Jamais, depuis qu’il est à l’Elysée, il n’a en effet semblé aussi cerné.
Certains de ses conseillers n’auraient pas trouvé aberrant qu’il garde le silence. D’autres estimaient suffisante une brève prise de parole à l’issue du défilé militaire sur les Champs-Elysées. Quelques-uns, enfin, défendaient l’idée d’une tribune dans la presse : au moins le président de la République n’aurait-il dit que ce qu’il souhaitait dire, sans dépendre de questions posées par d’autres.
Comme souvent, François Hollande a attendu le dernier moment pour trancher, et ce n’est que mercredi 10 juillet qu’il a fait connaître son choix : dimanche, jour de la fête nationale, il s’exprimera finalement sur TF1 et France 2, sous la forme d’un entretien avec les journalistes Claire Chazal et Laurent Delahousse. Comme en 2012, en somme, à un détail près : l’interview se fera depuis l’Elysée, en dépit de l’engagement contraire pris pendant sa campagne…
On comprend que le chef de l’Etat et son entourage se soient interrogés longtemps sur l’opportunité d’un tel rendez-vous. De l’avis général, y compris parmi ses proches, ses deux derniers passages à la télévision ont été des échecs. Son face-à-face avec David Pujadas, le 28 mars sur France 2 ? Trop long et trop « techno ». Sa prestation dans « Capital », le 16 juin sur M6 ? « Inadaptée » voire « inutile », convient-on volontiers à l’Elysée, où l’audience calamiteuse de l’émission a fait l’effet d’une douche froide. Dès lors, la question se posait nécessairement pour le 14-Juillet : à quoi bon s’exposer à nouveau ? Et pour dire quoi qui n’ait déjà été dit ?
Comme à la veille de ses précédentes interventions devant les Français, ce sont les mêmes attentes qui s’expriment aujourd’hui à l’égard de M. Hollande. « On a besoin du récit de la nation, on a besoin de cet esprit collectif français, c’est fondamental. Le rôle du chef de l’État, c’est d’impulser, de donner le sens de la vision. J’imagine que ce sera sa perspective le 14 juillet », explique ainsi Pierre Moscovici, le ministre de l’économie et des finances.
« Ce que l’on vit n’est pas seulement une crise conjoncturelle, c’est un changement du monde, le basculement du centre de gravité vers l’Asie. Quelle place pour la France ? Quel rôle pour l’Europe ? C’est ça, historiquement, le mandat de François Hollande », estime quant à lui Laurent Fabius. Une façon pour le ministre des affaires étrangères de sous-entendre que c’est à cette hauteur-là que doit se situer la parole présidentielle.
Un président cerné
S’il entend depuis le début de son mandat ces mêmes appels à définir le « cap » de son action ou sa « vision » de la France de demain, le chef de l’Etat se trouve pourtant dans une situation inédite. Jamais, depuis qu’il est à l’Elysée, il n’a en effet semblé aussi cerné. Jamais n’est apparue de façon aussi nette son incapacité à promouvoir sa politique.
Pierre Moscovici en a fait l’amère expérience, dimanche 7 juillet, lors des Rencontres d’Aix-en-Provence où se pressaient économistes et chefs d’entreprise. Il a entendu les applaudissements de la salle quand Pierre-André de Chalendar, le président de Saint-Gobain, accusa les politiques de manquer de courage et de constance, expliquant que « la France est passée du déni au zigzag ». Il a surtout entendu les huées dont il fut l’objet quand il prit la parole à son tour pour défendre la politique du gouvernement.
Ancien vice-président du Cercle de l’industrie, « social-démocrate » assumé, le ministre de l’économie ne s’attendait pas à cela : s’il y en a un au gouvernement qui connaît le patronat, c’est bien lui. Manifestement, cela n’a pas suffi…
Pour se rassurer, le gouvernement ne voudrait voir dans ce vif échange que la démonstration d’une énième fronde patronale, une sorte de mouvement antipolitique, anti-impôt, aux relents poujadistes. La réalité est en fait plus préoccupante. Car, depuis le début du quinquennat, une partie des amis de François Hollande estime qu’il n’a pas pris la mesure de la crise, qu’il ne réforme pas assez vite, qu’il recourt trop à l’impôt, au risque de casser la croissance.
Le débat sur « l’autre ligne »
À Bercy, surtout, mais aussi dans d’autres cabinets ministériels, des conseillers qui s’affichent pourtant comme « socialistes » font un diagnostic analogue à celui que dresse Jacques Attali, l’ancien conseiller de François Mitterrand, dans son livre Urgences françaises (Fayard, 15,50 euros) : « La France ne sait pas se réformer. Le programme de François Hollande manque d’ambition depuis le départ. »
Mais le drame de François Hollande n’est pas seulement qu’il peine à convaincre ses alliés dans son camp. Depuis le début de son mandat, plane le débat récurrent de « l’autre ligne », celle de la relance économique face au sérieux budgétaire, celle de la gauche rassemblée face à la majorité brouillonne.
Depuis quelques semaines, des signes inquiètent particulièrement les proches du chef de l’Etat. Il suffit que les ministres Montebourg, Hamon, Duflot et Taubira dînent ensemble pour que surgisse l’idée d’une conspiration en marche.
Il suffit que l’aile gauche du PS prenne une initiative commune sur la réforme fiscale avec les amis de Benoît Hamon et les anciens du courant des « reconstructeurs » désormais disséminés entre les clubs de la « Gauche durable » et de la « Gauche populaire », pour que les grognards « hollandais » – Stéphane Le Foll, Bruno Le Roux et François Rebsamen en tête – s’agitent en coulisses. « On sent monter quelque chose de pas bon dans la majorité et le parti, quelque chose d’assez construit regroupant des gens venus de courants différents », confie l’un d’entre eux.
Le perdant-perdant hollandais
Sans le dire clairement, ces amis du chef de l’Etat soupçonnent une « nébuleuse oppositionnelle » – mal identifiée encore – de vouloir remettre au centre du jeu leur ennemie jurée, Martine Aubry, superbement muette depuis un an. « Elle est la seule dans le casting général capable de porter une alternative », affirme un élu proche de la maire de Lille.
Pour l’heure, les partisans d’un aggiornamento hésitent toutefois à sortir trop tôt du rang : le limogeage de Delphine Batho leur a démontré que l’Elysée et Matignon étaient capables de frapper fort et de couper les têtes dures. Alors, pour l’instant, ils se contentent de persifler en privé, de tempêter contre l’« autosatisfaction » qui règne à la tête de l’Etat, de brocarder le cabinet « techno » et « hors-sol » de l’Elysée, de tenter de fédérer les mécontents, mais sans encore passer à l’offensive ouverte.
Voilà donc où en est François Hollande : pris sous le feu d’une double pression. D’un côté, il attise l’impatience de ceux qui rêvent déjà de redistribution et souhaitent le moins possible toucher aux acquis, persuadés que la crise économique va laisser place à un prochain cycle de croissance. De l’autre, il exaspère ceux qui veulent du sang et des larmes et qui, à l’inverse des premiers, sont convaincus que la crise est beaucoup plus profonde qu’il ne le dit…
Lire aussi : Popularité de M. Hollande : le décrochage de l’électorat de gauche
Refusant de choisir, s’efforçant de se situer au point d’équilibre entre ce qu’il considère être deux abîmes, il en arrive à cette impasse : à vouloir ne déplaire à personne, il prend le risque de mécontenter tout le monde. « Le président est un funambule qui avance sur un fil entre la colère possible des marchés financiers et celle du peuple. Il évite de cristalliser la situation, tout en désendettant dans une France désabusée », explique le député de Paris Jean-Christophe Cambadélis.
La tour d’ivoire de l’Elysée
Pour l’heure, ce vent mauvais ne semble pas avoir franchi les grilles de l’Elysée, où les conseillers du président s’emploient à relativiser les motifs d’inquiétude. La grogne qui monte au sein du Parti socialiste ? « Ça montre que le PS est un parti de débat et, en même temps, ça n’empêche pas que les textes soient votés : pour nous, c’est donc gagnant-gagnant », veut croire un conseiller.
L’incapacité du gouvernement à parler d’une seule voix, comme l’a encore montré, jeudi, le recadrage d’Arnaud Montebourg par Jean-Marc Ayrault après les propos favorables au gaz de schiste tenus l’avant-veille par le ministre du redressement productif ? « Bien sûr que plus de cohérence serait parfois préférable. Mais après tout, est-ce si grave ? Les Français voient qu’il y a de la sincérité là-dedans, pas comme si tout le monde était artificiellement le doigt sur la couture du pantalon », évacue un autre.
L’impatience grandissante des Français ? « C’est normal que les résultats mettent du temps à venir : quand vous creusez un sillon et que vous semez des graines, ça ne pousse pas tout de suite », philosophe un troisième conseiller.
