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culture et histoire - Page 878

  • Les 589e Fêtes johanniques ou les contradictions des racistes et des anti-racistes

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    Entretien avec Philippe Randa

    Propos recueillis par Guirec Sèvres

    Que vous inspire la polémique autour des 589e Fêtes johanniques et du choix d’une jeune Française, mais de parents polono-béninois, pour incarner la Sainte ?

    La polémique était inévitable et probablement voulue par ceux qui ont choisi cette jeune fille, sachant très bien quelles réactions ils allaient déclencher ; ils ont agité un drapeau rouge à l’intention de certains Français qui ont foncé tête baissée dans la provocation. Mais pouvaient-ils rester sans réagir et, de leur point de vue, accepter sans rien dire ce qu’ils considèrent comme une aberration historique, voire même un véritable sacrilège ? Quoiqu’il en soit, au lieu d’une manifestation festive, on assiste, notamment dans les réseaux sociaux, à un déchaînement de réactions passionnelles… Les organisateurs des Fêtes Johanniques ont donc sciemment fait d’une commémoration à caractère historique et religieux une agression politique.

    Vous-mêmes, êtes vous choqué ou pas par le choix d’une métisse pour incarner Jeanne d’Arc ?

    Je préfère toujours ce qui rassemble mon peuple à ce qui le divise ; commémorer Jeanne d’Arc pouvait –  même si ces fêtes sont très locales – être un moment joyeux de recueillement de tous ; les organisateurs qui ont choisi Mathilde Edey Gamassou pour l’incarner sont entièrement responsables des polémiques et – à défaut qu’ils le reconnaissent, ne rêvons pas ! – au moins est-il permis de le dénoncer… Quant au choix d’une métisse pour entrer dans l’armure de la Sainte, la société française n’est pas régie, me semble-t-il, par des lois racistes de type de celles dites de Nuremberg, en vigueur sous le IIIe Reich : on ne peut donc légalement considérer les métis comme des citoyens de seconde zone. Constatons également que ceux qui s’indignent du choix de mademoiselle Gamassou sont pour beaucoup les mêmes qui déplorent la disparition de l’empire colonial français ; un empire où l’on faisait anônner « Nos Ancêtres, les Gaulois ! » aux petits Africains ou Asiatiques… Soit on reconnait que c’était parfaitement grotesque et donc, que le choix de Mathilde Edey Gamassou pour incarner Jeanne la Pucelle l’est tout autant, soit on l’admet, que cela plaise ou non. Et d’ailleurs, cette remarque vaut tout autant pour les nostalgiques comme pour les détracteurs de l’empire colonial français.

    Vous renvoyez donc dos-à-dos racistes et anti-racistes ?

    Comme bien souvent, les uns comme les autres sont remplis de contradictions.

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  • LA NÉGATION DE L'ENNEMI, PAR JULIEN FREUND

    Conséquences de la négation de l’ennemi

    Il ne faudrait pas jeter la pierre au seul marxisme par exemple, car, par certains côtés, il est un enfant du libéralisme dont l’un des principes essentiels est justement la négation de l’ennemi politique pour ne laisser subsister que les concurrents économiques. Il n’est pas nécessaire de refaire, ici, du point de vue qui nous intéresse la critique de cette doctrine, Carl Schmitt l’ayant faite avec une rare pénétration. (…) Prenons simplement en bloc l’ensemble de la situation internationale telle qu’elle résulte des relations internationales instituées au lendemain de la guerre 1914-1918 (Traité de Versailles, Pacte Briand-Kellog, et SDN) ou au lendemain de la guerre de 1939-1945 (Procès de Nuremberg, ONU, etc.). Pour prévenir tout malentendu, disons tout de suite qu’il est hors de question de fournir ici une quelconque justification, même indirecte, aux atrocités de l’hitlérisme. Il s’agit seulement de saisir les erreurs commises par les rédacteurs des conventions internationales précitées, justement parce qu’elles s’inspirent de la négation de l’ennemi. Ce n’est pas parce que le nazisme est condamnable que la politique de ses vainqueurs est bonne.

    Le traité de Versailles a rompu avec la tradition diplomatique normale et seule politiquement logique, en refusant de négocier avec le vaincu et en lui imposant purement et simplement les conditions du vainqueur. L’ennemi était nié puisqu’il perdait sa qualité d’interlocuteur politique pour devenir un coupable du point de vue d’une idéologie morale. Du même coup le traité de paix perdait toute signification, et la paix elle-même, puisqu’elle n’était plus une convention ou un contrat entre le vainqueur et le vaincu, prenait l’allure d’une condamnation prononcée par le procureur. Faute d’ennemi politique, le droit international perdait lui aussi sa signification pour devenir une espèce de droit pénal et criminel. Le pacte Briand-Kellog mettait la guerre hors-la-loi et tendait de ce fait, au moins théoriquement, à la suppression de l’ennemi. Il est vrai, ce traité condamnait seulement la guerre comme moyen de résoudre les différends internationaux et l’interdisait comme instrument de la politique nationale entre les États. Par contre, il sauvegardait le droit de légitime défense des États signataires et autorisait même l’emploi de la force en dehors de toute déclaration de guerre. N’insistons pas sur l’hypocrisie de cette dernière clause qui permettait à certains juristes de déclarer que l’entrée des troupes japonaises en Mandchourie en 1932 n’était pas un acte de guerre puisque les formes du pacte Briand-Kellog étaient respectées ! Passons aussi les nombreuses lacunes du point de vue de la sécurité collective qu’il prétendait garantir. Retenons seulement le non-sens politique qui résultait de la mise hors-la-loi de l’ennemi politique : un État avait la possibilité de menacer l’existence d’un autre État en usant de la contrainte économique et de moyens « subversifs » et si ce dernier, sentant que son existence était en jeu, ripostait par ces forces militaires en déclarant la guerre, il avait le désavantage non seulement de la victime de l’agression économique, mais aussi du coupable au regard du traité. A regarder les choses de près, ce pacte contenait en germe la notion de guerre froide puisqu’il aboutissait à l’instauration de relations internationales purement négatives qui n’étaient pas pacifiques, mais non plus reconnues comme belliqueuses. Ainsi, par l’élimination de l’ennemi au sens politique, la paix devenait avec la bénédiction de la conscience mondiale une espèce de guerre larvée. On peut faire des observations analogues à propos de la S.D.N. , surtout en ce qui concerne les tentatives pour définir juridiquement l’agresseur et remarquer que l’on risquait seulement de faire de l’ennemi politique un criminel et par voie de conséquence rendre les guerres plus odieuses.

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  • Le nouveau bac, diplôme pour une pensée unique?

    Fin des filières, grand oral et culture gé laissent craindre une uniformisation de la pensée par Catherine Rouvier

    Suppression des filières, grand oral et culture gé : la nouvelle formule du bac laisse craindre une uniformisation de la pensée.

    Pourra-t-on encore appeler, comme dans une série télévisée réputée, les professeurs préparant avec rigueur leurs élèves au baccalauréat, « Terminator » ? La question se pose depuis que la « terminale » est menacée par la prochaine réforme du bac.

    La « terminale », c’était l’eldorado du cancre, le rêve inatteignable du rebelle qui, de redoublement en exclusions, de « colles » en cours de rattrapage, désespérait d’aborder enfin ses rives. Terminale, tout le monde descend !

    Notre ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, propose à la place : classe de « maturité ». On ne pourra donc même plus sourire de ces adolescents boutonneux, belges ou suisses, affirmant contre toute évidence qu’ils atteignaient la « maturité ». De plus, cette nouvelle dénomination est triste, car après la maturité qu’y a t il ? La vieillesse ! Cela évoque celle de certaines provinces du Canada où les écoles secondaires sont nommées « senior high school ». Notre terrible époque a déjà tendance, sur le marché du travail,  à considérer comme « senior » celui qui a passé trente-cinq ans. Alors « senior » à 17/18 ans ! Mais cette réforme pose d’autres questions.

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  • Mémoire • Jacques Trémolet de Villers : Quand les souvenirs deviennent des raisons d’espérer

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    L’actualité judiciaire est riche en ce début d’année. Le quinquennat Macron prépare, bien sûr, une réforme, énième réforme de la procédure pénale, de la détention, … etc.

    Retenons le sage propos du nouveau Président de la République aux magistrats. Il n’y aura pas de réforme du Parquet tendant à l’indépendance des procureurs. Les procureurs de la République sont les avocats de la République et, donc, ils reçoivent leurs instructions des autorités de la République. Il n’était pas nécessaire d’en faire de longues démonstrations. Monsieur Macron a réglé la question comme il le fallait, en quelques mots.

    Moi, je veux revenir sur un autre événement. Le 1er décembre de l’année dernière, comme chaque année, a vu la Rentrée solennelle du Barreau de Paris. Lors de cette manifestation, le Barreau, en se célébrant lui-même, entend les discours de son Bâtonnier, du Garde des Sceaux ou de son représentant, du Premier secrétaire de la Conférence du stage, le « Prince » de la jeunesse, et du Deuxième secrétaire dont le propos est, ordinairement, plus libre. Le Premier fait l’éloge d’un grand ancien, généralement un Bâtonnier. Le Deuxième raconte un procès.

    Cette année, la cérémonie fut marquée d’un propos inattendu. Le Bâtonnier en exercice tint à souligner que les propos du Deuxième secrétaire n’engageaient que lui-même. Précaution étrange, car, comment le Deuxième secrétaire aurait-il pu engager par sa parole d’autres personnes que celui qui la portait ? Nous n’en fûmes que plus attentifs.

