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géopolitique - Page 893

  • Abou Zoubeida, la « balance d’Al-Qaida »

     

    Toujours emprisonné à Guantánamo Bay, Abou Zoubeida est la principale source de renseignement occidental sur Al-Qaida. Il a donné sous la torture le nom d’autres responsables de l’organisation terroriste qui ont été arrêtés à leur tour et ont fourni les autres informations dont disposent les autorités états-uniennes. Bref, ce que les autorités US disent savoir sur Al-Qaida, elles le doivent d’abord à cette source. Problème : il est aujourd’hui admis qu’Abou Zoubeida n’a jamais été membre d’Al-Qaida et que ses aveux obtenus sous la torture n’étaient qu’un moyen pour lui d’abréger ses souffrances. L’essentiel de ce que le contre-espionnage US déclare savoir d’Al-Qaida est sorti de son imagination fertile. Et tout est faux.
    Abou Zoubeida, un homme autrefois qualifié de « chef des opérations » d’al-Qaïda, semble être au cœur d’une remise en cause de la légende officielle autour de cette organisation. Depuis sa capture au début de l’année 2002, Zoubeida est connu comme le premier « détenu  » à avoir été torturé [par la CIA]. Les informations que ses tortionnaires lui auraient extirpées furent déterminantes dans l’élaboration du récit officiel du 11-Septembre, ainsi que dans la justification du recours permanent à de telles méthodes. Pourtant, en septembre 2009, le gouvernement des États-Unis a admis que Zoubeida n’avait jamais été un membre ou un associé d’al-Qaïda. Ces faits soulèvent un nombre alarmant de questions quant à la véracité de ce que l’on sait à propos d’al-Qaïda. Ils nous amènent également à reconsidérer nos certitudes quant à la véritable identité des personnes suspectées d’être derrière les attaques du 11-Septembre.
     
    Contrairement aux autres leaders présumés d’al-Qaïda, dont Khaled Cheikh Mohammed (KCM) et Ramzi ben al-Chaïba, Zoubeida n’a jamais été accusé d’un quelconque crime. Alors que les autres principaux suspects du 11-Septembre attendent un procès militaire continuellement repoussé, Zoubeida est balayé de l’histoire. Pourquoi le gouvernement des États-Unis voudrait-il que l’on oublie cet homme, pourtant considéré comme le premier et le plus important des agents d’al-Qaïda arrêtés après le 11-Septembre ?
     
    La Commission sur le 11-Septembre a qualifié Zoubeida d’« associé d’al-Qaïda », d’« allié de longue date de ben Laden », de « lieutenant de ben Laden » et de « lieutenant d’al-Qaïda ». [1] Cependant, les allégations de la Commission étaient quelque peu contradictoires puisque, dans son rapport officiel, elle décrivait Zoubeida comme un leader d’al-Qaïda. Dans le même temps, elle l’accusait d’être un simple partenaire terroriste de cette organisation, avec laquelle il collaborait dans le recrutement et l’entraînement d’agents opérationnels. Par exemple, la Commission rapporta que Zoubeida « contribua à faire fonctionner un célèbre camp d’entraînement terroriste près de la frontière avec le Pakistan [le camp Khalden] ». Parallèlement, elle affirma que ben Laden avait passé un accord avec lui afin de « mener des efforts réciproques de recrutement [,] par lesquels on promettait aux individus s’entraînant dans les camps qu’ils seraient invités à rejoindre al-Qaïda ». La raison pour laquelle un « lieutenant de ben Laden » aurait eu besoin d’un tel accord réciproque n’est pas claire.
     
    La Commission sur le 11-Septembre lança d’autres accusations, avançant que « KCM [Khaled Cheikh Mohammed] et Zoubeida [avaient] tous deux joué un rôle central dans la facilitation des voyages des agents d’al-Qaïda », et que « Zoubeida avait été une figure clé dans les projets terroristes [de cette organisation prévus pour le passage à l’an 2000]. » Ces allégations s’appuyaient principalement sur les témoignages obtenus par les tortionnaires de Zoubeida et d’autres individus, et sur le « journal » de ce dernier.
     
     
    En 2009, à l’occasion d’un incroyable revirement, un avocat de Zoubeida écrivit dans The Guardian que la majorité des accusations contre son client étaient considérées comme fausses par chaque partie. En réalité, il écrivit que «  leur caractère fallacieux était connu dès lors qu’elles furent prononcées. » [2] Ainsi, l’avocat Brent Mickum déclara que son client, qui était décrit comme « le numéro trois d’al-Qaïda », n’avait jamais été un associé ou un membre de cette organisation, et que « [c]es faits [n’étaient] vraiment plus remis en cause : Zoubeida ne fut pas, et n’a jamais été, un membre des talibans ou d’al-Qaïda. La CIA put le déterminer après l’avoir longuement torturé. » En fait, il n’avait « jamais été un membre ou un partisan de telle ou telle force armée liguée contre les États-Unis », ni même le « chef d’un camp militaire qui entraînait des terroristes. Cette accusation est totalement fausse. »
     
    Il s’avère que l’article du Guardian était exact, et que la « relation supposée d’Abou Zoubeida avec al-Qaïda [était] entièrement une légende. » [3] Nous pouvons l’affirmer car, à partir de septembre 2009, le gouvernement des États-Unis reconnut que Zoubeida n’avait jamais été un agent d’al-Qaïda. Lors de la requête en habeas corpus de cet homme [, soit la dénonciation judiciaire de sa détention arbitraire], le gouvernement admit qu’Abou Zoubeida n’avait jamais fait partie de cette organisation, et qu’il n’avait jamais été impliqué dans les attentats contre les ambassades US en Afrique ou dans les attaques contre les États-Unis le 11 septembre 2001. [4] La requête, présentée par le gouvernement US, affirma que :
     
    « […] dans cette procédure, le Gouvernement n’a pas soutenu que le Requérant [Zoubeida] était un membre d’al-Qaïda, ou qu’il était formellement identifié comme faisant partie de cette organisation.
     
    Le Défendeur [le Gouvernement des États-Unis] ne soutient pas que le Requérant ait été un ‘membre’ d’al-Qaïda, au sens qu’il ait prêté serment d’allégeance (bayat) ou qu’il ait rempli tout autre critère considéré comme nécessaire par le Requérant ou par al-Qaïda afin d’intégrer cette organisation. Le Gouvernement ne maintient pas non plus en détention le Requérant sur la base d’une accusation voulant que ce dernier se considère comme faisant partie d’al-Qaïda, dans sa conscience personnelle et subjective, son idéologie ou sa vision du monde.
     
    Dans cette procédure, le Gouvernement n’a pas soutenu que le Requérant ait joué un rôle direct ou qu’il ait eu une pré-connaissance des attaques terroristes du 11 septembre 2001.
     
    […] le Gouvernement n’a pas soutenu que le Requérant ait été personnellement impliqué dans la planification ou l’exécution des attentats à la bombe de 1998 contre les ambassades [US] […] ou des attaques du 11 septembre 2001. »
     
    Dans son article du Guardian de 2009, Maître Mickum poursuivit ses révélations en soulignant que Zoubeida était une figure centrale dans les enregistrements des tortures détruits par la CIA – à propos desquels cette dernière avait d’abord menti auprès de la Commission sur le 11-Septembre –. Selon Mickum, « les bandes vidéos de ses tortures furent supprimées. Très récemment, le gouvernement a révélé que 90 vidéos sur les 92 détruites par la CIA concernaient notre client. » Il fit de plus amples révélations en déclarant que le gouvernement des États-Unis avait effacé toute « référence à [son] client sur les procès-verbaux et sur les factual returns [, soit les réponses gouvernementales aux requêtes en habeas corpus] des autres prisonniers qui étaient poursuivis. Les récits des médias et les documents officiels de [la prison de] Guantánamo ont lié Abou Zoubeida à presque 50 détenus et anciens prisonniers. Parmi eux, environ 25 ont vu leurs accusations abandonnées, ou ont été libérés de prison. » En réalité, [le gouvernement des États-Unis a] « balayé Abou Zoubeida de l’histoire ».
     
    Évidemment, cette tentative de faire oublier un important responsable présumé du 11-Septembre devrait changer radicalement le récit officiel de ces événements. En effet, puisque nous savons que cet homme n’a jamais eu aucun lien avec al-Qaïda, nous devrions nous attendre à d’importantes révisions du Rapport de la Commission sur le 11-Septembre.
     
    Afin de comprendre à quel point Zoubeida fut une source majeure dans le récit officiel du 11-Septembre, nous devons analyser les très nombreuses accusations que le gouvernement US et les médias grand public ont proférées à son encontre au fil des années. Nous avons vu que la Commission sur le 11-Septembre l’appela (à tort) un « lieutenant d’al-Qaïda ». Dans l’enquête de la commission mixte du Congrès, il fut également appelé le « lieutenant de ben Laden capturé en mars 2002 », ainsi qu’« Abou Zoubeida, un leader d’al-Qaïda ». Aussi tard qu’en 2006, le rapport de l’inspecteur général du département de la Justice sur les attaques du 11-Septembre le qualifia de « lieutenant de ben Laden ».
     
    En mars 2002, lorsque Zoubeida fut capturé, les responsables du gouvernement des États-Unis le présentèrent comme la plus grosse prise dans la guerre contre le terrorisme, du moins jusqu’à l’arrestation de Khaled Cheikh Mohammed (KCM). Robert Mueller, alors directeur du FBI, déclara que sa capture contribuerait à empêcher d’autres attaques. [5] Ari Fleischer, le porte-parole de la Maison Blanche, affirma que Zoubeida pourrait fournir une mine de renseignements sur al-Qaïda. [6] Le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld avança qu’il était « un homme au courant d’autres attaques », qui avait « entraîné des gens pour cela », et qu’il était un gros poisson ayant de vastes connaissances [à propos d’al-Qaïda]. [7]
     
    Les nombreuses accusations lancées contre Abou Zoubeida se multiplièrent. Il fut notamment avancé qu’il était :
     
    - avec KCM, l’un des « principaux dirigeants opérationnels d’al-Qaïda » – Richard Clarke, le « tsar du contreterrorisme » des présidents Bill Clinton et George W. Bush, dans son livre Contre tous les ennemis ;
    - « sinistre », et qu’« il existe des preuves démontrant qu’il est un planificateur ainsi qu’un dirigeant [d’al-Qaïda]. Je pense qu’il est une figure clé [de cette organisation] ». – Michael Sheehan, l’ancien directeur du contreterrorisme au sein du Département d’État ; [8]
    - « extrêmement dangereux », et qu’il était un organisateur du 11-Septembre – John B. Bellinger III, conseiller juridique du Département d’État, dans un briefing de juin 2007 ; [9]
    - un formateur, un recruteur, qu’il comprenait la fabrication des bombes, qu’il était un falsificateur, un logisticien, quelqu’un qui concrétisait les projets et qui avait fait « fonctionner al-Qaïda » – Bob Grenier, ancien chef de station de la CIA ; [10]
    - « un proche associé d’[Oussama ben Laden] et, à défaut d’être le numéro deux, [il était] très proche de la personne qui occupe cette position au sein de l’organisation [al-Qaïda]. Je pense que tout cela est bien établi. » – Le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld ; [11]
    - « un très haut responsable d’al-Qaïda qui a été étroitement impliqué dans une série d’activités pour la al-Qaïda [sic]. » – Donald Rumsfeld ; [12]
    - un « très important agent d’al-Qaïda » – Donald Rumsfeld ;
    - un « recruteur essentiel de terroristes [,] un planificateur opérationnel et un membre du premier cercle d’Oussama ben Laden » – Ari Fleischer, le porte-parole de la Maison Blanche ; [13]
    - quelqu’un dont la capture était un « très sérieux revers » pour al-Qaïda et que par conséquent, l’une des « nombreuses tentacules » de cette organisation avait été « coupée » – Ari Fleischer ;
    - « l’un des plus importants agents [d’al-Qaïda,] élaborant et planifiant la mort et la destruction aux États-Unis » – Le Président George W. Bush ; [14]
    - « l’un des plus hauts dirigeants d’al-Qaïda », qui « était parmi les principaux responsables opérationnels [de cette organisation], consacrant beaucoup de temps à élaborer et à planifier des meurtres. » – Le Président George W. Bush ; [15]
    - « le chef des opérations d’al-Qaïda » – Le Président George W. Bush ; [16]
    - « l’un des trois plus hauts responsables  » au sein d’al-Qaïda – Le Président George W. Bush ; [17]
    - quelqu’un dont les interrogatoires « menèrent à des renseignements fiables », un « fournisseur prolifique » d’informations, qui fut à l’origine d’environ 25 % des renseignements d’origine humaine au sujet d’al-Qaïda – Le directeur de la CIA Michael Hayden ; [18]
    - l’un des trois individus les mieux « placés pour être au courant d’atrocités terroristes imminentes » – Michael Hayden. [19]

