culture et histoire - Page 896
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Lille, vendredi 9 mars : une conférence sur le thème "l'Europe, une civilisation politique ?" avec Robert Steuckers
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TERRE & PEUPLE Magazine n°74: Jacobinisme liberticide
Communiqué de "Terre & Peuple-Wallonie"
TERRE & PEUPLE Magazine n°74: Jacobinisme liberticide
Le numéro 74 de TERRE & PEUPLE Magazine est centré autour du thème du 'Jacobinisme liberticide'.
Dans son éditorial, Pierre Vial croise ses projecteurs sur les dénis du réel que proclament sans pudeur les saltimbanques obscènes de la comédie politicienne européenne, avec en tête le micro-Macron. Président des riches, il affecte de ne pas voir la pauvreté de neuf millions de ses compatriotes, ou de pouvoir l'imputer à leur paresse. Et de n'apercevoir, dans la crise démographique et le grand remplacement, qu'une hypothèse complotiste, et dans la menace djihadiste et la radicalisation qu'un problème de rééducation de déséquilibrés. Il serait, cela mis à part, l'homme de l'avenir. Quel avenir ?
C'est Robert Dragan qui recueille la pensée de Jean Haudry, prélat de la confession indo-européaniste, sur son livre 'La religion des Indo-Européens' et en particulier sur 'Le feu dans la tradition indo-européenne'. Le feu est primordial dans la tradition préhistorique, central dans le foyer qu'il illumine et réchauffe. Il éclaire des métaphores, telle le feu de la parole qualifiante, le feu des eaux, qui désigne l'or. Si, à l'époque classique, il est présenté sous les formes d'une profusion de divinités diverses, d'Hestia-Vesta à Prométhée, en passant par Apollon, Héphaïstos et Artémis, avec leurs correspondants celtiques, germaniques, indiens, slave ou baltes, cette prolifération exprime l'importance de la notion : le feu est omniprésent dans la nature et dans l'homme. L'idée que la fortune est liée au feu apparaît à la fois très ancienne, à en juger sur les correspondances sur lesquelles elle se fonde, et très durable. Pour Héraclite, le feu constitue la substance même de l'univers. Aristote fait remonter cette conception à Pythagore. De fait, pour Philolaos, le « foyer de l'univers, maison de Zeus, principe de cohésion et mesure de la nature » est situé au milieu du monde. Or, comme l'a montré Schuhl, à partir d'un passage du Phèdre, la Nécessité s'identifie à la fois à Hestia « qui siège au centre du monde comme au coeur des cités, sur l'omphalos, au foyer des prytanées » et à l'idée du Bien : « Ce n'est pas un Atlas qui supporte le monde, mais le bien et l'obligation qui supportent toute chose. » Conception proche de celle de l'hymne védique à Mitra, « Mitra (contrat d'amitié) soutient terre et ciel», elle repose sur une homologie traditionnelle entre le respect des obligations, la cohérence du monde qui en dépend et le feu qui est l'élément lié à Mitra.
Jean-Patrick Arteault dresse avec une grande pénétration un état de l'opinion avant, pendant et après les dernières élections présidentielles. De nombreux Français étant attachés, par peur du changement, à l'euro et à l'Union européenne, il aurait mieux valu n'en point parler, d'autant plus que la souveraineté n'est qu'un moyen pour faire respecter l'identité. Et mener plutôt des actions discrètes, pour restaurer d'abord les souverainetés nationales, sans lesquelles on ne peut appliquer de politiques identitaires. Et faire le choix d'alliances avec des nations européennes souveraines, dont la Russie, pour en faire, à très long terme, naître une synthèse impériale, et non impérialiste. L'incapacité patente de la gauche intellectuelle à renouveler ses idées, le désarroi de ses plumitifs devant la défiance grandissante du public, son asservissement à l'oligarchie libérale, dont elle reprend tous les éléments de langage, tout cela a pu faire croire que la bataille métapolitique était gagnée. Cette victoire ne sera toutefois acquise que lorsque la grande majorité des écrivains et artistes exprimera consciemment (ou encore mieux inconsciemment) notre vision, lorsque la majorité des journalistes valorisera nos idées sans y être contraints. Lorsque la majorité des histrions qui façonnent la culture populaire travailleront spontanément dans notre sensibilité. Lorsqu'une grande majorité des enseignants transmettront nos concepts et valeurs, y ayant adhéré profondément. Lorsque pour une grande majorité de chercheurs notre vision du monde sera devenue le paradigme de leurs travaux. Dès lors, plus que jamais, c'est l'impératif métapolitique qui est à l'ordre du jour, l'investissement politique n'étant qu'une affiche de propagande. En matière électorale, à propos de la 'Ligne Buisson' qui vise à exploiter autant que la veine ouvriériste celle des conservateurs, l'auteur relève pas mal d'ambiguité : des conservateurs, mais de quoi ? D'une forme politique qui, à défaut de fond, permet la survie tant que le capitalisme financier n'a pas détruit les cadres sociaux et culturels ? Quand ce n'est pas un conservatisme réactionnaire de