« Les Français rejettent massivement l’ingérence nocive des Etats-Unis dans les affaires européennes, comme ils rejettent totalement son modèle civilisationnel. »
Les différents ministères et structures économiques russes, potentiellement concernés par de lourdes sanctions économiques, ont été mobilisés pour préparer une riposte massive le cas échéant. La décision russe d’intégrer la Crimée est désormais irrévocable. Avec la quasi-totalité de la population russe et des forces politiques derrière lui, Vladimir Poutine s’apprête à affronter un Occident divisé, appauvri et contesté au sein même des nations qui le composent.
La riposte russe sera totale en effet :
– ventes des bons du trésor des pays sanctionnant ;
– non remboursement des prêts contractés par la Russie ou par les entreprises russes ;
– confiscation des actifs occidentaux ;
– achat de devises asiatiques en remplacement des devises occidentales ;
– fin du commerce avec l’Occident et virage asiatique vers la Chine et la Corée du Sud qui ont déjà été contactées dans ce sens et seront les premiers bénéficiaires de cette rupture ;
– fin de l’utilisation du dollar dans les échanges commerciaux.
Les conséquences de cette riposte représentent une véritable catastrophe potentielle pour les économies européennes, notamment pour l’Allemagne, la Pologne et la France. Il est évident que cette riposte aura également des conséquences dramatiques pour l’économie russe, le temps qu’elle se réoriente massivement vers l’Asie. La différence est, encore une fois, que Vladimir Poutine n’hésitera pas à en appeler à la solidarité nationale russe, contre le diktat occidental. Les gouvernements ouest-européens ne pourront pas, en revanche, compter sur la compréhension de leur population. En France, les médias « mainstream » ont essuyé leur première défaite face aux médias alternatifs. Décidés à passer sous silence la compromettante conversation de Catherine Ashton, ils ont été contraints au bout de cinq jours – et sous la pression des sites internet alternatifs – d’évoquer le sujet.
La forces de Vladimir Poutine reposent aujourd’hui sur la confiance qu’il inspire à la population russe, ainsi que sur son trésor de guerre. Ces deux atouts lui permettront d’amortir les conséquences d’une guerre économique, bien mieux que ses adversaires.
Les Etats-Unis ont une nouvelle fois sous-estimé la détermination de la Russie. Ils tentent de faire payer aux Européens leur nihilisme stratégique. Il y a tout lieu de croire que les Européens ne vont pas pousser la Russie dans une guerre que leurs économies exsangues, pour la plupart, ne leur permettront pas de mener. La France, plus que toutes les autres nations européennes, doit se libérer du joug malfaisant de Washington. Il est heureux de constater que l’incorruptible Jean-Pierre Chevènement se trouve en première ligne pour rappeler où se situe l’intérêt supérieur de la France, et pallier les idioties de l’histrion BHL. Ce dernier s’efforce une nouvelle fois d’entraîner le gouvernement français dans de nouvelles errances libyennes, où il ne trouvera que le ridicule qui s’est déjà abattu sur lui en Syrie. A son côté, nous trouvons désormais François Fillon, appelé à devenir le candidat souverainiste de l’UMP. Le Front de gauche a su, dès le début de la crise, définir les enjeux exacts, tout en étant lucide sur les forces en présence. Il en va de même pour le Front national qui se situe dans une ligne purement gaullienne, mettant au centre l’intérêt supérieur de la Nation, en dehors de toute idéologie.
Le choix de l’Europe, et par conséquent du partenariat russe, contre le choix de l’Occident, et par conséquent de l’Union européenne, est désormais un thème qui dépasse les clivages politiques traditionnels. Les Français rejettent massivement l’ingérence nocive des Etats-Unis dans les affaires européennes, comme ils rejettent totalement son modèle civilisationnel.
Xavier Moreau, 10/03/2014
L’auteur est Saint-Cyrien et officier parachutiste, titulaire d’un DEA de relations internationales à Paris IV Sorbonne, spécialisé sur les relations soviéto-yougoslaves pendant la guerre froide. Fondateur d’une société de conseil en sûreté des affaires, installé en Russie depuis 12 ans, il travaille également sur l’Ukraine, le Kazakhstan et la Serbie.
http://www.polemia.com/la-russie-prete-pour-la-guerre-economique/
Source : RealPolitik TV
international - Page 1127
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La Russie prête pour la guerre économique
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Afrique du Sud, la question raciale
Au mois d’avril 1994, porté au pouvoir par une opinion mondiale littéralement sidérée par la pensée unique, Nelson Mandela avait annoncé la fin de la question raciale, prophétisant même l’accession d’une société dans laquelle les races ne constitueraient plus un critère de fractionnement.
Vingt ans plus tard, après trois présidents noirs - Nelson Mandela, Thabo Mbeki et Jacob Zuma -, la question raciale qui n’a pas été résolue est toujours au cœur de la vie politique, sociale et même religieuse sud-africaine. En dépit des discours lénifiants du politiquement correct, l’idéologie n’a donc pas davantage fait disparaître les races que la pluie les rayures des zèbres.
