culture et histoire - Page 2026
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La vérité qui rend libre VI
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Entretien avec Johan Livernette et Pierre Hillard
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987 : Tout commence à Senlis
Prélude au mariage princier du 2 mai... Perdue par d'incessantes querelles autour de la Lorraine, la dynastie carolingienne s'éteint. À la mort de Louis V, l'archevêque de Reims, Adalbéron, oeuvre en faveur de l'élection d'Hugues Capet, loin d'imaginer qu'il engageait la France pour huit cents ans !
Cette année-là, Hugues Capet, duc des Francs, quarante-sept ans, attendait, avec patience et vigilance, que la dynastie carolingienne finît de s'effilocher. Ces descendants de Charlemagne avaient laissé la souveraineté s'émietter, se faisant les obligés de toute une "clientèle" vassalique et anarchique, tandis qu'ils s'essoufflaient à disputer à l'empereur romain germanique la Lorraine que les différents partages consécutifs au traité de Verdun leur avaient enlevée.
Les Robertiens
Tôt ou tard, si la France ne devait pas mourir, viendrait l'heure de ceux que l'on nommait alors les Robertiens, ces descendants de Robert le Fort, héroïques défenseurs de la cité contre tout envahisseur, et dont le représentant depuis 956 était ce valeureux Hugues surnommé Capet en tant qu'abbé laïc de l'église de Tours où était gardée la chape de saint Martin. Il savait que, déjà, comblant les défaillances des Carolingiens, son oncle Eudes (de 888 à 898), puis son grand-père Robert (de 922 à 923) avaient ceint la couronne des Francs (1). Son père, toutefois, Hugues dit le Grand, duc des Francs, avait su ne pas bousculer l'Histoire. À vouloir se précipiter vers le pouvoir il risquait de s'attirer la méfiance des autres féodaux...
Alors Hugues le Grand avait "fait" roi Louis IV d'Outre-mer, fils du minable Charles III le Simple ; puis Hugues et Louis IV ayant épousé tous les deux une soeur de l'empereur Othon 1er, s'étaient retrouvés beaux-frères et Hugues, à la mort de Louis avait fait élire et couronner le fils de celui-ci, Lothaire, avant de mourir lui-même. Ainsi donc Lothaire, roi des Francs, et Hugues Capet, fils du Grand, bientôt à son tour duc des Francs et second personnage du royaume, étaient cousins germains, avec l'inconvénient d'avoir tous les deux pour oncle l'empereur Othon 1er, lequel, voulant les embrigader dans son système d'empire universel, avait placé sur le trône épiscopal de Reims, ville du sacre, un homme à lui, Adalbéron. À la mort d'Othon 1er en 973, Lothaire fonçant sur la Lorraine comme sur une proie avait attiré la colère d'Othon II et une invasion germanique sur la France, dont Hugues Capet, sauvant Paris, avait profité pour apparaître comme le vrai défenseur du bien public.
Depuis lors, Hugues, déjà comte de Paris, d'Orléans, Dreux et Senlis, époux d'Adélaïde d'Aquitaine (petite-fille par sa mère de Rollon, l'ancien chef des Normands, converti au christianisme) s'occupait de ses domaines et surveillait discrètement son royal cousin, mais dès 985 Gerbert, secrétaire d'Adalbéron, écrivait à la cour impériale : « Le roi Lothaire est roi par le titre ; Hugues l'est par les faits et gestes. » Aux yeux d'Adalbéron, la race carolingienne était perdue parce que ses incessantes querelles pour la Lorraine allaient à l'encontre de la paix de la chrétienté et de l'ordre du monde.
2 mars 986 : mort de Lothaire. Les choses allaient alors se précipiter : son grand débauché de fils, Louis V, dix-neuf ans, s'était avisé de mettre Adalbéron en accusation pour agacer Othon II. Tandis que les Grands se réunissaient à Compiègne pour juger l'évêque, la nouvelle leur parvint soudain le 22 mai 987 de la mort à la chasse du jeune roi (sans avoir eu d'enfant d'une épouse de vingt ans plus âgée que lui)... Donc, retournement de situation : Adalbéron, d'accusé, passait maître du jeu et convoquait les Grands en juin à Senlis, sur les terres d'Hugues, pour une élection dont nul n'aurait pu dire qu'elle allait engager la France pour huit cents ans....
« Vous aurez en lui un père »
Ce n'était sûrement pas le sentiment d'Adalbéron qui ne voyait là qu'une élection ordinaire selon la coutume carolingienne. Excellent agent électoral, le prélat trouva les mots pour écarter le dernier des Carolingiens par le sang, Charles, duc de Basse-Lorraine, oncle du défunt Louis V : avec lui les guerres avec l'Empire seraient incessantes, de plus il avait mauvais esprit (il avait odieusement calomnié sa belle-soeur Emma, femme de Lothaire), mais surtout il tenait son duché de l'empereur et donc avait des intérêts hors du royaume. Sans le savoir Adalbéron ébauchait ce qui allait être une tradition capétienne fondamentale : le roi doit sortir « des entrailles du royaume », comme disaient alors les chroniqueurs...
Puis Adalbéron continua son discours dont il ne pouvait mesurer toute la portée : « Donnez-vous pour chef le duc Hugues, désigné par ses actions, par sa noblesse et par ses forces, celui en qui vous trouverez un défenseur non seulement de la chose publique mais de vos intérêts privés. » C'était définir pour huit siècles l'essence de la royauté, gardienne du bien public et protectrice des droits de chacun contre les féodaux. Puis selon Richer, Adalbéron ajouta, comme s'il entrevoyait toute l'histoire de France : « Élisez le duc Hugues vous aurez en lui un père. »
Une importante majorité se dégagea dès le 3 juin en faveur d'Hugues Capet lequel fut sacré à Noyon le 3 juillet, prononçant alors le serment de « faire justice, selon ses droits, au peuple qui nous a été confié ».
Hugues Capet était roi, mais non le roi d'Adalbéron, ni celui des Grands qui l'avaient élu. En quelques mois, il allait faire sentir sa volonté d'oeuvrer dans la durée. C'est pourquoi nous resterons en 987 avec notre prochaine chronique.
MICHEL FROMENTOUX L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 2 au 15 avril 2009
1 - Ce que semble ignorer Philippe Goulliaud écrivant dans Le Figaro des 21-22 mars qu'Hugues Capet fut « élu premier roi des Francs en 987 » et oubliant, du même coup, tous les Mérovingiens et tous les Carolingiens... -
JACQUELINE DE ROMILLY « Notre vrai espoir est dans l'enracinement des valeurs humanistes »
Jacqueline de Romilly a suivi ses études à Paris. Elle entre ensuite à l'École normale supérieure de la rue d'Ulm et à la Sorbonne. Agrégée de lettres, docteur ès lettres, elle devient professeur de langue et littérature grecques à l'université de Lille et à la Sorbonne, avant d'être nommée professeur au Collège de France en 1973 (chaire : la Grèce et la formation de la pensée morale et politique). Cette helléniste de renom est élue membre de I'Académie française en 1988. Jacqueline de Romilly est grand officier de la Légion d'honneur et de l'ordre national du Mérite et Commandeur des Arts et Lettres et des Palmes académiques.