Est-ce à dire qu’il n’y a rien à amender, rien à corriger ? Si, bien sûr : « Il faut qu’on ressoude un peu la majorité », reconnaît l’entourage du président, qui pour cela mise sur son déjeuner hebdomadaire avec Jean-Marc Ayrault avancé au lundi, afin de caler en amont la stratégie de la semaine. Et espère que la multiplication des rendez-vous à l’Elysée avec les fortes têtes de la majorité parlementaire (aile gauche du PS, écologistes) nourrisse le dialogue et assoupisse leur impatience.
Pour le reste, les inflexions prévues sont essentiellement de l’ordre de la mise en mots. A l’Elysée comme au gouvernement, l’interview accordée au Monde du 10 juillet par Stéphane Le Foll, dans laquelle le ministre de l’agriculture explique que « changer de cap serait une erreur », mais que « changer [de] discours » est nécessaire, a été appréciée. « Stéphane a raison. La deuxième année du quinquennat doit être une année un peu différente. Dans la première, on avait à faire face à la crise de la zone euro, à créer le socle du changement. Maintenant, il faut essayer d’être plus dans l’explication », commente Pierre Moscovici, qui se promet de multiplier les déplacements de terrain pour être « au plus près des entreprises et des salariés »
Quatre ans…
Rien ne semble ébranler la confiance de l’exécutif, ni les doutes qui montent dans son camp, ni le retour dans l’arène de Nicolas Sarkozy à droite. Là encore la démonstration de force de l’ancien chef de l’Etat, lundi 8 juillet à l’UMP, dont le comportement souligne en creux ce que n’est pas François Hollande – audacieux, transgressif, prêt à tout –, ne fait pas peur.
L’idée que l’ancien président, un an seulement après sa défaite, puisse déjà apparaître comme un recours, est balayée d’un revers de main. « Les Français ont la mémoire longue. Dans le pays, il n’y a pas d’envie de le voir revenir », assure ainsi Pierre Moscovici.
Flagrant déni de réalité ou lucidité stoïque ? Quoi qu’il en soit, François Hollande n’a pas l’intention, pour l’heure, de se départir de sa sérénité à toute épreuve. Explication d’un proche : « Ce qui compte pour lui, ce n’est pas la courbe des sondages, c’est la courbe du chômage. Et puis de toute façon, il a le temps et les institutions pour lui. La présidentielle, c’est dans quatre ans. »
Bastien Bonnefous, Françoise Fressoz et Thomas Wieder
Le Monde .fr 12/07/2013 http://www.polemia.com
social - Page 515
-
Les impasses du hollandisme
-
Pour une troisième voie économique
Bonjour mesdames et messieurs,
J’ai aujourd’hui l’honneur de m’adresser à vous à l’invitation de Serge Ayoub. Je ne suis pas membre de Troisième Voie, l’expérience m’ayant enseigné qu’un engagement politique est incompatible avec le recul attendu d’un analyste impartial. Pour autant, je me considère comme un compagnon de route de votre mouvement. J’ai en effet coécrit, avec Serge et un mystérieux « M. Thibaud », un petit ouvrage, « G5G, la guerre de cinquième génération », dont certaines idées se retrouveront sans doute, à l’avenir, dans votre Troisième Voie.
C’est pourquoi, quand Serge m’a demandé une contribution à votre réflexion sur l’économie, j’ai immédiatement accepté. De toute manière, le moment est excellent pour proposer des voies nouvelles. Après tout, ce que nous allons vivre dans les vingt ans qui viennent, c’est la fin d’un monde. Alors profitons-en pour dessiner, dès à présent, ce que nous espérons pour le monde d’après.
Entendons-nous bien : cette formule, « la fin d’un monde », n’est pas une « manière de parler ». C’est l’exacte réalité, nous vivons, tous ici, depuis notre naissance, dans un monde : le monde de la consommation, de la confiance en l’avenir et du crédit. Nous allons, dans les deux décennies qui viennent, basculer dans un autre monde : le monde de la rareté, de la méfiance devant l’avenir et de la menace.
Nous sommes à la veille de constater la faillite du monde anglo-saxon. La dernière fois que ça s’est produit, c’était en 1343, sous le règne d’Edouard III. Cela a entraîné la chute du capitalisme médiéval, conditionné la prolongation de la guerre dite de Cent Ans, et contribué à la division par deux de la population de notre continent. Oyez, oyez, bonnes gens, grand spectacle en perspective ! On ne voit pas ça tous les jours !
C’est comme ça, on n’y peut rien… Essayons de faire une opportunité de cette grande menace : voilà ce dont il doit être question, pour une troisième voie économique.
Mais commençons par prendre l’exacte mesure de la réalité.
Sur le plan financier, la situation actuelle de l’Occident est facile à résumer : c’est la faillite à peu près complète d’à peu près tout le monde. Il y a, dans le système et avant de prendre en compte les produits dérivés, trois ou quatre fois plus de dettes que ce qui est soutenable au regard des taux de croissance actuels. Les évaluations des actifs monétaires sont totalement déconnectées du réel et ne renvoient plus qu’à un immense schéma de Ponzi. Les actifs immobiliers sont estimés sur la base de ce que les baby-boomers étaient prêts à payer pour préparer leur retraite, on va bientôt voir ce qu’ils vaudront quand ces mêmes baby-boomers devront les revendre aux classes démographiques creuses. Les actifs productifs eux-mêmes sont largement surévalués, puisqu’apparemment, personne n’a provisionné les implications des crises énergétiques et écologiques à venir.
En fait, tout l’Occident, c’est ENRON. Tous les occidentaux sont des salariés d’ENRON : ils croient qu’ils ont un boulot, mais en fait, ils n’ont qu’une ligne de crédit sur un compte déjà dans le rouge.
En 2008, les USA et l’Europe se sont offert un répit en sauvant leur système bancaire par les comptes publics. Mais l’Etat salvateur est lui-même totalement démuni. A court terme, la faillite de certains Etats occidentaux devra forcément être constatée, d’une manière ou d’une autre. Va-t-on sauver l’Etat par la Banque, après que la Banque a été sauvée par l’Etat ? Si oui, cela passera par les super-souverains, FMI, BCE. Et après ? Et après, rien. On n’aura fait que reculer pour mieux sauter.
Dans notre situation et à l'intérieur du cadre imposé par la haute finance actuellement au pouvoir, dans l'Etat profond, aux USA et en Europe, il n’y a que trois solutions : admettre qu’on ne peut pas rembourser les dettes, ce qui implique la déflation, puisque les faillites détruisent des revenus ; faire semblant de rembourser en imprimant de la monnaie à tour de bras, ce qui finit toujours par provoquer une inflation, par exemple via les prix des matières premières ou des denrées alimentaires ; ou bien gérer au fil des évènements, une politique de stop and go, pour fabriquer autant que possible une stagflation ou quelque chose qui s’en rapproche.
C’est cette dernière solution que nos élites vont probablement suivre ; tout l’indique à ce stade, en tout cas. Dans les années 1970, cela avait permis de gérer l’abandon de l’étalon-or et les chocs pétroliers ; mais cette fois, la situation est bien plus grave : une stagflation étalée sur dix ans, qui se traduira probablement par une inflation réelle de l’ordre de 10/15 % par an, avec dans le même temps des salaires qui stagneront ou progresseront peu en monnaie courante, voilà le programme. La soupe à la grimace, et il y en aura pour tout le monde ; le tout venant impacter des sociétés ravagées par trente ans de dérive inégalitaire et d’appauvrissement des jeunes au profit des vieux.
Première rupture : c’est la fin de l’ère de la consommation, c’est le début d’une ère de rareté relative. Voire, si certains mécanismes s’emballent, de rareté tout court.
Circonstance aggravante dans ce contexte pour le moins tendu, le système financier international est par terre. Pour l’instant, on a l’impression qu’il est toujours debout parce que tout le monde fait semblant de ne pas voir qu’il est par terre, mais il est bel et bien par terre.
La zone euro sera évidemment à brève échéance contrainte à un réaménagement drastique ; ce sera peut-être une explosion pure et simple entre une zone mark et une zone franc, peut-être le passage à un euro monnaie commune mais pas unique, peut-être une assez improbable sortie de crise par l’inflation, une inflation orchestrée par la BCE – une issue assez improbable vu les positions allemandes sur la question.
