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économie et finance - Page 884

  • Les choix économiques aberrants du couple Hollande-Ayrault

    La situation économique et financière difficile dans laquelle se trouve la France nécessite d'agir de manière urgente pour y remédier. Tout gouvernement en place se doit donc de faire « quelque chose ». Or, pas plus le gouvernement Hollande-Ayrault que son prédécesseur ne prend des mesures à la hauteur de la situation. Plus encore, il s'agit de mesures contre-productives. Il importe de les déchiffrer.

    UN GOUVERNEMENT ENCHAÎNÉ
    A court terme, le principal problème qui lui est posé est celui de la réduction des déficits, et, pour commencer celui de l'Etat. Mais comment y parvenir ?
    Le gouvernement, en tant que membre actif du Nouvel Ordre mondial dominé par la finance et le cosmopolitisme sous toutes ses formes, n'est pas libre de ses actes. Il dépend à la fois de la tutelle des marchés qu'il doit d'abord rassurer et des oukases de Bruxelles auxquels il doit se conformer étant entendu que les seconds sont sanctionnés par les premiers ! En outre, il doit tenir compte des contraintes de l'euro, monnaie unique qui n'est pas spécifiquement adaptée à l'économie française mais à l'économie allemande, l'euro étant une sorte de duplication du mark.
    Il doit aussi composer avec un régime politique intérieur podagre dont il est à la fois l'émanation et le garant, ce qui signifie qu'il dispose d'une faible marge de manœuvre pour agir en vue de lui rendre quelque santé car il ne peut le bousculer sous peine de se suicider.
    Aussi, la première solution qui consisterait à rétablir la souveraineté monétaire et financière de la France, puis d'organiser une banqueroute lui est interdite par définition puisqu'il est au service du système. Pourtant, sortir de l'euro et rétablir le franc, tout en proposant une monnaie commune aux Etats constitutifs de la zone continentale de civilisation européenne lèverait bien des contraintes, à commencer par le fait de ne plus supporter une monnaie trop forte pour son économie et retrouver ainsi naturellement un espace de compétitivité qui lui manque. Rétablir la souveraineté monétaire permettrait en outre de ne plus faire dépendre le financement de l'économie des seules banques commerciales, cause naturelle de déficits, ne serait-ce que par les montants des intérêts qu'il engendre. L'enchaînement du gouvernement - à supposer qu'il y pense - ne lui permet même pas de procéder à un audit de l'endettement des pouvoirs publics de France et de répudier une partie de celle-ci, comme a pu le faire en Equateur le président Correa.

    RIGUEUR ET AUSTÉRITÉ
    Il lui faut donc passer sous les fourches caudines du système et se conformer aux recettes à la mode dans les milieux financiers. En ce moment, la mode est à l'austérité et à la rigueur. Il est vrai qu'après avoir mené une vie désordonnée, l'état de santé d'un débauché laisse à désirer et il lui est nécessaire de recourir à des mesures pour retrouver une bonne hygiène de vie. En fait, la rigueur doit être de tout instant, sans pour autant être austère, car sans rigueur, toute construction est vite menacée d'écroulement, de même qu'un artisan travaillant sans rigueur ne réalise jamais un travail de qualité. Bref, il s'agit d'agir avec sérieux, tout simplement.
    Toutefois, de nos jours, parler de rigueur est un mot inapproprié lorsque la société prône le laxisme dans ce qui constitue le fondement de toute société, à savoir le domaine spirituel, moral, étant entendu que le spirituel informe le matériel. Aussi, la rigueur ne peut que concerner la pierre angulaire du système actuel, à savoir les finances et la comptabilité qui en est la servante. Ainsi, actuellement, lorsque l'on parle de rigueur, il faut traduire par : « politique économique qui préconise la hausse de la fiscalité et la baisse des finances publiques pour réduire le déficit public », autrement dit de faire payer à la population les errements des dirigeants.
    Ce faisant, le gouvernement ne s'attaque pas, ou peu, aux causes qui provoquent ce déficit mais à leur conséquence : le déficit lui-même. Car le but de la réduction du déficit n'est pas tant de rétablir la santé économique de l'Etat et du pays que de rassurer les banquiers et leur permettre d'espérer rentrer dans leurs fonds, dont nous savons qu'ils n'ont aucune autre réalité que scripturale, autrement dit qu'il s'agit d'ectoplasmes. Mais, plus encore, le but de la réduction du déficit consiste à rassurer les "marchés" pour continuer à emprunter avec des taux qui ne soient pas usuraires. Bref, tout se passe comme s'il s'agissait, pour un ivrogne, de racler le fond de ses poches ou vendre à perte ses biens pour mieux continuer à boire.
    Ainsi, les augmentations d'impôt ne serviront qu'à payer un tribut qui sera vite jugé insuffisant par ce Baal contemporain que sont les marchés ; ces 30 milliards supplémentaires de racket ne sont d'ailleurs pas grand-chose comparé aux milliards créés en pure perte par les Etats et la BCE pour renflouer des banques que l'on n'a pas osé déclarer en faillite à cause du « risque systémique » qu'elles représentent, eu égard à leur taille gigantesque. Ne soyons pas dupes.

