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géopolitique - Page 407

  • Les temps de réconciliation

    6a00d8341c715453ef0240a4a48e2e200d-320wi.jpgIl semble beaucoup trop tôt pour évaluer la réussite diplomatique qu'évoque au soir de la réunion de Biarritz le journal officiel de Boboland[1]. Plus mesurables nous paraissent la question de la paix civile des Français et celle d'une meilleure coopération entre Européens.

    Dans une précédente chronique[2] nous déplorions en effet le peu de fiabilité de la réunion de conditions réconciliatrices dans le contexte du gouvernement actuel. Ceci en dépit des appels présidentiels, communication essentiellement rhétorique.

    Il a existé cependant des précédents historiques, dans la France d'autrefois. On pourrait, on devrait, aujourd'hui encore s'y référer. L'exemple dont la mémoire nationale a conservé le plus longtemps le souvenir remonte sans doute au couronnement d'Henri IV.

    En l'an de grâce 1589, la race des Valois s'étant éteinte, la branche des Bourbons était appelée à lui succéder par cette loi de succession si simple que les juristes avaient appelée, au XIVe siècle, loi salique. Malgré plus de 300 ans de distance depuis la mort de leur ancêtre, saint Louis, après une histoire tumultueuse, et en dépit du triste épisode du Connétable mettant son épée au service de Charles Quint, la légitimité politique de la nouvelle lignée dynastique n'était contestée que par les partisans fanatiques de la continuation des guerres de religion.

    Il fallut certes 5 ans pour aboutir en 1594 au sacre du roi de France, à Chartres, car la Ligue catholique contrôlait Reims.

    Ce ne fut encore que 4 ans plus tard, seulement, que fut signé en 1598 l'Édit général de Nantes, complété par diverses dispositions y compris celles de l'édit de Fontainebleau signé en 1599 par le Vert Galant pour son petit royaume de Navarre où les protestants tenaient encore le haut du pavé.

    Charte exemplaire du rassemblement cet ensemble maintint l'équilibre religieux dans le royaume pendant près d'un siècle. Mais elle avait nécessité 10 ans d'efforts, reprenant des tentatives infructueuses marquées par les édits d'Amboise (1563), Saint-Germain, (1570) et Poitiers (1577).

    Cette longue route du Vert Galant, la Restauration, sous son descendant Louis XVIII s'efforça de la suivre.

    D'emblée ce sentier escarpé fut semé d'embûches auxquelles s'employèrent les grands habiles, notablement Fouché et Talleyrand, en imposant par exemple que le Sénat impérial devînt Chambre des pairs, etc. Pas question de toucher aux intérêts des acquéreurs de biens nationaux de l'époque révolutionnaires, ceux que Beau de Loménie considère comme les fondateurs des dynasties bourgeoises.

    N'oublions jamais, en effet, qu'en 1814 le retour des Bourbons avait été accueilli par une liesse générale du peuple français. L'affreux survivant du Comité de salut public robespierriste Carrère l'atteste dans ses Mémoires publiées 30 ans plus tard.

    C'est ainsi que fut publiée la très belle déclaration de Louis XVIII rentrant par Saint-Ouen.

    Que dit en effet le frère du roi martyr Louis XVI, l'oncle du pauvre petit Dauphin[3]reconnu pour Louis XVII ? Il annonce simplement le retour "d'un Français de plus en France".

    Parmi les pages, si admirables du point de vue littéraire, de Chateaubriand, on perçoit sans difficulté que ce règne ne fut point senti comme suffisamment contre-révolutionnaire par ceux que leurs adversaires appelaient ultraroyalistes, encore qu'ils n'employaient point eux-mêmes cette étiquette.

    On ne relira sans doute jamais assez la page terrible des Mémoires d'Outre-Tombe[4] où il dit son horreur de voir dans les allées de la nouvelle Cour, "le vice appuyé sur les bras du crime".

    Dans la pratique, toutefois on peut mesurer, aussi, toute la grandeur et toutes les difficultés de ce règne réconciliateur et réparateur qui assura une des périodes les plus brillantes et les plus heureuses de l'Histoire de France.

    On peut hélas mesurer aussi la distance qui nous en sépare.

