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international - Page 798

  • « Super Tuesday » : la fin du Parti républicain ?

    Les politiciens prélèvent, redistribuent ou gaspillent la richesse créée par d’autres, selon leur conception du pouvoir. Ainsi va Clinton. Les entreprises pillent, extraient ou créent de la richesse selon leur sens de l’éthique. Voilà pour Trump.
    Dans ce « Super Tuesday », Trump a directement noué avec les masses en remportant 203 délégués et remportant la victoire dans 7 États sur 11. Il domine dans le Sud « biblique », dans le Nord-Est « socialiste » et dans la « politiquement correcte » Virginie, faubourg de Washington. Plus important : il a suscité un ralliement record de nouveaux électeurs, alors que la participation aux scrutins démocrates était en diminution ou stagnante. Voilà pour le renouveau. Le secret : commencer par dire le pourquoi, avant le comment et le quoi.
    Comme l’explique Simon Sinek, le conférencier d’entreprise du Rand Institute, inventeur du modèle “Start With Why” (commencer par le pourquoi), « tous les chefs d’entreprise savent décrire ce qu’ils font (le “quoi”) […] un certain nombre (mais pas tous) savent décrire “comment” ils le font […]. Mais seule une infime minorité sait dire “pourquoi”.
    Idem en politique : cette grille permet de comprendre l’incroyable paresse mentale du technocratique establishment républicain qui considérait Donald Trump voué à l’implosion parce que son programme était primaire (exact), et parce que l’histrion était ridicule sur l’explication du « comment » (exact). Ils n’avaient simplement pas compris que Trump était le seul à présenter un « pourquoi » à la population. Laquelle a acheté le destin avant le programme, qui devient secondaire à un « pourquoi » de taille : une restauration souverainiste et antimondialiste…
    Pour les républicains, piper les dés des primaires avec 16 faux candidats sur 17 et des centaines de millions de financements électoraux ne servait donc à rien. Dans cette affaire, Trump ridiculise l’élite qui a gaspillé son investissement sur des « idiots-intelligents », tout comme il offre à la classe politique et médiatique le spectacle ni plus ni moins d’une OPA sur un parti en existence depuis 1854. Citant Gandhi, l’ancien Speaker républicain Newt Gingrich résumait cette situation sur Fox News :
    D’abord, ils m’ont ignoré, ensuite ils se sont ri de moi, puis ils m’ont combattu, enfin je les ai battus.
    Et Gingrich de rajouter :
    … le parti a un choix… ou bien continuer à harceler le vainqueur comme en 1964 avec Goldwater, et c’est la fin ; ou bien se rallier derrière [Trump] comme ils le firent avec le controversé Reagan en 1980… Et ouvrir la voie à l’une des meilleures présidences des États-Unis… N’oublions pas que les trois dissidents Trump-Cruz-Carson représentent plus de 70 % de l’électorat républicain ou apparenté !
    Mais l’argent anti-Trump s’est déjà levé (@StopTrumpPAC), présentant pêle-mêle le milliardaire comme gauchiste, fasciste, pro-immigration illégale, pro-avortement, mêlé à la mafia, complice du Ku Klux Klan, langue fourchue et escroc des petites gens, puis laissant filtrer diverses stratégies pour le « sortir » : stratégie « Romney » (1re ligne de défense), candidature indépendante hors parti des « vrais conservateurs » (2e ligne de défense), ralliement à Bloomberg (3e ligne).
    La chroniqueuse républicaine Sarah Elizabeth Cupp affirmait il y a un mois sur CNN : « Peu importe que Hillary gagne, pourvu que notre parti sauve son âme. » Les partis croupions auraient donc une âme…

    André Archimbaud Boulevard Voltaire :: lien

    http://www.voxnr.com/cc/etranger/EuVZpkkFEALiXNAzkA.shtml

  • Trump et la gauche Banania

    Dans le Nevada, 44% des électeurs latinos ont voté pour Trump contre 29% pour Marco Rubio, dont les origines n’ont pas eu l’effet escompté.

    La gauche morale a presque tout perdu sous les coups du réel. Il ne lui reste plus guère, comme fonds de commerce, que la culpabilisation de l’homme blanc. Elle se complaît dans la victimisation des immigrés présumés irresponsables dans une version paternaliste et rose vif de Tintin au Congo.

    Le monde étant ce qu’il est, même les moralistes doivent bien vivre et gagner des élections. Le think tank français de gauche, Terra Nova, recommande ainsi de s’appuyer sur les minorités en partant du principe qu’elles voteront pour quelqu’un issu de leur rang ou qui défend leurs intérêts particuliers. Opposées à une majorité nationale fragmentée, elles seraient la clef de la victoire. Il est sans doute inconscient d’appuyer sur des fractures pouvant aboutir à la libanisation du pays. Passons, c’est l’avenir, pense la gauche, et on sait à quel point elle aime être dans le sens de l’Histoire, quel qu’en soit le prix à payer pour les autres. Le préjugé méprisant selon lequel les minorités ethniques ou sexuelles seraient incapables de s’intégrer au point de réagir en citoyens et non en opprimés fait pourtant long feu.

