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géopolitique - Page 898

  • De la sidération à la récupération : Le cas Bétancourt (2008)

    LE 14 JUILLET, verra-t-on sur la même tribune Ingrid Betancourt, l'otage la plus célèbre de ce début de millénaire, et le président syrien al-Assad, dont le père également président fut largement responsable, outre de l'attentat contre le Drakkar où furent massacrés 53 paras français, de l'enlèvement puis de l'interminable détention de nos otages du Liban dont l'un, Michel Seurat, y perdit la vie ? Ce ne serait que l'une des multiples incohérences, l'un des nombreux paradoxes dont cette affaire - au si heureux dénouement - est tellement riche, ainsi que de mystères.
    Il était entendu, y compris à l'Elysée, que la libération de Mme Betancourt, ex-épouse Delloye remariée au señor Lecompte, élue de gauche au Sénat colombien mais française par mariage (dissous), ne pourrait être acquise que grâce aux bons offices du président vénézuélien et national-bolchevique Hugo Chavez, seul à même de négocier avec les guérilleros des Forces armées révolutionnaires colombiennes (FARC) dont Nicolas Sarkozy avait d'ailleurs salué le 5 décembre dernier le leader historique, « Monsieur Marulanda »... Dans le même temps où lui-même et Kouchner flétrissaient l'intransigeance du président Uribe vis-à-vis des rebelles marxistes - et mafieux. Mais "Ingrid" a été rendue à la liberté par un commando de l'armée nationale colombienne, si contestée par nos "élites" - y compris la famille Betancourt - lors d'une opération longuement pensée et rondement menée, « sans une égratignure ». À la grande joie de l'ancienne prisonnière saluant « Dieu, le président Uribe et nos soldats » d'un même souffle.
    Il était également entendu qu"'lngrid" était in articulo mortis et que toute semaine supplémentaire dans la jungle lui serait fatale. Mais, comme avant elle Florence Aubenas, journaliste à Libération et otage en Irak, la Colombienne est apparue dans une éblouissante forme physique et intellectuelle, restant debout des heures durant et s'exprimant longuement et avec une fluidité parfaite en français, langue qu'elle n'avait pas utilisée depuis six ans. Les examens pratiqués le 5 juillet au Val-de-Grâce ont d'ailleurs prouvé qu'elle se portait comme un charme. La photo diffusée fin novembre par ses geôliers et qui la montrait subclaquante était-elle un montage ou sa délivrance serait-elle survenue à une date antérieure, et dans des conditions bien différentes de la version officielle, de telle sorte que l'otage aurait eu le temps de se requinquer... et d'être débriefée par ses libérateurs ?
    Mais, justement, quelles ont été les conditions de cette libération miraculeuse ? Citant une « source proche des événements », la Radio Suisse Romande affirmait le 4 juillet que des dirigeants des FARC - en pleine crise après la mort de « Monsieur Marulanda » et les offensives colombiennes auraient touché 20 millions de dollars pour l'élargissement de quinze otages, dont trois agents du FBI bizarrement évaporés aussitôt que libérés et Ingrid Betancourt, et que l'opération de l'armée n'aurait été qu'une « mise en scène », Certes fort opportune alors qu'Alvaro Uribe, dont certains parents sont inquiétés par la justice, voudrait procéder à des élections anticipées. Mais d'où serait venu l'argent ? La France, dont « les caisses sont vides », démentait aussitôt avoir versé la moindre rançon. Il est possible que Washington, dont des agents auraient pris part à l'opération (de même que des conseillers israéliens) ait craché au bassinet et, de toute manière, Bogota - qui rejette les accusations helvétiques, émanant d'un "humanitaire" lié aux FARC n'a jamais caché utiliser une cassette pour le "retournement" des guérilleros. Reste l'étrange déclaration de l'ex-otage affirmant le même jour : « Je dois ma vie à ma douce France. Si la France n'avait pas lutté pour moi, je ne serais pas en train de faire ce voyage extraordinaire. » Faisait-elle allusion à la très imprudente proposition de l'Elysée d'accorder l'asile politique aux chefs des FARC dont la Colombie veut se débarrasser au plus vite ?
    Quant au « voyage extraordinaire », c'est celui qui la conduisait à Paris à bord de l'Airbus présidentiel dans lequel avaient été dépêchés la veille à Bogota les jeunes Mélanie et Lorenzo Delloye-Bettencourt et bien sûr le ministre Kouchner, aussi fier et épanoui que s'il avait lui-même bravé les périls de la selva pour délivrer "Ingrid". Un gaspillage de kérosène qui n'a pas semblé gêner celle qui s'était présentée en 2002 à la présidentielle colombienne sous les couleurs du parti Oxygène Vert - et était alors créditée d'un maigre 1 % des voix. Il est vrai que, malgré les épreuves subies, elle « ne regrette pas » davantage la folle imprudence qui l'avait fait s'aventurer alors dans une région contrôlée par les FARC bien que l'armée eût tout mis en œuvre pour l'en dissuader. « Si c'était à refaire, je le referais », confiait-elle le 3 juillet sur France 2.
    CELA suffit-il à faire une "héroïne" de cette aristocrate cosmopolite qui, par son assurance, sa classe et sa détermination, rappelle étrangement une autre « fille de », Indira Gandhi dont elle pourrait connaître désormais le fabuleux destin ? Dès à présent, ses plus frénétiques sectateurs n'hésitent pas en tout cas à la qualifier de « Jeanne d'Arc » et à exiger que lui soit décerné le prochain Nobel de la Paix.
    Pendant six ans, nous avons assisté en direct à une prodigieuse opération de sidération destinée à nous convaincre de la sainteté de cette nouvelle madone des descamisados et de l'obligation de tout faire pour la délivrer. Pas seulement à Paris mais jusqu'au fin fond des provinces, ses portraits encombraient le fronton des mairies, droite et gauche se disputaient la propriété de cette version "française" du Che Guevara, dont les media répercutaient le plus léger soupir, eux qui n'avaient jamais accordé le moindre intérêt aux milliers de nos compatriotes enlevés en Algérie à l'été 1962. Femmes et adolescentes comprises telle Denise Chasteau, 15 ans, à tout jamais disparue - en même temps que son frère Alain (16 ans) et que son père Roger (48 ans), pourtant haut fonctionnaire de la République.
    L'entreprise de sidération se poursuit afin que nul ne pose une question gênante, ne s'interroge sur une zone d'ombre, mais elle se double aujourd'hui d'une non moins spectaculaire entreprise de récupération. Déjà plébiscité par 82 % des Colombiens à la veille de l'opération salvatrice, Alvaro Uribe compte bien capitaliser sur le happy end du 2 juillet (encore qu'il reste encore 800 otages) pour obtenir les moyens d'un troisième mandat présidentiel. Mais il n'est pas seul à faire ce calcul. Qu'on se le dise : même si les grotesques tentatives de libération lancées par Villepin en 2003 puis par le tandem Sarkozy-Kouchner en février dernier ont lamentablement foiré, c'est à la patrie des Droits de l'homme et à elle seule qu'on doit le retour d'"lngrid" dans le monde des vivants. Ayant accusé a bon droit Sarkozy de se parer des plumes du paon colombien, Ségolène Royal s'est ainsi fait sévèrement tancer, y compris par ses "amis" du Parti socialiste. En commençant par Jack Lang et Bertrand Delanoë (qui avait fait de l'otage une citoyenne, d'honneur de la ville de Paris), bien décidés à battre du tambour dans le cirque Betancourt.
    Mais c'est évidemment le chef de l'Etat qui, chahuté dans les tumultes de l'Union européenne alors qu'il en prend la présidence, en butte à l'hostilité à la fois des armées et de l'audiovisuel public cabrés devant son arrogance et son autoritarisme brouillon, et à nouveau en chute libre dans les sondages (33 % seulement d'opinions favorables, soit une perte de 4 points en un mois selon le baromètre TNS-Sofres/Figaro Magazine : on est loin du 90 % atteint par Uribe le 7 juillet), entend tirer le plus gros bénéfice de la présence en France de Mme Betancourt. Nicolas serrant dans ses bras la nouvelle « Jeanne d'Arc », laquelle exprime toute sa gratitude et toute son "admiration" à « cet homme extraordinaire qui a lutté pour moi », telle est l'image qu'un président dévalué veut absolument imposer de lui au sommet du G8 au Japon du 7 au 9 juillet, puis à Paris dimanche prochain au sommet de l'Union pour la Méditerranée (où, comble de la félicité, l'indispensable Bouteflika a finalement consenti à venir). Sidération encore, et récupération.
    Le coup de com' réussira-t-il à faire oublier aux Français leur paupérisation croissante et les incessants tracas dus à ces grèves non moins incessantes mais dont, prétend Sarko, « personne ne s'aperçoit plus » ? Jusqu'à présent, le chef de l'Etat a beaucoup joué de l'« atout femme ». Sans grand succès.
    ✍ Rivarol du 11 juillet 2008
    <galic@rivarol.com>.

  • Angela Merkel impératrice

    Nous avons reçu les vœux du 31 décembre tardivement. Pas ceux du président de la République, qu'en bon patriote, nous avons observés en direct au soir du réveillon de la Saint-Sylvestre, mais ceux d'Angela Merkel.
    Ce fut comme une apparition. La chancelière était impériale. Angela Merkel a réussi un exercice parfait, que nous conseillons à Claude Sérillon, nouveau conseiller en communication de François Hollande, d'étudier. La chronique a retenu les prévisions pessimistes de la chancelière : « La crise est encore loin d'être surmontée. »

    Hommage à Charles De Gaulle et Konrad Adenauer

    Ce n'est pas ce que nous avons vu. Nous avons vu une chancelière régner sur une Allemagne apaisée, à neuf mois des élections générales.

    Elle était rayonnante, vêtue de satin gris, toisant de sa chancellerie le bâtiment du Reichstag, incarnation de la démocratie parlementaire allemande. Le ton posé, avec un très léger sourire.

    D'aucuns reprochent à cette physicienne, fille de pasteur élevée en Allemagne de l'Est, de préférer les sciences dures aux sciences humaines, de manquer de conscience historique, à l'heure où la question européenne est posée.

    Angela Merkel travaille dur pour s'inscrire dans la tradition des pères de la République fédérale. Lors de ses vœux, elle s'est donc projetée cinquante ans en arrière : elle a cité Walter Bruch, l'inventeur allemand du téléviseur couleur Pal, qui ferrailla avec notre système Secam national ; elle s'est souvenue de Kennedy proclamant devant le mur de Berlin « Ich bin ein Berliner » ; elle a rendu hommage à Charles De Gaulle et Konrad Adenauer, qui scellèrent la réconciliation franco-allemande.