nostalgiques, ou tout simplement de nantis, voire de colbertiens raisonnables qu'inquiètent les partageux. L'ambiguïté de leur conservatisme est encore aggravée pour les catholiques, par leur vocation universaliste, quand ce n'est pas par leur 'anti-fascisme'. On est loin de la fidélité à la tradition culturelle populaire et ses fondamentaux moraux. Jean-Patrick Arteault veut croire à la sincérité de Patrick Buisson quand celui-ci veut joindre aux conservateurs intégraux la couche populaire instinctivement identitaire. Il avertit contre le risque de servir de Harkis à une bourgeoisie apatride. On ne peut blâmer le FN de tenir à distance des éléments compromis dans des structures largements infiltrées d'indicateurs, de provocateurs et de policiers, qui sont utilisés pour lui nuire. Mais bien de négliger les enjeux actuels qui préoccupent la majorité de la population. La dédiabolisation est un échec pour le FN, qui a rallié l'idéologie d'un ennemi que cela ne retiendra pas pour autant de le disqualifier médiatiquement et de l'incapaciter politiquement. Il en va de même de sa pudibonde bouderie à l'égard des catholiques de tradition, trop faibles pour faire la différence, mais assez forts pour qu'on ne puisse les ignorer, même s'il est vrai que certaines références culturelles des traditionnels sont à peu près aussi ouvertes que celles des salafistes. La Nouvelle Droite a bien démontré que l'occidentalisme est la phase terminale de la laïcisation du christianisme. Mais elle a contribué à déchristianiser une frange identitaire, la coupant d'une pratique native du sacré religieux qu'un néo-paganisme intellectualisé ne remplace pas.
Introduisant le dossier central, Pierre Vial qualifie le jacobinisme d'utérus d'où est sorti le système à broyer les peuples et les individus. Pour confisquer les libertés concrètes que ceux-ci s'étaient conquises, il a coupé les têtes au nom de la Liberté. Pour les isoler et anéantir leur conscience identitaire, il a coupé les racines qui rattachent les individus à leur terre et à leurs ancêtres.
Alain Cagnat rappelle que Louis XVI, ayant commis la faiblesse de convoquer les Etats Généraux, a activé les doléances de nombreuses sociétés de pensée, dont le Club Breton. Les députés du tiers état se proclament Assemblée constituante et le club breton Société des amis de la Constitution, qui rédige la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen et va s'installer au couvent des Jacobins. Il va connaître un développement rapide, notamment en province, sans cesser de se radicaliser. Allégeant ses conditions d'adhésion, il gonfle ses effectifs, qui basculent bientôt dans l'extrémisme. Peu après, Paris se soulève et ramène de force Louis XVI à Paris. D'abord réservé, Robespierre rallie la ligne dure et, le 29 juillet 1792, propose la destitution du roi et l'élection au suffrage universel d'une Convention. Le 9 août, la Commune insurrectionnelle de Paris est créée et le 17 août siège le premier tribunal révolutionnaire. Le massacre se déchaîne. La monarchie est abolie. Le 21 janvier, le roi est guillotiné. Certaines provinces se rebellent. La France, qui est dans le même temps en guerre avec tous ses voisins, lève 300.000 hommes. La patrie étant en danger, pour sauver la Révolution, un Comité de salut Public de douze députés cumule tous les pouvoirs. Les tribunaux révolutionnaires champignonnent et les têtes roulent, tandis que se consomme le génocide vendéen. Succès au plan international, les alliés se replient derrière le Rhin. Les Jacobins liquident tous leurs adversaires politiques. Robespierre, qui croit triompher, entame la brève période de la Grande Terreur, mais se laisse maladroitement arrêter. Il est décapité deux jours plus tard. Le jacobinisme est bien autre chose que le parisianisme centralisateur, qui a régné en France depuis Philippe le Bel jusque Louis XV. C'est une dictature qui justifie sa violence par la vertu : le peuple souverain est constitué des hommes vertueux. Robespierre est 'Incorruptible'. La loi est le lien social et le délinquant se retranche du peuple. La loi jacobine est infaillible et sa justice est éternelle. L'objectif est une loi naturelle universelle. Celui qui y contrevient est impur, il doit être éliminé. Elue par le peuple, la Convention se considère son image parfaite et elle décide la mort du roi, plutôt que par un referendum dont l'issue aurait été incertaine. Le peuple lui-même peut être corrompu et c'est le cas de la gangrène vendéenne. Justice prompte et inflexible, la Terreur est une émanation de la vertu. Dans les influences à la source du jacobinisme, l'auteur voit l'usure de la piété au XVIIIe siècle, les réticences du clergé à l'égard du progrès scientifique, la contestation de l'autorité papale par les protestants, les philosophes des Lumières. Ceux-ci mettent à mal la Révélation, mais se partagent entre ceux qui osent se déclarer athées et les déistes, dont Voltaire que l'univers embarrasse et qui ne peut « songer que cette horloge existe et n'ait point d'horloger». La conclusion est à Michel Onfray : « De Marine Le Pen à Philippe Poutou en passant par Macron et Mélenchon, Hamon ou Fillon, tous communient dans une même religion jacobine. C'est ce logiciel qu'il faut jeter à la poubelle. »