    JG Malliarakis  

    Apostilles

    [1] cf. Le Monde en ligne le 26.8 à 20h57 "A Biarritz, Macron estime que le sommet du G7 a créé les conditions d’une rencontre entre Trump et Rohani"
    [2] cf. L'Insolent du 20.8 "Réconciliation : un dur métier"
    [3] et dont la Restauration ne reconnut jamais la dépouille présentée pour telle au cimetière de Sainte-Margueritte puisque celle-ci ne fut, mystérieusement, ni transférée à la chapelle expiatioire, ni à Saint-Denis.
    [4] Ensuite, écrit-il, je me rendis chez Sa Majesté : introduit dans une des chambres qui précédaient celle du roi, je ne trouvai personne ; je m'assis dans un coin et j'attendis. Tout à coup une porte s'ouvre: entre silencieusement le vice appuyé sur le bras du crime, M. de Talleyrand marchant soutenu par M. Fouché ; la vision infernale passe lentement devant moi, pénètre dans le cabinet du roi et disparaît. Fouché venait jurer foi et hommage à son seigneur ; le féal régicide, à genoux, mît les mains qui firent tomber la tête de Louis XVI entre les mains du frère du roi martyr ; l'évêque apostat fut caution du serment.

    https://www.insolent.fr/

  • Feux de forêt en Amazonie : un prétexte pour s’en prendre à Jair Bolsonaro

    Feux de forêt en Amazonie : un prétexte pour s’en prendre à Jair Bolsonaro

    Les fausses informations sont tellement nombreuses qu’il devient impossible de toutes les corriger. Les feux de forêt en Amazonie ne sont qu’un prétexte pour s’en prendre à Jair Bolsonaro. Petit florilège :

    Selon la Nasa, l’Afrique subsaharienne est davantage en proie aux flammes que l’Amazonie :

    5d61362b488c7b0a348b4567-403x300.pngUn examen plus approfondi permet même de se rendre compte que l’étendue des feux semble généralisée sur l’ensemble de pays comme l’Angola, la Zambie ou la Tanzanie, et très présents au Congo. Pourtant, on ne trouve aucune mention de ces incendies, que ce soit dans la presse locale africaine, ou dans la presse internationale. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il s’agit d’un phénomène habituel, et régulier. Mais qui n’en reste pas moins inquiétant.

    Explication.

    Au mois de juin dernier, la NASA elle-même expliquait que les incendies étaient monnaie courante en Afrique à cette période de l’année. Et ils ne sont pas dus à la sécheresse ni à la pollution, mais bien aux pratiques agricoles. La NASA l’appelle “slash and burn”, on parle chez nous de “culture sur brûlis”, une technique peu coûteuse et facile à appliquer : le bois est coupé puis brûlé, et la couche de cendres fournit aux terres défrichées une couche riche en nutriments pour aider à fertiliser les cultures (…)

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  • Un G7 plein de surprises – Journal du lundi 26 août 2019

     

    Un G7 plein de surprises

    On le savait spécialiste des coups de com’, le président français Emmanuel Macron n’a pas déçu pour le G7 de Biarritz. En invitant le ministre des affaires iraniens, le pensionnaire de l’Elysée a surpris son monde et surtout il semble vouloir prendre de la hauteur vis à vis de la fonction présidentielle.

    L’Amazonie met le feu entre Paris et Brasilia

    Alors que de violents incendies ravagent la forêt amazonienne, les relations entre Paris et Brasilia flambent. Depuis qu’Emmanuel Macron a exhorté Jair Bolsonaro à prendre des mesures fortes pour lutter contre le feu, le président brésilien et son gouvernement multiplient les sorties à l’égard du président français…

    Les Républicains en reconstruction

    Trois mois après la déroute aux élections européennes, les Républicains entament leur restructuration. Ce lundi, la haute autorité du parti a dévoilé la liste des candidats à la présidence LR. Une campagne pour tenter de redresser un parti à la dérive

    L’actualité en bref

    https://www.tvlibertes.com/un-g7-plein-de-surprises-journal-du-lundi-26-aout-2019

  • Qu’a dit Poutine sur les Gilets jaunes que les médias français ont omis?

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    Plusieurs médias français ont repris les propos de Vladimir Poutine sur les Gilets jaunes sans reprendre sa phrase sur le bilan des manifestations – «11 personnes tuées et 2.500 blessées» – faute de traduction de la part de l’unique interprète présent lors de la rencontre au fort de Brégançon ?

    Reçu dans la résidence d’été du Président français, Vladimir Poutine a lancé une pique à son homologue en affirmant qu’il «ne veut pas d’une situation pareille» dans les manifestations à Moscou, en faisant référence aux Gilets jaunes. Il a notamment évoqué les nombres de morts et de blessés ayant marqué les rassemblements en France.

    L’unique interprète qui traduisait le discours du Président russe pour les médias français n’a pas évoqué dans sa traduction les «11 personnes tuées et 2.500 blessées, dont 2.000 policiers» évoquées par le Président russe.

