Philippe Ploncard d'Assac - Entretien du 2 juin 2012.
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Philippe Ploncard d'Assac - Entretien du 2 juin 2012.
En cette fin d’année, le chercheur en géopolitique Pierre Hillard (livres ici) décrypte l’actualité du mondialisme en une vingtaine de minutes.
Philippe Randa contre l’erreur médiatique
Je préfère une chronique à un éditorial. Un éditorial sent sa gazette, son directeur de la rédaction, son obligation professionnelle. Même si l’on est son propre patron, on se sent obligé de tenir compte d’un certain nombre d’impératifs plus ou moins catégoriques. Le lecteur, abonné ou pas, a le droit, puisqu’il a payé, d’écouter la voix de son contremaître de la pensée…
La chronique est plus libre. On peut ne pas tenir compte de son lecteur, on peut aussi ne pas tenir compte de l’actualité. La chronique se fait alors considération inactuelle, la chronique évoque le temps de l’Histoire, pas celui précipité de l’actualité chaotique. Le style du chroniqueur en outre ne vieillit pas, alors que celui de l’éditorialiste…
On peut relire n’importe quelle chronique d’un bon auteur à toutes époques ; le ton, s’il est bon, nous semble familier. Je lis bien sûr très régulièrement les chroniques de Philippe Randa, qu’il me demande ici de préfacer, exercice que je pratique avec curiosité pour la première fois. Internet nous permet finalement de mieux nous connaître et nous suivre alors que nous ne voyons jamais ; voilà pourquoi j’ai jadis parlé de nouvelle voie initiatique.
Je pensais donc connaître ces chroniques d’autant qu’elles datent de l’année écoulée où je me suis comme jamais passionné pour l’actualité qui me semblait un rien apocalyptique : la fin de la monnaie, le printemps en rab, l’affamé du FMI sous les barreaux malgré tous ses appuis, les sacrifices estivaux en Norvège…
Mais une chose est de les lire chaque semaine, une autre de les absorber en moins d’une journée, précipitamment, comme un tord-boyaux ou une liqueur bien forte ! D’autant que Philippe vit et réagit en France, ce qui n’est pas mon cas depuis plus de dix ans maintenant. J’avais donc perdu l’habitude de cette abjection française si fatigante et répétitive, et je me retrouve face à un pavé dans la mare de l’horreur médiatique à la française : ma meilleure défense, c’est la fuite, d’ailleurs facilitée par l’explosion parisienne et azuréenne de l’immobilier… Mais tel est le talent de Randa et les avantages d’un livre de chroniques qu’on le peut goûter à petits gorgées, le savourer avec modération avant de se coucher ou d’aller affronter le métro.
Mieux vaut le plaisir répété que la consommation à outrance d’une denrée aussi excitante et nécessaire ; car il est quand même bon de savoir ou de se rappeler que le mal, cette universelle médiocrité, existe. Nous ne sommes plus en Eden, ni même en France, depuis Maastricht.
Dans les pays où j’ai vécu depuis onze ans, essentiellement en Espagne et en Amérique latine, la presse impressionne par la quantité de ses pages (mais oui !), mais surtout par sa qualité, sa profondeur, ses édifiants éditoriaux surtout de droite d’ailleurs. En France, elle est vraiment lamentable, et la malédiction française veut que nos journaux dits politiquement incorrects (et non plus « nationalistes » ou « d’extrême droite ») ne se vendent pas, ou ne soient pas connus ou simplement n’intéressent pas le consommateur de nouveautés providentielles. Il est vrai que le Thénardier de la Fin des Temps préfère bouquiner sa revue de motos, de piscines ou de ragots. Quelle race prosaïque que ces Français, disait déjà Lawrence d’Arabie ! Mais n’injurions pas le lecteur potentiel de Philippe Randa, qui tentera, lui, de remonter le niveau du bobo…
Philippe a le goût des formules bien commerciales, qui sont souvent les meilleures : il a imposé dans le paysage éditorial l’expression « politiquement incorrect ». Le politiquement incorrect est tout ce qui doit être tu. Le système repose sur la peur et le mensonge, il repose aussi sur le silence entendu : par exemple la francisque de Mitterrand dont les médias niaient l’existence avant de lui ruer dans les brancards, au père François. Mais tout le monde à droite savait que cette francisque existait et qu’elle tintait. C’est cela être politiquement incorrect et cela dépasse de beaucoup l’extrême droite.
Si Marine Le Pen s’est illustrée et a une chance de s’imposer cette année, c’est bien parce qu’elle a rompu avec l’extrême droite et qu’elle a imposé sa vue politiquement incorrecte : sortir de l’euro qui nous ruinera avant de ne plus rien valoir. Elle applique le même principe que Philippe : souligner ce qui ne va pas entre le fait et sa traduction, dénoncer le mensonge plutôt que de s’en prendre au menteur.
On retrouve donc dans ces chroniques beaucoup de richesse informative (que je n’ai jamais la patience d’acquérir), aucune rage – Philippe est toujours cool et on ne lui connaît guère d’ennemis… –, un ton à la fois serein et philosophe, avec parfois, pourquoi pas ! Un soupçon de révolte, comme celle de nos indignés qui ont défrayé la chronique l’an dernier… et qui inspirent peut-être le titre de cet ouvrage.
J’ai vécu en Espagne cette affaire des indignés venus de France comme toutes les erreurs qui ont frappé ce pauvre pays depuis qu’il est sorti de la « dictature ». Ni instruits, ni motivés, ni guidés, ni courageux (au premier frimas, au début des vacances, pendant les fêtes, ils disparaissent tous), les indignés ont reçu le soutien de Hessel, vague porte-étendard du Parti socialiste français qui est ici venu soutenir Zapatero, l’homme aux cinq millions de chômeurs et honorer la mémoire et la fortune du PSOE, ce Parti socialiste qui n’est ni ouvrier ni espagnol, comme tous les partis sociaux-démocrates européens qui se respectent. Autant dire que le mot d’indigné aura souffert des avanies avec Hessel comme celui – pour Bernanos – d’antisémitisme avec Hitler !