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  • La Zone Grise: Daech, le vivre-ensemble ou les Croisades

    Dabiq, le fanzine de l’Etat Islamique, a dévoilé cette année un concept important pour comprendre leur stratégie: la Zone Grise. La Zone Grise est un éditorial de 10 pages décrivant la zone « entre chien et loup » que beaucoup de musulmans occupent aujourd’hui dans le monde. C’est la zone entre le bien et le mal, entre le Califat et les Nations. C’est la zone du non-choix, de l’hésitation, de la compromission quotidienne, des petits arrangements avec soi-même.

    Et c’est la zone qui met mal à l’aise tout le monde. Trois théories s’opposent:

    Théorie n°1: La Grande Clarification

    George Bush et Daech sont d’accord: « Soit vous êtes avec nous, soit vous êtes avec les terroristes »

    C’est la théorie de la Grande Clarification. Chacun dans son camp. On se met sur la gueule et que le meilleur gagne. Tactique gagnante du FLN en Algérie (les « gentils » pied-noirs se sont fait virer tout aussi bien que les « méchants », et tous les « collabos » pourchassés, assassinés) ou encore d’Isabelle la Catholique en Espagne (Reconquista qui n’a pas fait dans le détail, les juifs d’Espagne faisant partie du nettoyage)

    Théorie n°2: Le vivre-ensemble

    Vous en êtes convaincu, Daech est un dévoiement de l’Islam, les terroristes ne sont que des déséquilibrés, la République est la plus forte, « United We Stand », Esprit Charlie, es-tu là ?, etc.

    Sans le savoir, vous êtes partisan de la Grande Clarification, car pour vous il est évident que les musulmans de France ont déjà choisi leur camp, celui de la France, du Progrès, des Lumières.

    Michel Houellebecq a lui décrit une fin alternative pour cette théorie dans son livre « Soumission ». La conséquence logique si le pari sur le « ralliement » des masses musulmanes s’avérait faux.

    Théorie n°3: Business as usual

    L’important, c’est le Business. Chercher les ressources là où elles sont, mettre des gouvernements favorables aux multinationales, effacer les frontières. La Zone Grise ? Il n’y a pas de zone, pas de communauté, pas de Nation, mais que des individus nomades consommateurs.

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  • Trêve syrienne : les Russes en force, les Turcs sous pression

    Beaucoup de personnes se demandent pourquoi l’axe Russie-Damas-Iran-Hezbollah a accepté un cessez-le-feu en Syrie alors qu’il était en phase de reconquête.
    Il y a plusieurs raisons à cela et de fins observateurs les ont déjà données : négocier en position de force, remettre Assad au centre du jeu (plus personne ne demande son départ), couper l’herbe sous le pied aux Saoudo-turcs…

    Pour ma part, l’un des éléments qui me paraît le plus important est, selon une antique tactique russe, le saucissonnage de la rébellion.

    L’opposition à Assad est en ruines et divisée comme jamais entre ceux (minoritaires mais médiatiques) qui ont accepté la trêve et ceux, les djihadistes (majoritaires), qui la refusent. Désormais, toute ambiguïté est levée et le « camp du Bien » ne trouvera rien à y redire : ceux qui continuent le combat contre Assad sont des terroristes qu’il faudra traiter comme tel.

    On imagine l’immense malaise dans les salles de rédaction de la mafia médiatique occidentale… Déjà, des craquelures apparaissent dans des publications pourtant peu favorables à la position russe (Politico, Boston Globe, même Fox News qui nous fait un timide pas de danse).

    Cette trêve permet ainsi de mettre le camp du Bien face à ses contradictions et de révéler au grand jour qui est qui en Syrie et qui soutient qui. Or, il n’aura fallu qu’un jour à la Turquie pour se faire prendre le doigt dans le pot de confiture !

    Déjà terriblement isolée par une politique dont tout le monde reconnaît maintenant le caractère désastreux et sous forte pression économique de la part de Moscou, la Turquie d’Erdogan a tout perdu en Syrie. Non seulement il n’est évidemment plus question de renverser Assad depuis l’intervention automnale russe, mais il n’est même plus possible de faire quoi que ce soit contre les Kurdes ni d’avoir une quelconque voix au chapitre sur le futur syrien depuis la bourde du 24 novembre. Un flop retentissant dont il n’est pas sûr qu’Erdogan se remettre…

    Or, à peine le cessez-le-feu entré en vigueur, voilà que le sultan semble avoir fait une nouvelle ânerie. Tell Abyad, tenue par les YPG kurdes, a été bombardée depuis le territoire turc. L’armée turque s’est empressée de nier toute implication (on a connu Ankara moins beaucoup timide il n’y a pas si longtemps…), mais l’important est que les Russes se sont aussitôt tournés vers les Américains pour leur demander des explications.

    Et là, plus de faux fuyant possible. Si leur allié turc rompt la trêve si difficilement obtenue et dont les Etats-Unis sont l’un des garants, ils se verront dans l’obligation d’agir. Pour Moscou, mettre Washington en face de ses énormes contradictions et enfoncer un coin peut-être définitif entre l’OTAN et la Turquie n’est pas le moindre des avantages de cette cessation des hostilités.
    Observatus geopoliticus

    Source: Chroniques du Grand jeu
    http://www.voxnr.com/cc/etranger/EuVyllkAEASDeZMTWD.shtml

  • La réalité derrière l’arc-en-ciel de l’Afrique du Sud

    Lorsque le 5 décembre 2013, le gouvernement sud-africain annonce officiellement la mort de « Madiba Nelson Mandela », c’est un hommage quasi-unanime que rend la communauté internationale à celui qui avait contribué par son combat quotidien,  à la chute du système de ségrégation raciale (apartheid), mis en place en 1948. Mais derrière ce manichéisme, dont la presse nous abreuve depuis des décennies, la réalité est moins multicolore qu’elle n’y paraît sous l’arc-en-ciel sud-africain. Décryptage d’un pays qui s’enfonce lentement vers l’explosion.