    UNE POLITIQUE SUICIDAIRE
    Ainsi, la politique de rigueur appliquée aujourd'hui en France, à la suite de celle pratiquée en Grèce, au Portugal et en Espagne, consiste à ponctionner la population pour donner l'impression que l'on va renflouer les caisses de l'Etat en augmentant ses recettes.
    Or, lorsqu'un gouvernement pratique une hausse des impôts, il expose son pays à entrer dans une spirale infernale, celle d'ailleurs qui se déroule en Grèce : en réduisant le revenu disponible des agents économiques, particuliers et entreprises, il réduit d'autant la demande solvable et les investissements ce qui provoque une diminution de l'activité économique et par suite de ses recettes fiscales. Le déficit incriminé, non seulement ne se réduit pas mais bien souvent augmente, aggravant la charge de la dette. Il faut alors augmenter les taux d'imposition en donnant un nouveau tour de vis fiscal lequel, bien évidemment, provoquera un nouvel étranglement de l'activité économique et, ainsi de suite, jusqu'à ce que mort s'ensuive. En Grèce, actuellement, le pays ne se redresse pas économiquement mais la population s'enfonce dans la misère, de plus en plus de Grecs en étant réduits à fouiller les poubelles ! Doit-on rappeler l'adage selon lequel « les hauts taux diminuent les totaux » ? Cela revient à soigner le patient en le tuant.
    Or le seul moyen de réduire les déficits mécaniquement et durablement est d'augmenter les recettes fiscales par le développement de l'économie en accroissant ainsi la richesse globale et par suite les revenus disponibles.
    L'actuel plan d'austérité Hollande -Ayrault n'échappe pas à ce travers. Il met l'accent sur l'augmentation de la fiscalité sur les ménages, autrement dit pour l'essentiel les classes moyennes toujours plus ponctionnées depuis des décennies, mais aussi et surtout sur les entreprises, toujours considérées sans distinction comme des profiteurs.
    Ce faisant, il ignore cet enseignement, fruit de l'expérience, selon lequel le coût en termes de développement économique est bien plus élevé lorsque la tentative de rétablissement des équilibres budgétaires passe par une taxation accrue des agents économiques plutôt que par une diminution de la dépense publique. Les hausses d'impôt provoquent un effondrement de l'investissement des entreprises de l'ordre de 10 à 15 pour cent. Les résultats qui découlent de l'étude des cas de l'Italie, de l'Espagne et du Portugal montrent que les multiplicateurs budgétaires, autrement dit les effets de la réduction du déficit public sur le PIB sont plus élevés que ne le prévoyaient les modèles économétriques et provoquent une contraction importante de l'activité économique importante. Et les
    effets sont très vite spectaculaires. Avec un multiplicateur budgétaire de 1,2, l'activité économique se contracte d'autant ; mais avec un multiplicateur de 1,5, le PIB se contracte de près de 2 %. Il faut donc s'attendre à une récession en France au cours de l'année 2013, toutes choses égales par ailleurs qui aggravera le mal au lieu de contribuer à le faire disparaître.
    Or l'économie française est fragile et son industrie est sinistrée : son secteur industriel (en dépit du développement certain de « nouvelles technologies » qui ne sont nécessairement pas comptabilisées comme activités industrielles dans les statistiques officielles) est en diminution continue dans la part de la richesse comptabilisée en France et nombre d'entreprises n'ont pu résister qu'en baissant leurs prix pour conserver un minimum de compétitivité, réduisant ainsi leurs bénéfices et par suite leur capacité d'investissement. En augmentant fortement la fiscalité des entreprises, le gouvernement court de grands risque de porter le coup de grâce à nombre d'entreprises.
    L'absurdité d'une telle politique est patente et le gouvernement a lui-même admis que des aménagements seront apportés au cours de la rédaction des décrets d'application de la loi de finances à venir. Cela, d'autant plus que s'est développée une fronde fiscale parmi les chefs d'entreprise dite « révolte des pigeons », peu violente certes mais surtout bien mise en scène pour avoir un impact certain. Ce faisant, par les allégements qu'il va consentir, il va rendre aux entreprises, voire à certaines catégories de particuliers, ce qu'il leur prend par ailleurs. Nous sommes en pleine incohérence.
    En outre, le redressement de l'industrie ne s'effectuera pas par l'augmentation discrète mais réelle de la CSG pour les retraités ou de la TVA sur la consommation. De même, ce n'est pas en taxant les revenus les plus élevés à 75 %, et en spoliant les patrimoines avec l'ISF que l'on remettra de l'ordre dans les finances de la France. Certes, cela adoucira l'aigreur vengeresse des nouveaux sans-culottes du parti de Mélenchon (lequel est soumis à l'ISF !) mais le rendement de ces impôts nocifs, surtout le second, est dérisoire, surtout lorsqu'il est comparé au Tonneau des Danaïdes des déficits publics et n'atteindra que ceux qui n'auront pas pris à temps des mesures pour y échapper.
    Par ailleurs, ce n'est pas le gouvernement actuel, pas plus que ses prédécesseurs, qui remettra en cause le poids de l'immigration incontrôlée et des charges énormes qu'elle entraîne à travers toutes les aides accordées, à commencer par FAME, l'aide médicale d’État.

    LES RÉFORMES QUI NE SERONT PAS FAITES
    Si déficit de l'Etat il y a, c'est dira-t-on, parce que l'Etat vit au-dessus de ses moyens. Mais c'est aussi et surtout parce que l'Etat et, plus généralement l'ensemble des pouvoirs publics, avec l'empilement des régions, des départements, des communes et autres intercommunalités ont des coûts de fonctionnement toujours plus élevés, sans pour autant apporter à la société française les services qu'il est supposé rendre. A ce problème, il est bien mal répondu. Depuis quelques années a été entreprise la RGPP (Révision générale des politiques publiques) qui vise à rationaliser les services de l’État sans pour autant repenser le rôle de l’État, si bien que peu à changé en dépit de l'effet d'annonce du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.
    À l'échelon des administrations territoriales, il existe de nombreux doublons. Et le transfert statutaire de fonctionnaires d’État à la fonction publique territoriale à la suite de celui de services d’État aux collectivités territoriales n'explique pas de loin l'augmentation de 60 pour cent des effectifs des fonctionnaires territoriaux depuis 1997.
    Bien entendu, le gouvernement, expression de ce système, n'a pas les moyens de remettre cette organisation à plat. Il ne faut pas minorer la lenteur de la diminution du poids du personnel de l’État car, même par une diminution drastique, et possible si l'on rend l’État à ses fonctions régaliennes naturelles, ne réduira pas rapidement les charges salariales ; de ce point de vue, il est totalement contre-productif de repousser l'âge de la retraite des fonctionnaires car c'est augmenter d'autant la masse salariale qu'ils constituent. Il ne faut pas non plus sous-estimer les problèmes humains que provoquerait une réorientation de la population active des secteurs improductifs vers les secteurs productifs mais, plus le temps passe, plus cela sera difficile. N'ignorons pas que nombre de personnes ont été embauchées dans l'administration territoriale, à l'échelon communal, comme solution de facilité pour tenter de régler le problème du chômage de personnes victimes d'un manque de formation mais aussi de débouchés locaux. Outre le problème sans cesse aggravé du déséquilibre économique et humain qui caractérise le territoire de la France, cela touche un point essentiel : celui de la première richesse d'une nation qui est son savoir-faire.
    Or, pas plus qu'à la refonte de l’État, le gouvernement ne s'attaque à cette faiblesse grandissante de la France qu'est la perte de son savoir-faire industriel, principal créateur de richesses. En effet, faut-il le rappeler, la richesse d'une nation repose d'abord sur le savoir-faire de sa population et sur les secteurs de l'agriculture et de l'industrie, celui des services ne pouvant utilement se développer qu'en liaison avec les deux premiers.
    Or cela nécessite de remettre en cause le système scolaire actuel largement déficient, l'étatisation de la formation professionnelle qui serait bien plus efficace si elle était laissée à la gestion des premiers intéressés, à savoir les corps de métiers et d'industrie. Le gouvernement, là encore, pas plus que ceux qui l'ont précédé, n'est en mesure de le faire.
    Cela induit aussi l'aide à l'investissement productif et à la recherche fondamentale, notamment dans le domaine militaire car, par l'impératif vital de défense nationale, c'est dans ce domaine que le meilleur de la nation est mobilisé. Le secteur de la défense est, faut-il le rappeler, celui à partir duquel bien des innovations majeures en matière civile ont pu apparaître et continuent d'apparaître. L'actuel gouvernement en est loin puisque dans le budget de l’État, celui de la défense sert toujours de variable d'ajustement, à la baisse !