Le tableau émouvant des Guerres de Vendée que brosse Pierre
Morilleau constitue une grande fresque, monumentale jusque dans ses détails, dont il est pratiquement impossible d'extraire la synthèse. Des horreurs abominables des guerres de Vendée (auxquelles n'ont mis fin qu'en janvier 1800 les Paix de Montfaucon et de Candé), on pourrait dire que, quelque fournie qu'en soit l'information que nous en avions réunie, le présent rappel démontre que nous étions encore loin du compte. Il démontre surtout que ces horreurs ont été générées par la roide logique jacobine, comme en témoignent les citations dont l'auteur émaille son texte. Notamment « Les forêts seront abbatues, les récoltes seront coupées pour être portées sur les derrières de l'armée, les bestiaux seront saisis. » - « Soldats de la Liberté, il faut que les brigands de la Vendée soient exterminés. Le salut de la patrie l'exige, l'impatience du peuple français le réclame, son courage l'accomplira. » - « On emploira tous les moyens pour découvrir les rebelles ; tous seront passés au fil de la baïonnette ; les villages métairies, bois, landes, genêts et tout ce qui peut être brûlé sera livré aux flammes. » On ne saurait oublier les Colonnes infernales, ni celles des fuyards dans la Virée de Galerne, ni l'armée des 'puants' rongés de dyssenterie, ni les noyades de masse dans la Loire.
Robert Dragan rappelle que, dans la Bretagne de 1789 que l'impôt régionalisé favorisait, le petit peuple avait fait corps avec la noblesse contre la centralisation et s'opposait dans la rue à la bourgeoisie que soutenaient les étudiants. Aux Etats-Généraux, les députés de Bretagne formèrent alors un Club breton, qui fédère bientôt nombre de sociétés révolutionnaires, jusqu'à dépasser le millier en 1791. Installant ses assises au couvent des Jacobins, il se rebaptise Société des amis de la Constitution. Quand éclatent les guerres de Vendée, les mêmes opposition villes-campagnes se marquent. Nantes, ville de négociants et d'armateurs, est révolutionnaire. Le coup d'état d'extrême gauche de 1794 balaye les Feuillants et Girondains modérés et régionalistes, les amis de la Constitution le cédant aux amis de la Révolution. Des aventuriers, agissant comme commissaires du Comité révolutionnaires commettent des monstruosités. Les prisons débordant, des camps de concentration, des pontons, des manufactures sont ouverts. La famine et le typhus y règnent. A la guillotine trop lente on substitue des exécutions collectives.
Les Bretons, insulaires délogés de Grande-Bretagne, n'ont jamais su trouver leur centre. Constitués en royaume à la faveur des incursions des Vikings, ils redeviennent bientôt un duché, disputé entre les Plantagenets et les Capétiens, lesquels l'emporteront. L'annexion sera consacrée par le double mariage de la duchesse Anne avec Louis XII et ensuite Charles VIII et par celui de leur fille Claude avec François Ier. Depuis, la France leur promet l'unité et l'indépendance et, en fait, elle les divise. Dès 1781, les persécutions religieuses et les levées de soldats provoquent résistance et révoltes, dont celle de Jean Cottereau, dit Jean Chouan. En 1796, malgré le génocide de la Vendée, on estime à 50.000 le nombre des Chouans. Ils forment des compagnies, avec des capitaines élus, parfois des généraux comme Cadoudal. Les discordes sont fréquentes. Les républicains les qualifient de Brigands, ce qui n'est pas toujours immérité, car le général Rossignol a l'idée de créer des faux Chouans chargés de discréditer les vrais en commettant les pires exactions. Après la chute de Robespierre, des contacts sont pris pour conclure une paix qu'une minorité seulement signe. Les autres proclaméés en état d'arrestation, le conflit reprend. Hoche, qui a succédé à Rossignol, obtient une reddition. Les Chouans, jouant le jeu, gagnent les élections de 1797, qui sont alors confisquées : la République ne survit que par les armes, la forfaiture et la dictature. En 1799, la Loi des otages; qui présume les parents complices, relance l'insurrection. Nantes et Le Mans sont prises et les prisonniers libérés. Mais, en novembre, Bonaparte prend le pouvoir et propose l'amnistie contre la reddition. Certains chefs l'acceptent, d'autres refusent, dont Cadoudal qui bat les armées d'Harty, mais se résigne à signer la paix. Son entrevue avec Bonaparte ayant été un échec, il projette de l'enlever pour le livrer aux Anglais. Trahi, il est arrêté par Fouché et exécuté. En 1830, quand la révolution bourgeoise met Louis-Philippe à la place de Charles X, la bru de celui-ci, la duchesse de Berry, tente de réveiller la chouannerie et est arrêtée. En 1892, l'encyclique de Léon XIII, qui prône le ralliement à la République, désarme le clergé et les monarchistes. A l'imitation des Gallois, les Bretons créent en 1900 le Gorsedd ou assemblée des druides.
