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international - Page 984

  • Quel “nationalisme” pour les années 90 et le XXIe siècle ?

    Dans nos régions, nous avons coutume d'opposer deux formes de nationalisme, le nationalisme de culture (ou nationalisme populaire : volksnationalisme) et le nationalisme d'État (staatsnationalisme). Le nationalisme culturel/populaire tient compte essentiellement de l'ethnicité, en tant que matrice historique de valeurs précises qui ne sont pas transposables dans un autre humus. Le nationalisme d'État met l'ethnicité ou les ethnicités d'un territoire au service d'une machine administrative, bureaucratique ou militaire. Pour cette idéologie, l'ethnicité n'est pas perçue comme une matrice de valeurs mais comme une sorte de carburant que l'on brûlera pour faire avancer la machine. L'État, dans la perspective du staatsnationalisme, n'est pas une instance qui dynamise les forces émanant de la Volkheit mais un moloch qui les consomme et les détruit.
    Les nationalismes culturels/populaires partent d'une vision plurielle de l'histoire, du monde et de la politique. Chaque peuple émet des valeurs qui correspondent aux défis que lui lance l'espace sur lequel il vit. Dans les zones intermédiaires, des peuples en contact avec 2 grandes aires culturelles combinent les valeurs des uns et des autres en des synthèses tantôt harmonieuses tantôt malheureuses. Les nationalismes d'État arasent généralement les valeurs produites localement, réduisant la diversité du territoire à une logique unique, autoritaire et stérile.
    Valoriser l'histoire, relativiser les institutions
    Par tradition historique, noua sommes, depuis l'émergence des nationalismes vers l'époque de la révolution française, du côté des nationalismes culturels contre les nationalismes d'État. Mais au-delà des étiquettes désignant les diverses formes de nationalisme, noua adhérons, plus fondamentalement, à des systèmes de valeurs qui privilégient la diversité plutôt qu'à des systèmes d'action qui tentent de la réduire à des modèles simples, homogénéisés et, de ce fait même, stérilisés. Toute approche plurielle des facteurs historiques et politiques implique une relativisation des institutions établies ; celles-ci ne sont pas d'emblée jugées éternelles et indépassables. Elles sont perçues comme exerçant une fonction précise et doivent disparaître dès que cette fonction n'a plus d'utilité. Les approches homogénéisantes imposent un cadre institutionnel que l'on veut intangible. La vitalité populaire, par définition plurielle dans ses manifestations, déborde tôt ou tard ce cadre rigide. Deux scénarios sont alors possibles : a) les mercenaires au service du cadre répriment la vitalité populaire par violence ou b) le peuple met à bas les institutions devenues obsolètes et chasse ou exile les tenants têtus du vieil ordre.
    Qu'en est-il de cette opposition entre pluralité et homogénéisation à la veille du XXIe siècle ? Il me semble inopportun de continuer à répéter tel quel les mots d'ordre et les slogans nés lors de l'opposition, au début du XIXe siècle, entre “nationalismes de culture” (Verlooy, Jahn, Arndt, Conscience, Hoffmann von Fallersleben) et “nationalismes d'État” (jacobinisme, bonapartisme). Pour continuer à exprimer notre opposition de principe aux stratégies d'homogénéisation, qui ont été celles du jacobinisme et du bonapartisme, noua devons choisir, aujourd'hui, un vocabulaire moderne, dérivé des sciences récentes (biocybernétique, informatique, physique etc.). En effet, les “nationalismes d'État” ont pour caractéristique d'avoir été forgés sur le modèle des sciences physiques mécanicistes du XVIIIe siècle. Les “nationalismes culturels”, eux, ont voulu suggérer un modèle d'organisation politique calqué sur les principes des sciences biologiques émergentes (J.W. Ritter, Carus, Oken, etc.). Malgré les progrès énormes de ces sciences de la vie dans le monde de tous les jours, certains États (Belgique, France, Italie, URSS, Yougoslavie, “démocraties socialistes”, Algérie, etc.) fonctionnent toujours selon des critères mécanicistes et demeurent innervés par des valeurs mécanicistes homogénéisantes.
    Les leçons d’Alvin Toffler
    Le nationalisme, ou tout autre idéologie, qui voudrait mettre un terme à cette anomalie, devra nécessairement être de nature offensive, porté par la volonté de briser définitivement les pouvoirs anciens. Il ne doit pas vouloir les consolider ni remettre en selle des modèles passés de nationalisme statolâtrique. La lecture du dernier livre d'un écrivain américain célèbre, Alvin Toffler, nous apparaît utile pour comprendre les enjeux des décennies à venir, décennies où les mouvements (nationalistes ou non) hostiles aux établissements devront percer sur la scène politique. Entendons-nous bien, ces mouvements, dans la mesure où ils sont hostiles aux formes figées héritées de l'ère mécaniciste/révolutionnaire, sont authentiquement “démocratiques” et “populistes” ; nous savons depuis les thèses de Roberto Michels que le socialisme a basculé dans l'oligarchisation de ses cadres. Nous savons aussi que ce processus d'oligarchisation a affecté le pilier démocrate-chrétien, désormais connecté à la mafia en Italie et partout éloigné du terreau populaire. Si bien que les élus socialistes ou démocrates-chrétiens eux-mêmes se rendent compte que les décisions sont prises, dans leurs partis, en coulisse et non plus dans les assemblées générales (les tripotages de Martens au sein de son propre parti en sont une belle illustration).