    UN AVENIR SOMBRE
    La politique menée par le gouvernement Hollande-Ayrault, qui d'ailleurs ne diffère que sur des points secondaires de ce qu'aurait fait un Sarkozy réélu, ne résoudra aucun des problèmes de la France mais au contraire contribuera à les aggraver. La société française actuelle est bloquée, à la manière de la société d'ancien régime. L’État, irréformable et podagre, va constituer plus un poids pour la France qu'un outil de redressement.
    Une telle situation, devons-nous le répéter, ne peut qu'être lourde de lendemains douloureux et révolutionnaires, par nature.
    André GANDILLON, Président des Amis de Rivarol. Rivarol du 30 novembre 2012

  • Santé au travail : « Nous sommes face à une forme de crime organisé »

    Du cynisme des industriels à l’inaction des pouvoirs publics, Annie Thébaud-Mony, directrice de recherches au CNRS, dresse un état des lieux sans concession de la santé au travail…

    Moyenâgeuse et cynique. C’est en ces termes qu’Annie Thébaud-Mony qualifie l’attitude de certains industriels vis-à-vis de la santé et de la sécurité des salariés. Attitude qui, selon elle, expliquerait que l’on déplore encore chaque jour en France deux morts par accidents du travail et plus de dix des suites d’une exposition à l’amiante.

    Une situation archaïque que cette spécialiste des questions de sécurité au travail dénonce depuis près de 30 ans en parlant non pas de négligence mais d’une authentique forme de “crime organisé” de la part de certains dirigeants qui, depuis longtemps, ont appris à sous-traiter non seulement les risques qu’ils génèrent mais aussi les responsabilités qui les accompagnent.

    Face à cette manifestation de “pur cynisme industriel” dont les pouvoirs publics n’ont jusqu’alors pas pris la mesure, Annie Thébaud-Mony entend opposer deux mesures : l’interdiction d’avoir recours à la sous-traitance sur tout site dangereux et l’introduction des notions de crime industriel et de désastre volontaire dans le droit pénal. Seuls moyens, selon elle, d’en finir avec une situation qui persiste à placer l’intérêt économique au-dessus de la préservation de la vie humaine.

    “Je viens de refuser la Légion d’honneur parce que ce n’est tout simplement pas le type de reconnaissance que j’attends au terme de toutes ces années d’engagement et de recherche scientifique sur les questions de santé au travail et de santé environnementale. Ce que j’attends, c’est que mon travail soit pris en compte et reconnu ; autrement dit, qu’il incite les pouvoirs publics à adopter un certain nombre de dispositions, ne serait-ce que pour faire respecter la loi.

    Car pour l’heure, en ce qui concerne la santé et la sécurité, le code du travail n’est pas appliqué. Il pose un certain nombre de principes qui ne sont pas respectés, à commencer par le principal : l’obligation faite depuis plus d’un siècle aux employeurs de garantir la santé de leurs salariés. Cette obligation a pourtant été rappelée à l’occasion du drame de l’amiante en 2002, l’affaire ayant débouché sur une certaine prise de conscience en montrant qu’il existait un réel problème de prévention face à un risque qui, pourtant, était identifié depuis longtemps. En prenant la mesure de cette catastrophe sanitaire, la Cours de cassation a réactivé cette obligation des employeurs d’assurer la santé des salariés au quotidien.

    Or je constate chaque jour que, sur ce plan, rien n’a changé. Que nous restons face à une situation d’urgence sanitaire qui n’est absolument pas prise en compte par les politiques. Voilà pourquoi j’ai refusé la décoration qui m’a été proposée. Parce qu’elle aurait dû intervenir au terme de mon travail ; en marquer l’aboutissement. Et comment parler d’aboutissement alors que perdure cette situation d’urgence, que l’on attend encore que des décisions soient prises et des mesures adoptées ? Tant qu’il en sera ainsi, je ne pourrai ni me reposer, ni recevoir une médaille.”

    Sécurité versus rentabilité

    Non seulement il n’y a aucune amélioration mais l’on voit s’installer chez les entreprises un discours fataliste fondé sur l’argument de la crise économique et consistant à dire : vu la situation catastrophique, nous avons d’autres priorités que d’améliorer les conditions de travail. Ce raisonnement prouve que la sécurité des salariés est perçue comme une dépense, non comme un investissement et que, dans un contexte tendu, elle devient une sorte de luxe que les entreprises estiment ne pas avoir les moyens de s’offrir.

    Pire, elle est perçue comme une option alors qu’encore une fois, il s’agit d’une obligation. Résultat, ceux qui, comme moi, militent pour une autre gestion des risques sont uniquement perçus comme cherchant à alourdir les charges de l’entreprise. Pourtant on oublie une chose essentielle : c’est que l’assurance maladie – et par conséquent le contribuable – finance la négligence des industriels. Il faut savoir que dans le domaine des pathologies lourdes liées à l’environnement de travail, certains médicaments valent 1 000 euros la dose. Ce qui explique que les maladies professionnelles représentent chaque année des dépenses de plusieurs milliards d’euros.

    A défaut de parvenir à se faire entendre sur l’aspect humain de la situation, je n’hésiterai pas à avancer cet argument économique auprès des pouvoirs publics pour dénoncer l’attitude moyenâgeuse de certains industriels pour qui les gains escomptés de certaines réductions de coûts d’exploitation légitiment tout, y compris la mise en danger de la vie d’autrui.

    Impunité

    Cette situation est d’autant plus révoltante qu’elle s’est jusqu’à maintenant accompagnée d’une impunité totale. Celle-ci vient d’être remise en question il est vrai avec le jugement rendu contre AZF mais il aura fallu une catastrophe exceptionnelle et onze années d’un procès exceptionnel pour y parvenir, alors qu’on dénombre chaque jour en France deux morts par accident du travail, une dizaine des suites d’un cancer lié à l’amiante et, chaque année, des milliers d’autres décès liés au cocktail de cancérogènes et toxiques en tous genres que les travailleurs respirent et, au-delà, les riverains des usines, des centrales nucléaires, des lignes à haute tension, etc.