En Afrique du Sud comme partout ailleurs en Afrique, là où les sociétés sont hétérogènes, le réel finit toujours par rattraper les idéologues. La base de la question est que la démocratie, cette ethno-mathématique électorale, faisant que les plus nombreux sont assurés de détenir le pouvoir, les peuples minoritaires sont donc devant un choix :
Soit ils acceptent le système et ils n’ont alors que deux options, la soumission et (ou) l’émigration ;
Soit ils le refusent et dans ce cas, ils n’ont que trois solutions :
1) La guerre, comme le font périodiquement les Touaregs du Mali.
2) La séparation comme le tentèrent maladroitement les Blancs en Afrique du Sud avec l’apartheid.
3) La négation des réalités comme le font les 10% de Tutsi au Rwanda, ce qui leur permet de dire qu’ils ne dominent pas les 90% de Hutu puisque les ethnies n’existent pas étant donné qu’elles ne seraient qu’un fantasme européen.
Avec le recul du temps, et compte tenu de l’hétérogénéité des populations, la seule solution à la question raciale sud-africaine était soit un éclatement du pays en grandes zones ethno-raciales, soit une cohabitation confédérale dans un cadre de séparation, chaque population ayant les mêmes droits et les mêmes devoirs dans sa propre sphère politique et territoriale.
Le Parti national tenta de mettre en place cette dernière politique, mais il le fit d’une manière inégalitaire dans le cadre rigide de l’apartheid qui n’était en définitive qu’une forme de suprématisme blanc quand, pour ses concepteurs il s’agissait tout au contraire d’un ethno-différentialisme.
A partir de 1994, avec l’ANC au pouvoir, ce fut la plus mauvaise des options qui fut imposée aux peuples d’Afrique du Sud : celle de la démocratie majoritaire dans le cadre d’un quasi système de parti unique. Résultat : l’ethno-mathématique électorale a fait des peuples minoritaires, en l’occurence les Blancs et les métis du Cap, des citoyens de seconde zone. Avec en plus le non-dit du ressentiment lié à l’apartheid qui condamne les premiers à être les éternels boucs émissaires des échecs successifs des gouvernants.
Aujourd’hui, victimes d’un racisme d’Etat comme nous le démontrons dans ce numéro spécial, ceux des Blancs qui le peuvent fuient l’Afrique du Sud ; certains allant même jusqu’à demander l’asile politique à l’étranger.
Pour avoir accès au numéro, il vous faut vous abonner à l’Afrique Réelle pour l’année 2014 :
http://www.actionfrancaise.net/craf/?Afrique-du-Sud-la-question-raciale
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Comprendre Maïdan, par Jonathan Goddard
Les évènements ukrainiens des dernières semaines (photo de la place Maïdan à Kiev pendant les émeutes) font l’objet de nombreuses analyses contradictoires et/ou tronquées. Il convient de rappeler quelques éléments historiques et géopolitiques afin de saisir la complexité de la crise en cours.
1) L’Ukraine, terre déchirée
L’Ukraine est une terre déchirée entre Orient et Occident. Longtemps capitale de la Russie kiévienne, aux portes du puissant empire byzantin, l’Etat ukrainien se morcèle dès le XIIème siècle en grandes principautés. Ces dernières noueront des alliances avec les différentes puissances frontalières : diète lituano-polonaise, Russie, empire Austro-Hongrois.
Ses alliances ne furent pas toutes heureuses, loin de là, chaque puissance cherchant à faire basculer définitivement l’Ukraine dans son camp. Le traité de Pereïslav, de 1653, qui rattachait les puissants cosaques ukrainiens à l’empire russe eut ainsi pour conséquence une russification intense de la société ukrainienne (interdiction de la langue ukrainienne, etc.)
L’Etat ukrainien moderne n’eut qu’une existence fort brève, entre 1917 et 1920 profitant de la révolution bolchévique et de la dislocation de l’Empire Austro-Hongrois. L’Ukraine retomba vite entièrement sous la botte soviétique qui sut calmer ses espoirs d’indépendance avec l’habituelle magnanimité communiste : en 1933, une gigantesque famine organisée depuis Moscou entraîna la mort de plus de 6 millions d’Ukrainiens. Cet épisode, connu sous le nom d’Holodomaur, laissa un lourd traumatisme dans la mémoire ukrainienne.
L’arrivée de l’armée allemande en 1941 fut ressentie comme une libération par la population ukrainienne. Elle déchanta vite, les nazis agissant davantage en colon qu’en libérateurs. Ainsi, Stepan Bandera, indépendantiste ukrainien, fut arrêté par la Gestapo et déporté en camp de concentration dès le début de la guerre. Cela n’empêcha pas les nationalistes ukrainiens de fournir un fort contingent de volontaires aux Allemands, qui formèrent la SS-Division Galicie, forte de 26 000 hommes essentiellement composée de Ruthènes et de Galiciens (partie ouest de l’Ukraine).
La défaite allemande signifie le retour du joug soviétique, qui se montre implacable. Une organisation de Résistance, l’UPA, dont les effectifs maximum atteignirent 80 000 hommes, lutte farouchement jusqu’en 1955.
2) Ukraine moderne et évènements de Maidan
Ce rappel historique est nécessaire pour comprendre le déroulement actuel des évènements. Tiraillé entre l’ouest et l’est, constitué d’une population hétéroclite, qui fit des choix très différents face aux évènements de l’histoire, l’Ukraine est un pays compliqué, qui nourrit des espoirs, des rancœurs, des haines et des fidélités très différentes.