Et pourtant, Philippe Randa s’indigne ! Lui qui fait montre de modération (on l’a dit), de pondération, de considération distinguée, aura choisi l’indignation ! Avec l’âge et la tempe grise, je pensais que l’on s’adoucissait ! Mais comment a-t-il pu ?
Il faut dire que l’année écoulée aura été celle de tous les scandales, de toutes les dépravations, même si 2012, entre le Concordia et les dégradations des notes souveraines, s’annonce aussi bonne… Cette année 2011, dis-je, est un scandale et elle mérite un chroniqueur patenté et de sang-froid pour tout recenser, dénoncer et au besoin expliquer.
Au-delà des faits, il y a les causes (qui a fait l’euro, et pourquoi ? Qui est donc DSK ? Qui est donc Ben Laden ?) ; et au-delà des faits, il y a la bêtise petite-bourgeoise increvable de notre presse, et l’abjection commentatrice.
Philippe garde tout son calme et arrive à user de l’arc ou de la massue pour jauger les carrefours développés et viser les bisons pas très futés qui passent dans la grande prairie de notre monde vide. De ce point de vue, si un auteur et éditeur aussi « force tranquille » que lui a décidé de « s’indigner », c’est qu’il va se passer quelque chose pour le sixième centenaire de notre sainte patronne !
Scandales ? Dénoncer les scandales, et sur un ton un rien paisible, un rien ironique ? Randa a-t-il raison de le faire ? La question est de savoir si comme le disait un cynique italien dans les années 80 – déjà… – « il y avait des scandales, mais il n’y en a plus… », une opinion saturée de la mondaine porcherie en devient-elle blasée ? Je ne le crois pas, Philippe non plus, et c’est pourquoi même il dénonce, par-delà les scandales, les absences de scandales. Malheur à celui par qui l’absence de scandale arrive. Le public se croit informé, il ne l’est pas ; ou il se croit renseigné, comme dans le village du « Prisonnier », et il n’est qu’informé. Il n’a que des bribes. Et c’est pourquoi il lui faut des auteurs et même des éditeurs.
L’opinion n’est pas blasée, elle est impuissante. Elle a le droit de voter pour être déçue dans le pire des régimes à l’exclusion de tous les autres, et elle doit choisir en général entre Laurel et Hardy, sauf en France où, tout de même, nous avons la chance de humer la fragrance politiquement incorrecte d’une famille bretonne fidèle à son destin… Je me demande d’ailleurs si ce n’est pas à cette presse désastreuse qualitativement et moralement que je dénonçais plus haut que nous devons le lepénisme politique que le monde entier nous envie.
À cet égard, Philippe a choisi non pas son camp, mais sa région politique et métapolitique, celle des exclus des plateaux télé, où l’on trouve de tout, idéologiquement et même éthologiquement ! même des modérés comme lui dont le ton familier ne cache rien des fermes convictions et du désir de voir mieux faire… Comme dirait mon Alter Ego Horbiger, derrière le ton nonchalant de l’Alter Ego de Philippe – « Jacques Bonhomme »(1) –, on sent comme un besoin de surhomme…
Il faut qu’il y ait des éditeurs. C’est une chance pour l’auteur et pour le lecteur. La grande originalité de Philippe, depuis que je le connais, c’est qu’il est un excellent auteur et un non moins bon éditeur, passionné par tous les sujets. C’est cet éclectisme et cet encyclopédisme éditorial qui justifient sa largeur de vues qui contraste avec l’excitation permanente des usuriers du système entropique où nous agonisons, largeur de vues qui s’accompagne de fermes convictions et d’une vision du monde qui n’est pas celle de Juppé ou d’Obama.
Le problème de l’édition aujourd’hui, je le sais bien moi qui suis auteur, c’est que l’on télécharge gratuitement et que l’on vit des temps où la culture est gratuite et où l’on trouve plus de rédacteurs – ou de scripteurs – que de lecteurs. Je suis moi-même grâce à cela redevenu un bon lecteur de classiques, mais je n’en constate pas moins le péril de mort que court le petit monde de l’édition et même le journalisme.
Mais ne nous adonnons pas au spleen ; et comme dirait Horbiger, faites l’humour, pas la guerre. Nous laissons aux héritiers de Roosevelt, ce diable si bien décrit par le Dr Plouvier (un des meilleurs auteurs de Philippe) le soin de déclarer la guerre à tout le monde dans le Globalistan. Nous, nous préférons rire et sourire au moment où tremble notre carcasse.
Et je lui laisse le dernier mot, que je trouve dans ses chroniques (à propos de l’affaire Joly) et qui est irrésistible, célinien quoi : « Tout arrive… enfin ! Même la condamnation du racisme anti-blanc ! Qui plus est, anti-nordique ! »
Si tout arrive enfin, peut-être qu’en 2012 après tout, aux élections…
Bonne lecture de Philippe, cher lecteur… en attendant… http://francephi.com
Note
(1) Jacques Bonhomme est le nom attribué par Jean Froissart à Guillaume Caillet ou Callet qu’en mai 1358, les paysans révoltés, les Jacques, prirent pour chef et nommèrent « roi » ou « capitaine souverain du plat pays ». Derrière l’expression « Jacques Bonhomme », les sources de l’époque désignent l’ensemble des révoltés de la Grande Jacquerie. Elle vient de l’ancien français « jacques », qui désigne les paysans, par synecdoque, du fait du port d’une veste courte du même nom, la « jacque ».
