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géopolitique - Page 733

  • Ukraine : dans l’attente de la vérité, pour rétablir l’équilibre dans l’information...

    Ukraine / Donbass : crash du Boeing de la Malaysia Airlines, hypothèses et désinformation

    Alors que le contact avec l’avion a été perdu à 17h15, dans la foulée le SNBO, le Conseil national de sécurité et de défense, dirigé par un néonazi du nom d’Andriy Paruby, déclarait, à 17h26, que les forces indépendantistes possédaient une « nouvelle arme » pouvant abattre des avions, avant d’annoncer, à 17h46, qu’un avion de la Malaysian Airlines venait d’être abattu au-dessus de la zone rebelle. Surprenant !

    D’aucuns évoquent la présence d’au moins un lanceur Buk M-1 dans le secteur de Snizhne, hier après-midi, présence non confirmée d’ailleurs. On sait que les forces du Donbass ont pris possession d’un régiment de Buk M-1 il y a quelques semaines, mais pour l’heure elles ne semblent pas avoir été capables de le mettre en ordre de bataille, pour la simple et bonne raison qu’à l’inverse du Strela-10, ce type de système sol-air nécessite des équipages bien formés et spécialisés, ce dont la milice ne dispose pas. [...]

  • Ukraine : dans l’attente de la vérité, pour rétablir l’équilibre dans l’information...

    Ukraine / Donbass : crash du Boeing de la Malaysia Airlines, hypothèses et désinformation

    Alors que le contact avec l’avion a été perdu à 17h15, dans la foulée le SNBO, le Conseil national de sécurité et de défense, dirigé par un néonazi du nom d’Andriy Paruby, déclarait, à 17h26, que les forces indépendantistes possédaient une « nouvelle arme » pouvant abattre des avions, avant d’annoncer, à 17h46, qu’un avion de la Malaysian Airlines venait d’être abattu au-dessus de la zone rebelle. Surprenant !

    D’aucuns évoquent la présence d’au moins un lanceur Buk M-1 dans le secteur de Snizhne, hier après-midi, présence non confirmée d’ailleurs. On sait que les forces du Donbass ont pris possession d’un régiment de Buk M-1 il y a quelques semaines, mais pour l’heure elles ne semblent pas avoir été capables de le mettre en ordre de bataille, pour la simple et bonne raison qu’à l’inverse du Strela-10, ce type de système sol-air nécessite des équipages bien formés et spécialisés, ce dont la milice ne dispose pas. [...]

  • Aprè un ultimatum des djihadistes, les chrétiens fuient Mossoul

    Les chrétiens de Mossoul, une ville contrôlée par les djihadistes de l’Etat islamique (EI), fuyaient en masse hier après un ultimatum de ce groupe ultra-radical leur donnant quelques heures pour quitter les lieux, selon le patriarche chaldéen et des témoins. « Nous leur proposons trois choix: l’islam, la dhimma et, s’ils refusent ces deux choix, il ne reste que le glaive », précise le communiqué de l’Etat islamique distribué jeudi et lu dans les mosquées. Le « calife » Abou Bakr al Bagdadi donne jusqu’au samedi 19 juillet aux chrétiens pour se décider et, s’ils refusent de se convertir ou de payer l’impôt, « quitter le territoire du califat islamique »« Après cette date, il n’y aura plus entre eux et nous que le glaive », souligne le communiqué.

    « Les familles chrétiennes se dirigent vers Dohouk et Erbil » dans la région autonome du Kurdistan irakien, a indiqué Louis Sako, déplorant que « pour la première fois dans l’histoire de l’Irak, Mossoul se vide de ses chrétiens ».

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  • Libye : vers une intervention étrangère

    Dépassées et totalement impuissantes, les "autorités" libyennes en sont réduites à demander une intervention internationale afin de tenter de juguler l’anarchie qui a emporté leur pays depuis le renversement du colonel Kadhafi.

    Les problèmes sécuritaires qui se posent en Libye étant clairement identifiés, l’intervention qui se prépare depuis plusieurs semaines déjà sera essentiellement menée par trois pays :- l’Egypte interviendra en force en Cyrénaïque avec pour objectif la destruction des bastions islamistes de Derna et de Tobrouk,- l’Algérie agira indirectement en Tripolitaine en épaulant la coalition anti Misrata afin de réduire la force de ce bastion des Frères musulmans soutenu par la Turquie et le Qatar.- la France se réservera le théâtre d’opérations du Fezzan, ce Sahara libyen qu’elle connaît bien pour l’avoir eu jadis sous son administration.

    Quelles pourraient être les formes de cette triple offensive ?

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  • Mémoricide en Colombie

    Un article d'Eduardo Mackenzie

    Cette fois-ci, le « Sargento Pascuas » (alias de Miguel Pascuas, un vieux chef des FARC) n'est pas en train de tuer ou de kidnapper des paysans, des policiers et des soldats en Colombie. Il est actuellement à Cuba où il vit comme un roi, protégé par la dictature de Fidel Castro, et où il participe, à ce qu’on dit, aux « négociations de paix» entre les représentants des FARC et les délégués du président colombien Juan Manuel Santos.

    Mais ce qu’y fait Pascuas n'est pas moins répréhensible : il tente d'arracher à ses victimes, une fois de plus, le droit d'être reconnues en tant que telles. Il essaye aussi de dépouiller la Colombie de sa mémoire historique. Avec la complicité d'un quotidien de Bogota, il répand des mensonges, des calomnies et des demi-vérités sur des évènements clés, tels que le massacre d’Inzá en 1965, auquel il a participé sous le commandement de Pedro Antonio Marin, alias Tirofijo.

    Dans l'interview qu'il a donnée à El Espectador, Pascuas décrit ce terrible évènement comme une simple « embuscade » contre un bus de passagers et comme la « prise » pacifique d'un village. Il gomme la dure réalité du crime qui fut perpétré et le contexte de ces atrocités. Il veut évaporer de la conscience des Colombiens ce que les FARC ont fait pendant ces années-là. Avec l’aide de ce journal, Pascuas se présente comme un vieil homme enfin parvenu à la sagesse, et qui s'est toujours battu pour de nobles idéaux. Répugnant.