    Avant de briguer un troisième mandat, Angela Merkel veut se tailler une stature digne de ses grands prédécesseurs. Lors d'une rencontre en novembre 2012, avant d'aller recueillir le prix Nobel de la paix décerné à l'Union européenne, le « président normal » François Hollande avait fait la moue, expliquant qu'ils allaient recueillir un prix mérité par les héros d'hier, les Schuman, Monnet, Adenauer

    Angela Merkel exige toujours de la sueur et des larmes

    « Mais nous devons nous aussi être des héros », avait rétorqué Angela Merkel, qui géra pourtant très mal la crise de l'euro à ses débuts, refusant d'exclure une faillite des pays membres de l'union monétaire.

    Un bon héros doit souffrir, et Angela Merkel exige toujours de la sueur et des larmes. Dans ses vœux, elle n'a pas cité les efforts des Grecs et autres peuples latins d'Europe éprouvés par la crise de l'euro.

    Mais, avant de souhaiter à ses compatriotes « la bénédiction de Dieu », elle en a appelé au philosophe grec Démocrite (460-370 avant Jésus-Christ) : « Le courage est au début de l'action, le bonheur à la fin. »

    Pourtant, les Allemands, à écouter leur chancelière, sont près du bonheur. Pendant que la France se déchire, hier avec Nicolas Sarkozy, aujourd'hui entre partisans du 75 % et fuyards fiscaux, entre défenseurs du mariage gay et opposants catholiques, la chancelière incarne une nation unie.

    En Allemagne, le succès individuel est collectif

    Ce 31 décembre, Angela Merkel a dit un conte. Elle a expliqué comment un gamin d'Heidelberg avait été convaincu par les camarades de son équipe de football de ne pas décrocher de l'école : en Allemagne, le succès individuel est collectif.

    Et quel succès ! Le chômage est à son plus bas niveau depuis la réunification, il a été divisé par deux sous le mandat d'Angela Merkel et le pays a encore créé 416.000 emplois en 2012. Jamais autant d'Allemands n'ont eu un emploi.

    Le même soir, François Hollande tentait de convaincre ses concitoyens que le chômage, qui a augmenté dix-neuf mois de suite, refluerait enfin à la fin de l'année. Mais le bonheur d'Angela Merkel, cela se mérite.

    Pour le conserver, il faut persévérer dans l'effort. Sans attendre l'épiphanie, qui marque la rentrée politique allemande, le ministre des finances, Wolfgang Schäuble, a annoncé de nouvelles mesures d'économies.

    Rude partenaire pour François Hollande, qui espérait ne pas passer trop de temps en compagnie d'Angela Merkel. Dans la foulée de son élection, le président avait joué la carte du Parti social-démocrate (SPD), recevant en grande pompe à l'Elysée les trois dirigeants du parti, Sigmar Gabriel, Frank-Walter Steinmeier et Peer Steinbrück.

    Tous rêvaient alors de remplacer Angela Merkel. Les deux premiers ont jeté l'éponge : trop à gauche pour Gabriel, pas assez charismatique pour Steinmeier, qui a aussi renoncé pour des raisons privées.

    Plus populaire que jamais, aimée par sept Allemands sur dix

    À l'automne, l'ex-ministre des finances Peer Steinbrück fut désigné par défaut candidat à la chancellerie. Il fait depuis les délices de la presse, multipliant les faux pas : Angela Merkel a « un bonus féminin » dans la campagne électorale et le salaire du chancelier est trop faible, s'est plaint Peer Steinbrück, qui a gagné 1,25 million d'euros en discours et colloques divers depuis novembre 2009.

    La cote de Peer Steinbrück s'est ainsi tassée de dix points depuis qu'il a été intronisé candidat à la chancellerie. Angela Merkel est plus populaire que jamais, aimée par sept Allemands sur dix.

    En ce début d'année électorale, même au SPD, nul ne croit vraiment à la possibilité de déloger Angela Merkel de la chancellerie. Le pari SPD de François Hollande a déplu à Angela Merkel. Fortement. Et est perdant, du moins pour l'instant.

    Il va donc falloir faire semblant de s'aimer avec la chancelière. Les ministères des affaires étrangères français et allemand préparent un superbe bal des hypocrites à Berlin, les 21 et 22 janvier, pour le cinquantenaire du traité de l'Elysée.

    Une envie de franco-allemand

    Les populations auront droit aux flonflons habituels : conseil des ministres franco-allemand, discours d'Angela Merkel et de François Hollande au Reichstag. Le clou des festivités sera un concert à la Philharmonie de Berlin. Et c'est tout.

    L'écho médiatique de l'événement va révéler une envie de franco-allemand, mais les deux dirigeants n'ont prévu aucune initiative politique majeure.

    Au contraire, on ronge son frein des deux côtés du Rhin : les Allemands méprisent ces Français qui décrochent économiquement, les Français crient à la volonté de puissance germanique.

    Les Allemands sont accusés de vouloir tuer Peugeot, de ne pas reconnaître la supériorité française dans les industries spatiales, météorologiques, etc.

    Angela Merkel est impériale, l'Allemagne un brin impérialiste, et la France sur le sentier inquiétant de la germanophobie.

    Arnaud Leparmentier
    lemonde.fr
    09.01.2013

    Correspondance Polémia – 13/01/2013

  • Ils ont livré la France au Qatar

    Sous Sarkozy comme avec Hollande, le richissime émirat dispose des mêmes facilités pour racheter des pans entiers de notre économie. Que signifie l’appétit d’ogre de ce petit pays ? Pourquoi Paris lui ouvre-t-il ses portes ?

    La dépêche, stupéfiante, est tombée le 6 novembre dernier : l’ambassadeur du Qatar, Mohamed Jaham al-Kuwari, annonçait à l’Agence France-Presse que son pays avait l’intention d’investir 10 milliards d’euros dans des sociétés du CAC 40. Répondant au journaliste qui évoquait quelques rares déclarations de personnalités qui, comme Bernard-Henri Lévy, Jean-Luc Mélenchon ou Julien Dray, ont manifesté leur inquiétude sur l’influence du Qatar en France, l’ambassadeur a conclu l’interview par une formule aussi ironique qu’arrogante : «C’est quoi, le problème ?»

    En effet, il n’y a, apparemment, aucun problème. Apprendre que le fonds souverain qatari va presque doubler le montant de ses participations dans le CAC 40 ne pose aucun problème au gouvernement ni à l’opposition. Organiser la Coupe du monde de football dans un pays où ce sport n’intéresse personne et va nécessiter la construction de stades munis de sols réfrigérants pour pouvoir supporter des températures à 45° C (bonjour Kyoto !), ça n’interpelle personne dans le monde du sport – pas même Michel Platini -, ni dans celui de l’écologie, surtout pas Yann Arthus-Bertrand. Coïncidence : son dernier film a été financé par des Qataris…

    Savoir que des Qataris pourraient sélectionner des entrepreneurs de banlieue sur une base communautariste n’inquiète pas grand monde. Installer une annexe de Normale Sup à Doha, ville où l’on est payé 400 dollars ou 12 000 selon la couleur de sa peau, ne dérange personne, et surtout pas Monique Canto-Sperber, présidente du pôle interuniversitaire Paris Sciences et Lettres et Philosophe spécialiste de «l’éthique».

    Qu’enfin la France impose à tous ses partenaires l’admission directe du Qatar au sein de la francophonie, sans passer par la case «observateur», comme l’exigeaient les usages jusqu’alors, cela n’ennuie pas grand monde non plus.

    A Doha, on appelle ça le «français sonnant et trébuchant». Mais, à Paris, le silence est de rigueur. Depuis des années. On peut même dater l’origine de l’amitié franco-qatarie : le premier voyage de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, à Doha, en décembre 2005. Sarkozy s’est lié d’amitié avec le Premier ministre qatari, Hamad ben Jassem al-Thani, «HBJ» pour les intimes, au risque de mélanger les genres.

    Lorsqu’il arrive à l’Elysée, Sarkozy prend l’habitude de recevoir tous les mois «HBJ». Au menu des discussions, les emplettes en France du fonds souverain Qatar Investment Authority (QIA). Selon un patron du CAC 40, «Guéant avait une liste de courses pour les Qataris. On avait l’impression que l’Elysée leur donnait à racheter la France».

     

    C’est durant le quinquennat Sarkozy que le Qatar est entré dans le capital de plusieurs groupes du CAC 40. Le président a même donné de sa personne, en faisant pression sur le président du PSG, Sébastien Bazin, gérant du fonds Colony Capital, pour lui demander de vendre le PSG selon les conditions du Qatar. Bazin proposait aux Qataris 30 % du club de foot parisien pour 30 millions d’euros. Après l’intervention présidentielle, ils en ont récupéré 70 % pour 40 millions (ils en sont désormais propriétaires à 100 %).

    Convention fiscale

    Mais le sport n’est qu’une conséquence d’une orientation stratégique prise à l’Elysée. C’est sous l’ère Sarkozy que le Qatar s’est imposé – sans provoquer un quelconque débat, même au sein du gouvernement Fillon – comme un médiateur de la diplomatie française au Proche et au Moyen-Orient : intervention financière pour libérer les infirmières Bulgares en Libye (juillet 2007), aide au rapprochement entre Nicolas Sarkozy et Bachar al-Assad, puisque, avant d’aider les combattants, le Qatar était un allié solide du régime baasiste.

    Et, bien sûr, plus récemment, le Qatar, seul pays arabe à le faire, a participé – financement de l’armement, formation des combattants libyens et même présence de 5 000 hommes des forces spéciales – à l’intervention militaire occidentale contre Kadhafi.

    La puissance grandissante du Qatar en France semble stimulée par la faiblesse de nos responsables politiques, déboussolés par la crise mondiale et appâtés, parfois, par les largesses supposées de ce petit pays. Ami personnel de la famille de l’émir, Dominique de Villepin, aujourd’hui avocat d’affaires, a pour principal client le Qatar Luxury Group, fonds d’investissement personnel de la cheikha Mozah bint Nasser al-Missned. A droite, parmi les habitués de Doha, on trouve aussi Philippe Douste-Blazy, Rachida Dati ou Hervé Morin.