    Pour illustrer la dangerosité de certains lieux de travail, il y a ce cas récent de deux salariés partageant un même bureau sur le site d’une centrale nucléaire et atteints tous deux d’une tumeur au cerveau. Ce type de concordance est fréquent et lorsque l’on commence à enquêter, il n’est pas rare que l’on découvre d’autres cas atteints de la même pathologie, ce qui rend le lien avec l’environnement de travail évident. Comme c’est le cas chez les dockers. Parmi les 130 dockers du port de Nantes – qui manipulent en continu et sans protection les caisses de bois traitées aux pesticides, les bananes traitées au chlore et la ferraille qui dégage de l’oxyde de fer – 35 cas de cancers du rein ont été dénombrés. Je ne vois pas comment, avec une telle proportion, on peut encore parler de hasard.

    Travail de lobbying

    Pour établir des liens entre environnement de travail et cancers, nous avons mené un travail dit de systématisation face à l’exposition, en nous appuyant sur des données chiffrées. C’est essentiel pour établir ce qu’on appelle des présomptions d’imputabilité permettant au salarié qui développe une pathologie correspondant à une exposition propre à l’entreprise dans laquelle il travaille de la voir instantanément reconnue comme maladie du travail. Notre retard dans ce domaine s’explique par le fait que, pour établir ce type de tableau des maladies professionnelles, il faut un accord entre patronat et syndicat, ce à quoi, en France, un conflit d’intérêts évident nous empêche de parvenir.

    Et pour cause : les experts du patronat emploient toute leur énergie à nier l’évidence. Exemple : on n’a toujours pas pu faire inscrire le cancer du larynx dans le tableau des maladies professionnelles alors qu’on le sait directement lié à une exposition à l’amiante et qu’il a été reconnu comme tel par d’autres organisations sanitaires il y a dix ans déjà. Dans ce domaine, nous nous heurtons à un véritable travail de lobbying qui, pour moi, justifie de parler de crime organisé de la part des grands industriels et des experts, doublé d’une situation de non-assistance à personne en danger.

    L’amiante

    Le traitement de l’amiante, qui est le plus connu des cancérigènes, est révélateur de cet état de fait. Les premiers cas sont identifiés à la fin du XIXe siècle et, dès 1930, les industriels disposent de toutes les données scientifiques attestant de sa dangerosité. Trente ans plus tard, un chercheur américain rend ces données publiques et en 1971 les entreprises du secteur s’organisent pour entreprendre une véritable campagne de désinformation sur les effets sanitaires de l’amiante, le tabac devenant un formidable alibi invoqué pour expliquer les maladies contractées par les salariés et la notion d’“usage sécuritaire” de l’amiante étant avancée pour empêcher une réglementation sévère de son usage, ce qui n’est rien de plus qu’un slogan de propagande industrielle puisqu’il a été établi qu’une fois l’amiante extraite de la mine et réduite en poudre, il n’existait aucune possibilité de limiter sa dangerosité.

    Et le déni continue. Pour preuve, cette véritable bataille judiciaire qui, de 1997 à 2012, a opposé mouvements associatifs et pouvoirs publics dans une affaire de déconstruction d’une ancienne usine de transformation d’amiante, à Aulnay-sous-Bois. Tout ce que demandaient les associations, c’était l’application stricte de la réglementation de 1993 sur l’enlèvement d’amiante, à savoir : le confinement total du site durant les travaux afin de limiter la poussière au maximum et donc, les risques de contamination. Pour obtenir qu’il en soit ainsi, autrement dit pour que la loi soit respectée et appliquée, il a fallu plusieurs procédures judiciaires et surtout, il a fallu que la société civile se mobilise. Sans cela, on aurait démonté l’usine sans aucune précaution, ce qui aurait mené à une contamination des populations environnantes.

    La sous-traitance du risque

    Les secteurs présentant le plus de risques pour la santé des salariés sont connus. Il s’agit de la chimie et du nucléaire, bien sûr, mais aussi du BTP, de la réparation automobile, du travail des métaux, de l’imprimerie et de toutes les formes de maintenance industrielle. Le point commun étant que, dans l’ensemble de ces secteurs, on sous-traite les risques. La situation est simple : les entreprises considèrent que, à partir du moment où une activité est sous-traitée, la gestion des risques qui y est liée ne relève plus de leur responsabilité mais de celle de l’entreprise sous-traitante.

    Et c’est là que l’on se heurte à un vide juridique. Le travail étant prescrit aux employés d’une autre entreprise avec laquelle le donneur d’ordres entretient une relation client-fournisseur, cela modifie les relations de travail entre le dirigeant de la première entreprise et les salariés de la seconde et, de ce fait, déplace les responsabilités. A cette situation déjà pernicieuse s’ajoute le fait que, bien évidemment, le sous-traitant en charge de cette activité de maintenance aura obtenu le marché parce qu’il aura répondu à un appel d’offres qui, au final, privilégiera toujours l’entreprise pratiquant les tarifs les plus avantageux. Et où les entreprises qui pratiquent ces tarifs avantageux parviennent-elles à faire des économies pour réduire leurs coûts d’exploitation ? Toujours sur les mêmes postes : la prévention et la sécurité des salariés.

    AZF

    Le drame d’AZF est un parfait exemple des situations parfois hallucinantes que l’on peut rencontrer dans l’univers de la maintenance industrielle. Le site utilisait des dérivés chlorés après avoir eu recours, des années plus tôt, à des engrais. Or il existe une incompatibilité totale et bien connue entre les nitrates contenus dans les engrais et le chlore. Ces produits n’auraient donc jamais dû être en contact. Mais l’entreprise ayant sous-traité la gestion de ses déchets sans alerter les personnes en charge sur la nature des produits et résidus qu’elles manipulaient, nitrates et chlore ont fini par se retrouver dans un même hangar, ce qui a abouti à l’explosion dans les minutes qui ont suivi.

    On sait que, au cours de l’enquête, Total a tout fait pour éviter que cette piste chimique soit retenue ; c’est pourquoi le fait que le procès ait finalement abouti à la condamnation de l’industriel pour ne pas avoir géré les risques liés à ses activités de maintenance – activités qu’il a sous-traitées sans donner aucune consigne de sécurité ni même aucune information – est essentiel.

    Pour moi, cela fait d’AZF le premier procès de la sous-traitance qui, j’espère, servira d’avertissement à tous les industriels qui se montrent totalement irresponsables dès lors qu’il s’agit de gérer leurs déchets. Tant qu’on est dans la production, ils s’en tiennent à leurs obligations légales : ils protègent leurs salariés et leur outil de travail. Mais dès lors qu’il est question de déchets, ils ne veulent plus dépenser un euro en prévention et gestion du risque car pour eux, la gestion des déchets, c’est typiquement ce qui coûte et ne rapporte pas. Résultat : 80 % de la dose collective d’irradiation, en France, sont supportés par des salariés du secteur de la sous-traitance.

    C’est pourquoi je m’apprête à présenter à Mme Duflot un cahier intitulé “Etat des lieux et propositions” dans lequel figure, entre autres, une demande de voir interdire le recours à la sous-traitance sur tout site dangereux, afin que le risque ne soit plus sous-traité mais géré en interne.