    Ce phénomène d'oligarchisation, de gigantisme et de pyramidalisation suscite l'apparition de structures pachydermiques et monolithiques, incapables de capter les flux d'informations nouvelles qui émanent de la réalité quotidienne, de la Volkheit en tant que fait de vie. Je crois, avec Alvin Toffler, que ce hiatus prend des proportions de plus en plus grandes depuis le milieu des années 80 : c'est le cas chez nous, où le CVP s'effrite parce qu'il ne répond plus aux besoins des citoyens actifs et innovateurs ; c'est le cas en France, où les partis dits de la “bande des quatre” s'avèrent incapables de résoudre les problèmes réels auxquels la population est confrontée. Toffler nous parle de la nécessité de provoquer un “transfert des pouvoirs”. Ceux-ci, à l'instar de ce qui s'est effectivement produit dans les firmes gigantesques d'Outre-Atlantique, devront passer, « des monolithes aux mosaïques ». Les entreprises géantes ont constaté que les stratégies de concentration aboutissaient à l'impasse ; il a fallu inverser la vapeur et se décomposer en un grand nombre de petites unités à comptabilité autonome, opérationnellement déconcentrées. Autonomie qui les conduira inévitablement à prendre un envol propre, adapté aux circonstances dans lesquelles elles évoluent réellement. Les mondes politiques, surtout ceux qui participent de la logique homogénéisante jacobine, restent en deçà de cette évolution inéluctable : en d'autres termes, ils sont dépassés et contournés par les énergies qui se déploient au départ des diverses Volkheiten concrètes. Phénomène observable en Italie du Nord, où les régions ont pris l'initiative de dépasser le monolithe étatique romain, et ont créé des réseaux alpin et adriatique de relations interrégionales qui se passent fort bien des immixtions de l'État central. La Vénétie peut régler avec la Slovénie ou la Croatie des problèmes relatifs à la région adriatique et, demain, régler, sans passer par Rome, des problèmes alpins avec la Bavière, le Tyrol autrichien, la Lombardie ou le canton des Grisons. Ces régions se dégagent dès lors de la logique monolithique stato-nationale pour adopter une logique en mosaïque (pour reprendre le vocabulaire de Toffler), outrepassant, par suite, les niveaux hiérarchiques établis qui bloquent, freinent et ralentissent les flux de communications. Niveaux hiérarchiques qui deviennent ipso facto redondants. Par rapport aux monolithes, les mosaïques de Toffler sont toujours provisoires, réorientables tous azimuts et hyper-flexibles.
    La “Troisième Vague”
    Caractère provisoire, réorientabilité et hyper-flexibilité sont des nécessités postulées par les révolutions technologiques de ces 20 dernières années. L'ordinateur et le fax abolissent bon nombre de distances et autonomisent d'importantes quantités de travailleurs du secteur tertiaire. Or les structures politiques restent en deçà de cette évolution, donc en discordance avec la société. Toffler parle d'une “Troisième Vague” post-moderne qui s'oppose à la fois au traditionalisme des mouvements conservateurs (parfois religieux) et au modernisme homogénéisant. Aujourd'hui, tout nationalisme ou tout autre mouvement visant l'innovation doit être le porte-voix de cette “Troisième Vague” qui réclame une révision totale des institutions politiques établies. Basée sur un savoir à facettes multiples et non plus sur l'argent ou la tradition, la “Troisième Vague” peut trouver à s'alimenter au nationalisme. de culture, dans le sens où ce type-là de nationalisme découle d'une logique plurielle, d'une logique qui accepte la pluralité. Les nationalismes d'État, constructeurs de molochs monolithiques, sont résolument, dans l'optique de Toffler, des figures de la “Seconde Vague”, de “l'Âge usinier”, ère qui a fonctionné par monologique concentrante ; preuve : devant les crises actuelles (écologie, enseignement, organisation du secteur de santé, transports en commun, urbanisme, etc.), produites par des étranglements, des goulots, dus au gigantisme et à l'éléphantiasis des structures datant de “l'âge usinier”, les hommes politiques, qui ne sont plus au diapason, réagissent au coup par coup, c'est-à-dire exactement selon les critères de leur monologique homogénéisante, incapable de tenir compte d'un trop grand nombre de paramètres. Les structures mises en place par les nationalismes d'État sont lourdes et inefficaces (songeons à la RTT ou la poste), alors que les structures en mosaïques, créées par les firmes qui se sont déconcentrées ou par les régions nord-italiennes dans la nouvelle synergie adriatique/alpine, sont légères et performantes. Tout nationalisme ou autre mouvement innovateur doit donc savoir s'adresser, dès aujourd’hui, à ceux qui veulent déconcentrer, accélérer les communications et contourner les monolithes désormais inutiles et inefficaces.
    Les “lents” et les “rapides”