    Quel scandale allait se produire ? Quelle fumée sulfureuse allait s’élever du feu de la jeune éloquence ?-

    Me Jeremy Nataf commence ainsi :

    « Mère, voici vos fils et leur immense armée. / Qu’ils ne soient pas jugés sur leur seule misère. / Que Dieu mette, avec eux un peu de cette terre. / Qui les a tant perdus, et qu’ils ont tant aimée. »

    Et puis, après le sourd grondement de cette sonnerie aux morts, voici qu’il nous tutoye.

    « Tu as raison, c’est drôle un nom de famille.  […] chez nous, tu vois on en évoquait plein, des noms, tout le temps : noms de scènes, de plume, d’emprunt, des noms à coucher dehors, de jolis noms qui rappelaient des comptoirs et des rivages lointains. […]  Et parmi tous ces patronymes l’un d’entre eux m’étonnait par sa sonorité, c’était un nom étrange et à rallonge, qui ne m’était pas familier, il ne ressemblait pas à ceux qu’on entendait. […]  Et pourtant sa seule évocation, suggérait qu’il recelait des trésors. »

    Denoix de Saint Marc ! Un drôle de nom ! Celui d’un chevalier, d’un corsaire ou d’un aventurier.

    « Quand on est grand, on le sait ; Denoix de Saint Marc, c’est un nom de Ministre ou de commission, un nom qui fleure bon l’administration.  Bref ! Denoix de Saint Marc, c’est un nom de gens sérieux, un nom de gens bien … Un nom, pour lequel on fait des éloges, pas des procès ! [Je vous l’ai dit, le Premier secrétaire fait un éloge, le Deuxième secrétaire fait un procès] Et pourtant ! Ministère public contre Denoix de Saint-Marc, ce procès-là, je le connais par cœur, je le connais si bien que j’en ai presque des souvenirs. »

    Et l’auteur se met encore à nous tutoyer :

    « Ecoute, écoute le grésillement des transistors. »

    Et maintenant, il chante :

    « Non rien de rien, …  Soudain la musique s’arrête et la radio éructe un message incompréhensible : « Le 1er REP quadrille Alger avec à sa tête le Commandant Hélie Denoix de Saint Marc… ».

    Je ne vais pas vous donner ici tout le discours. Vous le trouverez sur Internet, à la rubrique rentrée solennelle du Barreau de Paris, (www.avocatparis.org/rentree-solennelle-du-barreau-de-paris-2017), discours du Deuxième secrétaire.

    Mais, tout de même, quand nous entendîmes « ce coup est un échec, les putschistes sont lâchés : les soldats doivent déposer les armes et rentrent dans leur caserne. Ils sont immédiatement mis aux arrêts, et transférés au Fort de Nogent. »…

    « Le soir, les gardiens les entendent chanter à tue-tête cette chanson de la Môme dont ils ont amendé quelques strophes : « Ni le bien qu’on m’a fait, ni la prise du corps d’Armée d’Alger… Sous le feu, quand un camarade tombe, en marchant, et même au fond d’une geôle, à la Légion, on chante ! »

    C’est le récit du procès. La salle de la Première chambre de la Cour d’appel … où l’on jugea Pétain et Laval, où on jugera Salan.

    « Le Président Patin qui officie habituellement à la Chambre criminelle de la Cour de cassation, préside le Haut Tribunal militaire. Il pose quelques questions pour la forme parce qu’il faut bien faire semblant. Toujours le même rituel :

    –  Nom ? – Denoix de Saint Marc.

    –  Prénoms ? – Marie Joseph Hélie.

    –  Avez-vous déjà été condamné ?

    – Oui, par les Allemands. »

    Le jeune orateur raconte … la vie d’Hélie de Saint Marc, la résistance à 17 ans, la déportation, Buchenwald, le retour à 23 ans : 42 kg, il a perdu la mémoire et oublié jusqu’à son nom. Puis, Saint-Cyr, la Légion, l’Indochine, l’Algérie, et encore le procès !

    « Oui, je sais le soleil se couche, mais écoute encore un peu. Imagine la Cour des Invalides, des hommes en képi blanc au garde-à-vous, réunis autour d’un vieil homme cassé par les rhumatismes, la silhouette a perdu de sa superbe, mais le regard, lui, est resté le même. »

    Ses grands yeux bleus scrutent l’horizon.

    « Déporté à 20 ans, dégradé et emprisonné à 40, Hélie Denoix de Saint-Marc a été successivement gracié, amnistié, puis réintégré dans son grade de Commandant. »

    Aujourd’hui, 28 novembre 2011, il est fait Grand-croix de la Légion d’honneur, « À titre militaire et au titre de l’Algérie. » J’y étais, avec quelques amis. Le Commandant de Saint Marc n’a pas voulu de discours… Il nous a simplement demandé de chanter le chant du 1er REP, le chant interdit de son régiment dissous, et nous avons entonné, à pleins poumons, la main sur la couture du pantalon « Contre les Viets, contre l’ennemi … » Je reviens à mon Deuxième secrétaire.

    « Je ne comprenais pas vraiment pourquoi mon père me contait ce récit. Peut-être qu’avocat lui-même, il me donnait tout simplement une leçon d’homme et de justice. Peut-être aussi, parce que là-bas dans un vieux cimetière près de Constantine notre nom est encore inscrit sur quelques pierres tombales laissées à l’abandon. Un nom enraciné dans une terre qu’il n’a jamais revue, que je ne connais pas et dont je me souviens. Ce que je sais, en revanche, c’est que, cette histoire, tu la raconteras à ton tour, en lui donnant le sens que tu voudras. Il est tard, maintenant, dors mon fils. »

    Ainsi s’explique le tutoiement de cette transmission, transmission de l’honneur d’un nom, de l’amour d’une terre, de l’honneur tout court…

    Six semaines plus tard, au cinéma Le Balzac, nous étions quelques privilégiés à regarder la première projection du film de Cheyenne-Marie Caron « Jeunesse au cœur ardent ». On y voit quelques garçons aux prises avec les désirs de la jeunesse, la transgression, le vol, la violence, se heurtant au regard bleu d’un vieil homme qu’ils agressent, un ancien officier de légion qui ne baisse pas les yeux.

    Je ne vous dis pas l’histoire. Elle chante la gloire de la Légion. Elle sera sur nos écrans en mars 2018.

    La jeunesse aux cœurs ardents, qu’elle soit dans la rue ou au Palais de Justice, ne change pas.

    Nous la voyons renaître et continuer.

    « Mère, voici vos fils et leur immense armée… »   

    Jacques Trémolet de Villers

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  • Entretien d'Alain Santacreu avec la revue Rébellion

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    RÉBELLION : Pourriez-vous présenter votre parcours dans une courte introduction ?

    ALAIN SANTACREU : Je suis né à Toulouse, au mitan du dernier siècle. Mes parents étaient des ouvriers catalans, arrivés en France en 1939, en tant que réfugiés politiques. J’ai vécu toute mon enfance et mon adolescence dans cette ville. J’y ai fait mes études, depuis l’école des Sept-Deniers jusqu’à l’ancienne Faculté des Lettres de la rue des Lois, en passant par le lycée Pierre de Fermat et le lycée Nord. C’est au Conservatoire de Toulouse, dans la classe de Simone Turck, que j’ai commencé ma formation théâtrale. 
      Je me suis marié très jeune et j’ai dû quitter Toulouse. Durant quelques années, j’ai joué dans diverses compagnies théâtrales de l’Est de la France. J’ai aussi été directeur d’un centre culturel, près de Belfort. Finalement, je suis devenu enseignant et j’ai exercé dans des établissements de la région parisienne. C’est au cours de cette période que j’ai écrit mes premiers textes et fondé la revue Contrelittérature. Par la suite mes activités éditoriales se sont diversifiées et, tout en publiant un premier roman et un recueil d’essais, j’ai di­ri­gé plu­sieurs ou­vrages col­lec­tifs sur l’art et la spi­ri­tua­li­té, dans le cadre de la collection « Contrelittérature » aux éditions L’Harmattan. Quant à mon parcours intellectuel proprement dit, je l’aborderai en répondant à vos autres questions.
    R/ Dans votre dernier roman Opera Palas vous placez le lecteur dans une posture opérative originale. Pensez-vous que le regard du lecteur « fait » vraiment un roman ?