    Stratégie de contournement

    Chaque grande filière industrielle – la chimie, le nucléaire, la métallurgie… – a développé sur la gestion des risques une même stratégie de contournement par la sous-traitance, laquelle se traduit par une délégation du danger et de la responsabilité. Ceci, tout en incitant les entreprises de sous-traitance à réduire leurs coûts – et donc, à rogner sur la sécurité – afin de remporter leurs appels d’offres. Ce qui prouve que, pour l’heure, l’intérêt économique l’emporte sur la préservation de la vie humaine et confirme qu’en matière de santé et sécurité des salariés, nous sommes face à une forme de crime organisé.

    Prenons l’exemple des centrales nucléaires qui sous-traitent des opérations à très hauts risques comme la décontamination des piscines où l’on refroidit les réacteurs – piscines qui, une fois vidées, restent tapissées de poussières radioactives. Il existe des robots capables de retirer une partie importante de ces poussières mais ils coûtent cher et c’est pourquoi beaucoup de responsables du secteur refusent de les utiliser, préférant sous-traiter ce travail à des ouvriers qui se retrouvent à genoux au fond de la piscine avec un chiffon ! Bien sûr ils portent une combinaison mais la combinaison protège contre l’inhalation de la poussière.

    Pas contre l’irradiation. Même chose chez France Telecom qui, durant des années, a installé un peu partout – sur les lignes, les poteaux, chez les abonnés… – des millions de parasurtenseurs contenant des sources radioactives. Lorsque l’utilisation des sources radioactives a été interdite, en 1978, rien n’a été fait pour les retirer et les salariés n’ont pas été avertis de leur dangerosité, si bien que beaucoup ont été irradiés. La situation a été dénoncée à plusieurs reprises et à plusieurs reprises France Télécom est parvenu à étouffer l’affaire.

    Cynisme

    Lorsque j’ai été auditionnée au comité sur la transparence du nucléaire sur la question de la sous-traitance, j’ai livré toutes ces informations en m’appuyant sur les différentes études attestant de l’exposition des travailleurs de ce secteur à un risque avéré. A la fin de la séance, les industriels ont expliqué que, si tout allait bien, ils seraient en mesure de réduire la sous-traitance dans quelques années ; ce qui n’est rien d’autre que la manifestation d’un cynisme intolérable. La preuve qu’une fois de plus, ils pensent et agissent dans un sentiment d’impunité total. Paradoxalement, ils sont plus prudents sur les questions environnementales – sans doute parce que plusieurs cas récents, comme le procès de l’Erika, ont prouvé qu’ils s’exposaient dans ce domaine à un véritable effet boomerang – que sur celles de la préservation de vies humaines et même de la protection de certaines populations. Le comble étant que, pour économiser sur la prévention et la sécurité, ils sont prêts à engager des sommes folles dans des études scientifiques censées apporter la preuve qu’il ne se passe rien.

    Crime industriel et désastre volontaire

    Le fait que les industriels soient conscients des risques liés à leur activité et qu’en toute connaissance de cause ils y exposent certains salariés fait qu’il ne s’agit plus seulement de négligence mais d’une véritable organisation de la déresponsabilisation. Cela fait trente ans que je cherche à dénoncer cette réalité ; à rendre visible une situation que, côté industriels, tout le monde s’emploie à dissimuler et dont, de toute évidence, les pouvoirs publics n’ont toujours pas pris la mesure. C’est pourquoi je m’apprête à adresser au gouvernement des propositions très concrètes dont une visant à modifier le code pénal pour y introduire les notions de crimes industriels et de désastre volontaire sur lesquelles un tribunal italien a récemment condamné deux industriels de l’amiante, non seulement à verser de fortes indemnités mais aussi à des peines de prison fermes.

    Introduire ces deux notions dans le code pénal français, voire européen, impliquerait que, dès lors qu’un risque est connu, y exposer qui que ce soit fasse l’objet de sanctions pénales. Cela permettrait d’aller au-delà de la notion déjà existante de mise en danger de la vie d’autrui – qui doit être démontrée pour chaque plaignant – en plaçant d’emblée la plainte sur un niveau collectif. Comme cela a été le cas en Italie où la notion de désastre volontaire a été instruite pour quelque 6 000 parties civiles et où le procureur en personne a ouvert l’instruction, permettant à la justice italienne de s’autosaisir de ce drame de l’amiante. Alors qu’en France, cela fait quinze ans que le procès contre les industriels de l’amiante attend d’être ouvert.

    Le nouvel Economiste  http://fortune.fdesouche.com

  • L’immigration, une chance pour la France ? (France 3 CSOJ)

    France 3 Ce soir ou jamais
    avec Jean Paul Gourévitch, Essayiste, Vincent Cespedes, Philosophe, Anne-Marie Le Pourhiet, Constitutionaliste, Eric Naulleau, Editeur et écrivain, Peggy Sastre, Philosophe, Catherine Corsini, Cinéaste,Benjamin Coriat, Economiste, Philippe Manière, Economiste

    Jean Paul Gourevitch est consultant international sur l’Afrique et les migrations. Il est l’auteur de nombreux ouvrages sur les aspects sociaux et économiques de l’immigration en France, parmi lesquels « L’immigration, ca coûte ou ca rapporte (Larousse, 2009), ou encore « Combien nous coûte l’immigration irrégulière » (Contribuables associés, 2011).
    Il vient de publier chez Contribuables Associés une monographie intitulée « L’immigration en France : Dépenses, recettes, investissements, rentabilité », qui actualise sa première étude sur le sujet publiée en 2008. Il estime que chaque année l’immigration coûte 17,412 milliards d’euros à la France, soit 0.9 point de PIB, et que ce déficit n’est pas tenable longtemps en temps de crise.
    CSOJ  http://www.fdesouche.com/

  • « Une révolution sous nos yeux - Comment l'islam va transformer la France et l'Europe » de Christopher Caldwell (2/2)

    Polémia poursuit la publication de la présentation du livre de Christopher Caldwell, avec les troisième et quatrième partie où l’on découvrira d’une part les « écueils et incompatibilités » opposant les deux grandes entités que sont l’Occident et l’Islam et, d’autre part, en forme de conclusion, une hypothétique ouverture vers l’avenir.
    A la fin de ce texte, un commentaire reçu d’un essayiste anglo-saxon, résidant en Europe, qu’il connaît tout autant que les Etats-Unis, fournit un éclairage presqu’inattendu sur les véritables motivations de l’auteur.