L’effondrement de l’Union soviétique annonce le retour de l’indépendance ukrainienne. Cette indépendance va retrouver ses sempiternels tiraillements avec le retour de la puissance russe qui correspond à l’arrivée de Vladimir Poutine à la présidence, en 2000. Trois courants politiques ukrainiens se démarquent alors, dont Maidan nous donne un éclairage saisissant :
- Un courant atlantiste qui cherche à se rapprocher de l’Otan et de la diplomatie américaine. Ce courant est illustré par la « révolution orange » de 2004 qui voit propulsé le candidat Ioutchenko à la tête de la présidence ukrainienne. Cette révolution a été en grande partie financée et soutenue par des fonds américains, qu’ils s’agissent d’organisations étatiques (en particulier la NED New Endowment for Democracy, crée par Reagan en 1982) ou non étatiques (Open Society Institute de Goerges Soros). Elle s’inscrit dans une série de « révolutions colorées » qui sont apparues dans les pays satellites de la Russie (Géorgie, Ukraine, Kirghistan, ainsi qu’une tentative en Biélorussie) depuis 2004. Les médias occidentaux ont souvent présenté ces leaders « pro-Europe » (atlantistes en réalité) comme des héros, luttant contre la corruption des élites en place. Cette vision est mensongère, ces nouveaux dirigeants sont aussi corrompus que les anciens, si ce n’est qu’ils n’ont pas les même maîtres. Le scandale de la famille Ioutchenko en Ukraine, qui s’est arrogé une fortune de plus de 100 millions d’euros en se réservant les droits d’auteurs de la « révolution orange » est un exemple assez parlant du problème.
- Un courant russophile qui mise sur un rapprochement de l’Ukraine avec la Russie. C’est la position de Ianoukovitch, le président ukrainien forcé à l’exil par les évènements récents. Il a retiré la demande de l’Ukraine de rentrer dans l’Otan tout en revenant à un « non alignement » sur le plan international. Non alignement un peu biaisé puisqu’il a renouvelé jusqu’en 2030 les accords avec la Russie concernant la très importante base navale de Sébastopol, en Crimée.
- Un courant nationaliste, hostile à la Russie comme à l’Union Européenne et qui cherche avant tout à créer une nation ukrainienne forte et indépendante. Ce sont les partis Svoboda (ancien Parti National-Socialiste d’Ukraine) et Pravii Sektor, dont on a beaucoup entendu parler ces dernières semaines. Il ne s’agit que d’un courant minoritaire (10% à 12% des voix) mais les évènements de Maidan pourraient bien leur faire jouer un rôle prépondérant dans un avenir proche. Leur engagement très fort et violent dans les manifestations, leur activisme social, l’occupation des bâtiments officiels par leurs militants montrent leur rôle de premier plan. Le nouveau gouvernement formé à la chute du président Ianoukovitch a offert des ministères clés à ces mouvements : l’agriculture (50% du PIB d’exportation ukrainien), la défense, l’intérieur, le poste de procureur général de l’Ukraine et le poste de vice premier ministre.
3) Qu’en est-il à l’heure actuelle ?
La chute de Ianoukovitch a vu l’accès à la présidence par interim de OleksandrTourtchinov, pasteur d’une Eglise baptiste américaine et soutien de Ioulia Timochenko, dont le parti « Patrie » ne cache pas ses aspirations atlantistes. Le pays reste très fracturé et des tentatives de manifestations « pro-Europe » dans l’est du pays ont tourné à l’émeute avec la population locale.
La population russophone, majoritaire à l’est, voit d’un très mauvais œil l’alignement atlantiste prit par le pouvoir à Kiev. Ils craignent que le pouvoir cède aux revendications territoriales des Tatars de Crimée, minorité musulmane indépendantiste soutenue par la CIA pour nuire à la Russie.
La Russie, quant à elle, se sent dans l’obligation d’agir si elle entend conserver son statut de puissance mondiale. La base militaire de Sébastopol est vitale pour lui assurer un accès à la méditerranée. C’est un emplacement-clé et l’abandonner réduirait grandement les capacités de la marine russe sans parler du prestige de la Russie à l’international. L’hypothèse d’une adhésion à l’Otan de l’Ukraine n’est pas envisageable pour les Russes qui ont déjà du mal à empêcher l’installation de missiles balistiques en Pologne et de radars militaires en République Tchèque.
En conclusion, comprenons que la situation en Ukraine est bien plus compliquée que « gentils européens libéraux » contre « méchants russes staliniens ». Ce qui se joue là-bas doit être regardé avec une analyse géopolitique avant d’être morale. Pour ma part, l’embrasement actuel de l’Ukraine pose deux questions :
- L’Ukraine a-t-elle pour destin d’être une nation indépendante ? Depuis le XIIème siècle, cela n’a été le cas qu’une seule fois, entre 1917 et 1920. Le séparatisme poserait alors un nouveau problème : si les populations de l’est de l’Ukraine se rattacheraient volontiers à la Russie, que deviendrait la partie ouest ?
