austrasie. Ses descendants, Grimoald puis Pépin II de Herstal, parviennent à la conserver par intermittence et s'emparent pour un temps de la mairie du palais de Neustrie, à la fin du VIIe siècle. En 717, un fils bâtard de Pépin II, Charles Martel, arrive sur le devant de la scène en devenant à son tour maire du palais d'Austrasie. Il doit alors faire face à la résistance de l'aristocratie neustrienne menée par Raganfred, maire du palais de Neustrie depuis 715. Les Neustriens ont fait d'un moine obscur nommé Daniel un roi mérovingien qui s'impose difficilement sous le nom de Chilpéric II. A sa mort en 721, ne laissant aucun héritier, c'est au tour de Charles Martel de sortir un mérovingien d'un monastère pour en faire un roi : Thierry IV. Ce dernier ne possédera jamais la réalité du pouvoir et s'effacera face à son puissant maire du palais. A la mort de Thierry IV en 737, Charles Martel est tellement influent qu'il peut se passer de roi jusqu'à sa propre mort en 741. Son fils, Pépin III le Bref, lui succède, et même s'il prend d'abord le parti de placer un dernier mérovingien sur le trône en 743 (Childéric III), ce sera pour mieux le déposer huit ans plus tard et se faire élire roi à sa place. C'est le temps de la dynastie carolingienne.

    La royauté mérovingienne

    Une royauté sacrée ?

    Comme l'explique Régine Le Jan4, le roi mérovingien est détenteur d'une certaine sacralité, bien qu'il ne bénéficie pas du rituel clérical du sacre, à la différence des rois wisigoths ou des rois carolingiens. Régine Le Jan affirme qu'il ne faut pas réduire cette sacralité à sa dimension magique et païenne (le heil), mais qu'il existe encore, au VIe siècle notamment, la possibilité d'une sacralité chrétienne non contrôlée par le clergé. Cette sacralité s'exprime dans les fonctions assumées par le roi mérovingien et se manifeste par de multiples rituels.

    Les fonctions du roi mérovingien

    Ary Scheffer, Bataille de Tolbiac

    Noyau de tradition

    Comme chez d'autres peuples germaniques du Ve siècle, l'institution royale naît chez les Francs par le contact avec Rome. La nécessité d'un interlocuteur faisant autorité et l'influence du modèle romain produisent une nouvelle forme d'organisation politique. Les divers peuples germaniques, éclatés et pluriethniques, se construisent une cohésion en cristallisant leur identité autour d'une figure royale qui fait office de "noyau de tradition" (Traditionskern)4. Ainsi les Francs existent-ils dès le moment où un chef se dit "roi des Francs" (rex francorum) et qu'il propose à ceux qui le suivent d'accepter sa propre ascendance (remontant jusqu'à un passé mythique) comme celle du peuple dans son intégralité. Le roi tire de ses ancêtres, historiques ou mythiques, une puissance charismatique, le heil, qu'il entretient par ses victoires guerrières et qui légitime sa position. L'institution royale se place alors au-dessus des groupes de parenté et des chefs de lignages, prétendant ainsi assurer leur cohésion et leur prospérité.

    Loi et paix, conquête et prospérité

    Les fonctions de paix et de fécondité sont d'origine divine : en les canalisant et en les contrôlant, l'institution royale se façonne une légitimité sacrale. Le roi tend ainsi à concentrer dans sa personne la fonction de juridiction, pour garantir la paix, et la fonction guerrière, pour assurer la prospérité de son peuple. La concentration en une personne de ces deux fonctions, souvent assumées dans les sociétés polythéistes par deux dieux distincts, est facilitée par l'adoption du monothéisme : le christianisme et son dieu unique et indivisible assoit la sacralité d'une royauté unique et indivisible4.

    La paix est assurée par la création de la loi: c'est une fonction sacrée, à la fois juridique et religieuse ; l'Ancien Testament est d'ailleurs souvent appelé "Loi". Le roi formule le droit et le fait respecter. Ainsi Clovis réunit-il le premier concile d'Orléans en 511 et met la loi salique par écrit, probablement avant 507 selon Régine Le Jan4. De la même façon, « Clotaire II et Dagobert ont affirmé fortement leur autorité juridico-religieuse en réunissant un concile à Paris et en promulguant l'édit de 614, puis la loi des Ripuaires et la première loi des Alamans »4. Clotaire II est d'ailleurs assimilé par le clergé à David, roi législateur et juge.

    La prospérité est assurée par les guerres, que le roi mène annuellement, à la belle saison, afin d'agrandir le territoire apte à produire des richesses, tout en amassant du butin qu'il partage avec ses fidèles.

    Domestication de l'espace

    La sacralité du roi s'exprime également par sa domestication de l'espace. C'est lui qui définit et contrôle l'accès à certains espaces sacrés, qui sont retirés à l'usage commun. Par la fondation de monastères et l'institution de l'immunité, il fournit des revenus au clergé qui prie pour son salut et celui de son royaume, tout en limitant le nombre de personnes qui peuvent accéder au sacré. De la même façon, l'institution des forestes au VIIe siècle, circonscrit des espaces sauvages dans lesquels le roi se réserve le droit de chasse. « Le roi peut créer l'interdit et dominer toutes les formes d'espaces sacrés »4.

    À ces fonctions sacrées s'ajoutent des rituels qui affirment la légitimité du roi à gouverner.

    Rituels et éléments de légitimité

    Pierre Révoil, Pharamond élevé sur le pavois

    L'élévation sur le pavois

    La royauté mérovingienne, comme beaucoup d'autres, nécessite, pour la légitimer, un rituel exprimant et créant le consensus. Ce rituel, l'élévation sur le pavois par les hommes libres, a été attribué à tort à une tradition germanique alors qu'il relève de l'imitation impériale4. Il fut utilisé par les empereurs romains élus par leur armée et sa transmission s'est faite d'Orient vers l'Occident au IVe siècle, par le contact entre les peuples germaniques et l'armée romaine. Ce rituel était encore en usage à Byzance à la fin du VIe siècle. Le rituel du pavois relève d'un symbolisme, courant en Orient comme en Occident, dans lequel l'élévation verticale traduit l'accès à la sphère divine, au sacré. L'élévation sur le pavois, qui met en scène un chef militaire et ses soldats, affirme également le caractère guerrier de la royauté et, selon Régine Le Jan4, lorsque Grégoire de Tours évoque ce rituel dans ses Dix Livres d'Histoire (fin VIe siècle), on comprend à mots couverts qu'il le désapprouve, car il n'est pas contrôlé par les clercs ; pour l'évêque de Tours, ce rituel manifeste l'élection du roi par ses guerriers mais pas son élection par Dieu. De fait, en Occident comme à Byzance, ce rituel disparaît à partir du VIIe siècle, lorsque le clergé monopolise le rituel du couronnement royal.

    Le circuit

    Traditionnellement, le nouveau roi doit circuler dans son royaume, monté sur un char à bœufs. Ce rituel du circuit symbolise la prise de possession du territoire au sein duquel le roi démultiplie les forces de production et de fécondité4. Ce rite archaïque est moqué par Éginhard, fidèle et biographe de Charlemagne : dans son entreprise de décrédibilisation de la dynastie mérovingienne, il décrit des rois se déplaçant constamment vautrés dans un char à bœufs et forge l'image des rois fainéants. Il s'agit cependant d'un très ancien rite de fécondité dont on trouve déjà un témoignage dans La Germanie de Tacite.

    Le nom

    Chez les rois francs, l’élection, symbolisée par l'élévation sur le pavois, se combine avec l'hérédité, manifestée par la transmission du nom dynastique. Très vite, les rois mérovingiens transmettent les noms complets de leurs ancêtres à leurs enfants4 : le nom est à la fois un outil identitaire et un programme politique. Ainsi, les fils de Clovis (Clodomir et Clotaire Ier) donnent-ils un même nom burgonde à leurs propres fils (Gunthar / Gontran) pour appuyer leur prise en main de la Burgondie. Ils affirment la légitimité de leur dynastie sur ce nouveau territoire en la reliant à un ancêtre des rois burgondes. De la même façon, en 715, lorsqu'il s'agira de tirer le clerc Daniel de son monastère pour en faire un roi mérovingien, on le renommera Chilpéric et on prendra soin de lui laisser pousser les cheveux, autre élément de légitimité.

    Les rois chevelus

    La symbolique de la longue chevelure, siège de pouvoir sacré et de force, est présente dans la tradition biblique. Dans l'Ancien Testament, on lit que la consécration à Dieu implique le renoncement à la coupe des cheveux4. C'est cette même symbolique qui s'exprime lorsque le roi Samson perd sa force surhumaine après s'être fait coupé les cheveux par Dalila. Si le port des cheveux longs chez les Francs est bien antérieur à la conversion au christianisme, Régine Le Jan4 explique que c'est Grégoire de Tours qui confère tout son poids symbolique à cette longue chevelure, en créant l'image des rois chevelus (reges criniti5) et en inscrivant les Mérovingiens dans la filiation des rois de l'Ancien Testament6. Pépin le Bref ne négligera pas la force de ce symbole et lorsqu'il décidera de déposer le dernier Mérovingien, Childéric III, avec l'aval des papes Zacharie et Étienne, il n'omettra pas de le faire tondre.

    Organisation du pouvoir mérovingien

    Clientélisme et concept de mundium

    Le regnum francorum mérovingien s'appuyait surtout sur un réseau de fidélités. Les rois distribuaient terres, revenus et charges « publiques » (la plus commune étant celle de comte) à partir du trésor royal (le fisc, concept emprunté à la romanité) pour récompenser les aristocrates fidèles et s'assurer de leur soutien. Le trésor royal, à la fois privé et public (car le roi était émanation du peuple), s'était ainsi substitué aux « biens publics » de l'époque romaine, évolution qui jeta les bases de la vassalité.

    Le régime de la clientèle, hérité de l'empire romain, encourage le faible à se mettre sous la protection (mundium ou mainbour) d'un puissant en échange de sa liberté ou de son indépendance. Ce procédé nommé "recommandation" exige du protégé qu'il serve son protecteur selon un contrat synallagmatique7. Le père de famille protège ses fils de son mundium jusqu'à leur entrée dans l'âge adulte. Les filles restent sous le mundium de leur père jusqu'à leur mariage, transmettant au mari le devoir de protection. Contrairement au droit romain, qui impose au père de la mariée de verser une importante dot, le droit mérovingien prévoit que le plus gros transfert de biens se fasse du marié vers le père de la future épouse. Il prévoit également qu'un tiers des biens du marié (la tertia8, un douaire) revienne à sa femme à son décès. « Il ne s'agit pas d'acheter sa fiancée : cette somme scelle le lien entre les deux familles et marque le consentement du père »8.