    Alors que la légende autour d’Abou Zoubeida s’étoffait, il fut rapporté dans la presse que cet homme :
    - « valait une tonne de gars à Guantánamo » ; [20]
    - était « un haut responsable de ben Laden » et l’« ancien chef du Jihad islamique basé en Égypte » ; [21]
    - « joua un rôle central dans les attaques contre les ambassades [des États-Unis] en Afrique de l’Est » ; [22]
    - était listé comme étant un « adjoint de confiance » de ben Laden, ayant un « pouvoir grandissant [au sein de son organisation] » ; [23]
    - contrôlait al-Qaïda ; [24]
    - était un adjoint de ben Laden qui avait dirigé des camps d’entraînement en Afghanistan et qui avait « coordonné des cellules terroristes en Europe ainsi qu’en Amérique du Nord » ; [25]
    - était un «  recruteur essentiel de terroristes, un planificateur opérationnel et un membre du premier cercle d’Oussama ben Laden » ; [26]
    - était le « PDG de ben Laden », [27] ainsi qu’« une figure centrale au sein d’al-Qaïda » ; [28]
    - était le « planificateur des voyages » de ben Laden ; [29]
    - faisait partie d’« une poignée d’hommes chargés de diriger le réseau terroriste en cas de mort ou de capture d’Oussama ben Laden  » ; [30]
    - était un important lieutenant de ben Laden, suspecté « d’organiser les ressources d’al-Qaïda afin de perpétrer des attaques contre des cibles US » ; [31]
    - était le numéro quatre d’al-Qaïda après Oussama ben Laden, Ayman al-Zawahiri et Mohammed Atef ; [32]
    - connaissait les identités de « milliers » de terroristes qui étaient passés par les camps d’entraînement d’al-Qaïda en Afghanistan ; [33]
    - était un collègue de Richard Reid, le terroriste aux chaussures piégées ; [34]
    - était l’un des principaux planificateurs d’opérations terroristes pour le compte de ben Laden, et qu’il connaissait les plans d’al-Qaïda ainsi que ses cellules ; [35]
    - incarnait la « connexion entre ben Laden et la plupart des cellules opérationnelles d’al-Qaïda » ; [36]
    - était la source de l’information selon laquelle le Vol 93 d’United Airlines devait frapper la Maison-Blanche. [37]

    Puisque l’on sait à présent que Zoubeida n’a jamais été un agent ou même un associé d’al-Qaïda, nous sommes contraints de réaliser avec stupeur que toute cette histoire était fausse. Parmi les questions ainsi soulevées, quelle part de ce que l’on sait sur al-Qaïda et sur la guerre contre le terrorisme fut élaborée grâce aux témoignages – obtenus sous la torture – d’un homme qui ne pouvait absolument rien savoir de cette organisation ?

    Initialement, on nous a dit que Zoubeida fût le premier à identifier KCM comme étant l’associé de ben Laden que l’on surnommait « Mokhtar ». Cette information nous vient d’Ali Soufan, le fonctionnaire du FBI qui a été la première personne à interroger Zoubeida dans une prison secrète de la CIA en Thaïlande. Soufan avança également que ce dernier avait accusé KCM d’être le « cerveau » des attaques du 11-Septembre. Dans son livre publié en 2007, le directeur de la CIA George Tenet alla encore plus loin, affirmant qu’« interroger Abou Zoubeida avait conduit à Ramzi ben al-Chaïba ». [38]

    Mais comme nous le savons à présent, lors d’un interrogatoire, la CIA aurait affirmé à Zoubeida avoir découvert qu’il n’était pas un combattant, un membre ou même un partenaire d’al-Qaïda. [39] Pourtant, KCM et ben al-Chaïba furent malgré tout capturés et torturés.

    Le Rapport de la Commission sur le 11-Septembre se basait beaucoup sur des récits élaborés par des tiers à partir de ce que ces détenus déclarèrent sous la torture – « deux des trois parties dans la communication étant des employés gouvernementaux » –. [40] La Commission elle-même écrivit que « [l]es chapitres 5 et 7 s’appuient largement sur les renseignements obtenus des membres capturés d’Al-Qaida ». [41] En réalité, plus de la moitié du Rapport de la Commission sur le 11-Septembre se base sur des témoignages totalement biaisés car extirpés sous la torture, auxquels la Commission n’a eu absolument aucun accès – n’ayant même pas été autorisée à questionner les interrogateurs –. Les témoignages de KCM obtenus sous la torture sont cités à 221 reprises dans le Rapport, et ceux de ben al-Chaïba 73 fois. Au total, la Commission a utilisé comme source un ou plusieurs de ces « interrogatoires » à 441 reprises dans les notes de son rapport.

    Le gouvernement des États-Unis a admis que Zoubeida avait subit le supplice de la baignoire à 83 reprises, et que KCM fut torturé de cette manière 183 fois. Sachant que la plupart des gens ne peuvent supporter cette torture au delà d’une poignée de secondes, ces sessions n’étaient visiblement pas destinées à obtenir des renseignements. En revanche, elles auraient pu être menées afin d’éliminer des informations sensibles à travers la destruction psychique des victimes. Dans les brefs témoignages que ses avocats ont été autorisés à produire, Zoubeida a également décrit comment il fut maintenu pendant de longues périodes dans une cage, qu’il qualifia de « minuscule cercueil ». [42]

    Les tortures infligées à Zoubeida furent spécifiquement utilisées pour soutenir les allégations sur les plans et les actions de ben Laden, les orientations d’al-Qaïda, le recrutement des pirates de l’air et des autres agents de cette organisation, ainsi que les détails sur les responsables de la planification du 11-Septembre. [43] Selon l’auteur Jane Meyer, l’agent de la CIA John Kiriakou déclara que « Zoubeida admit ouvertement son rôle dans les attaques du 11-Septembre [, et qu’il] prétendit regretter d’avoir tué autant de citoyens des États-Unis. » [44] Visiblement, la Commission sur le 11-Septembre considéra que cette assertion n’était pas crédible, bien qu’elle ait repris d’autres informations douteuses qui auraient été obtenues en torturant les suspects [du 11-Septembre].

    Au vu des « erreurs » évidentes liées au fait que Zoubeida ait été décrit comme un leader d’al-Qaïda, il semble que d’importantes révisions du récit officiel du 11-Septembre soient nécessaires. Mais en réalité, il est peu probable que les informations attribuées à Zoubeida soient si tardivement expurgées du mythe officiel légitimant la guerre contre le terrorisme, ainsi que les actions correspondantes du gouvernement des États-Unis. La raison à cela est que les tortures infligées à cet homme ont été utilisées afin de soutenir des actes et des bouleversements politiques sans précédent :

    - Le Président Bush en personne se servit de l’importance attribuée à la capture et à la torture de Zoubeida afin de justifier les méthodes de torture de la CIA, ainsi que la détention de suspects dans les prisons secrètes de l’Agence à travers le monde. [45]
    - Le gouvernement des États-Unis utilisa les renseignements douteux obtenus [en torturant] Zoubeida afin de justifier l’invasion de l’Irak. Les responsables gouvernementaux déclarèrent que ce dernier était la source des allégations liant al-Qaïda et l’Irak. Celles-ci avançaient que cette organisation et ce pays entraînaient conjointement des individus à utiliser des armes chimiques. Ces accusations n’ont jamais fait l’objet d’une vérification indépendante. [46]
    - Le témoignage sous la torture de Zoubeida fut également utilisé afin de justifier le recours aux tribunaux militaires, empêchant le procès des prétendus suspects d’al-Qaïda devant des juridictions civiles et publiques. Lors d’un discours prononcé en septembre 2006, le Président Bush demanda au Congrès d’élaborer des règles spéciales afin de juger Abou Zoubeida devant une commission militaire à Guantánamo. [47] Pourtant, à la fin du mois d’avril 2002, soit moins d’un mois après sa capture, les responsables du département de la Justice déclarèrent qu’il était « un candidat presque idéal pour un procès devant les tribunaux [civils] ». [48] Ironiquement, Zoubeida pourrait être le seul principal suspect [du 11-Septembre] à ne jamais être jugé.
    - En plus de la justification du recours à des méthodes de torture illégales, l’administration Bush utilisa la capture de Zoubeida afin d’accélérer la mise en œuvre de son programme d’espionnage intérieur. À l’époque, l’argument avancé était que ce programme permettrait d’agir rapidement afin d’exploiter les numéros de téléphone et les adresses saisies durant l’arrestation de Zoubeida. [49]

    Récemment, un second avocat d’Abou Zoubeida écrivit un autre article, qui parut dans la presse grand public. Dans celui-ci, Maître Amanda Jacobsen souligna que :

    «  Les responsables [du gouvernement] US ont déclaré qu’Abou Zoubeida était un terroriste de premier plan au sein d’al-Qaïda. Ils avancèrent qu’il était le « Numéro 3 » de cette organisation, son chef des opérations qui travaillait directement avec Oussama ben Laden. Ils prétendirent qu’il était personnellement impliqué dans les attaques du 11 septembre 2001, ainsi que dans chaque opération majeure d’al-Qaïda, et qu’il connaissait en détail les plans des futures attaques.
    Mais toutes ces accusations étaient fausses.
     » [50]

    Le gouvernement des États-Unis ayant admis qu’il n’existe aucune raison de poursuivre Abou Zoubeida, et que ce dernier n’a jamais eu aucun lien avec al-Qaïda, va-t-il le libérer ? Comme Maître Mickum l’a demandé, son client sera-t-il autorisé à raconter sa propre version de l’histoire ? Question encore plus déterminante : Afin que les fausses informations sur Zoubeida cessent d’alimenter la guerre contre le terrorisme, le récit officiel du 11-Septembre sera-t-il révisé pour être expurgé des affirmations attribuées à cet homme (ainsi que des accusations proférées à son encontre) ?

    La réponse est non, presque certainement non.

    Une décision juridictionnelle impose de classifier « chaque témoignage prononcé par les accusés » lors des procès de KCM et des autres suspects [du 11-Septembre]. [51] Cependant, si l’on autorise Zoubeida à s’exprimer, nous pourrions découvrir que son esprit n’a pas été totalement anéanti par les tortures qu’on lui a infligées. Et la légende officielle sur le 11-Septembre et al-Qaïda pourrait s’effondrer face aux témoignages publics – non contraints par la torture – des personnes accusées d’avoir commis ces crimes. Finalement, il semble que l’affaire Zoubeida soit une menace pour al-Qaïda elle-même. Elle constitue également un aveu public que certains mensonges doivent subsister afin de protéger l’imposture globale qui légitime la guerre contre le terrorisme.

    Kevin Ryan   http://www.voltairenet.org

    Traduction  Maxime Chaix


    Conséquences des aveux extorqués d’Abou Zoubeida en France
    « Le comité exécutif d’Al-Qaida est alors formé, en dehors de Ben Laden, [notamment d’une] section d’accueil des moudjahidin. Cette dernière est placée sous l’égide d’Abou Zoubeida, dont le nom reviendra constamment dans toutes les procédures judiciaires françaises. »
    Juge Marc Trevidic, Au cœur de l’antiterrorisme (février 2011)
    Les faux aveux obtenus sous la torture d’Abou Zoubeida ont été transmis au Parquet anti-terroriste français et utilisés dans de nombreuses procédures. Ils ont été validés par les aveux tout aussi imaginaires de Djamel Beghal, considéré pendant un temps comme le responsable d’Al-Qaida en France.
    Ce qui importe ici, c’est que des aveux obtenus sous la torture ont servi de base à des analyses politiques et militaires erronées qui ont justifié des restrictions inutiles des libertés publiques. Pis, ces aveux ont empêché la prise des bonnes décisions.
    On observera que les nombreux ouvrages rédigés par des « experts anti-terroristes » sur Al-Qaida et les réseaux jihadistes à partir des faux aveux d’Abou Zoubeida sont toujours en circulation et servent toujours de base à des analyses politiques et militaires bien que leurs fondements soient imaginaires.
    RV