Après la Grande Guerre, une jeune garde identitaire, qui se définit 'na ru na gwen' (ni rouge ni blanc), se constitue autour du journal Breizh Atao. Un parti autonomiste fédéraliste ayant été lancé sans succès, le Parti National Breton, plus radical, est créé en 1931. En 1932, Célestin Laîné dynamite la statue de la Reine Anne (représentée à genoux aux pieds de Charles VIII). Le PNB est dissous et Laîné et Mordrel sont condamnés. En 1939, ils s'opposent à ce que la France apporte une aide à la Pologne. Laîné s'évade et Mordrel et Debauvais (qui défend « un national-socialisme breton ») sont condamnés à mort. Bien que s'évanouisse le rêve d'une indépendance concédée par l'Allemagne victorieuse, Laîné crée les groupes de combat Bagadou Stourm, qui deviendront le Brezen Perrot, après l'assassinat par les communistes de l'Abbé Perrot. Après la guerre, le combat prend une forme culturelle, avec des réussites, comme celle de la musique, et des échecs, comme celui de la langue. L'épuration consacre la domination de la gauche et fera de la Bretagne une terre d'élection du PS.
Fils de la Catalogne française, notre camarade Llorenç Perrié Albanell a pris part à Gérone (85.000 habitants) à l'ennivrant combat du 1er octobre pour la protection des urnes du referendum. Celles du collège Santa Eulalia étaient protégées par 2.500 personnes, celles de l'école Eiximenis par 2.000. Les Mossos d'Escuadra de la police catalane s'interposent alors entre la foule et la Guardia Civil espagnole. C'est une authentique révolution populaire qui, malgré les provocations policières, reste non-violente. La question que tout le monde se pose est celle de la stratégie de Puigdemont. Alors qu'il avait la main, au lieu de chercher un soutien international au moment où se répandaient les images scandaleuses des violences policières contre des électeurs pacifiques, il attend un dialogue avec Rajoy qui n'en veut pas. Et ce n'est que le 27 octobre que, soutenu par sa coalition et par des centaines de maires, il proclame la République catalane. Mais il ne pose aucun acte d'indépendance : il ne place pas de Mossos aux frontières, il n'imprime aucun papier d'identité de la république, aucune milice citoyenne n'est constituée, aucune constitution provisoire n'est promulguée. Il laisse partir son monde en weekend, sous la légalité espagnole, alors que Rajoy met en application l'article 155 de la Constitution. Et il se prépare à participer, à partir de Bruxelles, aux élections, acceptant de se batre sur le terrain choisi par l'adversaire !
Pour l'Alsacien Robert Spieler, révolutionnaire identitaire s'il en est, il est
incroyable que Puigdemont et ses ministres ne se soient pas laissé emprisonner en Espagne : on ne peut faire de révolution qu'avec des révolutionnaires ! Annexée à la France en 1648, l'Alsace a pu conserver son dialecte allemand tant sous la monarchie française que sous l'empire allemand de 1870 à 1918, lorsqu'il existait un parlement alsacien et des députés alsaciens au Reichstag. Les Strabourgeois francophiles célébraient alors chaque 14 juillet devant la statue du général Kléber. En 1918, les troupes françaises furent bien accueillies. Mais 110.000 personnes furent aussitôt expulsées, avec confiscation de leurs biens. Le français fut imposé dans les écoles et le statut concordataire abrogé. La révolte est générale et les autonomistes sont ovationnés. Paris fait marche arrière. Les journaux paraissent alors en allemand, y compris l'Action Française, mais les autonomistes sont persécutés. Les fonctionnaires compromis sont mis à pied et un procès en haute trahison, le 'Procès du complot', est intenté aux chefs de l'opposition. De violentes campagnes de presse fustigent les traîtres à la solde de l'Allemagne. Le PC exige des exécutions. A l'approche de la guerre, les leaders sont emprisonnées et Karl Roos est fusillé pour trahison. Hermann Bickler ne survécut que grâce à la débâcle. Mais le jacobinisme national-socialiste n'avait rien à envier à celui des Français et l'Alsace fut rattachée au Gau Oberrhein. Après la guerre, l'éradication de la langue alsacienne fut féroce.
