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culture et histoire - Page 895

  • Franck Buleux, auteur de la biographie récente de Savitri Davi s'explique sur Métamag

    74438606.jpgUn entretien avec Michel Lhomme cliquez ici

    Michel Lhomme : Après l’Europe et l’éternel débat du fédéralisme européen, nous nous retrouvons pour un livre déroutant venant de votre part, une biographie sur l’indianiste Savitri Devi née à Lyon en 1905, figure connue du monde underground et qui a été la première à considérer Adolf Hitler comme un avatar, un dieu venu sur terre sous forme humaine pour restaurer l’Age d’Or. Alors de quoi Savitri Devi est-elle le nom ? Comment expliquer individuellement cet intérêt porté à une « païenne végan » pour parler comme l’époque ?

    1644550454.jpgFranck Buleux : Écrire une biographie sur Savitri Devi, c’est surtout avoir la capacité préalable, et nécessaire, d’éloigner de son propre esprit la reductio ad hitlerum dont elle a fait – et fait toujours – l’objet et, il faut bien le dire, dans laquelle elle a baigné de son plein gré. Toutefois, refuser de réduire une personne à un mythe même convenu – et accepté -est l’essence même du respect de la nature humaine, par définition complexe.

    Il n’est pas question de nier la proximité de cette femme avec les individus qui composèrent l’Internationale nationale-socialiste après la Seconde Guerre mondiale jusqu’à, et au-delà, de sa mort en 1982. Mais malgré cela, ses rencontres ne se sont pas limitées à des admirateurs du Führer allemand.

    Véritable dépositaire de la défense animale, voire végétale et minérale, Savitri Devi consacra son existence aux être non-humains qu’elle considérait probablement mieux, car meilleurs, que ses propres congénères. Elle déifiait la Nature pour laquelle elle vouait un culte immodéré. Devenue hindouiste, elle n’écartait pas le phénomène de la réincarnation auquel elle n’appliquait aucune hiérarchisation (contrairement à la réincarnation traditionnelle qui privilégie une évolution vers la perfection humaine).

    Intriguée aussi par le monde de l’occulte, elle affirma sa proximité avec de nombreuses sociétés secrètes, de la Rose-Croix, qui ira jusqu’à éditer certains de ses travaux sur le pharaon Akhenaton, jusqu’à la franc-maçonnerie en passant par la Société théosophique.

    Érudite, titulaire d’un double doctorat, littéraire comme scientifique, cette femme complexe ne fut rien d’autre… qu’une femme libre. Libre à travers le temps et l’espace, née à Lyon, convertie à l’hindouisme en Inde, morte en Grande-Bretagne, inhumée à Arlington, en Virginie…

    Elle manifesta cette liberté suprême par la défense des proscrits et des réprouvés.

    Une femme libre mais sans enfants ?

    Son regret ultime, ne pas avoir pu transmettre. Transmettre à un fils, une fille… à un être qui aurait pu continuer son combat, qui aurait pu tout simplement la comprendre. Mais comment mettre au monde lorsque l’on a pris l’option d’une union chaste ? Comment mettre au monde quand on a découvert des origines que l’on repousse ?

    Oui, je sais, cette femme solitaire peut susciter des polémiques mais elle ne manquera pas de vous intriguer, de vous déplaire comme de vous émouvoir. C’est ce que j’ai cherché à transmettre par ce court travail. Pour moi, à travers l’ordre établi du monde, Savitri Devi tenta de survivre à contre-temps et à contre-courant dans le monde du kali yuga.

    Indubitablement effectivement, dans cette brève mais dense biographie, ni complaisante, ni assassine, vous découvrirez une femme en quête de ses propres repères mais son univers, le monde qui l’entoure n’est-il jamais que le reflet de son propre être ?


    Certainement, Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’univers et les dieux, cette inscription au seuil du Temple de Delphes reflète pour moi toute la vie de Savitri Devi. Née Maximiani Portas, elle s’était muée en Savitri Devi, tel le papillon abandonnant la chenille. Et la quête qu’elle entreprit, qui la mena jusqu’en Inde, est éternelle. Elle est aussi la nôtre.

    Que découvrirons-nous alors dans cette biographie ?