    Toffler nous parle du clivage le plus important actuellement : celui qui distingue les “lents” des “rapides”. L'avenir proche appartient évidemment à ceux qui sont rapides, ceux qui peuvent prendre des décisions vite et bien, qui peuvent livrer des marchandises dans les délais les plus brefs. Les pays du Tiers-Monde appartiennent évidemment à la catégorie des “lents”. Mais bon nombre de structures su sein même de nos sociétés “industrielles avancées” y appartiennent également. Prenons quelques exemples : l'entêtement de plusieurs strates de l'establishment belge à vouloir commercer avec le Zaïre, pays hyper-lent parce qu'hyper-corrompu (tel maître, tel valet, serait-on tenté de dire…) relève de la pure aberration, d'autant plus qu'il n'y a guère de profits à en tirer ou, uniquement, si le contribuable finance partiellement les transactions ou les “aides annexes”. Quand Geens a voulu infléchir vers l'Indonésie, pays plus rapide (dont la balance commerciale est positive !), les flux d'aides belges au tiers-monde, on a hurlé au flamingantisme, sous prétexte que l'Insulinde avait été colonie néerlandaise. Pour toute perspective nationaliste, les investissements doivent, comme le souligne aussi Toffler, opérer un retour au pays ou, au moins, se relocaliser en Europe. Deuxième exemple : certains rapports de la Commission des Communautés européennes signalent l'effroyable lenteur des télécommunications en Belgique (poste, RTT, chemin de fer, transports en commun urbains, etc.) et concluent que Bruxelles n'est pas la ville adéquate pour devenir la capitale de l'Europe de 1992, en dépit de tout ce que Martens, les banques de l'établissement, la Cour, etc. ont mis en œuvre pour en faire accepter le principe. Hélas pour ces “lents”, il y a de fortes chances pour que Bonn ou Strasbourg emportent le morceau !
    Partitocratie et apartheid
    Des démonstrations qui précédent, il est facile de déduire quelques mots d'ordre pour l'action des mouvements innovateurs :
    • lutte contre toutes les formes d'oligarchisation issues de la partitocratie ; ces oligarchisations ou pilarisations (verzuiling) sont des stratégies de monolithisation et d'exclusion de tous ceux qui n'adhérent pas à la philosophie de l'un ou l'autre pilier (zuil). Sachons rappeler à Paula d'Hondt que ce ne sont pas tant les immigrés qui sont des exclus dans notre société, qui seraient victimes d'un “apartheid”, mais qu'une quantité impressionnante de fils et de filles de notre peuple ont été ou sont “exclus” ou “mal intégrés” à cause des vices de fonctionnement de la machine étatique belge. Ne pas pouvoir être fonctionnaire si l'on n'est pas membre d'un parti, ou devoir sauter plus d'obstacles pour le devenir, n'est-ce pas de “l'apartheid” ? Conclusion : lutter contre l'apartheid de fait qu'est la pilarisation et rapatrier progressivement les immigrés, après les avoir formés à exercer une fonction utile à leur peuple et pour éviter précisément qu'ils soient, à la longue, victimes d'un réel apartheid, n'est-ce pas plus logique et plus humain que ce qui est pratiqué actuellement à grands renforts de propagande ?
    • abattre vite toutes les structures qui ne correspondent plus au niveau actuel des technologies ; un nationalisme de culture, parce qu'il parie sur les énergies inépuisables du peuple, n'est forcément pas passéiste.
    • s'inscrire, notamment avec la Lombardie et la Catalogne, dans les stratégies interrégionales en mosaïques ; tout en sachant que l'obstacle demeure la France, dont le conseil constitutionnel vient de décider que le peuple corse n'existait pas ! Ne dialoguer en France qu'avec les régionalistes et renforcer par tous les moyens possibles le dégagement des régions de la tutelle parisienne. Solidarité grande-néerlandaise avec la région Nord-Pas-de-Calais et grande-germanique avec l'Alsace. Pour la Wallonie, si d'aventure elle se dégage de la tutelle socialiste et maçonnique (pro-jacobine), solidarité prioritaire avec les cantons romans de la région Nord-Pas-de-Calais et avec la Lorraine, en tant que régions originairement impériales et romanes à la fois (la Wallonie traditionnelle, fidèle à sa vocation impériale, a un devoir de solidarité avec les régions romanes de l'ancien Reich, la Reichsromanentum, victime des génocides perpétrés par Louis XIV en Lorraine et en Franche-Comté, où 50% de la population a été purement et simplement massacrée ; les énergies de la Wallonie post-socialiste devront se porter le long d'un axe Namur / Arlon /Metz / Nancy / Genève). Appui inconditionnel aux régionalismes corse, breton, occitan et basque, si possible de concert avec les Irlandais, les Catalans, les Lombards et les Piémontais. Forcer les Länder allemands à plus d'audace dans les stratégies de ce type.
    • diplomatie orientée vers les “rapides”. Ne plus perdre son temps avec le Zaïre ou d'autres États corrompus et inefficaces. Les relations avec ce pays ne sont entretenues que pour défendre des intérêts dépassés, que l'on camoufle souvent derrière un moralisme inepte.
    • combattre toutes les lenteurs intérieures, même si nous ne souhaitons pas que Bruxelles devienne la capitale de l'Europe. Si les institutions européennes déménagent ailleurs, les projets de Martens s'effondreront et son régime autoritaire, appuyé notamment sur la Cour et non sanctionné par la base de son propre parti, capotera. L'effondrement du CVP, comme son tassement annoncé, permettra l'envol d'un néo-nationalisme futuriste, tablant sur la longue mémoire et sur la vitesse. Car l'une n'exclut pas l'autre. Un peuple qui garde sa mémoire intacte, sait que l'histoire suit des méandres souvent imprévus et sait aussi quelles réponses ses ancêtres ont apportées aux défis insoupçonnés de l'heure. La mémoire garantit toujours une réponse modulée et rapide aux défis qui se présentent. L'ordinateur n'est-il pas précisément un instrument performant parce qu'il est doté d'une mémoire ? Donc, le nationalisme culturel/populaire, plurilogique, est un bon logiciel. Gardons-le et sachons l'améliorer.
    Robert Steuckers, Vouloir n°83/86, 1991.
    • Source : Alvin Toffler, Les Nouveaux Pouvoirs : Savoir, richesse et violence à la veille du XXle siècle, Fayard, 1991, 658 p.