    Administration du palais

    Petrus Christus, Saint Éloi à l’atelier, 1449

    L'administration du palais royal était confiée à des officiers palatins, fidèles et compagnons du roi, encore souvent laïques9 :

    • le « référendaire », ou « chancelier », chargé de superviser la rédaction et la conservation des actes officiels ;
    • le « monétaire », chargé de la monnaie et des finances (saint Eloi assuma cette charge) ;
    • le « connétable » (comes stabuli), ou « maréchal », chargé des écuries royales ;
    • le « comte du palais », chargé du tribunal du palais, qui traite les causes importantes remontant au roi ;
    • mais c'est surtout la charge de « maire du palais » (major domus), sorte de premier ministre du roi, qui prit de l'importance, en raison de son rôle central au cœur des relations du pouvoir avec l'aristocratie.

    Le palais accueille également en son sein la garde personnelle du roi (la "truste"), formée de ses guerriers les plus fidèles ("antrustions" ou "leudes"), ainsi que les nutriti (littéralement "nourris") au temps de Dagobert, c'est-à-dire les enfants de grandes familles aristocratiques, envoyés à la cour du roi pour y être formés et, souvent, y occuper à terme une charge importante.

    Comtes et évêques

    Le pouvoir local était conféré aux comtes (comes ou « compagnon » du roi), nommés par le roi et installés dans les grandes cités. Le comte dirigeait une circonscription constituée de plusieurs pagi (qui a donné "pays"), découpage hérité de l'empire romain, et constituait un véritable relai du pouvoir. Ses fonctions étaient diverses : il convoquait les hommes libres pour l'armée royale (l'ost), levait certains impôts et présidait le tribunal du comté (le mallus) au nom du roi. La charge de comte était promise à un bel avenir : elle survécut durant tout le Moyen Âge et ses titulaires affirmèrent leur indépendance chaque fois que le pouvoir central défaillait. Ainsi, dès l'époque mérovingienne, certains comtes formèrent de véritables dynasties et devinrent incontrôlables, surtout dans les régions périphériques du royaume. Une partie de l'aristocratie du royaume constitua alors une noblesse héréditaire. À la fin du VIIe siècle, le titre de duc des Francs, ou dux francorum, pouvait venir officialiser la domination d'un aristocrate sur un vaste territoire (plusieurs comtés ou une région entière comme l'Austrasie) ; plusieurs Pippinides portèrent le titre de duc.

    Dans chaque cité, aux côtés des comtes, se trouvaient également les évêques, officiellement élus librement par leurs concitoyens, mais dont l'élection nécessitait, dans les faits, le consentement du roi. Outre leur compétence totale en matière de confection du droit de l’Église (au sein de conciles), les évêques se voyaient confiés d'importantes responsabilités civiles dans les cités dont ils avaient la charge. Ils constituaient un important maillon de l'administration du royaume mérovingien.

    Succession chez les Mérovingiens

    Lors du traité entre l'Empire Romain et les Francs Saliens, que dirigent des rois qui deviendront les Mérovingiens de l'historiographie, il est rappelé que la succession à la charge de Général reste la prérogative du Princeps romain. Rapidement, celui-ci n'est plus en mesure d'imposer ses choix; il ne peut donc que les valider, à la demande du général qui a pris le commandement après la mort de son prédécesseur. Dans les faits, le général, roi pour son peuple, est nommé selon les usages germaniques qui prévalent au sein de son peuple, et ce choix est validé par le Princeps10.

    Le royaume franc était considéré d’après la tradition germanique comme un bien patrimonial, c’est-à-dire que le royaume constituait le domaine familial du roi. Il n’y avait plus de distinction entre l’État, sa personne et son bien. Les victoires militaires aboutissaient donc à l’accroissement de la propriété familiale du roi. Ce partage était issu de la loi salique germanique. Cette loi excluait les femmes de la succession tant qu’il restait des héritiers mâles. Ainsi à la mort du roi, le royaume était divisé entre ses enfants de sexe masculin même si une femme peut hériter d'un domaine en pleine possession et non simplement comme usufruitière. Le titre de roi des Francs, ou Rex Francorum en latin, est générique. Il se transmet du père au fils, d'une génération à l'autre, dans la même famille, celle des Mérovingiens.

    Il faut néanmoins savoir que l'expression loi salique désigne deux réalités bien différentes.

    • Dans le haut Moyen Âge, il s'agit d'un code de loi élaboré, selon les historiens, entre le début du IVe siècle et le VIe siècle pour le peuple des Francs dits « saliens », dont Clovis fut l'un des premiers rois. Ce code, rédigé en latin, et comportant de forts emprunts au droit romain11, établissait entre autres les règles à suivre en matière d'héritage à l'intérieur de ce peuple.
    • Plusieurs siècles après Clovis, dans le courant du XIVe siècle, un article de ce code salique fut exhumé, isolé de son contexte, employé par les juristes de la dynastie royale des Valois pour justifier l'interdiction faite aux femmes de succéder au royaume de France directement issu de celui des Francs. À la fin de l'époque médiévale et à l'époque moderne, l'expression loi salique désigne donc les règles de succession au trône de France. Ces règles ont par ailleurs été imitées dans d'autres monarchies européennes. L'éviction des femmes du pouvoir par cette loi rattachée à une tradition franque mérovingienne puis carolingienne a été célébrée ou critiquée dès le XIIIe siècle12,13.
    Copie manuscrite sur vélin du VIIIe siècle de la loi salique. Paris, bibliothèque nationale de France.
    Article détaillé : Loi salique.

    Difficultés pratiques

    La première difficulté pratique était que le royaume devait être divisé équitablement. La mort du roi était suivie de nombreux pourparlers afin de décider de quelles régions allait hériter chaque fils. Ensuite, le partage du royaume faisait qu’il n’y avait plus un seul souverain à la tête d’un grand royaume mais plusieurs souverains à la tête de plusieurs petits royaumes ce qui affaiblissait considérablement le pouvoir de la dynastie franque. Cependant, le partage du royaume n’était pas aussi anarchique qu’on pourrait le croire. Bien qu’ayant chacun un bout de territoire franc, ils souhaitaient tous préserver l’unité du Regnum (royaume) (unification politique des peuples de la ligue franque (Chattes, Chamaves, Tubantes...), en un seul peuple, celui des Francs). Chaque héritier était donc considéré comme Rex Francorum, c’est-à-dire roi des Francs. Le roi règne sur un peuple et non un territoire. Cette recherche d’unité était telle que les frontières ont toujours été très défendues contre les différentes tentatives d’invasion. Ainsi, bien que divisé, le royaume franc était toujours considéré comme une unité. Enfin, Paris ancienne capitale sous Clovis, a perdu ce rôle pour devenir le symbole de l’unité du royaume car elle était exclue des partages.

    Conséquences politiques

    Plusieurs parties de territoires pouvaient être réunies par la force ou si l’un des frères mourait sans enfants.

    Le partage du royaume créa donc des conflits fratricides dictés par la convoitise qui étaient généralement suivis par des meurtres en série ou des guerres entre royaumes frères. Fustel de Coulanges voit dans cette royauté mérovingienne « un despotisme tempéré par l'assassinat »14.

    Prenons l’exemple de Clovis Ier : sa mort a été suivie du premier partage du royaume entre ses quatre fils : Théodoric, Clodomir, Childebert, Clotaire. Clodomir mourut lors d’une des nombreuses conquêtes qu’entreprirent les quatre frères. Les autres massacrèrent alors leurs neveux pour écarter tout héritier sauf saint Cloud qui se fit tondre (la chevelure des rois mérovingiens était légendaire, ils tenaient leur force et leur charisme de leurs cheveux qu’ils laissaient longs). Théodoric mourut après avoir envahi la Thuringe. Ses successeurs le suivirent rapidement suite aux guerres incessantes. Clotaire envahit le territoire de son frère aîné. Childebert mourut peu après sans descendance. Clotaire réunifia donc entièrement le royaume franc. Mais ce fut à la mort de ce dernier que les choses se sont réellement envenimées. Clotaire mourut avec quatre héritiers : Caribert, Chilpéric, Gontran, Sigebert. On procéda donc à un second partage du royaume qui fut suivi d’une longue « saga familiale » tragique confrontant la famille de Sigebert et Chilpéric. Cette querelle familiale, largement alimentée par la haine entre leurs épouses respectives, Brunehilde et Frédégonde, tourna rapidement à la guerre civile (connue sous le nom de faide royale).

    Lorsque Sigebert épousa Brunehilde (fille réputée belle, intelligente…), son frère, jaloux, épousera Galswinthe, la sœur de Brunehilde, qui finira finalement étranglée dans son lit par la maîtresse et future épouse de Chilpéric, Frédégonde. La haine s’installera donc entre les deux couples. Les territoires francs passeront de mains en mains. Finalement Sigebert et Chilpéric seront tous deux assassinés par Frédégonde. Les deux reines, toutes deux tutrices s’affronteront en tuant neveux, cousins et oncles afin de mettre leurs fils respectifs sur le trône.

    La haine que se voueront Frédégonde et Brunehilde aggravera la division Austrasie – Neustrie. Elle fera perdre toute unité au royaume et freinera le développement de la dynastie mérovingienne. Les conflits familiaux profiteront, par ailleurs, aux maires du palais. Ces guerres vont appauvrir les rois alors que les maires du palais vont s’enrichir et ainsi bénéficier d'un pouvoir croissant qui vont les amener jusqu’au trône avec l'avènement de Pépin le Bref.

    Économie et administration sous les Mérovingiens

    Jusqu'au règne de Dagobert Ier, l'État mérovingien ne se distingue pas fondamentalement de la tradition romaine. Après les troubles profonds dus aux invasions, l'état social du pays reprend son ancien caractère romain. Les terres du fisc impérial passent bien dans les mains du roi mais les grands propriétaires gallo-romains ont, sauf de rares exceptions, conservé leurs domaines, organisés comme ils l'étaient sous l'Empire. Le commerce reprend lentement son activité. Marseille, centre du grand commerce maritime avec l'Orient, reçoit ces marchands syriens que l'on retrouve d'ailleurs dans les villes importantes du sud de la Gaule et qui, avec les Juifs, sont les principaux marchands du pays. Les villes de l'intérieur conservent une bourgeoisie de commerçants parmi lesquels il en est qui, en plein VIe siècle, nous sont connus comme des notables riches et influents.