    AS/ Toute la stratégie romanesque d’Opera Palas tourne autour de la phrase célèbre de Marcel Duchamp : « Ce sont les regardeurs qui font les tableaux ». C’est un commentaire qu’il a prononcé à propos de ses ready-made [1]. On sait que le ready made inventé par Duchamp est un vulgaire objet préfabriqué, prêt à l’emploi, comme son célèbre urinoir, « Fontaine », devenu un chef-d’oeuvre de l’art du XXe siècle. 
      Toute oeuvre d’art a deux pôles : le pôle de celui qui fait l’oeuvre et le pôle de celui qui la regarde. Dans le ready made, l’artiste s’efface du pôle créatif puisqu’il ne réalise pas l’objet « tout fait » qu’il donne à voir. Dès lors, la production de l’oeuvre ne dépend plus que du second pôle, du regardeur, celui de la réception. Ainsi, le ready made de Duchamp démontre que le goût esthétique n’est que la projection de l’ego du regardeur sur l’oeuvre. 
      Le spectacle – ce que j’appelle « littérature », comme j’aurai l’occasion de l’expliciter – est le pouvoir qui veut que je tienne mon rôle dans le jeu social dont il est l’unique metteur en scène. S’opposer à la volonté du spectacle, c’est donc mourir à soi-même, renoncer à ce faisceau de rôles qui me constitue, devenir réfractaire à cette image que la société me renvoie. Un texte signé Alaric Levant, paru récemment sur votre site internet, affirme que ce travail sur soi est un acte révolutionnaire : « Aujourd’hui, nous sommes face à une barricade bien plus difficile à franchir que celle des CRS : c’est l’Ego, c’est-à-dire la représentation que l’on a de soi-même »[2]. 
      La démarche de Duchamp vise à nous extraire de la perspective spectaculaire, en cela elle annonce le situationnisme, la dernière avant-garde artistique et politique qui se soit manifestée dans notre société contemporaine. Le pouvoir du regardeur de décider si une pissotière est une oeuvre d’art est factice ; en réalité, c’est dans les coulisses que le meneur du spectacle décide de la seule norme esthétique qui puisse me faire exister au regard des autres.
      Ainsi, les œuvres de l’art fonctionnent comme un immense kaléidoscope de miroirs que le regardeur manipule afin de customiserl’image qu’il a de lui-même. Plus encore : pour la pensée aliénée toute chose n’est que ready-made, marchandise « prête à l’emploi ». Votre goût esthétique est tout simplement le signe que vous êtes un moderne comme tout le monde. Si vous voulez être intégré dans le spectacle, vous devez vous conformer à l’exercice obligatoire de la différenciation mimétique – pour le dire à la manière de René Girard – de façon à vous assurer que vous appartenez bien à la classe de loisir – pour le dire à la manière de Thorstein Veblen.
     Opera Palas est l’équivalent contre-littéraire du ready-madeduchampien. Marcel Duchamp est un protagoniste du roman et son oeuvre maîtresse, La mariée mise à nu par ses célibataires, même – aussi appelée Le Grand verre – est l’élément déclencheur du récit. La vanité de vouloir jouer un rôle dans la société du spectacle, la quête du succès et son obtention, Duchamp les a analysées dans son oeuvre majeure.
      En lisant, le lecteur est renvoyé à son propre acte interprétatif, le roman est le miroir de sa pensée. Cela est rendu possible parce que le moi du narrateur anonyme du roman s’efface au fur et à mesure qu’avance le récit. En effet, une véritable opération alchimique se joue entre le narrateur et son double : Palas. 
      Le personnage de Palas est le nom générique de tous les lecteurs zélés d’Opera Palas. Il y a deux types possibles de lecteur. Le premier est celui qui se conforte dans la certitude de son moi, le lecteur aliéné qui réagit à partir du prêt-à-penser que la « littérature » lui a inculqué – pour celui-là, ce roman n’est pas un roman et il renoncera très vite à le lire ou même, sous l’emprise de son propre conditionnement idéologique, il l’interprètera comme antisémite, fasciste, homophobe ou conspirationniste. Le second type de lecteur est celui dont le zèle lui permet d’entrer en relation avec l’œuvre, d’établir un dialogue avec elle et de faire de sa lecture une opération de désaliénation de sa pensée. Le lecteur zélé accepte la mise en danger d’une lecture cathartique qui l’amène à oser se regarder lire
      Lorsque le lecteur referme Opera Palas, il prend conscience qu’il n’a fait qu’un tour sur lui-même, étant donné que la dernière page du roman est la description de l’icône qui illustre la couverture du livre. C’est alors qu’il peut traverser le miroir.
    R/ Comment définir votre démarche de "Contre-Littérature" ?

    AS/ Le texte germinatif de la contrelittérature est Le manifeste contrelittéraire. Ce texte est d’abord paru, en février 1999, dans le n°48 de la revue Alexandre dirigée par André Murcie ; puis, quelques mois plus tard, en postface de mon premier roman, Les sept fils du derviche, (Éditions Jean Curutchet, 1999). Par la suite, il sera repris et étayé dans l’ouvrage éponyme, paru en 2005 aux éditions du Rocher : La contrelittérature : un manifeste pour l’esprit. Dès le début, j’ai préféré lexicaliser le terme pour le différencier du mot composé « contre-littérature » déjà employé par la critique littéraire officielle.
      La contrelittérature est donc née à la fin du XXe siècle, pendant cette période d’unipolarisation du monde dans laquelle Fukuyama disait voir la « fin de l’histoire ». L’idéologie postmoderne du consensus global a été façonnée, dès le XVIIIe, par une Weltanschauung qu’Alexis Tocqueville, dans L’Ancien Régime et la Révolution, nomme « l’esprit littéraire » de la modernité. En deux siècles, la littérature avait si intensément « homogénéisé » la pensée, qu’à l’orée du XXIe siècle, une pensée hétérogène, contradictoire, était presque devenue impensable ; d’où la nécessité d’inventer un néologisme pour désigner cet impensable, ce fut : « contrelittérature ». 
      Cela se fit à partir de la découverte de la logique du contradictoire de Stéphane Lupasco. Pour la contrelittérature, Stéphane Lupasco est un maillon d’une catena aurea qui se manifeste avec Héraclite et les présocratiques, en passant aussi, comme nous le verrons, par Pierre-Joseph Proudhon, un auteur très important dans ma démarche. 
      Il faut partir de la définition la plus large possible : la littérature, c’est non seulement le corpus de tous les récits à travers lesquels une civilisation se raconte, mais encore tous les textes poétiques où elle prend conscience de son propre être et cherche à le transformer. La littérature doit être perçue comme un organisme vivant, un système dynamique d’antagonismes, pour reprendre la terminologie lupascienne, dont la production dépend de deux sources d’inspiration contraires : une force « homogénéisante » en relation avec les notions d’uniformité, de conservation, de permanence, de répétition, de nivellement, de monotonie, d’égalité, de rationalité, etc. ; et, à l’opposé, une force « hétérogénéisante » en relation avec les notions de diversité, de différenciation, de changement, de dissemblance, d’inégalité, de variation, d’irrationnalité, etc. Ce principe d’antagonisme a été annihilé par la littérature moderne qui a imposé l’actualisation absolue de son principe d’homogénéisation et ainsi tenté d’effacer le pôle de son contraire, l’hétérogène « contrelittéraire ». 
      Tous les romans étaient devenus semblables, de plates « egobiographies » sans âme, il fallait verticaliser l’horizontalité carcérale à laquelle on voulait nous condamner, retrouver la sacralité de la vie contre sa profanation imposée. C’est pourquoi, dans une première phase, nous nous sommes attachés à valoriser l’impensé de la littérature, le récit mystique qui se fonde sur la désappropriation de l’ego. D’où la redécouverte du roman arthurien et de la quête du graal, la revisitation des grands mystiques de toutes sensibilités religieuses – par exemple le soufisme dans mon premier roman, Les sept fils du derviche. Cela a pu conforter l’image fausse d’une contrelittérature confite en spiritualité et se complaisant dans une forme d’ésotérisme. Très peu ont réellement perçu la dimension révolutionnaire de la contrelittérature.
      La contrelittérature est une tentative pour redynamiser le système antagoniste de la littérature. Il est évident que ce point d’équilibre des deux sources d’inspiration exerce une attraction sur tous les « grands écrivains ». Leurs oeuvres contiennent les deux antagonismes dans des proportions différentes mais tournent toutes autour de ce « foyer » de mise en tension. Il serait stupide de se demander si un écrivain est « contrelittéraire ». Toute création contient nécessairement à la fois des éléments littéraires et contrelittéraires. C’est le quantum antagoniste qui varie, c’est-à-dire le point de la plus haute tension entre les antagonismes constitutifs de l’oeuvre.
      On ne peut percevoir la liberté qu’en surplomblant les contraires, en les envisageant ensemble, d’un seul regard, sans en exclure un au bénéfice de l’autre. Telle est la perpective romanesque d’Opera Palas. Mon roman se construit en effet sur une série d’antagonismes. J’en citerai quelques-uns : la cabale de la puissance et la cabale de l’amour, le bolchévisme stalinien et le slavophilisme de Khomiakov, le sionisme de Buber et le sionisme de Jabotinsky, l’individu (le moi) et la commune (le non-moi, le je collectif) ; le nationalisme politique et le nationalisme de l’intériorité, l’éros et l’agapé ; sans oublier, pour finir, le couplage scandaleux entre Buenaventura Durruti et José Antonio Primo de Rivera, les ennemis politiques absolus.
      Ainsi, la contrelittérature reprend le projet fondamental du Manifeste du Surréalisme d’André Breton, à partir du point où les surréalistes l’ont abandonné en choisissant le stalinisme : « Tout porte à croire qu'il existe un certain point de l’esprit d'où la vie et la mort, le réel et l'imaginaire, le passé et le futur, le communicable et l'incommunicable, le haut et le bas cessent d’être perçus contradictoirement. Or c'est en vain qu'on chercherait à l'activité surréaliste un autre mobile que l'espoir de détermination de ce point. »
      Le plus haut drame de l’homme, ce n’est pas tant To be or not to bemais bien plutôt To be and not to be. La vraie quête initiatique est celle de ce point d’équilibre entre l’être et le non-être, c’est cela le grand retour du tragique, un lieu où la tension entre les contraires est si intense que nous passons sur un autre plan : un saut de réalité où les contraires entrent en dialogue.
    R/ Votre démarche se rapproche pour moi de l'ABC de la lectured'Ezra Pound. Ce prodigieux poète est-il une influence pour vous ?