    [1] Commission nationale sur les attaques terroristes contre les États-Unis, Rapport final de la commission nationale sur les attaques terroristes contre les États-Unis , 2 février 2005 pour l’édition française, 22 juillet 2004 pour l’édition originale (téléchargeable ici).
    [2] Brent Mickum, « The truth about Abu Zubaydah », The Guardian, 30 mars 2009.
    [3] Ibid.
    [4] Zayn al Abidin Muhammad Husayn v. Robert Gates, Respondents Memorandum of Points and Authorities in Opposition to Petitioner’s Motion for Discover and Petitioner’s Motion for Sanctions. Civil Action No. 08-cv-1360 (RWR), septembre 2009.
    [5] « NEWS SUMMARY : Arrest May Deter Attacks », New York Times, 4 avril 2002.
    [6] World : United States Western Mail, 3 avril 2002.
    [7] Donald Rumsfeld News Transcript , Département de la Défense, 3 avril 2002.
    [8] « Report : Insider May Testify On Zubaydah », United Press International (UPI), 2 avril 2002.
    [9] United States Helsinki Commission Briefing Transcript Political/Congressional Transcript Wire, 22 juin 2007.
    [10] Transcription d’un reportage de Kelli Arena sur Guantanamo, diffusé par CNN le 24 septembre 2006.
    [11] Department of Defense News Briefing , Département de la Défense, 1er avril 2002.
    [12] Gerry Gilmore, « Rumsfeld Confirms Capture of Senior Al Qaeda Leader », Département de la Défense, 2 avril 2002.
    [13] « Profile : Abu Zubaydah », BBC News, 2 avril 2002.
    [14] Remarks by the President at Connecticut Republican Committe Luncheon, discours du Président George W. Bush, Hyatt Regency Hotel, Greenwich (Connecticut), 9 avril 2002.
    [15] Remarks by the President to the George C. Marshall ROTC Award Seminar on National Security, discours du Président George W. Bush, Virginia Military Institute, Lexington (Virginie), 17 avril 2002.
    [16] Remarks by the President in Address to the Nation, discours du Président George W. Bush, Maison Blanche, 6 juin 2002.
    [17] Remarks by the President at Thaddeus McCotter for Congress Dinner, discours du Président George W. Bush, Ritz Carlton Hotel, Dearborn (Michigan), 14 octobre 2002.
    [18] Jeff Bliss et Tony Capaccio, « Iraq Group May Attack Outside Nation, McConnell Says Bloomberg.com », 5 février 2008 ; Richard Esposito et Jason Ryan, « CIA Chief : "We Waterboarded" », ABC News, 5 février 2008.
    [19] Philip Shenon, « MIDEAST TURMOIL : INTELLIGENCE ; Officials Say Qaeda Suspect Has Given Useful Information », New York Times, 26 avril 2002.
    [20] « More attacks have been prevented, officials say », The Seattle Times, 11 janvier 2003.
    [21] David A. Vise et Lorraine Adams, « Bin Laden Weakened, Officials Say », The Washington Post, 11 mars 2000.
    [22] Ibidem.
    [23] Ibidem.
    [24] Massimo Calabresi et Romesh Ratnesar, « Can we stop the next attack ? http://edition.cnn.com/ALLPOLITICS/... », CNN News, 4 mars 2002.
    [25] Ibidem.
    [26] « Who’s Who in al-Qaeda ? », BBC News, 27 avril 2007.
    [27] Nick Schou, « One Degree of Separation », Orange County Weekly, 4 octobre 2001.
    [28] Marlise Simons, « A NATION CHALLENGED : FRANCE ; Ninth Man Held in Suspected Plot Against Paris Embassy », New York Times, 4 octobre 2001.
    [29] « Bin Laden Videos Suggest Location », The Cincinnati Post, 5 décembre 2001.
    [30] Philip Shenon, « A NATION CHALLENGED : BALKAN TRAIL ; U.S. Labels an Arab Captive a Planner of Qaeda Attacks », New York Times, 23 janvier 2002.
    [31] « U.S. Seeks New Head of Al Qaida Anti-American Operations », United Press International (UPI), 15 février 2002.
    [32] Ibidem.
    [33] Ibidem.
    [34] « Profile : Abu Zubaydah », BBC News, 2 avril 2002.
    [35] « BANK TERROR ATTACK FEAR ; Warning issued after interview », Birmingham Evening Mail, 20 avril 2002.
    [36] John J. Lumpkin, « Al-Qaida Captive Talks of Terror », AP News, 24 avril 2002.
    [37] « Bush Faces Dissent on European Trip », transcription, CNN News, 23 mai 2002 ; « Bush : ‘No war plans on my desk’ for Iraq », CNN.com, 23 mai 2002.
    [38] George Tenet, At the Center of the Storm : The CIA During America’s Time of Crisis (Harper Perennial, New York, 2007).
    [39] Peter Finn et Julie Tate, « CIA Says It Misjudged Role of High-Value Detainee Abu Zubayda, Transcript Shows », The Washington Post, 16 juin 2009.
    [40] Washington’s Blog, « The Reason for the Cover-up Goes Right to the White House », 18 mars 2010.
    [41] Commission nationale sur les attaques terroristes contre les États-Unis, Rapport final de la commission nationale sur les attaques terroristes contre les États-Unis.
    [42] Jane Meyer, The Dark Side : The Inside Story of How The War on Terror Turned into a War on American Ideals, (First Anchor Books, New York, 2009).
    [43] Le Rapport de la Commission sur le 11-Septembre a basé onze de ses accusations sur les témoignages d’Abou Zoubeida obtenus sous la torture : les notes 18, 43 et 75 dans le chapitre 2 ; les notes 19, 31, 35 et 106 dans le chapitre 5 ; les notes 8 et 125 dans le chapitre 6 ; et les notes 90 et 108 dans le chapitre 7.
    [44] Jane Meyer, The Dark Side.
    [45] George W. Bush, discours de septembre 2006 ; « Bush Concedes CIA Held Suspects in Secret Prisons », NPR, 6 septembre 2006.
    [46] Ron Hutcheson et James Kuhnhenn, « Iraq deal with Congress nears Bush says », Milwaukee Journal Sentinel, 26 septembre 2002 ; « Bush Says He and Congress Will Band Together on Iraq ; Capitol Hill Still Sour », Knight Ridder/Tribune Business News, 27 septembre 2002 ; Andrew Sullivan, « One tortured lie : that’s all it took for war », The Sunday Times, 26 avril 2009.
    [47] Warren Richey, « ‘Alternative’ CIA tactics complicate Padilla case », The Christian Science Monitor, 15 septembre 2006.
    [48] Neil A. Lewis, « A NATION CHALLENGED : THE DETAINEES ; U.S. Is Seeking Basis to Charge War Detainees », New York Times, 21 avril 2002.
    [49] James Risen et Eric Lichtblau, « Bush altered rules on spying », International Herald Tribune, 17 décembre 2005.
    [50] Amanda L. Jacobsen, « Why hasn’t Abu Zubaida been tried ? », The Washington Post, 28 mars 2012.
    [51] Peter Finn, « Judge’s Order Could Keep Public From Hearing Details of 9/11 Trials », The Washington Post, 7 janvier 2009.

  • L’Islande: Future puissance énergétique et modèle révolutionnaire ?

    L’Islande de la révolution future
     
    Mais l’Islande, ce n‘est pas seulement cela, c’est une révolution constituante. Après son refus de payer sa dette, l’Islande vient de publier son taux de croissance pour 2012 et il est le triple de la croissance de l’Union Européenne ! A côté de cela, dans les news économiques, on apprend que Benoît XVI soutient Monti : sans doute la doctrine sociale de l’Eglise ! Benoit XVI n’a surtout pas imaginé que l’Islande puisse devenir un modèle ! L’Islande avait déjà terminé l’année 2011 avec une croissance économique de 2,1% et, selon les prévisions de la Commission européenne, elle va faire le triple du taux de croissance attendu pour l’UE en 2012 alors que la croissance globale de l’Union est prévue à 0,5% en 2012 contre 1,5% en Islande. Pour 2013, la croissance devrait atteindre 2,7%, principalement à cause de la création d’emplois.
     
    Qu’a donc fait l’Islande ? 
    Une thérapie de choc : elle a nationalisé les banques privées! Il faut le répéter à l’envie : l’Islande a été le seul pays européen qui a rejeté, par un référendum citoyen, le sauvetage des banques privées et du coup, accepté consciemment de laisser s’effondrer certaines d’entre elles. Elle a ensuite jugé les nombreux banquiers pour leurs crimes financiers. Pendant ce temps, en France, on dort dans les voitures sur le parking du parvis du Château de Vincennes ou on installe des tentes derrière les murs du périphérique parisien (voir sous les bretelles de la porte d’Orléans) et dans un pays comme l’Espagne, le ministre de l’économie qui fut un grand responsable chez Lehmann Brothers, avait maquillé les soldes bancaires et gonflé les résultats pour faire croire à une solvabilité du système financier ! En 2008, Glitnir, Landsbankinn et Kaupthing furent les banques islandaises nationalisées pour éviter leur faillite. Elles furent placées sous contrôle démocratique. En juin dernier, l’une d’elle, Landsbankinn, a même annoncé son intention de rembourser les intérêts aux détenteurs d’hypothèques pour éviter aux citoyens de payer leurs pertes. 
     
    Nous avions sur Metamag présenté la vidéo de la révolte islandaise. La révolte pacifique avait débuté en 2008, sans que celle-ci soit décrite dans les pages des grands médias européens. Aujourd’hui dans les publications des experts économistes qui pullulent dans les bacs des libraires, la révolution islandaise n’est mentionnée que dans des notes en bas de page, en précisant que ce pays serait un dangereux exemple à suivre !
     
    un soutien populaire aux 2 reférendums
     
    À la fin de 2008, l’ensemble des dettes de l’Islande égalait neuf fois son PIB. Sa monnaie s’était effondrée et sa Bourse avait suspendu ses activités, après une chute de 76% ! Le pays a donc fait faillite et a ensuite reçu un prêt de 2 100 millions de dollars du FMI et 2 500 millions de dollars provenant des pays nordiques et de la Russie. Le FMI, comme d’habitude, avait exigé, en échange des mesures « d’ajustement » c’est-à-dire des coupures dans les dépenses sociales sauf que cette fois-ci, le plan d’austérité du FMI a provoqué la colère de la population, la chute du gouvernement et la convocation d’élections anticipées, au début de 2009.
    Johanna Siguroardottir 1er ministre islandais et l’ancien Premier ministre Geir Haarde
    La gauche a remporté alors la majorité absolue et a provoqué l’effondrement du Parti de l’Indépendance, un parti conservateur, qui était traditionnellement la force dominante du pays. Le Parti de l’Indépendance n’a pu conserver que 23,7% des voix. Johanna Siguroardottir a été choisie pour diriger le gouvernement réunissant des sociaux-démocrates, et des écologistes de gauche. En 2010, le gouvernement a mis sur pied une assemblée constituante de 25 membres, des « citoyens ordinaires » pour réformer la Constitution. Cette même année, le gouvernement avait soumis sa population à un référendum sur le paiement ou non de la dette contractée par les banques : 90% des gens ont refusé de payer. Le FMI a alors gelé les prêts en espérant que l’Islande finisse par payer ses dettes illégitimes.

    une économie redressée
    En septembre 2010, l’ancien Premier ministre Geir Haarde a été mis en procès pour négligence dans la gestion de la crise. En avril 2011, les citoyens ont de nouveau dit non à un nouveau référendum sur le paiement de la dette. Après cela, au mois de décembre, la banque Landsbankinn a décidé de réduire une partie de la dette, 350 milliards de couronnes, soit environ 33% de la dette totale. Il y a quelques jours, les responsable de la Fiscalité en Islande ont inculpé deux cadres supérieurs de banque qui ont commis des fraudes au moyen de prêts non autorisés pendant les opérations qui ont conduit le système financier à s’effondrer en 2008 : l’ancien PDG responsable de la faillite d’une grande banque et son responsable financier. Ils auraient abusé de leur position pour fournir environ 102 millions d’euros sans autorisation, sans garanties de la part des bénéficiaires et sans avoir consulté le département de gestion des risques. Les agences de notation Moody, Standard & Poor et Fitch font pression pour punir l’endettement de l’Islande mais sans grand succès et toujours en essayant d’ignorer la reprise économique du pays.
     
    Pourquoi rappeler tout cela en début d’année ? 
     
    Pour préciser par écrit et pour demain le prix du reniement. En se soumettant à la logique néolibérale de dérégulation et de privatisation, en déclarant son impuissance à conduire une politique de gauche et en accordant dans le débat public une place centrale à la rigueur, à l’austérité, la gauche française se suicide théoriquement et démobilise les classes populaires. François Hollande, au Val de Reuil, en Normandie, a rappelé que l’Etat ne reprendrait pas PétroPlus, qu’il était hors de question pour l’Etat d’envisager une quelconque nationalisation, y compris bancaire. C’est céder aux financiers, c’est ne pas imaginer d’autre existence sociale et économique au delà du libéralisme mais c’est surtout ne pas comprendre que l’heure n’est pas la même qu’en 2002, par exemple, sous Lionel Jospin.
     