    Grâce à ce commerce régulier qui maintient dans la population une importante circulation de marchandises et d'argent, le trésor du roi, alimenté par les tonlieux, dispose de ressources importantes, au moins aussi considérables que celles qu'il retire du revenu des domaines royaux et du butin de guerre.

    Cette civilisation tombe dans une certaine décadence mais elle conserve ses traits essentiels.

    Les fonctionnaires importants, choisis parmi les grands, font preuve, à l'égard du pouvoir, d'une singulière indépendance et l'impôt n'est souvent prélevé par le comte qu'à son profit personnel. L'affaiblissement de l'ancienne administration romaine, coupée de Rome, et dont le roi maintient avec peine les derniers vestiges, permet à l'aristocratie des grands propriétaires de prendre, en face du roi et dans la société, une position de plus en plus forte. C'est surtout dans le Nord, en Austrasie, où la romanisation est presque complètement effacée, qu'elle s'assure, dès le VIIe siècle, une prépondérance absolue.

    Cette aristocratie, dont l'action grandit sans cesse, n'a rien d'une noblesse. Elle ne se distingue pas du reste de la nation par sa condition juridique, mais seulement par sa condition sociale. Ceux qui la composent sont, pour parler comme leurs contemporains, des grands (majores), des magnats (magnates), des puissants (potentes), et leur puissance dérive de leur fortune. Tous sont de grands propriétaires fonciers : les uns descendent de riches familles gallo-romaines antérieures à la conquête franque, les autres sont des favoris que les rois ont largement pourvus de terres, ou des comtes qui ont profité de leur situation pour se constituer de spacieux domaines. Qu'ils soient romains ou germaniques de naissance, les membres de cette aristocratie forment un groupe lié par la communauté des intérêts, et chez lequel n'a pas tardé à disparaître et à se fondre dans l'identité des mœurs, la variété des origines. A mesure que l’État, auquel ils fournissent les plus importants de ses agents, se montre plus incapable de garantir la personne et les biens de ses sujets, leur prépondérance s'affirme davantage. Leur situation personnelle profite des progrès de l'anarchie générale et l'insécurité publique augmente sans cesse leur influence privée. En tant qu'officiers du roi, les comtes traquent et rançonnent les populations qu'ils sont censés protéger[non neutre] ; mais à partir du moment où ces personnes leur auront cédé leurs terres et leurs personnes et seront venus s'annexer à leurs domaines, ces mêmes comtes, en tant que grands propriétaires, étendront sur eux leur puissante sauvegarde. Ainsi les fonctionnaires mêmes de l’État travaillent contre l’État[réf. nécessaire], et en étendant sans cesse sur les hommes et les terres leur clientèle et leur propriété privée, ils enlèvent au roi ses sujets directs et ses contribuables.

    Le rapport qui s'établit entre les puissants et les faibles ne relève pas simplement du rapport économique entre un propriétaire et son tenancier. Né du besoin d'une protection effective au sein d'une société livrée à l'anarchie[non neutre], il crée entre eux un lien de subordination qui s'étend à la personne tout entière. Le contrat de recommandation, qui apparaît dès le VIe siècle, donne au protégé le nom de vassal (vassus) ou de serviteur, au protecteur le nom d'ancien ou de seigneur (senior). Le seigneur est tenu non seulement de pourvoir à la subsistance de son vassal, mais de lui fournir d'une manière permanente secours et assistance et de le représenter en justice. L'homme libre qui se recommande conserve les apparences de la liberté, mais en fait, il est devenu un client, un sperans du senior.

    Ce protectorat que le seigneur exerce sur les hommes libres en vertu de la recommandation, il l'exerce naturellement aussi et avec plus d'intensité sur les hommes qui appartiennent à son domaine, anciens colons romains attachés à la glèbe ou serfs descendant d'esclaves romains ou germaniques dont la personne même, en vertu de la naissance, est sa propriété privée. Sur cette population dépendante, il possède une autorité à la fois patriarcale et patrimoniale qui tient tout ensemble de la justice de paix et de la justice foncière. Il n'y a là, au début, qu'une simple situation de fait. Mais rien n'illustre mieux l'impuissance de l’État que l'obligation dans laquelle il s'est trouvé de la reconnaître. À partir du VIe siècle, le roi accorde, en nombre toujours croissant, des privilèges d'immunité. Il faut entendre par là des privilèges concédant à un grand propriétaire (le plus souvent une propriété ecclésiastique) l'exemption du droit d'intervention des fonctionnaires publics dans son domaine. L'immuniste est donc substitué sur sa terre à l'agent de l’État. Sa compétence, d'origine purement privée, reçoit une consécration légale. Cependant, il est délicat d'affirmer que l’État capitule devant l'immuniste, car la compétence de ce dernier émane du roi et s'exerce en son nom.

    La situation est d'autant plus grave[non neutre] que des propriétés du roi lui-même, qui avaient compris à l'origine tout le domaine foncier de l'Etat romain, il ne subsiste plus, à la fin de la période mérovingienne, que d'insignifiants débris[réf. nécessaire]. Lambeau par lambeau, en effet, elles ont été cédées à l'aristocratie en vue d'acheter sa fidélité. Les partages continuels de la monarchie entre les descendants de Clovis, la séparation et la réunion alternatives des royaumes de Neustrie, d'Austrasie et de Bourgogne, le remaniement continuel des frontières et les guerres civiles qui en étaient la suite, furent pour les grands une excellente occasion de marchander leur dévouement aux princes que le hasard des héritages appelait à régner sur eux et qui, pour s'assurer la couronne, étaient tout prêts à sacrifier le patrimoine de la dynastie.

    Pour la première fois une opposition va se manifester entre l'aristocratie romanisée de Neustrie, et les grands d'Austrasie, restés beaucoup plus proches des mœurs et des institutions germaniques[réf. nécessaire]. L'avènement de l'aristocratie amène naturellement les influences locales à se manifester ; la diversité se substitue ainsi à l'unité royale.

    La conquête de la Méditerranée par les Musulmans devait précipiter l'évolution politique et sociale qui s'annonçait. Jusqu'alors, au milieu d'une société qui glissait vers le régime de la propriété seigneuriale, les villes s'étaient maintenues vivantes par le commerce, et avec elles une bourgeoisie libre.

    Dans la seconde moitié du VIIe siècle, tout commerce cesse sur les côtes de la Méditerranée occidentale. Marseille, privée de navires, meurt asphyxiée, et toutes les villes du midi, en moins d'un demi-siècle, tombent dans une totale décadence[non neutre]. À travers tout le pays, le commerce, que n'alimente plus la mer, s'éteint ; la bourgeoisie disparaît avec lui ; il n'existe plus de marchands de profession, plus de circulation commerciale, et, par contre coup, les tonlieux cessent d'alimenter le trésor royal, incapable de faire face désormais aux dépenses du gouvernement.

    L'aristocratie représente, dès lors, la seule force sociale. En face du roi ruiné, elle possède, avec la terre, la richesse et l'autorité ; il ne lui reste plus qu'à s'emparer du pouvoir15.

    Notes

    1. Les débats des historiens sont encore vifs au sujet de cette date. Certains placent la conversion dès 496 tandis que d'autres ne l'imaginent pas avant 511.
    2. Christian Settipani pense que le roi en question n'est pas Childéric II mais Clotaire II ou Dagobert Ier.

    Références

    1. H. Pirenne, Histoire de l'Europe. Des invasions au XVIe siècle, Paris-Bruxelles, 1939, pp. 35-36
    2. a, b et c L'Histoire n°358, novembre 2010, page 44-45.
    3. Geneviève Bürher-Thierry et Charles Mériaux, La France avant la France, Belin, 2010, p. 138.
    4. a, b, c, d, e, f, g, h, i, j, k et l Régine Le Jan, « La sacralité de la royauté mérovingienne [archive] », Annales. Histoire, Sciences Sociales, Juin 2003 (58e année), p. 1217-1241.
    5. Jean Hoyoux, « Reges criniti Chevelures, tonsures et scalps chez les Mérovingiens », dans Revue belge de philologie et d'histoire, vol. 26, no 3, 1948, p. 479-508 [texte intégral [archive]]
    6. « Beaucoup rapportent que ceux-ci (les Francs) seraient sortis de la Pannonie et auraient d'abord habité les rives du fleuve Rhin ; puis, après avoir franchi le Rhin, ils seraient passés en Thuringe et là ils auraient créé au-dessus d'eux dans chaque pays et chaque cité des rois chevelus appartenant à la première et, pour ainsi dire, à la plus noble famille de leur race », Grégoire de Tours, Histoire des Francs, trad. R. Latouche, Les Belles Lettres, 1963, Livre II, p. 98.
    7. Georges Tessier, Le baptême de Clovis, éditions Gallimard, 1964, pp. 265-267.
    8. a et b L'Histoire n°358, novembre 2010, page 58-61.
    9. Geneviève Bürher-Thierry et Charles Mériaux, La France avant la France, Belin, 2010, p. 188.
    10. K. F Werner, naissance de la Noblesse, op. cit.
    11. Bruno Dumézil, « Les Francs ont-ils existé? », L'Histoire, n° 339, février 2009, pp. 80-85.
    12. Colette Beaune, Naissance de la Nation France, 1993, folio histoire, éd. Gallimard.
    13. Éliane Viennot, La France, les femmes et le pouvoir, Volume 1, L'invention de la loi salique (Ve-XVIe siècle), Perrin, 2006.
    14. Jean Silve de Ventavon, La légitimité des lys et le duc d'Anjou, Fernand Lanore, 1989 [lire en ligne [archive]], p. 20
    15. H. Pirenne, Histoire de l'Europe. Des invasions au XVIe siècle, Paris-Bruxelles, 1939, pp. 36-39

    http://fr.wikipedia.org

  • National-bolchevisme et extrême-droite

     

    National-bolchevisme et extrême-droite
    Réponse à un étudiant en sciences politiques dans le cadre d’un mémoire

    Quelles sont les relations entre “national-bolchevisme” et “extrême-droite”? Cette dernière a-t-elle le même programme social que les partis révolutionnaires?

    Question difficile qui oblige à retourner à toute la littérature classique en ce domaine: Sauermann, Kabermann, Dupeux, Jean-Pierre Faye, Renata Fritsch-Bournazel, etc. En résumé, on peut dire que le rapprochement entre nationalistes (militaristes et conservateurs) et le parti communiste allemand en 1923, repose sur le contexte et les faits historiques suivants:

    1. L'Allemagne est vaincue et doit payer d'énormes réparations à la France. Son économie est fragilisée, elle a perdu ses colonies, elle n'a pas d'espace pour déverser le trop-plein de sa population ou l'excédent de sa production industrielle, elle n'est pas autonome sur le plan alimentaire (perte de la Posnanie riche en blé au profit du nouvel Etat polonais) , ses structures sociales et industrielles sont ébranlées.