Pierre Vial rappelle que la société féodale avait mis en place une mosaïque de sphères d'autonomie, contre-pouvoirs au pouvoir royal, lequel se reconnaissait ainsi des limites. Les libertés et franchises qu'il accordait ont facilité un esprit communautaire qui a débouché sur l'institution communale. Par les avantages obtenus, les villes étaient des pôles d'attraction propices à l'activité économique. L'absolutisme royal s'appliquait plutôt à soumettre l'aristocratie guerrière, brutalement (Richelieu) ou subtilement (Louis XIV). La France comptait un certain nombre de 'pays d'Etats', provinces qui disposaient d'assemblées de représentants des trois ordres (noblesse-clergé-tiers état) qui négociaient les impôts dus au roi avec ses intendants et les répartissaient ensuite entre diocèses et paroisses, en contrôlant la collecte.
A la mort de Louis XIV, les guerres à répétition ayant mis les finances à sec, les Etats de Bretagne se sont estimés injustement pressurés et le parlement a refusé d'enregistrer l'édit de perception. Le Régent fait alors exiler 73 délégués rebelles et accroît certains droits au mépris du Traité d'union. Le Parlement de Bretagne interdit la levée et vote des remontrances. Une Association patriotique bretonne mobilise plusieurs centaines de personnes et le marquis de Pontcallec réunit une petite troupe armée qui met en fuite les soldats chargés de la collecte. Le Régent répond par une armée de 15.000 hommes. Pontcallec, arrêté et promptement décapité, devient très populaire. Le jacobinisme ne fera que reprendre, avec une violence inouie, l'éradication des identités et libertés des provinces. Il les découpe en départements et, pour uniformiser les pensées, épouse la thèse de l'abbé Grégoire d'universaliser la langue française. Contre ce système à tuer les peuples, des hommes se sont levés. Francis Arzalier (Les régions du déshonneur, 2014) s'en désole: "La Corse, l'Alsace, la Bretagne prétendent exister: on n'en a jamais fini avec les volontés identitaires toujours renouvelées." Les Corses, avec Pascal Paoli, chassèrent les Génois en 1755 et établirent une république démocratique. La brutale conquête française verra dans les résistants des 'brigands' et, quand l'insurrection renaît avec la révolution, la République française ignorera la volonté populaire. Avant la guerre, l'identité corse s'exprimait dans la revue A Muvra, très lue jusque dans les villages. Saisie en 1938 et objet de poursuites, elle cesse de paraître en 1939. En 1946, les procès intentés aux autonomistes se traduisent par de lourdes peines, malgré l'inanité des accusations de collaboration. Les Alsaciens ont connu des sorts similaires, eux dont l'identité se trouve écartelée entre la France et l'Allemagne, ils sont pour la plupart attaché au bilinguisme que la France refuse. C'est le cas de Karl Roos, un médecin, qui fonde le Parti de l'indépendance et qui, accusé d'intelligence avec l'ennemi, sera fusillé en février 1940. Chez les Bretons, Olier Mordrel et Morvan Marchal animent le Parti autonomiste breton, lequel en 1927 invite à son congrès des délégations alsacienne, corse et flamands. Cela déclenche la répression, en particulier contre les Alsaciens: quinze condamnés dont deux viennent d'être élus député. En réaction, le courant séparatiste va s'affirmer d'élection en élection: ce n'est qu'un début, continuons le combat.
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Présentation du 6ème album des Brigandes : Errant & fugitif
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Une politique pour l'an 2000 de Pierre Debray [X]
Nous poursuivons la publication d'une série qui devrait faire date ; qui forme un ensemble à lire en entier : une étude de Pierre Debray parue en novembre 1985 dans le mensuel Je Suis Français, sous le titre Une politique pour l'an 2000. La lecture de ces textes expliquera aux lecteurs qui ne l'ont pas connu le rôle intellectuel important de Pierre Debray à l'Action Française dans les années 1950-2000. Cette analyse politique, économique, sociologique et historique, menée méthodiquement, à la maurrassienne, comporte de multiples enseignements, utiles aujourd'hui à notre école de pensée. Comme un stimulant de notre réflexion sur la situation présente de la France et sur l'action que nous avons à y mener. Même si le lecteur devra tenir compte des événements et des faits intervenus au cours des trois dernières décennies. LFAR
1ère partie : l’Homme Masse
Démos désintégré
Les gouvernements de droite n'ont pas fabriqué la plèbe moderne pour le plaisir. L'imprévoyance a eu sa part, nous venons de le constater à propos de la dévalorisation du métier d'instituteur. Néanmoins, ainsi que l'histoire en fournit bien des exemples, la cause principale doit être recherchée dans une erreur intellectuelle, c'est-à-dire dans des prémisses justes dont on a tiré des conclusions fausses. Les technocrates, qui nous gouvernent, n'ignoraient pas que l'automation, un jour ou l'autre réduirait le nombre des emplois dans l'industrie. Un économiste australien Colin Clark, dont les travaux furent vulgarisés, en France, par Jean Fourastié a divisé les activités humaines en trois secteurs, primaire (agriculture), secondaire (industrie), tertiaire (commerce, administration, artisanat). Cette classification désormais universellement acceptée, implique, par le choix des termes, une loi : la main d'œuvre passe du primaire au secondaire puis du secondaire au tertiaire. Chassée des champs, par les progrès de l'agronomie, elle glisse vers l'industrie. A son tour, le progrès technologique la chasse de l'industrie et la contraint à se réfugier dans le tertiaire. Les technocrates en tirèrent la conclusion qu'il convenait de créer, fut-ce artificiellement, des emplois dans l'administration et le commerce.