    Certains médias français, dont l’AFP, BFM TV, Ouest-France ou encore Franceinfo, ont décidé de reprendre simplement cette traduction sans attacher d’importance à la phrase exacte et complète du chef d’État russe.

    «Nous tous savons que pendant les manifestations des Gilets jaunes, d’après nos calculs, 11 personnes sont mortes [chiffres officiels de l’Intérieur français, ndlr] et 2.000 personnes ont été blessées dont 2.000 policiers.

    Nous ne voudrions pas que de tels événements se déroulent dans la capitale russe et nous ferons tout pour que notre situation intérieure se passe strictement dans le cadre de la loi», a déclaré le Président russe face à M.Macron.

    Voici comment l’interprète a traduit en direct ce passage:

    «Mais vous savez tous que pendant les manifestations des Gilets jaunes, il y a eu plusieurs dizaines de personnes qui avaient été blessées, il y avait des policiers qui avaient été blessés et on ne veut pas du tout que des événements pareils se passent dans la capitale russe.»

    Cette version a été largement reprise par des médias. Une traduction similaire est retrouvée dans une dépêche de l’AFP publiée immédiatement après la rencontre.

    Source : Sputnik
  • G7 : mondialisme, imposture et dérision

    6a00d8341c715453ef0240a47ae745200c-320wi.jpgIls se sont donc unanimement mis d'accord dès ce 25 août à Biarritz. Ils considèrent comme catastrophiques pour l'environnement mondial les incendies de forêt en Amazonie. Cela pourrait requérir, en bonne logique, une intervention non moins internationale pour aider la Bolivie et le Brésil.

    Mais, on ne le répétera jamais assez : un verre à moitié plein, cela ressemble terriblement à un verre à moitié vide, et, même face à cette évidente urgence, l'entente demeure apparente entre les grandes personnes de ce monde.

    Ainsi, pour accuser Bolsonaro, nos indispensables écolos sont prêts à dénoncer en lui le facho, le macho, le raciste, peut-être même l'islamophobe. Car bien entendu ce n'est pas à La Mecque que l'on risquerait d'incendier la forêt de pluie. Encore moins de polluer l’environnement en cultivant du soja, puisqu'on n'y cultive rien.

    Soulignons ainsi que pour les lecteurs New York Times, cet excellent journal pour lequel le Mont Saint-Michel se trouve en Bretagne[1] les choses sont claires. Les coupables ? Les super-bobos en lancent la dénonciation. Conscience de la démocratie globale, ils mettaient en cause dès le 19 août les responsabilités des pays limitrophes de l'Amazonie, entre Colombie et Brésil[2]. Et ils encourageaient la mainmise des défenseurs de la biodiversité, l'intervention des ONG de droit divin, etc.

    Nos nouveaux moralistes et autres lanceurs d'alertes épargnent évidemment le Canada. Pourtant, la forêt de pluie de cet immense pays est, de longue date, fort peu ménagée. Mais son gouvernement, politiquement si correct, siège, on ne sait trop pourquoi, dans ce directoire des grandes puissances rassemblées péremptoirement par Giscard d'Estaing il y a plus de 40 ans, en 1975, Dieu sur le mont Sinaï ayant communiqué l'année suivante une liste provisoirement plus définitive.

    Toutes ces galanteries dissimulent assez mal le désaccord profond et le vieillissement de cette formule. On peut la juger peut-être plus dépassée encore que les institutions onusiennes. Ces dernières sont en voie d'être conquises par l'argent et la diplomatie de la Chine capitalo-communiste qui avance ses pions : les Fils du Ciel dirigent maintenant 4 organisations mondiales sur 11, depuis l'accession d'un ses ministres à la tête de la FAO le 1er août.

    Simultanément viennent de se réunir les 5 pays riverains de la mer Caspienne, dont le rapprochement et la coopération a été scellée par un accord historique signé en 2018. Les deux principaux partenaires, la Russie et l'Iran vont pouvoir s'entendre ainsi pour faciliter le transit du pétrole, le transport des marchandises venues d'Extrême orient et pour contourner les sanctions occidentales.

    En Asie orientale la ceinture de sécurité face aux inquiétantes ambitions de Pékin vient aussi de perdre un atout de poids par le retrait, annoncée le 19 août, de la Corée du Sud de sa coopération de renseignement dans le cadre du GSOMIA, Accord général sur la sécurité des informations militaires, signé en 2016.