  • Poutine se prépare à la guerre économique : Moscou achète 55 tonnes d’or au 3ème trimestre

    Alors que le Qatar et la Chine ont décidé de ne plus utiliser le dollar US dans leurs échanges bilatéraux, à l’instar du Canada, et que la Russie et la Chine commercent désormais directement dans leur monnaie respective, la Russie a réalisé un achat record d’or sur fond de dépréciation massive de la monnaie américaine, japonaise et anglaise. 
     
    Si l’on en croit le World Gold Council, pour le seul troisième trimestre, la Russie a acheté 55 tonnes d’or, soit près de 4% des réserves qu’elle possède déjà. En dix ans, Vladimir Poutine a fait acheter 1 150 tonnes d’or. Avec les sanctions occidentales qui frappent l’économie russe et la baisse du cours du pétrole qui nuit gravement aux prévisions budgétaires de Moscou, le Kremlin fait le pari d’un affaiblissement durable des devises internationales. 
     
    Une véritable guerre des monnaies est lancée avec des dévaluations compétitives mises en œuvre à grande échelle, notamment au Japon. La Russie, qui pousse à la “dédollarisation” des échanges internationaux, anticipe donc la fin du dollar US comme monnaie de réserve mondiale. Et l’or joue historiquement le rôle de valeur de réserve. 
     
    Ce que l’ancien gouverneur de la Federal Reserve américaine, Alan Greenspan,a rappelé il y a quelques jours pour le plus grand désarroi de la finance juive et anglo-américaine.


    Source

    http://www.oragesdacier.info/2014/12/poutine-se-prepare-la-guerre-economique.html

  • Plus fort que Juppé contre Sarkozy : chiites contre sunnites

    Tout chroniqueur hexagonal qui se respecte doit bien sûr situer le centre du monde à Paris. Il doit aussi considérer, jusqu'en 2017, encore 3 ans, que la seule question qui comptera dans l'univers intergalactique sera de savoir qui aura le privilège de battre Mme Le Pen au second tour d'une élection présidentielle à couper le souffle.

    Et pourtant, n'hésitant pas à désobéir aux consignes, essayons de faire diversion en remarquant qu'il se passe des choses dont nos gazettes ne se préoccupent guère.

    En ce moment, Vladimir Poutine est à Ankara en train de négocier un contournement des sanctions occidentales. Il vient de renoncer au pipeline "South Stream"

    En ce moment, le cours du pétrole est en chute libre, beaucoup plus rapide que la diminution du prix du carburant à la pompe.

    En ce moment l'Arabie saoudite, alliée des États-Unis depuis la fondation du royaume en 1932 et celle de l'Aramco en 1933 accélère ce mouvement en augmentant sa production et en bloquant les pressions du cartel constitué de l'Opep et de la Russie. Le gouvernement le plus menacé dans ce scénario semble le Venezuela, foyer du désordre en Amérique latine. Mais d'autres suivront, si la baisse se confirme.

    En ce moment aussi, la guerre millénaire entre chiites et sunnites déchire plus que jamais le proche orient. Aujourd'hui par exemple les chiites iraniens considèrent qu'ils satellisent au moins quatre centres de pouvoirs alliés de Téhéran, du Yémen à la Syrie, en passant par Bahreïn et le sud de l'Irak. Il faudra compter avec les ramifications de cette force. Elle peut, plus que d'autres, résister à la poussée du Califat terroriste d'Abou-Bakr al-Baghdadi, alors même que les États-Unis et Israël perçoivent encore la menace persistante des ambitions nucléaires de l'Iran et le poids de l'héritage de la révolution islamique de 1979.

    Dans la mouvance chiite on ne doit pas oublier non plus les dispersions, les évolutions séculaires et les multiples versions de cette interprétation légitimiste de la foi mahométane.

    Ainsi au Liban, communauté de moindre importance au moment du pacte national de 1943, elle a par sa démographie pris une importance considérable. Avec le Hezbollah, depuis 1982-1985, il s'agit à la fois d'un parti politique et d'une réalité militaire, placé sur la liste des organisations terroristes.

    En Turquie, il en va tout autrement. Sous le nom de câ'feri (en turc) on désigne les adeptes de l'islam chiite iranien, dit "duodécimain". (1)⇓ Ils comptent peut-être 3 ou 4 millions de croyants, plus ou moins assimilés à une petite minorité nationale. Car la principale version du chiisme en Anatolie est constituée par les "alevis-bektachis" qui tiennent Ali pour l'une des trois personnes d'une trinité sacrée, (2)⇓ dont la représentation trône dans toutes leurs cérémonies. Communauté essentiellement pacifique, reconnaissant l'égalité des sexes, ils sont exécrés par les intégristes du sunnisme. dans les années 1970 à 1990 ils furent à plusieurs reprises la cible de persécutions fanatiques. On a pu y voir la main du fameux "État profond" supposé quadriller le pays.

    Pratiquant leur religion dans des lieux de culte distincts, les "cemevi" ils se trouvent aujourd'hui encore pratiquement niés par les autorités instituées du culte, les dizaines de milliers de fonctionnaires de la Direction des affaires religieuses turques, et ses budgets publics étant voués par la constitution de 1982 à l'entretien de l'islam sunnite et de ses mosquées. Or, il est bien possible que cette "minorité" représente 25 ou 30 % de la population. Persécutés par le kémalisme des années 1930, leurs pratiques de l'achoura étant même explicitement interdites par une loi de 1928, objet de pogroms un demi-siècle plus tard, supposés "de gauche", les alévis ont depuis 30 ans essaimé dans tout le territoire à la faveur de l'urbanisation, à Istanbul comme dans l'ensemble de l'Anatolie.