    AS/ L’ABC de la lecture est un génial manuel de propédeutique à l’usage des étudiants en littérature. On y trouve des réflexions d’une clarté fulgurante, telle cette phrase qui vous plonge dans un puits de lumière : « Toute idée générale ressemble à un chèque bancaire. Sa valeur dépend de celui qui le reçoit. Si M. Rockefeller signe un chèque d’un million de dollars, il est bon. Si je fais un chèque d’un million, c’est une blague, une mystification, il n’a aucune valeur. » [3] 
      On voit que, pour Ezra Pound aussi, c’est le récepteur qui accorde son crédit à l’émetteur. Si un milliardaire émet un gros chèque, le récepteur l’estime tout de suite valable ; mais, par contre, si le même chèque est émis par un vulgaire péquenot, ce n’est pas crédible. On retrouve ici l’interrogation de la pissotière de Duchamp, qu’est-ce qui en fait une oeuvre d’art pour le regardeur ? 
      Bien sûr, ce n’est pas exactement ce que veut signifier Pound dans cette phrase de son ABC de la lecture mais je l’ai citée à cause de son allusion « économique », thème prégnant dans d’autres de ses ouvrages. Je pense à un livre comme Travail et usure ou encore au Canto XLV.
      Ezra Pound est un des grands prédécesseurs de la contrelittérature. C’est à partir de lui que j’ai compris la similarité du processus d’homogénéisation de la littérature avec celui de l’usure. Pound a perçu de façon très subtile le phénomène de l’ « argent fictif ». Il insiste dans ses écrits sur la constitution et le développement de la Banque d’Angleterre, modèle du système bancaire moderne né en pays protestant où l’usure avait été autorisée par Élisabeth Tudor en 1571.
      Pour comprendre la nature métaphysique du sacrilège qu’Ezra Pound dénonce sous le concept d’usure, il faudrait se reporter au onzième chant de L’Enfer de Dante – La Divine Comédie est une référence constante dans Les Cantos – qui condamne en même temps les usuriers et les sodomites pour avoir péché contre la bonté de la nature (« spregiando natura e sua bontade »). J’ai moi-même repris ce parallèle dans mon roman Opera Palas en relevant la synchronicité, durant la seconde partie du XVIIIe siècle, de l’émergence des clubs d’homosexuels – équivalents des molly houses – avec l’officialisation de l’usure bancaire – décret du 12 octobre 1789 autorisant le prêt à intérêt.
      C’est en 1787, dans ses Éléments de littérature, que François de Marmontel utilisa pour la première fois le terme « littérature » au sens moderne. Il ne me semble pas que ce phénomène de la concomitance entre la littérature et l’usure ait jamais été pris en compte ni étudié avant la contrelittérature [4].
      Le concept poundien d’Usura ne se laisse pas circonscrire aux seuls effets de l’économie capitaliste. Dans la société contemporaine globalisée, tous les signes sont devenus des métonymies du signe monétaire, à commencer par les mots de la langue, arbitraires et sans valeur.
      L’usure littéraire consiste à vider les mots de leur sens pour leur prêter un sens abstrait. Usura entraîne le progrès de l’abstraction, c’est-à-dire de la séparation – en latin abstrahere signifie retirer, séparer. Usura ouvre le monde de la réalité virtuelle et referme celui de la présence réelle. Par l’usure, l’homme se retrouve séparé du monde.
      Durant l’été 1912, Ezra Pound parcourut à pied les paysages du sud de la France, sur les pas des troubadours, afin de s’incorporer les lieux topographiques du jaillissement de la langue d’oc. La poésie poundienne est un combat contre l’usure. Chaque point de l’espace devient un omphalos, un lieu d’émanation du verbe, chaque pas une station hiératique. Ainsi est dépassée l’entropie littéraire du mot, l’érosion du sens par l’usure répétitive.
      Ce que Pound, lecteur de Dante, nomme « Provence », correspond géographiquement à l’Occitanie et à la Catalogne. Ce pays évoquait pour lui une civilisation médiévale de l’amour qui s’oppose au capitalisme moderne. L’amour est le contraire de l’usure.
      Cependant, Pound n’a pas su reconnaître la surrection du catharisme des troubadours dans l’anarchisme espagnol, ce que Gerald Brenan a très bien vu dans son Labyrinthe espagnol [5]. J’ai soutenu dans Opera Palas cette vision millénariste de la révolution sociale espagnole. 
      À mes yeux, la véritable trahison politique d’Ezra Pound ne se trouve pas tant dans les causeries qu’il donna sur Radio Rome, entre 1936 et 1944, la plupart consacrées à la littérature et à l’économie, mais dans son aveuglement face à ce moment métahistorique que fut la guerre d’Espagne. Comment n’a-t-il pas vu qu’Usura n’était plus dans les collectivités aragonaises et les usines autogérées de Catalogne ? Comment n’a-t-il pas entendu d’où soufflait le vent du romancero épique, la poésie de Federico García Lorca, d’Antonio Machado, de Rafael Alberti, de Miguel Hernández ?

    R/ La notion de tradition apparaît dans vos écrits depuis l’origine. Quelle définition en donneriez-vous ? Quel est votre rapport à l’oeuvre de Guénon ?

    AS/ Selon moi, le paradigme essentiel de la tradition réside dans la notion d’anthropologie ternaire, tout le reste n’est que littérature ésotérique.
      Jusqu’à la fin de la période romane, soit l’articulation des XIIe et XIIIe siècles, la « tripartition anthropologique » a été la référence de notre civilisation chrétienne occidentale [6]. La structure trinitaire de l’homme – Corps-Âme-Esprit – fut simultanément transmise à la « science romane » par les sources grecque et hébraïque. Sans doute, le ternaire grec, « soma-psyché-pneuma », ne correspond-il pas exactement au ternaire hébreu, « gouf-nephesh-rouach », mais les deux se fondent sur une tradition fondamentale qui inclut le spirituel dans l’homme. 
      Dieu est immanent à l’esprit, mais il est transcendant à l’homme psycho-corporel, telle est l’aporie devant laquelle nous place cette « tradition primordiale » dont parle René Guénon. L’esprit n’est pas humain mais divino-humain ; ou, plus précisément, il est le lieu de la rencontre entre la nature divine et la nature humaine. Il n’y a pas de vie spirituelle sans Dieu et l’homme. C’est comme faire l’amour : il faut être deux ! C’est pourquoi une « spiritualité » laïque ne sera jamais qu’un onanisme de l’esprit. 
      Cette tradition dialogique entre l’incréé et le créé m’évoque le mot principe « Je-Tu » de Martin Buber. L’existence humaine se joue, selon Buber, entre deux mots principes qui sont deux relations antagonistes : « Je-Tu » et « Je-Cela ». Le mot-principe Je-Tu ne peut être prononcé que par l’être entier mais, au contraire, le mot-principe Je-Cela ne peut jamais l’être : « Dire Tu, c’est n’avoir aucune chose pour objet. Car où il y a une chose, il y a autre chose ; chaque Cela confine à d’autres CelaCela n’existe que parce qu’il est limité par d’autres Cela. Mais là où l’on dit Tu, il n’y a aucune chose. Tu ne confine à rien. Celui qui dit Tu n’a aucune chose, il n’a rien. Mais il est dans la relation. » [7] 
      Cependant, si Buber oppose ainsi le monde du Cela au monde du Tu, il ne méprise pas pour autant un monde au détriment de l’autre. Il met en évidence leur nécessaire antagonisme. L’homme ne peut vivre sans le Cela mais, s’il ne vit qu’avec le Cela, il ne peut réaliser sa vocation d’homme, il demeure le « Vieil homme » et sa misérable vie, dénuée de la Présence réelle, l’ensevelit dans une réalité irreliée.
      À l’intérieur de la relation du mot principe « Je-Tu », nous rentrons dans l’ordre du symbole. Le symbole est un langage qui nous permet de saisir l’immanence de la transcendance. Il n’est pas une représentation, il réalise une présence. La Présence divine ne peut être représentée, elle est toujours là.
      L’effacement de la conception tripartite de l’homme correspond à la période liminaire de la mécanisation moderne de la technique. Le XIIIe siècle marque ce point d’inflexion du passage à la modernité. C’est durant la crise du XIIIe siècle, comme l’a appelée Claude Tresmontant [8], que la pensée du signe va remplacer la pensée du symbole. Le mot pour l’esprit bourgeois n’est pas l’expression du Verbe, il est un signe arbitraire qui lui permet de désigner l’avoir, la marchandise. 
      La logique du symbole est une logique du contradictoire. René Guénon, dans un de ses articles [9], affirme qu’un même symbole peut être pris en deux sens qui sont opposés l’un à l’autre. Les deux aspects antagoniques du symbole sont liés entre eux par un rapport d’opposition, si bien que l’un d’eux se présente comme l’inverse, le « négatif » de l’autre. Ainsi, nous retrouvons dans la structure du symbole ce point de passage, situé hors de l’espace-temps, en lequel s’opère la transformation des contraires en complémentaires.
      La découverte de l’oeuvre de René Guénon a été décisive dans mon cheminement. Mes parents étaient des anarchistes espagnols et j’ai lu Proudhon, Bakounine et Kropotkine bien avant de lire Guénon. C’est la lecture de René Guénon qui m’a permis de me libérer de la pesanteur de l’idéologie anarchiste.
      Toute erreur moderne n’est que la négation d’une vérité traditionnelle incomprise ou défigurée. Au cours de l’involution du cycle, le rejet d’une grille de lecture métaphysique du monde a provoqué la subversion de l’idée acrate, si chère à Jünger, et sa transformation en idéologie anarchiste. La négation des archétypes inversés de la bourgeoisie, à laquelle s’est justement livrée la révolte anarchiste ne pouvait qu’aboutir à un nihilisme indéfini, puisque son apriorisme idéologique lui interdisait la découverte des « archés » véritables. Cette incapacité fut l’aveu de son impuissance spirituelle à dépasser le système bourgeois. La négation du centre, perçu comme principe de l’autorité, au bénéfice d’une périphérie présupposée non-autoritaire, est l’expression d’une pensée dualiste dont la bourgeoisie elle-même est issue. La logique du symbole transmise par René Guénon ouvre une autre perspective où la tradition se conjugue à la révolution.
    R/ Vous avez croisé la route de Jean Parvulesco. Pouvez-vous revenir sur cette personnalité flamboyante qui fut un ami fidéle de Rébellion ?