Auteur de plusieurs ouvrages sur des sujets sociétaux, politiques et artistiques, Nicolas Bonnal a écrit notamment sur Tolkien, François Mitterrand, Jean-Jacques Annaud et Nostradamus. Ancien collaborateur du Libre Journal de la France courtoise, il collabore désormais à l’hebdomadaire Les 4 Vérités hebdo et à Contrelittérature. Ses chroniques sont publiées en « tribune libre » sur www.francephi.com. Son dernier livre paru est Mal à droite, Lettre ouverte à la vieille race blanche et à la droite (Michel de Maule, 2011).
Une très bonne nouvelle : nous apprenons que la revue L’Héritage (« revue d’études nationales ») reprend sa parution après une pause, et que son nouveau numéro est tout juste disponible !
Nous vous invitons à découvrir ce numéro 8. Vous pouvez l’acheter en ligne ici, le commander par chèque ou le trouver dans les « librairies amies ».
32 pages (format A4), intégralement en couleur, pour 4 euros. Cette revue nationaliste se préoccupe d’analyse et de science politiques, de philosophie, d’histoire, d’identité, de la face cachée des choses, de spiritualité, etc.
Un numéro dense et très intéressant dont voici le sommaire :
Editorial
Politique : Hollande et Jeanne d’Arc – Thibaut de Chassey
Philosophie : le De Regno de saint Thomas d’Aquin – E.H. le Bouteiller
Mondialisme : la fondation Bertelsmann – Pierre Hillard
L’imposture du « 19 mars 1962 » – Jacques Meunier
Sainte Jeanne d’Arc, la Bierge des combats – Jean Dartois
Histoire nationaliste : la Cagoule – Erwin Vétois
Le sacre des rois de France – Louis Lefranc
Il y a 50 ans : Roger Degueldre – José Castano
Louis-Ferdinand Céline – Isabelle de Rancourt
Lieux à part : Cluny – Christine Dol.
Et l’édito du directeur :
« Les idées mènent le monde
Chers lecteurs,
après un trop long sommeil, votre revue revient, quelque peu modifiée. La formule va évoluer et vous voyez avec ce numéro – le premier d’une nouvelle série – les prémices de cette mutation.
Nous souhaitons recentrer L’Héritage sur la politique, et en particulier sur les idées. C’est le combat pour celles-ci qui prime : elles mènent le monde, dit-on, et aujourd’hui les idées fausses mènent notre société à la ruine et à la mort.
La revue va désormais, sous une parution que nous espérons régulière et plus fréquente, traiter davantage et principalement de philosophie, d’analyse et d’histoire politiques. Elle reviendra aussi bien sûr sur notre histoire nationale, sous un rapport permettant au lecteur de faire un lien avec le monde d’aujourd’hui, qui – pour le meilleur et pour le pire – est issu du passé. Les changements que l’on constate ne sont pas spontanés.
Ainsi, l’année 2012, par les anniversaires marquants auxquels elle nous a confrontés, nous a poussés à évoquer en ces colonnes quelques faits passés, sans bien sûr négliger celle qui est née il y a six cents ans pour sauver notre nation : Sainte Jeanne d’Arc.
Par ailleurs, il règne dans les milieux « nationaux » une certaine agitation et une incontestable confusion.
On parle de « fondamentaux », de nouvelles stratégies, mais le débat d’idées semble discret.
La confusion des idées ou même le mépris pour cellesci, au profit d’analyses simplistes ou de courte vue, sont courants et souvent acceptés ; avec, naturellement, de graves conséquences.
Le travail doctrinal, la rigueur d’analyse et le respect des grandes lois inhérentes à la condition humaine sont plus que jamais nécessaires pour éviter les écueils ou les combats contre-productifs.
En cette période de la plus haute importance pour la droite nationale – où se dessine son futur visage – il faut, par-delà une nécessaire action qui peut parfois confiner à l’agitation électorale et au « bougisme » médiatique, recréer le débat d’idées et convaincre de la pertinence des positions nationalistes, de la civilisation traditionnelle, du réalisme philosophique et politique.
L’Héritage s’y attellera pour sa part.
Thibaut de Chassey » http://www.contre-info.com
Alain Escada est le président de l’Institut Civitas, moteur de la mobilisation contre l’ouverture du mariage civil aux homosexuels. Nous avons voulu recueillir ses propos au lendemain de la grande mobilisation parisienne organisée par cet institut.
RIVAROL : L’Institut Civitas organisait ce dimanche 18 novembre une grande manifestation nationale à Paris contre l’ouverture du mariage aux homosexuels. Pouvez-vous rappeler à nos lecteurs le pourquoi de cette mobilisation ?
Alain ESCADA : Il s’agissait pour nous, ce dimanche, de manifester contre le projet de loi présenté en conseil des ministres le 7 novembre dernier et visant à dénaturer le mariage et la parenté. Un projet de loi qui, selon les mots de François Hollande, n’est qu’une “étape”. Un projet de loi qu’on peut qualifier de boîte de Pandore et qui, après le “mariage” homosexuel, permettra demain, au nom d’un droit au « mariage pour tous », le mariage polygame et le mariage incestueux. Il faut être bien conscient que le gouvernement veut nous imposer une véritable révolution sexuelle et défigurer le concept de famille, brisant ainsi le socle de base de la société.
R. : Ne pensez-vous pas que le “mariage” homosexuel est moralement bien plus grave que le mariage polygame ?
A. E. : Sans aucun doute. Son effet est bien plus déstructurant pour la société. Mais il est néanmoins utile de noter que l’un entraînera l’autre. C’est une question de délai. Jacques Attali, au cours d’un entretien à la télévision en janvier de cette année, avait estimé que la polygamie serait l’un des enjeux de la prochaine campagne présidentielle.