    Certes donc on doit se préoccuper de la survie des chrétiens du proche orient, mais la question de la liberté religieuse englobe aussi, ou plutôt elle englobera de plus en plus, dans les pays à majorité, ou plutôt à islam d'État, sunnite, la question des droits des communautés chiites, des alévis, des confréries, dissoutes par Kémal et ouvertement menacées par Erdogan dans ses discours de la campagne présidentielle de 2014. En fait, contrairement à l'idée reçue selon laquelle la république turque aurait introduit les principes occidentaux de "la laïcité", laquelle suppose au moins la liberté de conscience et de culte – c'est le point essentiel affirmé aussi bien par le "Bill of Rights" américain du XVIIIe siècle que par la loi de séparation française de 1905 – la constitution turque est obsédée par la question de l'unité nationale.

    Sa prétendue "laïcité" pourrait ainsi faire sienne, horresco referens, la fière devise qui aboutira à la révocation de l'édit de Nantes "une foi, une loi, un roi".

    Il se trouve qu'un épisode récent, autour des tentatives de "repentance" de l'État à propos des massacres de 1937-1938 dans la région appelée alors Dersim, et aujourd'hui Tunceli, dont la particularité est d'être à la fois kurde et alévie, montre que le rapport de forces politique a évolué et évoluera encore. Mis, par le premier ministre Davutoglu, au défi de s'y rendre, le chef du parti nationaliste MHP Devlet Bahceli a voulu crânement y organiser un meeting. Il a dû rebrousser chemin ce 28 novembre.

    Oui, cet antagonisme entre sunnites et chiites, qui remonte à l'an 61 de l'Hégire, 680 de l'ère chrétienne, à la bataille de Kerbala, où les omeyyades l'emportèrent sur les descendants d'Ali, peut sembler à certains plus durable et plus significatif, que les débats internes de la droite que notre gauche française, la plus intelligente du monde pour sûr, persiste à appeler "guerre des chefs" en référence à cette grande création culturelle hexagonale du XXe siècle, "Astérix le Gaulois".

    JG Malliarakis  http://www.insolent.fr/

    Apostilles

    1) C'est à dire reconnaissant la chaîne des Douze imâms descendants du Prophète, le 12e étant "occulté" depuis le IXe siècle cf. Lammens "L'Islam coyances et institutions" pp.144-145. ⇑

    2) cf. Lammens "L'Islam coyances et institutions" pp. 168 et suivantes. ⇑

  • Cameron contre le politiquement correct

    Le discours de David Cameron à Rocester le 28 novembre a provoqué une sorte de haut le cœur dans la presse bien-pensante parisienne. Bon signe : tous les médias de gauche, à l'unisson, aussi bien "Le Monde", "Mediapart, "Libération" et, naturellement, "L'Humanité" poussent des cris d'orfraie.

    Or, sa doctrine se situe aux antipodes de la xénophobie systématique qu'on lui prête. Et ses propositions concrètes visent, en fait, à liquider les pompes aspirantes de l'immigration d'assistanat afin de permettre et de promouvoir une immigration de travail, profitable au pays d'accueil, telle qu'on la concevait encore en France dans les années 1960.

    On se devrait de souligner que, dans le même temps, son ami et ministre des Finances, le chancelier de l'Échiquier George Osborne n'a cessé, depuis son entrée au gouvernement en 2010, de plaider pour – et de mettre effectivement en œuvre – une politique de réduction de la dépense publique. Or, il annonçait le 29 novembre, qu'il va être amené à réinjecter 2 milliards de livres dans le "National Health Service". Car les hôpitaux publics britanniques, comme d'autres services sociaux se trouvent submergés par le poids de l'immigration. (1)⇓

    Remarquons ici combien, de ce côté-ci de la Manche, les réseaux de pouvoir chiraquiens, se montrent fort véhéments pour se draper derrière le prestige qu'ils attribuent au général De Gaulle. Ils procèdent, entre autres, à une instrumentalisation de sa part de responsabilité, souvent exagérée, dans ce qu'on appelle le "modèle social français". Mais, en même temps, ils ignorent superbement que les conceptions qu'ils fustigent chez nos amis britanniques ont prévalu, sur le terrain de l'immigration au moins jusqu'au départ, en 1969, du président fondateur de la Cinquième république.

    Elles n'ont été gravement remises en cause qu'à partir d'un décret de 1976 pris par le gouvernement Chirac sous la présidence de Giscard d'Estaing, instituant le "regroupement familial" – à sens unique. (2)⇓

    Voilà, à l'inverse, comment le Premier ministre de Sa Gracieuse Majesté élabore la doctrine nouvelle de son pays, celle qu'il propose à ses partenaires européens, et que l'on cherche à stigmatiser :

    "L'immigration, a-t-il déclaré le 28 novembre, bénéficie à la Grande Bretagne. Mais cela implique qu'elle soit contrôlée, qu'elle soit loyale, qu'elle soit centrée autour de notre intérêt national, cela est ce que je veux. Nous sommes devenus la Grande Bretagne grâce à l'immigration non malgré elle. C'est pourquoi il est fondamental, pour l'avenir de notre pays, que nous gérions ce dossier de manière correcte. Dans l'Union européenne la majorité de nos compatriotes refusent d'être en face du dilemme d'accepter les choses telles qu'elles sont ou de nous en aller. Ils veulent la réforme et le référendum. En ce qui concerne l'immigration, ils ne veulent ni d'une immigration illimitée ni d'une suppression de toute immigration, ils veulent une immigration contrôlée, et moi aussi. Les chiffres actuels le démontrent à nouveau. Cependant que nous réduisons l'entrée des immigrés extérieurs à l'Union européenne, nous augmentons le nombre de ceux qui viennent d'Europe. Autrement dit la restriction sur le premier groupe se traduit par une poussée du second. La pression demeure très forte. Dans certains secteurs l'afflux de migrants dépasse les capacités de nos autorités et de nos administrations locales, de nos écoles, de nos hôpitaux et les chiffres d'hier montrent que le rythme d'immigration reste toujours très élevé. C'est pourquoi beaucoup de gens se plaignent de son impact sur nos services publics. Or, la liberté de circulation des personnes n'a jamais été un droit illimité, et nous devons désormais la faire jouer dans un cadre conforme à l'expérience. Cela ne signifie pas que nous allons fermer la porte, ni remettre en cause le principe de libre circulation mais cela veut dire nous devons restaurer des relations honnêtes entre Etats membres etc." (3)⇓

    "Honni soit qui mal y pense" est la devise séculaire de la Monarchie britannique. Elle semble fort adaptée à la situation actuelle.