    AS/ Jean Parvulesco et moi ne cheminions pas dans le même sens et nous nous sommes croisés, ce fut un miracle dans ma vie. Il est la plus belle rencontre que j’ai faite sur la talvera. Savez-vous ce qu’est la talvera ?
      Les paysans du Midi appellent « talvera » cette partie du champ cultivé qui reste éternellement vierge car c’est l’espace où tourne la charrue, à l’extrémité de chaque raie labourée. Le grand écrivain occitan Jean Boudou a écrit un poème intitulé La talvera où l’on trouve ce vers admirable : « C’est sur la talvera qu’est la liberté » (Es sus la talvèra qu’es la libertat). 
      Mon intérêt pour la notion de talvera a été suscité par la lecture du sociologue libertaire Yvon Bourdet [10]. La talvera est l’espace du renversement perpétuel du sens, de sa reprise infinie, de son éternel retournement. Elle est la marge nécessaire à la recouvrance du sens perdu, à l’orientation donnée par le centre. Loin de nier le centre, la talvera le rend vivant. La conscience de la vie devenue de plus en plus périphérique, notre aliénation serait irréversible s’il n’y avait un lieu pour concevoir la rencontre, un corps matriciel où l’être, exilé aux confins de son état d’existence, puisse de nouveau se trouver relié à son principe. Sur la talvera se trouve l’éternel féminin de notre liberté, cette dimension mariale que Jean Parvulesco vénérait tant. C’est là que nous nous sommes rencontrés. 
      Jean Parvulesco était un « homme différencié », au sens où l’entendait Julius Evola. Il appartenait à cette race spirituelle engagée dans un combat apocalyptique contre la horde des « hommes plats ». Ce fut le dernier « maître de la romance ». Il est l’actualisation absolue de la contrelittérature. C’est-à-dire que Parvulesco inverse totalement le rapport littérature-contrelittérature. Son oeuvre à contre-courant potentialise l’horizontalité littéraire et actualise la verticalité contrelittéraire, pour employer la terminologie de Lupasco. D’un certain point de vue, Jean Parvulesco incarne le contraire de la littérature.
      Je comprends aujourd’hui combien ma rencontre avec Parvulesco a été cruciale. Si notre éloignement m’est apparu comme une nécessité, j’ai su intérioriser sa présence, la rendre indispensable à ma propre démarche. 
      J’ai relu l’autre jour le texte qui a été la cause de notre séparation. C’était durant l’hiver 2002, son article s’intitulait « L’autre Heidegger » et aurait dû paraître dans le n° 8 de la revue Contrelittérature mais j’ai osé le lui refuser [11]. Parvulesco s’y interroge sur la véritable signification de l’œuvre d’Heidegger. Il soutient que la philosophie n’était qu’un moyen pour dissimuler un travail initiatique qu’Heidegger menait sur lui-même et qui se poursuivit jusqu’à son appel à la poésie d’Hölderlin, ultime phase de son oeuvre que Parvulesco nomme son « irrationalisme dogmatique ». 
      Or, ma démarche se résume à cette quête du point d’équilibre entre le rationalisme dogmatique des Lumières et l’irrationalisme dogmatique des anti-Lumières, ce point de la plus haute tension entre la littérature et la contrelittérature, alors que Jean Parvulesco incarnait le pôle contrelittéraire absolu. 
      On ne lit pas Jean Parvulesco sans crainte ni tremblement : la voie chrétienne qui s’y découvre est celle de la main gauche, un tantrisme marial aux limites de la transgression dogmatique. Son style crée dans notre langue française une langue étrangère au phrasé boréal. Mon ami, le romancier Jean-Marc Tisserant, qui l’admirait, me disait que Parvulesco était l’ombre portée de la contrelittérature en son midi : « Vous ne parlez pas de la même chose ni du même lieu », me confia-t-il lors de la dernière conversation que j'eus avec lui. Il est vrai que Parvulesco, à partir de notre séparation, a choisi d’orthographier « contre-littérature », en mot composé – sauf dans le petit ouvrage, Cinq chemins secrets dans la nuit, paru en 2007 aux éditions DVX, qu'il m'a dédié ainsi : « Pour Alain Santacreu et sa contrelittérature ». 
      J’ai repris dans le texte de mon roman, pour les trois seules occurrences où le mot apparaît, cette graphie « contre-littérature ». Ce mot désignait à ses yeux le combat pour l’être. Oui, finalement, la seule réalité qui vaille, c’est la réalité de ce combat. Il ne faut pas refuser de se battre, si l’on veut vaincre les forces antagonistes !
      Ma rencontre avec Jean Parvulesco n’a pas été une « mérencontre », pour reprendre l’expression de Martin Buber, c’est-à-dire une rencontre qui aurait dû être et ne se serait pas faite. Notre rencontre a bien eu lieu, je l’ai compris en écrivant mon roman : Opera Palas, c’est l’accomplissement de ma rencontre avec Jean Parvulesco.
    R/ Pour vous, comme pour Orwell, l’histoire s’arrête en 1936. Pourquoi ? Vous évoquez dans votre roman l’expérience de l’anarcho-syndicalisme de la CNT-AIT espagnole. Cette vision fédéraliste et libertaire est-elle la voie pour sortir de l’Âge de fer capitaliste ?

    AS/ Comment faire pour s’extraire de l’« Âge de fer » capitaliste ? Alexandre Douguine [12] pense qu’il faut partir de la postmodernité – cette période qui, selon Francis Fukuyama, correspond à la « fin de l’histoire » – mais il commet une erreur de perspective : il faut partir du moment où l’histoire s’est arrêtée. 
      Selon Douguine, la chute de Berlin, en 1989, marque l’entrée de l’humanité dans l’ère postmoderne. La dernière décennie du XXe siècle aurait vu la victoire de la Première théorie politique de la modernité, le libéralisme, contre la Deuxième, celle du communisme – la Troisième théorie politique, le fascisme, ayant disparu avec la défaite du nazisme.
      Je ne partage pas ce point de vue. Il n’y a pas eu de victoire de la Première théorie sur la Deuxième mais une fusion des deux dans un capitalisme d’État mondialisé. La postmodernité est anhistorique parce que l’histoire s’est arrêtée en 1936. C’est cela que j’ai voulu montrer avec Opera Palas. Le prétexte de mon roman est une phrase de George Orwell « Je me rappelle avoir dit un jour à Arthur Koestler : L’histoire s’est arrêtée en 1936. » Orwell écrit ces mots en 1942, dans un article intitulé « Looking Back on the Spanish War » (Réflexions sur la guerre d’Espagne). Et il poursuit : « En Espagne, pour la première fois, j’ai vu des articles de journaux qui n’avaient aucun rapport avec les faits, ni même l’allure d’un mensonge ordinaire. » Ainsi, parce que la guerre d’Espagne marque la substitution du mensonge médiatique à la vérité objective, l’histoire s’arrête et la période postmoderne s’ouvre alors.
      En 1936, contrairement à l’information unanimement répercutée par toute la presse internationale, les ouvriers et paysans espagnols ne se soulevèrent pas contre le fascisme au nom de la « démocratie » ni pour sauver la République bourgeoise ; leur résistance héroïque visait à instaurer une révolution sociale radicale. Les paysans saisirent la terre, les ouvriers s’emparèrent des usines et des moyens de transports. Obéissant à un mouvement spontané, très vite soutenu par les anarcho-syndicalistes de la CNT-FAI, les ouvriers des villes et des campagnes opérèrent une transformation radicale des conditions sociales et économiques. En quelques mois, une révolution communiste libertaire réalisa les théories du fédéralisme anarchiste préconisées par Proudhon et Bakounine. C’est cette réalité révolutionnaire que la presse antifasciste internationale reçut pour mission de camoufler. Du côté franquiste, la presse catholique et fasciste se livra aussi à une intense propagande de désinformation. À Paris, à Londres, comme à Washington ou à Moscou, la communication de guerre passa par le storytelling, la « mise en récit » d’une histoire qui présentait les événements à la manière que l’on voulait imposer à l’opinion. L’alliance des trois théories politiques a voulu détruire en Espagne la capacité communalisante du peuple. Ce que le bolchévisme avait fait subir au peuple russe, il est venu le réitérer en toute impunité en Espagne. C’est pourquoi je fais dans mon roman un parallèle entre les deux événements métahistoriques du XXe siècle où l’âme « communiste » des peuples a été annihilée : Crontadt, en 1921 et Barcelone, lors des journées sanglantes de mai 1937.
      Cronstadt voulait faire revivre le mir (commune rurale) et l’artel(coopérative ouvrière). Supprimer le mir archaïque signifiait supprimer des millions de paysans, c’est ce que firent les bolchéviques, par le crime et la famine. 
      Comme en Russie, les bolchéviques furent les fossoyeurs de la révolution sociale espagnole. Il suffit pour s’en convaincre de lire Spain Betrayed de Ronald Radosh, Mary R. Habeck et Grigory Sevostianov, un ouvrage qui procède au dépouillement systématique des dernières archives consacrées à la guerre d’Espagne, ouvertes à Moscou (Komintern, Politburo, NKVD – police politique et GRU – service d’espionnage de l’armée) [13]. Ainsi, bien au contraire de ce que dit Alexandre Douguine, si l’on prend la Guerre d’Espagne comme point focal, on comprend qu’il n’y a pas eu combat mais connivence entre les trois théories politiques de la modernité. 
      La vision fédéraliste et libertaire reste la seule méthode de guérison pour ranimer la capacité communalisante du peuple et lui permettre de retrouver son instinct de solidarité et de liberté.
      L’anarcho-syndicalisme de la CNT espagnole n’a pas réussi à s’extraire de l’idéologie anarchiste pour s’ouvrir à l’esprit traditionnel de l’idée libertaire. C’est justement cette opération utopique – ou plutôt uchronique – que tente de mettre en place un des protagonistes du roman : Julius Wood.
      Opera Palas établit un couplage insensé entre Buenaventura Durruti et José Antonio Primo de Rivera, une mise en relation scandaleuse et paradoxale qui prend à revers la notion même du politique telle que la résume Carl Schmitt dans cette phrase : « La distinction spécifique du politique, à laquelle peuvent se ramener les actes et les mobiles politiques, c’est la distinction de l’ami et de l’ennemi. » [14] 
      Le fédéralisme proudhonien repose sur cette mise en dialectique des contraires. Dans la pensée de Proudhon, le passage de l’anarchisme au fédéralisme est lié à cette recherche d’un équilibre entre l’autorité et la liberté dont un État garant du contrat mutualiste doit préserver l’harmonie. 
      On se rappellera la légende du « Grand Inquisiteur » que Dostoïevski a enchâssée dans Les Frères Karamazov : le Christ réapparaît dans une rue de Séville, à la fin du XVe siècle et, le reconnaissant, le Grand Inquisiteur le fait arrêter. La nuit, dans sa geôle, il vient reprocher au Christ la « folie » du christianisme : la liberté pour l’homme de se déifier en se tournant vers Dieu.
      Dans ce récit se trouve la quintessence du mystère du socialisme. Choisir les idées du Grand inquisiteur, comme le fera Carl Schmitt [15], qui en cela se révèle non seulement catholique mais « marxiste », c’est le socialisme d’État ; Bakounine, lui, à l’image de Tolstoï, choisit le Christ contre l’État, et c’est le socialisme anarchiste. Dépasser la contradiction entre Schmitt et Bakounine par la dialectique proudhonienne, telle est la théorie politique de l’avenir.