R. : Quels soutiens politiques et religieux avez-vous reçus pour votre initiative?
A. E. : A l’échelon politique, nous avons reçu le soutien du Collectif « Elus locaux pour la Famille », lancé fin octobre par des maires de petits villages, sans étiquette politique, et qui regroupe aujourd’hui plus de 500 élus. Nous avons aussi pu compter sur le soutien de quelques élus locaux de l’UMP, du PCD, du MPF, du PDF et du FN. De façon générale, quasiment l’ensemble des mouvements de la « droite nationale » ont appelé à participer et à manifester le 18 novembre. Il faut aussi souligner la présence à notre manifestation de Jacques Bompard, député-maire d’Orange, et de Bruno Gollnisch, député européen. Par contre, Marine Le Pen s’est abstenue d’appeler à se joindre à notre manifestation et, par la suite, après la déferlante médiatique qui a suivi le “montage” réalisé par Caroline Fourest, elle a même cru stratégique de prendre ses distances avec notre manifestation, cédant à un « politiquement correct » dont elle est pourtant par ailleurs elle-même victime.
Du côté religieux, nous avons pu compter sur l’appui discret mais efficace de quelques prêtres diocésains, notamment de la Communauté Saint-Martin et de l’Emmanuel, ainsi que sur toutes les communautés « Ecclesia Dei » et, naturellement, sur la Fraternité Saint-Pie X.
R. : Savez-vous pourquoi le Front National de Marine Le Pen n’a pas appelé ses militants à se joindre à vous ?
A. E. : Il me semble que c’est notre aspect confessionnel qui la dérange. Je le regrette. Ceci dit, c’est un travers très présent parmi nos contemporains que de demander aux catholiques de s’abstenir d’afficher leur foi, leurs convictions dans la vie publique. Et c’est justement le rôle de Civitas de rappeler qu’au contraire, il ne faut pas des catholiques tièdes, “branchés”, consensuels, mais des catholiques fiers et audacieux.
R. : Quel bilan tirez-vous de la mobilisation de dimanche ?
A. E. : Cette manifestation a été un succès, surtout compte tenu de la campagne de dénigrement dont elle a fait l’objet de la part de certains milieux « cathos branchés ». Avec près de 20 000 participants, nous avons pu réaliser une union de diverses forces de la mouvance catholique et des patriotes sincères au service du bien commun. Nous avons pu mobiliser à nos côtés des élus dont le raisonnement ne se limite pas à de sombres calculs électoraux. Tout cela est bien sûr prometteur pour la suite. Cela permet à bien des catholiques de constater qu’ils peuvent s’exprimer en tant que tels. Non seulement ils le peuvent mais ils le doivent. Nous avons un devoir de vérité, loin des concessions et des compromis.
J’ajoute que le succès de foule de la manifestation de la veille n’aurait pas existé si Civitas n’avait pas appelé à manifester le dimanche 18 novembre puisqu’il ne fait aucun doute que la manifestation du samedi s’est organisée par des milieux “branchés” pour ne pas nous laisser occuper tout le terrain de la défense de la famille. Ainsi, nous avons, par notre démarche, réussi également à faire sortir de leur torpeur des milieux timorés. Et, telle une mauvaise conscience, nous avons poussé des évêques à sortir de leur silence. Pas avec la vigueur qu’on attend d’un prélat face à un tel sujet, mais tout de même, c’est un pas et nous sommes l’aiguillon !
R. : La « Manif pour tous », organisée la veille de la vôtre par la “catholique” « déjantée et branchée » Frigide Barjot a réuni près de 100.000 personnes. Quelle analyse en faites-vous ? Quelles sont vos différences ?
A. E. : Les différences les plus évidentes portent sur les principes qui sous-tendent l’action. L’artiste qui se fait appeler Frigide Barjot se dit catholique mais souhaite que les catholiques masquent leur foi lorsqu’ils s’expriment ou manifestent. Première incohérence. Frigide Barjot voulait par contre que sa manifestation dite « a-confessionnelle » regroupât également des juifs et des musulmans, ce qui, pour que ce ne soit pas qu’un effet d’annonce, aurait nécessité de permettre à des croyants du judaïsme et de l’islam d’exprimer leurs convictions religieuses, mais alors comment le refuser aux catholiques ? D’où, au final, une manifestation dont le profil sociologique était très homogène et reflétait la grande bourgeoisie catholique malgré toutes les demandes de Barjot de s’habiller comme pour un bal masqué. Deuxième incohérence. Par ailleurs, Barjot appelait tout à la fois à marcher contre le mariage homosexuel et contre l’homophobie. Or le concept d’homophobie a été créé de toutes pièces par le lobby homosexuel pour intimider ses adversaires. En 2004, le président de SOS-Homophobie avait tout résumé de la sorte : « Quiconque est contre le mariage homosexuel est homophobe. » En adoptant la sémantique du lobby qui est à l’origine de la loi qu’elle prétend combattre, Barjot commet une faute grave. C’est se tirer une balle dans le pied. Troisième incohérence. Ajoutons que Barjot cultive une attitude « gay friendly » pour le moins curieuse, allant jusqu’à porter un blouson avec inscription publicitaire pour un bar gay de Paris, le 7 novembre dernier, lors de sa conférence de presse de présentation de sa manifestation. J’en arrête là. Je ne peux, quant à moi, accepter de mélanger l’erreur et la vérité. Un combat, quel qu’il soit, doit reposer sur des principes solides.
R. : Votre manifestation a été attaquée par un groupe féministe extrémiste, les Femen. Pouvez-vous nous en dire plus ? Que s’est-il vraiment passé ? […]
Propos recueillis par Paul THORE. http://rivarol.over-blog.com/
L'amour des « petites patries » provinciales a nourri la plume de nombreux écrivains français, parmi les meilleurs. Et joué un rôle essentiel dans la pensée de droite au siècle dernier.
« Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux/Que des palais romains le front audacieux/Plus que le marbre dur me plaît l'ardoise fine : /Plus mon Loire gaulois, que le Tibre latin,/Plus mon petit Lire, que le mont Palatin/Et plus que l'air marin la douceur angevine. »
À ces vers bien connus de Joachim du Bellay font écho, à trois siècles de distance, ceux d'un autre enfant des bords de Loire : « Et moi j'en connais un dans les châteaux de Loire/Qui s'élève plus haut que le château de Blois/Plus haut que la terrasse où les derniers Valois/ Regardaient le soleil se coucher dans sa gloire./ La moulure est plus fine et l'arceau plus léger/ La dentelle de pierre est plus dure et plus grave. La décence et l'honneur et la mort qui s'y grave/ Ont inscrit leur histoire au cœur de ce verger. » Péguy évoque dans ces vers le souvenir de Jeanne d'Arc, « Une enfant qui menait son cheval vers le fleuve. » Et les deux patriotismes ne font qu'un, de la sainte brûlée vive à Rouen et du poète tué à Villeroy aux premiers jours de la Grande Guerre : « Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle... »
La terre charnelle, la « mère patrie », c'est la France, bien sûr ; mais pour toute une floraison d'écrivains français au fil des siècles, ce fut aussi, plus proche et plus immédiate, la « petite patrie » qui a dès l'enfance prodigué les premières sensations, nourri les premiers sentiments et frappé l'imagination naissante. Presque toutes les régions françaises ont trouvé leur chantre, et souvent plusieurs : que l'on songe à la Provence de Mistral, de Giono, de Pagnol, de Bosco, à la Bretagne de Botrel, d'Anatole Le Braz, de La Ville-marqué, l'auteur du Barzaz Breizh, du barde groisillon Yann-Ber Calloc'h, de Per-Jakez Hélias (le Cheval d'Orgueil) - l'on pourrait en citer beaucoup d'autres...
Parle-t-on de la Normandie ? Voilà Maupassant au XIXe siècle, au XXe La Varende, et l'excellent Jean Mabire, d'une si rare courtoisie. Évoque-t-on la Savoie ? Voici Henri Bordeaux ; Vialatte et Pourrat pour l'Auvergne ; l'Angevin René Bazin et Maurice Genevoix pour le Val de Loire ; Vincenot en Bourgogne, Béraud à Lyon... Et la liste est loin, très loin d'être exhaustive.
Beaucoup de ces écrivains dits « régionalistes » - l'étiquette est restrictive par rapport à des œuvres qui abordent souvent d'autres thèmes et certains, comme Genevoix, la répudiaient -, qui plongent leurs racines dans le « terroir », ont montré en politique une sensibilité « de droite ». Ce n'est certes pas toujours le cas : parmi les auteurs précédemment cités, ce n'est pas celui de Pagnol, ni de Giono, ni de Per-Jakez Hélias, qui se sont d'ailleurs peu souciés de politique. Hélias raconte dans Le Cheval d'orgueil qu'il est issu d'une famille de républicains, « rouges », tandis que le père de Pagnol, dont l'écrivain a laissé un si beau portrait dans La Gloire de mon père, était un « hussard noir » de la République, dont les tendances anticléricales se heurtaient lors de repas de famille aux convictions catholiques de l'oncle Jules...
L'héritage culturel de la droite traditionnelle
La droite française, à la fois par paresse intellectuelle et par frilosité face à certaines dérives qui ont conduit certains esprits de l'anti-jacobinisme à l'indépendantisme, a par ailleurs abandonné le terroir à une gauche libertaire, qui a « récupéré » à la fois le régionalisme et l'écologie. Ce fut une faute majeure, car l'écologie - la vraie - comme le régionalisme, font partie de l'héritage culturel de la droite traditionnelle, au même titre que le véritable patriotisme.
Il existe en effet deux formes de patriotisme, qui diffèrent sensiblement. La première repose sur l'amour que l'on porte à la patrie « charnelle » ; la deuxième, issue de la Révolution française, a assigné à la nation une mission et un contenu idéologiques. C'est ce que les frères Tharaud rappelaient dans les colonnes du Figaro en janvier 1945, en opposant l'exemple de Péguy à celui de Romain Rolland, qui venait de mourir : « Pour Péguy, la France est un être vivant dont l'âme et le corps ne pouvaient être séparés que par la mort ; rien n'était plus concret, plus charnel, si l'on peut dire - pour employer l'un de ses mots - que l'idée qu 'il s'en faisait ; il l'aimait dans tous les traits de son visage, dans ses montagnes et ses plaines. Pour Romain Rolland, c'était autre chose : la patrie, c 'est une idée, une certaine conception du monde, affranchie de toute limite : il aimait une patrie idéale, une patrie de la liberté, de la justice, du droit ; une foule d'idées toutes plus belles les unes que les autres et non pas la France de Péguy, avec ses vertus et ses défauts mêlés... »
Péguy, venu du socialisme, ne renonça pourtant jamais à la mystique républicaine, à l'inverse d'écrivains comme le Martégal Charles Maurras, Henri Bordeaux ou La Varende. À la fin du XIXe siècle et à l'aube du XXe, les petites patries occupèrent en effet une place déterminante dans la réflexion de ces deux maîtres d'œuvre du nationalisme français que sont Barrés et Maurras.
Le premier fut tiré de son individualisme originel - du culte du moi -, par sa rencontre avec « l'âme ancienne de la Lorraine », et c'est cette rencontre qui le conduit en définitive au nationalisme. Le second, fervent admirateur de Mistral, appartint au félibrige et sa réflexion sur les libertés provinciales fut pour beaucoup dans le cheminement intellectuel qui le conduisit à la conclusion monarchiste. Ainsi, non seulement le régionalisme appartient à la tradition de droite, mais par Barrés et Maurras, il a été à la source même de la pensée nationaliste au XXe siècle.