Comment expliquez-vous que le grec soit en train de disparaître de notre enseignement ?
J. de R. : La première raison, à mon sens, en est le triomphe actuel du matérialisme. Les carrières scientifiques offrent manifestement des débouchés auxquels on a cru devoir sacrifier la formation littéraire, oubliant que pour tout métier un véritable enseignement est formation de l'esprit, du jugement, de l'art de s'exprimer et des valeurs. À cela s'est ajoutée une tendance nouvelle dans la pédagogie qui consiste à laisser l'enfant découvrir le plus de choses possibles tout seul ; cette tendance, qui peut avoir ses bons côtés, aboutit aussi à couper le contact avec le passé, avec les moments où se sont formées les grandes idées et où on les trouve encore de façon simple et immédiatement accessible. Cette double raison ad' abord atteint le grec, dont l'utilité pratique est très peu évidente, mais elle a atteint ensuite l'ensemble des études littéraires et même l'étude de la langue française et des auteurs français. Enfin, il faut ajouter que la multiplication des disciplines nouvelles et l'augmentation soudaine des élèves exigeaient un effort financier qui n'a pas été fourni : c'est souvent par économie que certains enseignements, si importants pour la formation de l'esprit, sont supprimés dans divers établissements.
Il ne sera pas facile de réagir contre des causes aussi profondes et aussi diverses; mais la crise qui atteint maintenant l'ensemble de l'enseignement littéraire et des valeurs morales est assez sensible pour réclamer un sursaut : il serait temps d'ouvrir aux jeunes les richesses de cet apprentissage qui les relie au passé et les arme pour l'avenir.
Est-il possible d'affirmer que durant ta période de la Grèce antique, c'est-à-dire païenne, on trouve toute une préparation des interrogations sur l'homme, sur la vie, sur le sens qui est l'essentiel ?
J. de R. : Plus aucun doute : la réponse sur ce point est tout à fait évidente. C'est même là, à mes yeux, le trait le plus caractéristique de la littérature grecque. On le voit dès le début, dans les poèmes homériques où sont confrontées les volontés de l'homme et les décisions des dieux où se manifeste la souveraineté de ces dieux, mais aussi la dignité que peut garder, en toutes circonstance, l'homme même vaincu. On voit aussi les principaux héros incarner les grands sentiments ou les grandes situations humaines, à telle enseigne qu'ils en sont restés les symboles jusque dans nos littératures modernes. Ce trait est encore plus net quand on arrive au Ve siècle athénien : on voit alors la tragédie poser ouvertement ses problèmes, discuter de la justice divine, s'en inquiéter et s'interroger sur les limites de la vengeance ou du pardon et sur les conduites politiques. D'ailleurs, c'est l'époque où Socrate lance une philosophie centrée désormais sur l'homme, ses devoirs et ce à quoi il doit aspirer. Dans tous les genres, même dans l'Histoire, se retrouve ce souci de dégager des traits importants pour l'homme, en général, importants pour tous les temps.
Et c'est ce qui fait à mon sens le prix de ces textes dans la formation des jeunes.
Pourquoi les Grecs ont-ils eu le sens de l'importance de ces questions ?
J. de R. : Il serait imprudent de donner une réponse trop précise, alors que les tendances naturelles d'un peuple et les diverses circonstances du temps ont pu jouer. Mais une chose est sûre : dès l'origine, les Grecs ont eu tendance à pratiquer le débat, c'est-à-dire à s'exprimer et à confronter leurs idées avec celles des autres, puis à les fixer par écrit de façon à établir un dialogue par-delà les circonstances du débat lui-même. Dans les poèmes homériques, qui coïncident avec les débuts de l'écriture, on trouve déjà des assemblées où les chefs délibèrent entre eux, et même d'autres assemblées où les dieux délibèrent entre eux. On discute, on cherche à convaincre. C'est le même principe qui les a poussés à définir l'importance de la loi et bientôt à inventer la démocratie. Non seulement ils l'ont inventée, mais ils ont cherché à en définir les principes, les beautés et aussi les risques. Pourquoi l'ont-il fait ? Je répète qu'il est impossible de le dire.
Peut-on dire qu'il existe une continuité qui mène de ces interrogations à la pensée chrétienne, à la religion chrétienne ?
J. de R. : Le mot de continuité est peut-être un peu fort, car la coupure apportée par le christianisme reste majeure; la prééminence du religieux sur le politique, la prééminence de l'amour sur toutes les vertus en sont les signes bien nets. Cependant, si l'on considère l'évolution progressive de la pensée grecque, on voit s'y manifester avec le temps des traits qui, en effet, préparent le christianisme. Dans le domaine proprement religieux, on assiste à un rejet progressif des légendes du mythe et à une tendance plus nette à considérer le divin sous une forme plus abstraite et plus parfaite. Déjà Homère écarte certaines histoires étranges du mythe. Au Ve siècle, Euripide, dans son théâtre, laisse des personnages les critiquer ouvertement ; et cela aboutit avec Platon à un refus franc accompagné d'une habitude nouvelle de parler du dieu ou de la divinité. Plus tard, on verra, chez les néoplatoniciens en particulier, une relation encore plus personnelle et fervente avec la divinité. Un bon exemple serait celui de Plotin. En tout cas, il est clair que l'on passe sans heurts des mythes effarants du début à ce rapport personnel avec Dieu qui émerge dans les siècles précédant le christianisme. Je voudrais ajouter qu'une même évolution se fait jour dans le domaine moral. Là où régnait avant tout la justice, on voit se développer, progressivement, des valeurs que l'on peut grouper sous le nom de douceur (c'est le mot employé en grec), et qui comportent l'indulgence, le pardon, la tolérance. J'ai consacré un gros livre au progrès de ces idées, progrès qui est continu et très net au cours des siècles. Certes, ces valeurs apparaissaient dès les premières œuvres grecques, où se marquait par exemple la pitié pour les vaincus ; mais elles n'ont cessé de se développer et par là préparaient en ce sens le christianisme. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le terme de «barbare», signifiant d'abord qui ne sait pas le grec, a pris la valeur qu'il a encore parmi nous aujourd'hui.
Quelles étaient les relations entre l'homme et les dieux dans la Grèce antique ?
J. de R. : Ces relations étaient très diverses. Pour simplifier, je distingueras deux aspects. D'abord la religion grecque était un polythéisme, et les dieux -divers pouvaient entretenir avec les hommes des rapports très proches. Jl y avait des enfants nés d'une déesse et d'un mortel ou d'un dieu et d'une mortelle; des dieux pouvaient avoir des mortels pour amis ou pour ennemis; ces dieux pouvaient surgir dans la vie humaine, intervenir sous des formes trompeuses, se mêler à l'action des hommes. Cela sans compter l'existence, non seulement des demi-dieux mais de toutes les petites divinités qui, aux côtés des monstres, introduisaient le sacré dans la vie quotidienne. La vie de l'homme grec était donc pleine de dieux et se trouvait par là comme enrichie par cette présence. Pourtant (et c'est le second aspect), ces dieux qui se mêlent aux hommes restent radicalement différents. Dès Homère, ils sont immortels par opposition aux mortels, et cela change tout. De plus, ces immortels connaissent une hiérarchie : la décision de Zeus est souveraine. L'homme est donc soumis à la décision divine, il la craint ; il tente de se la concilier par des prières. S'il connaît un sort mauvais, il cherche quelle faute il a pu commettre pour irriter un dieu, ou les dieux, ou Zeus lui-même. Le théâtre d'Eschyle est tout plein de ce tremblement devant cette justice de Zeus, dont on s'explique malles manifestations. Le problème des délais de la justice divine a hanté la pensée grecque d'Eschyle à Plutarque.