    La crise du système financier a changé la donne. Pour la première fois, le système s’engage à faire ce qu’il n’avait jamais fait auparavant dans l’histoire du libéralisme et du capitalisme : exploiter l’Etat national lui-même, le dépouiller. Les banques et la bourse ne font, en fait, actuellement – c’est une lapalissade ! – des affaires qu’avec les Etats. Les capitalistes volent leur argent, le gardent dans les banques, se déclarent en faillite et demandent à être renfloués, c’est là la fantastique affaire d‘un vrai détournement oligarchique de la richesse populaire. Nos dirigeants européens le savent bien. Ils baissent la tête et acceptent d’aider les banques pour que le système ne s’effondre pas. Le régime est en quelque sorte devenu mafieux et le capitalisme financier escroque les Etats.
    Vous appréciez les paysages islandais mais l’Islande bouillonne aussi d’une énergie propre, venue directement du centre de la terre. Cette énergie géothermique, l’Islande l’exporte et elle souhaite désormais aller plus loin en envisageant d’exporter son électricité grâce à un ambitieux projet de pipelines vers l’Europe du Nord qui pourrait alimenter en électricité un million de foyers aux Pays-Bas et en Ecosse.
    Exploitation de la géothermie
    Cette énergie géothermique permet de produire de l’électricité et de se chauffer grâce à la chaleur prélevée directement dans le sous-sol. A Hveragerði, par exemple, on fait pousser différents fruits et légumes dans des serres tropicales grâce à l’énergie géothermique. 75% des tomates cultivées dans ces serres sont d’ailleurs directement consommées par les Islandais et le pays envisage même d’en exporter d’ici 5 ans. Plus d’énergie disponible que de besoins et donc un produit et un savoir faire à vendre au monde entier.
    Sites géothermiques en Islande
    L’Islande a du coup décidé de former à cette science des étudiants étrangers qu’elle va chercher jusqu’en Afrique. Un jeune kényan étudie ainsi la géothermie en Islande et se servira de ses connaissances une fois de retour au pays. Grâce à ses volcans, l’Islande produit aujourd’hui 5 fois plus d’électricité que ce dont le pays a besoin.
    Source: Michel Lhomme Metamag

  • Le combat d’une communauté menacée de génocide

     

    Il doit être effectivement « politiquement incorrect » de dénoncer et montrer le sort réservé aux chrétiens du Nigéria qui refusent de se soumettre.C’est une lutte à mort entre islamistes radicaux et catholiques nigériens. Après le Nigéria, quels pays vont-ils subir le même sort? Où sont les organismes défenseurs des droits de l’homme ? Pourquoi tous les partis politiques français, quels qu’ils soient, pratiquent-ils l’omerta? Le Nigéria, moins important que la Syrie ou la Libye ? Au Nigéria , des chrétiens sont brulés vifs: un holocauste monstrueux devant l’indifférence internationale.
    METAMAG publie, fidèle à sa ligne éditoriale qui est d’informer hors des sentiers battus du « politiquement correct » ,le cri d’alarme du père espagnol Juan Carlos Martos, du secrétariat des Missionaires Clarettiani. JP
    « En publiant cet impressionnant document  sur Facebook ( voir le document inséré dans l’article NDLR), j’ai prétendu dénoncer  publiquement sur le plan international, certains évènements monstrueux, complètement réduits au silence par les médias de communication de masse ; un véritable génocide tellement monstrueux et brutal comparable aux épisodes les plus odieux et abjectes des camps d’extermination nazis.
    Document du Père Juan Carlos Martos
    À ma grande surprise, facebook me critique pour la publication de ce document graphique, comme une dénonciation de l’Holocauste dont souffre les chrétiens au Nigeria depuis plus de 10 ans. Conformément à la politique de sécurité de ce réseau « social », la photographie a été classifiée comme matériel « pornographique », « violent » ou « inapproprié » et pour cette raison, me punit en m’interdisant de télécharger une quelconque image durant une semaine. Et me menace d’actions drastiques si je persiste à vouloir intenter dénoncer par des documents, les horribles violations des droits de l’homme au Nigeria.
    Cette procédure des responsables, (facebook-Espagne) je suppose, est une atteinte à la liberté d’expression et une insulte éhontée aux 500 victimes (uniquement dans cet épisode brutal) massacrées par la terreur islamique du simple fait d’être chrétien.
    J’ai pensé que ce réseau social, né aux Etats-Unis, ne plierait pas le genou devant la terreur. Surtout après avoir souffert dans leur chair la macabre attaque du 11/9, comme nous celle du 11-M, toutes victimes de la fureur sauvage et folie de la terreur islamique.
    Cela semble incroyable, en Espagne, un Etat démocratique de droit – où il est garanti par la constitution de la liberté de pensée, d’expression et de religion (Art.16 et 20 CE)-on tente de museler les citoyens par le biais de menaces et de coercition, affaiblissant sa liberté d’expression, considérant comme « inapproprié » un document graphique (pas un photomontage) qui reflète une réalité brutale dans toute sa rigueur.
    Le Nigéria débarrassé de ses chrétiens
    Au contraire, les administrateurs de facebook Espagne, devrait féliciter cette plainte publique – faite avec l’intention que cette barbarie ne sera jamais répétée et que les coupables soient punis – parce que c’est un droit et un devoir du citoyen : un service à la société, l’objectif ultime, je suppose, de n’importe quel réseau « social » qui se vante.
    En effet si les meurtres continuent, c’est en grande partie parce que la vérité est toujours cachée au peuple souverain, pour qu’il ne la connaisse pas et puisse s’ « indigner »: le silence complice de la plupart des médias de communication mène à l’indifférence de la communauté politique internationale devant cet Holocauste monstrueux.
    Sans oublier la lâcheté installée dans le monde occidental face au terrorisme islamiste. Entre nous, une conséquence de plus de la stupide « Alliance des civilisations »: un autre incident regrettable de Rodriguez Zapatero, notre célèbre ancien président du gouvernement. Pouvez-vous imaginer la réaction de l’organisation terroriste islamique dans le cas(impossible) d’un massacre de musulmans aux mains des chrétiens dans une mosquée? comment et combien de ces belligérants auraient les couvertures de nos médias condamnant les faits? »
  • L’art diplomatique

    Aucune grande idée phare ne gouverne plus la diplomatie française à moins qu’on ne tienne pour telle la peur des complications et le désir chimérique de plaire à tout le monde. Pour rompre avec son engourdissement chronique, il arrive cependant que la République s’éprenne d’une belle cause, à moins qu’elle ne se contente, comme souvent, de réagir tant bien que mal aux secousses de l’actualité internationale, ce qu’elle fit lors de la seconde guerre du Golfe avec le succès que l’on connaît.
    La fuite en avant dans l’utopie
    européenne, chère à Nicolas Sarkozy, témoigne de cet embarras devant le néant d’une politique étrangère qui ne sait sur quel pied danser. La tentation est grande alors de remettre le fardeau diplomatique entre les mains d’une institution supranationale. Après tout, est-il vraiment opportun de se soucier du jeu diplomatique, quand s’impose la tutelle d’une opinion internationale mouvante ?
    Bien que la diplomatie traditionnelle française, celle de Richelieu et Mazarin, ait rendu l’âme depuis longtemps sous les coups de pioche de la Révolution, personne ne semble disposé à enterrer la tradition diplomatique elle-même, ultime vestige d’une époque révolue. C’est précisément l’héritage oublié de la diplomatie d’Ancien Régime que vante le dernier ouvrage de Lucien Bély, L’art de la paix en Europe, naissance de la diplomatie moderne XVIe-XVIIIe siècle (1).

    Propagande révolutionnaire
    Comme Janus, l’histoire de la diplomatie française a deux visages : celui qui nous est familier depuis la Révolution, et celui d’Ancien Régime. De ces deux traditions, la première est une idéologie subversive, la seconde un art délicat et empirique modelé au gré des circonstances. La Révolution française, dès son début et par la seule conséquence de son premier principe, sape par la base l’édifice de la vieille diplomatie européenne. Elle proclame la souveraineté du peuple, elle présente ses doctrines comme des vérités lumineuses et universelles, elle menace tous les pouvoirs établis, elle invite toutes les nations à se révolter et à s’affranchir. Le primat des nationalités préfigure ainsi le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, que le président Wilson devait arborer comme un talisman à Versailles en 1919.
    En 1790, les Constituants désirent étendre à tous les peuples de la terre le régime démocratique fondé en France. Ils vivent dans la crainte de voir leur oeuvre s’effondrer un jour. Pour l’en prémunir, ils rêvent d’extirper du continent les séquelles du “régime féodal”, un mot bien commode pour jeter l’opprobre sur tout ce qui est ancien. La Révolution devient solidaire de toutes les révolutions populaires ; c’est l’idée défendue par Merlin de Thionville à l’Assemblée législative : « Il faut déclarer la guerre aux rois et la paix aux nations ! » La diplomatie s’éteint et l’idéologie s’éveille.
    La France a beau déclarer la paix au monde, l’extension de son influence est en même temps la condition et le fruit de cette propagation, même pacifique, des principes de la Révolution. Dans l’esprit des législateurs, ce qui est acquis à la France l’est à la liberté ; la grandeur de la France révoltée s’associe au bonheur du genre humain. Par son messianisme même, la soif d’accroissement territorial et de suprématie pénètre dans la Révolution, et la nouvelle France s’apprête, dès cet instant, à exercer sur les peuples la domination qui lui revient du droit, car elle est la sentinelle de la Liberté contre le ‘“despotisme de tous les tyrans”. Elle commence par saisir Avignon et le Comtat Venaissin, avant d’entraîner l’Europe dans une guerre de vingt-trois années qui, pour la France, s’achève dans le désastre de Waterloo.

    Régénérer le monde...
    Singulier contraste d’une Assemblée qui chante une ode larmoyante à la paix pour mieux se dédire ensuite. Le mot généreux, en apparence, de l’émancipation des peuples légitime depuis cette époque toutes les expéditions armées. Aujourd’hui même, combien de guerres sont menées pour que triomphe l’idéal démocratique ? Quand elle entend tirer l’épée du fourreau, la France le fait au nom du droit des peuples, comme en Afghanistan. Lorsqu’elle prétend s’y opposer, comme en Irak, c’est encore le droit des peuples qu’elle invoque.
    Il y a dans la simplicité de cette idée une puissance spontanée de propagande. Son ambition universelle tient pour une gageure la réticence de certaines cultures à l’adopter. Si une douce persuasion n’y suffit pas, l’idée démocratique s’impose par la contrainte, puisque le principe d’humanité ne saurait souffrir la moindre exception. De cet élan sentimental naît l’inquiétant “droit d’ingérence” qui, pour être bien conforme à lui-même, devrait entraîner la France à courir de partout sans guère songer à ses propres intérêts. La République met tout son honneur à faire rayonner ce droit aventureux ; elle est en cela la digne héritière de cette Révolution qui, enivrée de discours, réprouve la diplomatie, comme égoïste, et l’expérience, corrompue de nature, pour s’adonner à l’enthousiasme de régénérer le monde. Elle ne juge plus qu’à l’aune de son instinct et ne décide plus que par passion.

    L’intérêt bien entendu
    La diplomatie de l’émotion ou de la compassion s’est élevée sur les cendres de la diplomatie traditionnelle. Celle-ci n’a rien d’un traité de philanthropie. Sous l’Ancien Régime, les États ne connaissent d’autres juges qu’eux-mêmes et d’autres lois que leur intérêt ; mais ce qui fait la brutalité de cette doctrine en fait aussi le tempérament.
    Aux sirènes de la convoitise, il y a un frein : l’intérêt bien entendu. “Il faut savoir s’arrêter à propos” pourrait servir de maxime au XVIIIe siècle. C’est une morale tout empirique que la crainte de perdre gros assagit. Richelieu observe déjà que, tout compte fait, observer les traités vaut mieux qu’une réputation d’homme changeant. La conquête trouve sa limite dans la certitude que les abus de la force en détruisent l’ouvrage. On ne doit d’ailleurs conquérir que ce qu’on peut garder. Il revient au conquérant de réparer les maux qu’il a commis s’il veut digérer sa proie.
    Ajoutons que les États risquent de se disperser en s’agrandissant plus que de raison. Des frontières étendues compliquent la défense et offrent à l’ennemi trop de commodités d’attaque. Tous les puissants sont d’accord enfin pour ne permettre à aucun d’entre eux d’accéder à l’hégémonie. Il se forme ainsi entre les grands une sorte de convention tacite : ils entendent conserver ce qu’ils possèdent, gagner en proportion de leurs mises, et interdire à l’un des associés de faire la loi en Europe. C’est le socle de la balance of power.
    À cette politique, la France apporte une fine nuance, l’équilibre. Longtemps protectrice des puissances moyennes, qu’elle défend bec et ongles au Congrès de Vienne, elle est aussi la première à s’indigner des « actes de piraterie » du royaume de Prusse. Le repos du continent est la condition de sa propre félicité, tandis que la Prusse, pour croître, a besoin de casser le statu quo.

    Subtilité de la négociation
    Rousseau et la pensée des Lumières ont jeté le discrédit sur l’ancienne diplomatie, ce « jeu de rapaces », cette « école de la dissimulation ». Pourtant, comme le révèle le précieux livre de Lucien Bély, elle mérite mieux que ce jugement à l’emporte pièce. C’est l’Ancien Régime qui invente la diplomatie en peaufinant l’art subtil de la négociation. C’est lui qui donne naissance à la figure moderne du diplomate et façonne les règles qui prévalent peu à peu de Londres à Saint-Pétersbourg. C’est lui qui favorise enfin une réflexion politique sur la manière de prévenir les conflits et d’y mettre un terme.
    Tout concourt à faciliter la concertation : des départements ministériels spécialisés se créent, des immunités s’élaborent pour protéger les négociateurs, des pratiques de plus en plus savantes se forgent, des ambassades s’établissent, un cérémonial harmonieux se déploie. Lucien Bély brise la légende selon laquelle les Princes ont disposé de territoires sans tenir compte des intérêts des peuples, traitant les hommes comme de simples « troupeaux de moutons ». Les diplomates savent en effet que la paix ne peut être durable tant qu’elle prolonge les souffrances, or, le propre de la négociation est de rétablir la concorde au sein des sociétés et entre elles. Pour cela, l’Ancien Régime accouche d’un nouvel idiome, la langue diplomatique, riche de significations cachées. La forme égale le fond en importance et chaque mot s’interprète à l’infini. Tout faux-pas menace de faire s’écrouler de patients efforts. L’émergence de ce langage traduit cependant une brûlante envie d’échanger et de connaître le monde.

