Mon collègue Driss Ghali signe, dans les colonnes de Causeur, un bel article sur l’idéologie décoloniale. Il dit, en résumé, que le décolonialisme ne sert à rien. Philosophiquement, je suis d’accord : le décolonialisme n’est pas un raisonnement ou un questionnement, mais une pure assertion victimisante. Il n’est construit sur rien de sérieux et ne peut rien construire de sérieux. Il n’a pas d’avenir philosophique, mais il a une logique politique.
En effet, il est certain que les philosophies victimisantes enferment ceux qui les croient dans une impossibilité d’action, parce que la base de toute action est une responsabilisation : un retour sur soi, une analyse de ses erreurs et une décision de corriger. Si le discours est « On ne me doit rien et personne ne m’attend, donc je vais le faire », l’action peut être efficace. Elle est motivée et motivante parce qu’elle s’enracine dans une vraie liberté. Si, par contre, le discours reste « On me doit ça parce que je suis ça », le sentiment de « dignité offensée » fera croître une certaine forme de contentement de soi, avec une haine du monde et des autres qui poussera à l’enfermement et à l’inaction. C’est le principe même de l’aliénation, et cela est vrai pour toutes les philosophes victimisantes, y compris celles qui touchent, aujourd’hui, les femmes et toutes sortes de minorités. La victimisation est un piège.