Est-il possible d'affirmer que le culte de Zeus était une préfiguration des cultes monothéistes ?
J. de R. : J'ai déjà indiqué que l'autorité de Zeus, en se précisant, tend à une sorte de monothéisme; mais je ne voudrais pas parler du « culte de Zeus », car cette évolution philosophique ne concerne pas le culte où les sacrifices et tous les rites étaient fort différents, dans leur esprit et dans leur forme, de la religion chrétienne.
Quelles sont les valeurs humanistes qui vous semblent être encore actuelles ?
J. de R. : À cette question je répondrai sans hésiter : toutes ! Je pense que le propre des valeurs humanistes est de tenir compte de ce qui est propre à l'homme. Ceci implique le désir de comprendre les autres, de se faire comprendre d'eux et de respecter par rapport à eux des règles précises. Ce principe n'exclut nullement le dévouement à la Patrie et à la Cité, loin de là; mais il implique le respect des règles de la justice et aussi de ces valeurs plus douces dont j'ai parlé et qui englobent pitié, indulgence et tolérance; et, par-delà les règles de la Cité, cela implique les règles valant pour tous, des lois non écrites qui imposent un certain respect des personnes et dont l'autorité vient directement des dieux. On trouve souvent dans les textes grecs des justifications de certaines conduites fondées sur l'idée : « il est un homme comme moi », « il pourrait m'arriver la même chose qu'à lui ». La fierté d'être un homme digne de ce nom anime les textes grecs; mais à la fierté des progrès techniques se mêle toujours le rappel de la règle morale qui commande tout L'ensemble de ces valeurs me paraît essentiel en tout temps, mais peut-être plus que jamais en une époque où l'on voit se développer de façon dramatique la violence, la guerre, et les crimes que l'on appelle justement « crimes contre l'humanité ». Chaque petit texte lu lentement apporte une aide en ce sens.
Voyez-vous une opposition entre humanisme et enracinement ?
J. de R. : Je ne crois pas qu'il y ait opposition : cela dépend du sens que l'on donne à enracinement. S'il s'agit d'attachement systématique à des traditions locales et d'hostilité à tous ceux qui ne les partagent pas, il y a opposition; mais les valeurs humanistes sont ce qui peut permettre à l'enracinement de ne pas prendre ce caractère. Elles permettent d'associer ces traditions à une ouverture et à une compréhension des autres. De même que l'on peut être Breton, Français, Européen et comprendre les autres cultures, de même l'enracinement et l'humanisme peuvent être conciliés à condition que celui-ci soit présent. Isocrate n'ignorait pas la lutte profonde, et même l'opposition entre Grecs et sujets de la Perse, mais il définit aussi l'hellénisme comme le fait d'une culture et non pas d'une race. J'aurais donc tendance à retourner le rapport des mots et à dire que notre vrai espoir est dans l'enracinement des valeurs humanistes : c'est là que l'enseignement a son rôle à jouer ; et c'est un rôle capital pour notre avenir.
✍ Propos recueillis par François Delancourt Français d'abord! - 2e quinzaine mai 2002 -
- Parvis des gentils - Benoît XVI au rendez-vous de l'intelligence
Comme tous les bons capitaines, Benoît XVI ne se la joue pas « mouche du coche », s'acharnant là où les résultats sont bons, dans les pays de ce que l'on appelait encore récemment le Tiers monde. Il se porte au défaut de la Muraille. Il se bat là où la défaite menace, là où la déroute n'est pas loin, je veux dire : en Europe.
La Vieille Europe a été le continent où le christianisme s'est trouvé un berceau. Il est en train d'y mourir. Le but du général d'année qu'est Benoît XVI est d'éviter les soins palliatifs, tellement pratiqués sur le terrain, dans les regroupements paroissiaux et les enfermements diocésains. Il faut de l'air. Il faut repartir à la conquête du monde, et en particulier du monde occidental, surtout de la Vieille Europe qui végète dans l'athéisme pratique. Il faut créer des événements pour réveiller la malade de son coma spirituel.
C'est dans cette perspective que le 24 mars prochain, à Paris, Ville Lumière, Ville de la Culture, Benoît XVI organise - depuis Rome semble-t-il - ce qu'il a voulu appeler le Parvis des gentils. Etrange manifestation ! Elle aura lieu à l'UNESCO, à la Sorbonne et à l'Académie française. Info ou intox ? Je me suis laissé dire, par un des responsables de l'opération, que le pape apparaîtrait en direct de Rome SUf la façade de Notre Dame de Paris, répondant aux questions qui lui sont posées par le public. Il s'agit d'un « coup » formidable et sans précédent, mais aussi d'une réalisation qui risque d'en intriguer plus d'un. Dans l'organisation de la manifestation, cela a été mon premier étonnement : on ne retrouve pas la dernière née des organisations curiales, la Commission pour la nouvelle évangélisation. C'est la Commission pontificale pour la culture qui est chargée de cette Journée, avec à sa tête le tout récent cardinal Gianfranco Ravasi, responsable de la Commission pontificale pour la culture, celui qui a remplacé le cardinal Poupard. C'est que le Parvis des gentils n'est pas, à proprement parler, un acte d'évangélisation. Pour comprendre de quoi il va s'agir, il faut s'interroger sur Ie nom que le pape a choisi pour cette fête de la culture. Le Parvis des gentils, c'était, au temple de Jérusalem, la partie réservée aux non-juifs. Il s'agit donc pour l'Eglise de sortir d'elle-même et d'aller à la rencontre des païens qui le souhaitent. Mais cette rencontre doit être préparée. Ce « parvis des gentils » se veut un lieu du « dialogue avec ceux à qui la religion est étrangère, à qui Dieu est inconnu et qui, pourtant, ne voudraient pas simplement rester sans Dieu, mais l'approcher au moins en tant qu'Inconnu ». On reconnaît l'allusion « au Dieu inconnu » lancé par saint Paul aux Athéniens lors de son fameux Discours sur l'Aréopage. « Vous ne le savez pas, vous qui êtes les plus religieux des hommes, mais c'est lui que vous adorez ».
Pour arriver à une telle prise de conscience, le chemin n'est pas simple. Dans un article publié par l'Osservatore romano, Mgr Ravasi s'en explique de la façon suivante, nous donnant vraisemblablement la perspective papale : « Il faut que l'athéisme comme la foi se soumette à une purification de leurs concepts originels : le premier doit retrouver son idéalisme de base, le second éviter le dévotionalisme et le fondamentalisme. Ce n'est que dans ces conditions que la rencontre pourra se faire, comme un vrai duo ayant pour fin l'harmonie et non tel un duel où les deux partis s'affronteraient à l'arme blanche ». Mais ajoute le nouveau cardinal, « les deux parties ne doivent en aucun cas renoncer à leur identité propre ». « Hors de toute métaphore, elles ne doivent pas se décolorer dans un vague syncrétisme idéologique ».