Au-delà même de ces considérations, par sa beauté et sa richesse, la littérature enracinée enrichit le patrimoine culturel français et atteint à l'universel. Elle mérite qu'on lui rende hommage.
Eric Letty monde & vie 17 septembre 2011
Le nationalisme a-t-il inventé le mythe gaulois ? Les plus récentes découvertes archéologiques réservent plus d'une surprise. Elles dévoilent un Vercingétorix qui n'a guère perdu des vertus qu'on lui attribua. Mais quel visage les romans proposent-ils du vainqueur de Gergovie ?
La scène est dans toutes les mémoires : sortant seul d'Alésia assiégée, Vercingétorix jette ses armes aux pieds de César et se livre au vainqueur afin de sauver les siens. Mesquin comme il savait l'être, Caius Julius, incapable d'égaler la grandeur d'âme de son adversaire, cèdera ses milliers de captifs aux marchands d'esclaves, et traînera le chef gaulois sept ans dans ses impedimenta avant, le soir de son triomphe, de l'abandonner au bourreau. Le jeune généralissime arverne entre dans la légende et préfigure les destins d'une France abattue mais sublime dont aucun aléa de l'histoire n'aura raison.
Gallomanie
En fait, il faut attendre le préromantisme pour que les Gaulois cessent d'apparaître des Barbares et que la conquête romaine de la Gaule ne soit plus la chance sans laquelle notre pays ne serait jamais sorti des ténèbres. Vercingétorix devient le premier patriote "français", celui qui faillit forger une nation, et César l'assassin de ce rêve. Il faut avoir lu à seize ans le Vercingétorix de Camille Jullian - je mis une décennie à m'en remettre et accepter notre héritage latin - pour en comprendre la force. Christian Goudineau a lu Jullian, il lui a même succédé, à un siècle d'écart, dans la chaire des Antiquités nationales du Collège de France ; à ce titre, il sait ce que nous lui devons. Cependant, depuis 1901, notre connaissance de l'antiquité gauloise a tant progressé qu'il devenait indispensable de relire la guerre des Gaules et la vie du fils de Keltill à la lumière des dernières découvertes.
Telle est l'ambition du Dossier Vercingétorix, paru cent ans après la biographie de Jullian, et réédité en poche. La première partie, d'une époustouflante érudition et d'une irrésistible drôlerie, récapitule la genèse d'une gallomanie, dans laquelle s'engouffrèrent, à la suite d'Amédée Thierry et jusqu'à Jullian, pléthore d'épigones, en prose ou en vers, historiens, romanciers, poètes et vulgarisateurs, décidés à tirer à eux le chef arverne assaisonné d'étrange manière.
De l'histoire au roman...
Christian Goudineau a fait preuve, pour décortiquer cette littérature, de courage et d'obstination ; les morceaux choisis qu'il en livre laissent souvent pantois. Sous pareilles scories, est-il possible de retrouver le vrai visage de Vercingétorix ? La présentation critique des textes antiques le mentionnant, peu nombreux et peu fiables, laissant sur la faim, Goudineau fait appel aux spécialistes de la civilisation gauloise afin de reconstituer, au plus près, ce que purent être le quotidien, les façons d'être, les modes de pensée, les choix du vainqueur de Gergovie. L'homme qui se dessine dans ces pages n'a, en vérité, guère perdu des vertus qu'on lui attribua.
Cependant, peut-on proposer cette image-là à un public nourri de clichés, dont ceux véhiculés par les aventures d'Astérix ne sont pas les moins redoutables ? Nombre de lecteurs préfèrent un roman à une oeuvre d'historien, fût-elle excellente et accessible. Reste à souhaiter que les romanciers se soient correctement documentés et fassent passer dans leur fiction tout ou partie des acquis de la recherche.
En cela, Philippe Madral et François Migeat, qui cosignent Et ton nom sera Vercingétorix, font preuve d'un certain sérieux ; leur reconstitution du contexte gaulois n'est pas mauvaise. Cela ne les dispense pas d'en prendre à leur aise avec les faits, même les mieux avérés, et de combler les blancs de l'histoire avec plus d'imagination que de rigueur. Témoin de l'assassinat de son père, - peu importe que Keltill, accusé de vouloir se faire roi, ait été jugé et mis à mort selon le droit arverne... - le jeune Kefnos trouve refuge dans la forêt des Carnutes où il sera élevé par les druides en vue du jour où il s'imposera aux tribus comme leur chef unique afin de libérer la Gaule des Romains. Mais avant cela, il devra apprendre à combattre auprès de César et rencontrera dans le camp ennemi la princesse éduenne Alauda qu'il aurait épousée si les dieux n'en avaient décidé autrement... Si Vercingétorix fit partie des jeunes officiers indigènes formés auprès du triumvir, ce qui lui valut d'être accusé de trahison par les historiens romains, ce ne fut pas dans les conditions romanesques imaginées ici, et certes pas en compagnie de Marcus Brutus, celui des Ides de Mars, que Madral et Migeat confondent avec son cousin Decimus, en effet l'un des lieutenants de César en Gaule. Ce genre de détails mis à part, qui ne gênent, hélas, que les spécialistes de l'époque, le roman se laisse lire sans déplaisir.
... et au canular
L'on peut faire plus iconoclaste. Gordon Zola, qui ne respecte rien, pas même les vedettes de la télévision, récidive avec une parodie de péplum, Fais gaffe à ta Gaule !, plus profonde qu'il y paraît. Rome, en l'an - 46 : le long de la Voie triomphale, là où tantôt passera le char de César, une poignée de Gaulois attend. Rescapés d'Alésia, ils ont juré de faire évader leur chef vénéré. Mais, lorsque le prisonnier surgit, il faut se rendre à l'évidence : ce n'est pas Vercingétorix. Il s'agit du barde Pandalag', pacifiste déclaré, auteur du tube Pax et Amor... Substitution qui mérite quelques explications. Toutes plus irrespectueuses les unes que les autres. Qu'on ne s'y trompe pas : Gordon Zola a fait des études et en sait long sur les légendes qu'il démolit avec irrévérence. D'où ce canular de potache réussi qui, mine de rien, pose des questions intelligentes sur l'histoire, les mythes, les héros et les historiens.