    Pascuas parle de la tuerie d’Inzá comme d’un acte de défense au cours duquel ils ont pris le bus en embuscade parce qu’il s’y trouvait « une escouade de policiers » et que c'est pour cela qu’ils ont tiré et tué « accidentellement » des religieuses qui étaient à l’intérieur du bus.

    Le désordre chronologique est la première astuce utilisée par Pascuas pour créer confusion sur cet acte ignoble. Il omet les détails de la tuerie des civils et cache même la date.

    Cependant, les faits sont connus. Même El Espectador de cette époque, dirigé par des journalistes d’une autre trempe, a expliqué que le 17 mars 1965, 120 bandits, sous la direction de Tirofijo et de Jacobo Arenas, un autre leader communiste, ont quitté la "république indépendante" de El Pato et s'avancent vers le petit village d’Inzá (Cauca) de trois mille habitants. Au cours de la marche, ils kidnappent les personnes qu'ils rencontrent. Ainsi, avant l'assaut, ils ont dix otages. Mais deux kilomètres avant d’arriver, Tirofijo décide de tuer cinq otages à coup de machette pour les empêcher de s'échapper et de donner l'alerte aux autorités. Puis ils prennent le bus en embuscade et tuent deux policiers et deux religieuses.

    Ils encerclent le village, attaquent le poste de police, tuant deux policiers et 15 autres personnes, dont le maire, le trésorier et le directeur de la banque agricole. Ils mettent le feu aux archives de la mairie et du tribunal, pillent la Banque postale et le Trésor municipal, ainsi que deux commerces et le poste de police. Tirofijo harangue la population effrayée. Il se réclame de Fidel Castro et présente sa bande comme une « armée de libération ». Il annonce le triomphe de la révolution pour la fin de l'année et s’enfuit avec un énorme butin, lequel est transporté par 30 indigènes Páez, exploités par lui comme des esclaves.

    C'était l'époque où les Cubains critiquaient la parcimonie des FARC. Les castristes avaient devancé les FARC en attaquant le village de Simacota (Santander), le 7 janvier 1965. L'ELN menaçait les FARC, le bras armé des prosoviétiques, d’occuper le terrain et de gagner la direction révolutionnaire en Colombie. Il fallait faire quelque chose pour montrer que le dispositif de Moscou ne se laisserait pas submerger par les Cubains. Gilberto Vieira, le secrétaire général du PCC, a t-il ordonné la tuerie d’Inzá ? Un jour les archives en parleront. En tout cas, pour confirmer cette offensive, trois jours plus tard, le groupe de Tirofijo enlève l'ancien ministre et entrepreneur Harold Eder qui sera tué par ses ravisseurs quelques heures plus tard. Ce fut le début des enlèvements en tant qu’arme politique des terroristes.

    Tout cela est dissimulé par Pascuas dans sa tentative de prouver, comme l’a toujours fait la propagande du PCC, que les fauteurs de violence étaient le gouvernement conservateur, les libéraux, l'église catholique et la police et que les groupes « d’auto-défense » communiste étaient des colombes effarouchées, des pauvres gens (« nous avions des espadrilles de sisal »), des gens affamés et sans armes (même si Pascuas se contredit et admet qu'ils avaient des fusils bien avant de se lancer dans la « guérilla de mouvement ».

    La mémoire sélective de Pascuas est étonnante. Il oublie de dire que les FARC et l'ELN recevaient l'appui technique de Cuba et de l'URSS. La presse de l'époque a informé qu’en effet, un individu connu par les autorités comme « le Cubain » était le conseiller de Tirofijo, et qu’une Vénézuélienne, Lucia Bocaranda, avait été expulsée de Colombie ces jours-là pour avoir eu des contacts avec des rebelles. Par ailleurs, des diplomates étrangers à l'époque (1)⇓ savaient qu'un autre agent, possiblement un colonel soviétique qui se faisait appeler « commandant Pompilio Figueredo », expert en guerre subversive, était entré illégalement en Colombie pour « unifier le mouvement armé ».

     Pascuas ne pipe mot sur toutes ces choses. Son histoire pseudo sublime évite ces réalités. En pleine guerre contre le terrorisme, l'armée et la police colombiennes avaient asséné des coups durs ces mois-là aux bandits sous influence communiste. Alias Desquite, communiste, auteur, entre autres, de la mise à mort des 40 passagers d’un bus --des hommes, des femmes et des enfants--,  début 1963, était mort au combat en mars 1964. Un autre criminel pathologique, orienté de plus en plus par le PCC, alias Sangrenegra, à qui étaient attribués au moins 120 assassinats, de nombreux viols et enlèvements, avait été abattu le 28 avril de cette année. Alias Tarzan, un autre dangereux chef de bande, sera éliminé par les forces de l’ordre le 17 mai.

    Habituée à diffuser la plus grossière désinformation, Voz Proletaria, organe du PCC,  a nié en 1965 que la tuerie d’Inzá avait été le fait de Tirofijo. L’hebdomadaire écrira que les « rebelles » avaient été « attaqués», que « l'agression était venue du bus » et que c'est pourquoi les deux religieuses furent tuées. (2)⇓ Faux. Tirofijo savait très bien que les religieuses voyageaient dans ce bus car il était en contact avec le couvent pour espionner leurs mouvements. Sa haine contre le clergé catholique, qui effectuait un difficile travail d’évangélisation dans ces régions, affleure dans l'interview. Pascuas dit que lorsqu’il a attaqué le village d’Organos il avait cherché le curé Monard pour l’abattre mais qu’il ne l’avait pas trouvé.

    Un autre détail que Miguel Pascuas oublie : que son premier surnom était « Muerte negra », ce qui le distinguait d’un autre bandit, « Muerte roja » (Januario Valero), connu pour ses atrocités dans la région de Guayabero. Le groupe de ce dernier s’appelait « Che Guevara ». Celui de Pascuas s’appelait le « Groupe Lénine » et était composé de 30 hommes armés opérant entre Gaitania et Palerme (Huila).