    Temps, prudence, secret
    Pour s’épanouir librement, l’art diplomatique traditionnel suppose trois conditions que notre époque désavoue : le temps, la prudence et le secret. La circulation frénétique des hommes et des informations s’accommode mal des longs conciliabules ; la diplomatie doit ainsi satisfaire l’appétit de l’opinion souveraine qui se lasse aussi vite qu’elle s’enflamme. Ce n’est pas hélas un gage de prudence, car la précipitation appose, au mieux, un cautère sur une jambe de bois : combien d’accords de paix négociés à la hâte au Proche-Orient ont-ils failli ?
    Le diplomate a également la mission de sauvegarder les secrets de l’État. Il protège son art par le secret, mais le dévoile quand les circonstances s’y prêtent, comme pour séduire une population ; c’est un jeu délicat. Le mystère qui entoure la diplomatie agace aujourd’hui l’opinion internationale, avide de tout savoir à l’instant même. Ce désir éperdu de transparence, de mode depuis le XVIIIe, accompagne la démocratisation de la vie publique. Il n’empêche, sans le secret, point de diplomatie, c’est le retour à la spontanéité naturelle et à l’affrontement personnel.
    Le déclin de la diplomatie traditionnelle, que reflète le mépris des formes, le diktat de l’affect ou l’oubli des médiations, devient le prélude à un nouvel âge de fer dans les relations internationales.
    Le déclin de la diplomatie traditionnelle devient le prélude à un nouvel âge de fer dans les relations internationales.
    DIABLE BOITEUX L’Action Française 2000 du 18 au 31 octobre 2007
    * Lucien Bély : L’art de la paix en Europe, naissance de la diplomatie moderne XVIe-XVIIIe siècle. 752 pages, 30 euros.

  • L'état des forces militaires étrangères déployées au Mali

    Arrivée du contingent nigérian à Bamako
    Les soldats français et africains affluent au Mali, où la Mission internationale de soutien au Mali (Misma) doit prendre la relève de l'armée française, en fonction d'un calendrier encore imprécis. État des lieux sur les forces effectivement déployées et celles que la France et plusieurs pays africains prévoient d'envoyer, aux côtés de l'armée malienne, pour venir à bout des islamistes armés au nord du pays.
    Les effectifs militaires français déployés au Mali sont passés ces derniers jours de 1 800 à 2 000 hommes, pour une force totale annoncée de 2 500 soldats, la plus importante opération aéroterrestre engagée hors des frontières françaises depuis l'Afghanistan. Or, ces effectifs pourraient être encore plus importants. 
    Jean-Yves Le Drian, le ministre français de la Défense, a en effet fait ce décompte le 19 janvier à l'antenne de France 3 Bretagne : « Il y a aujourd’hui 2 000 militaires français au sol au Mali et l’opération Serval regroupe environ 2 900 militaires à cet instant, puisque vous avez des éléments à Ouagadougou, à Niamey et à Dakar (…). On dépassera peut-être les 2 500 militaires annoncés sur le site, ça fera environ 4 000 militaires qui seront mobilisés pour cette opération.»
    LE DÉPLOIEMENT DES FORCES OUEST-AFRICAINES A COMMENCÉ
    Quelque 2 000 soldats africains sont également attendus au Mali d'ici le 26 janvier, sur un total qui pourrait dépasser les 5 800 militaires africains (Tchadiens compris). Un chiffre annoncé à l'issue du sommet des chefs d'État de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) qui s'est tenu le 19 janvier à Abidjan, mais qui va sans doute être revu à la hausse, plusieurs pays ayant décidé d'envoyer plus de troupes que prévu.

    LE TCHAD
    SUR LE PIED DE GUERRE
     
    Rentrant d'Abidjan où il a participé au sommet extraordinaire de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) sur le Mali, le président tchadien Idriss Déby Itno a fait étape dimanche à Niamey où il a rendu visite au contingent tchadien dépêché sur place.
    C’est sur le tarmac de l’escadrille nationale de Niamey que le président Idriss Déby a rencontré le contingent tchadien, prêt à marcher sur le nord du Mali. Pourquoi 2 000 hommes loin des frontières tchadiennes ? « C’est une projection qui se fait sur 3 000 kilomètres. Donc je ne peux pas m’amuser à envoyer une petite unité qui va être avalée, sans renfort, une unité qui n’est pas capable à elle seule de se défendre, de faire donc sa mission. C'est ce qui m’a motivé à envoyer 2 000 hommes », explique le chef de l'Etat.
    Le colonel Youssouf Taïro , commandant du contingent tchadien, nous présente ici son matériel : « Le matériel que vous avez vu ici est du matériel de blindé, bien efficace, bien sélectionné. C’est-à-dire qu’on a tous les calibres ici. Le moral est bon, on est prêt à combattre nuit et jours, on est vigilants chaque heure, chaque seconde. »
    Enturbanné dans son chèche saharien, un des soldats tchadiens, lance : « Si les islamistes du nord du Mali sont des fous de Dieu, nous trouverons plus fou qu’eux dans quelques jours dans le Sahara malien. »
     
    Huit nations ouest-africaines (Bénin, Burkina, Ghana, Guinée, Niger, Nigeria, Sénégal, Togo) ont annoncé l'envoi de contingents, dont le déploiement a commencé. Une centaine de Togolais sont arrivés le 17 janvier à Bamako, sur les 750 militaires que Lomé prévoit d'envoyer. Quelque 55 soldats béninois étaient arrivés dimanche soir au Mali, sur une force qui doit atteindre 650 hommes, a annoncé le 20 janvier le président béninois Boni Yayi - au lieu des 300 hommes d'abord prévus.
    Un premier bataillon nigérian de 100 recrues s'est envolé le 17 janvier de Kaduna, au nord du Nigeria, sur une force totale de 1 200 hommes promise le 18 janvier. Nettement plus, là encore, que les 900 soldats initialement annoncés. « Notre sécurité nationale fait face à un danger imminent, en raison de la crise dans le nord du Mali », a estimé le président Goodluck Jonathan, dans sa lettre au Sénat demandant d'avaliser ce déploiement plus important. Les islamistes de Boko Haram, une secte qui multiplie les attentats au nord du Nigeria, ont été entraînés au nord du Mali par les combattants d'al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), rappellent les autorités d'Abuja.
    Quelque 60 soldats sénégalais sont arrivés au Mali le dimanche 20 janvier, sur une force totale de 500 hommes finalement promise par Dakar. Le Sénégal s'était d'abord montré réticent à envoyer des troupes dans le bourbier malien. Le président Macky Sall avait expliqué en juillet 2012 que des contingents de son pays étaient déjà déployés ailleurs, en Côte d'Ivoire, en République démocratique du Congo (RDC), au Soudan et en Guinée-Bissau. Le Sénégal avait encore démenti le 11 janvier avoir des troupes combattantes au sol au Mali, comme l'avait affirmé un porte-parole de l'armée malienne. Les pressions amicales de la France ont-elles joué ?  Dakar a en tout cas décidé, le 16 janvier, de participer à l'effort militaire ouest-africain.

     

    LES PAYS CONTRIBUTEURS ET CEUX QUI RESTENT EN RETRAIT
    Le Burkina Faso et le Niger ont annoncé des contributions respectives de 500 hommes à la Misma, tandis que la Guinée s'est engagée à hauteur de 120 à 144 hommes, selon les sources. Quant au Ghana, il a fait un revirement et oublié ses premières réticences, en promettant le 13 janvier d'envoyer 120 hommes au Mali. Le déploiement effectif des soldats de ces quatre pays est encore attendu.
    De son côté, la Côte d'Ivoire ne s'est pas formellement prononcée sur l'envoi de troupes au nord du Mali. Une décision que réclame le Front populaire ivoirien (FPI). Mais le président ivoirien Alassane Ouattara, qui a brandi la menace d'une intervention militaire de la Cédéao au Mali dès le lendemain du putsch du 22 mars 2012, est-il en mesure d'envoyer des troupes ivoiriennes ? La Côte d'Ivoire est elle-même en butte à la désorganisation de son armée - actuellement en restructuration - et confrontée à des problèmes sécuritaires. Quelque 11 000 casques blancs des Nations unies sont d'ailleurs toujours déployés dans le pays, dans le cadre de l'Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire (Onuci).
    La Mauritanie, elle, s'en tient à sa décision initiale, annoncée en août 2012, de ne pas participer à une force internationale au Mali. Même si Nouakchott considère Aqmi comme un problème de sécurité intérieure, le groupe terroriste ayant beaucoup recruté à ses débuts parmi de jeunes Mauritaniens. La Mauritanie a été le pays le plus actif au nord du Mali sur le plan militaire, multipliant les raids aériens ces dernières années contre des convois d'Aqmi, et essuyant en retour des attentats d'Aqmi. Mais le général Mohamed Ould Abdel Aziz, le président mauritanien, ne souhaite pas s'impliquer dans une force ouest-africaine de la Cédéao, une communauté dont son pays ne fait pas partie. Nouakchott a cependant pris soin de sécuriser sa frontière avec le Mali.
    L'IMPORTANT RENFORT TCHADIEN
    Le Tchad a déjà envoyé le 16 janvier à Niamey, la capitale du Niger, 200 éléments de ses forces spéciales, sur un total annoncé de 2 000 hommes. Ces forces devraient être déployées avec les troupes nigériennes le long de la frontière entre le Niger et le Mali. Le Tchad, qui n'est pas membre de la Cédéao, fournira donc les effectifs les plus nombreux après la France. Ce pays a été sollicité d'abord par Paris, puis par le président intérimaire malien Dioncounda Traoré, pour venir renforcer le dispositif international, en raison de l'expérience de son armée dans un terrain désertique aux conditions climatiques difficiles.

    Avec RFI http://www.francepresseinfos.com/

  • La France peut-elle, à elle seule, tenir le « Sahélistan » ?

    Analyse de Bernard Lugan (20 janvier 2013)

    Ce n’est pas le seul Mali qui doit être sécurisé, mais tout le Sahel, ce rift racial s’étendant sur dix pays et sur lequel ont été plaqués des Etats associant artificiellement des Nord « blancs » et des Sud noirs.

    L’Europe feint de ne pas voir ce qui s’y passe cependant que les Etats-Unis observent la situation de loin. Le 18 janvier Léon Panetta secrétaire américain à la Défense a ainsi déclaré que « les opérations de sécurité au Mali incombent aux puissances régionales ». Quant à l’ « aide » à l’armée française, parlons-en, puisque Washington va en effet louer à la France ces avions gros porteurs qui lui font régulièrement défaut. Léon Panetta a bien pris soin de préciser, au cas où il n’aurait pas été compris, que le « gouvernement français remboursera aux Etats-Unis les frais entraînés par ce soutien aérien ». François Hollande doit se dire qu’il est réconfortant de pouvoir compter sur de « solides » alliés…

    Quant aux pays africains, pourtant les premiers concernés, ils ne se bousculent pas. De plus, les contingents que certains finiront tout de même par envoyer et qui seront équipés par la France, ont une valeur militaire « inégale ».

    Dans ces conditions, et comme la France ne peut, à elle seule, s’engager dans une opération de « pacification » du sahélistan, que convient-il donc de faire et surtout, de ne pas faire ?

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  • Mali : une guerre peut en cacher une autre

    Préparée de longue date et annoncée par François Hollande six mois à l’avance, l’intervention française au Mali a été présentée comme une décision prise en urgence en réponse à des développements dramatiques. Cette mise en scène ne vise pas seulement à s’emparer de l’or et de l’uranium maliens, elle ouvre surtout la voie à une déstabilisation de l’Algérie.

    « L’appétit vient en mangeant », dit le proverbe. Après avoir recolonisé la Côte d’Ivoire et la Libye, puis tenté de s’emparer de la Syrie, la France lorgne à nouveau sur le Mali pour prendre l’Algérie à revers.

    Durant l’attaque de la Libye, les Français et les Britanniques ont fait un large usage des islamistes pour combattre le pouvoir de Tripoli, les séparatistes de Cyrénaïque n’étant pas intéressés à renverser Mouammar el-Kadhafi une fois Benghazi indépendante. À la chute de la Jamahiriya, j’ai personnellement été témoin de la réception des dirigeants d’AQMI par des membres du Conseil national de transition à l’hôtel Corinthia, qui venait d’être sécurisé par un groupe britannique spécialisé venu exprès d’Irak. Il était évident que la prochaine cible du colonialisme occidental serait l’Algérie et qu’AQMI y jouerait un rôle, mais je ne voyais pas quel conflit pourrait être utilisé pour justifier une ingérence internationale.