    2. L'URSS communiste est mise au ban des nations, est boycottée par les Anglo-Saxons. Elle a du mal à décoller après la guerre civile qui a opposé les Blancs aux Rouges.

    3. Par une alliance entre Allemands et Soviétiques, le Reich trouve des débouchés et des sources de matières premières (Sibérie, blé ukrainien, pétrole caucasien, etc. ) et l'URSS dispose d'un magasin de produits industriels finis.

    4. Pour étayer cette alliance qui sera signée à Rapallo en 1922 par les ministres Rathenau et Tchitchérine, il faut édulcorer les différences idéologiques entre les deux Etats. Pour les Allemands, il s'agit de déconstruire l'idéologie anti-communiste qui pourrait être activée en Allemagne pour ruiner les acquis de Rapallo. Le communisme doit être rendu acceptable dans les médias allemands. Pour les Soviétiques, les Allemands deviennent des victimes de la rapacité capitaliste occidentale et du militarisme français.

    5. Les cercles conservateurs autour d'Arthur Moeller van den Bruck élaborent la théorie suivante: Russie et Prusse ont été imbattables quand elles étaient alliées (comme en 1813 contre Napoléon) . Sous Bismarck, l'accord tacite qui unissait Allemands et Russes a donné la paix à l'Europe. L'Allemagne est restée neutre pendant la guerre de Crimée (mais a montré davantage de sympathies pour la Russie) . L'alliance germano-russe doit donc être un axiome intangible de la politique allemande. Le changement d'idéologie en Russie ne doit rien changer à ce principe. La Russie reste une masse territoriale inattaquable et un réservoir immense de matières premières dont l'Allemagne peut tirer profit. Moeller van den Bruck est le traducteur de Dostoïevski et tire les principaux arguments de sa russophilie pragmatique du “Journal d'un écrivain” de son auteur favori. Comprendre les mécanismes de l'alliance germano-russe et, partant, du rapprochement entre “bolchéviques” et “nationalistes”, implique de connaître les arguments de Dostoïevski dans “Journal d'un écrivain”.

    6. Côté communiste, Karl Radek engage les pourparlers avec la diplomatie du Reich et avec l'armée (invitée à s'entraîner en Russie; cf. l'œuvre militaire du Général Hans von Seeckt; pour comprendre le point de vue soviétiques, cf. l'œuvre de l'historien anglais Carr) .

    7. L'occupation franco-belge de la Ruhr empêche l'industrie rhénane de tourner à fond pour le Reich et, donc, par ricochet pour l'URSS, dont le seul allié de poids est le Reich, en dépit de ses faiblesses momentanées. Les communistes, nombreux dans cette région industrielle et bien organisés, participent dès lors aux grèves et aux boycotts contre la France. Le Lieutenant Schlageter qui a organisé des sabotages aux explosifs et des attentats est arrêté, condamné à mort et fusillé par les Français: il est un héros des nationalistes et des communistes dans la Ruhr et dans toute l'Allemagne (cf. les hommages que lui rendent Radek, Moeller van den Bruck et Heidegger) .

    8. Allemands et Russes entendent soulever les peuples dominés dans les colonies françaises et anglaises contre leurs dominateurs. Dans le cadre du “national-bolchevisme”, on voit se développer un soutien aux Arabes, aux Indiens et aux Chinois. L'idéologie anti-colonialiste naît, de même qu'un certain anti-racisme (nonobstant la glorification de la germanité dans les rangs conservateurs et nationaux) .

    9. Autre facteur dans le rapprochement germano-soviétique: la Pologne qu'Allemands et Russes jugent être instrumentalisée par la France contre Berlin et Moscou. En effet, en 1921, quand les Polonais envahissent l'URSS, à la suite d'une attaque soviétique, ils sont commandés par des généraux français et armés par la France. Dans les années 20 et 30, la France co-finance l'énorme budget militaire de la Pologne (jusqu'à 37% du PNB) .

    10. L'idéal axiomatique d'une alliance germano-russe trouve son apogée dans les clauses du pacte germano-soviétique d'août 1939. Elles seront rendues nulles et non avenues en juin 1941, quand les armées de Hitler envahissent l'Union Soviétique.

    11. Dans les nouvelles moutures de “national-bolchevisme”, après 1945, plusieurs facteurs entrent en ligne de compte:

    a) Refuser la logique anti-soviétique des Américains pendant la guerre froide et surtout après l'accession de Reagan à la présidence à la suite des élections présidentielles de novembre 1980. Ce refus culmine lors de la vague pacifiste en Allemagne (1980-85) , où on ne veut pas de guerre nucléaire sur le sol européen. C'est aussi l'époque où les principaux idéologues du national-bolchevisme historique sont redécouverts, commentés et réédités (p. ex. Ernst Niekisch) .

    b) Remettre sur pied une forme ou une autre d'alliance germano-soviétique (en Allemagne) ou euro-soviétique (ailleurs, notamment en Belgique avec Jean Thiriart) .

    c) Créer un espace eurasiatique comme ersatz géopolitique de l'internationalisme (prolétarien ou autre) .

    d) Montrer une préférence pour les idéologies martiales contre les idéologies marchandes, véhiculées par l'américanisme.

    e) Chercher une alternative au libéralisme occidental et au soviétisme (jugé trop rigide: “panzercommunisme”, “capitalisme d'Etat”, règne des apparatchiks, etc. ) ;

    f) La recherche de cette alternative conduit à se souvenir des dialogues entre “extrême-droite” et “extrême-gauche” d'avant 1914 en France. Dans cette optique, les travaux du Cercle Proudhon en 1911 où nationalistes maurrasiens et socialistes soréliens avaient confronté leurs points de vue, afin de lutter contre un “marais” politique parlementaire, incapable de résoudre rapidement les problèmes de la société française.

    g) Ce “néo-national-bolchevisme” retient des années 20 et 30 une option anti-colonialiste ou anti-néo-colonialiste, amenant la plupart des cercles nationaux-révolutionnaires ou nationaux-bolcheviques à prendre fait et cause pour les Palestiniens, pour Khadafi, pour l'Iran, etc. et à partager avec les gauchistes le culte de personnalités comme le Che. De même, à appuyer les guerillas ethnistes en Europe (IRA, Basques, Corses, etc. ) .

    La question du programme social est complexe, mais il ne faut pas oublier le contexte. La bourgeoisie allemande est ruinée, elle n'a plus d'intérêts immédiats et peut accepter des revendications sociales extrêmes. Le mark ne vaut plus rien, l'inflation atteint des proportions démesurées. Entre 1924 et 1929, quand la société allemande semble se normaliser, les clivages réapparaissent mais sont à nouveau balayés par le krach de 1929. N'oublions pas que l'Allemagne, contrairement aux Etats occidentaux, avait mis sur pied un système de sécurité social optimal, avec le concours de la social-démocratie, associée au pouvoir depuis Ferdinand Lassalle (chef de la sociale-démocratie à la fin du XIXième siècle) . La notion de justice sociale y est donc mieux partagée qu'en Occident. Droites et gauches rêvaient de concert de remettre en état de fonctionnement le système social wilhelminien. La plupart des débats oscillaient entre redistribution des revenus (des nationalistes aux sociaux-démocrates) et expropriation des biens privés (les ultras de la gauche communiste) .

    Mai 1998. Robert Steuckers  http://www.voxnr.com
  • L'Iran en quête de sécurité et d'indépendance Général Pierre Marie GALLOIS août 2005

    En ce milieu de l'année 2005 c'est l'Iran qui suscite la grande interrogation internationale et provoque d'abondants commentaires. L'Iran et sa politique énergétique mettent l'Occident à l'épreuve. Plus d'un demi siècle de ses certitudes sécuritaires sont mises en question.

    Le 11 août, après deux jours de délibérations, pressés par Washington, les 35 membres du directoire administrant l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (ou IAEA selon le sigle anglo-saxon) avaient adopté une résolution incitant l'Iran à suspendre toute activité d'enrichissement (de l'uranium). Au sein de l'AIEA, la majorité requise est de 18 voix. Or, au nombre des 35 membres siègent 14 représentants des " pays non alignés ", d'où les débats et la relative modération de la résolution finalement adoptée.

    Contrastés ont été les commentaires :

    - Absurde " s'est exclamé le représentant iranien à l'AIEA. " Au cours de la présente décennie, l'Iran sera un pays producteur de combustible nucléaire ".
    - Toutes les options sont sur la table ", a menacé le président Bush, faisant allusion à l'intervention armée, tandis que madame C. Rice, Secrétaire d'Etat, affirmait que " les Etats-Unis ne peuvent laisser l'Iran développer un armement nucléaire ".
    - A Berlin, une nouvelle fois, M. Schröder s'opposait aux Etats-Unis. " Chers amis d'Europe et d'Amérique, travaillons à occuper une forte position pour la négociation. Mais écartons l'option militaire. Nous avons vu qu'elle n'est pas la bonne ", sous entendu, les évènements d'Irak en témoignent.
    - A Paris, le ministre des Affaires étrangères a cru bon d'affirmer que " l'Europe est tout à fait en mesure d'offrir à l'Iran des garanties sur sa sécurité ". Téhéran doit tenir ces propos pour une plaisante vantardise. Pour qu'ils aient un sens encore faudrait-il l'aval de Washington.
    - A Pékin, a été signé avec Téhéran un contrat de 70 milliards de dollars portant sur l'exploitation des gisements de pétrole de la région de Yadaran, à l'ouest de l'Iran. Pour la Chine les approvisionnements en énergies fossiles sont prioritaires et l'Iran en regorge. De surcroît un échec politique de Washington ne déplairait pas.
    - A Moscou, l'on entretient d'étroites relations avec Téhéran. Les Allemands s'étant retirés, ce sont les Russes qui achèvent la construction et l'équipement de la centrale nucléaire de Bouchehr. Et ils entendent honorer leurs engagements d'autant qu'il a été convenu que le combustible irradié serait envoyé en Russie garantissant ainsi l'utilisation pacifique de la centrale. Moscou est d'autant plus incité à s'entendre avec Téhéran que l'installation de bases américaines en Asie centrale menace l'influence russe dans les ex républiques soviétiques musulmanes.
    - A Tel Aviv, l'on juge particulièrement dangereuse la future arme nucléaire iranienne. " Avec ses missiles (Chahab 3 et 4) l'Iran pourra atteindre Londres, Paris, Berlin et le sud de la Russie, mettant en péril non seulement la sécurité d'Israël mais la stabilité du monde entier… premier exportateur mondial du terrorisme, de la haine et de l'instabilité, il a remplacé Saddam Hussein " avançait un ministre israélien, oubliant que les faits ont démenti bien des accusations portées contre Saddam Hussein. Ou encore : " l'Iran menace aussi les pays du Golfe, leur pétrole, il faut détruire ses installations (atomiques). Grâce à ses F 15, l'Etat d'Israël peut frapper l'Iran ".