    III - Ecueils et incompatibilités

    Avec sa franchise de marbre, Caldwell introduit la deuxième partie de son livre, titrée L’Islam, par ces mots : « Si les Européens avaient compris, quand l’immigration en provenance de Turquie, du Maroc, d’Algérie et d’ailleurs débuta dans les années 1950 et 1960, que des milliers de mosquées seraient disséminées d’un bout à l’autre de l’Europe un demi-siècle plus tard, jamais ils ne l’auraient autorisée. »

    Ici, l’auteur égrène écueils et incompatibilités de culture et de comportement qui ne peuvent, le pense-t-il, que faire obstacle à une intégration. Nous nous limiterons à n’en citer que quelques-uns sans omettre les deux les plus fondamentaux : la religion et le sexe.

    – La protection sociale. Comme souvent, Caldwell procède par aphorisme : « Les économies complexes des Etats Providence comme celles qui se sont développées en Europe ces soixante dernières années ne naissent généralement pas dans les sociétés multiethniques. »
    – La mobilité. « Les migrations déclenchent des migrations secondaires, ce que le sociologue Rogers Brubaker appelait les “migrations sans mélange ethnique”. »
    – La diversité et le mépris de soi. « La diversité décrit à la fois une réalité sociologique (…) et une idéologie. Cette idéologie était en parfait accord avec la neutralité entre cultures adoptées par les bâtisseurs de l’idéal européen. Et pourtant, la diversité n’a jamais réellement pu devenir un idéal stable ou neutre, car les Européens n’en savaient pas assez sur les autres cultures pour la faire advenir. »
    – Antagonisme entre Occident et Islam. Cet antagonisme est très ancien. Citant l’historien Henri Pirenne : « Les deux puissances – l’Europe en tant qu’Occident et l’Islam en tant que civilisation – sont apparues dans l’histoire ensemble et ont représenté un défi l’une pour l’autre. »
    – Les populations musulmanes. « La nouvelle immigration, essentiellement musulmane, était moins gérable et moins soluble que les précédentes. »
    – Régénération de quartiers en déshérence. Le résultat escompté s’est produit un peu partout en Europe. Mais cette vision de l’immigration, celle des élites qui habitent les beaux quartiers, était trompeuse. Il y a plus de ghettos que des Kreuzberg [à Berlin].
    – Les zones de non-droit. Caldwell connaît bien le cas de Chanteloup-les-Vignes. Il est typique et le lecteur comprendra bien comment on passe, « d’un pas de somnambule », de la tentative d’intégration à la ségrégation pure et simple.
    – Violence, délinquance et émeutes. « La violence relative des quartiers musulmans est un obstacle de taille à la mixité sociale et à l’intégration. »
    – Les espaces de la Charia. « Dès qu’il devint évident que certains émigrés proposaient d’instaurer des cultures étrangères dans des pays européens, l’immigration (…) apparut sous un jour différent. » Par ailleurs, la propension au développement des lieux de culte répond à une certaine résurgence religieuse. Caldwell donne, par exemple sur l’appartenance des jeunes immigrés, étudiants et autres, à la religion islamique, des chiffres surprenants. Un long chapitre est consacré à La crise de la foi en Europe, et tente de placer les deux cultes, chrétien et musulman, l’un par rapport à l’autre. Jusqu’à aujourd’hui le dialogue interreligieux tiendrait du vœu pieux. Une chose est certaine : les musulmans restent fidèles à leur religion, les chrétiens s’en écartent. Le jour où le rapport de forces sera inversé, que se passera-t-il ?
    – Le sexe. « Les musulmans d’Europe viennent de cultures où les femmes sont strictement subordonnées à leur mari et aux hommes en général. (…) C’est un fait sociologique universel. » (…) « Adopter le style européen de sexualité et de relations entre sexes est la seule exigence non négociable que l’Europe impose. »

    IV - Quel avenir se réserve l’Europe ?

    Pour Caldwell, qui ne croit pas à l’intégration en Europe, l’immigration, c’est l’américanisation. Les Etats-Unis seraient le modèle du genre. Donc devant « les problèmes abyssaux » que l’Europe va rencontrer, la solution serait qu’elle devienne davantage comme l’Amérique. Mais on a vu que Caldwell rejetait la comparaison entre Europe et Amérique. Le melting-pot américain fonctionnerait-il avec des musulmans ? On ne connaît aucune expérience en la matière.

    Un second modèle d’immigration serait peut-être plus adapté : le système du millet de l’Empire ottoman qui a fonctionné pendant plusieurs siècles avec des populations de différentes religions, mais qui a disparu au début du XXe siècle du fait de l’appétit expansionniste de ses voisins européens.

    Comme nous l’avons déjà dit, Caldwell ne croit pas à l’intégration de masse. Néanmoins, il termine son puissant ouvrage par une légère pointe d’optimisme : « Les Européens ne peuvent qu’espérer que les nouveaux venus, surtout musulmans, s’assimileront pacifiquement », phrase rapidement compensée par un retour à la réalité crue : « Quand une culture peu sûre d’elle, malléable et relativiste rencontre une culture ancrée, confiante et renforcée par des doctrines communes, c’est généralement la première qui change pour s’adapter à la seconde. »

    « Il est sûr que l’Europe sortira changée de sa confrontation avec l’Islam. » Quel verdict !

    Un livre à lire, qui force à la réflexion.

    René Schleiter 6/12/2011  Polémia

    Titre original : Reflections on the Revolution in Europe, Doubleday, 2009.

    Le commentaire d’un Anglo-Saxon :

    Polémia a confié le livre de Christopher Caldwell, en sa version originale, à un ami anglo-saxon qui connaît bien la politique américaine. Nous voulions savoir ce qu’il en pensait et surtout comment il interprétait la démarche de ce journaliste américain néo-conservateur bien en cour. Il faut lire cette note avec détachement, en se rappelant que l’auteur du livre est américain, proche des néo-conservateurs et en oubliant tout préjugé français et européen.
    Le 28 octobre dernier, Polémia avait publié une interview que Christopher Caldwell avait recueillie auprès de Marine Le Pen. (6)
    Voici la note que notre ami nous a fait parvenir (il a demandé à conserver l’anonymat).

    Je suis en train de le relire – et je suis surpris, et troublé, par le nombre de noms d’amis, d’auteurs et de publications NEO-CONS qu’il mentionne comme étant des gens qui ont lu et vérifié le manuscrit et visiblement l’ont approuvé. La question est POURQUOI ?

    Celui qui domine entre tous est le « Tsar » des néo-cons, Leon William Kristol, qui pendant des années a écrit dans l’organe des néo-cons, The Weekly Standard. Il a aussi écrit pour le New York Time Magazine, The Financial Times, etc. !!! Toutes ces publications étant des publications grand public.

    Lisez la liste des noms de la page 365 [533, version française] sous le titre de « Remerciements ». C’était le 18 février 2009, tout à fait à la fin de l’ère Bush/néo-cons !!!