    Dans les milieux diplomatiques français, cette politique du «tout-Qatar» agaçait certains, qui espéraient que François Hollande, réputé partisan d’un resserrement des liens avec l’Algérie, allait en quelque sorte «rééquilibrer» la politique française dans la région.

    Certes, François Hollande s’est rendu en Algérie le 19 décembre. Mais il avait vu le Premier ministre de l’émirat, Hamad ben Jassem al-Thani, dans un palace parisien dès le début de 2012. Les deux hommes s’étaient d’ailleurs déjà rencontrés une première fois en 2006, François Hollande le recevant en tant que premier secrétaire du PS. Depuis son élection, il l’a revu à deux reprises, et a accueilli l’émir Hamad ben Khalifa al-Thani à l’Elysée, le 22 août 2012. Un traitement privilégié.

    Autre signe de continuité, l’entrée d’investisseurs qataris au capital de France Télécom en juin 2012…

    «Les gouvernements passent, mais les intérêts demeurent. Les accords financiers entre la France et le Qatar n’ont pas été interrompus, remarque le chercheur Nabil Ennasri, Hollande a seulement mis un terme à l’affichage publicitaire façon Sarkozy.»

    Incroyable : la convention fiscale entre les deux pays – une sacrée niche fiscale qui dispense un investisseur qatari de tout impôt sur les plus-values réalisées sur la revente de biens immobiliers en France -, qui avait été tant décriée par le PS (du temps de l’opposition), n’a pas été abrogée…

    Il faut dire que, même sous Sarkozy, les Qataris ont eu la prudence de créer ou de maintenir des liens solides avec la gauche française. L’ambassadeur du Qatar en France, Mohamed Jaham al-Kuwari, a préparé la transition politique de longue date en multipliant les contacts avec plusieurs dirigeants socialistes : Ségolène Royal, Laurent Fabius, Elisabeth Guigou, Jack Lang, Bertrand Delanoë, Martine Aubry, mais aussi Pierre Moscovici, Arnaud Montebourg, qui a séjourné à Doha en pleine campagne de la primaire socialiste, ou encore Manuel Valls, seul émissaire du candidat à avoir rencontré l’émir en décembre 2011.

    Sous nos latitudes tempérées, le Qatar est un sujet de consensus. Jusque dans les médias, où il est devenu le pays des Bisounours. Comme dans l’émission «Un œil sur la planète», diffusée sur France 2 l’automne dernier, le présentant comme un nouvel eldorado, terre d’accueil de tous les ambitieux et les entrepreneurs.

    Ou encore dans une interview de l’ambassadeur de France au Qatar publiée dans la revue Géoéconomie (1). Le diplomate s’enthousiasme d’abord sur les perspectives de coopération entre les deux pays, faisant miroiter aux groupes français la perspective des 120 milliards mobilisés en vue de la Coupe du monde de football en 2022. Autant de beaux contrats pour Bouygues, Vinci, Carrefour et quelques autres.

    Mais l’ambassadeur y ajoute le supplément d’âme indispensable aux esprits délicats que nous sommes supposés demeurer : le printemps arabe aurait ainsi révélé – comme l’a reconnu lui-même François Hollande – d’importantes convergences entre les deux pays. L’honneur est sauf.

    Feuilletons le dossier de presse «Qatar en France». Il s’y dessine peu à peu un véritable storytelling qatari, que l’on pourrait résumer comme suit : le Qatar est un «nanopays» richissime – 78 260 dollars de revenu par Qatari en 2009, ça fait rêver – mais coincé entre deux géants, l’Iran, avec lequel il doit partager le gisement de gaz North Dome, l’un des plus grands du monde, et l’Arabie saoudite, 14 fois plus peuplée et disposant d’avoirs neuf fois supérieurs.

    Cette fragilité obligerait les Qataris à se montrer à la fois plus intelligents et plus diplomates que leurs voisins. Ils chercheraient ainsi une «assurance vie» - l’expression revient chez tous nos interlocuteurs – et seraient prêts à signer des chèques XXL à ceux qui sont susceptibles de lui garantir une protection. La France, avec son siège au Conseil de sécurité de l’ONU, constitue son meilleur allié.

    Autre argument en faveur des Qataris, leurs investissements sont jugés «très professionnels». Leur charte, «Vision nationale pour le Qatar 2030», adoptée en 2008, prévoit que les revenus des placements des fonds souverains qataris se substitueront à ceux du gaz.

    Il faudrait donc se réjouir, s’enthousiasme Patrick Arnoux, du Nouvel Economiste, de leur intérêt pour nos grands groupes : «L’entreprise Qatar, dirigée d’une main ferme par le cheikh Hamad ben Khalifa al-Thani, investit certes par milliards sur des actifs qui ont trois points communs : ils sont unitairement importants, prometteurs pour l’avenir et à forte rentabilité.» Et de vanter les financiers qataris, «issus des meilleures banques américaines comme Lehman Brothers» (curieux, cet éloge d’une banque qui a fait faillite en 2008, déclenchant la crise dans laquelle nous pataugeons encore !).

    Et puis, nous assurent tous ces amis français des Qataris, ces derniers ne sont ni gourmands ni exhibitionnistes ; excepté chez Lagardère, ils n’exigent pas de siéger dans les conseils d’administration des sociétés dont ils deviennent actionnaires.

    Une alternative aux Saoudiens

    Riches en capitaux disponibles, respectueux de l’indépendance de leurs partenaires, les Qataris sont aussi, nous dit-on, modernes. Leur nouvelle constitution donne aux 200 000 Qataris le droit d’élire des représentants locaux qui pourront même être des femmes (au sein d’une chambre cependant strictement consultative).

    La chaîne Al-Jazira, qu’ils ont créée en 1996, présentée comme une sorte de CNN arabe, aurait révolutionné l’information au Proche-Orient. La femme de l’émir, la cheikha Mozah bint Nasser al-Missned, a contribué à une véritable cité du savoir à la périphérie de Doha, ouverte aux musées et aux universités occidentales.

    Enfin, le sentiment de fragilité des Qataris les pousserait à devenir une tête de pont entre le monde arabo-musulman et l’Occident. Songez que la plus grosse base militaire américaine, autrefois à Bahreïn, a déménagé à Doha et que les Qataris maintiennent des liens avec Israël. Ils constituent ainsi une alternative plus présentable que les Saoudiens, qui soutiennent les salafistes dans la région. Et si le Qatar représentait cet islam modéré dont tant d’Occidentaux espèrent l’avènement depuis des années ?

    Bien sûr, comme tout storytelling, celui portant sur le Qatar reflète une partie de la réalité. L’émir, qui a chassé son père du pouvoir en 1995, s’est révélé un fin stratège. «Le Qatar est le premier à avoir acheté des méthaniers, analyse l’économiste Hakim el-Karoui, et à garder ainsi la maîtrise du transport du gaz.» Résultat : le pays frôle les 20 % de croissance en 2012, après 16 % en 2010 et 12 % en 2009.

    Ensuite, il semble bien que la stratégie qatarie soit la plus subtile des pays du Golfe. «Les Qataris ne sont pas que des payeurs, observe l’ancien ministre des Affaires étrangères Hubert Védrine, ils sont astucieux et mènent une stratégie d’équilibre, entre Al-Jazira d’un côté, le phare du printemps arabe, la base américaine sur leur territoire et leurs relations assez bonnes avec Israël.»

    Enfin, il est patent que les Qataris ne mélangent pas forcément leur politique diplomatique, pas facile à décrypter, et leurs investissements pour lesquels ils recherchent, c’est un banquier qatari qui parle, un «absolute return», autrement dit une garantie de retour sur investissement.

    Mais ces indéniables atouts – prospérité économique, stratégie au long cours, subtilité diplomatique – ne doivent pas occulter la face moins reluisante du petit Etat. La condamnation à perpétuité, le 28 novembre, du poète Mohammed al-Ajami, coupable… d’un court texte critique sur l’émir, jette une lumière blafarde sur la modernité qatarie.

    Et il y a surtout la relation très particulière que le Qatar entretient avec l’islamisme politique. L’émirat a été, depuis quinze ans, le refuge de bien des activistes radicaux, tel Abassi Madani, l’ex-patron du FIS algérien. Le Hamas a déménagé ses bureaux de Damas à Doha, et la récente visite de l’émir à Gaza n’est pas passée inaperçue.

    La chaîne de télé Al-Jazira s’est fait connaître en devenant le diffuseur exclusif des communiqués d’Al-Qaida, et certains ne manquent pas de souligner que Doha a été exempt de tout attentat terroriste. Exilé au Qatar depuis quarante ans, le plus célèbre prédicateur islamiste, Youssef al-Qardaoui, officie chaque semaine sur Al-Jazira.

    L’homme a déclaré que «les opérations martyres sont l’arme que Dieu a donnée aux pauvres pour combattre les forts», et que, «tout au long de l’histoire, Allah a imposé aux juifs des personnes qui les puniraient de leur corruption. Le dernier châtiment a été administré par Hitler. [...] C’était un châtiment divin. Si Allah le veut, la prochaine fois, ce sera par la main des musulmans».

    Cet activisme n’étonne pas Alain Chouet, ancien chef du service de renseignements de sécurité de la DGSE (services secrets français) : «Comme la famille régnante veut ravir à la famille Al-Saoud d’Arabie saoudite son rôle moteur dans le contrôle de l’islam sunnite à l’échelle mondiale, elle héberge volontiers les imams et prêcheurs de tout poil, à condition qu’ils soient plus extrémistes que les oulémas saoudiens, de façon à leur rendre des points. Et le Qatar finance partout et généreusement tous les acteurs politico-militaires salafistes, dont la branche la plus enragée des Frères musulmans, hostiles à la famille Al-Saoud et bien sûr au chiisme, mais aussi aux régimes “laïcs” et nationalistes arabes susceptibles de porter ombrage aux pétromonarchies.»

    Enfin, le Canard enchaîné affirme que les services français ont repéré une présence qatarie dans le nord du Mali, où sévissent des groupes jihadistes. «On pense, explique Roland Marchal, chercheur au Centre d’études et de recherches internationales (Ceri), qu’un certain nombre d’éléments des forces spéciales qataries sont aujourd’hui dans le nord du Mali pour assurer l’entraînement des recrues qui occupent le terrain, surtout d’Ansar Dine.» Ansar Dine, un groupe jihadiste non lié à Al-Qaida.