La ligne de crête est difficile. Cette perspective évoque le dialogue étonnant entre le cardinal Ratzinger, près d'être élu pape et l'éditorialiste athée Paolo d'Arçais, édité depuis chez Payol. Il y avait là deux personnages de parfaite bonne foi. Aucun des deux n'essayait de convaincre l'autre, mais le cardinal consentait à se mettre en cause face au journaliste. J'ai l'impression que le parvis des gentils sera quelque chose comme ce dialogue, En plus grand. Et (cela nous intéresse) en France. Les esprits chagrins diront que ce « dialogue » comme tous les autres, ne sert à rien. En réalité, il s'agit, je crois, pour Benoît XVI, dans cet effort de purification, de déminer le terrain de la Culture et de montrer que, dans ce registre, le christianisme est au moins à égalité avec cet athéisme rationaliste qui, depuis quelque deux siècles, prétend au Monopole de l'intelligence. D'une certaine façon, le discours du pape au Centre des Bernardins relève justement de ce genre de démarche. Benoît XVI ne tente pas de convertir les athées. Il cherche simplement à ne pas leur laisser la vedette. Il me semble que dans la Reconquista spirituelle qui s'amorce, ce Parvis des gentils pourrait bien être la première étape nécessaire. On se plaint tellement que les prêtres manquent d'imagination dans l'œuvre de l'évangélisation. Le pape leur montre l'exemple. Loin de l'autocritique stérile, mais sans s'encombrer non plus des mille et une casseroles dont on tente ces derniers mois d'affubler l'Eglise, en toute liberté, en toute intelligence, Benoît XVI, le pape théologien, propose une rencontre à la régulière avec les athées d'Occident. Il n'est pas indifférent que Paris, siège mondial de l'UNESCO, soit aussi le lieu choisi pour cet échange d'un genre nouveau. J'avoue que je suis impatient de voir comment se dérouleront ces formidables Assises, où s'affronteront, « pour la première fois en un véritable duo », la foi et la raison. Je n'ai qu'une objection, je me la fais souvent vis-à-vis de ce qui vient de Rome : c'est peut-être trop intelligent ! En tout cas, on ne pourra pas dire que ce pape de 83 ans manque d'ambition et d'imagination.
Joël Prieur : monde et vie 11 décembre 2010 -
Valls sur la corde raide
Depuis la formation du gouvernement Ayrault, non seulement Manuel Valls apparaît, de très loin, comme son élément le plus populaire ; non seulement il se révèle le moins inactif ; mais encore il semble le plus résolument en contradiction avec son collègue de la Justice Mme Taubira.
Sur la popularité on remarquera le baromètre SOFRES du 31 octobre. Il accorde 36 % de confiance à François Hollande et 34 % à Jean-Marc Ayrault. Ceci marque un point bas sans précédent depuis les calamiteux 6 premiers mois d'Édith Cresson (30 %) et d'Alain Juppé (34 %). Au contraire cette même étude accorde avec 46 % d'opinions favorables à Manuel Valls. Et ceci le place en tête des "personnalités d'avenir" préférées des Français suivi de François Fillon (44 %). Et aucun autre homme politique ne dépasse 40 %.
Tout cela ne dérange peut-être pas uniquement ce qu'on appelle la "gauche de la gauche".
Au sein de la coalition qui fut un instant majoritaire, en mai-juin, on peut parier que diverses murènes et autres amis bien intentionnés sont capables de mesurer par exemple que le gouvernement Cresson a duré 12 mois et celui d'Alain Juppé deux années. Le propre du quinquennat étant de durer 60 mois, et ce sera très long pour Monsieur Normal, il faudra assez rapidement donner un nouveau souffle à cet assemblage bancal.
Les solutions de rechange ne sont pas innombrables.
L'attelage actuel, plus fragile qu'on ne le croit, se compose du parti socialiste, des radicaux de gauche et des écolos. Ce qui permet à une Duflot, par exemple, de plastronner comme si le 6 mai 2012 le peuple français avait pris irrévocablement la Bastille et confié à "la gauche" les destinées de la nation comporte, malheureusement pour elle, en embuscade le front de gauche mélenchoniste, cache-nez du parti communiste.
Ce dernier ensemble constitue la force centrale de la "gauche de la gauche". Mais celle-ci ne serait rien si elle se limitait à l'influence directe du bon vieil appareil stalinien et de ses comparses du jour. Ramifiée sur un nombre considérable d'associations et de syndicats, elle constate en fait de nombreuses convergences et connivences au sein même du PS, voire du gouvernement actuel.
Or, Valls apparaît de plus en plus comme la bête noire de cette mouvance. Venu lui-même du trotskisme "lambertiste", comme beaucoup d'autres cadres du PS, il fait aujourd'hui figure de représentant de l'aile droite du parti. Ceci amenait Edwy Plenel dans Médiapart à le désigner pour un ennemi, et pis encore pour un renégat. (1)⇓
L'affaire Aurore Martin vient de donner du grain à moudre à cette campagne rampante pour l'affaiblir.
En livrant à la justice espagnole une militante pro-ETA de nationalité française, le ministre de l'Intérieur a certes ouvert un cas d'école sur le plan juridique. Cela pose le problème de ce qu'on appelle "l'espace judiciaire européen", en l'absence d'une législation commune : le crime pour lequel elle est réclamée par les autorités espagnoles n'est pas reconnu comme tel par notre république.
Rappelons à cet égard que les services répressifs de l'Hexagone, à l'époque Mitterrand, n'avaient jamais reçu d'instructions sincères et sérieuses pour coopérer avec leurs homologues d'Italie contre les Brigades Rouges. On voyait à Paris, dans ces indiscutables terroristes, de sympathiques antifascistes. Cela est regrettable mais cela explique que même lorsqu'il fut question de livrer Battisti, pourtant condamné par contumace pour meurtre dans son pays, "on" fit tout pour lui permettre de s'échapper.
S'agissant des terroristes basques de l'ETA, les choses ont évolué différemment. Au départ la République jacobine et ses grandes consciences de gauche jugeaient avec beaucoup de complaisance coupable ces "honnêtes antifranquistes". On minimisait le fait que ces braves gens posaient des bombes et tuaient des innocents. Et puis progressivement les choses se sont retournées. L'Hexagone a cessé de s'offrir comme sanctuaire et base arrière pour cette fraction de la "cause basque" utilisant des moyens sanguinaires indéfendables.
Avec l'extradition d'Aurore Martin le balancier est revenu à l'autre extrême.