    Mais ce qui importe, au premier chef, c'est l'attitude du gouvernement iranien. Elle a été à la fois péremptoire et ambiguë. Hamid Reza Assefi, porte-parole du ministère des Affaires étrangères (ce sera Manouchehr Mottaki, ancien ambassadeur au Japon) déclara que " cette résolution politique, adoptée sous la pression des Etats-Unis et de leurs alliés n'a pas de fondement juridique ni de logique et elle est inacceptable… La république islamique d'Iran ne renoncera pas à ses droits légitimes et insiste toujours pour avoir la maîtrise de la technologie nucléaire civile ".

    A Téhéran le président Mahmoud Ahmadinejad affirma que le traitement de l'uranium était, pour l'Iran, un droit et s'il acceptait de poursuivre la négociation avec l'Allemagne, la France et la Grande-Bretagne, il rejetait catégoriquement leurs propositions, qu' " il tenait pour une insulte à son peuple, comme si les Iraniens formaient une nation de primitifs ".

    Un technicien Iranien donnant des explications lors d’une exposition de l’Organisation de l’Energie Atomique Iranienne.

    Et les scientifiques iraniens remirent en marche les installations transformant en gaz le minerai d'uranium, activité qu'ils avaient stoppée - de leur plein gré disaient-ils - à l'issue des entretiens avec les diplomates des trois intervenants européens. " Cette relance des activités de la centrale nucléaire d'Ispahan est une mesure de protection des droits de la nation ", déclara Téhéran, justifiant ainsi la levée des scellés apposés sur le site par l'AIEA. L'ambiguïté réside dans le fait que le traitement de l'uranium naturel n'est pas l'enrichissement qui, poussé à un pourcentage élevé, aboutit à un matériau fissile utilisable à des fins militaires, mais il en est la lointaine condition préalable.

    D'où la controverse : Les Occidentaux estiment que l'Iran vise la bombe - mais ils ne peuvent le prouver, et M. Elbaradei, directeur de l'AIEA le reconnaît - tandis que Téhéran réclame l'enrichissement nécessaire au combustible de ses centrales nucléaires productrices d'électricité.(1) - mais ne s'interdit pas de le porter un jour au niveau des applications militaires.

    Celles-ci peuvent être obtenues, compte tenu des ressources de l'Iran, par deux procédés :
    - L'un consiste à traiter du minerai d'uranium pour en extraire un gaz, l'oxyde d'uranium concentré, lequel est progressivement " enrichi " à l'aide de centrifugeuses, montées en chaîne, aux rotors tournant à une vitesse très élevée et séparant les isotopes d'uranium 235 fissile une fois atteint un certain niveau d'enrichissement. L'Iran chercherait à disposer de quelque 5000 centrifugeuses, installées dans une usine souterraine. Les inspecteurs de l'AIEA auraient constaté l'existence de seulement 160 de ces centrifugeuses (à Natanz). Ce procédé a été mis au point par la société anglo-germano-hollandaise URENCO avec deux modèles de centrifugeuses, le G1 et le G 2, l'Iran les détenant l'un et l'autre. Le scientifique pakistanais Abdel Qadir Khan aurait aidé l'Iran, comme il aida la Corée du nord et la Libye, à la fois en ce qui concerne les centrifugeuses et aussi en ce qui a trait à l' " architecture " de la bombe.
    Voici deux ans, le président Mohamed Khatami révéla que l'Iran possédait une mine d'uranium naturel, mine découverte en 1985 et située non loin de la ville de Yazd, au centre du pays et que cette mine était en exploitation, déclaration qui confirmait la validité du procédé qui vient d'être sommairement décrit.
    - Le second procédé repose d'abord sur l'achèvement du réacteur de Boushehr. Après plusieurs années de fonctionnement l'Iran disposerait d'assez de matière fissile (plutonium) pour assembler plusieurs dizaines de bombes. Autre solution : produire de l'eau lourde (ce serait le cas à Arak) pour alimenter les centrales nucléaires et obtenir du plutonium militairement utilisable.

    Si indirectement, la Chine, le Pakistan, la Russie ont aidé l'Iran dans sa quête d'indépendance par l'atome militarisé, l'entreprise recueille l'adhésion de la majorité des Iraniens. Déjà, au cours des années 70, le Chah avait souhaité que son pays entre dans le club des Etats nucléairement nantis. Mais les " convenances " politiques et diplomatiques voulaient que l'armement atomique fut proscrit et qu'on se déclare opposé à la prolifération et partisan de l'élimination de cet armement. Aussi les dirigeants successifs de l'Iran ont-ils tenu le même discours. Mais tous ont admis que l'intérêt de la nation exigeait l'adoption de dispositions contraires. Dans son ensemble la population souscrit à la politique du gouvernement. L'Iran est peut-être le seul pays où religieux, intellectuels, " bazar" et paysans sont prêts à fournir des volontaires pour défendre les sites d'activités atomique, y former des " boucliers humains " ou exercer des représailles en cas d'attaque.

    Les opposants sont à l'extérieur. Adversaires du régime des mollah, ils ajoutent à leurs griefs les efforts nucléaires de Téhéran proclamant qu'un changement de statut politique permettrait de mettre fin à l'aventure atomique dans laquelle est engagé leur pays, attitude qui leur apporte la sympathie d'une fraction de la communauté internationale souhaitant l'élimination du nucléaire. " Il faut désarmer les tyrans de Téhéran qui mentent effrontément aux inspecteurs de l'AIEA", déclarait un opposant iranien, M. Amir Jahahchahi.

    Le comportement du gouvernement iranien est compréhensible. C'est d'abord, un grand pays au passé prestigieux et à l'avenir prometteur. Ses 70 millions d'habitants occupent une surface trois fois plus grande que celle de la France. Héritiers d'une civilisation millénaire, ils ont un taux d'alphabétisation élevé, une longue espérance de vie et forment néanmoins une population jeune, le taux de fécondité renouvelant largement les générations. Riche est le sous-sol de l'Iran, essentiellement en pétrole (12 milliards de tonnes de réserves), en gaz naturel (27 milliards de mètres cubes) et, même on l'a vu , en minerai d'uranium.

    Installations nucléaires en Iran

    Ce sont ces richesses qui ont provoqué l'ingérence étrangère : en 1951 une première nationalisation des installations pétrolières avait décidé de l'éviction du premier ministre Mossadegh et en 1973, le Chah s'assurant la maîtrise de la production de pétrole avait dressé contre lui les entreprises pétrolières étrangères dans le même temps que la population désapprouvait ses efforts de "modernisation à l'occidentale ". Les discours de Khomeyni, enregistrés à Neauphle-le-Château, ont préparé le départ du Chah et l'instauration, en 1979, d'une république islamique en Iran.

    Les évènements internationaux ont placé l'Iran dans une situation géopolitique difficile. En effet :
    - Les voisins de l'Iran sont des Etats nucléaires, militairement parlant. C'est le cas de la Chine, de l'Inde, du Pakistan, de la Russie, et aussi de la Corée du nord. Et, en face, de l'Etat d'Israël. On sait également, que la Corée du sud, sans en référer à l'AIEA, a procédé à des essais d'enrichissement de gaz d'uranium et aussi de séparation du plutonium fourni par le fonctionnement de ses 19 centrales nucléaires.
    - Au sein du monde musulman (1 ,2 milliard) on ne compte que 120 millions de chiites, dont la moitié vit en Iran. Avec ses 160 millions, à 80 % sunnites, le Pakistan a bien été le premier Etat musulman à détenir l'arme atomique, mais les musulmans chiites n'ont pas ce privilège.
    - Les ingérences étrangères, celles de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis, notamment, ont démontré aux dirigeants iraniens les avantages de l'indépendance et de l'auto suffisance avec l'audience internationale qu'elles confèrent l'une et l'autre.
    - La stratégie interventionniste pratiquée par les Etats-Unis soucieux de s'assurer les approvisionnements en énergies fossiles nécessaires à leur développement économique et industriel aboutit à l'investissement stratégique de l'Iran. A l'ouest, sur 1500 kilomètres de frontière avec l'Irak, les contingents armés des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne montent la garde. A l'est, sur un millier de kilomètres, des formations militaires occidentales, exercent les mêmes fonctions tandis qu'au sud le Golfe persique et la mer d'Oman (2500 kilomètres de littoral) sont placés sous le contrôle de la puissance maritime et aérienne des Etats-Unis. Ajoutons qu'au nord, sur 1000 kilomètres, la Turquie et l'Azerbaïdjan, alliés des Etats-Unis, isolent l'Iran, en particulier de l'ami russe. Et voici l'Iran " enclavé ", ses voies d'acheminement du pétrole et du gaz naturel tributaires de la bonne volonté de ses adversaires politiques, aussi bien sur terre que sur mer.

    " La communauté internationale doit trouver un moyen pour être assurée que cela (un Iran détenteur de l'arme nucléaire) n'arrivera jamais ", affirmait, en août 2004, madame C. Rice, Secrétaire d'Etat. Elle oubliait que les opérations militaires américaines, le désir d'étendre l'action de l'OTAN jusqu'à la Caspienne, l'annonce d'un chambardement politique au Proche et Moyen-Orient, toutes initiatives de son pays, légitimaient les démarches nucléaires de Téhéran.

    Les énergies fossiles constituent la principale ressource de l'Iran. Mais il s'agit là, d'une richesse temporaire, rémunératrice durant encore quatre ou cinq décennies. Il est normal que Téhéran se soucie, aujourd'hui, de satisfaire demain ses besoins en énergie et que le gouvernement iranien - quel qu'il soit - entende être maître du cycle atomique complet, en laissant ouvertes ses différentes options. Il est de bonne guerre d'affirmer que le seul objectif visé est l'utilisation industrielle de la désintégration de la matière. Mais aussi, à la fois de tirer profit du chantage au renoncement à l'atome militarisé et de conserver aussi longtemps que possible la menace d'en venir aux applications militaires. Ainsi Téhéran gagne du temps. Les comportements antérieurs des Etats-Unis l'y incitent.