    Dans cette biographie, vous découvrirez :
    – que Savitri Devi quitte l’Europe pour l’Inde avant l’arrivée de Hitler au pouvoir en Allemagne ;
    – que Savitri Devi épousa un Brahmane pour éviter d’être expulsée d’Inde ;
    – qu’elle fut la préceptrice, à Athènes, d’un futur intellectuel trotskiste ;
    – qu’elle rentra en Europe, faute d’avoir pu être reconnue comme elle le souhaitait en Inde ;
    – qu’elle eut des amitiés maçonniques avec lesquelles elle partagea des conceptions philosophiques ;
    – qu’elle travailla pour l’Éducation nationale française (dont elle fut pensionnée lors de sa retraite) ;
    – qu’elle séjourna au cœur de la Normandie chez la nièce de Christian Dior pour rédiger son autobiographie ;
    et pourquoi elle ne souhaitait pas d’héritiers biologiques ?

    En somme elle n’était pas une femme ordinaire ?

    Oui et décidément, Savitri Devi ne fut pas une femme ordinaire. Trente-cinq ans après son départ, il est probablement temps de découvrir, un peu, cette femme qui se situait hors du Temps.

    Pour notre part, nous avions lu il y a quelques années la biographie intellectuelle de 336 pages de Nicholas Goodrick-Clarke, “Savitri Devi, la grande prêtresse d’Hitler”. Dans cette biographie à l’anglo-saxone, Goodrick-Clarke s’intéressait à la formation intellectuelle de Savitri, au nationalisme hindou, aux réseaux clandestins d’après-guerre, à l’émergeance du révisionnisme, à l’internationale néo-nazie, à l’héritage idéologique de S. Devi au sein de divers mouvements nationalistes, écologistes et au cœur du New Age. Croyez-vous aussi que la doctrine de Savitri Devi soit comme une passerelle entre le mysticisme aryen associé à l’extrême droite et le paganisme du Nouvel Age ? Comment caractériseriez-vous finalement cette doctrine et en quoi peut-elle nous intéresser aujourd’hui ? De quelle religion avons-nous donc besoin ?
    Le livre que vous citez est issu d’une thèse universitaire et utilisant une technique relativement attrape-tout, à partir d’un mot-clé, il brode tout en oubliant le sujet principal, Savitri Devi, ce qui lui permet ainsi de « faire des pages ». Pour en revenir à votre question, Savitri Devi cherche la Vérité, c’est-à-dire une théorie absolue et transcendante qui lui permet d’affirmer que la Nature est éternelle s’incarnant dans différents éléments et l’Homme n’est qu’une espèce de parasite éphémère. Sa conception du monde nous renvoie à une prépondérance de Gaïa contre l’Homme, en cela les mouvements écologiques alternatifs (la « deep ecology ») rejoignent la pensée de Savitri Devi. Le politologue Stéphane François l’avait déjà relevé dans son livre “L’écologie politique“, paru en 2012 aux éditions du Cerf.
    Il y a une permanence incarnée dans le monde naturel dans la pensée de Savitri Devi qui va bien au-delà de la perception de nos contemporains sur sa propre personne. Sa doctrine est, vous venez de le relever, beaucoup plus religieuse que politique. Ses rencontres, qu’elle n’a jamais rejetées, en firent un archétype de l’extrême-droite la plus radicale mais sa pensée, son mode de vie, la plupart de ses écrits nous ramènent vers un courant traditionnaliste universel en quête d’absolu et de vérité, où l’Homme moderne n’a guère sa place. Ses aspirations anti-modernistes et son apparence indianiste auraient pu faire de Savitri Devi une femme inspirant une dissidence sociale, voire religieuse mais notre époque l’a brusquement abandonné tout près de la jetée. Elle aurait préféré la haute mer. Elle restera donc un rocher contre le Temps, et comme elle s’auto-définissait, une femme « pure, dure, sûre » !

    FRANCK BULEUX, SAVITRI DEVI, COLLECTION QUI SUIS-JE ? PARDÈS, 2017 cliquez ici.

    http://synthesenationale.hautetfort.com/archive/2018/01/30/franck-buleux-auteur-de-la-biographie-recente-de-savitri-dav-6022022.html

  • Dédié aux nigauds indignés : où 2 auteurs célèbres dédicaçaient leurs livres à Maurras : ici Cocteau et De Gaulle ...