    NOTES

    [1] Marcel Duchamp, Ingénieur du temps perdu, Belfond, 1977, p. 122.

    [2] Alaric Levant, « Une révolution de l’intérieur… pour faire avancer notre idéal ? » : http://rebellion-sre.fr/revolution-de-linterieur-faire-av....

    [3] Ezra Pound, ABC de la lecture, coll. « Omnia », Éditions Bartillat, 2011, p. 27.

    [4] Cf. « Talvera et Usura » paru dans Contrelittérature n° 17, Hiver 2006. Texte repris et développé dans le recueil d’essais Au coeur de la talvera, Arma Artis, 2010.

    [5] Gerald Brenan, Le labyrinthe espagnol. Origines sociales et politiques de la guerre civile, Éditions Ruedo Ibérico, 1962.

    [6] Jean Borella, « La tripartition anthropologique », in La Charité profanée, Éditions du Cèdre/DMM, 1979, pp.117-133.

    [7] Martin Buber, « Je et Tu » in La Vie en dialogue, Aubier 1968, p. 8.

    [8] Claude Tresmontant, La métaphysique du christianisme et la crise du treizième siècle, Éditions du Seuil, 1964.

    [9] René Guénon, « Le renversement des symboles » in Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps, chap. XXX.

    [10] Yvon Bourdet, L’espace de l’autogestion, Galilée, 1979.

    [11] Cet article a été intégré dans l’ouvrage de Jean Parvulesco, La confirmation boréale, Alexipharmaque éditions, 2012, pp. 223-229.

    [12] Alexandre Douguine, La Quatrième théorie politique, Ars Magna Éditions, 2012.

    [13] Édité en 2001, aux éditions Yale University, l’ouvrage est paru en Espagnol, en 2002, sous le titre España traicionada, mais n’a toujours pas été traduit en français.

    [14] Carl Schmitt, La notion du politique, Calmann-Lévy, 1972, note 1, p. 
    66.

    [15] Cf. Théodore Paléologue, Sous l’œil du grand inquisiteur : Carl Schmitt et l'héritage de la théologie politique, Cerf, 2004.

    http://www.contrelitterature.com/archive/2018/02/17/entretien-d-alain-santacreu-accorde-a-la-revue-rebellion-6027251.html

  • Lille, vendredi 9 mars : une conférence sur le thème "l'Europe, une civilisation politique ?" avec Robert Steuckers

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  • TERRE & PEUPLE Magazine n°74: Jacobinisme liberticide

    4102864009.jpgCommuniqué de "Terre & Peuple-Wallonie"

    TERRE & PEUPLE Magazine n°74: Jacobinisme liberticide

    Le numéro 74 de TERRE & PEUPLE Magazine est centré autour du thème du 'Jacobinisme liberticide'.

    Dans son éditorial, Pierre Vial croise ses projecteurs sur les dénis du réel que proclament sans pudeur les saltimbanques obscènes de la comédie politicienne européenne, avec en tête le micro-Macron.  Président des riches, il affecte de ne pas voir la pauvreté de neuf millions de ses compatriotes, ou de pouvoir l'imputer à leur paresse.  Et de n'apercevoir, dans la crise démographique et le grand remplacement, qu'une hypothèse complotiste, et dans la menace djihadiste et la radicalisation qu'un problème de rééducation de déséquilibrés.  Il serait, cela mis à part, l'homme de l'avenir.  Quel avenir ?

    1813221745.jpgC'est Robert Dragan qui recueille la pensée de Jean Haudry, prélat de la confession indo-européaniste, sur son livre 'La religion des Indo-Européens' et en particulier sur 'Le feu dans la tradition indo-européenne'.  Le feu est primordial dans la tradition préhistorique, central dans le foyer qu'il illumine et réchauffe.  Il éclaire des métaphores, telle le feu de la parole qualifiante, le feu des eaux, qui désigne l'or.  Si, à l'époque classique, il est présenté sous les formes d'une profusion de divinités diverses, d'Hestia-Vesta à Prométhée, en passant par Apollon, Héphaïstos et Artémis, avec leurs correspondants celtiques, germaniques, indiens, slave ou baltes, cette prolifération exprime l'importance de la notion : le feu est omniprésent dans la nature et dans l'homme.  L'idée que la fortune est liée au feu apparaît à la fois très ancienne, à en juger sur les correspondances sur lesquelles elle se fonde, et très durable.  Pour Héraclite, le feu constitue la substance même de l'univers.  Aristote fait remonter cette conception à Pythagore.  De fait, pour Philolaos, le « foyer de l'univers, maison de Zeus, principe de cohésion et mesure de la nature » est situé au milieu du monde.  Or, comme l'a montré Schuhl, à partir d'un passage du Phèdre, la Nécessité s'identifie à la fois à Hestia « qui siège au centre du monde comme au coeur des cités, sur l'omphalos, au foyer des prytanées » et à l'idée du Bien : « Ce n'est pas un Atlas qui supporte le monde, mais le bien et l'obligation qui supportent toute chose. »  Conception proche de celle de l'hymne védique à Mitra, « Mitra (contrat d'amitié) soutient terre et ciel», elle repose sur une homologie traditionnelle entre le respect des obligations, la cohérence du monde qui en dépend et le feu qui est l'élément lié à Mitra. 