    Bref, la famille régnante au Qatar n’a sans doute pas de doctrine bien établie, mais son jeu diplomatique, fondé sur une double exigence – concurrencer les Saoudiens dans le monde musulman et diaboliser l’Iran – peut l’amener à des positions fort lointaines de «l’islam des Lumières».

    Y compris en France. «Si quelqu’un, affirme un bon connaisseur du dossier, avait la curiosité de se poster en face de l’ambassade du Qatar, il pourrait y prendre en photo d’éminents animateurs de la mouvance islamiste radicale.»

    Premier instrument de l’influence du Qatar dans le monde arabe, la chaîne Al-Jazira s’est révélée être «le DRH du printemps arabe», selon l’expression de Naoufel Brahimi el-Mili, professeur de science politique et auteur du livre le Printemps arabe, une manipulation ?

    Ce dernier a passé des mois à décrypter les émissions de la chaîne qui fut la première à mettre en scène le martyre du vendeur de légumes tunisien Mohamed Bouazizi, dont le suicide, le 4 janvier 2011, a embrasé la Tunisie, avant que la révolte ne se propage en Libye ou en Egypte. A chaque fois, Al-Jazira accompagne et «feuilletone» les mouvements et les combats.

    Il apparaît que, partout, les Qataris soutiennent les Frères musulmans, qui constituent la principale force politique du printemps arabe. Et qu’Al-Jazira est leur bras armé. Brahimi note ainsi que le nouveau ministre des Affaires étrangères libyen, Mohamed Abdelaziz, était un journaliste de la chaîne, de même que Safwat Hijazi, devenu une sorte de «conseiller spécial» du gouvernement égyptien. Pour Brahimi, le projet du Qatar est limpide : «Imposer la révolution “démocratique” par le bas, puisque les révolutions par le haut, façon néoconservateur bushiste, ont échoué.»

    Autre sujet d’inquiétude, l’activisme sportif des Qataris – Grand Prix de l’Arc de triomphe, achat du PSG, Mondial de handball (2015) et Coupe du monde de football (2022) – ne relève pas forcément d’un amour désintéressé du sport mais bien d’une stratégie délibérée de soft power.

    C’est d’ailleurs Nicolas Sarkozy lui-même, cumulant le rôle de superconsultant des Qataris avec celui de président de la République, qui aurait conseillé à l’émir de «passer par le sport» pour implanter Al-Jazira en France. D’où la création de la chaîne BeIN Sport, au risque de déstabiliser le système audiovisuel français, et notamment le financement du cinéma.

    Enfin, et ce n’est pas le moins inquiétant, les Qataris manifestent un intérêt particulier pour les secteurs industriels sensibles et stratégiques. Cette inclination est d’abord apparue dans le dossier EADS. A la fin des années 90, l’émir sympathise avec Jean-Luc Lagardère, avec lequel il partage une passion des chevaux.

    Les deux couples sympathisent, Bethy Lagardère initiant la cheikha Mozah aux joies de la vie parisienne, tandis que les équipes Lagardère apportent à l’émir leurs conseils avisés dans l’audiovisuel lors de la création d’Al-Jazira. Avant même la mort de Jean-Luc Lagardère, en 2003, l’émir avait émis le vœu d’entrer au capital d’EADS.

    Mais Jean-Paul Gut, alors haut dirigeant d’Airbus, avait habilement orienté les Qataris vers une prise de participation dans le groupe Lagardère lui-même, ce qui était moins intéressant pour le Qatar mais répondait à l’inquiétude de l’héritier, Arnaud Lagardère, qui souhaitait s’assurer des alliés solides dans sa société holding. Mais, quand le groupe allemand Daimler a voulu vendre ses parts dans EADS, le Qatar s’est porté acquéreur, ce qui entraîna une vive réaction d’Angela Merkel aboutissant à un engagement de l’Etat allemand à la place de Daimler.

    Si les Qataris se sont senti l’audace d’avancer sur des dossiers aussi sensibles, c’est que les liens entre la France et le Qatar sont anciens : 80 % de l’équipement militaire qatari est français et, pour l’anecdote, les 15 ha que la Direction générale de l’armement loue à Bagneux (Hauts-de-Seine) appartiennent à une banque qatarie…

    Poker menteur

    Autre indice de l’intérêt des Qataris pour les secteurs stratégiques, l’affaire Altis, une société de semi-conducteurs en difficulté que les Qataris voulaient acheter en 2009 pour créer une industrie similaire au Qatar. Mais Augustin de Romanet, alors patron de la Caisse des dépôts, a jugé le projet suspect, et le Fonds stratégique industriel s’est finalement substitué à l’émirat.

    Encore plus inquiétant, le jeu de poker menteur autour d’Areva : il s’en est fallu de peu que l’émirat mette la main sur les mines d’uranium du groupe nucléaire ! A la manœuvre, l’ancien secrétaire général de l’Elysée Claude Guéant, l’intermédiaire de choc Alexandre Djouhri, Henri Proglio, le PDG d’EDF, et François Roussely, du Crédit suisse – une des banques conseil en France des Qataris avec la banque Rothschild.

    L’alternance est, apparemment, un concept qui ne s’applique pas à cet aréopage. C’est d’ailleurs peut-être ce qui a conduit l’ambassadeur du Qatar à annoncer de nouveaux investissements dans les groupes français.

    A ce rythme-là, la France va finir par avoir plus besoin du Qatar que l’inverse.

    IMMOBILIER : 4 MILLIARDS NET D’IMPÔTS

    Les avoirs immobiliers en France des Qataris se partagent entre différents membres de la famille régnante. Ils comprennent des immeubles de luxe et de nombreux hôtels. Au total, l’immobilier détenu par l’émirat dans notre pays atteindrait ainsi 4 milliards d’euros. Début 2008, les Qataris ont obtenu le vote au Parlement français d’un statut fiscal qui les exonère d’impôt sur leurs plus-values immobilières en France. Et ils en profitent : ces dernières années, ils ont racheté des hôtels de luxe comme le Martinez et le Carlton, à Cannes, le Royal Monceau, le Concorde Lafayette, l’hôtel du Louvre, à Paris, le Palais de la Méditerranée, à Nice. Mais ils ont également fait main basse sur le somptueux hôtel Lambert sur l’île Saint-Louis, à Paris, le splendide hôtel d’Evreux de la place Vendôme, à Paris, l’immeuble Virgin des Champs-Elysées, le siège de Vivendi, avenue de Friedland, à deux pas des Champs-Elysées, le siège d’Areva près de l’Opéra, et la tour Pacific à la Défense, ainsi que sur le centre de conférences Kléber, lieu chargé d’histoire – le haut commandement militaire allemand s’y était installé sous l’Occupation et c’est là qu’ont été signés les accords de Paris mettant fin à la guerre du Vietnam. Le destin du centre Kléber est de devenir un palace pour milliardaires…

    Au total, les avoirs qataris en France – immobilier et CAC 40 – dépasseraient donc les 10 milliards d’euros selon nos calculs. Une somme qui rejoint les statistiques de la Banque des règlements internationaux (9,79 milliards), ce qui représente trois fois moins que les investissements du Qatar en Grande-Bretagne, mais deux fois plus que ceux de l’Allemagne.

    (1) «Qatar, l’offensive stratégique», no 62, été 2012.

    Marianne.net  http://fortune.fdesouche.com

  • Définir la subsidiarité

    Université d'été de la F.A.C.E. (Lourmarin, Provence)
    Samedi 29 juillet 1995 (matinée)
     
    Définir la subsidiarité
     (intervention de Robert Steuckers)
    Lors de notre visite au Professeur Gianfranco Miglio, fin avril 1995, celui-ci nous a confié qu'il considérait le terme “subsidiarité” comme un mot ambigu, qui désignait une délégation de pouvoir pouvant conduire à une confiscation des pouvoirs par l'instance centrale (en l'occurence appelée “fédérale”). Pour Gianfran­co Miglio, mieux vaut parler de fédéralisme, lequel, selon Châteaubriand, est la forme étatique des peu­ples germaniques.
    On reparle beaucoup de subsidiarité dans le processus d'unification européenne. Lors de la rédaction du Traité de Maastricht, les juristes allemands ont insisté pour que soit inscrit en toutes lettres le terme de “subsidiarité”. Mais dans le texte de ce traité, le terme est ambigu sur cinq points au moins, nous signa­lent bon nombre d'observateurs :
    1. a) Il peut être interprété comme une arme contre les tendances trop accentuées vers le centralisme (reproche adressé surtout à la Commission) ou b) comme un instrument pour retourner à l'Etat-Nation conventionnel (Thatcher).
    2. Signifie-t-il une (re)distribution ou une répartition des compétences en exercice ?
    3. S'agit-il d'un transfert de compétences strictement réglementé ou d'une auto-limitation volontaire de la part des pouvoirs publics nationaux ? Ou encore d'un principe vague qui veut avertir le citoyen des risques d'empiètement émanant des instances centrales ?
    4. Comment mesurer la qualité ou l'intensité du transfert des compétences ?
    5. Où se trouve aujourd'hui le principe de subsidiarité dans le discours politique, dans les textes constitu­tionnels, dans la pratique quotidienne du droit ?
     
    Origine du terme “subsidiarité”
    Le terme “subsidiarité”, expliquent les historiens du droit, fait partie d'une “triade catholique” (personnalité, solidarité, subsidiarité). Mais les théoriciens majeurs de la subsidiarité, les pères fonda­teurs du concept, sont protestants :
    1. Johann Althusius (longtemps oublié dans les manuels d'histoire des idées politiques et juridiques).
    2. Otto von Gierke (un sociologue et juriste allemand du XIXième siècle qui redécouvrira Althusius en 1880, juste avant le sociologue Tönnies, théoricien de la “communauté”).
     
    Johann Althusius (1557-1638)
    Ce fondateur de la science politique organique allemande écrit et est lu au début du XVIIième siècle. Ses doctrines constituent l'antithèse de la dominante idéologique de l'époque, soit l'absolutisme théorisé par Bodin. La notion cardinale dans l'œuvre d'Althusius est celle de Gemeinwille (“volonté commune”), ancrée dans le peuple, perçu et défini comme “organisierter Volkskörper” (corporéité populaire organisée).
     