    L'Europe, dans tout cela, paraît sans doute très présente au G7. Autour de la table officielle de Biarritz, où participait même le président du Conseil européen Donald Tusk, 5 représentants du Vieux continent, dont l'Angleterre fait encore partie, sur 8 membres du club… Mais nos intérêts communs reculent partout.

    On donne des leçons aux Brésiliens mais on ne parvient toujours pas à enrayer nos propres incendies, aujourd'hui entre Canaries et Eubée et jusqu'en Europe du Nord, d'autres années entre Portugal ou Provence.

    Nos dirigeants peuvent bien plastronner. Les dangers se rapprochent. Les institutions de l'Union européenne ne portent toujours que sur le libre-échange commercial et les ratios monétaires technocratiques. Et dans le même temps, la défense du continent reste dépendante du bon vouloir d'un protecteur de plus en plus distant, et de moins en moins maître du jeu.

    JG Malliarakis  

    Apostilles

    [1] Cf. article du Point en ligne le 20 août "Pour le New York Times, le Mont-Saint-Michel se trouve en Bretagne."
    [2] cf. "How to Save the Amazon Rain Forest."

  • L'Iran invité a Biarritz : diplomatie de substitution.

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    L'avis de Jean-François Touzé

    Une analyse superficielle de l'invitation surprise  faite au ministre iranien des Affaires étrangères de venir dialoguer à Biarritz, en marge du G7, avec son homologue français, pourrait conduire à attribuer un satisfecit à la diplomatie macronienne.
    Ce serait une erreur. 
    Macron, certes, s'agite et discute beaucoup. Avec tout le monde et avec chacun. Son ambition de créer les conditions d'un nouveau multilatéralisme est connue. Elle est supposée s'inscrire dans la continuité de la politique non alignée gaullienne.
    Mais l'indépendance ne se décrète pas. Elle se prouve et s'impose. Elle se prend. Or, tout indique que ce mini coup de théâtre est, en réalité, le fruit d'une stratégie établie non pas à Paris, mais à Washington.
    Décidé par juste raison à entamer une désescalade dans la crise iranienne, tout en maintenant la pression sur Téhéran par les sanctions et le blacklistage, et sur les capitales occidentales par l'inacceptable chantage extra territorial, arme américaine de contrôle de l'Europe qui relève du plus scélérat chantage, Trump a parfaitement compris l'usage qu'il pouvait faire d'un président français égocentré et narcissique dans la reprise d'un dialogue avec un régime iranien par ailleurs demandeur.
    C'est donc par délégation du Président américain, missionné et mandaté pour cela par l'administration US, qu'agit le President de la République flatté de se voir reconnu sans comprendre qu'il est marionnettisé.
    Trump, en bon spécialiste du billard à trois bandes, émettra sans doute des réserves. Pour l'heure, il se contente de ne pas commenter. La diplomatie de substitution comporte ses règles qui impliquent que le tireur de ficelles prennent ses distances avec celui qu'il instrumente afin que lui soit épargnée toute imputation de responsabilité en cas d'échec. C'est son jeu. Il le pratique bien. Un jeu que l'enfant de l'Elysée n'est pas en mesure de suivre.
    Macron saura profiter de cette séquence pour tenter de se crédibiliser sur notre scène intérieure 
    Il n'est pourtant que le petit télégraphiste de Trump.
  • Sommet du G7 : qui va payer la facture ?

    Biarritz.jpgUn peu plus de 36 millions d'euros, c'est ce que coûtera le sommet du G7 organisé du 24 au 26 août 2019, à Biarritz (Pyrénées-Atlantique). 

    La porte-parole du gouvernement affirme que c'est nettement moins que pour les précédents sommets.

     https://www.peupledefrance.com/2019/08/sommet-g7-facture.html#more

  • Se rapprocher de la Russie, une urgence pour la survie de l'Europe ?...

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    Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com 
    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Caroline Galactéros, cueilli dans Marianne et consacré à l'indispensable rapprochement entre l'Union européenne et la Russie. Docteur en science politique, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre (Nuvis, 2013) et intervient régulièrement dans les médias. Elle a créé récemment, avec Hervé Juvin entre autres, Geopragma qui veut être un pôle français de géopolitique réaliste.

    Se rapprocher de la Russie n'a jamais été aussi urgent pour la survie de l'Europe

    A l’heure où j’écris ces lignes, depuis le sud d’une Europe étourdie de torpeur estivale telle l’insouciante cigale de la fable, un calme étrange semble régner sur les grandes affaires du monde. Un silence inquiétant aussi, comme celui qui précède l’orage en montagne ou le tsunami en mer. En matière de guerre comme de paix, le silence est toujours un leurre. Il se passe en fait tant de choses « à bas bruit » qui devraient mobiliser les chancelleries occidentales et leur faire élaborer des politiques nouvelles, ne serait-ce même que de simples « éléments de langage » disruptifs.