La loi de Clark s'est incontestablement vérifiée mais elle a été mal interprétée. On a fait du « tertiaire » un fourre-tout, où l'on a rangé ce qui ne relevait ni de l'agriculture ni de l'industrie. Pourtant Clark avait donné une définition précise du tertiaire : c'est le secteur dont la productivité ne peut augmenter que faiblement. il donnait l'exemple du coiffeur, qui ne coupe pas les cheveux plus vite aujourd'hui qu'au temps de Jules César. Ce qui est exact, dans le cas du coiffeur ne s'applique pas à l'administration et au commerce où la rationalisation du travail (le libre-service) ou l'automation (la bureautique) réduisent les possibilités de création d'emplois, dans un premier temps et en suppriment, dans un second. Ce n'est donc pas Clark qu'il convient d'incriminer. Il avait vu juste. Effectivement pour lutter contre le chômage, il importe de développer la production de biens qualificatifs, de fabrication artisanale ou semi-industrielle. L'erreur consiste à confondre secteur secondaire et industrie, alors qu'il s'agit d'une classification fondée sur la progression de la productivité, lente mais continue dans le primaire, rapide dans le secondaire, quasi-nulle dans le tertiaire. Assurément l'administration et le commerce, jusqu'au milieu du XXe siècle, appartenaient au secteur tertiaire. Ce n'est plus le cas. La productivité au moins potentielle s'est brutalement accélérée avec l'apparition des « grandes surfaces » dans le commerce puis l'application de l'informatique aux activités de gestion.
En d'autres termes, l'on s'est trompé de tertiaire, dirigeant les jeunes vers des emplois de manœuvres aux écritures. Les illusions de la prospérité favorisant le laxisme, on en a même créé beaucoup plus qu'il n'en aurait fallu, en s'imaginant que les gains de productivité de l'industrie permettraient de financer, par l'impôt, la subsistance et les distractions, panem et circenses, d'une plèbe moderne pléthorique. C'était oublier que ces gains de productivité avaient un coût. Ils exigeaient d'énormes investissements que des entreprises, écrasées sous les charges sociales, la taxe professionnelle et l'impôt sur les bénéfices ne purent engager qu'en s'endettant. Les frais financiers, les intérêts qu'il fallait verser finirent par devenir si importants que non seulement les entreprises cessèrent d'investir mais qu'elles accumulèrent les pertes.
L'on a détourné les jeunes Français de l'industrie, qui les aurait attirés si l'on s'était engagé à l'exemple des Japonais dans la voie de l'automation, en les remplaçant par des immigrés que l'on pourrait toujours renvoyer chez eux, du moins le croyait-on, quand les emplois industriels devraient être supprimés. Alors qu'il aurait fallu développer l'enseignement technique, lui fournir des enseignants de haute qualité et un outillage moderne afin de diriger le plus grand nombre des jeunes vers les métiers d'avenir, électronique et production de biens qualitatifs, on a préféré favoriser une pseudo démocratisation de notre système scolaire. 80 % des ouvriers japonais ont le niveau du baccalauréat. Nous avons fait de nos bacheliers des manœuvres aux écritures et maintenant l'on nous explique que rien ne vaut, pour manipuler un ordinateur, un illettré. Ce qui est idiot mais significatif d'une idéologie « médiocratique » pour plèbe moderne.
Les responsabilités de l'Etablissement se révèlent donc écrasantes. Les gouvernements qui se succédèrent durant vingt-trois ans, permirent, faute de sélection, la croissance trop rapide du nombre des étudiants. Ils livrèrent les enfants à des maîtres ignares et laissèrent les fonctionnaires du ministère de l'éducation nationale imposer des pédagogies aberrantes, si bien qu'un élève sur cinq sort du primaire sans savoir lire de façon courante. Sous prétexte de démocratiser l'enseignement, ils fabriquèrent, à la chaîne, de futurs chômeurs. Ayant provoqué l'émergence d'un prolétariat intellectuel et d’une plèbe de manœuvres aux écritures, ils capitulèrent devant la révolution de 1968, dont M. Giscard d'Estaing imposa le programme de destruction de l'école et de la famille.