Mais en tout cas, ce qui est certain, c’est que la zone euro telle que nous la connaissions, c'est fini. Ça ne pouvait pas durer, de toute manière. En gros, c’était : « empruntez comme des Américains si vous êtes espagnols ou irlandais, négociez vos salaires comme des Français si vous êtes français, et profitez cependant des avantages d’une monnaie forte, à l’Allemande, si vous êtes riches. » Ce genre d’incohérence ne peut pas durer très longtemps. Surtout quand ça crée un système où il n’y a plus aucun outil de contrôle au sein d’un espace allant de Naples à Paris…
Le dollar, lui, n’est plus appuyé sur rien, à part la trouille bleue que le monde entier éprouve devant l’US Army. A ce sujet, pour ceux qui se demanderaient ce que les armées occidentales vont faire en Lybie : non, il ne s’agit pas de défendre les droits de l’homme parce que BHL a prophétisé son oracle. Il s’agit d’implanter une présence militaire euro-américaine pour empêcher par les armes la progression jusque là irrésistible de la Chinafrique, et ainsi conserver les matières premières sous contrôle – la seule raison qu’il reste au monde de vouloir du dollar, c’est en effet qu’on en a besoin pour acheter du pétrole et des matières premières.
Conclusion : le système que l’Occident est en train de mettre en place, en gros, c’est le durcissement de la structure de classes en interne, et l’impérialisme à l’extérieur, pour défendre le pouvoir de la haute finance, principalement anglo-saxonne, en confisquant les matières premières et les énergies. Soit l’impérialisme pour sauver l’hypercentralisme du capital privé.
Techniquement, ça rappelle assez certaines logiques des années 30, n’est-ce pas ?
Militants de Troisième Voie, à l’avenir, quand on vous traitera de fascistes, vous pourrez répondre à bon droit que vous l’êtes en tout cas moins que les gens que vous combattez ! Une réponse alternative serait que vous assumez les bons côtés du fascisme-projet, alors que les dirigeants actuels du capitalisme globalisé incarnent les mauvais côtés du fascisme-Etat, mais ce genre de nuances est probablement incompréhensible pour la plupart des gens…
Bref, revenons au sujet.
En face de ce fascisme bancaire occidental, un contre-pôle apparaît. En gros, c’est l’Organisation de Coopération de Shanghai, c'est-à-dire principalement l’alliance sino-russe, avec l’Inde en arrière-plan, même si elle n’a pas encore clairement choisi son camp.
Ce contre-pôle, on peut le remarquer au passage, est allié avec une partie du monde musulman, mais ennemi d’une autre partie. Ici comme ailleurs dans l’Histoire, l’unité musulmane apparaît comme un leurre, et ceux qui ont espéré, à une certaine époque, en l’Islam unifié contre l’Empire de la Banque… eh bien ceux-là apparaissent, une fois de plus, comme des rêveurs. Le monde musulman, sur le plan géopolitique, ça n’existe pas. Il y a des pays musulmans, la plupart sont sans force. La Turquie et l’Iran ont un véritable pouvoir régional, mais le face-à-face planétaire, évidemment c’est Chine contre USA, avec l’Europe à ce stade dans le camp américain, et la Russie dans le camp chinois.
Il y a un contre-impérialisme pour défendre l’hypercentralisme du capital d’Etat, et ça n’a rien à voir avec le Grand Jihad Hollywoodien et autres fariboles plus ou moins made in CIA...
Le monde qui émerge, à travers cette confrontation pour l’instant très froide et très indirecte entre OTAN et OCS, c’est un monde de la méfiance. La méfiance de tous devant l’avenir engendre la méfiance de chacun devant les autres. C’est la deuxième rupture : le passage d’un monde de la confiance en l’avenir à un monde de la méfiance devant l’avenir, et donc de la méfiance entre les puissances.
Cette rupture est sinistre, bien sûr, mais il faut aussi reconnaître qu’elle traduit une prise de conscience : les peuples qui ont fait confiance à l’Empire occidental savent maintenant à quoi s’en tenir, quand on leur tient des discours lénifiants sur la démocratie et la société ouverte. Allez parler de société ouverte aux retraités russes, vous allez voir, ils ont des choses à dire à ce sujet…
Bref, revenons au sujet : le temps de la méfiance.
La manifestation concrète de cette méfiance, c’est la décision sino-russe de commercer désormais en roubles et yuans. La signification de cette décision, c’est que la moitié du monde se prépare à sortir du cadre de représentation monétaire promu par l’Occident. La confiance ne règne pas…
Et elle ne règne pas, d’ailleurs, pour de bonnes raisons.
Ce cadre de représentation monétaire, promu par la sphère anglo-saxonne, dominante au sein de l’Occident, est depuis toujours appuyé sur le système du crédit. Ce système du crédit, concrètement, cela consiste à fabriquer, via la dette, une masse monétaire un peu plus importante que les besoins de l’économie réelle, qu’on lance ainsi à la poursuite d’une fiction : l’économie qu’il faut construire pour donner un sous-jacent à la masse monétaire générée par le crédit. De ce cadre de représentation, induit par le système du crédit, découle l’obligation de la croissance.
Au départ, tout cela n’était pas malsain ; cela a pu contribuer à créer de la prospérité. Mais le système a peu à peu dégénéré, au fur et à mesure que le capitalisme butait sur des limites écologiques et énergétiques niées contre toute évidence. La machine économique occidentale s’est ainsi virtualisée jusqu’à définir une véritable paraphrénie, une sorte de discours délirant produit par un cerveau global schizophrène : vous ne pouvez plus rouler en voiture, mais les compagnies automobiles font des bénéfices records ; vous êtes rendus malades par les médicaments, mais l’industrie pharmaceutique prospère. C’est de la folie. Le système économique occidental, depuis quelques décennies, c’est de la folie.
Le résultat contemporain, c’est une course en avant qui a échappé à toute limite, à tout processus de pilotage coordonné, un cerveau global entièrement dominé par une irrésistible « pulsion de croissance », si j’ose dire, en fait un cerveau global psychotique. Un cerveau global qui, parvenu au terme de son évolution, révèle progressivement son caractère psychotique, jusqu’à devenir une sorte de serial killer planétaire, ivre de toute puissance technologique, exactement comme un pervers violent est ivre de puissance devant une victime.
Il y a un moment où il va falloir que nous, occidentaux contemporains, acceptions de nous voir tels que nous sommes, même si c’est douloureux…
Nous sommes une civilisation malade. Nous avons détruit la conscience en anéantissant les cadres religieux qui interposaient des limites, des barrières, entre nous et nos fantasmes de toute-puissance. Nous sommes sortis de la religion, puis nous avons laissé tomber nos idéologies, qui étaient des formes religieuses dégénérées. A présent, nous sommes dans les ténèbres, mais nous ne le savons pas. Nous avançons tels des somnambules, ou plutôt tels des morts vivants, des robots, des créatures programmées par une obsession qui les commande pour leur perte. De la disparition de toute référence à une extériorité transcendante, de l’émergence d’une sorte de projection de nous-mêmes comme point de référence à notre course, est sortie une vision du monde pathologique. Celle d’un Jacques Attali, qui nous présente comme « l’idéal judéo-grec » la double négation de la conscience juive du péché et de la conscience grecque de la nature. Véritablement, c’est une maladie dégénérative.
Nous sommes aussi une civilisation contagieuse. Parce que nous engageons une course indéfinie à la puissance technologique, tout le monde est obligé de nous suivre. Certains n’y parviennent pas : Africains, musulmans, sud-américains, pour l’instant. D’autres y parviennent : Russes et Chinois, Indiens aussi, en partie. Il y a donc d’un côté ceux que nous pouvons détruire, et d’autre part ceux qui sont amenés, à leur façon, à nous suivre pour résister à notre menace – en produisant une menace en sens inverse.
C’est là que nous trouvons la troisième rupture : bienvenu dans le siècle des menaces, et des menaces croisées, réciproques.
Donc, je me résume pour que tout le monde ait les idées claires, voilà la situation : l’ère de la consommation, de la confiance et du crédit, nous a conduits, à l’instant de son retournement, dans l’ère de la rareté, de la méfiance et de la menace.
Et alors la Troisième Voie, dans ce contexte ? J’y viens.
Deux voies existent aujourd’hui. Le système s’arrange toujours plus ou moins pour fabriquer deux voies. Ça ne date pas d’hier…
La première voie est définie par le bloc occidental : c’est le capitalisme de la Banque ; la seconde voie est incarnée désormais par la Chine : c’est le capitalisme de l’Etat. Dans les deux cas, le capitalisme n’a plus grand-chose à voir avec la libre entreprise, encore moins avec la liberté. Il n’y a pas de libre entreprise dans un pays où la Banque déclenche des faillites collectives pour ramasser périodiquement la mise. Il n’y en a pas plus, évidemment, dans un système où l’Etat conserve fondamentalement un contrôle presque total sur la société.