    Otto von Gierke
    Ce sera Otto von Gierke qui redécouvrira Althusius dans les années 1880. Qui est Otto von Gierke? Un théoricien allemand du “Droit des Genossenschaften” (compagnonnages). Pour Althusius au XVIIième et Otto von Gierke au XIXième, la politique est Konsoziation et Konkordanz (concorde, ou “sympathie”, unisson des cœurs). Le fédéralisme et la subsidiarité d'Althusius et d'Otto von Gierke sont un ancrage profond dans le tissu social concret. Cet ancrage permet d'échapper à l'hyper-simplification de l'absolutisme, propre des monarchies déclinantes, et du centralisme (de Philippe II à Richelieu et de Louis XIV à la Révolution). L'accent mis sur les “compagnonnages” et la “communauté” implique un refus de la stricte séparation de la politique et du marché, césure imposée par le libéralisme. Le fédéralisme actuel (USA, Australie, Canada et même la RFA) n'est qu'une variante du centralisme: il s'agit d'un compromis qui s'oriente toujours vers une consolidation du niveau central. Aux Etats-Unis, les “états” reçoivent la permission du niveau fédéral d'exercer des compétences (des phénomènes analogues s'observent en RFA voire en Suisse). L'objectif de toute centralisation est: que tous doivent finir par vivre selon le même modèle économique; que les communautés villageoises, claniques ou familiales doivent s'adapter à des règles édictées d'“en-haut”; que les entreprises doivent se conformer à des modèles venus également du “sommet”. Le haut ne délègue au bas que ce qui n'est pas jugé important. La compétence n'est jamais qu'octroyée.
     
    Le Traité de Maastricht et le cas français
    Althusius se place résolument en porte-à-faux, vis-à-vis de cette mentalité absolutiste et centraliste. Dans son esprit, la subsidiarité sert à façonner le concorde, à souder les communautés, à consolider le tissu social. Elle doit dès lors atteindre trois objectifs, si on la (re)place dans le contexte actuel de l'Union Européenne :
    1. Susciter chez tous la promptitude à l'aide mutuelle, dans les limites imposées par les budgets respec­tifs des communautés locales ou professionnelles. Donc la subsidiarité ne saurait être un prétexte à l'isolationnisme comme l'imaginait Madame Thatcher.
    2. Comme il y a ancrage de toute souveraineté dans le Volkskörper (la “corporéité folcique”), les Etats de l'Union Européenne (c'est-à-dire les Etats qui ont la qualité de membre) ne peuvent agir - ou leur action n'est valide dans l'esprit d'un droit qui serait entièrement déterminé par la subsidiarité - que s'ils repré­sentent réellement les multiples éléments de ce Volkskörper. Il faut donc qu'il y ait représentation des provinces, communes et associations diverses (les Verbände). Les représentants des divers États ne pourraient exercer leurs fonctions que s'ils ont l'aval des éléments divers du Volkskörper (“corporéité fol­cique”).
    3. Il faut prévoir la représentation de toutes les communautés au sein même des Etats. Aujourd'hui, la RFA, la Belgique et l'Espagne sont en règle, du moins sur le plan de l'organisation et de la représentation de leurs minorités. Celles-ci y sont protégées et représentées au sein d'assemblées qui leur sont propres. Les langues minoritaires sont pleinement reconnues comme langues nationales ou comme langues admi­nistratives locales. Ce n'est pas tout-à-fait le cas en Italie où l'allemand, le slovène, l'albanais et le grec ne sont pas reconnus ni leurs locuteurs représentés dans des assemblées autonomes et homogènes. Ce n'est certainement pas le cas de la France  - qui est le cas le plus scandaleux et le plus inadmissible pour les ressortissants des communautés flamande ou germanophone de Belgique - où l'allemand, le néer­landais, le basque, le corse ou le breton n'ont pas droit de cité et où la communauté germanophone d'Alsace et de Lorraine thioise ainsi que la communauté neérlandaise du Westhoek ne disposent pas d'un parlement autonome à l'instar des communautés germanophone de Belgique ou danoise et sorabe d'Allemagne.
    À Bruxelles et à Berlin, bon nombre de juristes et de constitutionnalistes estiment dès lors que la France n'est pas un Etat de droit démocratique, puisqu'elle n'accorde pas la réciprocité à ses ressortissants de souche flamande ou allemande et, par le truchement de ses préfets (non élus!!!!), fait interdire des initiatives culturelles flamandes en Flandre, telles des radios libres ou des messes chantées en dialecte (et expulse manu militari les prêtres de nationalité belge qui ont chanté dans un idiome qui avait l'heur de ne pas plaire au préfet!). En théorie, au fur et à mesure que l'Union Européenne prendra corps, et à condition que les juristes et les ministères belges sortent de leur torpeur et se décident à faire vivre réellement les principes d'autonomie à tous niveaux qui ont toujours été revendiqués par nos populations et leurs élites, les tribunaux belges et alle­mands pourraient parfaitement s'octroyer un jour le droit de juger tout fonctionnaire français qui écornerait les droits naturels et inaliénables des germanophones ou des néerlandophones vivant sur le territoire français, dans des pays qui sont histori­quement leurs. Le non respect du Traité de Maastricht et des accords de Schengen laisse augurer le pire pour ces minorités: il est temps que soit organisée en Europe, à l'échelle européenne, leur défense contre toutes les formes d'arbitraire qu'ils subis­sent et qui sont contraires aux conventions des droits de l'homme signées par tous les Etats européens. Et tant pis pour les Etats parjures !
     
    Monistes, dualistes, pluralistes
    Mais revenons à l'histoire du principe de subsidiarité. Althusius a mis en forme le débat intitutionnel qui a suivi la Nuit de la Saint-Barthélémy (1572). Celui prend forme, chez les adversaires de la subsidiarité et de la subsistance des “corps intermédiaires”, dans un ouvrage capital de Jean Bodin, publié en 1576 et inti­tulé Six livres de la République. Le titre de cet ouvrage est déjà très révélateur en soi: le terme “république” est utilisé au singulier, alors qu'au départ, en langue latine, on parlait toujours des res publi­cae au pluriel, des choses publiques, soulignant par là même qu'elles étaient diverses et assez souvent contradictoires. Bodin voulait concentrer la souveraineté dans les seules mains du monarque, comme la République, après avoir fait décapiter le roi, a voulu tout centraliser à outrance. Il y a donc une parfaite continuité entre l'Ancien Régime et la République en France.
    Pour Jean Bodin, la crise des guerres de religions réclame une solution moniste, c'est-à-dire une concen­tration du pouvoir dans une instance centrale, en l'occurrence le monarque. Dans la pratique, ce “mo­nis­me” implique la suppression de tous les “pouvoirs intermédiaires”, ce qui transforme les Etats en simples relais administratifs. Et quand Bodin parle de “tolérance”, alors qu'il rédige des manuels d'inquisition (!!), il envisage simplement de séparer la religion des affaires de l'Etat.
    Face au “monisme” de Bodin, nous trouvons les partisans de la “solution dualiste” ou “monarchomaques”, qui considèrent que le monarque ET le peuple sont également responsables du bon fonctionnement de l'appareil étatique et des bonnes mœurs. Devant Dieu, le peuple, dépositaire de ses droits ancestraux, les délègue au monarque, tout en conservant un droit de résistance face aux abus éventuels du roi. Le monarque, lui, doit simplement promettre de ne pas abuser. Dans cette perspective dualiste, seul le mo­narque dispose d'un droit originel. Le peuple, lui, n'a qu'un droit de résistance, tout théorique puisqu'il ne dispose pas de forces armées autonomes.
    Face aux monistes et aux dualistes, nous avons la solution pluraliste et fédéraliste, proposée par Alt­hu­sius. Celui-ci élabore son système dans le contexte d'un Reich allemand affaibli, mais qui a toujours été régi par des logiques du pluriel (pluralité institutionnelle, pluralité ethnique, pluralité linguistique, etc.). Althusius perçoit différemment la dualité peuple/monarque. Pour Althusius, le peuple peut reprendre ses droits et le monarque y renoncer. Entre les différentes composantes du peuple s'instaure une multitude de pactes sociaux, permettant un contrôle effectif. Le pacte social, pour Althusius, est un contrat de gouvernement, comme chez Hobbes, mais, chez ce dernier, le contrat n'implique nullement une commu­nication sociale. Hobbes introduit la domination (la coercition) pour échapper à la guerre civile. Le peuple, chez lui, délègue ses droits naturels une fois pour toutes. Hobbes n'envisage pas à proprement parler une rupture définitive du dialogue entre le monarque et le peuple, mais, dans ses réflexions, il met l'accent sur l'autorité absolue qui forme un barrage nécessaire à l'anarchie de la guerre civile ou du dissensus perma­nent, provoquant l'impossibilité de gouverner.
     