    C'est avec cet esprit que le « Sargento Pascuas » et d'autres chefs des FARC veulent parvenir à créer une « commission de la vérité », de la vérité fariana, disons-le tout net, pas de la vérité vraie, mais plutôt de la vérité communiste, qui est, comme nous l'avons vu, un nouveau crime, un crime contre l'esprit, un crime contre la mémoire des Colombiens. L'historien français Reynal Secher appelle cela un « mémoricide ».

    Ce crime contre la mémoire affecte également, et de façon primordiale, les victimes. Ce n’est pas une coïncidence si en même temps que El Espectador laisse répandre les impostures des FARC, le général Luis Mendieta, qui a été kidnappé pendant douze ans par cette organisation, se voit dans l'obligation d'attirer l'attention du gouvernement pour lui demander de faire quelque chose car certains veulent « rendre invisible les victimes des FARC ». (3)⇓ Mendieta et d'autres membres de groupes de victimes des FARC refusent de se rendre aux « forums des victimes » organisés par l'ONU et par l'Université nationale de Colombie. Ils craignent que la stratégie de ces « forums » consiste à noyer les victimes des FARC et des autres bandes marxistes sous une avalanche de groupes d’individus qui se présentent comme des « victimes de l'État et des paramilitaires » et des « mouvements sociaux » et des « syndicats ». Ce secteur feint de devenir le porte-parole des victimes pour, au final, excuser les FARC et consorts sous prétexte que c’est nécessaire pour « signer la paix ».

    L'essayiste français Alain Besançon dit quelque chose de très vrai : « Le communisme est par essence une falsification historique. Son système idéologique s’analyse comme une historiosophie, une métahistoire, dont le récit commence à l'origine du monde et en indique les fins dernières. Mais elle est fausse de bout en bout. »  Besançon conclut que « on ne sortira pas du communisme, on ne guérira pas de lui, sans une cure d’histoire, sans un retour au roc inébranlable de la positivité historique. » Ces propos s'appliquent parfaitement, comme nous l'avons vu,   au cas de la Colombie.

    Si nous voulons que les victimes du communisme soient reconnues comme des victimes et qu’elles reçoivent réparation par leurs agresseurs, les universités colombiennes doivent renoncer à leur jeu cynique qui consiste à opposer leur veto à tout ce qui ne correspond pas aux résolutions du comité central du PCC. Et les médias, la presse écrite en particulier, devraient cesser de répandre bêtement une propagande militante qui trompe l’opinion publique, qui nie la réalité historique et qui détourne les vraies solutions à nos problèmes.

    Eduardo Mackenzie 
            

    Apostilles

    1.  Voir Eduardo Mackenzie, Les FARC, échec d’un terrorisme (Random House Mondadori, Bogotá, 2007, page 198)
    2.  cf Lire l'excellent article du jeune historien Carlos Romero Sánchez, intitulé Terror en Inza.
    3.  Voir l'interview du général Mendieta.

    http://www.insolent.fr/2014/07/memoricide-en-colombie.html

  • Selon Bernard Lugan la France devrait intervenir en Libye…

    … Pour ramener un peu d’ordre. Un exemple de plus de l’anarchie causé par l’ingérence des nations occidentales dans les pays aux gouvernements autoritaires. Afghanistan, Irak, Libye, Syrie, les atlanto-sionistes mettent à feu et à sang le monde pour mieux le contrôler.

    « Dépassées et totalement impuissantes, les « autorités » libyennes en sont réduites à demander une intervention internationale afin de tenter de juguler l’anarchie qui a emporté leur pays depuis le renversement du colonel Kadhafi.

    Les problèmes sécuritaires qui se posent en Libye étant clairement identifiés,  l’intervention qui se prépare depuis plusieurs semaines déjà sera essentiellement menée par trois pays:

    - l’Egypte interviendra en force en Cyrénaïque avec pour objectif la destruction des bastions islamistes de Derna et de Tobrouk,

    - l’Algérie agira indirectement en Tripolitaine en épaulant la coalition anti Misrata afin de réduire la force de ce bastion des Frères musulmans soutenu par la Turquie et le Qatar.

    - la France se réservera le théâtre d’opérations du Fezzan, ce Sahara libyen qu’elle connaît bien pour l’avoir eu jadis sous son administration. »

    Source : Bernard Lugan

  • Grand Moyen-Orient : une accélération du redécoupage prévu

    Le Moyen-Orient, chacun le sent bien, est la zone géographique d’où la prochaine guerre mondiale pourrait éclater.

    L’actualité dans cette région nous a montré une avancée étonnamment rapide des forces armées de l’ « Emirat islamique de l’Irak et du Levant » (EIIL en français). L’événement rappelle un peu la rapidité soudaine et « inexpliquée » de l’avance des troupes croato-musulmanes en Bosnie, dans les années 1990 face aux Serbes, jusqu’à des lignes que l’on a su peu après avoir été négociées pour laisser la moitié du pays à chaque belligérant.

    L’on sait les Américains très attentifs au Sud-Ouest asiatique, région comprenant Israël et le golfe Persique. Afin d’y maintenir et d’y développer leur influence, ils y ont envisagé, ce n’est pas nouveau, la vieille idée romaine du « divide ut regnes » (diviser pour régner). De nouvelles frontières ont été planifiées par les services de Washington pour fractionner ce grand Moyen-Orient. Dans cette optique, deux cartes ont été portées à la connaissance du public. Ces deux cartes partent de la même logique : faire éclater les Etats musulmans les plus puissants de la région en des unités plus petites, utilisant pour cela les clivages religieux, ethniques, tribaux, etc. :

    - La première a été publiée en juin 2006 dans la revue The Armed Forces Journal, sous la signature du lieutenant-colonel « à la retraite » Ralph Peters. Elle montre la zone comprise entre la Méditerranée et le Pakistan.

    - La deuxième a été publiée dans le New York Times du 28 septembre 2013 par la géopoliticienne Robin Wright, travaillant pour le « United States Institute of Peace », organisme dont l’intitulé à lui seul fleure bon la manipulation des foules. La zone à fractionner s’étend ici de la Libye au golfe Persique.