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    Posté par Stéphane Blanchonnet sur les réseaux sociaux. Dans la bibliothèque de Charles Maurras, il y a des centaines d'autres dédicaces de toute l'intelligence française du siècle écoulé ...

    http://lafautearousseau.hautetfort.com/

  • COMMÉMORONS MAURRAS AVEC MME NYSSEN OU SANS ELLE !

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    Stéphane Blanchonnet,

    Président du Comité directeur de l'Action française

    L’annonce récente de l’inscription de Maurras — qui aurait eu 150 ans cette année — au programme des commémorations du ministère de la Culture pour 2018 provoque une de ces polémiques quasi quotidiennes qui agitent les réseaux sociaux… Tous les censeurs professionnels sont à la manœuvre : Corbière, la LICRA, Valls, etc., et le ministre de la Culture lui-même, Mme Nyssen, se voit contrainte, face à ce déchaînement de raccourcis et de caricatures, de rappeler cette évidence que commémorer un personnage important de l’Histoire et des lettres françaises ne signifie pas adhésion totale à sa personne et à ses écrits !

    La vérité est que cette polémique est emblématique de la situation paradoxale de Maurras. Tout le monde, même parmi les demi-habiles et les demi-cultivés qui font la pluie et le beau temps dans le peu qu’il reste de vie intellectuelle française, connaît le nom du maître de l’Action française (plus, éventuellement, quelques citations polémiques et sorties de leur contexte) mais personne, ou presque, n’a lu une seule œuvre de ce géant de notre littérature, auteur de centaines d’ouvrages et de milliers de pages, qui firent les délices et l’admiration de Proust, Apollinaire, Cocteau, Kessel, Malraux, de Gaulle ou même Lacan.

    Au fond, que Maurras soit ou non maintenu (il a, semble-t-il, été retiré depuis la rédaction de cet article) à la place qui est légitimement la sienne dans cette liste d’événements ou d’auteurs à commémorer dans le cadre officiel importe peu. Les censeurs pressés et incultes qui se sont manifestés lui ont finalement rendu le meilleur des services en attirant l’attention sur lui au moment où la réédition d’une partie de son œuvre littéraire, politique et critique est annoncée pour avril prochain chez un grand éditeur.
     
    Le vrai public cultivé ira aux œuvres et jugera sur pièces !
    http://synthesenationale.hautetfort.com/
  • A lire: Le quai de Ouistreham - Florence Aubenas