Le camarade Dartigolles développe donc la rhétorique du parti communiste :
"… Aurore Martin a été arrêtée par la gendarmerie puis livrée aux autorités espagnoles dans la foulée. Par-delà le débat soulevé par l'exécution, pour la première fois dans notre pays, d'un mandat d'arrêt européen, comment expliquer que cette arrestation intervienne - alors qu'Aurore Martin avait décidé de ne plus se cacher depuis plusieurs mois -, tout juste après les propos incendiaires de Manuel Valls au journal espagnol El Pais au sujet de la création d'une collectivité territoriale basque. (…) le ministre de l'Intérieur a-t-il voulu reprendre la main avec l'arrestation d'Aurore Martin ? (…) Face à ce questionnement, comment ne pas ressentir un profond malaise ? Manuel Valls doit donc s'expliquer". (2)⇓
Le PCF accuse donc le ministre de "vouloir prendre modèle sur la méthode et le style Sarkozy lors de son arrivée au ministère de l'Intérieur au printemps 2002". Et il stigmatise ceux qui, comme le député PS Jean-Jacques Urvoas remarquent que l'arrestation "ne relève pas de la compétence" de Valls. Le porte-parole communiste va jusqu'à faire semblant de s'étonner et de s'indigner que "face aux réactions de colère et d'incompréhension suite à l'arrestation et à l'extradition d'Aurore Martin, le PS a organisé la défense de Manuel Valls".
À l'autre aile de la coalition le président des radicaux de gauche Baylet soutient Valls (3)⇓ :
"La gauche ne peut exprimer aucune sympathie vis-à-vis d'ETA et de celles et ceux qui soutiennent cette organisation qui a ensanglanté et terrorisé l'Espagne trop longtemps. le romantisme n'a pas sa place dans la lutte contre le terrorisme !. L'arrestation d'Aurore Martin et son extradition en Espagne sont la conséquence logique de la coopération franco-espagnole en matière de lutte contre le terrorisme. Il est pour le moins surprenant d'entendre des élus de la République attaquer le ministre de l'intérieur parce que la loi et les engagements européens de la France sont respectés", conclut le patron de la Dépêche du Midi et sénateur du Tarn-et-Garonne.
En 1922 les frères Sarraut, prédécesseurs de M. Baylet à la tête de ce qui s'appelait la Dépêche de Toulouse, du parti radical et du ministère de l'Intérieur tentaient de réveiller les Français sur le thème "le communisme voilà l'ennemi". Pour le malheur de la France ce fut, au sein la gauche, et du parti radical socialiste, Édouard Herriot (4)⇓ qui l'emporta à l'époque. L'Histoire recommence-t-elle toujours à l'identique ?
JG Malliarakis http://www.insolent.fr
- cf. "Ce reniement dont Manuel Valls est le nom" éditorial du 20 septembre. ⇑
- cf. dépêche AFP du 3 novembre à 12h27⇑
- AFP Publié le 03/11/2012 à 12h37⇑
- Cf. le chapitre qui lui est consacré dans l'Alliance Staline Hitler.⇑
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La guerre qui se profile au Sahel sous la loupe d'Hubert Vedrine
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Au nom d'Athènes : Les batailles de Marathon et de Salamine contre les Perses
Une reconstitution spectaculaire des batailles de Marathon et Salamine, au Ve siècle avant J.-C., à l'aide d'images de synthèse et de dialogues en grec ancien et en persan !
Une reconstitution spectaculaire de la bataille de Marathon, en 490 avant J.-C., qui opposa les Grecs et les Perses.
Réalisateur : Fabrice Hourlier (2012) -
Retour de la géopolitique et histoire du concept : l'apport d'Yves Lacoste
Conférence prononcée à l'Université de Hanovre en avril 1994
Le thème de mon exposé est de vous donner cet après-midi un "panorama théorique de la géopolitique" et d'être, dans ce travail, le plus concis, le plus didactique ‹et peut-être, hélas, le plus schématique‹ possible. Un tel panorama nécessiterait pourtant plusieurs heures de cours, afin de n'omettre personne, de pouvoir citer tous les auteurs qui ont travaillé cette discipline et ont contribué à son éclosion et à son expansion.
Le temps qui m'est imparti me permet toutefois de ne me concentrer que sur l'essentiel, donc de me limiter à trois batteries de questions, qui se posent inévitablement lorsque l'on parle de géopolitique aujourd'hui.
1. Questions générales : Pourquoi le géopolitique a-t-elle été tabouisée pendant autant de temps ? Cette tabouisation trouve-t-elle son origine dans le fait que certaines autorités (politiques ou intellectuelles) non censurées sous le Troisième Reich aient été influencées par les écrits de Haushofer ? Quelles sont les différences entre géopolitique, géostratégie et géographie politique ? La géopolitique est-elle véritablement une démarche scientifique ? Cette série de question, le géopolitologue français ‹néologisme introduit par le général Pierre-Marie Gallois qui entend éviter de la sorte la connotation péjorative que l'on attribue parfois au mot ³politicien²‹ Yves Lacoste se l'est posée : nous nous référerons à ses arguments, d'autant plus qu'un copieux Dictionnaire de géopolitique vient de sortir de presse à Paris sous sa direction.
2. Histoire du concept : Avant que l'on ne parle explicitement de géopolitique, existait-il une ³conscience géopolitique² implicite ? Pratiquait-on un politique spatiale équivalente à la géopolitique ? Dans quelle mesure César, quand il conquiert la Gaule, bat les Vénètes (1), bloque Arioviste et les tribus helvètes, installe la nouvelle frontière sur le Rhin (2), fait une incursion en Britannia, a-t-il le sens de l'espace, possède-t-il un Raumsinn, au sens où l'entendait Ratzel ? Comment les intellectuels de l'antiquité, du moyen-âge, de la renaissance et des temps modernes, conceptualisaient-il cette politique de l'espace, que nous renseignent les sources à ce sujet ? En compagnie du Général Pierre-Marie Gallois nous allons procéder à une brève enquête dans les écrits des grands prédécesseurs des géopolitologues du 19ième et du 20ième siècles. L'enquête de Pierre-Marie Gallois constitue une excellente introduction à l'histoire du concept de géopolitique, mais le chercheur ne saurait s'en contenter : un recours à toutes les sources s'avèrent impératif, y compris une exploration complète de celles que mentionne la Zeitschrift für Geopolitik de Haushofer, notamment pour l'impact de Herder (3).
3. Enfin, quelles sont les théories fondamentales des géopolitologues conscients, qui utilisent le terme ³géopolitique² dans l'acception que nous lui connaissons toujours aujourd'hui ? Quelles sont les étapes les plus importantes dans le développement de leur pensée ? Qu'ont-ils appris des événements historiques qui se sont succédé ? Comment ont-ils réussi ou n'ont-ils pas réussi à moduler théorie et pratique ?
1. Yves Lacoste et le retour de la géopolitique en France.
Qui est Yves Lacoste ? D'abord un géographe qui a travaillé sur le terrain. Ainsi, en 1957, il fait paraître une étude remarquable sur l'Afrique du Nord (4), qui ne reçoit pas l'accueil qu'elle aurait mérité, sans doute parce que l'engagement social et socialiste de l'auteur est extrêmement sévère à l'encontre de la politique coloniale française et même à l'égard de la politique de protectorat menée par Lyautey (5) au Maroc. Aujourd'hui, Yves Lacoste enseigne à Paris et dirige le CRAG (Centre de Recherches et d'Analyses Géopolitiques). En 1976, il a fondé la revue Hérodote (6), où transparaît encore son engagement humaniste de gauche, mais atténué par rapport à celui du temps de la guerre d'Algérie. Hérodote publie régulièrement des dossiers bien documentés sur les grandes aires géographiques de notre planète (aires islamiques, sous-continent indien, océans, Mitteleuropa, Balkans, Asie du Sud-Est, URSS/CEI, etc.). Face à ces initiatives, dont l'ancrage initial était à gauche, Marie-France Garaud, candidate malheureuse à la présidence en 1981, publie la revue illustrée Géopolitique, disponible en kiosque. Le géopolitologue Hervé Coutau-Bégarie, dont l'œuvre est déjà considérable (7), écrit surtout dans Stratégique. Enfin, à Lyon, le professeur Michel Foucher (8) dirige un institut de géopolitique et de cartographie très productif. On découvre des cartes émanant de cet institut dans des revues grand public tel l'hebdomadaire de gauche Globe (9) ou le journal des industriels L'Expansion (10). Michel Foucher est aussi un spécialiste de l'étude de la genèse des frontières, une discipline qu'il qualifie du néologisme d'"horogénèse".