    Les deux cartes se recoupent, comme par hasard, sur la partie la plus stratégiquement sensible de la région : celle comprenant le « Croissant fertile » et la péninsule Arabique. La logique, on l’a vu, est la même : diviser les Etats musulmans (et eux seuls) en utilisant les fractures les plus… utilisables. Tout porte à croire que les différences entre les deux scénarios sont des actualisations, des corrections, tenant compte des faits dont les véritables auteurs ont pris conscience au fur et à mesure de la mise en place de cette stratégie.

    Tout avait « bien » commencé par l’occupation de l’Irak en mars 2003 (on se doute bien que la carte publiée en 2006 avait été conçue bien avant cette date). La haine entre sunnites et chiites, consciencieusement entretenue par le gouvernement chiite majoritaire accaparant largement plus que sa part au profit de sa communauté, a achevé la cassure de l’Irak ; cassure en trois, sunnites et chiites étant trop occupés à s’entretuer pour ne pas laisser les Kurdes devenir indépendants de fait.

    Par contre, le plan buta ensuite sur la résistance inattendue du régime syrien. Il a donc fallu lui concéder (voir la deuxième carte), en plus du réduit alaouite prévu, toute la tranche occidentale du pays, dont Damas ; peu importe. En Syrie comme en Irak, gouvernementaux et antigouvernementaux laissent aujourd’hui les Kurdes se gouverner comme ils le souhaitent.

    Cependant, et l’on rejoint ici l’actualité, il est apparu possible et souhaitable pour les services américains d’unir les sunnites des deux Etats arabes fractionnés en un seul bloc, le « Sunnistan », tant pour renforcer ces deux groupes rebelles à leur gouvernement central que pour transcender les frontières et donc mieux les effacer. Nous en sommes donc à la phase où les services américains (et israéliens) favorisent la constitution au plus vite de ce « Sunnistan » regroupant les Arabes sunnites du nord de la zone. Ils aident donc par tous les moyens l’armée de l’émirat islamique (la flamme du religieux est aujourd’hui plus dynamisante que celle de l’ethnie) de l’Irak et du Levant.

    Les prochaines étapes sont très probablement inscrites dans les cartes publiées, et plus exactement dans la deuxième, celle de Robin Wright. Pour les Kurdes, il conviendra d’unir les Etats de fait du nord de la Syrie et du nord de l’Irak en une nation unique, mais discrètement, progressivement, de crainte de provoquer une réaction de la Turquie voisine, ultra-sensible sur la question. « On » cherchera aussi à re-diviser en deux le Yémen, que l’on avait un peu oublié, selon la partition historique créée par l’occupation britannique du Sud.

    L’Arabie Saoudite, quant à elle, a été prévue éclatée en cinq blocs, tant dans la première que dans la deuxième carte. Mais plus les mêmes. A l’origine (carte de 2006), le royaume des Saoud était délesté :

    -  du nord-ouest donné à la Jordanie (après acceptation du roi Abdallah II de recueillir des Palestiniens de Cisjordanie ?) ;

    -  plus grave : de la province côtière du Hassa, ô combien importante, puisqu’elle recèle la quasi-totalité des ressources pétrolières connues du royaume, afin de constituer un Etat arabe chiite avec le sud de l’Irak et le sud-ouest de l’Iran arabophone ;

    -  plus dramatique encore sous l’aspect du prestige, d’un « Vatican islamique », contenant notamment les deux villes saintes pour l’islam de La Mecque et de Médine, et confié à une présidence tournante des différents groupes musulmans : dont les chiites détestés (arabes ou pire encore iraniens), les Indonésiens mangeurs de porc, les faux Arabes du Maghreb, ou encore les Noirs descendants d’esclaves ;

    -  pour faire bonne mesure, d’une portion du sud-ouest pour agrandir le Yémen

    Pour ce royaume, il semble que les donneurs d’ordres aient compris que les Saoudiens, même lorsqu’ils sont opposés à la caste princière qui régit le royaume, se sentiraient humiliés d’être agrégés à des Etats voisins qu’ils regardent de haut : la Jordanie que les Saoud ont repoussée, l’Irak brisé par la guerre, le Yémen arriéré économiquement. La nouvelle carte maintient l’objectif de la partition de l’Arabie Saoudite en cinq entités, mais, cette fois, il transparaît clairement que la logique tribale a été privilégiée. Il est même prévu de priver Ryad de son dernier débouché sur la mer.

    Reste à réaliser ce plan. Aux dernières nouvelles, le clan familial des princes saoudiens, puissant, très soudé (condition essentielle de survie dans la région) et bien conscient de ce qu’on lui prépare, n’a pas du tout l’intention de se laisser faire…

     François Montgisard
    Docteur en droit

    Auteur de Ces Français qui gouvernèrent le monde
    8/07/2014

     1 Carte de Ralph Peters

    Carte élaborée par le colonel Ralph Peters et publiée dans The Armed Forces Journal, juin 2006Carte élaborée par le colonel Ralph Peters et publiée dans The Armed Forces Journal, juin 2006

      2 Carte de Robin Wright

    Carte élaborée par Robin Wright, publiée dans le New York Times du 28 septembre 2013Carte élaborée par Robin Wright, publiée dans le New York Times du 28 septembre 2013

    NDLR :

    Pour la carte 1, lire aussi un article de Mahdi Darius Nazemroaya
    Israël en Libye : Préparer l’Afrique au « choc des civilisations »
    http://www.silviacattori.net/spip.php?article2266

    Cet article, qui date de 2011, donne surtout un certain éclairage sur la guerre menée par l’OTAN contre la Libye et sur les intentions réelles des Etats-Unis dans la perspective d’une dominance entière.

    Pour la carte 2, se reporter à un article publié le 25/10/2013 par Jeune Afrique qui préfigure ce que serait le nouveau Moyen-Orient fragmenté sous le coup de dynamiques multiples, le tout sous l’œil dominateur des USA.
    http://www.jeuneafrique.com/Article/JA2753p060.xml0/ 

    Se reporter aux deux articles avec les liens ci-dessus pour avoir une meilleure lisibilité des deux cartes.