    Le 27 avril 1994, les premières élections législatives multiraciales portent au pouvoir l’African National Congress (ANC) de Nelson Mandela qui remporte 63% des suffrages loin devant les 20% du très blanc National Party de Frederik de Klerk et  du zoulou Inkhata Freedom Party avec 11% des voix. Après avoir passé 18 ans sur l’île-prison de Robben Island où il était enfermé depuis le procès de Rivonia en 1964, 6 ans dans une prison près de Paarl et ses 2 dernières années en résidence surveillée,  Nelson Mandela prête enfin serment comme le premier Président noir de l’Afrique du Sud. C’est le dernier pays de l’Afrique, dirigé par des blancs (afrikaners), a enfin avoir accordé à sa majorité noire le droit de vote après le Zimbabwe en 1980 et la Namibie en 1990. Avec son arrivée au pouvoir, le pays peut désormais oublier ses 3 ans de guerre civile (1991-1994) qui ont précipité les ethnies les unes contre les autres, les noirs contre les afrikaners ou divisé tous les partis politiques sur les alliances à adopter. L’ANC avait alors basé le programme de sa campagne sur une Afrique du Sud non raciale, sociale et égalitaire.

    Dès le début de sa présidence, Mandela va subir les pressions, non seulement de la part des cadres de l’ANC mais aussi des tenants de l’ancien régime. Les premiers reprochent au héros de la lutte contre l’apartheid et prix  Nobel de la paix d’avoir une attitude trop conciliante vis-à-vis des afrikaners quand ces derniers lui reprochent à leur tour de tenter de supprimer la culture boer. Au sein du gouvernement multiracial qui a consacré la nomination de 2 vice-présidents (Thabo Mbeki pour l’ANC et De Klerk pour le NP), c’est la crispation. Il éclate en juin 1996 après la proclamation de la nouvelle constitution. Aucune des demandes du NP n’a été satisfaite, de l’enseignement libre en afrikaans au droit des patrons de fermer leurs usines en cas de grève. Marginalisé, le NP va se dissoudre en 2004 et laisser ses membres les plus conservateurs, rejoindre le Freedom Front. Ce parti d’extrême-droite de l’afrikanerdom qui avait accepté de rejoindre in extrémis les élections contre la vaine promesse d’un référendum sur la création d’un volkstaat (état)  blanc.

    La mise en place de l’Affirmative action, qui impose un certain quota de blancs, noirs, indiens dans les entreprises, va jeter dans les rues des milliers de petits blancs que l’ancien système protégeait à outrance. Si le gouvernement accélère la construction de centaines de milliers de logements avec accès à l’eau potable, la réforme agraire de redistribution des terres tarde à venir et le programme social est rapidement abandonné au profit d’un choix économique plus libéral. La corruption entre de plein fouet dans le gouvernement avec ce scandale qui va forcer Winnie Madikezla-Mandela à démissionner de son poste de vice-ministre de la Culture, seulement quelques mois après sa prise de fonction. L’épouse de Nelson Mandela est sulfureuse, suspectée d’avoir organisé le meurtre d’un opposant au sein de l’ANC et tient régulièrement un discours très radical qui plaît aux noirs issus des townships mais qui déplaît fortement à l’ANC. La politique étrangère du pays sera un échec palpable qui écornera l’image de Mandela. Lors de son départ du pouvoir (1999), sa présidence est jugée internationalement plus que mitigée. On est loin de l’image édulcorée voulue par le film « Invictus », produit par l’acteur Clint Eastwood, montrant copieusement un Nelson Mandela réussissant à rassembler pacifiquement les ennemis d’hier sous son aile. Les tensions raciales demeurent présentes comme les inégalités sociales qui ont renforcé le pouvoir des principaux syndicats de gauche comme la COSATU.

    L’après-Mandela a vu se succéder le falot Thabo Mbeki (1999-2008)  dont la présidence rejeta  systématiquement en bloc la thèse selon laquelle le syndrome d’immunodéficience ne serait pas lié au VIH, accusant les groupes pharmaceutiques de se faire de l’argent sur le dos de l’Afrique et refusant tous traitements anti-rétroviraux (l’Afrique du Sud a été toutefois  le premier pays d’Afrique à légaliser l’homosexualité).  Puis le fantasque et controversé Jacob Zuma  qui incarne aujourd’hui  « l’appétit insatiable d’enrichissement et de pouvoir qui règne parmi les cadres de l’ANC ». Avec 42% de jeunes de moins de 30 ans, la hausse constante des prix, une croissance en berne,  le népotisme qui frappe le gouvernement,  cette mosaïque d’ethnies et de clans qu’est l’Afrique du Sud menace aujourd’hui d’éclater dangereusement.