    Jean-Patrick Arteault dresse avec une grande pénétration un état de l'opinion avant, pendant et après les dernières élections présidentielles.  De nombreux Français étant attachés, par peur du changement, à l'euro et à l'Union européenne, il aurait mieux valu n'en point parler, d'autant plus que la souveraineté n'est qu'un moyen pour faire respecter l'identité.  Et mener plutôt des actions discrètes, pour restaurer d'abord les souverainetés nationales, sans lesquelles on ne peut appliquer de politiques identitaires.  Et faire le choix d'alliances avec des nations européennes souveraines, dont la Russie, pour en faire, à très long terme, naître une synthèse impériale, et non impérialiste.  L'incapacité patente de la gauche intellectuelle à renouveler ses idées, le désarroi de ses plumitifs devant la défiance grandissante du public, son asservissement à l'oligarchie libérale, dont elle reprend tous les éléments de langage, tout cela a pu faire croire que la bataille métapolitique était gagnée.  Cette victoire ne sera toutefois acquise que lorsque la grande majorité des écrivains et artistes exprimera consciemment (ou encore mieux inconsciemment) notre vision, lorsque la majorité des journalistes valorisera nos idées sans y être contraints.  Lorsque la majorité des histrions qui façonnent la culture populaire travailleront spontanément dans notre sensibilité.  Lorsqu'une grande majorité des enseignants transmettront nos concepts et valeurs, y ayant adhéré profondément.  Lorsque pour une grande majorité de chercheurs notre vision du monde sera devenue le paradigme de leurs travaux.  Dès lors, plus que jamais, c'est l'impératif métapolitique qui est à l'ordre du jour, l'investissement politique n'étant qu'une affiche de propagande.  En matière électorale, à propos de la 'Ligne Buisson' qui vise à exploiter autant que la veine ouvriériste celle des conservateurs, l'auteur relève pas mal d'ambiguité : des conservateurs, mais de quoi ?  D'une forme politique qui, à défaut de fond, permet la survie tant que le capitalisme financier n'a pas détruit les cadres sociaux et culturels ?  Quand ce n'est pas un conservatisme réactionnaire de nostalgiques, ou tout simplement de nantis, voire de colbertiens raisonnables qu'inquiètent les partageux.  L'ambiguïté de leur conservatisme est encore aggravée pour les catholiques, par leur vocation universaliste, quand ce n'est pas par leur 'anti-fascisme'.  On est loin de la fidélité à la tradition culturelle populaire et ses fondamentaux moraux.  Jean-Patrick Arteault veut croire à la sincérité de Patrick Buisson quand celui-ci veut joindre aux conservateurs intégraux la couche populaire instinctivement identitaire.  Il avertit contre le risque de servir de Harkis à une bourgeoisie apatride.  On ne peut blâmer le FN de tenir à distance des éléments compromis dans des structures largements infiltrées d'indicateurs, de provocateurs et de policiers, qui sont utilisés pour lui nuire.  Mais bien de négliger les enjeux actuels qui préoccupent la majorité de la population.  La dédiabolisation est un échec pour le FN, qui a rallié l'idéologie d'un ennemi que cela ne retiendra pas pour autant de le disqualifier médiatiquement et de l'incapaciter politiquement.  Il en va de même de sa pudibonde bouderie à l'égard des catholiques de tradition, trop faibles pour faire la différence, mais assez forts pour qu'on ne puisse les ignorer, même s'il est vrai que certaines références culturelles des traditionnels sont à peu près aussi ouvertes que celles des salafistes.  La Nouvelle Droite a bien démontré que l'occidentalisme est la phase terminale de la laïcisation du christianisme.  Mais elle a contribué à déchristianiser une frange identitaire, la coupant d'une pratique native du sacré religieux qu'un néo-paganisme intellectualisé ne remplace pas.

    Introduisant le dossier central, Pierre Vial qualifie le jacobinisme d'utérus d'où est sorti le système à broyer les peuples et les individus.  Pour confisquer les libertés concrètes que ceux-ci s'étaient conquises, il a coupé les têtes au nom de la Liberté.  Pour les isoler et anéantir leur conscience identitaire, il a coupé les racines qui rattachent les individus à leur terre et à leurs ancêtres.

    Alain Cagnat rappelle que Louis XVI, ayant commis la faiblesse de convoquer les Etats Généraux, a activé les doléances de nombreuses sociétés de pensée, dont le Club Breton.  Les députés du tiers état se proclament Assemblée constituante et le club breton Société des amis de la Constitution, qui rédige la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen et va s'installer au couvent des Jacobins.  Il va connaître un développement rapide, notamment en province, sans cesser de se radicaliser.  Allégeant ses conditions d'adhésion, il gonfle ses effectifs, qui basculent bientôt dans l'extrémisme.  Peu après, Paris se soulève et ramène de force Louis XVI à Paris.  D'abord réservé, Robespierre rallie la ligne dure et, le 29 juillet 1792, propose la destitution du roi et l'élection au suffrage universel d'une Convention.  Le 9 août, la Commune insurrectionnelle de Paris est créée et le 17 août siège le premier tribunal révolutionnaire.  Le massacre se déchaîne.  La monarchie est abolie.  Le 21 janvier, le roi est guillotiné.  Certaines provinces se rebellent.  La France, qui est dans le même temps en guerre avec tous ses voisins, lève 300.000 hommes.  La patrie étant en danger,  pour sauver la Révolution, un Comité de salut Public de douze députés cumule tous les pouvoirs.  Les tribunaux révolutionnaires champignonnent et les têtes roulent, tandis que se consomme le génocide vendéen.  Succès au plan international, les alliés se replient derrière le Rhin.  Les Jacobins liquident tous leurs adversaires politiques.  Robespierre, qui croit triompher, entame la brève période de la Grande Terreur, mais se laisse maladroitement arrêter.  Il est décapité deux jours plus tard.  Le jacobinisme est bien autre chose que le parisianisme centralisateur, qui a régné en France depuis Philippe le Bel jusque Louis XV.  C'est une dictature qui justifie sa violence par la vertu : le peuple souverain est constitué des hommes vertueux.  Robespierre est 'Incorruptible'.  La loi est le lien social et le délinquant se retranche du peuple.  La loi jacobine est infaillible et sa justice est éternelle.  L'objectif est une loi naturelle universelle.  Celui qui y contrevient est impur, il doit être éliminé.  Elue par le peuple, la Convention se considère son image parfaite et elle décide la mort du roi, plutôt que par un referendum dont l'issue aurait été incertaine.  Le peuple lui-même peut être corrompu et c'est le cas de la gangrène vendéenne.  Justice prompte et inflexible, la Terreur est une émanation de la vertu.  Dans les influences à la source du jacobinisme, l'auteur voit l'usure de la piété au XVIIIe siècle, les réticences du clergé à l'égard du progrès scientifique, la contestation de l'autorité papale par les protestants, les philosophes des Lumières.  Ceux-ci mettent à mal la Révélation, mais se partagent entre ceux qui osent se déclarer athées et les déistes, dont Voltaire que l'univers embarrasse et qui ne peut « songer que cette horloge existe et n'ait point d'horloger».  La conclusion est à Michel Onfray : « De Marine Le Pen à Philippe Poutou en passant par Macron et Mélenchon, Hamon ou Fillon, tous communient dans une même religion jacobine.  C'est ce logiciel qu'il faut jeter à la poubelle. »

    Le tableau émouvant des Guerres de Vendée que brosse Pierre1068402216.jpg Morilleau constitue une grande fresque, monumentale jusque dans ses détails, dont il est pratiquement impossible d'extraire la synthèse.  Des horreurs abominables des guerres de Vendée (auxquelles n'ont mis fin qu'en janvier 1800 les Paix de Montfaucon et de Candé), on pourrait dire que, quelque fournie qu'en soit l'information que nous en avions réunie, le présent rappel démontre que nous étions encore loin du compte.  Il démontre surtout que ces horreurs ont été générées par la roide logique jacobine, comme en témoignent les citations dont l'auteur émaille son texte.  Notamment « Les forêts seront abbatues, les récoltes seront coupées pour être portées sur les derrières de l'armée, les bestiaux seront saisis. » - « Soldats de la Liberté, il faut que les brigands de la Vendée soient exterminés.  Le salut de la patrie l'exige, l'impatience du peuple français le réclame, son courage l'accomplira. » - « On emploira tous les moyens pour découvrir les rebelles ; tous seront passés au fil de la baïonnette ; les villages métairies, bois, landes, genêts et tout ce qui peut être brûlé sera livré aux flammes. »  On ne saurait oublier les Colonnes infernales, ni celles des fuyards dans la Virée de Galerne, ni l'armée des 'puants'  rongés de dyssenterie, ni les noyades de masse dans la Loire.

    Robert Dragan rappelle que, dans la Bretagne de 1789 que l'impôt régionalisé favorisait, le petit peuple avait fait corps avec la noblesse contre la centralisation et s'opposait dans la rue à la bourgeoisie que soutenaient les étudiants.  Aux Etats-Généraux, les députés de Bretagne formèrent alors un Club breton, qui fédère bientôt nombre de sociétés révolutionnaires, jusqu'à dépasser le millier en 1791.  Installant ses assises au couvent des Jacobins, il se rebaptise Société des amis de la Constitution.  Quand éclatent les guerres de Vendée, les mêmes opposition villes-campagnes se marquent.  Nantes, ville de négociants et d'armateurs, est révolutionnaire.  Le coup d'état d'extrême gauche de 1794 balaye les Feuillants et Girondains modérés et régionalistes, les amis de la Constitution le cédant aux amis de la Révolution.  Des aventuriers, agissant comme commissaires du Comité révolutionnaires commettent des monstruosités.  Les prisons débordant, des camps de concentration, des pontons, des manufactures sont ouverts.  La famine et le typhus y règnent.  A la guillotine trop lente on substitue des exécutions collectives.  