Quelle pax romana ?
En fait de mythe, il en est un tenace : celui de la pax romana qui aurait assuré à notre terre trois cents ans de calme et de prospérité au sein d'une province romaine acquise à son vainqueur et trop heureuse de se fondre dans ses usages. En réalité, de la défaite de Vercingétorix à l'effondrement de l'empire en 476, les annales gauloises sont une longue suite de révoltes et d'insurrections en général tragiques, à l'exemple de celle du Lingon Julius Sabinus qui, avec son épouse Éponine, laissera à la postérité un impérissable exemple d'amour conjugal. Cette révolte endémique culminera au milieu du IIIe siècle avec la reconquête de l'indépendance par les empereurs gaulois. Il faut attendre les années 280 et la reprise en main de l'empire par la Tétrarchie pour que la Gaule, de nouveau militairement occupée, redevienne province impériale. Encore les troupes romaines, ou leurs supplétifs, devront-ils jusqu'au bout faire face à une guérilla incessante, la Bagaude. Drôle de paix !
Bon connaisseur de la période, Joël Schmidt retrace, dans Les Gaulois contre les Romains, ou la guerre de mille ans, l'incessante hostilité qui, depuis Brennus, dressa les Celtes contre leurs voisins latins. Unique et inévitable défaut de l'entreprise : les seules sources disponibles sont toutes romaines, donc sujettes à caution.
Anne Bernet L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 20 mai au 2 juin 2010
✔ Christian Goudineau : Le Dossier Vercingétorix ; Actes Sud-Babel, 470 p., 9,50 euros.
✔ Philippe Madral et François Migeat : Et ton nom sera Vercingétorix ; Robert Laffont, 600 pages, 22 euros.
✔ Gordon Zola : Fais gaffe à ta Gaule ! Le Léopard masqué, 170 p., 13,80 euros.
✔ Joël Schmidt : Les Gaulois contre Les Romains ; Perrin, 380 pages,
par Nicolas Gauthier.
Passé de la domination ottomane à la colonisation occidentale, le monde arabo-musulman se cherche. Après une séquence laïque et socialiste, concepts directement importés d’Occident, le “salut” viendrait-il de l’ancienne tutelle turque ? Laquelle aurait réussi cette restauration de l’ordre ancien que la France aurait jadis manquée… L’AKP plus forte que Charles X ? C’est à croire.
Comparaison n’est certes pas raison, mais certains parallèles valent néanmoins. Quand, en 1824, Charles X monte sur le trône de France, après la période transitoire incarnée par Louis XVIII, cet homme, pourtant imprégné de pensée contre-révolutionnaire, raisonne un peu, c’est le comble, comme un révolutionnaire. Et estime donc qu’il est possible de faire table rase du passé, d’agir comme si, justement, rien ne s’était passé depuis 1789. À ceux qui pensaient faire naître un “homme nouveau”, il entend ressusciter un “homme ancien”… Et, pire, tient une partie de l’opinion publique, républicains et bonapartistes, pour quantité négligeable. En 1830, les Trente glorieuses l’emporteront dans la tourmente. Charles X ignorait l’histoire. L’histoire aura eu tôt fait de l’oublier.
En 2003, Recep Tayyip Erdogan, devient Premier ministre turc. Premier à avoir été élu dans des conditions “normales”, après des années de kémalisme autoritaire et de dictature militaire. A-t-il retenu les leçons du passé ? Ça y ressemble. Issu de ces confréries soufies persécutées par Kemal Atatürk, mais remontant aux premiers temps de l’islam, il sait que l’arbre, avant d’être tronc et branches, est avant tout racines. Que la Turquie, avant que d’avoir été kémaliste, a agrégé des peuples aussi variés que les Hittites, les Phrygiens, les Cimmériens, les Lyciens, les Grecs, les Gaulois, les Romains, les Byzantins et… même les Ottomans. La Turquie, bien que musulmane, est aussi chrétienne, tandis que le paganisme gréco-romain a également contribué à façonner son paysage. De ce passé, il ne fera donc pas table rase.
Kemal Atatürk avait voulu encaserner l’islam et transformer les imams en équivalents de nos prêtres jureurs d’autrefois ? Erdogan libère cet islam, tout en prenant le risque de sa diversité : des soufis aux chiites alévis dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils ont une pratique assez décontractée du Coran et de la Sunna. Et même redonne le droit aux Kurdes de parler kurde, de s’habiller kurde et de pratiquer cet islam kurde qui laisse parfois perplexes les islamologues les plus érudits.
Dans la foulée, en 2004, anniversaire de la chute de Constantinople, Erdogan a-t-il proposé aux chrétiens turcs de rouvrir la cathédrale Sainte-Sophie, transformée par Atatürk en musée, afin que la messe de Pâques puisse y être dite. Depuis, les musulmans aimeraient qu’un tel privilège leur soit accordé, mais entre l’afflux de touristes et la restauration des miniatures byzantines, l’affaire risque bien de prendre encore un peu de temps.
Au contraire d’un Charles X donc, Recep Tayyip Erdogan sait qu’il lui faut aussi composer avec le kémalisme et ses révolutionnaires acquis laïques. Interdire le voile a causé bien des problèmes ; le rendre obligatoire aboutirait à autant de soucis. Il est donc laissé à l’appréciation de chacune et il n’est pas rare de voir, dans les vieux quartiers d’Istambul, et ce en plein Ramadan, deux amies, l’une voilée et l’autre en mini-jupe. Qu’importe, tant qu’on est Turque et qu’on en est fière…
L’actuel Premier ministre aura donc compris qu’en un pays où l’histoire, la grande histoire, se niche à chaque coin de rue et derrière chaque pierre, il n’avait d’autre moyen de composer. Ainsi, le moindre vestige, fut-il le plus modeste, pierres éparses léguées par les Grecs, restes de temples dus aux Romains, est-il soigneusement entretenu et en permanence visité. Seul petit détail : on y verra toujours le drapeau national, planté bien en vue.