    De nouvelles velléités indépendantistes ont refait surface avec des rois traditionnels qui ne cachent plus leur volonté de recouvrir ces indépendances acquises du temps de l’apartheid et qui les avaient érigés en bantoustans autonomes. Une partie de l’électorat noir s’est de nouveau radicalisé (notamment parmi les étudiants qui n’hésitent pas à s’attaquer aux statues représentant des figures du panthéon afrikaner) et a rejoint les rangs du populiste de gauche Julius Malema, dont le mouvement est devenu le second parti d’opposition noir lors des élections de 2014. Expulsé de l’ANC, cet ambitieux politicien, toujours coiffé d’un béret rouge révolutionnaire, ne cache pas son admiration pour Robert Mugabe, président du Zimbabwe (qui a ruiné économiquement son pays), ni sa haine des afrikaners à qui il a promis à chacun une balle. Sa verbe fait mouche auprès des déçus de l’ANC qui peine à réduire ces fameuses inégalités et les townships qui restent encore une mauvaise vitrine de l’Afrique du Sud post-apartheid. Pourtant le pays reste encore très attractif pour ses voisins avec un revers de médaille. L’immigration en masse, notamment dans les régions minières, a provoqué de fortes tensions l’année dernière avec des émeutes anti –migrants ou des grèves qui se sont terminées dans le sang comme avec la répression de Marikana en 2014 (34 morts, 78 blessés).

    La mort de Nelson Mandela a brisé tous les remparts de tolérance que cette figure tutélaire imposait naturellement à l’Afrique du Sud. Si les tensions raciales n’ont pas encore mené le pays vers une guerre civile, les disparités demeurent. Aucune des communautés ne se mélange encore. Pis les afrikaners se sont réfugiés dans des quartiers résidentiels ultra –sécurisés avec la nouvelle classe émergente de de la bourgeoisie noire (Blacks diamonds) ou dans des villes-forteresse, refusant le moindre contact avec des africains (Orania). Avec 45 meurtres par jour en moyenne, le pays reste l’un des états de l’Afrique australe les plus dangereux.  2000 à 4000 fermiers blancs ont été tués depuis 1994. Démobilisés avec la fin de l’apartheid, les anciens guérilleros de l’aile militaire de l’ANC (Umkonto We Sizwe ou fer de lance de la nation) ou du PanAfrican Congress se sont reconvertis en meurtriers. Pour protester contre ce qu’ils considèrent comme « un génocide », les leaders afrikaners ou des chanteurs connus ont lancé conjointement une campagne appelée « Octobre rouge » (2013). Drapeaux de l’ancienne Afrique du Sud, protection des monuments liés à l’histoire boer, les afrikaners (8% de la population) réclame toujours l’établissement d’un Volkstaat.  Le violent assassinat en 2010 du trublion leader du mouvement de résistance afrikaner (AWB), Eugène Terreblanche, a laissé une extrême-droite orpheline mais néanmoins toujours présente dans la vie politique du pays.  Fracturée en divers groupes, elle a essayé d’organiser depuis 1994 des tentatives de déstabilisation, sans grands succès. Son vote est tout aussi divisé  lors des élections et se reporte majoritairement vers le Democratic Party, qui bien que multiracial et premier parti d’opposition, a placé une afrikaner (Helen Zille) à la tête de la province du Cap depuis 2009.

    Leur situation en Afrique du Sud reste pourtant toujours dominante. 80 % des entreprises sont toujours dirigées par des afrikaners, « le chômage touche plus de 25 % de la population noire, contre environ 5 % chez les Blancs », ils ont accès à un meilleur enseignement  et gagne toujours 6 fois plus qu’une famille noire tout comme la communauté indienne d’Afrique du Sud qui dirige les activités commerciales du pays. Mais pour les plus conservateurs d’entre eux qui restent actifs au Freedom Front ou au National Front, les afrikaners sont victimes « d’un apartheid à l’envers » et craignent que le pays ne devienne un nouveau Zimbabwe.  

    En 2016, le pays va donc devoir faire face à d’importants défis. Acteur majeur des BRICS (organisation composée du Brésil, la Russie, l’Inde et de la Chine), l’Afrique du sud connaît déjà de fortes tensions sociales et raciales (en février des émeutes entre noirs et afrikaners ont éclaté sur le campus de l’université de Pretoria), une monnaie (Rand) qui a chuté  et perdu ¼ de sa valeur face au dollar, un président accusé de corruption et contesté au sein même de l’ANC, déjà victime d’une scission de son parti en 2008. Si le pays reste encore un des géants du continent africain, les espoirs des 1994 se sont définitivement envolés. L’Afrique du Sud est désormais au bord de la guerre civile et les élections municipales prévues en août 2016 vont être déterminantes pour l’avenir du pays.  

    La nation arc-en-ciel a définitivement enterré Nelson Mandela ! Elle écrit un nouveau chapitre de son histoire déjà bien tumultueuse.

    Frédéric de Natal

    http://www.vexilla-galliae.fr/actualites/europe-international/1834-la-realite-derriere-l-arc-en-ciel-de-l-afrique-du-sud

  • La diplomatie française : tradition et rupture (entretien avec Roland Dumas)

  • Donald Trump. Qu'il accède rapidement à la Maison Blanche

    Quel que soit le jugement porté sur « le Donald » et ses idées, l'Europe si elle voulait échapper à l'atlantisme qui l'étouffe, devrait fortement souhaiter son élection à la présidence américaine. Article mis-à-jour au 24/02

    Note au 24/02/2016
    Depuis la première publication de cet article le 16/12/2015, Donald Trump s'est révélé être un personnage très doué. Il paraît désormais capable, volontairement ou non, de bousculer le Système incarné dans le monde par l'Amérique. Ses succès électoraux répétés montrent qu'il recueille de plus en plus d'appuis dans un corps politique populaire qu'il est difficile de caractériser précisément, mais qui paraît très éloigné des soutiens traditionnels du Parti Républicain. Au contraire, ses électeurs paraissent proches sur beaucoup de points des électeurs votant pour Bernie Sanders.