  • Incidents synagogue : quand le Daily Mail donne une sacrée leçon de journalisme aux médias français

    Comme tout fout le camp dans une France en perte de vitesse, rattrapée par ses vieux démons, rongée par l’érosion de son humanisme et de ses valeurs cardinales sous l’influence d’une certaine caste qui les piétine allègrement, la déontologie journalistique (...)
    Comme tout fout le camp dans une France en perte de vitesse, rattrapée par ses vieux démons, rongée par l’érosion de son humanisme et de ses valeurs cardinales sous l’influence d’une certaine caste qui les piétine allègrement, la déontologie journalistique a, elle aussi, volé en éclats sur l’autel du sensationnalisme lucratif, des connivences avec le pouvoir et des petits intérêts particuliers.
    Ce n’est donc pas en consultant des médias aux ordres, en se plongeant dans les feuilles de chou soi-disant de référence ou en cliquant sur les sites qui en sont leur prolongement électronique, que notre quête de vérité concernant les graves incidents qui ont émaillé, dimanche 13 juillet, la manifestation pacifique de soutien au peuple palestinien pouvait être pleinement assouvie, loin s’en faut...
    La vérité vraie, celle qui n’est pas brouillée par la toxicité de la désinformation officielle, celle qui n’est pas polluée par le mensonge d’Etat éhonté, était ailleurs, de l’autre côte de la Manche, dans les colonnes du journal britannique « The Daily Mail ».
    Contrastant avec les manchettes univoques de nos gazettes, le Daily Mail donne une belle leçon de journalisme aux médias hexagonaux, de celles qui infligent une claque cuisante en révélant leurs vilénies et leurs compromissions. Le titre donne déjà le ton d’un traitement différencié et sans fard, qui fait la part belle à l’objectivité: "Scènes choquante : 150 hommes juifs saccagent les rues de Paris et s’affrontent avec des manifestants pro-palestiniens".
    La suite est à découvrir dans ce lien (1), mais voici un avant-goût de l’article du Daily Mail pour qui la retranscription de la véracité des faits n’est pas un lointain souvenir d’école de journalisme que l’on peut trahir sans vergogne à l’épreuve du terrain et de ses cruelles désillusions : "Les groupes juifs français se sont plaints de l'augmentation de l'antisémitisme au cours de ces derniers mois, en accusant de nombreux jeunes musulmans de les prendre pour cible. Mais une vidéo filmée près de la Place de la Bastille, dimanche dernier, et vérifiée par la police avant d'être postée sur YouTube, fait apparaître que ce sont les groupes pro-israéliens qui sont activement impliqués dans les affrontements."
    A voir ou à revoir la vidéo qui dément la version officielle et ne laisse pas de place au doute quant à l'identité des véritables semeurs de chaos :
    source : oumma.com :: lien

  • Entretien avec Alain de Benoist sur le Traité transatlantique

     

    «Ce qui est terrible en effet, c’est que les négociateurs de l’Union européenne semblent s’être engagés dans ces discussions sans le moindre souci de faire passer en premier les intérêts des Européens.»

    «L’enjeu final est donc bel et bien politique. Par une intégration économique imposée à marche forcée, l’objectif final est de mettre en place une « nouvelle gouvernance » commune aux deux continents.»

    La « libéralisation » totale des échanges commerciaux est un vieil objectif des milieux financiers et libéraux. Dès le 22 novembre 1990, un an après la chute du Mur de Berlin, les Etats-Unis et l’Europe avaient adopté une première «Déclaration transatlantique» par laquelle ils s’engageaient à «promouvoir les principes de l’économie de marché, à rejeter le protectionnisme, à renforcer et ouvrir davantage les économies nationales à un système de commerce multilatéral». S’ensuivirent différentes initiatives allant toutes dans le sens d’un partenariat commercial euro-américain. En mai 1998, lors du sommet américano-européen de Londres, un premier Partenariat économique transatlantique fut signé.


    Le projet fut réactivé en juin 2005, au sommet américano-européen de Washington, sous la forme d’une déclaration solennelle en faveur d’un «Nouveau partenariat économique transatlantique». Le 30 avril 2007, un Conseil économique transatlantique était mis en place par George W. Bush, président des Etats-Unis, Angela Merkel, alors présidente du Conseil européen, et José Manuel Barroso président de la Commission européenne, sous la direction conjointe de Karel De Gucht, commissaire européen au Commerce, et de l’Américain Michael Froman. Cette nouvelle instance se fixait pour objectif de négocier le marché transatlantique dans tous ses aspects législatifs liés à la production, au commerce et aux investissements. Il fut convenu de se réunir tous les ans.

    Le 2 février 2009, le Parlement européen adoptait une résolution sur l’«état des relations transatlantiques» invitant à la création effective d’un grand marché transatlantique calqué sur le modèle libéral et impliquant une liberté de circulation totale des hommes, des capitaux, des services et des marchandises. Le texte précisait que ce partenariat transatlantique se fondait «sur des valeurs centrales partagées, telles que la démocratie, les droits de l’homme et l’Etat de droit», et qu’il devait «demeurer la pierre angulaire de l’action extérieure de l’Union». Le processus pouvait alors s’engager concrètement. Le 13 février 2013, Obama signait avec José Manuel Barroso et Herman Van Rompuy une déclaration adoptant le principe d’un accord de partenariat transatlantique. François Hollande, représentant la France, laissait faire. Le 12 mars, la Commission européenne approuvait le projet de mandat concernant la conclusion d’un tel accord avec les Etats-Unis. Enfin, le 14 juin 2013, les gouvernements des 27 Etats membres de l’Union européenne donnaient officiellement mandat à la Commission européenne pour négocier avec le gouvernement américain la création d’un grand marché commun transatlantique, qui a reçu le nom de Partenariat transatlantique de commerce et d’investissements (Trasantlantic Trade and Investment Partnership, TTIP), l’objectif affiché étant de «lier le niveau de libéralisation des deux parties au plus haut niveau de libéralisation obtenu suite aux accords de libre-échange déjà conclus, tout en cherchant à atteindre de nouveaux accès au marché en éliminant les obstacles qui demeurent». Les négociations officielles se sont ouvertes à Washington le 8 juillet 2013. Elles se poursuivent toujours actuellement, les partenaires espèrent parvenir à un accord d’ici 2015.