    Dès lors, par conséquent, que David Cameron propose à l'Europe d'adopter, dans l'intérêt commun, une doctrine cohérente et loyale en matière d'immigration, devons-nous, sous prétexte qu'elle cherche à corriger les dérives actuelles, la considérer comme incompatible avec les aspirations des autres pays ?

    JG Malliarakis

    Apostilles

    1) cf. The Telegraph du 29 novembre. ⇑

    2) cf. décret no 76-383 du 29 avril 1976 signé Jacques Chirac ⇑

    3) cf. vidéo du discours disponible sur le site du Telegraph. ⇑

    http://www.insolent.fr/2014/12/cameron-contre-le-politiquement-correct.html

  • Ukraine : une américaine au gouvernement

    La rédaction de Contre Info s’est toujours montrée sceptique face à l’admiration sans limite que porte un certain nombre de patriotes français vis à vis de la Russie de Poutine. Le conflit en Ukraine divise beaucoup de nationalistes en France mais également dans d’autres pays d’Europe. Si Contre Info parle de ce conflit essentiellement pour faire prendre conscience aux lecteurs que tout n’est pas blanc d’un côté et noir de l’autre, on ne peut passer à côté de cette information fracassante… Une ukrainienne-américaine ayant travaillé à la solde de l’Oncle Sam et de la finance internationale fait son entrée au gouvernement de Kiev.

    Lu sur Le Figaro : « L’Ukraine s’est dotée aujourd’hui d’un nouveau gouvernement pro-occidental incluant une Américaine, un Géorgien et un Lituanien à des postes clé, censés aider le pays à sortir d’une grave crise économique et faire face au sanglant conflit armé dans l’Est.

    « Nous devons intégrer dans notre gouvernement les meilleures compétences internationales », a déclaré le président Petro Porochenko. Natalie Jaresko, une Américaine d’origine ukrainienne ayant travaillé pour le Département d’Etat américain et pour un fonds d’investissement ukrainien financé par le Congrès américain, se retrouve ainsi ministre des Finances.  »

    http://www.contre-info.com/

  • La stratégie de l’Asie : Pour oublier l’occident…

    La métaphore privilégiée des Asiatiques, en matière d’organisation, est celle de l’orchestre. Au cours de l’année 2014, le nombre de contacts entre instrumentistes s’est accentué. Il semble que les élites asiatiques veuillent jouer la symphonie de la nouvelle civilisation du XXIème siècle, et qu’elles ne plieront pas devant la tyrannie des fanatiques du monde unique.

    On assiste à la construction de structures parallèles aux organisations globalitaires actuellement pilotées par le pouvoir de Londres et de Washington. La banque asiatique de développement (Asian Infrastructure Investment Bank (1)), le groupe de coopération de Shangaï (Shanghai Cooperation Organization (2)), les mécanismes BRICS, et divers partenariats autour de la route de la soie ou de problèmes régionaux délaissent les obsessions des participants de Bildeberg et autres Davos.

    Au cours de la première moitié de ce siècle, ces nouvelles institutions (3) ne vont pas remplacer les organes actuels de destruction massive occidentales. Elles proposeront simplement d’autres projets, de nouveaux partenaires et surtout une « Weltanschaung » (conception du monde) contenant plus d’honnêteté que celle qui anime la finance mondialiste.

    La corrélation entre le refus des asiatiques de signer le diktat occidental, dont Obama incarne la figure temporaire, et les contorsions des européens a souligné le basculement du monde et l’apparition des germes d’une autre civilisation.

    L’obsession des Etats-Unis 

    Le vendeur des diktats étatsuniens s’agite tant en Asie qu’en Europe. Il a participé en quelques jours au sommet de l’APEC (forum de coopération économique Asie-Pacifique) et à celui du G20. De la Birmanie à l’Australie il s’anime pour détruire tout ce que ses maîtres ne comprennent pas. Cela provoque beaucoup de ruines, tant en Asie qu’en Europe, car les supérieurs, les soviets de la finance établis à Londres et Washington, n’ont pas changé depuis le Mayflower. L’ancien testament et les armes à feu restent les deux mamelles de leur obscurantisme … 

    Les cartels d’Amérique du Nord, liés par l’ALENA (4) (Accord de libre-échange nord-américain) depuis 1990 (USA, Canada, Mexico) veulent imposer à l’Australie et à la Nouvelle Zélande, leurs collabos anglophones habituels, mais aussi à quelques pays producteurs de matières premières (Brunei, Chili, Perou) et aux nouveaux venus du monde des services (Singapour) et de l’industrie, Malaisie, Vietnam. Sans oublier le Japon, bon élève que les banksters ont conduit à la ruine par leurs conseils. Au total, huit cent millions de personnes et 40% de l’économie mondiale seraient dans l’obligation d’utiliser la monnaie de singe émise par la réserve fédérale (5). 