Ces deux voies, chinoises et anglo-saxonnes, n’en font qu’une à long terme. Aucune des deux ne répond aux défis de l’heure. Elles sont produites par le siècle des menaces, mais elles ne permettent pas de répondre aux défis de ce siècle. Dans les deux cas, ce que nous avons, c’est un programme de maximisation de la puissance, une obsession de la croissance quantitative. Ni le modèle américain, ni le modèle chinois ne permettent de définir un avenir humain dans un monde où l’impératif de croissance va buter sur ses impératifs écologiques, énergétiques, mais aussi psychosociaux.
En fait, ces deux modèles supposent implicitement un rebond technologique avant la date fatidique où les catastrophes convergent, entre 2020 et 2030. Mais ce rebond paraît très improbable. L’énergie de fusion, les ordinateurs quantiques… on nous promet tant de choses. Mais en pratique, ce que l’on voit, c’est un déluge de gadgets, une multiplication des micro-innovations d’un intérêt de plus en plus douteux.
La voie du capitalisme financiarisé, virtualisé, à l’occidentale, nous conduit vers un monde où le Capital privé, devenu maître de l’Etat, bâtit un pôle de puissance et de richesse prédateur et restreint, dominant un contre-pôle de pauvreté et d’impuissance, formé par une masse dominée. C’est le monde créé par la toute-puissance de la Banque virtualisée, toute-puissance prédatrice et corruptrice, racine de presque tous nos maux, en réalité. Fondamentalement, le cœur de cette voie se trouve dans les pays anglo-saxons et en Israël. Précisons que les peuples américains, anglais ou israéliens n’y sont, dans leur écrasante majorité, pour rien ou à peu près ; ils se trouvent simplement que le Capital a élu domicile chez eux. Ils commencent d’ailleurs à figurer parmi les victimes les plus cruellement attaquées, d’ailleurs, s’agissant en tout cas des Américains et des Anglais.
La voie du capitalisme encore industriel, à la chinoise, nous conduit exactement vers le même monde, avec deux ou trois décennies de retard, malgré la vitesse étonnante du décollage chinois. Le capitalisme de l’Etat, tout en haut de la structure, donne peut-être à la voie chinoise, à ce stade, une plus grande cohérence. Mais ne nous y trompons pas, cette cohérence n’est pas mise au service de la liberté, de la dignité des êtres ordinaires. Le système chinois a l’immense mérite de parvenir à gérer un pays d’un milliard trois cent millions d’habitants. Mais ce n’est pas un système que nous, européens, pouvons envier.
En pratique et en profondeur, Chine, USA, cela revient au même : c’est le modèle d’une humanité à deux vitesses, pour mettre en cohérence le maintien du niveau de l’empreinte écologique démesurée des riches et l’harmonisation des structures de classes à l’échelle planétaire. Deux voies s’opposent, mais elles s’opposent pour se cautionner, et pour conduire, par leur opposition, à un unique modèle. Lire Jacques Attali, pour savoir ce qu’est ce modèle.
Chine-USA, une opposition en forme de piège. Une ruse de l’Histoire. Ou plutôt : de ceux qui font l’Histoire.
Mais c’est aussi une opportunité, car à la charnière de ces deux voies opposées par leur origine, et convergentes par leur dynamique, une troisième voie peut apparaître.
Cette troisième voie, c’est notre espoir.
Le duopole sino-américain est en crise. Il y a une sorte de course de vitesse entre deux phénomènes historiques : d’une part la confiscation progressive du pouvoir par une hyperclasse mondialisée qui a encore, sans doute, besoin de plusieurs décennies pour prendre vraiment conscience d’elle-même à l’échelle globale ; d’autre part l’implosion de l’empire jusque là dominant, celui du capitalisme occidental, et une transition complexe à gérer vers une nouvelle structure, au sein de laquelle la Chine risque d’être prédominante. La super-crise sociale et la super-crise géopolitique : laquelle des deux va surdéterminer l’autre ?
Alors, à tout moment, l’opposition de façade entre capitalisme occidental et capitalisme asiatique peut devenir autre chose qu’une opposition de façade. Le système global n’est pas stabilisé ; il faudra encore plusieurs décennies pour le stabiliser.
Et c’est donc pendant ce moment historique, entre l’ère impérialiste occidentale et l’ère de l’hyperclasse globalisée, et à la charnière entre les deux sphères occidentale et asiatique, c’est ici et maintenant, que peut se trouver une des rares lueurs d’espoir de notre époque : l’hypothèse d’une renaissance européenne, pour une troisième voie, ni américaine, ni asiatique.
Le monde a besoin d’un retour à l’esprit de limitation, parce que nous sortons de la consommation et entrons dans la rareté. Le monde a besoin d’une proposition de société qui préfère l’équilibre à la croissance, parce que nous sortons du temps de la confiance aveugle en l’avenir, parce que nous entrons dans l’ère de la méfiance. Et par-dessus tout, le monde a besoin d’une capacité à construire la paix et la stabilité, parce qu’il est, désormais, le monde de la menace. Ces caractéristiques, limitation, équilibre, stabilité, ne peuvent être apportées ni par l’économie atlantique contemporaine, véritable prolifération cancéreuse de la valeur comptable sans contrepartie réelle, machine à secréter le déséquilibre destructeur, ni par une économie chinoise pour l’instant éclatante de santé, mais caractérisée en profondeur par des déséquilibres sociaux gravissimes, qui finiront par pousser Pékin à s’engager dans un impérialisme adapté à la donne chinoise.
Dans un tel contexte, la définition d’une troisième voie par un troisième pôle est une espérance pour le monde.
Cette troisième voie, sa définition suppose d’une part qu’une force émerge qui puisse dire non à l’impérialisme anglo-saxon, d’autre part que ce refus soit accompagné d’une proposition positive de refondation.
La force, pour liquider l’énorme masse de dettes en la soldant sur la finance spéculative – ce qui suppose, pour que le voleur rende gorge, que la puissance de l’US Army et des réseaux d’influence de l’Empire occidental, gardiens du pouvoir de la Banque, trouve en face d’elle une puissance dissuasive, de force sinon égale, au moins comparable. La force, en somme, pour préempter la crise géopolitique, pour l’utiliser comme un levier, au lieu de la subir.
Et la proposition de refondation, c’est la fin, ou plutôt le dépassement de la psychose occidentale. Si notre civilisation a fabriqué cette psychose, c’est d’abord parce qu’elle avait pris énormément d’avance sur les autres civilisations du globe. Ceci implique aussi que nous pouvons, peut-être, trouver les premiers le remède à la maladie que nous avons répandue.
Ce remède, on le connaît tous en réalité. Arrêtons de tourner autour du pot : très concrètement, il s’agit de convaincre les riches qu’ils vivront une vie bien plus intéressante en partageant. Hors de là, pas de salut. Un processus d’imitation parcourt la structure sociale et la modèle de haut en bas. Nous devons en changer le contenu, pour qu’il répande à nouveau, à travers toutes les couches de la société, les valeurs supérieures du courage, de l’ascèse, du partage, et de la protection du faible par le fort en somme. Bref, il faut en finir avec le règne des marchands.
Si l’on a pu s’illusionner un instant sur une possible révolution conservatrice aux USA, il devient désormais évident que nous ne trouverons pas la formule de cette réhabilitation des valeurs supérieures dans un monde atlantique qui nous domine, mais qui illustre, jour après jour, sa renonciation à toute décence. Nos traditions de l’Europe continentale sont notre dernier espoir, voilà ce qu’il nous faut raviver si nous ne voulons pas périr.
Bref, qu’il s’agisse de constituer un pôle de puissance ou de lui donner une substance, c’est toujours par un choix géostratégique que peut et doit commencer toute « troisième voie économique » : nous devons choisir le contrepoids à la puissance et aux valeurs d’un monde atlantique malade et prédateur, qui nous fait crever parce qu’il héberge, pour l’instant du moins, la Banque, le Capital parasitaire. Demain, peut-être, une deuxième révolution américaine me fera mentir.
Mais pour l’instant, nous savons tous où se trouve l’alternative : dans l’alliance russe.
Et nous savons tous, aussi, comment cette alliance peut s’organiser. Depuis que Vladimir Poutine a publié dans la Süddeutsche Zeitung un plaidoyer pour un espace économique de Lisbonne à Vladivostok, tout le monde a pu constater que le Kremlin veut l’alliance européenne – ce qui est parfaitement logique, puisque cela installe la Russie en pont terrestre entre l’Europe et l’Asie. Et tout le monde a pu constater, aussi, que la proposition a été formulée en allemand, ce qui, là encore, n’étonnera personne, du moins parmi les gens qui se sont intéressés, ces dernières années, à la progression fulgurante du commerce germano-russe.
Bref, le nom concret de l’alliance russe, c’est : Paris-Berlin-Moscou.