    Rébellion – Décrit comme le plus important accord commercial bilatéral de l’histoire (800 millions de consommateurs, la moitié du PIB mondial et 40% des échanges mondiaux sont directement concernés), il est pourtant négocié dans le plus grand secret par Washington et Bruxelles. Alors que les peuples sont globalement tenus à l’écart des négociations, il semble que les représentants des multinationales et des grands intérêts financiers soient des membres actifs des réunions de préparation. Pourquoi autant d’opacité autour de ce projet ? Que révèle pour vous ce basculement anti-démocratique du système mondialiste ?

    On retrouve dans cette affaire la volonté des milieux libéraux de tenir le plus possible les peuples dans l’ignorance de ce qui va engager leur avenir. Ni l’opinion publique ni ses représentants n’ont en effet eu accès au mandat de négociation. La classe politique, dans son ensemble, s’est réfugiée dans un silence qui laisse pantois. Les traités confiant à la Commission européenne une compétence exclusive en matière commerciale, le Parlement européen n’a même pas été saisi. Beaucoup n’hésitent pas à parler de «négociations commerciales secrètes» pour qualifier ces tractations qui se déroulent à huis clos. Ce que l’on en sait provient uniquement de «fuites». Les citoyens n’en ont en rien été informés – ce qui n’est pas le cas en revanche des «décideurs» appartenant aux grands groupes privés, aux multinationales et aux divers groupes de pression, qui sont au contraire régulièrement associés aux discussions.

    Rébellion – Le contenu du projet de traité semble viser à une libéralisation totale des rapports économiques entre l’Europe et les Etats-Unis. Que recouvrerait exactement le futur accord ?

    C’est à la fois simple et immensément ambitieux. Il s’agit de déréglementer complètement les échanges entre les deux plus grands marchés de la planète. Le projet vise pour cela à la «suppression totale des droits de douane sur les produits industriels et agricoles», mais surtout se propose d’«atteindre les niveaux les plus élevés de libéralisation des investissements ».

    Pour quel objectif ? L’élimination des barrières commerciales transatlantiques, dit-on, apporterait entre 86 et 119 milliards d’euros par an à l’économie européenne et entre 65 et 90 milliards aux Etats-Unis, ce qui pourrait entraîner d’ici quinze ans une augmentation moyenne des revenus de 545 euros par ménage européen (chiffres fournis par la Commission européenne et par le Center for Economic Policy Research). Selon un rituel bien au point, on assure que l’accord bénéficiera à tout le monde, qu’il aura un effet favorable sur l’emploi, etc. Rapportées à l’horizon 2027, qui est celui que l’on a retenu, de telles promesses sont en réalité dépourvues de sens. En 1988, la Commission européenne avait déjà affirmé que la mise en place du grand marché européen, prévue pour 1992, créerait entre 2 et 5 millions d’emplois en Europe. On les attend toujours.

    La suppression des droits de douane sera surtout sensible dans le secteur du textile et dans le secteur agricole : elle devrait entraîner une chute des exportations agricoles françaises, une industrialisation accrue de l’agriculture européenne, et l’arrivée massive en Europe de soja et de blé américain. Globalement, le démantèlement des droits de douane sera en outre préjudiciable à l’Europe, car le taux moyen de droits de douane est de 5,2 % dans l’Union européenne, tandis qu’il n’est que de 3,5 % aux Etats-Unis. S’ils sont supprimés, les Etats-Unis en retireront donc un avantage de 40 % supérieur à celui de l’UE. Cet avantage sera spécialement marqué dans certains secteurs : les droits de douane sur les matériels de transports sont de 7,8 % en Europe, contre 0 % aux Etats-Unis. Leur suppression portera donc directement atteinte à l’industrie automobile européenne. Et la faiblesse du dollar par rapport à l’euro profitera également aux Etats-Unis au détriment des productions européennes, qui seront incitées à délocaliser, ce qui aggravera d’autant le chômage. Cela dit, la disparition des barrières douanières n’aura pas d’effets macro-économiques véritablement décisifs, puisque les Etats-Unis sont déjà les premiers clients de l’Union européenne, et inversement. A l’heure actuelle, quelque 2,7 milliards de dollars de biens et de services sont échangés chaque jour entre les deux continents !

    Rébellion – La fin des normes protectrices et les poursuites possibles pour faire «sauter» les dernières barrières au libre-échange mondial ouvrent-elles la voie à une « privatisation » du droit au service des grands groupes ?

    C’est en effet le point essentiel. Beaucoup plus importante que la suppression des droits de douane est l’élimination programmée de ce qu’on appelle les «barrières non tarifaires» (BNT), c’est-à-dire l’ensemble des réglementations que les négociateurs jugent nuisibles parce qu’elles constituent autant d’«entraves» à la liberté du commerce. En clair, les normes constitutionnelles, légales et réglementaires qui, dans chaque pays, seraient susceptibles d’entraver une liberté commerciale érigée en liberté fondamentale : normes de production sociales, salariales, environnementales, sanitaires, financières, économiques, politiques, etc. Pour ce faire, les accords en cours de négociation se proposent d’aboutir à une «harmonisation progressive des réglementations et de la reconnaissance mutuelle des règles et normes en vigueur». José Manuel Barroso a lui-même précisé que «80 % des gains économiques attendus de l’accord viendront de la réduction du fardeau réglementaire et de la bureaucratie». L’enjeu normatif est donc énorme.

    Pour libéraliser l’accès aux marchés, l’Union européenne et les Etats-Unis sont censés faire «converger» leurs réglementations dans tous les secteurs. Le problème est que, dans presque tous les cas, les règlements en vigueur aux Etats-Unis sont moins contraignants que ceux qui existent en Europe. Comme les Américains n’envisagent évidemment pas un instant de durcir leur législation et que l’objectif est de s’aligner sur le «plus haut niveau de libéralisation existant», la «convergence» se fera nécessairement par l’alignement des normes européennes sur les leurs. En fait d’«harmonisation», ce sont les Etats-Unis qui vont imposer à l’Europe leurs règles commerciales.