    Le nouveau partage du monde n’est pas une césure infranchissable. L’approfondissement du discrédit moral et politique des États-Unis, notamment depuis l’arrivée de Donald Trump, président grandement sous-estimé mais jugé imprévisible et changeant souvent de pied, pousse les acteurs de deuxième rang, pour survivre en dessous du nouveau duo de tête sino-américain, à ne plus mettre tous leurs œufs dans le même panier, tandis que Washington détruit méthodiquement tous les mécanismes et instruments multilatéraux de dialogue.

    Rééquilibrage mondial

    La crise du détroit d’Ormuz creuse les fractures attendues, comme celle qui oppose les Etats-Unis, Israël et l’Arabie saoudite à l’Iran secondé par Moscou et Ankara sous le regard gourmand de Pékin. Elle révèle aussi l’approfondissement de rapprochements plus insolites, tel celui de Moscou et de Ryad, chaque jour plus visible en Syrie au grand dam de Washington. En témoigne, outre leur rapprochement pour maintenir les cours du pétrole, l’amorce d’une coopération militaire entre les deux pays avec des achats de S400 par Ryad (comme d’ailleurs par Ankara dont l’opportunisme ne connait plus de limites). Ryad achètera aussi aux Chinois des technologies de missiles et des drones.

    Quant aux Émirats arabes unis, ils ont annoncé au salon IDEX 2019, des acquisitions d’armements divers à la Russie pour 5,4 milliards de dollars et notamment de systèmes anti-aériens Pantsir-ME. Les enchères montent. Autre signe de ce « rééquilibrage », le récent jeu de chaises musicales au sein des services syriens de sécurité, sous la pression de Moscou, au profit de personnalités sunnites adoubées par Ryad, contre l’influence iranienne jusque-là dominante. Même le Hezbollah prendrait quelques ordres à Moscou désormais. De là à penser que la Russie mènera pour longtemps la danse en Syrie, mais souhaite néanmoins favoriser un règlement politique ayant l’imprimatur discret de Washington, Ryad et Tel Aviv – et donc défavorable au clan Assad (le bras-droit du frère de Bachar el-Assad, Maher, putatif remplaçant, vient d’être arrêté) et à son tuteur iranien – il n’y a qu’un pas…

    Ce qui ne veut pas dire que Moscou laisse tomber Téhéran. Elle s’en sert pour optimiser son positionnement entre Washington et Pékin. La Russie vient d’annoncer de prochaines manœuvres militaires conjointes. L’Iran, étouffé de sanctions, ne peut évidemment tolérer d’être empêché de livrer même de toutes petites quantités de brut qui assurent la survie politique du régime et la paix sociale. La République islamique a donc répliqué à l’arraisonnement par les Britanniques – à la demande de Washington – du Grace One près de Gibraltar le 4 juillet dernier (pétrolier transportant du pétrole brut léger) et prend la main : saisie le 13 juillet, du pétrolier MT-RIAH puis, le 19 juillet, du britannique Stena Impero…. et enfin le 4 août, par celle d’un troisième bâtiment.

    Iran/Etats-Unis : qui a la main sur qui ?

    Téhéran menace désormais d’interdire le Détroit d’Ormuz (un tiers du transit mondial d’hydrocarbures) dont elle partage la propriété avec Oman et les Émirats arabes unis (la passe étant par endroits trop étroite pour constituer des eaux internationales) et tolère l’usage international à certaines conditions par les seuls signataires de la Convention maritime internationale de 1982. Il est vrai que Washington met de l’huile sur le feu jour après jour et vient d’imposer illégalement de nouvelles sanctions à l’encontre du ministre des Affaires étrangères iranien Mohammad Javad Zarif- peut être l’ultime et plus compétent négociateur pouvant arrêter l’escalade – notamment pour entraver ses déplacements. Qui veut la paix ? Qui veut la guerre ? De provocations en enfantillages, certains dirigeants semblent avoir perdu tout sens de leurs responsabilités envers la paix mondiale. Car si le Détroit d’Ormuz venait à être véritablement interdit par Téhéran au passage des tankers, l’explosion du prix du brut qui s’ensuivrait serait très vite insupportable pour l’économie mondiale et une gigantesque récession surviendrait. En dépit des apparences, c’est donc l’Iran qui tient le sort des États-Unis et de l’économie occidentale entre ses mains.