    Paris a imaginé un scénario dans lequel la guerre pénètre en Algérie par le Mali.

    Peu avant la prise de Tripoli par l’OTAN, les Français parvinrent à soudoyer et à retourner des groupes Touaregs. Ils eurent le temps de les financer abondamment et de les armer, mais il était déjà bien tard pour qu’ils jouent un rôle sur le terrain. Une fois la guerre finie, ils retournèrent dans leur désert.

    Les Touaregs sont un peuple nomade vivant au Sahara central et sur les bordures du Sahel, soit un vaste espace partagé entre la Libye et l’Algérie, le Mali et le Niger. S’ils ont obtenu la protection des deux premiers Etats, ils ont au contraire été délaissés par les deux derniers. Par conséquent, depuis les années 60, ils n’ont cessé de remettre en question la souveraineté du Mali et du Niger sur leurs terres. Bien logiquement, les groupes armés par la France décidèrent d’utiliser leurs armes pour faire aboutir leurs revendications au Mali. Le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) prend le pouvoir dans presque tout le Nord-Mali où il habite. Cependant, un groupuscule d’islamistes touaregs, Ansar Dine, rattaché à AQMI, en profite pour imposer la charia dans quelques localités.

    Le 21 mars 2012, un étrange coup d’État est perpétré au Mali. Un mystérieux « Comité pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’État » (CNRDRE) renverse le président Amadou Toumani Touré et déclare vouloir restaurer l’autorité malienne au Nord du pays. Il en résulte une grande confusion, les putschistes étant incapables d’expliquer en quoi leur acte améliorera la situation. Le renversement du président est d’autant plus bizarre qu’une élection présidentielle était prévue cinq semaines plus tard et que le président sortant ne se représentait pas. Le CNRDRE est composé par des officiers formés aux États-Unis. Il empêche la tenue de l’élection et transmet le pouvoir à un des candidats, en l’occurrence le francophile Dioncounda Traore. Ce tour de passe-passe est légalisé par la CEDEAO, dont le président n’est autre qu’Alassane Ouattara, mis au pouvoir un an plus tôt par l’armée française en Côte d’Ivoire.

    Le coup d’État accentue la division ethnique du pays. Les unités d’élite de l’armée malienne (formées aux USA) ayant un commandement touareg rejoignent la rébellion avec armes et bagages.

    Le 10 janvier, Ansar Dine —appuyé par d’autres groupes islamistes— attaque la ville de Konna. Il quitte donc le territoire touareg pour étendre la loi islamique au Sud du Mali. Le président de transition Dioncounda Traore décrète l’état d’urgence et appelle la France au secours. Paris intervient dans les heures qui suivent pour empêcher la prise de la capitale, Bamako. Prévoyant, l’Élysée avait pré-positionné au Mali des hommes du 1er Régiment parachutiste d’infanterie de marine («  la coloniale  ») et du 13e Régiment de dragons parachutistes, des hélicoptères du COS, trois Mirage 2000D, deux Mirage F-1, trois C135, un C130 Hercule et un C160 Transall.

    En réalité, il est fort peu probable qu’Ansar Dine ait représenté une menace réelle, car la vraie force combattante, ce ne sont pas les islamistes, mais les nationalistes touaregs, lesquels n’ont aucune ambition au Sud du Mali.

    Pour conduire son intervention militaire, la France demande l’aide de nombreux États, dont l’Algérie. Alger est piégé : accepter de collaborer avec l’ancienne puissance coloniale ou prendre le risque d’un reflux des islamistes sur son sol. Après hésitation, il accepte d’ouvrir son espace aérien au transit français. Mais en définitive, un groupe islamiste non identifié attaque un site gazier de British Petroleum au Sud de l’Algérie en accusant Alger de complicité avec Paris dans l’affaire malienne. Une centaine de personnes sont prises en otages, mais pas seulement des Algériens et des Français. Le but est manifestement d’internationaliser le conflit en le transportant en Algérie.

    La technique d’ingérence française est une reprise de celle de l’administration Bush : utiliser des groupes islamistes pour créer des conflits, puis intervenir et s’installer sur place sous prétexte de résoudre les conflits. C’est pourquoi la rhétorique de François Hollande reprend celle de « la guerre au terrorisme », pourtant abandonnée à Washington. On retrouve dans ce jeu les protagonistes habituels : le Qatar a pris des parts dans de grandes sociétés françaises installées au Mali, et l’émir d’Ansar Dine est proche de l’Arabie saoudite.

    Le pyromane-pompier est aussi un apprenti sorcier. La France a décidé de renforcer son dispositif anti-terroriste, le plan Vigipirate. Paris ne craint pas une action des islamistes maliens sur le sol français, mais le reflux des jihadistes de Syrie. En effet, durant deux ans, la DCRI a favorisé le recrutement de jeunes musulmans français pour se battre avec l’ASL contre l’État syrien. Du fait de la débandade de l’ASL, ces jihadistes reviennent actuellement au pays natal où ils pourraient être tentés, par solidarité avec Ansar Dine, d’utiliser les techniques terroristes qu’on leur a appris en Syrie.

    Source : Al-Watan (Syrie)

  • Une guerre chasse l'autre – par Alain Potrat

     

    Notre nouveau président, tout comme son prédécesseur s'avère donc être lui aussi un va-t’en guerre, signe que la plus haute fonction au sommet de l'état donne le vertige, gonfle le cerveau et transforme nos énarques de salon en preux chevaliers, en croisés belliqueux désireux de montrer au reste du monde de quel bois la France se chauffe dès lors que l'on touche aux droits de l'homme, surtout lorsqu'ils ne sont pas Français.
    Après le Kosovo,  l'Afghanistan, c'est donc le Mali qui va devenir le nouveau théâtre d'opérations pour notre armée, un nouveau bourbier dans lequel nous allons nous enliser, puisque dans son discours de déclaration de guerre, François Hollande a indiqué que la France serait présente dans ce pays aussi longtemps que nécessaire, ce qui, compte tenu de la nature du conflit, signifie que nous serons sur place pour une durée indéterminée, mais très certainement longue, pour ne pas dire « ad vitam aeternam ».
    Il avait pourtant semblé convenu que si intervention militaire il devait y avoir, celle-ci serait menée et orchestrée par une armée composée uniquement de soldats de pays Africains, sous l'égide de l'ONU, afin que cette présence militaire  ne soit pas considérée comme une ingérence occidentale, une forme de colonisation et par voie de conséquence, une repentance et une auto-flagellation à venir.
    François Hollande comme Nicolas Sarkozy aura donc décidé d'entraîner notre pays dans  cette nouvelle aventure guerrière, en faisant cavalier seul et contre toute concertation avec les partenaires Européens curieusement non concernés par cette intervention, mais avec cependant la bénédiction et la complicité de l'UMP, JF.Copé et F.Fillon, les duettistes de l'opposition timorée s'étant associés à cette initiative aussi hasardeuse que critiquable, croyant sans doute naïvement que la seule annonce de notre déploiement de force suffise à mettre en déroute l'armée de rebelles islamistes, les mêmes qui il y a quelques semaines encore, soutenus et encouragés par notre ex-président et une grande majorité de la classe politique, écumaient la Libye en semant la terreur avec les armes généreusement offertes par la France pour renverser le Colonel et qui vont donc servir à présent à tuer nos ressortissants.
    Sans doute que François Hollande qui ne rate pas une occasion de nous dire qu'il doit gouverner avec le fardeau qu'est « l'héritage » de son prédécesseur, doit avoir également hérité de l'ineffable BHL, notre Rambo de boudoir avec son treillis haute couture, ses rangers en croco et son armure de chevalier blanc, recruté comme conseillé spécial pour ses qualités incontestables dans les questions d'ingérence suicidaire, et qui aura su habilement  convaincre le président de la nécessité d'intervenir au Mali en proie au chaos et à la menace djihadiste, celle que nous combattons d'une main qui se voudrait de fer mais que nous caressons de l'autre, celle de velours.
    Si la réelle motivation du président Français est la lutte contre l'intégrisme islamiste, alors comment se fait-il que nos troupes ne soient pas déployées sur le territoire national qui dénombre plus de 2000 mosquées qui sont autant de casernes, d'arsenaux, de camps d'entrainement à la lutte armée, chaque musulman qui s'y engouffre étant susceptible de devenir un combattant en puissance, donc une menace pour notre intégrité sur notre sol.
    À moins bien sûr que la raison officielle ne soit toute autre et motivée par la seule volonté de faire diversion sur les difficultés à assumer son rôle de président hors de portée en dehors des discours électoraux, et contrer une baisse de popularité de son action et de celle de son gouvernement après six mois de gestion du pouvoir, une guerre menée contre le terrorisme étant sans doute, surtout avec l'aide des médias  dociles et complices, considérée comme un acte fort, digne d'un stratège éclairé, volontariste, courageux et donc gage de reprise de confiance par le peuple envers son commandant en chef.
    En tout cas, François Hollande doit avoir quelques problèmes de surdité sélective, car si il a entendu parfaitement l'appel à l'aide du président Malien pour l'aider à contrer et repousser la menace islamiste, il reste par contre particulièrement sourd aux mêmes appels venant de ses concitoyens qui subissent la même menace dans l'hexagone, mais dont les cris se perdent dans le désert et ne reçoivent pas d'écho favorable. C'est sans doute une question de « priorité » qui explique cette discrimination auditive... D'où la question que l'on peut se poser : notre président est-il vraiment l'homme de la situation.... !!

    Contact E-Mail : alain.potrat@gmail.com 
  • Succès du Colloque du Cercle de Flore : ingérence et politique étrangère

    Si le temps avait été plus clément, certainement aurions-nous dû refuser du monde ! La péniche du Blues Café, samedi après-midi, avait en effet fait le plein de monde. Il est vrai que le thème était à la fois important et tombait en pleine actualité, au lendemain du début de l’intervention française au Mali et que, d’autre part, les invités étaient prestigieux.

    Une assistance nombreuse et attentive

    De gauche à droite : Siwar Al-Assad, Elie Hatem, SAR Sixte-Henri de Bourbon-Parme et Philippe de Saint-Robert

    Elie Hatem, avocat à la cour, enseignant à la faculté libre de droit, d’économie de Paris, membre du comité directeur de l’Action française a su avec son brio habituel, camper la situation internationale actuelle et les orientations de notre politique étrangère,...

    ... avant de laisser la parole à SAR le prince Sixte Henri de Bourbon-Parme, qui a rappelé les conditions géopolitiques et historiques d’une politique étrangère indépendante, et dénoncé les dérives de la politique actuelle.

    Siwar Al-Assad, écrivain (il a publié A Cœur perdu en 2012) et cousin germain du Président Bachar Al Assad, témoignage vivant de l’amitié franco-syrienne, est venu nous dire à la fois son amour pour la France et la langue française, dans laquelle il écrit, et sa confiance dans une solution syro-syrienne à la guerre civile actuelle qui est alimentée de l’étranger.

    Philippe de Saint Robert, écrivain, acteur des relations internationales, ancien Commissaire Général à la langue française, a su rappeler les errements de la politique extérieure française depuis de trop nombreuses années

    Michèle Guillaume-Hofnung, professeur à l’Université de Paris XI, médiatrice, est venue nous présenter la médiation, qui n’est ni l’arbitrage ni la conciliation, mais la recherche du dialogue en amont afin de désamorcer les conflits ou sa reprise, en aval, afin de reconstruire les liens qui ont été déchirés.

    Le général Jacques Berger a tenu à préciser les notions d’ingérence et d’intervention avec une grande précision juridique tout en déplorant le chaos mondial.

    Olivier Perceval, Secrétaire Général de l’Action française, rappelant la démarche bainvillienne de l’Action française, a précisé les conditions d’une politique étrangère cohérente et ferme : indépendance de l’Etat vis-à-vis de tous les groupes de pression et affirmation de sa souveraineté vis-à-vis de l’extérieur. Encore faut-il un pouvoir qui ne soit dépendant ni de l’élection ni de l’étranger... Ce que n’est pas la République.

    M. Jean-Charles Marchiani, ancien préfet, nous a fait l’amitié de sa venue.

    M. Boutros Boutros-Ghali, ancien secrétaire général de l’ONU, M. Gérard de Villiers, écrivain et journaliste et Mme Anne –Marie Lizin, présidente d’honneur du Sénat de Belgique et vice- présidente de l’Assemblée plénière de l’OSCE, bloqués par la neige, nous ont envoyé des messages d’amitié pour dire leur regret de ne pouvoir être parmi nous.

    http://www.actionfrancaise.net

  • Mali : Réalités géopolitiques vues par Aymeric Chauprade (1ère partie)

    L’intervention du Mali, comme toutes les interventions occidentales depuis la fin de la Guerre froide (de l’Irak jusqu’à la Libye en passant par l’ingérence en Syrie) ne saurait être analysée de manière angélique, sous prétexte qu’elle serait une opération française. Inversement, elle ne saurait être assimilée à toutes les autres opérations parce qu’elle admet en effet ses propres déterminants.