    Dans le domaine agricole, l’ouverture du marché européen devrait entraîner l’arrivée massive des produits à bas coûts de l’agrobusiness américain : bœuf aux hormones, carcasses de viande aspergées à l’acide lactique, viandes aux OGM, etc. Jugées depuis longtemps «trop contraignantes» par les Américains, toutes les normes sanitaires européennes pourraient ainsi être condamnées comme «barrières commerciales illégales». En matière environnementale, la réglementation encadrant l’industrie agro-alimentaire serait démantelée. Les groupes pharmaceutiques pourraient bloquer la distribution des génériques. Les services d’urgence pourraient être contraints de se privatiser. Il pourrait en aller de même de l’eau et de l’énergie. Concernant le gaz de schiste, la fracturation hydraulique deviendrait un droit intangible. En outre, comme aux Etats-Unis les «indications géographiques protégées» ne sont pas reconnues, les «appellations d’origine contrôlées» (AOC) françaises seraient directement menacées. En matière sociale, ce sont toutes les protections liées au droit du travail qui pourraient être remises en cause, de même que le statut des services publics et des marchés publics.

    Mais il y a pire encore. L’un des dossiers les plus explosifs de la négociation concerne la mise en place d’un mécanisme d’«arbitrage des différends» entre Etats et investisseurs privés. Ce mécanisme dit de «protection des investissements» (Investor State Dispute Settlement, ISDS) doit permettre aux entreprises multinationales et aux sociétés privées de traîner devant un tribunal ad hoc les Etats ou les collectivités territoriales qui feraient évoluer leur législation dans un sens jugé nuisible à leurs intérêts ou de nature à restreindre leurs bénéfices, c’est-à-dire chaque fois que leurs politiques d’investissement seraient mises en causes par les politiques publiques, afin d’obtenir des dommages et intérêts. Le différend serait arbitré de façon discrétionnaire par des juges ou des experts privés, en dehors des juridictions publiques nationales ou régionales. Le montant des dommages et intérêts serait potentiellement illimité (c’est-à-dire qu’il n’y aurait pas de limite aux pénalités qu’un tribunal pourrait infliger à un Etat au bénéfice d’une multinationale), et le jugement rendu ne serait susceptible d’aucun appel. Un mécanisme de ce type a d’ailleurs déjà été intégré à l’accord commercial que l’Europe a récemment négocié avec le Canada (CETA).

    Les firmes multinationales se verraient donc conférer un statut juridique égal à celui des Etats ou des nations, tandis que les investisseurs étrangers obtiendraient le pouvoir de contourner la législation et les tribunaux nationaux pour obtenir des compensations payées par les contribuables pour des actions politiques gouvernementales visant à sauvegarder la qualité de l’air, la sécurité alimentaire, les conditions de travail, le niveau des charges sociales et des salaires ou la stabilité du système bancaire. La capacité des Etats à légiférer étant ainsi remise en question, les normes sociales, fiscales, sanitaires et environnementales, ne résulteraient plus de la loi, mais d’un accord entre groupes privés, firmes multinationales et leurs avocats, consacrant la primauté du droit américain. On assisterait ainsi à une privatisation totale de la justice et du droit, tandis que l’Union européenne s’exposerait à un déluge de demandes d’indemnités provenant des 14.400 multinationales qui possèdent aujourd’hui plus de 50 800 filiales en Europe.

    Rébellion – L’Union européenne se révèle un acteur de l’arrimage de notre continent aux intérêts des Etats-Unis. Pensez-vous que cette orientation atlantiste cache une course vers le vide d’une institution technocratique qui tente de renforcer son emprise sur les peuples ?

    Ce qui est terrible en effet, c’est que les négociateurs de l’Union européenne semblent s’être engagés dans ces discussions sans le moindre souci de faire passer en premier les intérêts des Européens. On ne peut s’en étonner, puisque l’idéologie de l’Union est cette même idéologie capitaliste et libérale dont se réclament les Etats-Unis. Dans certains domaines, les Européens vont même plus loin que les Américains. Un exemple : le 1er juillet dernier, un document qui a «fuité» grâce à un groupe bruxellois appelé Corporate Europe Observatory (CEO) a révélé que, dans le cadre des négociations sur l’accord commercial transatlantique, les Européens s’apprêtent à demander eux-mêmes moins de règles pour les banques et les marchés financiers, cet appel à déréglementer la finance, qui résulte du travail de lobbying des banques européennes, remettant directement en cause tout le travail d’encadrement de ce secteur réalisé depuis le début de la crise. L’intégration des services financiers à l’accord transatlantique permettrait ainsi aux banques européennes d’opérer aux Etats-Unis avec leurs propres réglementations.

    Rébellion – La perte de souveraineté économique de l’Europe représentée par la mise en place du Traité transatlantique ne va t-elle pas renforcer la perte de souveraineté politique déjà existante avec son intégration dans l’OTAN ?

    La réponse est dans la question ! Le Wall Street Journal l’a d’ailleurs reconnu avec ingénuité : tout comme le «Partenariat transpacifique» (Trans-Pacific Partnership, TPP) que les Etats-Unis ont également lancé en 2011 pour contenir la montée en puissance de la Chine, le partenariat transatlantique «est une opportunité de réaffirmer le leadership global de l’Ouest dans un monde multipolaire». Un leadership que les Etats-Unis ne sont pas parvenus à imposer par l’intermédiaire de l’OMC en raison de la résistance des pays pauvres et des pays émergents. Il s’agit donc bien pour eux de tenter de maintenir leur hégémonie mondiale en enlevant aux autres nations la maîtrise de leurs échanges commerciaux au bénéfice de multinationales largement contrôlées par leurs élites financières. La création d’un grand marché transatlantique leur offrirait un partenaire stratégique susceptible de faire tomber les dernières places fortes industrielles européennes. Il permettrait de démanteler l’Union européenne au profit d’une union économique intercontinentale, c’est-à-dire d’arrimer définitivement l’Europe à un grand ensemble «océanique» la coupant de sa partie orientale et de tout lien avec la Russie.