    Une optique symbiotique
    Althusius se place dans une optique “symbiotique”. Il évoque un “partenariat horizontal” entre les commu­nautés et les corps (risque: permanence des conflits d'intérêt; incapacité à discerner l'essentiel). Le mo­narque n'exerce que des pouvoirs qui lui ont été explicitement reconnus. La stabilité consiste donc à déléguer le moins de pouvoirs possibles au monarque. Aucune force locale ne peut être étouffée: elles doivent toutes rester disponibles pour construire la “socialité”. Chez Althusius, il n'y a pas juxtaposition du pouvoir et du peuple. Le pouvoir ne sert qu'à promouvoir les énergies du peuple. Le principe, c'est que le peuple, leg de l'histoire et de la culture, a toujours la priorité dans ses variances et ses évolutions, par rapport à la machine étatique et à l'administration. L’État n'est, ne peut être, qu'un instrument au service du peuple.
    Dans la pensée d'Althusius, les communautés sont de trois ordres :
    1. Elles sont publiques et territorialisées, comme les provinces et les villes.
    2. Elles sont privées, nécessaires, volontaires, comme les états (les Stände) ou les guildes (les corpora­tions, les associations professionnelles).
    3. Elles sont privées et naturelles, comme les familles.
    En tenant compte des ressorts qui animent toutes ces formes de communauté, Althusius procède à un élargissement maximal du politique, où il n'y a plus de séparation entre l'individu et l'Etat, ni de séparation entre le public et le privé. Si la politique est exclusivement déterminée d'en haut, comme dans le système de Bodin qui élimine les “corps intermédiaires”, nous n'avons plus, dans la société, que des individus complètement atomisés et des instances collectives, figées et coercitives. En revanche, si la politique est déterminée par le bas, c'est-à-dire par la pluralité que constitue la “corporéité folcique”, comme dans le système symbiotique suggéré par Althusius, il n'y a pas d'individus non imbriqués dans une structure de participation. Il y a dès lors “communautarisation permanente”, interaction constante entre groupes.
    En conclusion, les solutions monistes et dualistes sont rigides. Elles refusent de tenir compte des varia­tions incessantes à l'œuvre dans la société ou la “corporéité folcique”. Il arrive toujours un moment où elles entrent en “déphasage”. Dans la solution pluraliste, les communautés du Volkskörper  sont en inte­raction constante. Voilà pourquoi elle est un modèle aujourd'hui, comme le laisse sous-entendre Edouard Goldsmith, dans sa vision à la fois contestatrice, écologique et conservatrice, ou Joël de Rosnay dans son ouvrage L'homme symbiotique (Seuil, 1995). Si les systèmes monistes avancent l'aequalitas, où tous sont sommés de devenir identiques, pareils, sans déterminations originales ou circonstances différen­ciantes, les systèmes pluralistes avancent l'aequabilitas, où tous ont droit à un traitement égal, à de l'aide, à de la sollicitude de la part de la communauté, pour ce qu'ils sont, dans toutes les différences qu'ils incarnent, recèlent, réellement ou virtuellement.
    La subsidiarité est donc un projet social qui permet de sortir :
    - de la logique totalitaire (Bodin/Hobbes);
    - de la logique des contrats hypersimplifiés;
    - de la logique individualiste.
    Mais dans le Traité de Maastricht, rien de bien précis n'est dit quant au passage à un droit subsidiaire. Les textes du Traité ne sont pas clairs quant au rôle des régions et du Conseil Consultatif des Régions. Rien n'est dit quant à la responsabilité des Etats et nous assistons à un accroissement constant des compé­tences de la Commission. Dans ce contexte, le lobbying s'exerce en faveur des grands consortiums et non pas en faveur des petites communautés.
    D'où, au-delà des siècles, Althusius nous lègue une pensée instrumentalisable, dont la fonction est à la fois critique et constructive. Mais le contexte actuel est peu favorable à ce corpus doctrinal pluraliste. La tradition communautaire a été refoulée en Occident au profit de l'individualisme libéral, considéré comme le “seul scientifique”. Mais les problèmes s'accumulent, notamment au niveau écologique. Locke et Rousseau ont épuisé leurs potentialités. Mais non pas Althusius, von Gierke, Tönnies et Perroux. Le vé­hicule pour repropulser cet idéal communautaire dans le débat intellectuel et politique aurait pu être les partis verts. Hélas, ils se sont laissés complètement oblitérés par des gauches finalement fidèles aux lo­giques coercitives de Bodin et des Jacobins, sous prétexte que ces logiques étaient révolutionnaires et donc “progressistes”. Les écologistes indépendants en Allemagne, autour de Strelow, les biorégiona­listes américains, autour de Kirpatrick Sale, ont perçu cette dérive des Verts belges et français, qui res­tent prisonniers d'une vieille alternative, désormais dépourvue de toute pertinence: Locke (qu'ils rejet­tent) ou Rousseau (dont ils épousent sans nuance toutes les contradictions).
    Nous sommes effectivement dans l'impasse. Raison pour laquelle notre organisation réagit et compte agir par le biais d'associations représentant le tissu social réel, le tissu social de base.
    Robert STEUCKERS http://robertsteuckers.blogspot.com/
    Sources :
    - Helmut LECHELER, Das Subsidiaritätsprinzip. Strukturprinzip einer europäischen Union, Duncker & Humblot, Berlin, 1993.
    - Alois RIKLIN, Gerard BATLINER (Hrsg.), Subsidiarität. Ein interdisziplinäres Symposium, Nomos Verlagsgesellschaft, Baden-Baden, 1994.
    - Matthias SCHULZ, Regionalismus und die Gestaltung Europas, Kraemer, Hamburg, 1993.

  • L’intervention militaire française au Mali vise-t-elle à assurer les intérêts d’Areva ?

    Les soldats français vont-ils risquer leur vie au Mali pour « la France » ? Pour empêcher « l’islamisation » de la région ? Pour défendre la « conditions des femmes et de la liberté d’expression », comme l’indiquait Bernard Kouchner sur BFMTV ce samedi, ou pour qu’Areva puisse obtenir les droits d’exploitation d’une mine d’uranium de 5’000 tonnes dans le sud-ouest du pays qu’elle convoite depuis de nombreuses années ?

    L’intervention française, baptisée « Opération Serval », du nom d’un félin africain, a été décidée après que les islamistes d’Ansar Edine ait pris plusieurs positions dans le sud du pays, notamment la région de Komma, et menaçaient de prendre la capitale Bamako, et donc d’avoir un contrôle total du pays.

    Une situation qui posait un problème à la France, non pas pour les raisons « humanitaire » si chères à Bernard Kouchner et autres BHL, mais plus vraisemblablement parce que la société Areva, groupe industriel français spécialisé dans les métiers du nucléaire, en particulier l’extraction de minerai d’uranium, bataille depuis plusieurs années pour obtenir l’exploitation de quelques 5’000 tonnes de minerai qui se trouvent à Faléa, une commune de 21 villages et 17’000 habitants, située dans une région isolée à 350 kilomètres de Bamako.

    L’histoire de l’exploration du sous-sol de la région de Faléa ne date pas d’hier : dans les années 1970, déjà, la Cogema (l’ancien nom d’Areva) et le Bureau de Recherche Géologique Minière en collaboration avec la société d’Etat malienne (SONAREM) avaient effectué travaux de prospection. L’exploitation n’avait pas semblé rentable à l’époque, notamment du fait de l’enclavement de la zone, des problèmes d’accès à l’eau et de l’énergie nécessaire au fonctionnement de la mine. Depuis, le contexte mondial a changé et c’est désormais une véritable « colonisation minière » qui se joue au Mali.

    Depuis 2005, la société canadienne Rockgate a été mandatée par le gouvernement malien afin d’effectuer des forages et recherches à Faléa. Rockgate a produit en 2010 un rapport préliminaire, qui a ensuite été complété par Golder Associates, une société internationale de « conseils dans les domaines connexes de l’énergie » qui indique « que le Mali offre un environnement de classe mondiale pour l’exploitation d’uranium ».

    Depuis 2011, Rockgate a mandaté l’entreprise française Foraco, basée à Marseille et cotée en bourse à Toronto, pour l’aider dans l’expansion des explorations et forages à Faléa.

    La France semble donc bien engagée sur le dossier de l’uranium malien. D’ailleurs, son ambassadeur, Christian Rouyer, déclarait il y a quelques mois « qu’Areva sera le futur exploitant de la mine d’uranium à Faléa. »

    De là à penser que l’intervention militaire française au Mali vise principalement à protéger les intérêts d’Areva, il n’y a qu’un pas.

    Spencer Delane, pour Mecanopolis

  • Le « plan de paix » de l’ONU pour la Syrie est une supercherie

    L’ « ambassadeur de la paix » des Nations Unie (ONU) Lakhdar Brahimi tente de négocier une transition gouvernementale avant les prochaines élections en Syrie. Non seulement les efforts de Brahimi sont vains, ils sont aussi totalement hypocrites. Proposer un « gouvernement transitoire » au beau milieu de ce qui constitue en réalité une invasion étrangère, financée, armée et ouvertement perpétuée par des intérêts étrangers, viole à la fois la souveraineté de la Syrie et la propre charte fondatrice de l’ONU.

    C’est comme si un envoyé de l’ONU visitait la Pologne au début de la Seconde Guerre mondiale et proposait un gouvernement transitoire en pleine invasion nazie. L’ONU serait de toute évidence un facilitateur de l’injustice, non pas un médiateur pour la paix.

    Le Los Angeles Times rapporte ceci dans son article « Lakhdar Brahimi s’efforce de raviver le plan de paix pour la Syrie » :

    « L’ambassadeur de la paix Lakhdar Brahimi a fait une nouvelle avancée jeudi pour amener les représentants syriens et les rebelles à négocier, visant à raviver un plan favorisant un gouvernement transitoire et la tenue d’élections, lequel avait échoué en raison de désaccords sur l’avenir du président Bachar Al-Assad. »

    L’ONU n’a pas du tout réussi à discerner l’opposition légitime en Syrie des bandes de terroristes armés vagabonds commettant des atrocités à grande échelle contre le peuple syrien, nombre d’entre eux non originaires de Syrie, tous armés par les États-Unis, l’OTAN et leurs alliés régionaux incluant Israël, l’Arabie Saoudite et le Qatar dans le cadre d’un plan de longue date pour procéder à un changement de régime à la fois en Syrie et en Iran. La presse occidentale n’appuie pas seulement les tentatives hypocrites de l’ONU, elle s’est acharnée à délégitimer toute opposition en Syrie refusant de prendre les armes ou s’opposant à une intervention étrangère.

    Alors que le Los Angeles Times tente de présenter le plan de l’ONU comme étant raisonnable et le président syrien Bachar Al-Assad et la Russie comme seuls obstacles à la paix, ce plan constitue en fait encore une autre tentative de dépeindre le conflit comme une lutte politique au lieu de l’invasion étrangère qu’il est réellement.

    La Syrie est envahie par des terroristes étrangers

    Les « rebelles » armés que l’ONU refuse de condamner comprennent des combattants étrangers d’Al-Qaïda, incluant des organisations terroristes internationales figurant sur les listes du département d’État des États-Unis, des Nations Unies et du département de l’Intérieur du Royaume-Uni, soit le Groupe islamique combattant libyen (GICL), Al-Nosra, également connu sous le nom d’Al-Qaïda en Irak et des extrémistes des Frères musulmans syriens. Les pays occidentaux ne négocieraient avec aucune de ces factions terroristes, si d’une façon ou d’une autre, leurs armes se détournaient de la Syrie pour viser l’Occident. Pourtant, l’Occident exige non seulement que la Syrie les reconnaisse et qu’elle négocie avec eux, mais aussi qu’on les laisse régner sur tout le pays.

    En novembre 2011, dans l’article « Un dirigeant islamiste libyen a rencontré l’Armée syrienne libre, un groupe d’opposition  » le Telegraph rapportait :

    Abdelhakim Belhadj, dirigeant du Conseil militaire de Tripoli et ancien chef du Groupe islamique combattant libyen a « rencontré des dirigeants de l’Armée syrienne libre à Istanbul et à la frontière turque », a déclaré un représentant militaire travaillant avec Mr. Belhadj. Il a été envoyé par Moustapha Abdel Jalil (le président libyen intérimaire).