    La révolution permanente, pour combler le vide de pensée

    Les diktats commerciaux créent une organisation parallèle aux pouvoirs légitimes. Le juge de paix, dénommé Investor-State Dispute Settlement, ou ISDS, est destiné à remplacer l’ordre juridique des Etats. Ces “épicés” comme on les appelait du temps de Racine, se chargeront de favoriser l’entreprise de racket mondial, un braquage permanent des richesses. Il serait plus adapté de placer les diktats transatlantiques et trans-pacifiques sous la houlette du Pentagone, les militaires devant détruire tous les pays qui ne céderont pas immédiatement aux rackets.

    Un monde sans l’Occident, enfin 

    Le représentant de commerce qui a été placé à la tête de la Maison Blanche a voulu rouler les mécaniques, comme on le fait dans son monde de voyous. En Chine, à Beijing, alors qu’il était reçu par les Chinois, il a montré ses manières lors d’une réunion devant déboucher sur la signature de traités asiatiques éliminant la Chine. Cela n’a pas bien fonctionné. Le Président Xi Jinping a offert d’étudier le diktat Asie-Pacifique que cherche à vendre Obama. Au G 20, les grognements obsessionnels de Washington ont surtout permis de rappeler que le monde est sali en réalité par les financiers véreux de l’oligarchie occidentale, incapables de prononcer quelques paroles de vérité. Le mensonge est leur vrai nature. Aussi, les BRICS souhaitent maintenant décider de ce qui est pertinent pour eux à partir de leurs propres jugements.

    Réjouissons-nous, finalement. La thèse de Thomas Kuhn (6) reste d’actualité. On assiste à la mort d’un paradigme. Espérons que l’empire américain cessera de nuire avant le milieu du siècle et que le nouveau paradigme, l’orchestre, en dominera la fin.

    Auran Derien

    Notes : 

    (1) http://en.wikipedia.org/wiki/Asian_Infrastructure_Investment_Bank

    (2) http://fr.wikipedia.org/wiki/Organisation_de_coopération_de_Shanghai

    (3) http://nationalinterest.org/feature/welcome-the-world-without-the-west-11651?page=show

    (4) http://fr.wikipedia.org/wiki/Accord_de_libre-échange_nord-américain

    (5) http://actualidad.rt.com/actualidad/view/146973-obama-eeuu-tratado-comercio-secreto-ttp-tisa

    (6) http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Structure_des_révolutions_scientifiques

    Source : Metamag :: lien

    http://www.voxnr.com/cc/dh_autres/EuEZFZEuZlVLrDnTLI.shtml

  • Huntington

    Quand Samuel Huntington, professeur à Harvard, a publié son célè­bre livre, The Clash of Civilizations (1), aujourd’hui cité jusqu’à la nau­sée, il augurait l’avènement d’une nouvelle dimension conflictuelle dans le monde, suscitée cette fois par les origines culturelles, ras­sem­blées dans des espaces organiques autocentrés de dimensions continentales, espaces opposés les uns aux autres ; dans cet affron­te­ment planétaire à acteurs multiples, il réservait à l’Europe un rôle pour le moins ambigu. Il désignait notre continent comme la matrice de la “civilisation occidentale”, admettait qu’il allait devenir une su­per­puissance économique et militaire. Mais au fil de son exposé, il fi­nissait par répéter l’hypothèse que, dans le futur, l’Europe conti­nue­rait son petit bonhomme de chemin comme dans les années 50, au sein de ce que l’on appelle depuis lors le “monde occidental”. Il n’y au­ra pas, selon Huntington, deux agrégats indépendants et auto­no­mes respectivement sur le continent nord-américain et en Europe. Cette thèse n’a guère préoccupé les esprits, elle est passée quasi inaperçue, la plupart des observateurs ont considéré que ce vice d’analyse dérive d’un effet d’inertie, propre de la culture américaine, qui s’est répercuté sur le cerveau de l’honorable professeur, par ail­leurs excellent pour tous les brillants raisonnements qu’il produit.

    Huntington mérite aussi nos éloges pour avoir eu tant d’intuitions, pour avoir prospecté l’histoire européenne, en feignant un à-peu-près qui découvre par “accident” les rythmes réels du monde, qui lui permettait de prédire que le destin de notre Europe n’était pas prévisible comme l’était celui des autres parties du monde. Certes, l’Europe pourra soit se muer en un bloc autocentré soit garder le corps de ce côté de l’Atlantique et le cerveau de l’autre. La question reste sans solution. Et si le livre de Huntington — comme le sou­li­gnent quelques esprits plus fins — n’était pas un simple essai aca­démique mais plutôt un scénario à l’usage de l’établissement amé­ricain… Quoi qu’il en soit, l’établissement a très bien retenu la leçon de Huntington et a vite mis tout en œuvre pour agencer le monde selon ses intérêts économiques et géopolitiques.

    Les deux concurrents les plus sérieux des États-Unis à l’échelle de la planète, selon la logique d’affrontement décrite par Huntington, devraient être l’Empire européen et un Califat islamique rené de ses cendres. L’Empire européen (potentiel), fort d’une culture spécifique et pluri-millénaire, humus indestructible d’une formidable mentalité, ca­pable de disposer d’une technologie militaire de pointe, bénéficiant d’un marché intérieur supérieur à celui des États-Unis, aurait fa­cile­ment marginalisé le colosse américain grâce à un partenariat quasi­ment obligatoire avec les pays limitrophes de l’Europe de l’Est et à un développement harmonieux des pays de la rive sud de la Méditer­ranée. De son côté, le monde islamique, qui peut plus difficilement en­gager un dialogue avec la civilisation américaine, décrite par quel­ques scolastiques musulmans comme le pire mal qui ait jamais frap­pé la planète et le contraire absolu de tout ce qui est “halal” (pur) ou “muslim” (obéissant à la loi de Dieu). Ce monde musulman con­naît une formidable expansion démographique et détient la majorité des gisements de pétrole. Si l’Empire européen voit le jour, se con­so­lide et s’affirme, il est fort probable que ce mon­de musulman chan­ge de partenaires commerciaux et abandonne les sociétés américai­nes. Le monde orthodoxe-slave-byzantin, handica­pé par la totale dé­pendance de la Russie vis-à-vis de la Banque mon­diale, connaît ac­tuellement une terrible phase de recul.