    La guerre au Mali est la confrontation d’une multiplicité d’acteurs :

    1. l’État central malien (Bamako)
    2. les Touaregs indépendantistes de l’Azawad
    3. les groupes jihadistes
    4. l’État français et sa compagnie pétrolière Total (qui est certes une multinationale sur le plan capitalistique mais dont l’action politique reste coordonnée à celle de la France),
    5. l’État algérien avec d’une part son État profond (le puissant DRS, la sécurité militaire, coeur du régime) d’autre part sa société pétrolière étatique Sonatrach
    6. les États-Unis d’Amérique et leur État profond (composé d’éléments de la CIA, du Pentagone, de l’armée)
    7. l’État qatarien et ses intérêts pétroliers et gaziers
    8. deux États voisins, la Mauritanie et la Libye qui ont toujours joué un rôle crucial dans la question touareg.

    Ce sont là les principaux protagonistes de l’affaire malienne. Au second plan, d’autres acteurs chargés d’apporter aux acteurs de premier plan une légitimité en terme de droit international : les autres États africains (la CEDEAO), l’Union européenne…

    Voyons les intérêts et les motivations des premiers rôles qui s’affrontent sur la scène malienne, et pas forcément de manière visible.

    Cette analyse étant longue, j’ai décidé de la découper en deux parties. La première partie tentera d’y voir clair sur les motivations de l’État malien, des Touaregs indépendantistes et des groupes islamistes.

    La seconde partie abordera la question complexe des enjeux pétroliers et gaziers dans la zone (avec notamment les intérêts pétroliers français, qataris et algériens).

    Nous pourrons alors proposer une lecture de la crise qui s’articulera autour d’un bras de fer entre Paris, Alger et Doha pour l’essentiel, avec bien entendu aussi les États-Unis en « embuscade » et qui montrera, une fois de plus, que le terrorisme islamiste est largement instrumentalisé pour consolider ou restaurer les intérêts des principaux acteurs.

    1) L’État malien

    Afin de présenter l’État malien dans ses caractéristiques géopolitiques je m’appuie sur l’article « Mali » du Dictionnaire de géopolitique (Chauprade/ Thual) lequel date de 1999 dans sa deuxième édition. L’exercice consistant à revenir à ses anciens textes est peu pratiqué en France, et pour cause : s’il l’était, il abîmerait fortement la légitimité de la quasi-totalité de nos commentateurs médiatiques, surtout Olivier Roy, le génial visionnaire de la « fin de l’islam politique » (titre de son essai de 1992) lequel fanfaronnait encore sur les plateaux au début des printemps arabes, en 2011, en expliquant que sa thèse de la disparition de l’islamisme était la bonne et que la masse arabe ne rêvait que de démocratie occidentale… Cela fait penser à Francis Fukuyama s’excusant que la Fin de l’Histoire soit autant retardée depuis 1990 et nous demandant de patienter encore un peu (pour avoir raison)…

    La réalité, qu’elle nous plaise ou non, est qu’une partie importante des Arabes (mais pas forcément majoritaire) veut refonder la politique de leur pays sur les bases de l’islam politique tout simplement parce qu’elle refuse le mouvement global d’occidentalisation des valeurs; et que par ailleurs il convient, par simple honnêteté intellectuelle (et même si à titre personnel nous n’avons aucune sympathie particulière pour ce type de mouvance) de distinguer l’action terroriste jihadique et les partis politiques islamistes (type Frères musulmans). Si nous ne le faisons pas, nous ne comprendrons jamais pourquoi certains États peuvent avoir intérêt à créer des groupes ultra-radicaux se revendiquant de l’islam dans le seul but de décrédibiliser la masse d’un islam politique que je ne qualifierais pas de modéré (parce que cela ne veut rien dire) mais qui pour autant n’emploie pas forcément la violence terroriste comme moyen d’action politique.

    Fermons la parenthèse.

    Cet article « Mali » du Dictionnaire de géopolitique permet de rappeler deux idées essentielles :

    - premièrement la trace de l’action coloniale au Mali : les soldats français de l’opération « Serval » disposent en effet comme référence des « grands anciens de la colonisation » et d’une littérature militaire coloniale de qualité.

    - deuxièmement la coupure raciale qui caractérise le Mali.

    ” Le territoire du Mali correspond à l’ancien Soudan de l’Afrique occidentale française (A.O.F.). Ce territoire avait été conquis au XIXe siècle (Faidherbe puis Gallieni, 1880-1895) dans le cadre de la course au Niger menée par les autorités coloniales françaises (…). Sa base territoriale est formée par le bassin du Haut Niger et la boucle du fleuve Niger. Le territoire a subi de nombreuses mutations, à commencer par l’incorporation temporaire de la Haute-Volta (actuel Burkina-Faso) qui sera de nouveau détachée en 1919, puis la rétrocession à la Mauritanie de territoires du Nord-Ouest.

    À l’indépendance en 1958, le Soudan devenu Mali (du nom d’un prestigieux empire mandingue au XIVe siècle) fusionna un temps avec le Sénégal.

    Le Mali est formé d’une partie sahélienne et d’une partie saharienne qui s’articulent sur un bassin fluvial autour duquel irradient d’anciennes routes commerciales. Cette division géographique est aussi à l’origine de la division géopolitique du pays entre une masse de populations négro-africaines sédentarisées et une minorité de nomades qui vivent au Nord et qui occupent une grande superficie. Ces nomades, Touaregs ou Maures, sont entrés en rébellion dans les années 1990. Plusieurs mouvements se sont créés qui ont tous un but commun : la création de l’Azawad. En dépit des différentes tentatives de règlement, la césure sociale et ethnique demeure profonde. Elle s’insère dans les conflits qui secouent la bande sahélienne, de la Mauritanie au Tchad. Les différents mouvements en faveur de la libération de l’Azawad bénéficient du soutien discret de la Libye ou de la Mauritanie (…)

    La parcellisation des mouvements de libération de l’Azawad ne doit pas masquer la profondeur de leur opposition au gouvernement central. La faiblesse de l’unité intérieure du Mali constitue sans doute la caractéristique géopolitique majeure de ce pays” .

    13 ans après que ces lignes aient été écrites, et donc en janvier 2012, revenant de Libye après la chute de Kadhafi (avec lequel ils étaient alliés), les Touaregs du MNLA (Mouvement National de Libération de l’Azawad) défont l’armée malienne et proclament l’indépendance de l’Azawad. Mais la lutte séparatiste ancienne menée par le MNLA est très vite débordée par une autre lutte, celle du jihad (lutte qui, en Afrique occidentale, n’a rien de nouveau, bien au contraire : je renvoie à ce propos à mon ouvrage Géopolitique, Constantes et changements dans l’histoire, Ellipses, 2007, p314 à 325 : l’islamisation de l’Afrique noire).

    Trois groupes principaux mènent ce jihad dans la région : Ansar Dine fondé par un leader historique du mouvement touareg, passé à la lutte islamiste ; le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest – MUJAO – et enfin Al Qaïda au Maghreb islamique – AQMI groupe historiquement beaucoup plus algérien puisqu’il est l’héritier du GSPC lui-même héritier des GIA de la guerre civile algérienne.

    Début avril 2012, le MNLA et ces groupes islamistes prennent le contrôle des capitales des 3 régions du Nord-Mali : Kidal, Gao et Tombouctou. Le 6 avril, le MNLA proclame l’indépendance de l’Azawad, ce qui était son but historique. Mais voilà que ce qui était prévisible se produit : l’islamisme submerge le nationalisme touareg, d’autant que le premier est susceptible de trouver bien davantage de soutiens extérieurs que le second. Fin juin 2012, le trio AQMI/MUJAO/Ansar Dine écrase le MNLA à Gao puis à Tombouctou. Commence la triste destruction de mausolées de saints musulmans à Tombouctou (représailles à la décision de l’Unesco de classer la ville patrimoine mondial en péril).

    Mais revenons à Bamako. Le but premier de l’État malien est de reprendre le contrôle du Nord et de se venger des Touaregs en s’appuyant sur la puissance française. C’est évidemment un but politiquement dangereux pour la France.

    Pour Paris, chasser les groupes islamistes du Nord du Mali ne doit pas pour autant déboucher sur une épuration ethnique anti-Touareg. À mesure que l’armée française va s’approcher de ses objectifs (faire reculer son ennemi) elle va se rendre compte que l’armée malienne qu’elle traîne dans son sillage s’emploiera à se venger sur les populations touaregs et cela risque de devenir un vrai problème à gérer pour Paris.

    Incapable militairement de résister face aux guerriers du désert, l’armée négro-africaine malienne, même aidée par d’autres troupes noires (CEDEAO) se trouve dans l’incapacité de restaurer l’unité du Mali (unité ô combien artificielle, comme nous l’avons vu auparavant) sans l’action militaire de la France.

    2) Les Touaregs indépendantistes du MNLA

    Les Touaregs sont 1,5 millions de nomades du Sahara (origine berbère mais métissage avec des Noirs et des Arabes) vivant sur plus de 2 millions de km2 (Niger, Mali, Algérie, Libye, Burkina Faso), souvent en marge de leur État d’appartenance.

    Au Mali, dans la région de l’Azawad, ils seraient environ 500 000 sur une population de malienne de 6 millions (au Niger les Touaregs sont 850 000 sur une population quasiment identique à celle du Mali soit 16 millions). Ce qui revient à souligner qu’une minorité d’un demi-million est en train d’écraser l’armée représentant la sécurité et les intérêts de 15,5 millions de citoyens maliens noirs ! Qui pourra contester à la France qu’elle se bat bien aux côtés de l’écrasante majorité de la population, laquelle, et c’est un fait établi et difficilement contestable, est attachée à son islam trempé de traditions africaines et refuse le modèle salafiste importé ?

    Affirmer cela ne signifie pas pour autant nier ou cacher le fait que la France a ses propres intérêts. Hollande dit que la France ne défend pas d’intérêt au Mali, c’est évidemment une plaisanterie (dictée par la sacro-saint principe d’hypocrisie droits-de-l’hommiste), plaisanterie sur laquelle nous reviendrons. Bien au contraire, je serais tenté de dire, de manière un peu provocante, que cela fait bien longtemps que la France mène une guerre pour ses intérêts propres et non pour des profits américains.

    La France a le droit d’avoir ses intérêts, comme n’importe quel autre État, et de les défendre, du moment que la défense de ses intérêts reste compatible avec la volonté majoritaire des populations concernées et que nous ne sommes pas en train de tout détruire pour nous emparer du pétrole, comme les Américains l’ont fait en Irak en 2003 et comme nous tentons malheureusement de le faire en Syrie, aux côtés des Américains, des Anglais et des Qataris.

    Dans le passé les Touaregs étaient loin d’avoir une position défavorable. Avant la colonisation française, ils étaient même les seuls, avec les Ethiopiens, à disposer de leur propre écriture et ils contrôlaient le commerce caravanier et d’immenses troupeaux. Avant la colonisation française – je renvoie encore à Géopolitique, constantes et changements dans l’Histoire ouvrage dans lequel j’analyse les mécanismes par lesquels la colonisation a abouti à l’inversion des rapports de force entre les ethnies traditionnellement dominantes et celles qui étaient dominées-, ce sont les Touaregs qui razziaient les Noirs d’Afrique et les Maliens redécouvrent aujourd’hui cette vérité. La vérité est que la colonisation a souvent été un cadre pacificateur (on parlait d’ailleurs de pacification) et protecteur pour les ethnies dominées d’Afrique noire. Elle a en revanche été une catastrophe et une perte de puissance pour les ethnies anciennement dominantes. En refusant, par exemple, l’école française de la colonisation, les Touaregs ont créé eux-mêmes, au moment des indépendances, les conditions de leur marginalisation au profit des Noirs.

    Lorsque s’effondre ce cadre de la Guerre froide qui avait gelé tant de conflits identitaires dans les États, les Touaregs relèvent la tête et entrent en rébellion au Niger et au Mali. Finalement en 2009, des accords de paix aboutissent théoriquement à un décentralisation des régions touaregs assortie d’une large autonomie de gestion. Comme ces accords ne sont pas appliqués, plusieurs ex-leaders touaregs qui avaient été intégrés dans l’armée maliennes désertent. Le problème est d’autant plus grave que les Américains (je reviendrai sur ce point capital), dans le cadre de leur coopération militaire anti-terroriste avec le Mali et avec de nombreux autres États de la zone (la Pan Sahel Initiative qui deviendra la TSCI), ont souvent choisi de s’appuyer sur des officiers touaregs – avaient-ils une idée machiavélienne derrière la tête ou agissaient-ils ainsi de manière pragmatique parce qu’ils constataient que les Touaregs sont les meilleurs combattants?

    Dans cette affaire la chute de Kadhafi, voulue et provoquée, faut-il le rappeler, par la présidence de Nicolas Sarkozy en accord avec les Américains et les Anglais, est directement à l’origine de ce qui se passe aujourd’hui au Nord-Mali. Lorsque les forces kadhafistes s’effondrent, les centaines de Touaregs du MNLA qui combattaient à leurs côtés rentrent précipitamment au pays lourdement armés et rallument la flamme combattante du séparatisme. En janvier 2012, la rébellion touareg, dont la composante essentielle est le MNLA, demande explicitement l’indépendance du Nord-Mali et passe à l’offensive.