Alors soyons clair : si vous vous demandez, parmi les gens qui vous parlent, qui est du côté des peuples, il y a deux questions à poser. La première, évidente, c’est : êtes-vous pour le retour à la souveraineté monétaire des Etats, donc pour l’abolition de la loi de 1973 interdisant à la Banque de France d’accepter les effets du Trésor à l’escompte. La deuxième, moins évidente mais tout aussi cruciale, c’est : êtes-vous pour une alliance Paris-Berlin-Moscou ?
Ceux qui répondent oui aux deux questions veulent une troisième voie économique.
Ceux qui répondent oui à la première question, la loi de 73, mais non à la seconde, Paris-Berlin-Moscou, sont de doux rêveurs, qui n’ont pas pris conscience des vrais rapports de force.
Vous en trouverez aussi qui répondent oui à la deuxième question, Paris-Berlin-Moscou, mais non à la première, la loi de 1973. Ceux-là veulent en réalité positionner le pouvoir bancaire au cœur d’une future économie continentale – car, il faut bien le comprendre, ce pouvoir, aujourd’hui logé dans le monde atlantique, peut très bien, demain, se repositionner dans un cadre différent, y compris à travers un axe Berlin-Moscou maîtrisé, en réalité, par les banques d’affaires. La politique et l’économie sérieuses, ce n’est jamais simple.
Mais supposons que tous les écueils ont été contournés. Supposons qu’un nouveau pouvoir, en France et en Allemagne, sans rompre totalement les liens avec les USA, engage réellement l’Europe dans une troisième voie économique…
Imaginons que le rêve esquissé par Vladimir Poutine dans la Süddeutsche Zeitung est devenu réalité. En quoi consiste alors la troisième voie ?
Oh, ça n’a rien de bien sorcier : c’est d’une part le relèvement de tout ce qui a été abattu par un demi-siècle de despotisme bancaire, et d’autre part l’adaptation de ces dispositifs restaurés à la nouvelle donne créée par les défis du XXI° siècle, des défis qui ne seront pas ceux du XX° siècle.
En France, en gros, il faut refaire le Conseil National de la Résistance, en nous souvenant que l’enjeu n’est plus tant de sortir de la pauvreté que d’organiser une aisance écologiquement responsable. En Allemagne, il faut revenir, là encore sous des formes renouvelées, à ce qui s’appelle, là-bas, l’économie sociale de marché et la cogestion. Et en Russie, il faut continuer le bon travail fait, depuis dix ans, par Poutine, en tirant profit des avantages considérables que la Russie peut espérer d’un investissement technologique européen. Nous avons notre hinterland à développer, il s’appelle la Sibérie, et il est immense. Croyez-moi, si nous osons renaître, nous ne sommes pas les plus mal placés sur terre…
On peut tout à fait imaginer que progressivement ces modèles européens, ces projets nationaux inscrits en Europe, se rapprochent et, dans une certaine mesure, fusionnent. Il est hors de doute qu’il existe aujourd’hui en France un intérêt pour ce que l’Allemagne a réussi mieux que nous ; une partie de cet intérêt est obscène : cette partie renvoie au fantasme que le pouvoir capitaliste français a toujours entretenu à l’égard de la société germanique hiérarchisée. Mais une autre partie de cet intérêt est tout à fait sain : le fait est que la cogestion et l’économie sociale de marché, eh bien cela marche tout simplement, dans certains domaines, mieux que la planification indicative à la française – même si dans d’autres domaines, c’est le système français qui s’impose.
D’ailleurs, il existe aujourd’hui en Allemagne un vif intérêt pour l’esprit de solidarité français – évidemment, les médias dominants, ici, ne vous en parlent pas, mais savez-vous que récemment, un sondage a révélé que 75 % des Allemands approuvaient une grève dure dans les chemins de fer, parce qu’ils estiment la rigueur excessive ? Vous a-t-on parlé des manifestations importantes qui viennent de secouer la Saxe, à peu près là d’où est parti, en 1989, le mouvement qui devait mettre la RDA par terre… Non, évidemment : vous comptez compter sur les médias français quand il s’agit de ne pas vous informer de ces choses. On préfère vous expliquer que les Allemands bossent dur et ferment leur gueule, et que vous devriez faire pareil. Eh bien, sachez-le, on vous ment : en Allemagne, il n’y a pas que des patrons et des retraités, il y a aussi une population qui souffre. Rien ne dit que cette population acceptera éternellement d’être le prisonnier modèle de la nouvelle prison des peuples, j’ai nommé l’Union Européenne bruxelloise…
En fait, ce qui se passe en ce moment, c’est que l’Europe est en train d’hésiter entre conclure son suicide et renaître.
Si nous ne parvenons pas à triompher de la dictature des marchés financiers, si nous devenons les auxiliaires du combat d’une soi-disant voie occidentale vers la société de l’injustice, contre une voie asiatique conduisant d’ailleurs elle aussi à cette même société de l’injustice… bref, si nous nous laissons entraîner dans une voie que nous n’avons pas choisie, les gens qui nous ont poussé au suicide finiront leur travail.
Mais il y a une autre voie.
La voie qui consiste, tout simplement, à décider nous-mêmes de notre avenir. Restaurer notre souveraineté nationale, l’insérer dans un ordre européen reposant sur une alliance structurelle entre des puissances européennes souveraines, mais coordonnées par un système d’agences, souple et réactif. Utiliser le formidable levier de puissance de cette alliance pour reconquérir les instruments de la souveraineté monétaire. Utiliser la souveraineté monétaire pour opérer, à l’échelle d’un espace eurosibérien coordonné, une véritable refondation monétaire. Profiter de cette refondation monétaire pour faire, à l’échelle de cet immense espace eurosibérien, ce que jadis, en plus petit, l’alliance des résistants dans le CNR avait fait en France, ou encore ce que, d’une autre manière, les politiques habiles et raisonnables firent en Allemagne, dans les années 50. Redistribuer les revenus. Dompter le capitalisme. L’obliger à produire, sans violence inutile, sans contrainte autre que celle strictement nécessaire, la dose exacte de socialisme qui doit servir de contrepoids à un libéralisme sain, un libéralisme des entrepreneurs. Et choisir, ainsi, à travers l’économie, qui n’est qu’un outil, la renaissance de nos vieux peuples.
On sait tous très bien ce qu’il faut faire. Et on sait tous très bien que la seule chose qui nous empêche de le faire, c’est, tout simplement, le pouvoir des riches, des très riches. Il faut, donc, tout simplement, briser ce pouvoir, là où il est à ce stade concentré : dans l’Anglosphère. La troisième voie, c’est la voie qui conduit à remporter cette bataille-là.
C’est possible. Mon opinion est qu’il y a très peu de chances pour que cela arrive, je ne vous le cacherai pas. Mais c’est possible, et c’est absolument la dernière chance, le dernier arrêt pour descendre et changer de train. Après, le programme, c’est highway to hell.
Donc, en conclusion, voilà à quoi, à mon avis, doit correspondre la troisième voie économique défendue par votre mouvement : saisir la dernière chance de l’Europe.
Evidemment, on dira qu’il y a un extraordinaire décalage entre cette ambition et vos moyens. A quoi bon, dira-t-on, parler de ces questions à des gens si peu nombreux, si peu puissants ?
A cette objection, je répondrai qu’on ne vous demande pas, à vous du mouvement Troisième Voie, d’être plus que des auxiliaires dans ce grand combat.
A ceux qui s’étonnent, ici ou là, que je sois un compagnon de route de votre mouvement, je réponds en général ceci : quand on va passer aux choses sérieuses, ce qui arrivera forcément dans quelques années, et nous le savons tous… quand on va passer aux choses sérieuses, donc, vous préférez les trouver où, les jeunes gars de cette tendance : en face de vous, ou à côté de vous ?
Et donc, voilà pourquoi j’espère, militants et sympathisants du mouvement Troisième Voie, vous avoir, en bon compagnon de route, un peu aidé aujourd’hui à choisir le bon combat.
Michel drac http://www.scriptoblog.com -
La monarchie sociale : ses raisons d'être...