    Actuellement, les mages de la stratégie globale américaine semblent avoir trouvé une solution à tous les maux. D’un côté, ils favorisent la constitution d’un front islamique hétérogène, avec la Turquie pour fer de lance et l’Arabie Saoudite pour banque. Ce front en forme de “croissant” ( !) aura l’une de ses pointes au Kosovo, c’est-à-dire au cœur de l’Europe byzantine, et l’autre dans la république la plus orientale de l’Asie Centrale ex-soviétique : ainsi, toute éventuelle re­nais­­sance du pôle orthodoxe ou panslave sera prise dans un étau et le monde islamique sera coupé en deux. Pire, en ayant impliqué l’U­nion Européenne dans l’attaque contre la Serbie, les stratèges amé­ricains ont empoisonné tout dialogue futur en vue de créer une zone d’é­change préférentiel entre cette Union Européenne et le grand marché oriental slave et orthodoxe. Or, ce marché est l’unique espoir de voir advenir un développement européen et de sortir l’Eu­rope ex-soviétique du marasme actuel ; le passage de l’aide amé­ricaine à l’aide européenne aurait permis un saut qualitatif ex­ceptionnel.

    L’Europe se trouve donc dans l’impasse. Comment faire pour en sor­tir ? Mystère ! Une Europe forte économiquement, même bien ar­mée, s’avère inutile si elle n’est pas libre et indépendante ; tout au plus peut-elle être le complément subsidiaire préféré d’une autre puis­sance. Toute Europe autonome et puissante est obligatoirement le principal concurrent des États-Unis tant sur le plan économique et com­mercial que sur le plan politique et diplomatique. Notre continent de­vra donc opérer ce choix crucial et historique : ou bien il restera ce volet oriental du Gros-Occident, niant de ce fait sa propre spécificité, diluant progressivement sa propre identité dans une sur-modernité qui la condamnera à demeurer terre de conflits et zone frontalière, li­mes [zone-frontière] face à l’Est et face à l’Islam pour protéger les intérêts et la sur­vie d’une puissance impériale d’au-delà de l’océan ; ou, alors, l’Eu­ro­pe se réveillera et retrouvera une nouvelle dimension, qui est tout à la fois sa dimension la plus ancienne ; elle ramènera son cerveau en son centre et en son cœur, elle rompra les liens de subordination qui l’en­travent et partira de l’avant, redevenant ainsi maîtresse de son destin.

    Ce réveil est le juste choix. Mais est-il possible ? On ne peut malheu­reu­sement rien prédire aujourd’hui. Quoi qu’il en soit, il reste en Eu­ro­pe une certaine volonté d’agir dans la liberté et l’indépendance.

    ► Marcello De Angelis, Nouvelles de Synergies européennes nº41, 1999.

    (article paru dans Area, juin 1999)

    Note en sus :

    1. Le Choc des civilisations est issu d'un article, The Clash of Civilizations publié à l'été 1993 par la revue Foreign Affairs et inspiré de l'ouvrage de l'historien français Fernand Braudel Grammaire des civilisations (1987). Cet article a permis à Samuel Huntington [1927-2008] d'accéder à la notoriété. Il l'a ensuite développé pour en faire un livre paru en 1996 et traduit en 39 langues (la version française est publiée en 1997 aux éditions Odile Jacob). Le politologue considérait que dans le monde de l'après-Guerre froide, les conflits viendraient moins des frictions idéologiques entre les nations que des différences culturelles et religieuses entre civilisations. La fin des conflits idéologiques n'a pas sonné le glas de l'Histoire. La faillite des grands récits ne produirait nullement une pacification, mais le remplacement des anciens conflits idéologiques entre l'Est et l'Ouest par des affrontements de cultures, comme entre l'islam et le monde occidental. C'est pourquoi il a construit une vision cohérente des nouvelles relations internationales, qui permet de réfléchir aux moyens de réduire les conflits de civilisation. La diplomatie culturelle permettra d'éviter ce choc entre blocs civilisationnels comme auparavant entre chocs des idéologies : en favorisant une solidarité politique et géopolitique entre les différents pays du camp occidental, en incitant le "bloc islamique" à se stabiliser autour d'un pays dominant (il voit volontiers la Turquie jouer ce rôle), de même que le "bloc asiatique" est ou sera dominé à terme par la Chine. Néanmoins, la vision de Huntington est réductrice car d'abord, elle n'explique pas que le Japon, la Chine et l'Inde concilient tradition religieuse et modernité. Ensuite, elle ne tient pas compte de la bipolarité croissante de “l'Occident”, partagé entre l'Europe et les États-Unis. Enfin elle identifie organisation sociale et politique économique au sein d'une entité abstraite définie comme “civilisation”. La liste des huit civilisations établie par Huntington est contestable : elle est marquée par une vision "américaine" du monde. La problématique d'Huntington, même s'il serait injuste de la ramener à l'instrumentalisation qui en est faite, est posée dans un cadre qui n'est pas nôtre. Le véritable enjeu demeure : le travail sur soi de l'Europe. Comment penser les relations internationales aujourd’hui quand on est européen ? Avons-nous des intérêts stratégiques qui peuvent être exprimés différemment de ceux des États-Unis ?     

    http://www.archiveseroe.eu/huntington-a113477142