- Quel rôle devons-nous jouer en tant que Français ? Depuis le retour de la France dans l’OTAN en 2009, la diplomatie française semble n’être qu’une base avancée de la politique américaine. Nous avons pu le constater avec la Lybie, la Syrie et maintenant l’Ukraine. Je ne pense pas qu’il soit idéaliste d’imaginer une diplomatie réellement indépendante, qui serve avant tout les intérêts de notre peuple avant celui de nos alliés. Nous ne sommes pas, comme l’a dit récemment Barack Obama, « une fille des Etats-Unis », nous sommes des Français par notre héritage et des Européens par notre civilisation.
Jonathan Goddard pour Novopress
http://fr.novopress.info/158885/comprendre-maidan-jonathan-goddard/#more-158885
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Marine le Pen : l'OTAN n'a plus aucune justification
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Bernhard Tomaschitz: De la guerre civile en Irak
L’année 2014 sera terrible pour l’Irak
Comme en Syrie, l’Arabie saoudite attise le conflit
Prè de onze années se sont écoulées depuis l’agression délibérée, contraire aux principes du droit des gens, que les Etats-Unis ont perpétrée contre l’Irak en 2003. Aujourd’hui, ce malheureux pays risque bien de sombrer dans le chaos et l’anarchie. Les combattants de l’ISIL (“Pour un Etat islamique en Irak et au Levant”), une organisation terroriste qui, dit-on, serait étroitement liée à Al Qaeda, ont pris le contrôle de vastes portions de la province occidentale d’Al-Anbar. Les attentats ponctuent chaque journée qui passe. Pourtant le premier ministre irakien Nuri al-Maliki reste serein. Il a confiance en ses troupes: “Nous vaincrons Al Qaeda”, affirme-t-il.
A Washington, on analyse la situation avec un oeil plus réaliste. Les Etats-Unis livrent des armes légères à l’armée irakienne, dans l’espoir qu’avec cet arsenal réduit cette armée, théoriquement alliée, va pouvoir à terme empêcher qu’un territoire assez vaste et cohérent de l’Irak et de la Syrie soit soustrait à l’influence des islamistes. Mais ce qu’il faut surtout rappeler c’est que des voix se font entendre à Washington qui critiquent le retrait des troupes américaines en 2011 et réclament dès lors un nouvel engagement combattant dans le pays ravagé par la guerre civile. Récemment donc deux sénateurs influents, John McCain et Lindsey Graham, ont déclaré: “Que les choses soient claires: la position du gouvernement, qui voulait aller dans le sens du gouvernement irakien et ne voulait pas maintenir les forces armées américaines au-delà de l’année 2011, était manifestement erronée”. Al-Maliki voit les choses autrement, bien sûr, et défend sa décision d’hier de faire partir le plus vite possible les soldats américains.
Al-Maliki n’est toutefois par entièrement innocent: il est partiellement coupable de la détérioration de la situation. Chef du gouvernement, il appartient à la majorité chiite de la population, que le régime de Saddam Hussein avait réduit à l’insignifiance politique. Al-Maliki s’est ensuite efforcé de marginaliser les sunnites. Par voie de conséquence, la loyauté de ces derniers envers le nouvel Etat irakien post-baathiste, pour autant qu’elle ait jamais existé, s’est évanouie comme neige au soleil. Cette disparition de toute loyauté sunnite a favorisé le développement de groupes comme Al Qaeda ou l’ISIL.
La politique actuelle d’Al-Maliki vise à amener les Américains à livrer davantage d’armes. Il a transmis à Washington une liste d’armements jugés nécessaires pour chasser les islamistes de la province d’Al-Anbar. Pourtant les armes arrivent depuis assez longtemps. En décembre 2013, le “New York Times” rapportait qu’une cargaison de 75 missiles anti-chars Hellfire était arrivée en Irak. Ensuite, le Pentagone s’est déclaré prêt à livrer en 2014 au gouvernement de Bagdad des chasseurs F-16, des hélicoptères Apache et, surtout, des dizaines de drones d’observation. Mais les experts militaires cités par le “New York Times” sont très sceptiques: même dotés de ces armements sophistiqués, ils doutent que l’armée irakienne soit capable de vaincre les insurgés sunnites.
Le ministre irakien des affaires étrangères, Hoshyar Zebar, quant à lui, a avoué qu’une intervention américaine directe, par le biais de drones, était de plus en plus envisageable “depuis quelques mois”. Si le conflit gagne en intensité, l’engagement de troupes américaines n’est pas une option à exclure, même si Kerry affirme encore aujourd’hui que “les godillots des GI’s” ne fouleront plus le sol irakien.
Cependant, il faut bien constater que les islamistes irakiens ne seraient pas aussi forts, comme leurs homologues syriens d’ailleurs, s’ils ne bénéficiaient pas d’un soutien massif des Saoudiens. Le royaume wahhabite du désert arabique joue effectivement un rôle clef dans ces conflits d’Irak et de Syrie. On sait qu’il est riche de sa rente pétrolière, que sa religion d’Etat est le wahhabisme, forme la plus rigide de l’islam, qu’il soutient partout dans le monde les tenants de ce rigorisme. Le 4 janvier 2014, l’agence iranienne de presse “Fars News Agency” écrivait: “Tandis que la Turquie a fermé de large portions de sa frontière aux terroristes et tandis que la Jordanie songe à restreindre le droit d’entrer et de circuler sur son territoire aux ressortissants saoudiens qui cherchent à entrer en Irak via le royaume hachémite de Jordanie, les frontières de l’Irak en plein désert sont à peine contrôlées par les militaires irakiens et les pistes de ce désert constituent dès lors les voies de pénétration pour le soutien logistique et militaire que l’Arabie saoudite apporte aux terroristes syriens”.