    Nous attendrons les résultats des élections présidentielles proprement dites pour hasarder un essai d'analyse du phénomène Trump et des raisons de son succès. Disons seulement, à la date du 24/02, que, surtout s'il gagne le “Super Tuesday” , The Donald confirmerait d'une façon extrêmement puissante la probabilité qu'il soit désigné comme candidat républicain. Nous suivrons évidemment attentivement le suite des évènements.

    Concernant les Démocrates, il paraît encore peu probable que Bernie Sanders soit nommé leur candidat, tellement fortes sont les pressions du Système pour éliminer (y compris peut-être physiquement, un accident est vite arrivé) un candidat si loin de représenter les intérêts que sert encore Hillary Clinton. Disons seulement que si Clinton réussissait, à coup de corruptions et de chantages, à éliminer Sanders, elle trouverait en Trump un adversaire tout à fait capable de la ridiculiser.
    Dans le camp des Républicains, il semble, quelques semaines avant le début des primaires, que Donald Trump recueille une majorité de suffrages. Ceci n'a rien d'étonnant lorsque l'on constate l'inexistence de ses concurrents, dont en ce qui nous nous concerne nous avons peine aujourd'hui à retenir le moindre nom. Tous sont les représentants d'une Amérique néo-conservatrice, militariste, dominée par les puissances financières, n'ayant que du mépris pour les autres Etats du monde, les Etats européens en premier lieu.

    Mais à supposer que ce soit les Démocrates qui l'emportent, leur championne très probable, Hillary Clinton, ne se distinguera en rien des plus dangereux des Républicains. Au contraire, s'appuyant sur son expérience politique, elle les dépassera en militarisme, provocations à l'égard de la Russie, mépris de l'Europe, haine des milieux politiques américains dits alternatifs qui sauvent actuellement l'honneur de l'Amérique. Du fait de son nom, Clinton, comme du fait de son sexe, elle pourra donner quelques illusions sur son ouverture d'esprit, notamment dans les milieux européens atlantistes. Ils déchanteront vite.

    Une présidence Hillary Clinton maintiendrait en fait l'Europe pendant des années au niveau qui est le sien aujourd'hui, celui de sous-colonie américaine. De plus, elle enfermerait l'Europe dans une hystérie anti-russe dont pour le moment, certains gouvernements européens cherchent à se dégager.

    Cependant  Donald Trump à la Maison Blanche ne serait-il pas pire encore pour les Européens? Au pouvoir, «  The Donald » n'échapperait sans doute pas malgré son bagout, aux forces de l' « Etat profond » qui le contraindraient à rester dans la ligne des intérêts américains les plus obtus. A moins que...

    ...A moins que, emporté par son hubris, il n'émette quelques propositions de bon sens qui seraient utiles non seulement à l'Amérique mais aux Européens, se rapprocher de Moscou et de Pékin par exemple. Tout Démocrate qu'il soit, Obama s'est révélé jusqu'à ce jour incapable de le faire, poussant le monde aux bords d'une 3e guerre mondiale. Un Donald pourrait peut-être y réussir.
    ...A moins que aussi, dans le chahut permanent qu'il provoquerait s'il restait fidèle à son tempérament, de véritables mouvements de contestation sur un mode Occupy Wall Street amélioré ne puissent réapparaître et se faire entendre de tous ceux, aux Etats-Unis comme en Europe, qui rejettent en entier ce qu'ils nomment le Système.

    Notes
    * Sur Donald Trump et l'immigration provenant des pays du Moyen-Orient, voir notre article 

    http://www.europesolidaire.eu/article.php?article_id=2007&r_id=

    * Le point de vue du World Socialist Web Site. L'élection de Trump ouvrirait  les yeux de ceux qui l'ignoreraient encore sur ce qu'est en fait le système américain.

    http://www.wsws.org/en/articles/2015/12/10/pers-d10.html

    * Sur Hillary Clinton, un jugement que nous ne sommes pas loin de partager

    http://lesakerfrancophone.net/hillary-clinton-la-candidate-de-wall-street/

    * Sur France Inter, au 7/9 du 18/12, Bernard Guetta, chargé de la chronique Géostratégie, s'est permis de comparer Trump à Poutine, en disant qu'au fond rien ne séparait les deux hommes. Il est honteux de constater que sur une radiodiffusion nationale, un chroniqueur important se permette de lancer des attaques ad hominem aussi vicieuses, sans que personne ne réagisse. Mais ceci pourrait s'expliquer par la découverte horrifiée que l'éventualité évoquée à la fin de notre article, un rapprochement entre Trump devenu Président des Etats-unis, et Vladimir Poutine, ne serait pas impossible.