    Le-quai-de-Ouistreham.jpgPrécarité. Un mot que l'on entend, dans les discussions, et dans les médias. Ce mot est surtout l'apanage de la "sacro-sainte gauche humaniste", s'emparant de ce terme afin de dénoncer la situation des sans-papiers et autres immigrés clandestins. Ce qui est une grave erreur.
    En effet, la précarité existe, tout autour de nous, et plus particulièrement pour les français enracinés, ce que s'attache à montrer Florence Aubenas dans son ouvrage. Cette journaliste, a pendant plusieurs mois, sous un nom d'emprunt, vécu la situation de ces travailleurs pauvres, injustement oubliés, et qui pourtant font fonctionner la société. Vie dure, enchaînement de contrats à défaut de périodes de chômage, non reconnaissance, et (je me répète) oubli de la part du reste de la population. Pourtant ils sont bien présents, et font les petits boulots que la classe moyenne refuse de faire, par mépris, et par un orgueil de classe.
    Cet ouvrage montre aussi les lacunes flagrantes d'un système outrageant, l'ANPE avec ses pseudos-formations, et son manque d'intérêt envers des personnes qui cherchent par tous les moyens de sortir de cette misère.
    Il ne faut pas oublier que plus de la moitié de la population française gagne le Smic, et une autre partie non négligeable gagne en-deça du Smic, autant dire qu'ici, il n'est pas question de vivre mais de survivre.
    Cependant, ces personnes qu'on appelle malheureusement de manière négative "petites gens" ont une qualité, qui aujourd'hui tend à disparaître, la solidarité, le sens de l'aide de manière désintéressée, car ils savent "ce qu'est la galère" et il n'est pas question de laisser tomber les autres, par exemple, la journaliste, n'ayant pas de moyen de locomotion pour aller travailler, s'est vue prêter une automobile par une personne qu'elle venait juste de rencontrer afin qu'elle puisse travailler.
    Ce livre reste un reportage, cependant le style est fluide, se lit remarquablement bien, et se focalise sur les points importants sur la situation d'une catégorie de la population d'un des pays les plus riches au monde.
    Il est clair qu'il est plus simple de montrer à la télé, les reportages sur les vacances de luxe, yachts et soirées "jet-set" que de montrer ces français qui vivent dans des caravanes sans chauffage et sans eau courante (alors qu'ils travaillent!), ces enfants allant en pyjama à l'école et faisant le tour des pâtés de maisons le midi (les parents n'ayant pas les moyens de leur payer la cantine) en attendant que leurs camarades aient fini de déjeuner.
    Si la misère du monde à travers les médias vend plus, il est impensable dans notre pays d'oublier ceux qui vivent près de chez nous et qui donnent l'impression de sortir d'un roman de Zola.
    Pourtant un petit pas a été fait, la dernière campagne des restos du coeur, où sont montrés des retraités avec une pension misérable, des étudiants en situation de précarité et des travailleurs pauvres qui ne gagnent pas assez pour pouvoir manger convenablement. Une association, peu médiatisée malheureusement existe, ATD Quart-Monde (désignant par ce terme la pauvreté dans les pays riches), en effet quand la gauche s'emeut pour le Tiers-Monde, elle en oublie presque (et parfois volontairement) que la misère est aussi chez nous, qu'elle concerne des personnes nées en France, travaillant en France, mais qui sont d'origine française, avec un nom typiquement français, et d'origine catholique.
    L'ouvrage de Florence Aubenas est un livre qu'il faut lire, il sensibilise par la force de sa vérité, d'autant plus qu'elle ne se laisse aller à aucun type de jugement pouvant altérer la qualité de son livre, dans la mesure où ce sont les faits et l'expérience du terrain qui révèlent une situation que l'on essaie d'oublier par omission.
    Leu Xan

  • Education • Pour un certain élitisme scolaire

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    Dans cette tribune du Journal de Montréal [25.01] Mathieu Bock-Côté pointe avec raison l'égalitarisme scolaire qui vise à couper tout ce qui dépasse, et nuit aux plus doués, abaisse dramatiquement le niveau culturel de nos sociétés, empêche la formation d'élites cultivées. Mathieu Bock-Côté a raison. Et ce qu'il dit pour le Québec vaut évidemment pour la France.    LFAR  

    Le dossier du Journal sur le mauvais sort réservé aux surdoués à l’école en dit beaucoup sur certains travers de la culture québécoise.

    On veut croire qu’ils n’ont pas de besoins particuliers. On fait presque comme si leur intelligence était un défaut : elle fracture l’illusion égalitariste à laquelle le milieu de l’éducation tient beaucoup. On refuse de croire à la diversité des talents.

    Intelligence 

    Si des enfants sont plus doués que d’autres, on l’explique seulement par leurs origines sociales. Tous les enfants seraient également intelligents : c’est seulement que certains auraient profité d’un milieu avantageux pour cultiver leurs talents, et d’autres non.

    Un certain égalitarisme pousse à couper tout ce qui dépasse. On veut bien qu’il y ait une élite sportive ou artistique, mais certainement pas une élite intellectuelle.

    On le constate au quotidien, d’ailleurs. Celui qui s’exprime avec trop d’aisance en français et qui ne s’interdit pas l’usage de mots auxquels nous ne sommes pas habitués sera accusé de snobisme.

    Celui qui se permet quelques références philosophiques ou historiques dans la vie publique sera présenté comme un pelleteur de nuages seulement bon pour inspirer les moqueries.

    Faut-il rappeler qu’à la radio comme à la télévision, on ne trouve aucune émission exigeante et de qualité consacrée aux livres et aux grands débats de société ?

    Il faudrait avoir le courage d’un certain élitisme scolaire. Non pas pour séparer les plus doués de l’ensemble de la société, mais pour leur permettre de développer leur plein potentiel.

    Pourquoi faudrait-il s’en vouloir de créer des classes de douance pour ceux qui en sont capables ?