La question se pose quant au rôle douteux que joue ce grand allié des Etats-Unis au Proche Orient —le deuxième après Israël— souligne Andreï Akoulov du centre d’études stratégiques russe “Strategic Culture Foundation”: “L’Arabie saoudite constitue la principale menace pour la paix au Proche Orient. Les guerres régionales et les conflits religieux dans cette région du monde sont financées et armées par Ryad”. La tragédie syrienne, pour l’expert russe, est une “conséquence directe” de l’immixtion saoudienne, appuyée par les Etats-Unis. L’Irak, dès lors, devra faire face à “une nouvelle vague d’attentats à la bombe”, parce que les Saoudiens tentent de créer un équilibre régional à leur seul profit et au détriment de l’Iran.
L’Arabie saoudite est en mesure de pratiquer cette politique belligène tout simplement parce que celle-ci est la suite logique des guerres fomentées et déclenchées par les bellicistes néo-conservateurs qui ont tenu le haut du pavé à Washington sous la présidence de George W. Bush. Un autre expert russe, actif dans la même fondation, Nikolaï Bobkin, souligne la responsabilité des Etats-Unis dans l’éclosion du conflit. En effet, les interventions américaines, en Afghanistan d’abord, en Irak ensuite, “ont bouleversé l’équilibre fragile des forces et enclenché un processus de concurrence entre Iraniens et Saoudiens pour la maîtrise du Proche Orient”.
Une question cruciale demeure cependant ouverte: pendant combien de temps les Etats-Unis miseront-ils encore sur un allié qui contrecarre leurs intérêts au Proche Orient, bien plus intensément que ne le firent jamais les Iraniens? Voilà sans doute pourquoi, à court ou moyen terme, on voit se profiler un rapprochement entre Washington et Téhéran.
Bernhard TOMASCHITZ.
(article paru dans “zur Zeit”, Vienne, n°4/2014; http://www.zurzeit.at ).
R.Steuckers -
Paris dernier allié du Qatar – Cordon sanitaire contre les financiers des islamistes radicaux
La France a du mal à admettre la réalité. Le Qatar est un pays dangereux qui finance partout l’islam le plus rétrograde. Même la féodale Arabie saoudite le dit et les monarchies du golfe suivent.
L’ancien émir qui a participé, aux cotés de Sarkozy, au défilé du 14 juillet (excusez du peu) a été remplacé par son fils à la tête de l’émirat qui possède le PSG et prépare le mondial de football de la canicule, mais cela n’a pas changé grand-chose. C’est une guerre diplomatique absolument sans précédent et au grand jour que se livrent quatre des six monarchies arabes du Golfe : l’Arabie Saoudite, Bahreïn et les Emirats arabes unis d’un côté, le Qatar de l’autre.
Officiellement, il est reproché à Doha ses ingérences dans les affaires de ses voisins et son soutien actif aux islamistes. Comprendre par là la confrérie des Frères musulmans que Riyad a toujours perçue comme une importante menace pour la stabilité du pouvoir des Al Saoud. Parmi leurs griefs, figure aussi «la large coordination que mène le Qatar avec la Turquie, aux dépens des autres monarchies du Golfe» sur le conflit en Syrie notamment, Ankara étant redouté pour ses ambitions régionales.
En outre, le Qatar s’est rangé ouvertement du côté des Frères musulmans qui ont perdu le pouvoir en Egypte, tandis que les trois autres pays ont apporté un soutien massif, tant politique que financier, au nouveau pouvoir égyptien. Bien décidés à dépasser cette fois le stade de la simple dénonciation, l’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes unis et le Bahreïn ont ainsi pris la résolution de rappeler leurs ambassadeurs respectifs au Qatar. D’après des médias locaux, cette décision a été annoncée au lendemain d’une réunion «houleuse» des ministres des Affaires étrangères à Riyad.
Ce n’est pas la première fois que des tensions apparaissent, avec, d’un côté, l’Arabie saoudite et les pays qui lui sont proches ou très proches, les Emirats arabes unis et le Bahrein, et de l’autre, le Qatar, dont la diplomatie souvent agressive et sa politique ouvertement favorable aux Frères musulmans dans la région n’est pas du goût de Riyad. Mais c’est la première fois qu’une crise prend une telle ampleur. Une crise d’envergure entre ces quatre alliés des Etats-Unis, dont deux, Qatar et Bahrein, accueillent des bases américaines importantes, risque d’avoir des conséquences sur toute la région, y compris sur la crise syrienne où Riyad et Doha sont en rivalité sur le leadership de la rébellion armée.