    Jean Paul Baquiast 16/12/2015
     
  • Marché transatlantique, « clan atlantiste »: une menace (aussi) pour nos agriculteurs

    Succédant à François Hollande sévèrement conspué par des agriculteurs étranglés, notamment des éleveurs en grande situation de détresse, Manuel Valls a reçu lui aussi un accueil houleux ce matin lors de sa visite au Salon de l’agriculture,   en présence du ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll et du président de la très décriée FNSEA,  Xavier Beulin. Une  agriculture française, répétons-le, qui contrairement  aux mensonges assénés  et répétés ad nauseam, n’est pas la grande bénéficiaire de la Politique agricole commune ( PAC), du  principe de la concurrence libre et non faussée qui a principalement profité  à l’agro industrie et aux spéculateurs.  Périco Légasse le rappelait dans un long entretien au Figaro, «ce salon a un sens très profond, celui de consacrer le triomphe de l’industrie agricole par l’éradication de l’agriculture paysanne. (…). Quand je vois le panneau géant à l’enseigne d’un célèbre distributeur low cost au milieu des vaches laitières alors que ses magasins vendent un infâme liquide blanc d’importation, en briques UHT, qui ruine les éleveurs français, je pense que la provocation a des limites. C’est la foire des voyous qui viennent narguer les gens qu’ils rackettent et tout le monde se balade dans ces allées en se disant que cette cohabitation est un formidable signe d’évolution sociale. De qui se moque-t-on? »

    Périco Légasse parle juste quand il souligne également la nécessité pour les Français d’être des consommateurs responsables, voire ajouterons nous de faire preuve aussi plus largement d’unnationalisme de la fourchette dans leurs achats. «Quand il en a les moyens financiers dit-il , et qu’il ne change rien à ses mœurs alimentaires dans le sens d’une attitude responsable et citoyenne, le consommateur participe aussi à l’effondrement de notre patrimoine agricole. D’où l’urgence, on ne le répètera jamais assez, d’une information civique pour les adultes sur les enjeux de consommation et une éducation du goût pour les générations qui constitueront la clientèle de demain.»

    Il est légitime de penser en tout cas que l’Etat serait plus inspiré de lancer des campagnes et des actions concrètes sur ce thème.  Plutôt que de mobiliser des millions, par exemple, pour financer les officines antinationales et sa propagande de lutte contre les discriminations  et pour le vivre-ensemble,  alors qu’un  pan entier de notre monde paysan est littéralement en train de crever.

    Les menaces sur le devenir de notre agriculture sont encore exacerbées par le Marché transatlantique (TTIP ou TAFTA), dont le but affiché est de lever certaines barrières commerciales, pour créer à terme un marché de 850 millions de consommateurs. Il s’agirait ainsi , c’est en tout cas comme cela que ce Tafta nous  est vendu, de  contenir et de faire pièce au rouleau compresseur chinois.

    Il nous est même promis que cet accord  qualifié de  gagnant-gagnant le serait encore plus pour les Européens, avec environ 120 milliards d’euros introduit dans  le circuit économique européen et 95 milliards «seulement» dans celui des Etats-Unis.  C’est là  le scénario idéal,  hollywoodien,  qui est présenté par  le Commissaire européen aux affaires économiques, l’inénarrable Pierre Moscovici.

    Reste que depuis Maastricht, nous avons appris légitimement à nous méfier des contes de fées racontés par les Bruxellois. Il n’échappe à personne que les négociations entre l’UE et lesEtats-Unis menées sous la mention restricted imposée par Washington, sont  d’une rare opacité, les documents rédigés en anglais sont notamment interdits de traduction et peu ou pas consultables par les élus.  Lesdites négociations  se poursuivent actuellement,  avec l’ouverture d’un nouveauround le 22 février à Bruxelles. Les négociateurs ont indiqué vendredi qu’un accord serait en vue d’ici à la fin de l’année.

    M. Légasse partage sur ce point le scepticisme et l’inquiétude du FN quand il affirme qu’ «aujourd’hui le cancer de l’Union européenne est le clan atlantiste qui agit au sein des institutions. Les conditions de la négociation sur le Traité transatlantique (…), sont hallucinantes. Le silence qui entoure ces tractations conduites pas des gens sans mandats ni représentativité prouve que quelque chose d’illicite se trame entre Bruxelles et Washington. A Paris, le thème est tabou quand on questionne le sommet de l’Etat: Ne vous inquiétez pas, ça ne pourra pas aboutir, l’Allemagne s’y opposera. Pour le coup, ce TAFTA est une grosse météorite américaine qui peut un jour nous tomber dessus.»

    Météorite qui précipiterait l’Armageddon à  venir,  sachant que c’est bien  le sort de notre agriculture qui se joue avec le Marché transatlantique. Fils d’agriculteur, le député socialiste Belge Marc Tarabella (souvent beaucoup moins bien inspiré) a fait état en décembre dernier d’ unrapport du ministère américain de l’agriculture. Il traite du TIPP qui, dores et déjà,  couplé à la production agricole américaine, garantit un revenu minimum aux agriculteurs d’outre-Atlantique, alors que le nôtres sont soumis à une PAC qui a été dépouillée de tous  mécanismes de régulation.