    - Washington a détruit l'Irak dépourvu d'armes d'intimidation et respecté la Corée du nord soupçonnée, à la longue, d'en détenir quelques unes.
    - Washington a renoncé à ratifier le traité d'interdiction de tout essai nucléaire, sans doute faute d'être en mesure de détecter et de sanctionner les expérimentations de faible énergie et afin d'avoir les mains libres pour moderniser sa panoplie atomique. Mais en supprimant un obstacle à la prolifération horizontale. Pourquoi l'Iran devrait-il être la seule puissance qui, en ayant la capacité financière et scientifique, ne tirerait pas parti des agissements des Etats-Unis ?
    -Pour l'ancien recteur de l'Université de Téhéran, M. Houchang Nahavandi, ce n'est pas l'Etat d'Israël qui est visé par la future arme atomique iranienne, mais c'est assurer la pérennité du régime, c'est imposer qu'on le respecte, c'est le renforcer à l'intérieur en donnant des preuves de sa puissance avec la sécurité dans l'indépendance qu'il s'efforce de fournir au peuple iranien. Si bien que, pour le recteur, les attaques dont il est l'objet ne font que l'unir à son gouvernement et à sa politique nucléaire, " les Etats-Unis ne comprennent pas l'Iran ", conclut-il.

    Dans son combat contre une large fraction de la communauté internationale, l'Iran n'est pas sans atouts.

    - Il appartient au groupe d'Etats qui, en dépit de leurs positions spécifiques très différentes, ont en commun l'opposition à l'expansion politique et militaire des Etats-Unis en particulier, et des alliés de la superpuissance, en général.
    Et au nombre de ces Etats figurent de grandes puissances telles que la Russie et la Chine, auxquelles il faut, maintenant, ajouter sinon les gouvernements, du moins, les populations musulmanes fustigeant le "grand Satan américain ". Aussi Téhéran ne redoute-t-il pas que le Conseil de sécurité des Nations-Unies soit saisi et qu'il impose à l'Iran des sanctions économiques, la Chine ou la Russie, voire les deux puissances y ayant un droit de véto.
    - En dépit des particularismes du monde musulman et des différences confessionnelles entre sunnites et chiites, l'Iran est un pays musulman. Après s'être attaqué à l'Irak et à l'Afghanistan, avoir longtemps soutenu l'Etat d'Israël, on imagine mal les Etats-Unis bombardant un troisième pays musulman. La pratique de l'intimidation par la menace d'en venir au conflit armé serait une démarche politique de même que le sont, du côté de l'Iran, les arrêts et les remises en route successifs de son programme nucléaire.
    - Exportateur de pétrole et de gaz naturel, l'Iran fournit de l'énergie fossile aux pays gros consommateurs, eux-mêmes dépourvus des approvisionnements nécessaires au développement de leur économie, tels la Chine et le Pakistan. Les évènements d'Irak contribuant à l'augmentation du coût du baril de pétrole, l'attaque des installations iraniennes bouleverserait davantage encore ce marché de l'énergie.
    - L'Iran chiite a pour allié naturel, aujourd'hui du moins, la population chiite, majoritaire en Irak. Aussi, vis-à-vis de Washington, l'Iran détient-il un moyen de pression car il a la faculté d'attiser ou de calmer la révolte contre l'occupant occidental.
    - Les dirigeants iraniens ont tout naturellement retenu la leçon de la destruction du centre atomique irakien de Tamouz, près de Bagdad au début du mois de juin 1981. Leurs installations scientifico-techniques sont dispersées et, surtout, enfouies assez profondément. Aussi faudrait-il de nombreux bombardements sur zones et la dévastation du pays pour neutraliser à coup sûr l'entreprise atomique irannienne.
    - Enfin, l'Iran aligne encore une armée active de 500.000 hommes, auxquels il faut ajouter les 100.000 hommes de la Garde islamique révolutionnaire. Il tient sous la menace de ses missiles Scud et Chahab les contingents occidentaux déployés en Irak et en Afghanistan. Ravitaillant en armes et en explosifs la résistance à l'occupant, l'Iran là où il est placé sur la carte, est en mesure de se faire craindre.

    photo satellite de la centrale de Busher

    La question se pose, compte tenu de la démarche iranienne peut-on exorciser l'atome militarisé ?

    Il est communément admis que l'arme atomique constitue un grave danger pour l'humanité et qu'un monde à nouveau sans désintégration de la matière serait plus sûr. Aussi, faute d'être en mesure de revenir à l'ère pré- atomique et d'effacer ce qui a été appris et réalisé au cours du dernier siècle, est-il indispensable à la fois de limiter le domaine nucléaire, de réduire les panoplies de ceux qui détiennent l'armement correspondant, de tarir études et recherches jusqu'à l'extinction naturelle d'une discipline qui aurait dû demeurer ignorée. C'est là un sentiment général. Tout être censé croit devoir témoigner de cette réprobation et, pour ainsi dire, automatiquement. Cette condamnation ne peut être l'objet d'aucune discussion. Il s'agit d'une évidence et bien rares sont ceux qui la nient.
    Et pourtant ?
    Est-il souhaitable d'en revenir à l'ère pré-atomique, celle de la poudre qui succéda à celle de la flèche ? Au cours des six siècles de l'ère de la poudre, l'humanité a été constamment en guerre. En près d'un demi siècle (1905 - 1945) le paroxysme de la violence guerrière a été atteint avec, probablement, 150 à 200 millions de victimes et plus de 50 millions de morts. Par dizaines de millions les combattants se sont affrontés, mettant en œuvre canons et chars d'assaut par centaines de milliers, avions par dizaines de milliers, navires de combat par milliers. Et sur de pareilles lancées les industries d'armement s'apprêtaient à faire " mieux " encore afin de rendre la guerre plus rémunératrice.

    Hiroshima et Nagasaki, un avion, dix hommes d'équipage, deux projectiles, en 3 jours ont mis un terme au massacre. Le Japon a chèrement payé cette brutale cessation d'hostilités mais Pearl Harbour a été son initiative, comme la cruauté de ses combats. En revanche, l'irruption de l'atome militarisé sur la scène internationale a imposé bien des renoncements à la guerre et notamment en Europe, apporté soixante années de paix, ainsi que le reconnaît le professeur Michel Serres (une paix qui eut été totale si l'Allemagne, mue par ses vieux démons n'avait mis les Balkans à feu et à sang ou si devenue une puissance nucléaire, la Yougoslavie eut été respectée).
    Ce ne sont pas les mots qui comptent ici mais les faits :

    - Entre les forces de l'OTAN et celles du Pacte de Varsovie, de 1955 à 1989 l'antagonisme a été manifeste. Mais, l'épée est demeurée au fourreau, ou plutôt les mégatonnes ont sommeillé dans les dépôts. A Moscou comme à Washington, l'on savait que l'affrontement armé était impossible. On savait - et l'on sait de plus en plus - qu'à l'ère atomique gigantesque est la disproportion entre l'enjeu d'une guerre - et les bénéfices qu'on en attend - et les risques qu'il faudrait prendre à y avoir recours.
    - Ce fut également le cas entre la Russie et la Chine au cours des années 60, lors de leur différend doctrinaire.
    - Et aussi entre la Chine et l'Inde, avant de devenir des puissances atomiques s'affrontant militairement dans l'Himalaya mais négociant sagement leurs intérêts respectifs depuis que l'atome est partagé, même inégalement, entre Pékin et la Nouvelle-Delhi.
    - Il en a été de même avec l'Inde et le Pakistan que deux guerres ont opposés. Depuis que chacun de ces deux pays possède un (modeste) armement nucléaire, l'entente et la coopération se sont imposées. Islamabad et la Nouvelle-Dehli ont substitué la négociation à l'épreuve de force.
    - Enfin, figurant en tête de l'énumération des peuples de l' " axe du mal ", la Corée du nord, potentiellement nucléaire, n'a pas subi le sort de l'Irak dont on sait, maintenant, qu'il était dépourvu de ces " armes de destruction massive " qui incitent à respecter l'Etat qui les détient. On ne peut mieux avoir mis en valeur l'intérêt national de l'atome militarisé.


    Renonçant au traité d'interdiction de toute expérimentation nucléaire et laissant entendre que les Etats-Unis reprendraient les essais de leurs prochaines réalisations atomiques, M. Bush a implicitement admis que le " génie nucléaire ne pouvait plus être remis en bouteille ", que la prolifération horizontale échappait au contrôle et que, dans ce domaine, les Etats-Unis en ayant la liberté de création et d'expérimentation, feraient mieux que quiconque.
    De son côté, sachant qu'elle va affronter politiquement et économiquement les Etats-Unis, la Chine n'est sans doute pas opposée à une certaine dissémination d'un armement qui, rétablissant la pleine souveraineté des Etats, limite le nombre de ceux qui recherchent la protection américaine.

    Et si la sagesse populaire se trompait ? Si le rejet quasi unanime du nucléaire d'Etat était une erreur ? Et si l'horreur d'Hiroshima escamotait l'abomination des guerres traditionnelles ? L'humanité en aurait-elle la nostalgie ?

    La Grande-Bretagne ayant manifesté, au sein de l'AIEA une certaine intransigeance, à Téhéran, les étudiants ont lancé des pierres et… des tomates sur l'ambassade britannique en réclamant, pour leur pays, la liberté de poursuivre son programme nucléaire. La fierté nationale les animait. Pourquoi l'Iran serait-il incapable de gérer l'indépendance que confère la possession de l'arme atomique ? Le monde est dirigé par ceux qui la détiennent et ils ne cessent de se donner en exemple. Autour de l'Iran nombreux sont, maintenant, les Etats qui gèrent convenablement cette forme de souveraineté. Devant les conséquences des incessantes innovations de l'humanité, les peuples seraient-ils à ce point inégaux ? La jeunesse iranienne ne l'admet pas.

    Ses clameurs ne demeurent pas sans écho. Il est de l'intérêt des pays producteurs de pétrole - et non encore " nucléarisés " - de consacrer les ressources nouvelles que procure le renchérissement du baril aux énergies de remplacement, à commencer par l'énergie atomique. Ses applications industrielles contribuent au développement et ses applications militaires apportent à la fois la sécurité et l'indépendance. Si bien que combattre pour éliminer les armes de destruction massive - celles-là du moins - aboutit à un résultat opposé à celui qui était visé : la rente pétrolière devient si rémunératrice qu'elle finance l'interdit.

    http://www.lesmanantsduroi.com
    Note :
    L'Iran met en œuvre 11 centrales nucléaires (fournissant au total 2600 mégawatts), une dizaine d'autres doivent être construites pour porter à près de 20.000 mégawatts la capacité de l'électro- nucléaire iranien en 2025.