Ils en eurent la conséquence. En 1981 le prolétariat intellectuel prit le pouvoir. Les deux années de délire institutionnel qui suivirent achevèrent de plonger la France dans la récession. Pour échapper au désastre le gouvernement socialiste dut faire le contraire de ce qu'il avait promis. Il faut reconnaître qu'il s'est engagé, timidement sans doute et de mauvais cœur, dans la bonne voie : suppression de l'indexation des salaires et des prix, réduction des impôts, restauration de l'élitisme en matière d'enseignement, retour à l'apprentissage des mécanismes élémentaires de la lecture, de l'écriture et du calcul. Ce qui reste très insuffisant mais comparé au bilan catastrophique de la droite se révèle positif. Encore qu'il n'ait pas osé s'attaquer aux intérêts de classe du prolétariat intellectuel, ce qui se serait révélé suicidaire, il l'a mécontenté. Il risque d'en supporter les conséquences, lors des élections de 1986 mais il compte récolter les bénéfices de son retournement dans quelques années. Paradoxalement il recherche en effet les suffrages du peuple travailleur, alors que M. Giscard d'Estaing rêvait de s'attacher ceux du peuple fainéant.
La droite et la gauche, en effet, ne s'opposent plus idéologiquement mais sociologiquement. Le peuple fainéant vote, dans l'ensemble pour la gauche, le peuple travailleur pour la droite. Il s'agit donc pour chaque camp d'essayer de séduire la clientèle du camp adverse, sans perdre la sienne. Le jeu ne va pas sans risques. Pour avoir courtisé de trop près le prolétariat intellectuel, M. Giscard a perdu une partie de son électorat qui, socialiste pour socialiste, a préféré celui qui se présentait à visage découvert. Les socialistes s'exposent à la même mésaventure. Du moins n'avaient-ils pas le choix. A pratiquer plus longtemps l'idéologie autogestionnaire, ils auraient été engloutis, sans doute pour longtemps, dans le naufrage économique de la nation.
Sans doute faudrait-il introduire des nuances. Une majorité d'ouvriers d'usine vote à gauche. On ne saurait l'assimiler au peuple fainéant, encore qu'elle en partage la principale revendication, gagner plus en travaillant moins. Le poids de la tradition joue et d'ailleurs les ouvriers d'usine portent leurs suffrages au parti communiste plutôt qu'au parti socialiste, beaucoup plus soumis au prolétariat intellectuel. D'autres influences viennent brouiller le jeu politique. Ainsi dans l'ouest, la frontière entre la droite et la gauche n'a guère varié depuis la Révolution Française, encore que le clergé, en changeant de camp, ait emmené avec lui une partie de ses ouailles. Tout est affaire de proportions. Nul ne contestera qu'on trouve davantage d'instituteurs que d'entrepreneurs à gauche et réciproquement. Il est plus intéressant encore de constater que la constitution du nouveau parti socialiste, au congrès d'Epinay, en 1972, coïncide avec l'émergence de la plèbe moderne. Nous sommes en présence d'un parti de classe au sens le plus prosaïque du terme, le fidéicommis des intérêts de sa clientèle électorale. Réduction du temps de travail, embauche de deux cent mille fonctionnaires inutiles, pseudo décentralisation, qui aboutit à créer dans les régions, les départements et les communes une bureaucratisation galopante, toutes ces mesures tendaient à satisfaire les appétits de la France fainéante.
Dans un premier temps, l'Etablissement s'est senti menacé. Il voulait bien laisser des miettes à la plèbe, non partager le pouvoir. Les socialistes lui firent la part belle. En période de crise économique, la voracité des prolétaires intellectuels et des manœuvres aux écritures devenait suicidaire. Le parti socialiste devait composer. Deux hommes représentaient l'Etablissement en son sein, Rocard et Fabius. Ce fut Fabius que Mitterrand chargea du « recentrage », opération classique qui consiste à « gouverner au centre » selon le vœu de M. Giscard d'Estaing. L'Etablissement, comme l'a démontré Beau de Loménie, a toujours craint un pouvoir fort, de droite ou de gauche. Il préfère les jeux subtils de l'alternance du centre droit et du centre gauche. Certes, il s'est accommodé du général De Gaulle dans la mesure où celui-ci, persuadé que l'intendance suivrait, se désintéressait des grands intérêts, dédain dont ils tirèrent tout le profit désirable. Cependant dès que l'Etablissement se libéra du gaullisme, il n'eut de cesse, de reconstituer un centre droit en espérant que la « décrispation » conduirait le parti socialiste à dériver vers le centre gauche, espérance déçue sur le moment mais qui a fini par se réaliser, car elle est dans la logique du système. Tout se passe comme si M. Mitterrand avait eu pour mission de convaincre la plèbe moderne que seul un compromis avec l'Etablissement sauverait ses « droits acquis ».
Nous sommes en présence d'un phénomène de désintégration de la démocratie. Celle-ci ne pouvait survivre que si elle donnait l'impression d'être capable d'instaurer un pouvoir fort, à la mesure des périls, des enjeux. La crainte que suscite, même chez certains socialistes la nouvelle loi électorale est symptomatique. La constitution de la Ve République camouflait la réalité. Les Français ne se rendaient pas compte que le Roi non seulement était nu mais qu'il était dévoré vivant par les parasites, les uns très gros, peu nombreux, d'autres minuscules et innombrables. Désormais les parasites vont négocier, au grand jour, le partage de la sueur et du sang du peuple. Peut-être les citoyens découvriront-ils pourquoi la nation s'engage sur la voie du déclin.