    Selon cet élu socialiste (qui devrait en parler à ses collègues…)  indiquait le site de RTL Belgique, les «conclusions (dudit rapport)  sont sans appel : d’une part, le secteur agricole Européen serait le grand perdant de cet échange, d’autre part les européens pourraient même subir des effets négatifs en cas d’accord. De l’aveu même des américains, les Européens n’ont pas grand-chose à y gagner (…). Plusieurs scénarii sont envisagés par les Américains. Deux leur sont extrêmement favorables. Il s’agit premièrement de l’abolition des droits de douane, qui rapporterait 5,5 milliards de dollars aux Etats-Unis là où l’Union européenne ne gagnerait que 800 millions. Le second serait cette même abolition à laquelle on ajouterait la suppression des mesures non tarifaires. Là, les USA gagneraient 10 milliards de dollars tandis que l’Union européenne seulement 2 milliards.»

    «Cette disproportion entre les gains potentiels au niveau agriculture de la signature d’un tel accord transatlantique –qualifiée de déséquilibre astronomique par Marc Tarabella- aurait de lourdes conséquences pour notre agriculture. En effet, cette nouvelle concurrence ferait plonger les prix pour les producteurs européens (…). Dans le texte, on peut également lire que le scénario qui serait néfaste (aux Américains, NDLR) serait celui de citoyens faisant de la qualité et des questions sanitaires une priorité (…). Les autorités US expliquent qu’alors les consommateurs se tourneraient vers la production locale. Dans un tel cas, les Américains conviennent que le TTIP n’aurait aucun intérêt. On imagine volontiers toute la détermination outre Atlantique d’éviter un tel scénario catastrophe pour les entreprises US.».

    Le problème étant que nous doutons pour notre part des capacités des technocrates de l’UE à défendre non seulement l’agriculture européenne, mais  ce qui nous préoccupe  au premier chef, à savoir le devenir de  l’agriculture française D’ABORD. Agriculture nationale  qui est aussi rappelle Bruno Gollnisch,  et c’est tout sauf un détail dans les décennies troublées et lourdes de menaces à venir, une arme commerciale de plus en plus en jachère, mais aussi le gage de notre sécurité et de notre indépendance alimentaire.

    http://gollnisch.com/2016/02/29/marche-transatlantique-une-menace-aussi-pour-nos-agriculteurs/

  • « Afrique : le cauchemar démographique » présenté par Yves-Marie Laulan et « Africanistan » de Serge Michaïlof

    Le 15 mai 2015, l’Institut de géopolitique des populations organisait un colloque sur le thème « Afrique : le cauchemar démographique ». Les actes en ont été publiés aux éditions L’Æncre dans un opuscule qui mérite de retenir l’attention.

    A la question qui constituait le sous-titre de la manifestation : Les 4,2 milliards d’Africains pourront-ils submerger l’Europe ? les intervenants ont apporté une réponse qui n’est certes pas exempte de motifs d’espérance, mais qui n’est finalement pas très encourageante.

    La plupart des orateurs sont connus pour leur expertise des questions relatives à l’Afrique et à la démographie. A tout seigneur tout honneur, Yves-Marie Laulan, en sa qualité de président de l’IGP, situe en introduction, avec son talent habituel, les certitudes mais aussi les incertitudes et les enjeux du problème de l’explosion démographique de l’Afrique Noire : baisse continue de la mortalité, poids croissant de la population jeune, montée de l’islamisme radical, rôle encore insuffisant des diasporas.

    Philippe de Parseval, qui intervient sur les diagnostics et les remèdes au mal africain, partage avec Yves-Marie Laulan la conviction que la solution au problème de l’Afrique réside dans la mise en place d’un partenariat entre des fondations privées et les structures locales pour favoriser l’investissement sur place, plutôt que leur recours aux organisations internationales et aux Etats trop souvent corrompus. Tous les deux se réfèrent au « plan Marshall Borloo », qui reposait précisément sur cette orientation.

    Mais on ne manquera pas de relever que Jean-Paul Gourévitch, grand spécialiste s’il en est des questions de migration, est loin de communier dans cet optimisme, puisqu’il va jusqu’à qualifier le plan Borloo de « rêve »… Avec Denis Garnier, président de Démographie responsable, c’est un tableau nettement moins engageant qui se dessine, données statistiques précises à l’appui.

    Parmi les autres interventions, deux autres méritent d’être signalées, bien qu’elles ne soient pas directement des analyses démographiques, car elles apportent des compléments utiles et très documentés au thème central du colloque :

    – la première est celle de Bernard Lugan, qui dans une intervention intitulée « Osons dire la vérité à l’Afrique », souligne que toute analyse de ce continent doit reposer sur une approche ethno-historique, et qui rejoint Laulan et Gourévitch sur l’importance des diasporas, même si tous sont convaincus qu’il reste beaucoup de chemin à parcourir ;

     – la seconde émane d’Aristide Leucate, qui présente un tableau très documenté de la situation de « l’islam en Afrique ». On comprendra, bien sûr, que cette intervention n’est qu’en apparence hors sujet, tant le facteur de la montée de l’islam dans les pays d’Afrique subsaharienne contribue de toute évidence à l’exacerbation des tensions au sein même du continent et, bien entendu, à la pression croissante des flux migratoires vers l’Europe.

    ***

    Un autre ouvrage, Africanistan, de Serge Michaïlof, apporte un autre éclairage sur la question des rapports avec le continent africain.