La dernière grande production d'Yves Lacoste est un Dictionnaire de géopolitique, où il récapitule ses théories et ses définitions de la géopolitique, de la géostratégie, de la "géographicité", etc., dans un langage particulièrement clair et didactique. Son mérite est d'avoir réhabilité en France le concept de géopolitique et d'avoir levé l'interdit qui frappait ce mot et cette discipline depuis 1945.
Dessiner des cartes
Comment Lacoste justifie-t-il cette réhabilitation ? Examinons sa démarche. ³Géographie² signifie étymologiquement ³dessiner la terre², autrement dit, dessiner des cartes. Or les cartes sont soit des cartes physiques (indiquant les fleuves, les montagnes, les lacs, les mers, etc.) soit des cartes politiques, indiquant les résultats finaux de la ³géographie politique². Les cartes poli-tiques nous montrent les entités territoriales, telles qu'elles sont et non pas telles qu'elles sont devenues ou telles qu'elles devraient être. Elles n'indiquent ni l'évolution antérieure réelle du territoire ni l'évolution ultérieure potentielle, que voudrait éventuellement impulser une volonté politique. Les cartes politiques indiquent des faits statiques et non pas des dynamiques. Selon ce raisonnement, les cartes physiques relèvent de la géographie, les cartes politiques de la ³géographie politique². La géopolitique, elle, dessine des cartes indiquant les mouvements de l'histoire, les fluctuations passées, susceptibles de se répéter, etc.
Surtout après la seconde guerre mondiale, rappelle Lacoste dans son Dictionnaire, on a assisté à l'émergence d'un débat épistémologique, pour savoir quels critères différenciaient fondamentalement la géographie et la géopolitique. La première affirmation dans la corporation des géographes universitaires a été de dire que seule la géographie était ³scientifique² ; la géopolitique, dans cette optique, n'était pas scientifique parce qu'elle était spéculative, stratégique donc subjective, visionnaire donc irrationnelle. Mais cette affirmation de la scientificité de la géographie fait éclore une série de problèmes, implique les nœuds de problèmes suivants:
- la géographie est une science hyper-diversifiée;
- plusieurs dimensions de la géographie ne sont pas encore définitivement fixées ou n'ont jamais pu être enfermées dans un cadre délimité ;
- les facteurs humains jouent en géographie politique un rôle considérable ; or tous les facteurs humains qui influent sur la géographie possèdent nécessairement une dimension stratégique, tournée vers l'action, mue par des mobiles irrationnels (gloire, vengeance, désir de conversion religieuse, avidité matérielle, etc.);
- les géographes, même ceux qui se montrent hostiles à la géopolitique, sont contraints d'opérer une distinction entre ³géographie physique² et ³géographie humaine/politique², prouvant ainsi que l'hétérogénité de la géographie entraîne la nécessité d'une approche plurilogique dans l'appréhension des faits géographiques ;
- la géographie humaine/politique est donc une science de la terre, telle qu'elle a été transformée et marquée par l'homme en tant que zoon politikon.
La géographie humaine/politique ouvre la voie à la géopolitique proprement dite en révélant ses propres dimensions stratégiques. Les frontières entre la géographie et la géopolitique sont donc poreuses.
³La géographie, ça sert à faire la guerre²
Le constat de cette porosité confère un statut très hétérogène à la géographie d'aujourd'hui. Aspects physiques et aspects humains se chevauchent constamment, si bien que la géographie en vient à devenir la science qui examine le dimension spatiale de tous les phénomènes. Dans ce contexte, Lacoste pose une question provocante mais qui n'est justement provocante que parce que nous vivons dans une époque qui est idéologiquement placée sous le signe de l'irénisme (= du pacifisme). Et cette question provocante est celle-ci : pourquoi l'homme, ou plus exactement l'homo politicus, l'homme qui décide (dans un contexte toujours politique), le souverain, fait-il dessiner des cartes par des géographes qui sont toujours des ³géographes du roi² ? Depuis 3000 ans en Chine, depuis 2500 ans dans l'espace méditerranéen avec Hérodote, on dessine des cartes pour les rois, les empereurs, les généraux, les stratèges. Pourquoi ? Pour faire la guerre, répond Lacoste. Malgré son engagement constant dans les rangs de la gauche française, Lacoste écrit un livre qui porte cette question comme titre : La géographie, ça sert d'abord à faire la guerre. Automatiquement, il met un point final à l'ère irénique dans laquelle les géographes avaient baigné.
La géographie, au départ, sert donc à dresser des cartes qui sont autant de ³représentations opératoires². Mais celui qui a besoin de ³représentations opératoires² et s'en sert, spécule aussi (et automatiquement) sur la modalité éventuelle future que prendra la volonté de son adversaire ou de son concurrent. L'objet de cette spéculation est donc une volonté, qui comme toutes les volontés à l'œuvre dans le monde, n'est pas par définition rationnelle et a même des dimensions irrationnelles et subjectives. La géographie devient ainsi un savoir qui a une pertinence politique, qui est destiné à l'action. La géographie, en tant que science, implique qu'il y ait Etat, Staatlichkeit.
Géographie et pédagogie populaire
Par ailleurs, Lacoste insiste sur la nécessité de répandre la géographie dans le peuple par la voie d'une ³pédagogie populaire², qui communiquerait l'essentiel par des méthodes didactiques, dont les ³cartes suggestives² (11). Cette volonté de pédagogie populaire a conduit à la création de sa revue Hérodote. Lacoste se réfère explicitement aux géographes prussiens, serviteurs pédagogiques de leur Etat : Ritter (12), Humboldt (13), Ratzel (14). En Angleterre, à la suite de ces modèles allemands (15), Halford John Mackinder (1861-1947) travaille pour que l'Université d'Oxford se dote à nouveau d'une chaire de géographie : elle n'en avait plus depuis la disparition de celle de Hakluyt au XVIième siècle (16). En France, après 1870, la propagande en faveur du retour de l'Alsace et de la Lorraine conduit à l'édition de livres pour la jeunesse, où deux jeunes Alsaciens voyagent en ³France de l'Intérieur², apprenant de la sorte à connaître les innombrables facettes de ce pays de plaine et alpin, atlantique et méditer-ranéen, continental et maritime, etc.