    La « pression maximale » crânement brandie comme un trophée par le président Trump à l’encontre de Téhéran s’exerce donc dans les deux sens. Cette folle politique de Washington qui prétend contraindre le pouvoir à élargir le spectre de l’accord sur le nucléaire de 2015 (attente parfaitement utopique ou trompeusement avancée pour provoquer un conflit) est un échec patent. Certes, Londres par la voix de son nouveau premier ministre Boris Johnson, dont le pedigree personnel dessine une possible et gravissime double allégeance, a choisi, as usual, « le Grand Large » comme en a témoigné l’arraisonnement du Grace One. L’Allemagne se montre quant à elle prudente, cherchant à ménager la chèvre et le chou et à profiter du manque de discernement de la France.

    Bientôt un Yalta 2.0 ?

    Paris en effet, s’oppose (pour combien de temps) à une coalition pour garantir la circulation dans le détroit d’Ormuz que demande évidemment Washington, et essaie de s’accrocher à l’Accord moribond… après avoir commis l’insigne faute d’appeler à son extension aux questions balistiques pour complaire à Washington et Tel Aviv. Nous avons donc encore une fois joué, inconsciemment faut-il l’espérer, une partition américaine qui contrevient à tous nos intérêts et précipite la guerre.

    Ce focus sur l’actualité internationale du moment ne fait que manifester l’ampleur des enjeux du Yalta 2.0 qui s’annonce. Mais « le Rideau de fer » de ce nouveau partage s’est déplacé vers l’Oural, à l’extrême est de l’Europe, et cette translation met clairement la Russie dans le camp de l‘Europe. En effet, si l’Oural sépare géographiquement l’Europe de l’Asie, à sa verticale se trouvent précisément les ex-républiques soviétiques d’Asie centrale, qui font toujours partie de la ceinture de sécurité de la Russie et sont désormais convoitées par la Chine. Or, si l’Eurasie est toujours au cœur des convoitises des grands acteurs (dont les États-Unis), il est une autre opposition que nous ne voyons pas alors qu’elle devrait pourtant focaliser notre capacité d’analyse stratégique et notre action diplomatique : c’est la rivalité montante entre la Chine et la Russie pour la domination économique et politique de l’Asie centrale et même du Caucase.

    Les tracés nord (Chine-Kazakhstan-sud Russie-nord Caucase jusqu’en Mer noire sur le territoire russe) et centre (Ouzbékistan-Turkménistan-Iran-Turquie) des Nouvelles Routes de la Soie visent en effet à mettre sous dépendance économique progressive les « Stans », et donc, au prétexte de la lutte contre les Ouigours musulmans, à permettre à Pékin de disposer progressivement d’un levier de déstabilisation économique et sécuritaire important sur Moscou. L’influence est aussi (et souvent avant tout) faite de capacité de nuisance.

    Et l'Union européenne dans tout cela ?

    En conséquence, « l’Europe de l’Atlantique à l’Oural » – englobant la partie européenne de la Russie – n’a jamais été aussi nécessaire et urgente pour la sauvegarde de l’Union européenne, si cette dernière espère compter entre États-Unis et Chine et éviter le dépècement et la dévoration. Pourtant le rapprochement de l’Union européenne avec la Russie reste ignominieux, inconcevable, indéfendable à nos dirigeants piégés par une vision idéologique et faussée de leurs intérêts comme des nouveaux rapports de force du monde. C’est l’impensé, l’impensable, l’angle mort de la projection stratégique de l’Europe. Pour les élites et institutions européennes, la Russie – que l’on assimile toujours à l’URSS -, est par principe vouée aux Gémonies, l’Amérique idéalisée, le péril chinois minimisé, l’Inde ignorée, le Moyen-Orient déformé et l’Afrique sous-estimée. Les ravages de « la pensée magique » touchent malheureusement aussi la politique extérieure.

    Pour entraver une dérive collective vers une nouvelle loi de la jungle internationale qui ne s’embarrassera même plus de gardes fous juridiques imparfaits, il est urgent de retrouver les bases d’une coexistence optimale entre les grands acteurs et ensembles régionaux. Urgent surtout de cesser de croire en la chimère d’un magistère moral occidental ou simplement européen qui a volé en éclats. Dans un saisissant paradoxe, le dogmatisme moralisateur ne passe plus la rampe et une révolution pragmatique et éthique de la pensée stratégique occidentale s’impose. La France peut encore en prendre la tête et entrer en cohérence avec elle-même pour se protéger, compter et convaincre.