Ce patriotisme inclusif, au contraire d’un nationalisme naguère exclusif, culmine à Ephese, là où la Vierge Marie a séjourné en compagnie de saint Jean l’Évangéliste. On peut y voir les vestiges de la première église qui lui fut consacrée. Les Turcs en sont plus que fiers et à en croire les guides, c’est tout juste si la mère du Christ n’est pas née à Ankara, ville fondée il y a plusieurs siècles par les Gaulois, ces Galates ayant donné leur nom au célèbre club de football stambouliote, le Galatasaray. Bref, de l’art de restaurer le califat sans le dire.
Alors que les Arabes s’embourbent dans leurs printemps, les Turcs, forts de leur passé, anticipent déjà l’avenir. Un exemple ? Pourquoi pas…
© Publié précédemment sur www.bvoltaire.fr
Ardent partisan de l'offensive pendant la Grande Guerre, le général Mangin a pu apparaître pendant l'entre-deux-guerres comme l'homme providentiel, le putschiste en puissance attendu par les anciens combattants, le Monk espéré par les maurrassiens. Pour quelle réalité ? Dans son Journal d'un attaché d'ambassade, à la date du 6 février 1917, Paul Morand a noté cet échange de Tristan Bernard avec Marie Scheikévitch :
« Mangin a tout de même avancé de plusieurs kilomètres.
- Mais c'est un boucher ! s'exclame son interlocutrice.
- Oui, mais c'est un boucher ambulant, les autres sont des bouchers sur place.
En reprenant, sous Verdun, les forts de Douaumont et de Vaux, Mangin avait évidemment suscité, par sa popularité, la méfiance des milieux politiques qui vivaient dans la hantise d'un nouveau « Boulanger ». L'Allemagne ayant fait pour la première fois des ouvertures de paix, le général avait adressé à ses troupes une proclamation à la Hoche : « À leurs hypocrites ouvertures, la France a répondu par la gueule de vos canons et par la pointe de vos baïonnettes. Vous avez été les bons ambassadeurs de la République. Elle vous remercie. » En dépit de la référence républicaine, la Chambre radicale socialiste s'était émue et Pétain avait prévenu Mangin : « Vous êtes considéré comme suspect. »
Discrédité en 1917, à la suite de l'échec de l'offensive du Chemin des Dames, qu'il aurait pourtant souhaité retarder, celui-ci est limogé par le nouveau ministre de la Guerre Painlevé, partisan comme Pétain d'une guerre uniquement défensive. Il reste en disgrâce (et en résidence surveillée) jusqu'à ce que Clemenceau le supplie d'accepter le commandement d'un corps d'année. Devenu le bras séculier de Foch, il lance trois grandes contre-attaques, et prophétise le 11 novembre : « Nos fils devront reprendre les armes dans vingt ans. »
À Mayence, où il commande après la guerre la zone d'occupation, il favorise le mouvement séparatiste du Docteur Dorten, qui vise à l'établissement d'une République rhénane liée à la République française. Clemenceau le suspend de son proconsulat en 1920, sur injonction des Anglo-Saxons. Mangin a rapporté leur dernier échange:
« Et puis ... avec ce que vous avez fait ... une armée ... quelle tentation pour la politique !
_ Mais vous ne voyez pas que vous faites tout ce que vous pouvez pour m'y livrer ? Mais je n'irai pas. C'est trop sale ! »
Nommé au Conseil supérieur de la Guerre, jugé encombrant, le gouvernement l'envoie en mission en Amérique latine. De retour en France, où sa popularité grandit, il est sollicité par Léon Daudet et de nombreux anciens combattants. « Mangin, c'est un peu notre jeunesse », fait dire Aragon à son double Aurélien. Jusqu'à sa mort, il fait ainsi figure de « recours », sans qu'on puisse faire état, de sa part, de sympathie pour les thèses d'Action française, ni de préoccupations politiques réelles.
Son décès brutal justifiera pourtant la boutade de Clemenceau : « Au général qui nous rendra l'Alsace-Lorraine, il faudra offrir un bâton de maréchal et un mauvais café. »
Mangin n'eut pas son bâton de maréchal, mais on lui versa peut-être un mauvais café. C'est du moins ce que pensait sa nièce. Mme, du Castel, qui écrit dans son Journal : « Son esprit travaille, mais rien ne lui échappe de la réalité ... Jusqu'au jour, affreux de 1925 où lui échappa ce qui causa peut-être sa perte ! Pendant un banquet, il ne s'aperçut pas qu'un serveur particulier lui était attribué (serveur qui disparut mystérieusement). Il avait reçu des avertissements. »
On possède, en particulier, un bordereau d'envoi du Deuxième Bureau, avec copie d'un renseignement du 20 juillet 1922 ayant trait à une série d'attentats projetés par les monarchistes prussiens, et visant Maginot, Mangin, D. et M. - ces deux initiales désignant Léon Daudet et Charles Maurras.
À la mort de Mangin, le maître de l'Action française écrivit : « Du dehors, du dedans, il était épié. Sur quelle liste noire ne figurait-il pas ? Et quel esprit conservateur jeté par quelque événement hors des sentiers de la constitutionnalité tutélaire ne s'égarait pas quelquefois à murmurer : - après tout, et par bonheur, il y a Mangin ? »
GUY DUPRÉ Le Choc du Mois • Avril 1993
Ce monde est fou !