Mais le principal modèle de Lacoste reste le géographe Elisée Reclus (1830-1905), militant libertaire engagé dans l'aventure de la Commune de Paris (1871), théoricien d'un anarchisme humaniste, contraint à vivre en exil à Bruxelles où il enseignera à l'³Université nouvelle², pionnière de méthodes d'enseignement nouvelles à l'époque (17). L'engagement militant de Reclus l'a conduit à être ostracisé par sa corporation. Son œuvre était considérée à l'époque comme de la pure spéculation dépourvue de scientificité. Aujourd'hui, les géographes doivent bien reconnaître que ses travaux sont une véritable mine de renseignements précieux. La pédagogie populaire prussienne et britannique, les livres de jeunesse mettant en scène deux garçons alsaciens en France, l'œuvre de Reclus, prouvent, selon Lacoste, que toute tentative visant à extirper la dimension stratégique-subjective dans l'étude de la géographie est une démarche non politique voire anti-politique. La dimension militante, celle de l'engagement, comme chez Reclus, revêt également une importance primordiale, qu'il est vain de s'obstiner à ignorer. Face à ces tentatives de réduction, Lacoste parle de ³régression épistémologique², surtout à notre époque, où les historiens ont élargi le regard qu'ils portent sur leur domaine en amplifiant considérablement le concept d'³historicité². Lacoste regrette que les géographes, eux, au contraire, ont rétréci leur regard, leur propre concept de ³géographicité².
Nomomanie
Lacoste déplore également la domination de la ³nomomanie² : la plupart des géographes veulent édicter des lois et des normes, ce qui, en bout de course, s'avère impossible dans une science aussi hétérogène que la géographie. Les lois, les constantes, se chevauchent et s'imbriquent sans cesse, sont soumises aux mutations perpétuelles d'un monde toujours en effervescence, in Gärung, auraient dit les géographes de l'école de Haushofer (18). Les faiblesses de la géopolitique française, estime Lacoste, c'est la timidité, le manque d'audace, de la plupart des géographes qui n'ont pas osé spéculer aussi audacieusement que Haushofer. Il nous donne deux exemples dans son Dictionnaire de géopolitique :
a) Le géographe Paul Vidal de la Blache (1845-1918) (19), dont l'œuvre était considérée comme rigoureusement scientifiques par ses pairs, a dû assister au boycott de son ouvrage patriotique sur l'Alsace-Lorraine, précisément parce qu'il trahissait un engagement. Les géographes ont boudé ce livre.
b) Le géopolitologue suisse Jean Bruhnes (1869-1930) (20) était également considéré comme un éminent scientifique, sauf pour son livre Géographie de l'histoire, de la paix et de la guerre (1921), jugé trop ³stratégique², donc trop ³subjectif².
Pour Lacoste, l'Allemand Karl Ernst Haushofer (1869-1946) et le Suédois Rudolf Kjellén (1864-1922), de même que certains de leurs homologues et élèves allemands, ont connu un plus grand retentissement en matière de ³pédagogie populaire². Lacoste admire chez Haushofer la capacité de dessi-ner et de publier des cartes suggestives claires.
Après la seconde guerre mondiale, le monde des géographes universitaires retombe dans la nomomanie, trahit une nouvelle timidité face à la spéculation, l'audace conceptuelle et la rigueur pratique de la stratégie. Mais, l'œuvre de Lacoste le prouve, cette nomomanie et cette réticence ont pris fin depuis quelques années. D'où, il lui paraît légitime de poser la question : quand cette mise à l'écart systématique de la géopolitique a-t-elle pris fin ? Pour lui, le retour des thématiques géopolitiques dans le débat en France est advenu au moment du conflit entre le Vietnam et le Cambodge en 1978.
L'URSS contre la Chine, le Vietnam contre le Cambodge
J'aurais tendance à avancer cette date de six ans pour le monde anglo-saxon. En effet, lorsque Washington, sous la double impulsion de Nixon et de Kissinger, se rapproche de Pékin, en vue d'encercler l'URSS et de rompre totalement et définitivement la solidarité entre les deux puissances communistes, la solidarité idéologique cède le pas au jeu de la puissance pure, à l'intérêt géopolitique. Les Etats-Unis ne se préoccupent plus du régime intérieur de la Chine : ils s'allient avec elle parce que l'ennemi principal, à cette époque, est l'URSS. Même raisonnement côté chinois : l'allié est américain, même s'il est capitaliste, contre le Russe communiste qui menace la frontière nord et masse ses divisions le long du fleuve Amour. En 1978, en France, quand le Cambodge reçoit le soutien de la Chine contre le Vietnam, allié de Moscou et incité par les Soviétiques à prendre les Chinois à revers, le raisonnement de Pékin saute aux yeux : il encercle le Vietnam qui participe à l'encerclement de la Chine. Le Cambodge doit prendre Hanoi à revers. La pure gestion de l'espace prend donc le pas sur la fraternité idéologique ; le communisme n'est plus monolitihique et le monde n'est plus automatiquement divisé en deux camps homogènes. À Paris, où beaucoup d'intellectuels s'étaient positionnés, à la suite de Sartre, pour un communisme existentialiste, pur, parfaitement idéal, ce fractionnement du camp communiste est vécu comme un traumatisme.
En 1979, la guerre en Afghanistan rappelle d'anciennes inimitiés dans la région, à l'époque où l'Empire britannique tentait de contenir l'avance des Russes en direction de l'Océan Indien. En avril 1979, la BBC explique le conflit par une rétrospective historique qui n'était pas sans rappeler les leçons de Homer Lea au début du siècle (21). De 1980 à 1988, la guerre entre l'Iran et l'Irak remet à l'ordre du jour toute l'importance géostratégique du Golfe Persique (22). Ces événements tragiques rendent à nouveau légitimes les interrogations géopolitiques.
Depuis, l'édition française est devenue très féconde en productions géopolitiques. La géopolitique est désormais totalement réhabilitée en France. Les fonctionnaires et les étudiants peuvent accéder à un savoir géopolitique pratique et prospectif, le capilariser ensuite de façon diffuse dans tout le corps social.
2. La pensée prégéopolitique
Pour le Général Gallois, la pensée pré-géopolitique commence dès l'attention que porte le stratège militaire au climat sous lequel doivent évoluer ou manœuvrer ses troupes, puis aux relations qui s'instituent entre un peuple donné et un climat donné. Chez Aristote, la pensée prégéopolitique s'exprime très densément dans une phrase en apparence anodine : "Un territoire possède des frontières optimales quand il permet à ses habitants de vivre en autarcie". In nuce, nous percevons là déjà toute la problématique du grand espace (chez Haushofer et Carl Schmitt), de l'économie à l'échelle continentale (chez Oesterheld) (23), et, celle, élaborée sous le IIIième Reich, de l'autonomie alimentaire (Nahrungsfreiheit) dans les travaux de Herbert Backe (24), de l'héritage théorique en économie de Friedrich List (25) et du problème crucial des monocultures et des cultures vivrières dans le tiers-monde.