    A mon avis, ce livre essaie, d’une manière très sophistiquée, d’adopter un parti pris antimusulman acceptable au sein de l’élite europeo-américaine. Une politique néo-con.

    Je continue de penser que c’est l’un des livres les plus remarquables et le plus documenté et rempli de statistiques utiles que je connaisse. Je ne connais pas d’autre livre comme celui-là sur le marché.

    Les statistiques sont révélatrices – et choquantes – et utiles pour les auteurs et penseurs dits de droite – pour nous aider à clarifier et étayer nos arguments à propos de cette « crise de la culture européenne » !

    Mais il nous faut prendre conscience que Caldwell a bénéficié d’un accès privilégié à des banques de données auprès de ces grands médias que sont The Financial Times, The New York Times, The Weekly Standard – appartenant tous à l’Etablissement.

    Par conséquent, il faut être PRUDENT mais, comme toujours, il faut s’appuyer sur les informations réunies et distribuées par l’Etablissement quand on ne dispose pas de réseaux propres. Donc il faut évaluer avec soin les arguments de Caldwell – ainsi que leur portée – qui sont là pour étayer un parti pris essentiellement antimusulman ; non pas de manière brutale, « raciste » ou « sectaire », mais simplement en jouant de manière subliminale sur les cerveaux intoxiqués par le système d’éducation « maçonnique » en vigueur en Europe en général et dans les cercles de l’élite franco-anglaise en particulier : l’endoctrinement fondé sur le concept « Liberté, Egalité, Fraternité » a poussé les néoconservateurs à cette immigration désordonnée et aujourd’hui ils s’inquiètent de ce monstre qu’ils ont laissé échapper !

    Ce livre est très utile mais ce n’est qu’un outil, un outil non pas pour la libération de l’Europe, mais pour les propres objectifs des disciples de William Kristol…

    (En Europe, décembre 2011)

    (Traduction de l’anglais pour Polémia – RS)

    Note :

    (6) Madame Le Pen expliquée par un conservateur américain

  • Alain Soral -- Monde Multipolaire, Poutine, Libye, Syrie, Wall Street, Israel, Tarik ramadan.

  • Étienne Chouard - L'arnaque de l'impôt sur le revenu

  • La grève des médecins expliquée

    IMPORTANT : La France Mutualiste, citée en exemple dans la vidéo, ne propose aucun contrat Santé. Son patrimoine immobilier est donc cité à tord dans le cadre de l'argumentaire. Une vidéo rectificative sera postée dans quelques jours.

    Sources :

    http://www.ameli.fr/accueil-de-la-ccam/outils/actes-frequents/index.php

    http://www.covea.eu/index.php/fr/communiques-presse/164-maaf-mma-et-gmf-regro...

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_de_la_MNEF

  • Les énergies renouvelables, terrestres et aériennes

    Le grand débat national sur la transition énergétique qui a lieu en ce moment ne passionne guère les journalistes, et cette indifférence est assez révélatrice de l’absence de vision à long terme de ce système plus médiacratique que démocratique au sens athénien du terme…

    Mais, que la République ne parvienne pas à susciter les bonnes interrogations ou qu’elle soit impuissante, faute d’une volonté affirmée et responsable, à prévenir les périls du lendemain ou à cerner les enjeux énergétiques, ne doit pas pour autant décourager de réfléchir à ces questions qui engagent l’avenir de notre pays et des générations à suivre… Voici la deuxième partie de mon article publié dans « L’Action Sociale Corporative » sur les énergies renouvelables.

    Le défi énergétique pour la France d’aujourd’hui et de demain (partie2).

    Depuis quelques années, les éoliennes sont apparues et se sont répandues dans nos paysages, parfois sans discernement : néanmoins, l’énergie issue du vent peut être intéressante à exploiter plus largement, même s’il faut envisager d’implanter des éoliennes de plus petite taille et fournissant une électricité de proximité, en particulier dans les zones rurales aujourd’hui éloignées des grands centres urbains. Quant à l’énergie solaire dont le développement se heurte parfois à un coût relativement élevé pour la fabrication et l’installation des panneaux photovoltaïques, elle est facilement exploitable dans les nombreuses zones de France à fort ensoleillement, et peut servir, en particulier le solaire thermique, pour l’habitat collectif ou individuel, soit pour le chauffage des maisons ou appartements, soit pour la production d’une électricité locale. Là encore, la recherche et le développement de techniques de plus en plus élaborées et productives peuvent permettre d’accélérer la transition énergétique et de moins dépendre de l’exploitation des énergies fossiles ou de l’énergie nucléaire dont on connaît, malgré toute la qualité de la maîtrise française, les risques lourds pour l’environnement et les populations en cas d’accident ou de mauvaise pratique.

    D’autres énergies renouvelables peuvent être évoquées : la géothermie ; celles issues de la biomasse, facile d’exploitation et souvent peu coûteuse ; l’hydraulique, cette fameuse « houille blanche » qui a tant aidé à la « révolution électrique » de la fin du XIXe siècle en France, et, au-delà des grands barrages hydroélectriques, la petite hydraulique, trop négligée en France, et qui a pourtant de belles perspectives devant elle, pourvu que l’on veuille bien les développer ; l’énergie des déchets par les incinérateurs d’ordures ménagères, qui permet aujourd’hui de chauffer de nombreux logements collectifs ; le biogaz ; etc. Cette liste n’est pas exhaustive, bien sûr !

    Malgré toutes ses richesses énergétiques potentielles, la France semble en retard dans le développement et l’exploitation des énergies renouvelables, et la faute en est largement imputable à la République et à sa propre logique institutionnelle et politique : éternellement prise entre deux élections, la République n’a pas osé lancer de grands projets énergétiques sur le long terme qui auraient nécessité de l’audace et des remises en cause. Elle s’est contentée de continuer sur la lancée gaullienne des années 60, en particulier le programme nucléaire qui, s’il a pu permettre d’amortir les chocs pétroliers des années 70, a enfermé notre pays dans une logique de facilité avec une électricité peu chère sur l’instant (d’où une consommation électrique plus élevée de 25 % par rapport à celle de nos voisins allemands…) mais aujourd’hui condamnée à être de plus en plus coûteuse, y compris (et surtout, même) du fait du démantèlement des centrales nucléaires. De plus, la nécessité et la recherche (parfois vaine d’ailleurs…) d’une « popularité électorale permanente et renouvelée » empêche toute politique de long terme et toute remise en cause véritable du système énergivore de notre société de consommation, et des principes mêmes, pourtant peu compatibles avec le respect des équilibres environnementaux, de cette dernière.