    « Les nouveaux dirigeants libyens offrent des armes aux rebelles syriens », un autre article du Telegraph, admettait :

    The Daily Telegraph a appris que les rebelles syriens ont tenu des pourparlers secrets avec les nouvelles autorités libyennes vendredi dans le but d’obtenir des armes et de l’argent pour leur insurrection  contre le régime du président Bachar Al-Assad.

    À la réunion qui s’est tenue à Istanbul et où se trouvaient des représentants turcs, les Syriens ont demandé de l’« aide » aux représentants libyens, se sont fait offrir des armes et peut-être des volontaires.

    « Un plan est mis en œuvre pour envoyer des armes et même des combattants  libyens en Syrie » a affirmé une source libyenne ayant requis l’anonymat. « Une intervention militaire est en cours. Vous verrez dans quelques semaines. »

    Plus tard ce mois-là, on rapportait qu’environ 600 terroristes libyens étaient entrés en Syrie afin de commencer des opérations de combat. Le journaliste de CNN Ivan Watson a accompagné des terroristes au-delà de la frontière turco-syrienne et à Alep. En juillet 2012, CNN révélait qu’effectivement, des combattants étrangers, surtout des Libyens, se trouvaient parmi les militants.

    On a admis que :

    Entre-temps, des résidents du village où les Faucons syriens avaient établi leur quartier général ont dit que des combattants de plusieurs nationalités nord-africaines servaient également dans les rangs de la brigade. Un combattant volontaire libyen a par ailleurs déclaré à CNN qu’il compte voyager de la Turquie vers la Syrie dans les prochains jours afin d’ajouter un « peloton » de combattants libyens au mouvement armé.

    CNN a ajouté:

    Mercredi, l’équipe de CNN a rencontré un combattant libyen qui avait quitté la Turquie et s’était rendu en Syrie avec quatre autres libyens. Le combattant portait une tenue de camouflage et avait un fusil Kalashnikov. Il a dit que d’autres combattants  libyens étaient en route.

    Certains combattants étrangers sont clairement attirés parce qu’ils voient cela comme […] un djihad. C’est donc un aimant pour les djihadistes qui voient cela comme une lutte pour les musulmans sunnites.

    En somme, la Syrie est envahie depuis presqu’un an par des terroristes libyens. De plus, immédiatement après que les États-Unis aient reconnu leur propre « coalition d’opposants » triée sur le volet comme les « représentants du peuple syrien », son chef, Moaz Al-Khatib, a tout de suite exigé que les États-Unis lèvent les sanctions contre l’organisation terroriste d’Al-Qaïda, Al-Nosra.

    Reuters a cité Al-Khatib :

    « Il faut réviser la décision de considérer un groupe luttant contre le régime comme un groupe terroriste. Nous pouvons être en désaccord avec certains groupes, leurs idées et leur vision politique et idéologique, mais nous affirmons que toutes les armes à feu des rebelles servent à renverser le régime criminel et tyrannique. »

    L’Occident refuse non seulement de reconnaître que la Syrie est confrontée au terrorisme étranger et intérieur, il participe aussi activement à l’armement, au financement et à l’hébergement en lieu sûr de ces factions terroristes. La Turquie, membre de l’OTAN, est un complice direct de l’agression extraterritoriale de la Libye, qu’elle facilite en accueillant les combattants libyens à l’intérieur de ses frontières, tout en coordonnant leur armement, leur financement et leur logistique lorsqu’ils traversent la frontière turco-syrienne. La CIA des États-Unis facilite également l’invasion libyenne de la Syrie le long des frontières turques.

    En juin 2012, dans son article « La C.I.A. aiderait à acheminer des armes à l’opposition syrienne », le New York Times (NYT) a concédé que « des officiers de la CIA opèrent en secret au sud de la Turquie » et acheminent des armes, dont « des armes semi-automatiques, des grenades propulsées par fusée, des munitions et quelques armes antichars ». Le New York Times insinue que la Turquie, l’Arabie Saoudite et le Qatar sont les principaux fournisseurs d’armes alors que la CIA coordonne la logistique.

    http://www.csmonitor.com/var/ezflow_site/storage/images/media/content/2012/0224-friends-of-syria-conference/11843662-1-eng-US/0224-friends-of-syria-conference_full_600.jpg

    Image: Les « amis de la Syrie » comprennent de nombreux conspirateurs mentionnés dans le reportage exhaustif de neuf pages de Seymour Hersh, « La redirection ». La violence en Syrie n’est pas le résultat d’un soulèvement du peuple syrien  porteur d’« aspirations politiques », mais plutôt celui de la conspiration et de la machination d’une élite mondiale ayant prémédité il y a longtemps la destruction de la Syrie pour son propre programme géopolitique global.

    La politique étasunienne envers la Syrie remonte aussi loin qu’à 2007, où les représentants des États-Unis ont admis qu’ils planifiaient le renversement du gouvernement syrien à l’aide d’extrémistes sectaires étrangers et en utilisant des pays comme l’Arabie Saoudite pour acheminer des armes et du financement, surtout pour maintenir l’illusion qu’ils n’étaient pas impliqués.

    Le long reportage de neuf pages de Seymour Hersh, « La redirection », publié dans le New Yorker en 2007 expose les plans étasuniens visant à utiliser des moyens clandestins pour renverser le gouvernement syrien dans le cadre d’une action plus vaste ayant pour but de miner et détruire l’Iran. « Le renforcement de groupes extrémistes sunnites épousant une vision militante de l’islam, hostiles aux États-Unis et sympathisants d’Al-Qaïda, sont un sous-produit de ces activités », écrit Hersh.

    Al-Nosra est ouvertement affilié à Al-Qaïda. Dire que le GICL est « sympathisant d’Al-Qaïda » serait toutefois trompeur : le GICL, c’est Al-Qaïda.

    Selon le rapport du West Point Combating Terrorism Center de l’armée étasunienne, « Les combattants étrangers d’Al-Qaïda en Irak », le GICL a fusionné en 2007 avec l’organisation terroriste créée par les États-Unis et l’Arabie Saoudite.

    L’apparent essor de recrues libyennes se rendant en Irak pourrait être lié à la coopération accrue entre le Groupe islamique combattant libyen et Al-Qaïda, laquelle a atteint son point culminant le 3 novembre 2007 lorsque le GICL s’est officiellement joint à Al-Qaïda. (page 9, .pdf)

    Hersh poursuit son reportage en déclarant « le gouvernement saoudien, avec l’approbation de Washington, fournirait des fonds et de l’aide logistique afin d’affaiblir le président syrien Bachar Al-Assad ». Cela comprenait l’offre de milliards de dollars à des factions pro-saoudiennes au Liban soutenant des groupes militants qui traversent maintenant la frontière libano-syrienne pour rejoindre leurs homologues libyens.

    La conspiration élaborée, mise à exécution en 2007 et décrite par Seymour Hersh citant une myriade de sources étasuniennes, saoudiennes et libanaises, se déroule de toute évidence devant nos yeux. Cette conspiration n’était pas fondée sur des considérations humanitaires ou la « démocratie », mais plutôt sur les intérêts mutuels des États-Unis, d’Israël et de l’Arabie Saoudite, et consistant à renverser les gouvernements de pays souverains vus comme des menaces à leur influence collective extraterritoriale à travers la région.

    En ne reconnaissant pas une conspiration documentée, fomentée par des intérêts étrangers et visant à faire tomber violemment le gouvernement de la Syrie (et éventuellement de l’Iran) l’ONU démontre une fois de plus qu’elle est un instrument servant des intérêts spécifiques. Sa tentative de négocier un « plan de paix » avec des terroristes étrangers envahissant la Syrie en tant que mandataires des puissances occidentales est dépourvue de toute légitimité. Le gouvernement syrien et ses alliés doivent redoubler d’efforts pour présenter le conflit pour ce qu’il est, une invasion, et réclamer l’appui et la patience de la communauté internationale alors que la Syrie confronte et met en échec ces envahisseurs étrangers et les intérêts étrangers qui les arment et les guident.

    Lakhdar Brahimi, tout comme Kofi Annan avant lui, ne fait que gagner du temps pour le discours chancelant de l’Occident. La Syrie et ses alliés doivent finalement le laisser s’écrouler afin que le véritable sauvetage de la Syrie puisse avoir lieu, par des opérations de sécurité antiterroristes dans tout le pays et la confrontation diplomatique des intérêts étrangers soutenant le terrorisme à l’intérieur et autour de la Syrie.

    Tony Cartalucci Mondialisation.ca

    Le 28 décembre 2012

    Le blog de Tony Cartalucci : Land Destroyer 

    Article original : The United Nations Syria “Peace Plan” is a Fraud

    Traduction : Julie Lévesque pour Mondialisation.ca

  • Pourquoi le Québec, l’Écosse, la Flandre et la Catalogne ne seraient-ils pas indépendants…

    C’est quand même Charles de Gaulle (ex-président français) qui s’est exclamé le 24 juillet 1967 à l’hôtel de ville de Montréal : « Vive le Québec libre ! »
    C’est aussi la communauté internationale qui a immédiatement reconnu l’indépendance du Monténégro après le référendum de mai 2006 et cela, selon le principe de l’autodétermination des peuples à disposer d’eux-mêmes.
     Que l’on se rappelle aussi en France du référendum le 8 février 1962 qui accorda l’indépendance à l’Algérie…
     Quant au Kosovo, partie de la Serbie depuis le XIIème siècle, il s’est proclamé unilatéralement indépendant le 17 février 2008 et a été légitimé par plusieurs États de l’Union européenne, dont la France, et par de nombreux autres États comme les USA.
    Ce pays, de 11.000 km2 et de 2,2 millions d’habitants aurait-il plus d’influence ou de poids économique que la Catalogne (32.000 km2 et 7,3 millions d’habitants), que la Flandre (13.000 km2 et 6,7 millions d’habitants) ou que le Québec (1.600.000 km2 et 8 millions d’habitants).
    Et ne parlons pas du PIB par habitant ! Kosovo = 2.700€ ; Monténégro = 3.000€ ; Malte = 20.000€ ; Québec = 26.000€ ; Ecosse = 28.000€ ; Catalogne = 31.000€ ; Flandre = 33.000€.
    Pourquoi encore refuser aux uns ce que l’on a accordé aux autres ?
    Ces régions qui aspirent à leur autonomie totale seraient-elles vouées aux abîmes si elles proclamaient leur souveraineté ?
    Est-ce que la désolation, la récession et les faillites ravageraient ces contrées dès leur indépendance ?
    Pourra-t-on encore longtemps affirmer que l’Écosse, la Catalogne, la Flandre ou le Québec n’ont aucune raison de se séparer d’un État centralisateur et omnipotent ? Que ces nations auraient moins de justification d’exister que des pays comme Malte, la Slovénie, la Macédoine ou le Monténégro ?