    Les Bretons, insulaires délogés de Grande-Bretagne, n'ont jamais su trouver leur centre.  Constitués en royaume à la faveur des incursions des Vikings, ils redeviennent bientôt un duché, disputé entre les Plantagenets et les Capétiens, lesquels l'emporteront.  L'annexion sera consacrée par le double mariage de la duchesse Anne avec Louis XII et ensuite Charles VIII et par celui de leur fille Claude avec François Ier.  Depuis, la France leur promet l'unité et l'indépendance et, en fait, elle les divise. Dès 1781, les persécutions religieuses et les levées de soldats provoquent résistance et révoltes, dont celle de Jean Cottereau, dit Jean Chouan.  En 1796, malgré le génocide de la Vendée, on estime à 50.000 le nombre des Chouans. Ils forment des compagnies, avec des capitaines élus, parfois des généraux comme Cadoudal.  Les discordes sont fréquentes.  Les républicains les qualifient de Brigands, ce qui n'est pas toujours immérité, car le général Rossignol a l'idée de créer des faux Chouans chargés de discréditer les vrais en commettant les pires exactions.  Après la chute de Robespierre, des contacts sont pris pour conclure une paix qu'une minorité seulement signe.  Les autres proclaméés en état d'arrestation, le conflit reprend.  Hoche, qui a succédé à Rossignol, obtient une reddition. Les Chouans, jouant le jeu, gagnent les élections de 1797, qui sont alors confisquées : la République ne survit que par les armes, la forfaiture et la dictature.  En 1799, la Loi des otages; qui présume les parents complices, relance l'insurrection.  Nantes et Le Mans sont prises et les prisonniers libérés.  Mais, en novembre, Bonaparte prend le pouvoir et propose l'amnistie contre la reddition.  Certains chefs l'acceptent, d'autres refusent, dont Cadoudal qui bat les armées d'Harty, mais se résigne à signer la paix.  Son entrevue avec Bonaparte ayant été un échec, il projette de l'enlever pour le livrer aux Anglais.  Trahi, il est arrêté par Fouché et exécuté.  En 1830, quand la révolution bourgeoise met Louis-Philippe à la place de Charles X, la bru de celui-ci, la duchesse de Berry, tente de réveiller la chouannerie et est arrêtée.  En 1892, l'encyclique de Léon XIII, qui prône le ralliement à la République, désarme le clergé et les monarchistes.  A l'imitation des Gallois, les Bretons créent en 1900 le Gorsedd ou assemblée des druides. 

    1585787516.jpgAprès la Grande Guerre, une jeune garde identitaire, qui se définit 'na ru na gwen' (ni rouge ni blanc), se constitue autour du journal Breizh Atao.  Un parti autonomiste fédéraliste ayant été lancé sans succès, le Parti National Breton, plus radical, est créé en 1931.  En 1932, Célestin Laîné dynamite la statue de la Reine Anne (représentée à genoux aux pieds de Charles VIII).  Le PNB est dissous et Laîné et Mordrel sont condamnés.  En 1939, ils s'opposent à ce que la France apporte une aide à la Pologne.  Laîné s'évade et Mordrel et Debauvais (qui défend « un national-socialisme breton ») sont condamnés à mort.  Bien que s'évanouisse le rêve d'une indépendance concédée par l'Allemagne victorieuse, Laîné crée les groupes de combat Bagadou Stourm, qui deviendront le Brezen Perrot, après l'assassinat par les communistes de l'Abbé Perrot.  Après la guerre, le combat prend une forme culturelle, avec des réussites, comme celle de la musique, et des échecs, comme celui de la langue.  L'épuration consacre la domination de la gauche et fera de la Bretagne une terre d'élection du PS.

    Fils de la Catalogne française, notre camarade Llorenç Perrié Albanell a pris part à Gérone (85.000 habitants) à l'ennivrant combat du 1er octobre pour la protection des urnes du referendum.  Celles du collège Santa Eulalia étaient protégées par 2.500 personnes, celles de l'école Eiximenis par 2.000.  Les Mossos d'Escuadra de la police catalane s'interposent alors entre la foule et la Guardia Civil espagnole.  C'est une authentique révolution populaire qui, malgré les provocations policières, reste non-violente.  La question que tout le monde se pose est celle de la stratégie de Puigdemont.  Alors qu'il avait la main, au lieu de chercher un soutien international au moment où se répandaient les images scandaleuses des violences policières contre des électeurs pacifiques, il attend un dialogue avec Rajoy qui n'en veut pas.  Et ce n'est que le 27 octobre que, soutenu par sa coalition et par des centaines de maires, il proclame la République catalane.  Mais il ne pose aucun acte d'indépendance : il ne place pas de Mossos aux frontières, il n'imprime aucun papier d'identité de la république, aucune milice citoyenne n'est constituée, aucune constitution provisoire n'est promulguée.  Il laisse partir son monde en weekend, sous la légalité espagnole, alors que Rajoy met en application l'article 155 de la Constitution.  Et il se prépare à participer, à partir de Bruxelles, aux élections, acceptant de se batre sur le terrain choisi par l'adversaire !

    Pour l'Alsacien Robert Spieler, révolutionnaire identitaire s'il en est, il est4015642196.png incroyable que Puigdemont et ses ministres ne se soient pas laissé emprisonner en Espagne : on ne peut faire de révolution qu'avec des révolutionnaires !  Annexée à la France en 1648, l'Alsace a pu conserver son dialecte allemand tant sous la monarchie française que sous l'empire allemand de 1870 à 1918, lorsqu'il existait un parlement alsacien et des députés alsaciens au Reichstag.  Les Strabourgeois francophiles célébraient alors chaque 14 juillet devant la statue du général Kléber.  En 1918, les troupes françaises furent bien accueillies.  Mais 110.000 personnes furent aussitôt expulsées, avec confiscation de leurs biens.  Le français fut imposé dans les écoles et le statut concordataire abrogé.  La révolte est générale et les autonomistes sont ovationnés.  Paris fait marche arrière.  Les journaux paraissent alors en allemand, y compris l'Action Française, mais les autonomistes sont persécutés.  Les fonctionnaires compromis sont mis à pied et un procès en haute trahison, le 'Procès du complot', est intenté aux chefs de l'opposition.  De violentes campagnes de presse fustigent les traîtres à la solde de l'Allemagne.  Le PC exige des exécutions.  A l'approche de la guerre, les leaders sont emprisonnées et Karl Roos est fusillé pour trahison.  Hermann Bickler ne survécut que grâce à la débâcle.  Mais le jacobinisme national-socialiste n'avait rien à envier à celui des Français et l'Alsace fut rattachée au Gau Oberrhein.  Après la guerre, l'éradication de la langue alsacienne fut féroce.

    Pierre Vial rappelle que la société féodale avait mis en place une mosaïque de sphères d'autonomie, contre-pouvoirs au pouvoir royal, lequel se reconnaissait ainsi des limites.  Les libertés et franchises qu'il accordait ont facilité un esprit communautaire qui a débouché sur l'institution communale.  Par les avantages obtenus, les villes étaient des pôles d'attraction propices à l'activité économique.  L'absolutisme royal s'appliquait plutôt à soumettre l'aristocratie guerrière, brutalement (Richelieu) ou subtilement (Louis XIV).  La France comptait un certain nombre de 'pays d'Etats', provinces qui disposaient d'assemblées de représentants des trois ordres (noblesse-clergé-tiers état) qui négociaient les impôts dus au roi avec ses intendants et les répartissaient ensuite entre diocèses et paroisses, en contrôlant la collecte. 

    253765004.jpgA la mort de Louis XIV, les guerres à répétition ayant mis les finances à sec, les Etats de Bretagne se sont estimés injustement pressurés et le parlement a refusé d'enregistrer l'édit de perception.  Le Régent fait alors exiler 73 délégués rebelles et accroît certains droits au mépris du Traité d'union.  Le Parlement de Bretagne interdit la levée et vote des remontrances.  Une Association patriotique bretonne mobilise plusieurs centaines de personnes et le marquis de Pontcallec réunit une petite troupe armée qui met en fuite les soldats chargés de la collecte.  Le Régent répond par une armée de 15.000 hommes.  Pontcallec, arrêté et promptement décapité, devient très populaire.  Le jacobinisme ne fera que reprendre, avec une violence inouie, l'éradication des identités et libertés des provinces.  Il les découpe en départements et, pour uniformiser les pensées, épouse la thèse de l'abbé Grégoire d'universaliser la langue française.  Contre ce système à tuer les peuples, des hommes se sont levés.  Francis Arzalier (Les régions du déshonneur, 2014) s'en désole: "La Corse, l'Alsace, la Bretagne prétendent exister: on n'en a jamais fini avec les volontés identitaires toujours renouvelées."  Les Corses, avec Pascal Paoli, chassèrent les Génois en 1755 et établirent une république démocratique.  La brutale conquête française verra dans les résistants des 'brigands' et, quand l'insurrection renaît avec la révolution, la République française ignorera la volonté populaire.  Avant la guerre, l'identité corse s'exprimait dans la revue A Muvra, très lue jusque dans les villages.  Saisie en 1938 et objet de poursuites, elle cesse de paraître en 1939.  En 1946, les procès intentés aux autonomistes se traduisent par de lourdes peines, malgré l'inanité des accusations de collaboration.  Les Alsaciens ont connu des sorts similaires, eux dont l'identité se trouve écartelée entre la France et l'Allemagne, ils sont pour la plupart attaché au bilinguisme que la France refuse.  C'est le cas de Karl Roos, un médecin, qui fonde le Parti de l'indépendance et qui, accusé d'intelligence avec l'ennemi, sera fusillé en février 1940.  Chez les Bretons, Olier Mordrel et Morvan Marchal animent le Parti autonomiste breton, lequel en 1927 invite à son congrès des délégations alsacienne, corse et flamands.  Cela déclenche la répression, en particulier contre les Alsaciens: quinze condamnés dont  deux viennent d'être élus député.  En réaction, le courant séparatiste va s'affirmer d'élection en élection: ce n'est qu'un début, continuons le combat.   

    http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2018/02/19/terre-peuple-magazine-n-74-jacobinisme-liberticide.html