La Monarchie française est éminemment sociale, ou a le devoir impérieux de l’être, ne serait-ce que pour légitimer sa nécessité et son autorité : c’est un élément que je ne cesse de mettre en avant, suscitant parfois une certaine circonspection de la part de mes contradicteurs mais aussi parfois des sympathisants monarchistes eux-mêmes…
Sans doute faut-il expliquer ce point de vue, et l’approfondir sans cesse, au regard de l’actualité, malheureusement cruelle aujourd’hui envers ceux qui travaillent ou qui cherchent un emploi : si la Monarchie n’est pas un remède miracle, elle est le régime qui peut permettre, avant tout, de garantir la justice sociale et de ne pas abandonner ceux qui souffrent d’une crise (en fait, d’un processus de mondialisation…) dont ils ne sont guère, en tant que tels, responsables ! L’indépendance de l’institution royale, de par le fait que la naissance ne doit rien à la fortune, lui donne l’occasion (qui est, en fait, un devoir) de parler au-dessus des simples intérêts privés, y compris des plus riches, que ceux-ci soient des individus ou des sociétés privées. Un Louis XIV n’hésita pas, en son temps, à embastiller Nicolas Fouquet, l’homme le plus riche du royaume, sans doute plus comme un rappel que l’Argent ne faisait pas le bonheur et, en tout cas, ne commandait pas à l’Etat royal en France, que comme le règlement d’une simple affaire de corruption… De plus, le Roi n’est pas le représentant des classes dominantes (une sorte de suzerain capitaliste, en somme) mais un souverain qui s’impose à tous et encore plus à ceux qui possèdent, et qui a le devoir de n’oublier personne dans son souci politique. S’imposer ne veut pas dire être un dictateur qui terroriserait les riches et flatterait les autres, mais simplement rappeler à tous que l’Etat n’est pas « une place à prendre » mais un pays à servir, au-delà des différences et des libertés particulières qu’il faut organiser, ou plutôt laisser s’organiser dans le respect des équilibres sociaux et de la justice nécessaire à toute œuvre sociale. Dans un monde où l’Argent a pris une telle importance, cela ne sera sans doute pas facile mais la Monarchie a ainsi quelques atouts et il serait dommage pour le pays de ne pas les utiliser…
L’indépendance royale, certes menacée par les jeux des groupes de pression financiers dans cette mondialisation qui cherchera à fragiliser l’Etat politique, est un levier important dans la capacité de l’Etat et de son gouvernement, quelle qu’en soit la couleur électorale, à faire accepter les réformes à ceux qui, d’ordinaire, cherchent à s’en abstraire ou à en fuir les conséquences quand elles ne leur conviennent pas. Mais la Monarchie n’oublie pas de permettre à tous, y compris les groupes de pression, de s’exprimer et de proposer, voire de contester : mais c’est la Monarchie qui arbitre et préserve l’Etat et l’intérêt commun, tout en laissant le gouvernement faire son travail et œuvrer au quotidien.
La Monarchie active « à la française », de par son rôle majeur (sans être omnipotent ni même omniprésent) d’arbitrage politique et de protecteur social, marque son territoire d’action par sa capacité de décision dans quelques grands domaines, ceux que l’on nomme régaliens (ce qui, d’ailleurs et même en République, veut dire … « royaux » !) : la grande finance, la diplomatie et les affaires militaires, et la garantie de « la protection de tous », en particulier sociale.
Si la Monarchie instaurée (le plus tôt sera le mieux !) veut s’enraciner sans se renier, il lui faudra assurer et assumer son rôle éminemment social : dans un monde incertain, face à une mondialisation menaçante, elle doit tracer un sillon social profond en rappelant aux puissants d’aujourd’hui, d’ici comme d’ailleurs, que toute politique crédible et efficace passe par la prise en compte des populations et par le souci de préserver la justice sociale, ciment des sociétés et facteur d’unité nationale. Il lui faudra aussi lancer le grand chantier d’une nouvelle organisation sociale, par le biais d’un syndicalisme vertical qui prenne en compte, dans ses structures, tous les échelons de la hiérarchie, et par la mise en place d’espaces de réflexion et de décision, voire de redistribution dans certains cas (intéressement, actionnariat salarial ou populaire, patrimoine « corporatif », etc.), espaces qui réunissent tous les acteurs de l’activité économique locale, communale, régionale ou nationale, y compris en y intégrant des acteurs extérieurs et étrangers (mais qui ne devront pas avoir vocation à diriger ce qui doit rester aux mains des producteurs locaux) comme les investisseurs ou les représentants des institutions internationales (ceux de l’Union européenne, par exemple) ayant une part dans l’activité économique concernée.
A l’heure où la République tremble devant les oukases de la Commission européenne et les injonctions d’un Marché devenu incontrôlable, il est temps d’en appeler, fortement, à l’instauration d’une Monarchie sociale pour la France, non par caprice ou utopie, mais par réalisme et nécessité !
C’est, d’ailleurs, sur le terrain social, que le royalisme a, aujourd’hui, le plus de chances de faire entendre sa « musique particulière », au travers de la contestation des mesures antisociales de cette « Europe-là » et de cette République hollandaise si oublieuse de ses promesses électorales de justice sociale… Mais, au-delà de cette régence sociale que nous assumons, il faut poser, ici et maintenant, les conditions d’une vraie politique sociale inscrite dans le marbre des institutions à venir…
Jean-Philippe Chauvin http://www.actionroyaliste.com
-
Entreprise, emploi : les deux difficultés de l'économie socialiste
Le chômage s'envole, et les entreprises, inquiètes, peinent à embaucher. Le discours de François Hollande, façon méthode Coué, promettant l'accalmie, voire mieux, pour la fin de l'année ne convainc pas. Or, il n'y a pas de croissance sans confiance. Et il ne suffit pas, pour cela, de voter une loi sur l'emploi, ni de la faire valider par le Conseil constitutionnel. Encore moins, sans doute, de convoquer une nouvelle Conférence sociale.
La loi sur l'emploi accorde plus de flexibilité aux entreprises - enfin, aux entreprises en « graves difficultés ». C'est-à-dire aménagement du temps de travail et salaires pendant deux ans maximum, accord de maintien dans l'emploi, mobilité interne, refonte des procédures de licenciement, etc. En échange, si l'on peut dire, de nouveaux droits sont accordés aux salariés (accès élargi aux mutuelles, droits rechargeables au chômage, compte individuel formation, encadrement des temps partiels, etc.).
En présentant ce texte, le ministre du Travail Michel Sapin vantait « un grand texte de progrès social qui sécurise et qui permettra à la France d'être prête demain à saisir la croissance qui repartira ». C'est là le hic : il n'y a rien à l'horizon. Et les chiffres de l'Insee ne sont guère faits pour rassurer. Comme le soulignaient Marion Le Pen et Gilbert Collard à l'Assemblée nationale : « Pour nous, la sécurisation de l'emploi passe d'abord par une reconstruction de nos industries à l'intérieur de frontières nationales ou européennes. » Discours inaudible...
Un gâchis
Ouvrant la deuxième Conférence sociale de son quinquennat, François Hollande est donc remonté au créneau, en ressortant la boite à outils. En réaffirmant haut et fort que « le sérieux budgétaire ne sera pas en France l'austérité ». Et en pointant deux urgences : le retour de la croissance et le désendettement. Parce que « plus de 10% de la population active privée d'emploi, (...) c'est un gâchis pour l'économie. » À qui le dit-il ! Mais le constat, bien que juste, ne suffira pas, même renforcé de sa conviction, à « inverser durablement la courbe du chômage à la fin de l'année ». Les partenaires sociaux, et les Français en général, ne se sont pas privés de le lui dire.
D'abord, parce que la désindustrialisation de la France est une réalité. En 1975, l'industrie française employait 40 % des actifs, 23 % seulement en 2009. C'est peu ! Et toute tentative de renforcer l'industrie, de simplifier les démarches des créateurs d'entreprise se heurte immanquablement à l'idéologie socialiste.
L'exemple récent du couac gouvernemental sur l'auto-entreprenariat le confirme. À peine Jean-Marc Ayrault avait-il tenté de calmer le jeu en affirmant que la menace d'une limitation dans le temps de ce système ne se concrétiserait pas que Sylvia Pinel, son ministre de l'Artisanat, prétendait le contraire, en affirmant son intention de placer une limitation très précise, à savoir « de un à cinq ans ».
Depuis, au grand dam des intéressés, le débat s'enlise. Ce qui ne manifeste que trop combien le gouvernement socialiste se méfie d'un statut où une certaine liberté ne peut que dissimuler, dans son esprit, du travail illégal.
Prendre la mesure ?
François Hollande préfère, pour sa part, proposer des mesurettes. Telles qu'un « contrat d'apprentissage avec engagement d'embauché », qui ne peut qu'indisposer un entrepreneur ; ou les fameux emplois d'avenir, spécialement destinés aux non qualifiés, et payés en conséquence, qui ne peuvent satisfaire personne.
On pourrait multiplier les exemples de mesures ainsi prises et dont l'impact, tant qualitatif que quantitatif, est faible.
Mais, une fois de plus, le chef de l’État est dans la péroraison de conviction. Posant, mi-juin, sur le plateau de Capital (M6), la question : « Vous croyez que je ne l'ai pas vue, la crise ? », Hollande a entrepris d'y répondre lui-même : « Je l’ai prise cette crise en pleine face pendant la campagne présidentielle, ensuite le vent a soufflé plus fort. » Et d'affirmer que, dès son arrivée au pouvoir, le gouvernement en avait pris la mesure, et pris les mesures.