A suivre (A venir : 2ème partie : Une révolution copernicienne)
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Qu'on le veuille ou non, Le Pen, c'est notre histoire
Intéressante critique des Mémoires de Jean-Marie Le Pen dans Le Point. Extraits :
"Le livre est lourd de son poids (450 pages), comme le dossier de Jean-Marie Le Pen épais de ses condamnations et de ses frasques politiques. Mais enfin, ils sont là, ces Mémoires que beaucoup n'attendaient plus et qui finalement paraissent avec pour titre Le Fils de la nation (éditions Muller). Dans un discours mémorable contre les frontières prononcé à l'Unesco, Jean-Paul II s'était proclamé « fils de la nation » polonaise. Les intentions du mémorialiste qui nous occupe, pupille de la nation, ne sont pas de même nature, on le sait. De Jean-Marie Le Pen on croit d'ailleurs tout savoir, du pire au pire, sans jamais voir ce qu'il y a d'autre chez ce monsieur qui anime notre vie politique, même retiré, depuis plus de 50 ans. Alors, on est comme tourmenté quand, à la lecture de son livre, on en vient à avoir quelque émotion pour ce petit Breton qui, la main dans celle de sa mère, les larmes aux joues, s'en va reconnaître le corps de son père sur la plage de Saint-Gildas-de-Rhuys, après que son embarcation a sauté sur une mine : « Malgré maman, j'ai voulu voir et c'était horrible. Le visage n'est qu'une plaie livide, méconnaissable. » On est pris d'un sentiment étrange parce que rattrapé par cette idée, peut-être injuste, y compris lorsqu'il évoque la disparition de sa mère à 60 ans, victime d'un « collapsus », que Jean-Marie Le Pen est de ces personnages pour lesquels on ne saurait montrer la moindre empathie, car eux-mêmes n'en sont pas capables. C'est bête, en effet. Un fait vaut pour ce qu'il est. Un père qui meurt est un père qui meurt. Gageons que certains liront ces Mémoires avec une répugnance sincère ou surjouée, non pour ce qui y est écrit noir sur blanc, mais pour l'identité de celui qui tient la plume, forcément trempée dans une encre d'un noir maléfique. Qu'importe que ce texte, entamé un jour d'ennui dans le Pacifique, à 47 ans, soit bien composé, par moments lyrique et instructif quant à certaines périodes historiques, il est l'œuvre d'un facho. Dommage... Dommage de passer à côté d'un document aussi important. Car, qu'on le veuille ou non, Le Pen, c'est notre histoire. Dans le futur, un professeur de sciences politiques ferait une faute majeure en occultant l'influence, absolument capitale, du fondateur du FN sur nos esprits et notre représentation de la société. Des générations ont regardé le monde en prenant Le Pen comme un antimodèle. On ne compte plus le nombre de femmes et d'hommes qui se sont engagés en politique contre lui et, plus tard, contre sa descendance. 1984 et son Heure de vérité, 1986 et son entrée à l'Assemblée, 1987 et son « détail », le 21 avril 2002... et des bataillons de militants antiracistes dans les bras du Parti socialiste. Il fait rire ? Il faisait peur.
[...] En de jolis passages dignes d'un petit manuel d'ethnologie, il nous raconte sa Bretagne rurale, maritime, pauvre. Les liens de la famille y sont puissants, comme le rapport au Ciel. On baigne dans un univers océanique, à la fois envoûtant et dangereux, et dans des mythes ancestraux, où l'on regarde la mort en face. On y retrouve l'ambiance de ces ports peuplés de marins, d'alcooliques et de marlous, comme on en croise dans les livres de Stevenson. Il nous instruit de ce jargon étranger pour qui n'a jamais goûté la « godaille » (le meilleur de la pêche), et soudain, les pages défilant, nous échappe la conscience que c'est Le Pen qui narre cette histoire, la sienne, tant les choses sont parfaitement décrites, avec patience et mélodie, avant, cependant, qu'un paragraphe ou quelques lignes d'où suinte la doctrine bien connue (sur le rap, l'Église, les Arabes, la gauche...) ne viennent interrompre l'élan. Il a écouté Pétain à la radio, il a lu Maurras et s'est accepté tel « un héritier ». Jugez-le, mais c'était le lot de beaucoup de mômes de l'époque. [...]
Le tome 2, qui inclura les débuts du FN, l'ascension du chef et, plus tard, de sa fille Marine, cédera peut-être lui aussi aux règlements de comptes. Le fils de la nation a de la mémoire. Reste cet aveu : « La politique après tout, ce n'était peut-être pas absolument mon truc. J'étais plutôt, comment dire ? Une vigie, une sentinelle, un lanceur d'alerte [...], un emmerdeur, un prophète ? »
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Bistro Libertés avec Jean Sévillia