    Caroline Galactéros (Marianne, 6 août 2019)

    http://euro-synergies.hautetfort.com/

  • [RussEurope-en-Exil] Biarritz : qui se soucie encore du G-7 ? par Jacques Sapir

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    Biarritz sera donc, à en croire les médias français, le centre du monde, à l’occasion du G7 de ce week-end (24 – 26 août).
    Un sommet qui est placé, officiellement, sous le signe des inégalités, mais qui évoquera aussi les sujets qui fâchent : de la taxe GAFA sur laquelle les Français et les Britanniques – pour une fois unis – s’opposent aux Américains, à l’environnement, en passant par le conflit commercial qui oppose les Etats-Unis à la Chine.
    Mais ce G-7 sera-t-il à la hauteur des enjeux ?
    On peut en douter.
    De plus, est-il vraiment le « club » des pays les plus riches et les plus puissants qu’il prétend être depuis le début en 1975, ou n’est-il pas déjà dépassé par d’autres institutions ?
    Le G-7, ordre du jour officiel et officieux
    La réunion du G-7 qui se tiendra donc à Biarritz, en état de siège, attire tant les journalistes que les « altermondialistes ».
    Officiellement, les décisions attendues concernent la réduction des inégalités, un sujet sur lequel on peut attendre beaucoup de belles paroles et très peu d’actes concrets.
    La question de l’environnement tout comme celle des négociations commerciales et du rôle du multilatéralisme, seront nécessairement évoquées.
    On sait que, sur ce point les opinions des Etats-Unis et des autres pays divergent de manières importantes.
    On peut aussi penser que certaines questions, qui ne sont pas explicitement à l’ordre du jour seront abordées : l’instrumentalisation des échanges en dollars à des fins politiques par les Etats-Unis est un problème majeur de même que les risques grandissants de récession et de crise mondiale.
    Cette réunion du G-7 sera donc certainement l’occasion d’étaler certaines divergences.
    On peut penser à l’Iran, sujet sur lequel la France, l’Allemagne, mais aussi le Japon, sont en désaccord avec les Etats-Unis, mais aussi à la question des négociations commerciales.
    Les Etats-Unis ont clairement exprimé leur insatisfaction avec des négociations multilatérales.
    Les pays de l’Union européenne y sont, à tort ou à raison, plus attachés.
    La question de la présence des Etats-Unis au sein de l’OMC est donc posée ; il s’agit effectivement d’une question centrale.
    Donald Trump a clairement dit qu’il ne considérait plus les organisations multilatérales comme efficaces, du moins du point de vue des Etats-Unis.
    Cette question va figurer naturellement dans les discussions du G-7, et donc celle d’une possible réforme de l’OMC.
    Mais, la capacité de cette institution à se faire entendre de l’OMC est aujourd’hui bien plus réduite qu’elle ne l’était il y a dix ou quinze ans.
    Enfin, la question des relations avec la Chine et du conflit commercial qui oppose les Etats-Unis à ce pays devrait être évoqué.
    Mais, là, une unanimité de façade pourrait être maintenue car, pour des raisons différentes, tout le monde s’accordera pour condamner par avance une intervention directe de Beijing dans la crise
    politique de Hong-Kong, même si ce sera avec beaucoup d’hypocrisie.
    La “danse du ventre” d’Emmanuel MacronEmmanuel Macron, qui se trouve être cette année le Président du G-7, est conscient que l’influence de ce dernier s’est beaucoup réduite depuis les dix dernières années. 
    Rappelons que le G-7 est l’héritier lointain du G-5, qui avait été constitué pour tenter de coordonner les politiques monétaires des principales puissances occidentales à la suite de la dissolution en 1973 des accords de Bretton Woods. 
    A l’origine, Il s’agit d’une idée du président Giscard d’Estaing (1974-1981). Le G7 a été chargé de coordonner les mouvements monétaires alors que les taux de change sont devenus flexibles. 
    Appelé d’abord de façon informelle le G-5, puis provisoirement G6 lors de sa création officielle en 1975, et devenu ensuite le G-7 avec l’intégration du Canada en 1976, son influence s’est bientôt étendue à d’autres aspects de l’économie que les simples problèmes monétaires. 
    Le G-7 a eu, à la fin du XXème siècle un rôle dominant dans l’économie mondiale. 
    Ce n’est plus le cas aujourd’hui. 
    Il est clairement distancé par les BRICS qui sont un forum rassemblant les pays émergents. L’expulsion de la Russie du G-8 en 2014, une expulsion qui est aujourd’hui regrettée tant par les dirigeants japonais et italiens que par Donald Trump a certainement aggravé son déclin. 
    D’ailleurs, si on calcule en PPA, la part du G-7 dans le PIB mondial est aujourd’hui inférieure à celle des BRICS.
    Graphique 1
     