  • Bataille des mémoires : à l'applaudimètre de l'émotionnel, les « colonisés » seront toujours vainqueurs face aux « colonisateurs »

    Lors de sa visite officielle en Algérie les 19 et 20 décembre derniers, le président de la République a estimé que la colonisation française en Algérie avait été « brutale et injuste ». Gérard Longuet a expliqué quant à lui que « si elle était injuste, elle constituait, au regard de ce qu'était la société traditionnelle ottomane, un véritable progrès ».
    Interrogé par Jean-Benoît Raynaud pour Atlantico, l’africaniste Bernard Lugan donne son point de vue.
    Polémia
     

    Atlantico : Le président de la République a estimé ce jeudi que la colonisation française en Algérie avait été « brutale et injuste ». Interrogé par Public Sénat, l’ex-ministre de la Défense Gérard Longuet a déclaré ce vendredi matin que le colonialisme ne peut être jugé à l'aune d'aujourd'hui, et que, replacé dans son contexte historique, il a eu un bilan « acceptable » et même « positif ». Il a également ajouté que « si elle était injuste, elle constituait, au regard de ce qu'était la société traditionnelle ottomane, un véritable progrès ». Cette bataille des mémoires est-elle de nature à faire avancer le débat ?

     

    Bernard Lugan : Le débat sur la colonisation est stérile car il a échappé aux historiens pour être monopolisé par des groupes mémoriels. Or, la Mémoire n’est pas l’Histoire. L’historien est un peu comme un juge d’instruction : il travaille à charge et à décharge, alors que le mémorialiste ou le témoin sont, par définition, en pleine subjectivité. Avec le rôle « positif » ou « négatif » de la colonisation, deux mémoires se dressent ainsi l’une contre l’autre : celle des anciens « colonisateurs » et celle des anciens « colonisés ». Or, comme colonisation est devenu un mot-prison synonyme, à tort, d’exploitation, d’injustice et d’esclavage, l’incommunicabilité entre les deux mémoires est totale.

     

    A. Les anciens colonisateurs ont une logique comptable, alignant le nombre d’hôpitaux construits, les pourcentages d’enfants scolarisés ou encore les kilomètres de routes quand les anciens colonisés parlent de dignité bafouée.

     

    B.L. A l’applaudimètre de l’émotionnel, les seconds sont assurés d’être les vainqueurs. Que pèse en effet un livre de comptes face à une humiliation historique, réelle, supposée ou ressentie ?
    Pour tenter de « reprendre la main » les premiers devront alors mettre en avant leurs propres souffrances : exode de 1962, spoliation, attentats, assassinats, enlèvements qui ont d’ailleurs été scandaleusement oubliés par François Hollande dans son discours d’Alger. Désormais, ce sera donc Mémoire contre Mémoire. Mais dans ce type d’exercice, les jeux sont faits par avance et les anciens « coloniaux » assurés de perdre une fois de plus. En effet, et à supposer que leur part de souffrance soit prise en compte, il leur sera toujours opposé, in fine que, pour respectable qu’elle soit, la leur l’est dans tous les cas moins que celle de ceux qu’ils ont humilié en les colonisant… Les colonisateurs étant toujours présentés comme des agresseurs et les colonisés comme des victimes, nous sommes donc dans une impasse et comme je n’aime pas me sentir enfermé, je refuse d’entrer dans ce débat biaisé.

     

    A. Pour autant, peut-on laisser de côté le bilan « civilisationnel » de la colonisation ?

     

    B.L. Evidemment non car il est nécessaire de rappeler à ceux qui ne cessent d’accuser la France de les avoir colonisés, qu’à la veille des indépendances, ils mangeaient à leur faim, étaient gratuitement soignés et se déplaçaient le long de routes ou de pistes entretenues sans risquer de se faire rançonner. Mais cela avait un coût pour les Français, toutes les infrastructures créées en Afrique, ports, routes, pont, écoles, hôpitaux, voies ferrées etc., ayant été payées par les impôts de nos grands-parents.
    Daniel Lefeuvre a magistralement démontré comment l’Algérie fut un insupportable fardeau pour la France. En 1959, toutes dépenses confondues, celle qu’il baptise la « Chère Algérie » engloutissait ainsi à elle seule 20% du budget de l’Etat français, soit davantage que les budgets additionnés de l’Education nationale, des Travaux publics, des Transports, de la Reconstruction et du Logement, de l’Industrie et du Commerce ! Quels intérêts la France avait-elle donc à défendre en Algérie pour s’y ruiner ainsi avec une telle obstination, l’on pourrait presque dire avec un tel aveuglement ? La réponse est claire : économiquement aucun ! Qu’il s’agisse des minerais, du liège, de l’alpha, des vins, des agrumes etc., toutes les productions algériennes avaient en effet des coûts supérieurs à ceux du marché. Quant au pétrole et au gaz découverts par des Français, ils ne furent véritablement exploités qu’après l’indépendance.

     

    A. Vous avez écrit que « la question coloniale sert à désarmer moralement les Français ». Pouvez-vous expliquer ?

     

    B.L. Si nous faisons le bilan, c’est pour nos sociétés européennes que la colonisation fut une catastrophe. Aujourd’hui, elle est devenue une véritable « tunique de Nessus » qui fait peser sur les générations européennes à venir une hypothèque d’autant plus lourde qu’elles ne l’ont pas signée et dont elles demanderont un jour pourquoi elle sont condamnées à en honorer les traites. Combien de temps encore les jeunes Européens accepteront-ils en effet de se soumettre aux incantations accusatoires de ceux qui veulent leur faire croire que, puisque, et par postulat, leurs grands-parents ont « pillé » l’Afrique, ils sont donc condamnés à subir et à réparer ? D’autant plus qu’ils ont sous les yeux le spectacle de ceux qui, tout en accusant la France de tous les maux, forcent cependant ses portes pour y trouver de quoi survivre ou pour s’y faire soigner. Laissons parler les chiffres. Il y eut au maximum 1.500.000 nationaux (ou Européens) installés dans tout l’Empire français, dont les deux tiers dans la seule Algérie. Or, aujourd’hui, les populations originaires de notre ancien empire et vivant en France, comptent plus de 6 millions de personnes, naturalisés compris, soit quatre fois plus qu’il n’y eut de « colons ». Là est le vrai bilan colonial.

     

    Propos recueillis par Jean-Benoît Raynaud
    Atlantico
    22/12/2012

     