    L’enjeu final est donc bel et bien politique. Par une intégration économique imposée à marche forcée, l’objectif final est de mettre en place une «nouvelle gouvernance» commune aux deux continents. A Washington comme à Bruxelles, on ne dissimule pas que le grand marché transatlantique n’est qu’une étape vers la création d’une structure politique mondiale, qui prendrait le nom d’Union transatlantique. De même que l’intégration économique de l’Europe était censée déboucher sur son unification politique, il s’agirait de créer à terme un grand bloc politico-culturel unifié allant de San Francisco jusqu’aux frontières de la zone d’influence russe. Le continent eurasiatique étant ainsi coupé en deux, une véritable Fédération transatlantique pourrait ainsi voir le jour. Les souverainetés nationales ayant déjà été annexées par la Commission de Bruxelles, c’est la souveraineté européenne qui serait alors transférée aux Etats-Unis. Les nations européennes resteraient dirigées par des directives européennes, mais celles-ci seraient dictées par les Américains. Il s’agit, on le voit, d’un projet d’une immense ambition, dont la réalisation marquerait un tournant historique – sur l’opportunité duquel aucun peuple n’a jamais été consulté.

    Rébellion – Grand absent de cette négociation, quel est le regard de la Russie sur ce renforcement des liens du bloc atlantiste ? Propose-t-elle une voie alternative ?

    La Russie ne peut que s’inquiéter de la mise en place d’un tel accord, qui contribuerait à l’encercler du point de vue économique et politique, et à la couper un peu plus des pays européens. Elle pourrait bien entendu offrir une alternative aux Européens, en leur proposant de s’associer à la construction d’un grand bloc continental, mais elle sait très bien que l’Union européenne ne s’engagera jamais dans cette voie aussi longtemps qu’elle restera aux ordres de Washington. Dans le passé, Poutine semble avoir espéré que les Européens se montreraient plus soucieux de leur indépendance et prendraient conscience de ce qui rend complémentaires les intérêts russes et les intérêts européens. Je pense qu’aujourd’hui, il ne se fait plus d’illusion. C’est la raison pour laquelle il se rapproche toujours plus de la Chine, afin de créer avec elle une puissance commune qui puisse contrebalancer l’offensive américaine et affaiblir un dollar déjà bien mal en point.

    Rébellion – Lors des débats à l’Assemblée nationale, l’UMP comme le PS ont rejeté l’appel à la suspension des discussions déposé par le Front de gauche. Cet alignement de la «gauche» comme de la «droite» est-il une nouvelle preuve de leur adhésion commune à logique libérale ?

    Est-il encore besoin de « preuves » ? Le parti socialiste, qui depuis 1983 n’a plus de socialiste que le nom, ressemble aujourd’hui de plus en plus à l’ancienne SFIO. Il a hérité d’un atlantisme qui ne s’est pas démenti depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, ce qui explique que François Hollande se soit bien gardé de revenir sur la réintégration de la France dans l’appareil intégré de l’OTAN. Toute sa politique montre par ailleurs qu’il s’est officiellement soumis à la finance de marché. N’oublions pas non plus que nombre de membres de la Nouvelle Classe, qu’il s’agisse de leaders d’opinion ou de dirigeants des grands «partis de gouvernement», à commencer par François Hollande (promotion 1996), font partie des «Young Leaders» de la French-American Foundation, organisation créée en 1976 pour «renforcer les liens entre la France et les Etats-Unis», notamment par la recherche de «solutions partagées» (c’est aussi le cas de personnalités aussi différentes que Arnaud Montebourg, Aquilino Morelle, Marisol Touraine, Najat Vallaud-Belkacem, Matthieu Pigasse, Laurent Joffrin, David Kessler, Jean-Marie Colombani, Jérôme Clément, Yves de Kerdrel, Pierre Moscovici, Valérie Pécresse, Christine Ockrent, Alain Minc, Anne Lauvergeon, Alain Juppé, etc.). Comment s’étonner alors de la déclaration de Nicole Bricq, ancien ministre du Commerce extérieur, présentant le projet de Traité transatlantique comme une «chance pour la France», à laquelle on «ne peut qu’être favorable» ?

    Rébellion – De José Bové à Marine Le Pen, en passant par Nicolas Dupont-Aignan et Jean-Luc Mélanchon, des voix se font pourtant entendre contre le projet de traité. Des initiatives de terrain sont lancées par de nombreuses associations ou individus autonomes pour sensibiliser sur cette question. Pensez-vous qu’une opposition populaire puisse faire reculer le système sur cette question ? Assistons-nous à la naissance d’un mouvement transversal comme lors du référendum sur la Constitution européenne de 2005 ?

    La comparaison que vous faites trouve d’emblée ses limites puisque, contrairement à ce qui s’était passé lors du référendum de 2005, le peuple n’est pas convié à donner son opinion à propos du projet de Traité transatlantique. Les protestations très justifiées qui se font entendre ici ou là n’ont donc pas la moindre chance d’empêcher les négociations de se poursuivre. On constate tout simplement que le pouvoir est ailleurs ! Ce qui est vrai, en revanche, c’est que les adversaires du traité se recrutent dans des familles politiques d’origines très différentes. En ce sens, il n’est pas exagéré de parler de «mouvement transversal». C’est une preuve de plus du caractère obsolète des anciens clivages et de la mise en place de clivages nouveaux. Mais cela, on le savait déjà depuis longtemps.

    Rébellion – Plus largement, que vous inspirent les contestations sociales et les sursauts «populistes» récents en Europe. Croyez-vous à la naissance d’une alternative au système ?

    Il y aurait beaucoup à dire sur les phénomènes que l’on désigne habituellement sous l’étiquette de «populisme». Chacun sait que la poussée des mouvements populistes (qu’on aurait tort de réduire à un modèle standard, car ils peuvent être très différents les uns des autres) traduit une crise profonde de la représentation, en même temps qu’elle illustre l’épuisement du clivage droite-gauche. Mais il faut aussi préciser que le populisme n’est pas une idéologie, mais un style qui, en tant que tel, peut se combiner avec des idéologies elles aussi très variées. Il est encore trop tôt pour dire s’il peut en sortir une véritable alternative – et non pas seulement une alternance. Disons que ces phénomènes sont à surveiller de près, sans a priori idéologiques et sans idées préconçues.

     Rébellion, 2/07/2014

     SourceRébellion.hautefort.com

    http://www.polemia.com/entretien-avec-alain-de-benoist-sur-le-traite-transatlantique/

     

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