    Source: FMI
    Il est évident que la proposition d’Emmanuel Macron d’inviter d’autres pays, comme l’Australie, l’Inde, l’Afrique du Sud et le Chili, correspond à la reconnaissance de cet état de fait. 
    Mais, il faut ici noter que la Chine et de la Russie, dont le rôle est pourtant majeur, ne sont pas invitées. 
    Cette invitation a donc a pour but de masquer la perte d’influence et de prestige du G-7 par rapport au G-20. 
    C’est une proposition de pure forme, qui n’a pas d’autre but que de tenter de briser le front des pays émergents. 
    Comme de nombreuses initiatives d’Emmanuel Macron, cette proposition sera certainement un échec politique.
    G-7 ou G-20 ?
    Il est clair aujourd’hui que tout club fermé des pays riches n’a plus aucune légitimité pour prendre voire simplement pour proposer des décisions à l’ensemble des pays émergents. 
    Les Etats-Unis, eux, l’ont d’ailleurs compris qui veulent inviter à nouveau la Russie à participer au G-7. 
    Mais il est peu probable que la Russie accepte. 
    Elle sait très bien que le G-7 est une institution en fin de vie. 
    Le G-7 est ainsi dépassé par les BRICS non seulement en pourcentage du PIB mondial, mais aussi en pourcentage des investissements fait dans le monde.
    Graphique 2
     
    Source: FMI
    Cela traduit non seulement la montée en puissance des investissements chinois, indiens et russes, mais aussi le ralentissement importants des investissements faits dans les pays du G-7, qu’il s’agisse des investissements allemands ou américains. 
    Là encore, on peut voir que, jusqu’en 2000, les pays du G-7 réalisaient environ 60% de l’investissement mondial. 
    Le tournant date donc du XXIème siècle. Les pays émergents ont augmenté de manière importante leur part dans les investissements. 
    Ils ont rattrapé les pays du G-7 en 2009, et ils les ont dépassé.
    De fait, une comparaison du G-20 avec le G-7 montre bien que le premier a pris le pas sur le second. C’est donc le G-20 qui est devenu la véritable instance mondiale qui compte. 
    Et cela se vérifie quand on compare le poids du G-7 à celui du G-20.
    Graphique 3
     
    Le G-20 pèse actuellement 73,6% du PIB mondial. 
    Il associe le G-7, l’Union Européenne, les BRICS et d’autres grands pays émergents. 
    C’est cet ensemble qui est le plus pertinent sur le plan économique.
    Nous vivons donc la fin de l’occidentalisation du monde, une situation qui a correspondu de la fin du XVIIIème siècle à la fin du XXème siècle. 
    Ceci doit être actée. 
    C’est pourquoi, comme on l’a dit, la Russie ne tient pas particulièrement à revenir au G-7. 
    Le centre de gravité de l’économie mondiale n’est plus l’océan atlantique. 
    Il s’est déplacé en Asie avec la Chine, 2ème économie mondiale voire même ma 1ère si l’on calcule en Parité de Pouvoir d’Achat, et interlocutrice directe des Etats-Unis. 
    Sans parler de l’Inde, qui elle aussi monte en puissance et pointe désormais à la 5ème place. 
    C’est pourquoi la réunion du G-7 de Biarritz n’est plus en mesure de décider pour le monde, quoi que disent ou quoi que pensent les journalistes des grands médias français.
    L’insignifiance du G-7
    Les pays du G-7, depuis l’exemple du sommet qui s’était tenu au Canada en 2018, ont mesuré ce qu’il couterait d’étaler au grand jour leurs divergences. 
    Dans le même temps, jamais ces dernières n’ont été aussi importantes, et surtout semblent aussi irrémédiables et irréconciliables. 
    Alors, on ne peut exclure un échec ouvert. 
    Mais, il est plus probable que les diplomates trouveront quelques belles formules creuses et ronflantes qui proclameront que le «club » fonctionne toujours quand bien même il est patent et reconnu que ce club est paralysé et, surtout, qu’il n’a plus l’importance qu’il pouvait avoir il y a 20 ans.
    les-crises

    http://by-jipp.blogspot.com/2019/08/russeurope-en-exil-biarritz-qui-se.html