    Correspondance Polémia – 28/12/2012

  • 6 février 1934

    L'atmosphère est lourde en France en la fin de Vannée 1933. La crise économique s'intensifie, le chômage sévit, le déficit budgétaire s'accroît dangereusement. Depuis dix-huit mois les radicaux sont au pouvoir, mais les cabinets se forment, tombent, se reforment à un rythme rapide. Ils se montrent incapables d'opérer un redressement et Je régime parlementaire est de plus en plus déconsidéré.
    Sur ces entrefaites un scandale éclate. Un certain Alexandre Stavisky, français originaire de Russie, a monté une incroyable escroquerie à Bayonne. Avec le nommé Tissier, directeur du Crédit municipal (nom donné au Mont de piété de la ville) il a émis de faux bons de caisse pour un total de plus de 200 millions, qui ont naturellement disparu.
    Ce Stavisky est bien connu des milieux politiques. Aidé par sa femme, la jolie Ariette, il reçoit beaucoup, toujours fastueusement. Il a pu se faire à Paris des relations utiles. Depuis longtemps il profite de la complaisance de certains parlementaires pour faire ajourner les procès qu'on lui intente. On relèvera plus tard qu'il a bénéficié d'une vingtaine de remises au Palais de justice.
    Stavisky se suicide
    Mais le pot-aux-roses de Bayonne est découvert. Cette fois, il est trop tard pour échapper au scandale. Stavisky s'enfuit, sa trace est retrouvée à Chamonix, où il a loué un chalet. Le 9 janvier 1934, on le découvre mort d'une balle dans la tête. S'est-il suicidé ? Sa veuve parle d'un « suicide par persuasion ».
    Certains journalistes affirment qu'il s'agit d'un meurtre politique, destiné à empêcher l'escroc de nommer ses complices.
    L'affaire fait tache d'huile. Le député-maire de Bayonne, Garât, a été arrêté comme instigateur de l'escroquerie du Crédit municipal : il est inculpé de vol, faux, usage de faux, recel. On apprend que d'autres parlementaires, anciennes relations de Stavisky, ont accepté de celui-ci des chèques.
    Le président du conseil Chautemps est très ennuyé : son frère a été l'avocat de Stavisky, son beau-frère, M. Pressard, procureur général de la République au tribunal de la Seine, a été à l'origine des remises successives dont a bénéficié le chevalier d'industrie. L'Echo de Paris publie un dessin de Sennep montrant le « suicidé » dans un magnifique cercueil, avec comme légende : Un meuble signé Pressard-Chautemps est garanti pour longtemps.
    D'autres journaux d'opinion, de l'Action française à l'Ami du peuple, ou de même la presse d'information, (Le Matin ou l'Intransigeant) se lancent également dans d'âpres critiques. À l'extrême-gauche, mais pour d'autres motifs, l'Humanité prend le gouvernement à partie.
    Chautemps démissionne
    À Paris la colère gronde. Les ligues de droite vont entretenir l'agitation. La plus dynamique, la plus agressive, est sans doute celle des camelots du roi qui, depuis longtemps, avec l'Action française, réclament un retour à la monarchie. Les membres des Jeunesses patriotes restent républicains, mais ils veulent des changements : exécutif fort, législatif à pouvoirs limités. L'Union Nationale des Anciens Combattants (U.N.C.) se dit apolitique, ce qui ne l'empêche pas de manifester son profond écœurement devant les scandales politico-financiers de l'heure.
    D'autres ligues existent, plus ou moins efficaces. Il faut mettre à part les Croix de feu dont le chef, le colonel de la Rocque, partisan de l'ordre, préconise des réformes sociales, économiques, politiques et non un bouleversement des institutions (son rôle modérateur lui vaudra bien des haines). Face aux « ligues de droite », les communistes vont profiter de la situation pour dénoncer ceux qu'ils appèlent « les fascistes ».
    Pendant toutes ces journées de janvier, les manifestations se multiplient dans la rue. Autour du Palais Bourbon des cris éclatent : « À bas la république des voleurs et des assassins ». Le 12, à la Chambre, le député de droite Ybarnégaray se lance dans une vive diatribe contre les complices de Stavisky :
    - Qu'une pauvre femme vole du pain, elle sentira la poigne de la loi. Pour Stavisky, loi muette, juges sourds...
    Il demande la formation d'une commission d'enquête, mais la majorité refuse de le suivre et la confiance est votée au gouvernement par 372 voix contre 196. Quelques jours plus tard, le député de la Gironde Philippe Henriot, plus violent encore, n'obtient pas plus de succès. A l'extérieur de la Chambre, les manifestations augmentent d'intensité. Tout va changer lorsque deux ministres (celui des Colonies et le Garde des Sceaux) se voient contraints de démissionner et, le 28 janvier, Chautemps lui-même, présenté par la presse de droite comme le protecteur de Stavisky, annonce enfin la démission du cabinet tout entier. Mais le calme ne revient pas dans la rue, où la foule applaudit les manifestants.
    Le 30 janvier, Daladier est chargé de former un nouveau gouvernement. Eugène Frot devient ministre de l'Intérieur. Deux députés du centre, Piétri et Fabry, acceptent de faire partie du cabinet. Mais Daladier, pour plaire à gauche, a la mauvaise idée de vouloir éloigner de Paris le préfet de police Jean Chiappe, homme de droite, qui, juge-t-il, n'a pas montré assez de vigueur dans la répression des manifestations.
    Chiappe est connu comme un préfet à poigne, mais aussi comme un homme sachant user de diplomatie lorsqu'il s'agit d'éviter des effusions de sang. En compensation de sa démission, Daladier lui offre la Résidence générale au Maroc. Chiappe refuse. Son honneur, dit-il, l'empêche de s'en aller alors que ses adversaires crient « Mort à Chiappe ».
    Sa mise à pied ravit la gauche : « Enfin, Paris est délivré de son préfet du coup d'État », proclame Le Populaire. On apprend bientôt qu'Edouard Renard, préfet de la Seine, démissionne par solidarité avec Chiappe. Le 4 février, les deux ministres modérés Piétri et Fabry se retirent à leur tour du cabinet Daladier. Nouvelle plus inattendue, M. Fabre, l'administrateur de la Comédie française, est renvoyé de son poste sous prétexte que la pièce Coriolan, montée par lui, donne lieu à des manifestations contre le gouvernement ! Pour le remplacer, on va chercher... le directeur de la Société générale, ce qui permettra à Henry Bernstein de déclarer :
    On a placé Corneille, Racine, et Molière sous la protection du quai des Orfèvres.
    Daladier a promis de faire toute la lumière sur le scandale Stavisky, mais la confiance ne règne pas et l'effervescence grandit. Les Camelots du roi, les Jeunesses patriotes, les Anciens Combattants, les Croix de feu ne veulent plus attendre. On décide de passer à l'action le 6 février, jour de l'investiture du cabinet Daladier.
    Les mouvements commencent d'ailleurs la veille au soir. Des manifestants marchent vers le ministère de l'Intérieur aux cris de « Vive Chiappe ». Le nouveau préfet de police, Bonnefoy-Sibour, se charge du service d'ordre. Le choc avec les gardiens de la paix se produit aux abords de l'Élysée, mais les colonnes, refoulées, se replient en direction de l'Étoile.
    La matinée du 6 février est relativement calme. Dans l'après-midi, au Palais Bourbon, Daladier monte à la tribune, mais le chahut est tel qu'il ne peut se faire entendre. Pendant plusieurs heures, clameurs et injures volent à travers l'hémicycle. On assiste même à des pugilats entre députés. Bonnefoy-Sibour a installé tout autour du Palais Bourbon des rangs serrés de gardes. Les rues environnantes, les quais sont interdits aux voitures et des embouteillages monstres se produisent dans les environs. Deux stations de métro ont été fermées au public. Sur le pont, les badauds reçoivent l'ordre de circuler.
    Vers le milieu de l'après-midi, la place de la Concorde est noire de monde. Camelots du roi, ligueurs d'Action française, Jeunesses patriotes y sont au premier rang, avec des groupes de mécontents ou de simples curieux. On crie « Vive Chiappe ! ». « À bas Daladier ! Démission ! » Du côté des Tuileries, on commence à dresser des barricades.
    Près du Grand Palais, les Anciens combattants attendent l'ordre de descendre les Champs-Elysées.
    Vers 18 heures, ils s'ébranlent, drapeaux en tête, en chantant la Marseillaise, en direction de la Concorde. Mais, sur la place, la bagarre a commencé entre les manifestants et les gardes républicains. Un autobus A.C., arrêté par la foule, a été renversé et brûlé. Un agent cycliste reçoit un coupe de barre de fer et tombe sans connaissance.
    Très vite la mêlée devient générale. Un petit peloton de gardes républicains arrivés du pont entre en lice. Les manifestants lancent des pavés, des morceaux de grilles ou de réverbères. Armés de couteaux ou de rasoirs, ils tailladent les jarrets des chevaux.
    Sur le pont l'inquiétude règne. L'émeute va-t-elle atteindre la Chambre des députés ? Vers 20 heures, les premiers coups de feu claquent. Le directeur adjoint de la police, M. Marchand, a donné l'ordre de tirer. A-t-il fait d'abord les sommations d'usage ? Au milieu des hurlements rien ne pouvait être entendu. En tout cas, les premiers manifestants tombent. La lutte s'intensifie. Le président des Anciens combattants est blessé à la tête.
    La situation se détériore rapidement. De nouvelles salves de police éclatent. Cette fois c'est la panique, la foule reflue du côté de la Madeleine. Les blessés, déjà nombreux, sont transportés dans les restaurants de la rue Royale ou dans les hôpitaux les plus proches. Une femme de chambre de l'hôtel Grillon, qui regardait par la fenêtre, est tuée d'une balle perdue. Au ministère de la Marine, des forcenés mettent le feu à des liasses de dossiers et des lueurs rouges illuminent la place.
    Au Palais Bourbon, la séance continue dans le même brouhaha fantastique. Mais brusquement les députés apprennent que la troupe a tiré. On demande à Daladier si c'est lui qui a donné l'ordre.
    -    Le gouvernement aura la responsabilité du sang versé, crie Franklin-Bouillon, alors à la tribune.
    Georges Scapini, député, aveugle de guerre, renchérit :
    -    C'est là un gouvernement d'assassins !... Allez-vous en avant que le pays ne vous chasse comme vous le méritez !
    Le vacarme redouble. Protestations du côté du gouvernement, applaudissements de la droite. A l'extrême-gauche les communistes scandent, sur l'air des lampions, les trois syllabes « Les Soviets ! Les Soviets ! ».
    Peu à peu, cependant, les rangs de travées s'éclaircissent. Parmi les députés qui se jugent compromis, beaucoup se sont éclipsés, par une porte donnant sur la place de Bourgogne.  Avant que la séance ne soit levée, le gouvernement pose pourtant (pour la troisième fois) la question de confiance. Le renvoi est ordonné par 343 voix contre 237.
    On apprend maintenant que la Concorde, point névralgique, n'est pas le seul lieu des combats. D'autres bagarres se déroulent du côté de l'Hôtel de ville et sur les grands boulevards, où les communistes élèvent des barricades, renversant des voitures, arrachant les grilles. Ils organisent l'émeute en brandissant des drapeaux rouges.
    Par ordre de la Rocque qui tient bien en main ses adhérents, les Croix de feu ont été divisés en plusieurs groupes. Le principal s'est réuni le long de la rue de Bourgogne. Par la rue Saint-Dominique, il a gagné l'esplanade et le quai d'Orsay, d'où il a pu atteindre les environs du Palais Bourbon. Le barrage a été forcé et quelques horions ont été échangés avec les gardiens. Échauffourées sans gravité, avec juste quelques égratignures. La Rocque expliquera plus tard son point de vue : « Il devait être question de purifier la République, il eut été coupable d'en tenter le renversement. Tant mieux si notre attitude s'est opposée aux contagions de la folie ».
    La folie est-elle terminée ? Un triste bilan sera fait. On comptera une vingtaine de morts et plus de douze cents blessés. Daladier ne connaît pas encore ces chiffres (minimisés, au début tout au moins, par la préfecture de Police), mais il comprend qu'il ne peut se maintenir au pouvoir. Le 7 février, au début de l'après-midi, il va à l'Elysée présenter la démission du gouvernement à M. Albert Lebrun. Le président de la République se trouve maintenant face à une décision difficile. Quel homme au-dessus des partis se montrera capable de refaire l'union nationale ?
    Un nom est vite avancé, celui de Gaston Doumergue. Agé de soixante-dix ans, l'ancien président de la République a gagné par sa bonhomie, son désintéressement, son sens politique, les suffrages des radicaux comme ceux des modérés.
    Il jouit d'une grande popularité dans le pays. Mais acceptera-t-il la fonction difficile qu'on lui offre?
    Le 7 février « Gastounet » (ainsi que l'appellent affectueusement les Français) s'apprête à partir pour un voyage familial en Egypte. Lorsqu'il arrive en sa résidence de Tournefeuille un téléphone de Laval, chargé par le président de la République de lui demander d'accourir, il hésite pendant quelques heures. De nouveaux appels, de plus en plus pressants, lui parviennent des présidents des deux assemblées. S'il ne se décide pas à venir former un gouvernement à Paris, lui dit-on, c'est la révolution.
    L'annonce de l'acceptation de Doumergue ramène aussitôt le calme dans la capitale. Arrivé le 8 février, « Gastounet » peut présenter le lendemain soir à M. Lebrun la liste des ministres qu'il a choisis. Elle va de Pétain, de Tardieu et de Barthou, à Herriot, à Sarraut et à Marquet. Mais les socialistes ont refusé leur concours et les communistes n'ont évidemment pas été sollicités. Dans un message aux Français, le nouveau président du Conseil annonce qu'il a constitué un « gouvernement de trêve, d'apaisement et justice ».
    L'heure de la trêve a-t-elle vraiment sonné? Bien des heurts vont encore se produire. Le 12 février, une grève générale est proclamée. Une manifestation socialo-communiste s'ébranle à travers Paris, au chant de l'Internationale. Il y aura encore ce jour-là, des morts et des blessés. L'inquiétude redoublera lorsque le public apprendra quelques jours plus tard, l'assassinat du conseiller Prince, mort mystérieuse d'un magistrat qui en savait sans doute trop long sur le scandale Stavisky (1). En politique, une page n'est jamais définitivement tournée...
    Bernard Boringe Historia février 1984
    (1). : Voir Historia, n°146 et 147, Un escroc fait vaciller la IIIe République par Jacques Robichon ; n°307, Le scandale Stavisky, par Maurice Garçon, de l'Académie française ; n°326, L'affaire Stavisky, par J. Mayran.
    (2). : Voir Historia, n°372, Le conseiller Prince s'est-il suicidé ? par Alain Decaux, de l'Académie française.