Le communiqué signé par l’Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis et le Bahreïn insiste d’ailleurs sur l’idée qu’en dépit de l’engagement de cheikh Tamim ben Hamad Al Thani, lors d’un mini-sommet avec l’émir du Koweït et le roi d’Arabie à Riyad en novembre, à respecter ces principes, son pays ne l’a pas fait. Ce mini-sommet, organisé à l’initiative de l’émir du Koweït, cheikh Sabah Al Ahmad Al-Sabah, était destiné, entre autres, à surmonter le profond désaccord entre Doha d’une part et Riyad, Abu Dhabi et Manama de l’autre sur la conduite à suivre face au nouveau pouvoir installé par l’armée en Egypte en juillet 2013 après l’éviction du président islamiste Mohamed Morsi.
Le refus d’obtempérer de Doha laisse penser que la vieille garde est toujours active au Qatar. Si ce constat se vérifie, il ne serait alors pas surprenant de voir Riyad, Abu Dhabi et Manama exercer d’autres pressions sur le Qatar pour amener ses dirigeants à changer de politique. Jusqu’où cela pourrait-il aller ?
Le président américain Barak Obama aurait, d’après des sources bien informées en Jordanie, signifié aux autorités saoudiennes que le Qatar était une ligne infranchissable dans le dispositif américain dans le Golfe. Cette réaction fait suite aux appréhensions dont a fait part le prince Tamim au secrétaire d’Etat américain John Kerry. Le jeune dirigeant qatari s’est plaint de menaces directes qu’il aurait reçues de la monarchie saoudienne d’envahir son pays….. Le Qatar n’a pas oublié l’intervention militaire de Ryad au Bahreïn dans l’indifférence générale de l’opinion internationale.
Jean Bonnevey
Source : Metamag.
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L'industrie de l'avortement mise en échec au Texas
Lu sur Nouvelles de France :
"Le dernier avortoir sur les 100 miles qui séparent Houston et la Louisiane vient de fermer, portant à 19 le nombre de cessation d’activités depuis l’été dernier qui avait vu l’adoption d’une législation restrictive en matière d’avortement (privilèges d’admission dans un hôpital situé à moins de 30 miles de l’établissement, afin de pouvoir suivre la patiente aux urgences en cas de complication – cinq femmes sont mortes de ces complications entre 2000 et 2010, quatre visites obligatoires pour se procurer les produits permettant de tuer son enfant, etc.).
Désormais, l’« État de l’étoile solitaire » ne dispose plus que de 24 « cliniques » d’avortement pour 26 millions d’habitants contre 44 en 2011.
D’autres fermetures d’établissements pourraient intervenir cette année tandis que de nouvelles restrictions doivent entrer en vigueur (nécessité du caractère chirurgical de l’établissement, etc.).
Planned Parenthood a ainsi estimé qu’il pourrait bientôt n’en rester plus que six dans tout l’État."
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Le problème bosniaque dans les Balkans
Les désordres qui ont secoué la Bosnie ont pour motif la situation économique dramatique du pays mais ces désordres vont aussi dans le sens voulu par Washington
La Bosnie-Herzégovine semble avoir emprunté la voie pour devenir un “Etat failli”. Dans plusieurs villes de la partie la plus grande du pays, celle qui se trouve sous l’autorité de la “Fédération croato-bosniaque”, des milliers de citoyens sont descendus dans la rue pour protester contre la gabegie régnante: une économie chancelante, une corruption généralisée et un chômage qui atteint les 45% de la population active. Au cours de ces nombreuses manifestations, les protestataires se sont heurtés aux forces de l’ordre.
Cet Etat balkanique multiethnique et multiconfessionnel pose désormais problème au beau milieu de la péninsule balkanique, une région qui devait abriter cette Bosnie-Herzégovine “stable, viable, multiethnique et unie”, comme le voulait l’UE quand elle posait ses objectifs politiques pour rendre définitivement indépendante cette république autrefois constitutive de l’ancienne Yougoslavie fédérale et socialiste. De ces voeux pieux, rien ne subsiste aujourd’hui. On sait très bien pourquoi la “communauté internationale”, c’est-à-dire l’UE et les Etats-Unis, se trouvent face à un champ de ruines en Bosnie. Le Traité de Dayton a certes pu mettre un terme à la guerre mais n’a pas pu faire émerger un Etat pour tous, capable de fonctionner sans heurts, en dépit des clivages qui opposaient entre eux les Bosniaques, les Croates et les Serbes.
“L’ordre politique fabriqué lors des accords de Dayton est intenable”, expliquent les organisations protestataires actuelles que sont “Udar” (le “Coup”) et “Revolt”, animatrices des manifestations qui ont secoué le pays. L’objectif de ces organisations est donc clair: les manifestations doivent faire pression pour aboutir à une réforme constitutionnelle afin que l’appareil d’Etat, trop complexe et trop lourd, fasse la place à une forme étatique plus svelte et plus centralisée. Les Serbes de Bosnie, dont la “Republika Srpska” jouit d’une large autonomie, se sont opposés, jusqu’ici, et avec succès, à toute tentative de centralisation.