    Les parents sont à la recherche de cette culture de l’excellence scolaire, ce qui les pousse vers l’école privée, où ils croient trouver un certain encadrement pour leurs enfants.

    Mais on se raconte des histoires quand on s’imagine que le privé est le gardien d’une définition substantielle de la culture. Lui aussi a cédé, très souvent, à la négligence culturelle qu’il croit compenser par la surdose technologique.

    À quoi pourrait ressembler une politique de l’élitisme scolaire ? Fondamentalement, elle devrait chercher à identifier les jeunes les plus doués, quel que soit leur milieu d’origine. Elle devrait même faire un effort de plus vers les milieux défavorisés pour repérer le talent brut qui n’a pas été exploité. Il s’agirait ensuite d’élaborer un programme permettant leur plein épanouissement.

    Il faut savoir aussi quelle idée de l’excellence on valorise. Elle ne devrait pas relever seulement de l’obsession mathématique et scientifique.

    Culture

    Le mauvais sort réservé à la littérature, à l’histoire et plus largement aux humanités est quasi criminel. Une élite de qualité est une élite cultivée.

    Évidemment, cela ne veut pas dire qu’il faut accorder aux surdoués un monopole sur la culture. Cela veut encore moins dire qu’ils ont le monopole de l’intelligence. Tout le monde a droit à une éducation de qualité.

    Cela veut seulement dire qu’on donne à ceux qui peuvent en faire plus l’occasion d’en faire plus.    

    Mathieu Bock-Côté

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007), de Le multiculturalisme comme religion politique (éd. du Cerf, 2016) et de Le Nouveau Régime (Boréal, 2017).

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  • Ernst Jünger et la vie magnifique

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    LECTURE - Luc-Olivier d'Algange a publié, Le Déchiffrement du monde : La gnose poétique d'Ernst Jünger, aux éditions de l'Hamattan. Rémi Soulié nous invite à découvrir cette méditation sur le Temps, les dieux, les songes et symboles. 

    Les poètes sont de singuliers alchimistes qui tendent moins à transformer en or les métaux vils qu'à montrer (au sens de la monstration) la beauté de l'être derrière le fatras plus ou moins informe des temps. Telle est la vocation de Luc-Olivier d'Algange, qu'il illustre dans ses poèmes, ses essais — qui sont aussi des poèmes — et dans sa vie — qui en est un aussi tant nous la savons contemplative, accordée aux œuvres, aux heures et aux saisons. 

    Ernst Jünger, dont on célébrera en 2018 le vingtième anniversaire de la disparition, compte de longue date au nombre de ses intercesseurs, de ses compagnons de songes et d'exactitudes, lesquels ne sont séparés que par des esprits obtus, ennemis de la nuance et des nuages - le mot est le même -, bref, des esprits modernes oscillant entre fanatisme et relativisme, avers et revers de la pendeloque nihiliste, la pendeloque désignant aussi l'excroissance de peau que les chèvres portent sur l'avant du cou.

    Comme il n'est de voyage qu'initiatique et de pèlerinage que chérubinique, Le Déchiffrement du monde - dont l'alphabet, par définition, est l'invention de Novalis, entre Saïs et Bohême -, publié dans la superbe collection Théôria, dirigée par Pierre-Marie Sigaud aux Éditions L'Harmattan, est une carte où lire la géographie d'un esprit, d'un cœur et d'une âme, non sur le mode universitaire, scientifique et technique, mais sur celui, musical, qui convient aux muses orphiques, celles-là mêmes que Philosophie, hélas, congédie au début de la Consolation de la philosophie de Boèce mais que Métaphysique, dans l'œuvre de d'Algange, réintroduit prestement. Il ne faut pas non plus s'attendre à une lecture politique ou, a fortiori, idéologique de l'œuvre de Jünger : place à une lecture de haute intensité, à un discours de la méthode, à une herméneutique infinie comme le monde fini !

    Le « vaisseau cosmique » dans lequel nous sommes embarqués et dont nous sommes convoie en effet aussi bien les galaxies que les cicindèles, les unes et les autres correspondant analogiquement entre elles en vertu de la loi des gradations elles-mêmes infinies et d'une gnose héraldique où le visible est l'empreinte de l'invisible. Nous sommes parvenus à un point tel de l'involution que très peu, c'est à craindre, reconnaîtront là leur pays.