À ceux qui rétorquent que, à cette aune, le résultat est encore plus accablant, le président rétorque, en une espèce de Pilate de l'économie : « Ce n 'est pas le rythme des réformes qui est jugé trop lent, ce sont les résultats qui tardent. »
Au « travailler plus pour gagner plus » de Sarkozy, les socialistes prétendaient opposer un « travailler mieux pour vivre mieux ». On n'aura finalement ni l'un ni l'autre...
Olivier Figueras monde & vie 2 juillet 2013 -
Face au chômage :
Lien permanent Catégories : actualité, France et politique française, l'emploi, social 0 commentaire -
Pascal Lamy : « Le patriotisme économique n’a plus de sens »
Entretien avec Pascal Lamy, directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour encore un mois.
Vous travaillez à Genève pour une organisation mondiale, après avoir été longtemps à Bruxelles au service de l’Europe… Que veut dire pour vous une Fête nationale ?
« Pour comparer les différentes échelles de gouvernance aux états de la matière, je dirais que le niveau mondial est gazeux, l’européen, liquide, et le national, solide. Une fête nationale, c’est la célébration d’une appartenance. Et dans ce monde qui s’intègre à toute vitesse, l’appartenance est fondamentale, car il faut savoir articuler des identités différentes. Plus la globalisation progresse, plus il faut cultiver ces appartenances. »
On a cru un temps qu’on allait avec l’Europe dépasser les nations…
« Je n’ai jamais pensé que construire l’Europe, c’était casser les identités nationales. Et je ne le pense pas davantage de la globalisation. Les tensions existent, mais on ne les réduira pas en niant la dimension de proximité. »
Le mot patriote ne vous fait donc pas peur ?
« Pas du tout. »
Et le patriotisme économique ?
« C’est autre chose… Il y a vingt ans, le contenu en importations des exportations (la part des composants étrangers dans un produit national vendu à l’étranger) était de 20 %. La proportion est aujourd’hui de 40 %, elle sera de 60 % dans vingt ans. Donc si le patriotisme économique, c’est vouloir consommer et exporter le plus possible des produits purement nationaux, cela n’a plus de sens. »
En 2012, dites-vous souvent, nous avons changé de monde…
« Oui, pour la première fois, la production des pays “en développement” a dépassé celui des pays “développés”, et cela va s’accentuer. Et pour être plus précis, il y a maintenant une continuité entre ces deux catégories. Mais il faut ne pas oublier que les inégalités se sont creusées dans le monde développé, comme dans les pays en développement : la mondialisation a sorti des milliards de personnes de la pauvreté, mais au prix d’inégalités croissantes. »
Et l’accord en discussion entre les Etats-Unis et l’Europe, c’est une défense du “vieux monde” ?
« C’est difficile à dire, ils n’ont pas clairement affiché leurs intentions… Ces négociations bilatérales, entre deux régions, ne sont pas nouvelles. Je constate que plusieurs autres sont en discussion, entre des régions qui pèsent lourd économiquement : en Asie, entre Etats-Unis et Asie, entre Union européenne et Japon. La question est de savoir si ces accords, s’ils sont conclus, ce qui reste à voir, convergeront pour entrer en cohérence. Au fond, le seul exemple de convergence réglementaire, c’est l’Europe, avec son marché intérieur. Ces projets reviendraient à créer un “marché intérieur” à la dimension du monde.
Il faut souligner aussi qu’on parle beaucoup moins de tarifs, de droits de douane, mais beaucoup plus de différences réglementaires : s’il y a trente procédures différentes pour être certifié sur différents marchés, c’est aussi coûteux, parfois même davantage, que de payer des droits de douanes… Mais les droits de douane sont censés protéger les producteurs, alors que les mesures réglementaires sont faites pour protéger les consommateurs. Ce sont des mesures de précaution, qui renvoient à des valeurs, plus difficiles à harmoniser. […]
A ce propos : l’espionnage, c’est la face noire du commerce ?
« Je ne sais pas, mais chacun sait que tout le monde espionne tout le monde. Sauf les organisations internationales comme l’OMC, espionnées par tout le monde mais qui n’espionnent personne ! »
Quand on voit le monde, il n’y a vraiment pas de quoi être optimiste sur l’Europe…
« C’est vrai. Je disais en 2009 que cette crise durerait cinq ans ou dix ans, avec l’exemple japonais en tête… Nous sommes en 2013, je maintiens qu’elle va durer encore cinq ou dix ans. Parce qu’il y a des contraintes européennes qui rendent toute action plus lente qu’ailleurs : les Etats-Unis ont réussi à nettoyer leurs banques deux fois plus vite que les Européens. Il faut en tirer les conséquences, et aller rapidement vers un système de décision plus efficace qui s’appelle le fédéralisme. »
Doit-on s’inquiéter de l’avenir de l’exception française ?
« L’exception française existe, puisque les Français se perçoivent ainsi, et puisque les autres perçoivent ainsi les Français. Elle a son bon côté, qui est d’avoir une ambition mondiale. Et son mauvais côté : aujourd’hui, l’ambition dépend des performances économiques, et la France a dérivé dans ce domaine. La France et les Etats-Unis sont assez proches dans leurs ambitions mondiales, la différence est que personne ne met en doute la capacité d’influence de la spécificité américaine. »
L’exception française est donc condamnée ?
« Pas du tout ! A condition de ne pas limiter notre ambition à être les premiers mondiaux dans le tourisme. Je suis persuadé que nous pouvons l’être dans d’autres domaines, si nous cessons de penser que le social passe avant l’économique.
Dans cette crise, l’économie française n’a pas connu de choc, comme l’Italie ou l’Espagne, mais son potentiel de croissance reste trop bas. Le vrai danger pour la France est une dérive économique lente. »
Vous êtes toujours membre du PS ?
« Oui. J’ai pu avoir des tentations de départ, comme tout un chacun peut en avoir dans toute appartenance. J’ai aussi pu imaginer devenir protestant, mais ça n’est jamais allé très loin. Et à ma connaissance, personne n’a encore songé à me virer comme idéologiquement malpropre. »
Et si je vous demande ce que vous ferez après l’achèvement de votre mandat, fin août ?
« Je répondrai la vérité : honnêtement, je n’ai rien décidé. »
-
"Et ça continue, encore et encore ..." (1)
C'est mardi 9 juillet que l'assurance maladie a fait ses propositions au gouvernement, ce afin de réaliser des économies en 2014 à hauteur d'environ 2,5 milliards d'euros dans les dépenses de santé. Il est facile de comprendre en raison de la baisse de la masse salariale, que les recettes dans les caisses de la sécurité sociale ne peuvent que diminuer. Si on prend en compte la prévision de la Commission des comptes de la Sécurité sociale (CCSS), le déficit de la Sécu se situera à 14,3 milliards en 2013 alors qu'il n'était que de 11,4 milliards l'année dernière. Quant au déficit de la branche maladie il devrait atteindre 7,9 milliards contre 5,1 en 2012.
Si ce voit préconisé fort justement la chasse au gaspillage, force est de constater que celle-ci n'est qu'écran de fumée dont l'objectif n'est que de masquer la diminution du remboursement des médicaments. Le fait n'est au demeurant pas nouveau.
C'est ainsi que l'insee a consacré une étude concernant l'évolution des prix des médicaments entre 2000 et 2010. Elle distingue le prix « brut », qui est le prix de marché et le prix « net » qui est celui effectivement payé par le consommateur après la prise en charge de la sécurité sociale. Entre 2000 et 2010, le prix « brut » de l’ensemble des médicaments remboursables et non remboursables a baissé de 1,8 % par an. Durant la même période, le prix « net » de ces médicaments a augmenté de 0,6 % par an. Ce distinguo s’explique par le déremboursement mais aussi par la forte progression du prix des médicaments non remboursables.
On a, et bien à tort, l'idée qu'une révolution est nécessairement ponctuelle et soudaine. Un autre type de révolution, dans la quiétude cette fois ci, donc plus insidieuse, passe par la succession de réformes minimes, qui permettent de parvenir au même résultat qu'une révolution brutale. A titre d'exemple, si l'augmentation du prix du tabac visait à en diminuer la consommation, il eut été facile de faire passer le prix du paquet de cigarettes de 1 à 5 euros brutalement. A contrario, en pratiquant des hausses successives à hauteur de 50 centimes par étapes, on est parvenu à révolutionner le prix du paquet, sans déclencher une prise de conscience.
A titre d'exemple, le 20 mai 2003, le taux de remboursement de 617 médicaments courants est passé de 65 à 35 %, selon un arrêté du ministère de la Santé (JO du 21.4.03). De même, déjà en octobre 1999, un décret prévoyait de ne plus rembourser les médicaments au SMR (service médical rendu) modéré ou faible qu'à 35 % . De façon similaire, Le taux de remboursement des 1.219 médicaments à vignette bleue est passé de 35% à 30% le 2 mai 2011.