Les organisations “Udar” et “Revolt” veulent, par leurs revendications, s’aligner sur une politique voulue en dernière instance par l’UE et les Etats-Unis. Ces derniers sont profondément agacés par l’édifice étatique qui structure la Bosnie aujourd’hui parce que l’objectif américain est d’inclure le pays dans l’OTAN. La décentralisation bosniaque empêche toute manoeuvre en ce sens. Comme le rappelle Patrick Keller de la “Fondation Konrad Adenauer” en Allemagne, “l’intérêt pour une adhésion à l’OTAN n’est guère populaire en Republika Srpska”. Voilà pourquoi, subitement, en dépit des accords de Dayton, on plaide maintenant pour la création d’un Etat bosniaque unifié et “fort”.
Pour téléguider les événements de Bosnie dans le “bon sens”, les Américains ne s’épargnent ni peine ni argent. L’USAID, l’instance chargée d’aider au développement, déclare vouloir “aider la Bosnie à parfaire les réformes nécessaires pour pouvoir adhérer à l’UE et à l’OTAN”. Dans son budget de 2013, l’USAID a dégagé la somme de 45,5 millions de dollars, notamment pour créer “une structure militaire unitaire, laquelle répondrait aux critères nécessaires pour assurer la sécurité du pays et pour aboutir à une adhésion à l’OTAN”. En 2008, Washington a enregistré un bon succès en Bosnie, lorsque Sarajevo a adhéré à une “Charte Adriatique”, initiative visant à préparer les Etats des Balkans occidentaux à entrer dans l’OTAN.
Dans les postes “Financements militaires à l’étranger” et “Formation et écolage militaires à l’échelle internationale”, 5,5 millions de dollars sont prévus pour la Bosnie. Avec ces budgets, il faudra, selon les Américains, “combler les déficits graves dans la formation des personnels” chez “ce parternaire potentiel de l’OTAN” et former des “unités spéciales”, dont l’Alliance Atlantique “a un besoin réel”, c’est-à-dire des unités capables d’éliminer des matériels de combat, des troupes d’infanterie, des équipes d’ingénieurs militaires. Le rapport de l’USAID se fait louangeux à l’endroit de l’armée bosniaque parce qu’elle a fourni 55 hommes pour l’IASF en Afghanistan.
Le deuxième objectif majeur des Américains, et aussi de l’UE, est de promouvoir en Bosnie “une société civile”. Pour le réaliser, on a surtout mobilisé le “National Endowment for Democracy” (NED), le bras civil de la CIA, de même que les fondations attachées aux grands partis américains, la NDI (“National Democratic Institute”) et l’IRI (“International Republican Institute”). La “Fondation Konrad Adenauer” est également très active.
En 2012 (pour 2013, on ne dispose pas encore de chiffres), la NED a soutenu toute une série d’organisations bosniaques visant la création de cette fameuse “société civile”. “Revolt” a reçu 31.500 dollars, notamment pour contrôler “les travaux du gouvernement local et cantonal de Tuzla” et pour mener une campagne de mobilisation “de jeunes activistes pour préparer les élections locales”. L’année précédente, “Revolt” avait reçu 30.000 dollars de la NED pour mener à bien des activités similaires.
Les Occidentaux veulent donc créer en Bosnie une démocratie de type occidental et financent la formation et l’écolage d’une nouvelle génération d’hommes et de femmes politiques qui permettront, à terme, de réaliser plus aisément le grand but de la dite “communauté internationale”, soit de créer une Bosnie “multiethnique”. Dans les rapports de la “Fondation Konrad Adenauer”, on peut lire: “Investir dans les futurs cadres porteurs des structures démocratiques constitue l’action première de notre travail. Prodiguer des conseils, imaginer des scénarios, organiser des journées d’écolage et des séminaires interactifs, bref, offrir une formation politique permanente aux forces d’avenir, voilà les principales activités que nous menons à bien en Bosnie-Herzégovine”.
Les Etats-Unis ont réellement pris les choses en mains en Bosnie, au détriment des Européens, parce que les Bosniaques sont mécontents de la politique menée jusqu’ici par l’UE. Déjà en 2009, le magazine “Foreign Policy” écrivait: “L’UE n’a pas de politique réellement porteuse en Bosnie, si bien que Washington est contraint de jouer de son influence pour faire avancer les choses pour qu’à terme le pays puisse adhérer à l’UE”.
Bernhard TOMASCHITZ.
(article paru dans “zur Zeit”, Vienn, n°8/2014, http://www.zurzeit.at ). -
Bienvenue à l’armée de Poutine !
Comme il ne fait guère de doute que l’ours russe va très prochainement venir balancer ses grosses papattes sur nos tronches de démocrates européens (ça nous apprendra à soutenir les néo-nazis ukrainiens...), je vous encourage à vous préparer pour recevoir comme il se doit nos libérateurs (envahisseurs) d’outre Volga.
A défaut d’une ascendance noble russe qui pourrait vous sauver la mise, être français n’est pas très en vogue au Kremlin en ce moment. Pas de panique, en attendant nos habituels sauveurs Étasuniens (encore que, cette fois...), vous pouvez toujours tenter de dénicher le petit ouvrage de Pierre Antilogus et Philippe Trétiack "Bienvenue à l’armée rouge", pour accueillir comme il se doit nos nouveaux amis cosaques et autres soudards Kalmouks. Bien que sa thématique soit connotée guerre froide et communisme, la plupart des recettes sont encore largement applicables.