    Assez d’hypocrisie : les Flamands, les Écossais, les Québécois et les Catalans méritent eux aussi leur souveraineté !

    http://www.francepresseinfos.com/

  • Le président biélorusse défend Bachar al-Assad et met l'Europe en garde

    Le président biélorusse défend Bachar al-Assad et met l’Europe en garde :

    Le président Loukachenko à l’adresse des dirigeants occidentaux : "Vous paierez cher ce que vous faites en Syrie"....


    Le président biélorusse défend Bachar al-Assad... par revolutionary-soul

  • Les paras français se déploient au Mali

    Un groupement de la 11e Division parachutiste (11e DP) s’est déployé près de Mopti, dans la ville de Sévaré (640 km au nord de Bamako). Cela préfigure une opération plus vaste qui devrait se dérouler dans les heures et les jours à venir. Paris a reçu le soutien des capitales africaines de la région, mais aussi de Washington, Moscou et Pékin, pour mener à bien cette opération destinée à éradiquer les groupes jihadistes armés, en appui de l’armée malienne.

    Le gouvernement français avait donné son accord ce vendredi 11 janvier à l’aide militaire réclamée par le Mali, menacé par une offensive menée par les groupes islamistes armés (Ansar Dine…) qui occupent le nord du pays. François Hollande a précisé que la France ne s’engagera que « dans le cadre des résolutions de l’ONU » en Afrique. Paris a d’ores et déjà demandé aux ressortissants français « dont la présence n’est pas indispensable au Mali » de « quitter provisoirement le pays » en raison de « la forte dégradation de la situation sécuritaire ».

    Selon des sources anglophones, des éléments appartenant au 2e Régiment étranger de parachutistes (2e REP) auraient été déployés (voir ici et surtout ici).

     

    Parallèlement, des avions militaires Hercule C-130 transportant des armes et des soldats étaient arrivés jeudi à Sévaré (centre du Mali), où l’armée malienne dispose d’un poste de commandement opérationnel et qui est proche de Konna, la localité prise le même jour par des islamistes.

    En appui à ce dispositif au sol, la France dispose d’avions à Ndjamena (Tchad), des Mirage F1CR et 2000 D (voir ici), qui peuvent être engagés en quelques heures. Il y aurait déjà eu plusieurs missions de reconnaissance aérienne et des frappes sur certaines positions tenues par les islamistes. Selon des médias francophones africains, « deux hélicoptères français (1), initialement basés au Burkina Faso voisin ont attaqué les positions des islamistes permettant à l’armée malienne au sol de reprendre progressivement des positions délaissées dans l’après-midi au profit des islamistes » (voir ici). Selon la même source, « l’armée française est entrée en action dans la nuit de jeudi à vendredi à Konna et Douentza, villes situées dans le centre du Mali, sur la ligne de front qui oppose l’armée du pays et les islamistes. »

    De plus, plusieurs détachements dépendant du commandement des opérations spéciales (13e RDP…) seraient déjà en opération sur zone dans des missions de reconnaissance et d’évaluation des capacités éventuelles de l’adversaire.

    Sévaré est à moins de 60 kilomètres par la route de la ville de Konna, désormais entre les mains des bandes armées jihadistes. Les forces françaises font face à un millier de combattants disposant d’une centaine de 4x4 armés. Les unités françaises opèrent conjointement avec des éléments des forces nigériennes (CEDEAO) et maliennes.

    Selon divers observateurs occidentaux, cette opération pourrait s’amplifier et durer plusieurs mois.

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    L’option militaire laisse Washington sceptique
    Une intervention militaire visant à déloger les groupes salafistes du Nord-Mali doit être avant tout africaine, selon le général américain Carter Ham. Le patron d’Africom, qui s’exprimait le 14 novembre dans les locaux de l’ambassade des États-Unis à Paris, considère qu’une telle opération doit être « pensée, conduite et exécutée » par les Africains.

    Lire la suite sur La lettre du continent

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    Notes :

    (1) Il pourrait s’agir de Gazelle SA-341 armés de canons de 20 mm. Fin septembre 2011, de sources concordantes de l’armée burkinabé, au moins deux hélicoptères Gazelle avaient été acheminés en pièces détachées par l’armée française au Burkina Faso (source).

     

  • Syrie : l'ouragan se rapproche

    Alors que le conflit en Syrie entre dans son vingt-deuxième mois, rien ne bouge toujours sur le plan diplomatique, mais les gesticulations militaires extérieures s'accentuent.
    Au large des côtes syriennes, la Russie est en train de procéder au renforcement de sa flotte et, sur la frontière turque, les États-Unis déploient un système de missiles ultra-performant.
    Le 13 décembre, le secrétaire américain à la Défense, Léon Panetta, a annoncé que l'armée américaine déployait six batteries de missiles sol-air Patriot PAC-3 ; une arme redoutable. Pour armer ces batteries, les Allemands dépêcheront 400 soldats, les Américains autant (à moins qu'ils ne soient déjà en place, via leur base aérienne d'Incirlik à l'extrême est de la Turquie, non loin des frontières irakienne et syrienne) et les Néerlandais, 360. Ces trois pays sont les seuls à posséder au sein de l'Alliance Atlantique de tels missiles, capables d'intercepter des missiles balistiques tactiques ou de croisière, mais aussi des avions.
    Rappelons que les Pays-Bas avaient déjà déployé des Patriot en Turquie en 1991 et 2003 lors des deux guerres du Golfe. Le déploiement est décidé sous le prétexte de « défendre » la Turquie contre une éventuelle attaque syrienne. Il constitue, en fait, une escalade significative de la politique guerrière américaine. Les systèmes de missiles peuvent être utilisés à la fois contre des avions de combat et des missiles, afin d'assurer une couverture aérienne aux forces d'opposition ou d'établir une zone dite « d'exclusion aérienne » le long de la frontière, deux éléments précurseurs d'une action militaire directe.
    La décision est intervenue quelques jours seulement après une réunion de la Conférence internationale des amis du peuple syrien à Marrakech, lors de laquelle les principales puissances, dont les États-Unis, ont officiellement donné leur bénédiction à la « Coalition nationale de la révolution syrienne et des forces d'opposition ». Ce groupuscule a été bricolé if y a un mois seulement par le gouvernement Obama dans le but d'être sacré gouvernement officiel.
    Si le régime d'Assad venait à tomber, selon le vœu des Américains et de leurs alliés, cela représenterait une cuisante défaite pour l'Iran, la Chine et, surtout, pour la Russie. La Syrie « anti-impérialiste » est un verrou qui, d'une certaine façon, protège l'accès à ces pays qui sont encerclés aujourd'hui par de multiples bases militaires américaines.
    Alors que les États Unis accentuent leur pression, la Russie procède à la relève de sa petite flotte de guerre qui croise au large des côtes syriennes. Le patrouilleur Iaroslav Moudryi, les navires de débarquement Kaliningrad et Alexandre Chabaline, le remorqueur SB-921 et le navire de ravitaillement Lena ont quitté leur port d'attache de Baltiïsk en mer Baltique à destination de la Méditerranée. La Russie a démenti les informations selon lesquelles elle utilise ces navires pour acheminer des armes. Selon certains, Poutine se préparerait à évacuer ses ressortissants de Syrie à un moment où les forces du régime multiplient les bombardements des banlieues rebelles près de Damas et d'Alep. Va-t-il lâcher Assad ou contrer Obama ?
    Les Russes, défenseurs de facto des chrétiens d'Orient
    Moscou ne se bat pas pour la Syrie, ni même pour, coûte que coûte, garder une base dans la région. Comme tous les États, elle lutte pour le pouvoir, le prestige, c'est-à-dire pour continuer à être perçu comme une force qui compte, à l'extérieur, mais aussi à l'intérieur, notamment au Caucase menacé d'islamisation. Car après la Syrie, les terroristes accentueront sans nul doute leur pression du côté de la Tchétchénie. La position russe n'est comprise ni dans le monde arabe, ni en Occident. Au début, elle a été interprétée comme purement mercantile. Il se disait que le régime de Bachar El Assad était un bon client pour l'industrie militaire russe qui, dépitée de la perte de ses marchés en Iran, en Libye et ailleurs, aurait fait des pieds et des mains pour garder son dernier débouché.
    Mais la Russie entend aussi exercer son rôle traditionnel de protecteur des chrétiens orthodoxes du Levant et en particulier de Syrie, où ils constituent la majorité des chrétiens locaux. Le patriarcat orthodoxe russe, dont l'influence sur Vladimir Poutine est notoire, exerce, dit-on, d'intenses pressions à ce sujet. Cela compte pour les autorités russe, même si en Occident ceux qui nous gouvernent souffrent d'amnésie civilisationnelle. De plus, environ 5 000 citoyens russes résident officiellement en Syrie, mais le ministère des Affaires étrangères russe évalue leur nombre réel à plus de 25 000 personnes, comptant les conjoints de citoyens syriens et leurs enfants...
    Les Russes savent très bien que la mise à l’écart et, a fortiori, l'exil d'Assad, signifierait la démoralisation des forces loyalistes et la désagrégation immédiate de la Syrie. Et ruinerait donc vingt mois de stratégie diplomatique russe, sans parler d'incalculables dommages en terme d'influence et de prestige pour le Kremlin. La Russie redeviendrait, comme l'était l’URSS avant 1990 - mais en pire, puisque ayant perdu ses glacis d'Europe orientale et d'Asie Centrale -, un pays stratégiquement isolé et encerclé par l'alliance atlantique sur son flanc ouest et par une mosaïque d’États islamistes alliés pervers de l'Occident sur son flanc sud. Poutine n’est pas homme à se laisser enfermer dans ses frontières. Aussi est-on en droit de penser qu'il va assurer à son client syrien un approvisionnement en armes et continuer de lui assurer l’assistance logistique requise. Dans cette configuration d’une Russie droite dans ses bottes, les assauts des insurgés islamistes continueront d'être repoussés, mais pour combien de temps encore ?
    Henri Malfilatre monde & vie 26 décembre 2012