    Beaucoup plus développé et technique que le petit livre cité précédemment, et axé essentiellement sur les problèmes du Sahel, il se définit comme un cri d’alarme, et son sous-titre, L’Afrique en crise va-t-elle se retrouver dans nos banlieues ?, rejoint celui du précédent. Il pourrait tout aussi bien s’intituler : « Demain, un nouveau Camp des Saints ? »

    Mais l’auteur, ancien expert de haut niveau auprès de l’Agence française de développement, n’a pas voulu écrire pour faire peur. Il analyse de façon très circonstanciée, mais sans approche technocratique, les atouts et les risques qui pèsent sur l’Afrique subsaharienne, et dresse la liste des conditions d’un possible redressement, en tirant notamment les leçons, a contrario, de l’échec des politiques menées par l’Occident en Afghanistan.

    Il considère en effet, à l’instar des orateurs de l’Institut de géopolitique des populations, que les faiblesses inhérentes aux spécificités ethno-historiques du continent africain (corruption des régimes, désintérêt pour le secteur rural, cannibalisation des budgets par les besoins de financement du secteur militaire, pour faire face aux nombreux conflits interethniques, économiques et désormais politico-religieux, etc.) sont renforcées par la méconnaissance de ces spécificités par les pays occidentaux.

    Quelques succès ayant été enregistrés dans certains pays, il est de bon ton, depuis quelques années, d’afficher un « afro-optimisme » après avoir pendant des décennies vécu dans l’idée reçue que « l’Afrique Noire est mal partie », pour reprendre le titre de l’emblématique ouvrage de René Dumont de 1962.

    Serge Michaïlof montre bien que ces succès sont le plus souvent des trompe-l’œil : il en va ainsi de la Côte d’Ivoire, dont le boom économique appartient au passé, du Nigeria, ou d’autres Etats dont l’économie repose sur une ressource dominante, généralement le pétrole, et qui démontrent rapidement leur extrême fragilité. Au total, nous dit l’auteur, « les défis pour l’Afrique sont tout à fait spécifiques et proviennent de ce que la transformation structurelle de son économie est en retard par rapport aux autres régions du monde ».

    Mais, là où on s’attend à un énième pensum sur la faute du colonialisme ou sur les méfaits de la « Françafrique » et des multinationales pétrolières – à cet égard, le bandeau annonçant qu’Eric Orsenna a vu dans le livre « un portrait qui fascine et dérange » n’incite guère à en entreprendre la lecture – on est au contraire frappé par le caractère objectif et équilibré de l’analyse.

    En effet, à aucun moment l’auteur ne laisse entendre que la solution serait de mener une politique de « portes ouvertes » forcenée, telle que la préconisent les Merkel et les Juncker. S’il refuse les incantations simplistes du type « Ils repartiront » ou « Boutons-les hors de nos frontières », les conclusions de son chapitre XIV « Intégrer tous les migrants ? » sont claires : non, l’immigration venue d’Afrique (mais cela vaut tout autant pour celle du Moyen-Orient), compte tenu de l’écart économique, n’est pas une chance pour la France ; oui, la société multiculturelle, compte tenu précisément des écarts culturels, est un germe de désagrégation de nos sociétés. Cela rejoint l’idée qui nous est familière, parce que confirmée quotidiennement par la réalité, que les sociétés multiculturelles sont multiconflictuelles.

    Serge Michaïlof conserve malgré tout l’espoir que les atouts incontestables dont dispose l’Afrique subsaharienne – abondance des ressources minières et agricoles, main-d’œuvre disponible, accès largement répandu aux nouvelles technologies, progrès technologiques, etc. – puissent être mis en valeur à la fois par des réformes internes, et surtout par une modification radicale de la posture des pays les plus favorisés : cela signifie, par exemple, la remise en valeur de l’économie agricole, la fin du pillage des ressources énergétiques, et l’augmentation de l’aide à des investissements réalisés sur place et utilisant la main-d’œuvre locale.

    Il est inutile de préciser que de telles orientations supposent la mise en place de procédures et de contrôles qui ne plairont ni aux « élites » des pays concernés, ni aux entreprises transnationales dont la seule règle de conduite est la maximisation du profit, et dont les dirigeants – la superclasse mondiale – ne sont guère sensibilisés aux désagréments provoqués par l’irruption de migrants dans leur banlieue sécurisée.

    Par ailleurs, Serge Michaïlof ne s’étend guère sur la dimension démographique de la situation, sinon pour constater son importance. Or, la prégnance dans la mentalité des peuples africains de l’idée qu’il n’est de richesse que d’hommes, qui leur vient du fond des âges, mais qui est renforcée tant par l’influence du christianisme (catholique ou « évangéliste ») que par celle de l’islam, freine considérablement toute possibilité de politique de maîtrise de la natalité. On rejoint ici les réflexions du colloque de l’Institut de géopolitique des populations.

    Malgré ses limites, lisez Africanistan, car ce sont des ouvrages comme celui-là qui esquissent des pistes de réflexion et d’action dans un domaine où la bien-pensance et les idées reçues se donnent généralement libre cours.

    Bernard Mazin
    23/02/2016

    Yves-Marie Laulan (Présenté par), Afrique : le cauchemar démographique, Ed. L’Æncre 2015, 135 p.

    Serge Michaïlof, Africanistan, Ed. Fayard 10/2015, 365 p.

    http://www.polemia.com/afrique-le-cauchemar-demographique-presente-par-yves-marie-laulan-et-africanistan-de-serge-michailof/