Les différents gouvernements successifs se gardent bien d'aller embarrasser les grandes multinationales que sont les laboratoires et les mesures prises se doivent de les satisfaire. On sait très bien au demeurant qu'il existe sur le marché des médicaments factices qui n'apportent rien de plus que leurs prédécesseurs. Ces laboratoires ne veulent pas accepter que leurs produits rentrent dans le domaine public une fois leur brevet expiré. D'où l'élaboration de médicaments similaires mais qui sont payés par les Français au prix fort.Alain Rebours http://www.voxnr.com
Notes :
(1) ... C'est que le début, d'accord, d'accord" Francis Cabrel.
-
Discrimination positive et « diversité » : le double racisme
Au Brésil, une disposition législative récente oblige les universités à surévaluer de 5% les notes des Noirs et des Métis, au détriment des Blancs. Aux USA, des pratiques semblables existent depuis longtemps dans les quotas universitaires, de plus en plus contestés d’ailleurs.
Sous des prétextes ”sociaux”, la discrimination positive (affirmative action), notion née aux Etats-Unis, est en réalité un concept éminemment racial et raciste, dans les deux sens : qui considère implicitement les non-Blancs comme des êtres inférieurs, des handicapés mentaux qu’il faut aider artificiellement (sous le faux prétexte qu’ils sont socialement défavorisés) ; et qui discrimine objectivement les Blancs. Double racisme. Inventé par des Blancs culpabilisés, ethnomasochistes et inconscients de leurs contradictions.
En France, pays où officiellement les ”races ” n’existent pas et où prévaut strictement la logique individualiste des Droits de l’Homme, la notion hypocrite de « diversité » sert de faux nez à la discrimination positive à caractère ethno-racial. Par une série de contrats et de règlements, les entreprises et les administrations sont, pour les postes pas ou moyennement qualifiés, tenues d’embaucher en priorité des postulants issus de l’immigration extra-européenne. Au détriment des Européens de souche, même plus compétents. C’est notamment le cas de la grande distribution.
Contrairement à ce qu’on prétend (théorie stupide de l’”exclusion”), une jeune Blanche ou un jeune Blanc sont actuellement défavorisés par cette préférence allogène à l’embauche. Ce qui limite un peu mais n’empêche pas le chômage supérieur des ”jeunes issus de l’immigration”, puisque ces derniers sont, disons-le par euphémisme, moins portés que d’autres à l’effort de décrocher un emploi et statistiquement moins compétents.
Cette politique de la diversité et de l’égalité (ou préférence ethnique allogène), qui vaut aussi pour les emplois aidés, a donc pour objectif dissimulé de limiter le chômage de cette population au détriment des autochtones. Mais, d’un point de vue juridique, cette discrimination positive est anticonstitutionnelle, tout comme d’ailleurs les lois sur la parité hommes/femmes dans tous les domaines. (Je reviens sur ce point dans un autre article). En effet, l’idéologie égalitaire et droit-de-l’hommiste est là en pleine contradiction avec ses principes. Ces derniers postulaient que seuls comptent, dans la méritocratie et l’égalité des chances, les individus et non pas les appartenances ethniques ou les sexes. Les quotas ou les privilèges en fonction de catégories ethniques ou sexuelles sont à la fois racistes et sexistes. La cible étant le mâle blanc qui est, paradoxe du masochisme, le premier instigateur de ces nouvelles règles absurdes.
Mais cette politique mènera à l’impasse car on ne force pas la nature. Refuser l’égalité des chances au profit de l’égalité des résultats, en fonction de quotas ethniques et sexuels, c’est enfoncer le niveau global de compétence d’une société, c’est truquer la sélection naturelle. Et c’est voué à l’échec : car, au final, les meilleurs gagnent. Ou s’en vont voir ailleurs…
Lien permanent Catégories : actualité, anti-national, immigration, l'emploi, lobby, social 0 commentaire -
La dette de la France ... (arch 2010)
Ce thème devient actuellement une obsession, mais on ne parle jamais des causes de la dette des pays occidentaux.
Pourquoi les pays occidentaux sont-ils fatalement obligés de fonctionner avec un endettement de plus en plus grand ? Cela provient fondamentalement de la désindustrialisation de l'Occident qui profite essentiellement à certaines catégories sociales. Faudrait-il faire une analyse en termes de lutte des classes. Chaque entreprise qui s'en va, c'est autant de recettes en moins pour l'Etat en taxes d'entreprises et en impôts pour les salariés. L'augmentation du chômage qui en résulte est aussi une charge supplémentaire pour la collectivité. Les charges traditionnelles de l'Etat quant à elles ne baissent pas (éducation, armée, santé, ... ), d'où cette distorsion. Tous les pays occidentaux s'endettent. Les états sont dans la même situation que les ménages américains qui s'endettaient pour ne pas faire baisser leur niveau de vie malgré la compression de leurs revenus.
Cet endettement peut se résoudre de plusieurs façons :
- par l'inflation qui profite toujours aux débiteurs au détriment des créanciers,
- par la croissance, ce qui semble mal parti vu la faible croissance observée depuis des années, par les impôts mais cela fera baisser la demande intérieure d'où une nouvelle augmentation du chômage,
- par la création monétaire, mais la France n'est plus maîtresse de sa monnaie avec l'Euro et elle ne peut plus créer la monnaie ex nihilo comme avant.
Actuellement, la réponse semble être une fuite en avant. L'emprunt sur les marchés internationaux au profit des états crée un effet d'éviction au détriment des entreprises désireuses d'emprunter.
On claironne que la crise est finie, comme pour s'en persuader (la méthode Coué peut parfois fonctionner en économie). Ce que l'on constate, c'est que l'économie se reproduit sur elle-même ou quasiment avec à chaque fois un chômage plus important. Le système fonctionne avec de plus en plus d'individus laissés sur le bord de la route. Les entreprises qui sont parties hors de France ne reviendront jamais. Le chômage implique aussi que des banques ne seront pas remboursées de leurs crédits. Les sociétés occidentales doivent selon certains économistes s'adapter à une ère postindustrielle, comme si cela était une fatalité que la France n'ait plus d'industries. Or la désindustrialisation n'est due qu'au cadre institutionnel créé par le capitalisme financier qui n'est que l'expression du capitalisme actionnarial. La dictature des actionnaires fait des entreprises des instruments qui doivent servir à entretenir le niveau de vie des actionnaires. Le taux du R.O.E (return on equity ou retour sur investissement) de 15 à 20 % est la plus grosse pression aux délocalisations. À cela s'ajoute un Euro fort qui exerce une pression supplémentaire.
Le G20 ne sera qu'un rafistolage du néolibéralisme. Le capitalisme financier qui se croit exister pour l'éternité et être le summum du capitalisme, une fin de l'Histoire économique selon l'expression de Fukuyama ne crée que des taux de croissance minables dans les pays occidentaux et surtout dans la zone Euro. Il va mettre l'Occident à moyen terme en situation d'infériorité. Dans une part du gâteau qui ne croît guère, cela n'empêche pas les inégalités d'exploser.
À propos de Sarkozy, on peut dire que la quintessence de la France ne se trouve plus à l'Elysée. En dehors de ses origines étrangères et de son épouse, le président n'a rien de culturellement français. Il ne connaît rien au vin, sans doute parce qu'il ne tient pas l'alcool. Jamais un chef d'état français n'a été aussi américanisé et fait aussi peu français. Toutes ses références culturelles sont américaines. Même si la bourgeoisie française le trouve vulgaire, elle a voté massivement pour lui car il a été le nœud d'une multiplicité d'intérêts et par-dessus tout la finance a voté Sarkozy.
Patrice GROS-SUAUDEAU STATISTICIEN-ÉCONOMISTE -
La natalité européenne victime de la crise
Indice de fécondité par pays dans le monde en 2006
BERLIN (NOVOpress via le Bulletin de réinformation) - Une équipe de chercheurs allemands est arrivée à une conclusion sans appel, en étudiant l’évolution de la natalité et du chômage dans vingt huit pays européens depuis 2001. Plus le chômage augmente, plus le taux de fécondité baisse. En Espagne, le taux de fécondité est passé en trois ans de 1,5 à 1,4 enfant par femme !
Ce phénomène se vérifie particulièrement pour les jeunes, qui peuvent plus aisément remettre à plus tard leur désir d’enfant. Un constat inquiétant alors que le chômage des jeunes atteint 23 % en zone euro ! La situation est cependant diverse selon les pays, certains résistant plus que d’autres : la natalité allemande se maintient, grâce à sa situation économique. Il en est de même de la natalité française, ce que les chercheurs expliquent par la politique familiale française.
Crédit photo : PlatypeanArchcow via Wikipédia (cc). http://fr.novopress.info