Ne pouvant évidemment me séparer de mon unique exemplaire, je peux en céder les bonnes pages en format PDF, contre la modique somme de 500.000€ (Francs également acceptés, car à mon avis l’Euro...). Je vous offre tout de même le geste qui sauve histoire de prouver ma bonne foi :
Toujours issu de cet ouvrage de référence, je vous offre une phrase clef pour vous sauver la mise en cas de rencontre impromptue avec un sémillant officier venu de sa lointaine république de Karatchaïévo-Tcherkessie :
"Okazyvaiésa, vy byli pravy, gospodine offitsère" (finalement, monsieur l’Officier, c’est vous qui avez raison.)
Dernier conseil avant l’invasion : je ne saurais trop vous conseiller de vous débarrasser fissa-fissa des œuvres de ce va t’en guerre de BHL qui pourraient encore trainer sur vos étagères. Le russe n’est pas forcément et systématiquement antisémite, mais ce spécimen-là les a agacé un tantinet, voyez-vous... (encore que, je ne vois pas pourquoi, vous, lecteurs de ce blog, vous auriez un livre de ce présomptueux gugusse qu’on veillera à envoyer au fin fond de la Sibérie. Pire qu’une faute de goût, une faute contre la littérature et contre l’amitié franco-russe !). Quant au livre "Inna" de Caroline Fourest, comment vous expliquer...
Quant à moi, je file séance tenante à la paroisse Orthodoxe Saint Basile et Saint Alexis de Nantes, histoire d’envisager une conversion expresse, bien que sincère.
« Quant à moi, j’attends les Cosaques et le Saint-Esprit ! Tout le reste n’est qu’ordure » (Léon Bloy, un visionnaire...).
Merci à notre ami Soudarded pour cette article toujours grincant et plein d’humour.
http://www.actionfrancaise.net/craf/?Bienvenue-a-l-armee-de-Poutine
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Crimée, Ukraine, Russie...
La Crimée se rappelle au souvenir de l’histoire : il est difficile d’oublier que c’est dans une de ses stations balnéaires prisées des Russes depuis le milieu du XIXe siècle, Yalta, que s’est tenue, un jour de février 1945, cette conférence qui a, en fait, préparé la division durable du continent européen en deux blocs antagonistes sans être forcément bellicistes l’un envers l’autre, inaugurant un équilibre fort injuste (en particulier pour les populations elles-mêmes à qui l’on a guère demandé leur avis...) mais qui a autant permis la naissance d’une communauté européenne que le maintien d’une paix froide sur le continent durant près d’un demi-siècle.
Le dégel consécutif à l’effondrement de l’Union soviétique a entraîné la dislocation de cet empire communiste dominé par la Russie et la naissance de nouveaux pays dont l’Ukraine, sur des frontières en partie redessinées par Nikita Khrouchtchev en 1954 ( en particulier pour le cas de la Crimée, rattachée arbitrairement à l’élément ukrainien) quand l’appartenance de celle-ci à l’ensemble russe ne semblait plus devoir poser de problèmes ni de contestations. Or, la Crimée occupe une situation stratégique sur la Mer noire que ne peut négliger le gouvernement russe, surtout depuis qu’il a renoué avec la logique de puissance !
Aussi, les événements des derniers jours ne peuvent laisser indifférent mais doivent être regardés avec une certaine hauteur historique et géopolitique si l’on veut éviter les parti-pris inefficaces, et les malentendus toujours malvenus lorsqu’il s’agit de peser les risques et d’en éviter les effets parfois catastrophiques : mieux vaut éviter, parfois, de convoquer la morale (plus belligène qu’on ne le croit généralement) mais être plus soucieux de l’équilibre et de la justesse, mères de la paix possible...
Or, les réactions occidentales à la défiance de M. Poutine face aux nouvelles autorités ukrainiennes nées de la révolution de la place Maïdan ont été plus maladroites que véritablement bénéfiques pour la concorde dans cette région compliquée par la question des nationalités et des langues : il n’est d’ailleurs pas indifférent de constater que c’est la question linguistique qui a provoquée une sorte de sécession de l’Ukraine de l’est la semaine passée, lorsque les nouveaux maîtres de Kiev ont fait voter à la Rada (le parlement ukrainien) l’interdiction du russe comme deuxième langue officielle de l’Ukraine, interdiction désormais suspendue par le président par intérim. Pour engager un dialogue constructif avec la Russie, sans doute aurait-il été bienvenu que les Etats occidentaux soutenant le processus révolutionnaire en cours aient été plus réactifs sur ce point, en déconseillant ouvertement aux nouvelles autorités cet ostracisme linguistique et en insistant sur ce qui pouvait réunir plutôt que diviser un pays à l’unité déjà profondément ébranlé : occasion manquée, malheureusement, ce que ne manque pas de souligner l’Union des Russophones de France dans un communiqué attristé déplorant « la complaisance des autorités françaises et de l’Union européenne à l’égard de cette mesure [d’interdiction du russe] du pouvoir révolutionnaire de Kiev qui constitue une violation directe et caractérisée des principes même de l’Union européenne et, au-delà, de toute l’Europe »...
La suite sur le blog de Jean-Philippe Chauvin