    Ce livre, comme tous ceux de Luc-Olivier d'Algange, est donc écrit pour les « rares heureux » stendhaliens ou ceux qui forment les pléiades des « fils de roi » chers à Gobineau — fort heureusement, leurs privilèges se transmettent à quiconque (déserteurs gioniens, rebelles et anarques jüngeriens…) échappe au règne titanique et despotique de la quantité. Dans sa Visite à Godenholm, citée par d'Algange, Jünger évoque d'ailleurs ces « petits groupes » qui, dans les déserts, les couvents et les ermitages, rassemblent des irréguliers, stoïciens et gnostiques, autour de philosophes, de prophètes et d'initiés gardant « une conscience, une sapience supérieure à la contrainte et à l'histoire. »

    En dix chapitres — « Ernst Jünger déchiffreur et mémorialiste », « Le nuage, la flamme, la vague », « L'art herméneutique », « Le regard stéréoscopique », « L'œil du cyclone : Jünger et Evola », « Le songe d'Hypérion: Jünger et Hölderlin », « De la philosophie à la gnose », « La science des orées et des seuils », « L'Ermitage aux buissons blancs », « Par-delà la ligne » — d'Algange pulvérise la fallacieuse distinction qui oppose un premier Jünger nationaliste, belliqueux et esthète à un second, contemplateur solitaire et méditatif. Il montre - là encore, au sens de la monstration, contre les démonstrations pesantes et disgracieuses - que Jünger vécut une seule et unique expérience spirituelle dans laquelle la contemplation est action, et inversement, ce qui échappe aux modernes empêtrés dans les diableries des scissions entre le sujet et l'objet, l'un et le multiple, l'immanence et la transcendance, le temps et l'éternité, l'être et le devenir, Dieu et les dieux, etc. Voilà d'ailleurs pourquoi d'Algange n'a jamais écrit qu'un seul livre — mais c'est un chef d'oeuvre : l'art poétique et métaphysique des symboles. « L'éternel devenir de la vérité de l'être, écrit-il, surgit sous les atours de l'intemporel, à la pointe de l'instant, sur la diaprure de l'aile du moucheron, dans l'irisation de la goutte de rosée que le premier soleil abolit, nuance dans la nuance. »

    Le Cœur aventureux, à rebours des assurances bourgeoises, des morales puritaines et utilitaristes, du pathos humanitaire et psychologique, s'est glissé dans les contrées du monde sensible et intelligible armé de la « raison panoramique » qui, à la différence des logiques binaires ou dialectiques, embrasse ainsi la totalité et fait briller la coincidentia oppositorum que nulle analyse ne décompose. La synthèse intuitivement perçue du Tout y resplendit avec ses anges, ses papillons, ses champs de bataille, ses rêves, ses mythes, ses légendes, ses collines et ses rivages, ses formes, ses types et ses figures dont celles du Soldat, du Travailleur, du Rebelle et de l'Anarque. Tout y est subtil comme une chasse, comme une pensée qui est une pesée, « l'étymologie étant, avec les sciences naturelles, l'art héraldique par excellence. » De ce point de vue, Jünger hérite du romantisme allemand et prolonge bien sûr cette « Allemagne secrète » dont Stefan George fut le héraut inspiré.

    Dans cette miniature lumineuse qu'est Le Déchiffrement du monde, la perspective souligne les dimensions de hauteur et de profondeur où se meut naturellement et surnaturellement Jünger. L'approche y est qualitative et courtoise, comme dans un ermitage creusé dans des falaises de marbre où il serait encore possible de lire et d'herboriser — ce qui revient au même — loin des hordes forestières. C'est ainsi qu'Ernst Jünger et Luc-Olivier d'Algange nous initient à « la vie magnifique ». Magnifique, oui, le mot s'impose.  

    Rémi Soulié, écrivain, essayiste, critique littéraire, collaborateur du Figaro Magazine, est, entre autres, l'auteur de Nietzsche ou la sagesse dionysiaque, Pour saluer Pierre Boutang, De la promenade : traité, Le Vieux Rouergue.

    Figarovox du 12.12.2017

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    Pour saluer Pierre Boutang, Rémi Soulié, éd. Pierre-Guillaume de Roux, 140 pages, 21€ 

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