    Et pourtant ! La transition énergétique évoquée et défendue par les spécialistes de l’énergie et de l’environnement est à peine ébauchée et reste trop souvent au stade des discours plus que des réalisations concrètes : l’Etat semble craindre que les efforts demandé aux producteurs comme aux consommateurs français soient mal acceptés et n’entraînent des mécontentements, voire des conflits. Il est vrai que rompre avec un système dont chacun profite mais dont les conséquences, elles, s’avèrent en définitive désastreuses, n’est pas simple, et sans doute faut-il préparer le terrain, en particulier sur le plan psychologique autant que sur le plan énergétique lui-même. Mais cette politique est nécessaire, et c’est l’Etat qui peut donner l’impulsion majeure, comme il l’a fait dans les années 60 en ce domaine comme en tant d’autres alors.

    Ce véritable « basculement énergétique » n’est possible que s’il s’inscrit dans une stratégie plus globale encore qui prenne en compte l’aménagement du territoire, mais aussi du temps de travail et de son organisation, ainsi que la nécessité d’une consommation moins dispendieuse en énergie. Economies d’énergie, réactivation d’un tissu rural dense et susceptible de s’auto-organiser (et de se suffire à lui-même le plus largement possible) en partie, redensification de l’habitat des centres-villes, mise en valeur de l’Outre-mer et des espaces métropolitains, etc. sont autant de moyens de réussir cette transformation énergétique française : notre pays a la possibilité de montrer l’exemple et de devenir un modèle pour les autres nations, et la France peut le faire par elle-même au regard de toutes les possibilités d’énergie renouvelable dont elle dispose.

    Philippe Folliot et Xavier Louy expliquent, dans leur ouvrage «  France-sur-Mer  », que la France a les atouts énergétiques, territoriaux et humains pour devenir en moins d’un demi-siècle… la première puissance mondiale ! Quoi que l’on pense de ce pronostic, travailler du mieux que l’on peut pour la grandeur française est toujours nécessaire, et la question énergétique est l’un des enjeux majeurs des prochaines décennies : un basculement de la production et consommation françaises vers des énergies renouvelables et inépuisables donnerait à la France un avantage certain. Et puisque la République ne le peut pas, voire ne le veut pas, travaillons à instaurer les conditions institutionnelles à ce basculement énergétique porteur de tant de promesses et garant de la pérennité, au-delà de notre propre pays, de la planète…

    Jean-Philippe Chauvin  http://www.actionfrancaise.net/

  • Baisser le coût du capital pour réussir la transition énergétique

    Par Jean-Marc Jancovici

    Depuis que les hommes ont acquis la notion du temps et celle, plus récente, de l’argent, ils ont souvent été amenés à répondre à une question désormais incontournable en économie : comment comparer une somme disponible aujourd’hui avec la même qui le sera plus tard ? A question simple, réponse qui ne l’est que rarement : s’il faut patienter pour recevoir de l’argent, il suffit d’en recevoir un peu plus. Certes, mais combien ? Eh bien… ça dépend !

    Admettons que vous ayez le choix entre recevoir 100 tout de suite et 100 + n dans un an. Si n est nul, personne ou presque ne patientera et, s’il est très élevé, tout le monde ou presque acceptera de le faire. La valeur de n pour laquelle cela est indifférent pour l’acteur concerné s’appelle le taux d’actualisation.

    Ce taux n’est jamais très éloigné des taux d’intérêt en vigueur. Admettons qu’emprunter à un an coûte 3 %, et que l’on vous propose par ailleurs de recevoir 10 % (sans risque et sans inflation) en patientant un an. Vous allez alors patienter… éventuellement en empruntant, puisque le banquier va vous prêter à 3 % et vous allez gagner 10 %. A l’inverse, si le taux d’intérêt est de 15 %, la même opération vous conduirait à payer 15 pour gagner 10, ce que peu de gens accepteront !

    L’apparition des marchés financiers a contribué à fortement augmenter ce taux d’actualisation. Le raisonnement reste le même : c’est le rendement attendu du « placement standard » disponible par ailleurs qui conditionne la valeur de n pour laquelle vous accepterez d’attendre.

    Quel rapport avec la transition ? Tout simplement que, pour baisser la consommation d’hydrocarbures importés, qui est un objectif incontournable, il faut investir massivement dans des infrastructures lourdes qui permettent de s’en passer : changement des formes urbaines et des bâtiments, des infrastructures de transport et du parc roulant, des processus industriels, et augmentation de l’électricité décarbonée.

    Au moment de la construction, l’argent ne peut venir que des actionnaires et des banquiers, puisque, à ce moment, il n’y a pas encore de recettes commerciales. Une fois que ces infrastructures généreront des recettes, l’exploitant va « rendre » le coût de construction sous forme d’échéances d’emprunt, de dividendes ou de plus-values en capital.

    A tout moment, l’argent toujours mobilisé par les actionnaires et les banquiers (donc non encore remboursé grâce aux recettes) est rémunéré avec un taux moyen, qui est justement le taux d’actualisation, encore appelé « coût moyen du capital ».

    Prenons une infrastructure qui coûte 1 milliard d’euros et qui dure cent ans. Si le coût du capital est de 0 %, le remboursement coûtera… 1 milliard. Mais avec un coût du capital de 4 % par an, alors c’est 5 milliards à rembourser, et à 12 % (« standard » des marchés financiers) il faudra restituer 20 milliards sur le siècle !

    Dit autrement, plus le prêteur ou l’actionnaire sont gourmands, plus le coût d’usage de l’infrastructure sera élevé.

    Prenons maintenant une vue plus générale. En 2011, la France a importé pour 70 milliards d’euros de pétrole et gaz, qui rendent des services (mobilité, fabrication industrielle, chauffage, essentiellement). Imaginons que nous voulions ces mêmes services sans ces importations. Il faut alors que le consommateur paye non point l’énergie fossile, mais le coût d’usage de l’infrastructure qui permet de s’en passer, pendant que le pays économisera son déficit commercial et créera de l’emploi.

    Si le coût du capital est de 2 % par an, et que le capital se déprécie de 1 % par an, alors le pays peut injecter plus de 2.000 milliards d’euros dans des infrastructures lourdes pour éviter 70 milliards d’importations par an. Mais avec un rendement espéré de 12 %, c’est 6 fois moins d’argent qui peut être investi dans les mêmes infrastructures.

    Dit autrement, plus les banquiers et épargnants sont gourmands, et moins nous arriverons à faire une transition gérée, faute de capitaux pour cela. Comme pétrole et gaz sont déjà contraints à la baisse en Europe, cela signifie que ce sont les crises qui se chargeront de détruire la demande en énergie fossile que nous aurions pu éviter avec des investissements de long terme.

    Baisser le coût du capital est donc central pour préserver un avenir vivable. Une raison de plus pour prendre de la distance avec la financiarisation de l’économie !

    Les Échos   http://fortune.fdesouche.com