    Depuis, le MNLA a été dépassé militairement par les trois groupes islamistes (Ansar Dine, Mujao et AQMI) mais il conserve pourtant le gros des effectifs car seule une petite fraction de ses membres a rallié Ansar Dine.

    Aucune sortie durable de la crise n’est en réalité possible sans le MNLA. Une entente doit se faire entre Bamako/Paris d’un côté, le MNLA de l’autre, afin de régler la question islamiste dans la zone. Paris est en position de force car Bamako ne peut plus rien sans les troupes françaises et par conséquent les militaires français doivent s’allier avec le MNLA, composante séparatiste mais non jihadiste des Touaregs, pour chasser les islamistes de la zone. S’ils l’armée française ne sous-traite pas aux Touaregs le « nettoyage » de cet immense espace à la fois désertique et montagneux, elle entrera dans un tunnel sans fin et sans doute plus coûteux financièrement que meurtrier (car militairement l’opération restera beaucoup plus maîtrisable que l’Afghanistan).

    Ensuite, la France doit se placer en position de médiation entre le MNLA et Bamako. L’affaire est cependant plus complexe qu’il n’y paraît. Il n’existe pas un, mais trois Azawad : le Sud (Songhay et Peuls), le long du Niger, le Nord territoire des Touaregs et l’Ouest saharien arabe.

    3) Les groupes jihadistes

    Il est rapporté que 3 groupes islamistes se trouvent impliqués dans l’affaire du Nord-Mali. Deux groupes qui présentent un caractère identitaire local : Ansar Dine, émanation islamiste radicale du MNLA, le mouvement historique de combat des Touaregs et dont la base originelle est Kidal ; le Mujao (base Gao) ; AQMI qui lui est un ensemble de groupe beaucoup plus algérien et qui s’inscrit dans la filiation GIA/GSPC.

    Mon analyse sur l’islamisme radical et terroriste est bien connue. Pour chaque mouvement identifié et analysé il convient de se poser deux questions :

    1. Quelle est la part locale et la part globale (le lien avec une « internationale » islamiste) ?
    2. Quelle est la part authentique (combattants authentiquement islamistes) et la part infiltrée/fabriquée (groupe infiltré par des services étatiques et dont les actions orientées obéissent à une stratégie de la tension de la part d’un ou plusieurs États) ?

    Nous n’avons pas le temps de refaire ici l’histoire du terrorisme islamiste et celle-ci a d’ailleurs été abondamment traitée. Pour dire les choses simplement, deux lectures s’opposent. Une première lecture, dominante, médiatique est celle qu’Al Qaïda, et plus globalement le « terrorisme international », sont des forces autonomes, obéissant à leur propre agenda, et qui mènent une guerre contre l’Occident. La deuxième lecture (qui est la mienne) considère le terrorisme islamiste comme la combinaison d’un combat authentique (des jihadistes mènent réellement une guerre terroriste contre « l’Occident impie ») et d’une instrumentalisation/manipulation de la part de services étatiques.

    Or, on ne peut comprendre cette deuxième lecture si l’on occulte la dimension mafieuse du phénomène jihado-terroriste. Cette dimension mafieuse est admise dans les deux lectures. Les médias officiels ne manquent pas de souligner en effet qu’AQMI (Al Qaïda du Maghreb islamique) travaille main dans la main avec les cartels colombien et venezuelien pour faciliter l’acheminement par voie aérienne de cargaisons de drogue vers le désert saharien, laquelle drogue repartirait ensuite vers l’Europe. Ils parlent de « Mister Malboro » à propos du terroriste Mokhtar Ben Mokhtar ceci afin de bien souligner son implication dans des trafics de cigarettes. Mais trafics de drogue, cigarettes, et même immigrés clandestins, autant que prises otages sont les diverses facettes d’une économie du crime que contrôlent ces groupes sahariens, dans la droite ligne de la contrebande saharienne la plus ancienne. Rien de neuf sous le soleil saharien.

    En insistant d’ailleurs tellement sur cette dimension mafieuse (laquelle, je le répète, n’est contestée par personne), les médias finissent par nous amener à nous demander ce qui compte le plus pour ces terroristes : l’argent (le trafic) ou le jihad? L’argent mafieux sert-il à financer le jihad ou bien le jihad n’est-il qu’un alibi pour couvrir le trafic? Difficile de répondre mais ce qui est certain est que la confusion entre argent sale et idéologie montre que ces groupes peuvent accueillir en leur sein (et même à leur tête) des infiltrés n’ayant d’autres but que de mettre l’action terroriste en conformité avec l’agenda du service d’État qu’ils servent.

    Ce que je crois, c’est qu’Al Qaïda est un instrument de l’État profond américain qui justifie, depuis la fin de la Guerre froide, une bonne partie de la projection de puissance américaine, et qu’AQMI est le faux-nez maghrébin de cet instrument occulte, mais avec une différence notable avec les autres composantes régionales d’Al Qaïda (Afghanistan, Irak, Yémen…) : l’État profond américain ne contrôle pas directement AQMI. C’est en effet très probablement le DRS algérien, la sécurité militaire algérienne, qui contrôle AQMI.

    Là encore la démonstration serait longue à donner mais elle existe et elle a été donnée depuis longtemps par des auteurs suisses, britanniques ou allemands mais hélas pas français car en France tout le monde craint l’Algérie et ses coups tordus.

    J’en profite pour dire que sur ce sujet je suis ouvert au débat mais certainement pas avec les disciples de Glucksmann ou Lévy qui d’un côté ne cessent d’accuser Moscou de terrorisme occulte et de l’autre traitent de complotistes ceux qui ont compris que le premier de tous les « États profonds » était américain!

    À propos du DRS, je renvoie ici notamment aux travaux du britannique Jeremy Keenan, ou bien à l’étude extrêmement pointue « Al Qaïda au Maghreb ou l’étrange histoire du GSPC algérien » par François Gèze et Sallima Mellah (Septembre 2007). Il ne fait aucun doute que les GIA ont été créés durant la guerre civile algérienne, en tant qu’organisation contre-insurrectionnelle, dans le but premier de discréditer, par des crimes atroces perpétrés contre la population, le combat armé d’un Front Islamique du Salut (pour lequel, je tiens à le préciser, je n’ai aucune sympathie, bien au contraire) qui avait gagné les élections. Il ne fait guère de doutes non plus que ces GIA se sont transformés en GSPC après la guerre civile et sont montés en puissance après le 11 septembre 2001, lorsque l’État profond algérien a compris, non seulement que l’État profond américain était derrière Al-Qaïda, mais que si Alger ne voulait pas subir l’agenda américain dans le Sahara, il fallait devancer celui-ci.

    Le GSPC est né du « magnifique » esprit d’initiative algérien lequel a su offrir aux Américains l’ennemi qu’ils attendaient (jusqu’à prendre en 2007 le nom d’Al Qaïda du Maghreb islamique) pour justifier leur implantation dans le Sahara (implantation au service d’autres intérêts plus classiquement géostratégiques, pétroliers et gaziers, dont nous parlerons après).

    Au fond, les Abdelrrazak El Para et autres Mokhtar Ben Mokhtar, ces personnages qui ont dirigé actions terroristes et prises d’otages occidentaux, sans jamais se faire prendre et en laissant leurs acolytes se faire tuer à leur place, présentent le même profil qu’Oussama Ben Laden mystérieusement porté disparu en mer. Ils ont d’abord travaillé pour l’État profond de l’État qu’ils se sont mis ensuite officiellement à combattre. Ben Laden fut membre de la CIÀ et quasiment tous les chefs des katibas islamistes du GSPC puis d’AQMI sont d’anciens officiers de l’armée algérienne. Bien formés ces officiers, après avoir infiltré (peut-être créé dans certains cas) les cellules combattantes ont pu en prendre aisément le commandement.

    Une réalité indicible dans nos médias, du fait de l’ampleur des intérêts économiques français en Algérie, de la collusion aussi des élites politiques françaises avec le régime algérien (il fallait voir encore récemment le ministre Valls louer l’efficacité des forces spéciales algériennes…)… mais une vérité pourtant depuis longtemps évidente en dehors de France: AQMI/Polisario, DRS algérien le trafic de drogue saharien sont une seule et même organisation du crime dont le but est double : l’enrichissement personnel des généraux algériens bien sûr lesquels supervisent le trafic de drogue réalisé par les chefs terroristes ; mais aussi la survie du régime (laquelle va de paire avec le premier but) en faisant de celui-ci l’incontournable rempart contre le fondamentalisme, un rempart que la vague de révolutions arabes ne saurait attendre, et qu’elle n’atteindra d’autant moins que les Occidentaux (en premier lieu Américains et Français comprendront qu’il n’y a d’autre alternative crédible que le maintien du régime algérien).

    Or ce régime est une calamité pour la jeunesse algérienne, privée d’avenir, au chômage à 40%, volée par son « élite » de ses richesses fabuleuses (rente gazière et pétrolière), et par voie de conséquence une calamité pour la rive nord de la Méditerranée (Europe) qui, inéluctablement, verra fondre sur elle des candidats à l’immigration de plus en plus nombreux. Une politique de courte vue de plus de la part des dirigeants européens!

    Grâce au GSPC et à AQMI, l’État algérien a pu apparaître depuis 2001, aux yeux des États-Unis et de la France (pour le grand public du moins, car dans les structures de pouvoir personne n’est dupe) comme un rempart contre l’islamisme radical dans la région. Et la stratégie a fonctionné, jusqu’aux révolutions arabes qui ont emporté les uns après les autres (Tunisie, Egypte, Yémen) tous les régimes autoritaires « laïcisants » (terme à prendre avec extrême précaution s’agissant de pays musulmans), avant que l’Occident ne s’en prenne ensuite directement à ceux qui ne tombaient pas d’eux-mêmes (Libye, Syrie).

    Donc pour le DRS cela ne faisait pas l’ombre d’un doute, l’Algérie était la suivante sur la liste, à moins d’écarter l’Occident du sillage des islamistes politiques (ceux qui allaient devenir majoritaires dans de nombreux pays à la suite de l’écroulement des régimes forts) et de le ramener à la « grande époque » de la guerre contre le terrorisme international.

    Parmi ces trois groupes islamistes agissant au Mali, si l’on me demandait « qui contrôle qui », je répondrais que le DRS contrôle d’abord AQMI tandis que le Qatar finance et a de l’influence sur les deux autres mouvements (MUJAO et Ansar Dine) avec des buts radicalement différents de l’Algérie comme nous le verrons dans la deuxième partie.

    Un autre élément qui n’est pas souligné est qu’au moins deux de ces groupes (le MUJAO c’est certain, AQMI c’est probable) ont des contacts forts avec le POLISARIO, mouvement séparatiste sahraouï soutenu basé dans les camps de Tindouf (territoire algérien). Il est quasiment avéré en effet que le groupe de terroristes qui s’est emparé du site gazier d’In Amenas en Algérie venait des camps de Tindouf, autrement dit qu’il est bien parti du territoire algérien (et ceci bien que l’Algérie ait pointé du doigt la Libye). Là encore il s’agit d’une réalité sur laquelle je tente d’alerter au moins depuis 2005, à travers les différentes interventions que j’ai faites à la tribune de l’ONU, en tant qu’expert mandaté par la partie marocaine, rôle que j’assume pleinement tant je crois au bien fondé historique de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental – mais une souveraineté « intelligente » dans un cadre d’autonomie élargie.

    Le glissement progressif (comparable à celui du MNLA) du mouvement Polisario non seulement vers la criminalité (trafics en tous genres) mais aussi vers le fondamentalisme religieux devrait être une source de préoccupation pour les pays occidentaux. Nombreux sont les événéments, depuis 2005, dans cette sous-région du Sahara, qui montrent des liens entre certains éléments du Polisario et Aqmi/Mujao. C’est le moment de rappeler d’ailleurs que les problèmes non résolus de séparatismes (Sahara occidental et Touaregs) finissent malheureusement par dégénérer en problèmes d’islamisme radical.

    Seule une solution équilibrée consistant à défendre la souveraineté des États (Mali, Maroc, Niger…) mais en aménageant des autonomies réelles pour les minorités nomades pourra permettre de ramener la stabilité dans la région.

    Pour comprendre les motivations des autres acteurs, il convient aussi de parler des enjeux de ressources (pétrole, gaz, uranium). Autant les États-Unis en effet, que la France, le Qatar ou l’Algérie ont des visées pétrolières et gazières importantes dans le Sahara. Chacun de ces États a intérêt à favoriser la situation géopolitique la plus à même de le placer en position de force dans les discussions relatives au partage des richesses.

    Nous analyserons dans la deuxième partie ces enjeux pétroliers et gaziers et affinerons notre analyse des intérêts français, algériens, qataris, américains, mauritaniens et libyens dans la crise actuelle.

    Fin de la première partie

    par Aymeric Chauprade 

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