En Chine, rappelle Gallois, Sun Tsu nous livre une pensée pré-géopolitique dans ses réflexions sur le climat et sur la ³géomorphologie de l'espace conflictuel². Dans le monde arabe, Ibn Khaldoun (1332-1406) insiste lui aussi sur l'importance des facteurs climatiques. Il ajoute des réflexions pertinentes sur la dialectique Ville/Campagnes, en opposant des cités sédentaires, vectrices de civilisation, à des campagnes où règnent les tribus nomades. Ni l'Afrique saharienne ni les ³steppes de Scythie² ne peuvent faire l'histoire ou créer la civilisation car leur immensité et leur quasi ³anécouménité² rendent ce travail patient de la culture urbaine précaire sinon impossible. Sont seules vectrices de civilisation les ³bandes latitudinales² où se concentrent les écoumènes parce que leurs territoires sont fertiles et variés. Ibn Khaldoun amorce aussi ce jeu d'admiration et de rejet de l'urbanisation, que l'on retrouvera chez Ratzel ou chez Spengler. Autre idée lancée pour la première fois : une trop grande extension de l'empire ou de l'aire civilisationnelle conduit à son déclin et à son effondrement. Ibn Khaldoun a en tête la disparition précoce de l'empire arabe des débuts de l'Islam. Aujourd'hui, cette notion d'³hypertrophie impériale² a été relancée par Paul Kennedy dans The Rise and Fall of the Great Powers. L'œuvre d'Ibn Khaldoun reste une référence pour les géopolitologues.
Machiavel (1469-1527) évoque la nécessaire unité de l'Etat, de frontières optimales et/ou naturelles. Ses vues seront étoffées et complétées par Bodin, Montesquieu et Herder, qui les replacera dans une perspective organique.
3. L'essentiel de l'œuvre des géopolitologues conscients
L'ère des géopolitologues conscients démarre avec Halford John Mackinder, dont le regard, dit Gallois, est celui un ³satellite². En effet, la vision de Mackinder, bien que ³mercatorienne², est un regard surplombant jeté sur la Terre. Le Français Chaliand, auteur d'atlas géostratégiques récents, juge ce regard trop horizontal et, en ce sens, ³prégaliléen²; mais peut-on reprocher ce regard prégaliléen à un Mackinder qui élabore l'essentiel de sa théorie en 1904, quand les Pôles arctique et antarctique n'ont été ni découverts ni explorés, quand l'aviation militaire n'existe pas encore et ne peut donc franchir l'Arctique en direction du heartland sibérien? Du temps de Mackinder, effectivement, le centre-nord et le nord de la Sibérie sont inaccessibles et inexpugnables, l'arme mobile des thalassocraties, soit les fameux ³dreadnoughts² des cuirassiers britanniques, ne peut atteindre ces immensités continentales. Si les puissances maritimes sont maîtresses de la meilleure mobilité de son temps, les puissances continentales sont handicapées par la lenteur des communications par terre. Mackinder et ses collègues des écoles de guerre britanniques craignent la rentabilisation de ces espaces par la construction de lignes de chemin de fer et le creusement de canaux à grand gabarit. Voies ferroviaires et canaux augmentent considérablement la mobilité continentale et permettent de mouvoir de grosses armées en peu de temps.
Pour la géostratégie anglo-saxonne de Mackinder, la réponse aux canaux en construction et aux chemins de fer transcontinentaux (en l'occurrence transsibériens) est le ³containment², stratégie concrétisée par la création d'alliances militaires, telles l'OTAN, l'OTASE, etc.. Pour Spykman, disciple américain de Mackinder pendant la deuxième guerre mondiale, le maître du monde est celui qui contrôle les ³rimlands² voisins du ³heartland². De sa relecture de Mac-kinder, Spykman déduit les principes suivants, toujours appliqués mutatis mutandis par les stratèges et diplomates américains contemporains :
- Diminuer toujours la puissance des grands Etats du rimland au bénéfice des petits Etats (c'est la raison pour laquelle, par exemple, les petits États de l'UE bénéficient proportionnellement de davantage de sièges au Parlement de Strasbourg que les grands Etats).
- Spykman constate qu'il y a désormais un ³front arctique², ce qui oblige les géopolitologues à modifier complètement leur cartographie ; ce sera l'œuvre de géographes français comme Chaliand et Foucher.
- Implicitement, l'œuvre de Spykman vise à contrer toute unification eurasiatique, telle que l'on imaginée un Troubetzkoï en Russie, de même qu'un Staline quand il rentabilise les zones industrialisables de la Sibérie et le fameux ³triangle de Magnitogorsk², un Prince Konoe au Japon (26). La raison pratique de cette hostilité permanente à toute forme de concentration de puis-sance sur la masse continentale eurasienne est simple : l'Amérique ne pourrait survivre en tant que grande puissance dominatrice sur la planète si elle devait faire face à trois côtes océaniques hostiles à son expansion (pacifique, atlantique et arctique). L'Amérique serait ainsi condamnée à végéter sur son territoire et son appendice ibéro-américain risquerait de se tourner vers l'Europe, par fidélité culturelle hispanique, latine et catholique.
Conclusion : depuis la plus haute antiquité chinoise, quand les géographes et stratèges de l'Empereur commençaient à dresser des cartes pour faire la guerre, jusqu'aux réflexions et corrections actuelles, les notions de la géopolitique ne sont jamais caduques, même si elles peu-vent s'effacer pendant quelque temps. Aujourd'hui, un ensemble de questions que l'on avait pensées obsolètes, reviennent à l'avant-plan et au grand galop. Ce sont les suivantes :
- Les projets pantouraniens et eurasiens des géopolitologues russes, turcs et allemands.
- La chute du Rideau de Fer remet à l'avant-plan l'axe danubien en Europe, reliant par voie fluviale la Mer du Nord à la Mer Noire, au-delà de toute immixtion possible d'une puissance mari-time contrôlant la Méditerranée. La liaison fluviale Rotterdam/Constantza et maritime (Mer Noire) Constantza/Caucase, plus l'accès, via cette même Mer Noire, au trafic des grands fleuves russes et ukrainiens, implique une formidable synergie euro-russe, accroissant formidablement l'indépendance réelle des peuples européens. Tout ralentissement de cette synergie est une manœuvre anti-européenne et russophobe.
- La création de barrages sur le Tigre et l'Euphrate, la neutralisation de la Mésopotamie par la Guerre du Golfe, la raréfaction concomittante de l'eau au Proche-Orient sont des facteurs potentiels d'effervescence et de conflits, aux-quels il s'agit d'être très attentif.
- La montée en puissance économique du Japon suscite une question, d'ailleurs déjà posée par Shintaro et Ishihara (27): l'Empire du Soleil Levant peut-il dire ³non² (à l'Amérique) et commencer des relations privilégiées avec la Russie et/ou l'Inde ?
- L'Océan Indien, tout comme au temps de la splendeur de l'Empire britannique, reste une zone génératrice de surpuissance pour qui le contrôle ou d'indépendance pour les riverains, s'il n'y a pas une grande puissance thalassocratique capable de financer le contrôle du grand arc terrestre et maritime, partant du Cap pour atteindre Perth en Australie.
Karl Haushofer disait que le monde était en effervescence. Le gel des dynamiques pendant la guerre froide et l'illusion pacifiste ont pu faire croire, très provisoirement, à la fin de cette effervescence. Il n'en est rien. Il n'en sera jamais rien.
Robert Steuckers [Synergies Européennes, Vouloir, Mai, 1997] -
Les combattants de Verdun (1916) Première Guerre Mondiale
Douze journées à Verdun. Un jour dans l'Histoire sur Canal Académie de Christophe Dickès avec Henri Amouroux (historien)