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tradition - Page 169

  • LE MYTHE COMME ENJEU : LA REVUE “ANTAIOS” DE JÜNGER ET ELIADE

    L5fV-RF5IPo7DZkgoW2_bfasiy0.jpgLa publication Antaios [1959-1971] scelle la fructueuse rencontre de deux hommes : l’un, Ernst Jünger, auteur allemand à la réputation que l’on voudrait outre-Rhin sulfureuse, l’autre, Mircea Eliade, roumain de l’exil, comparatiste et brillant historien des religions. En commun, les deux hommes se sont interrogés sur la nature du Sacré. sur la place que l’homme occupe dans l’histoire. Il ne nous revient pas ici, dans le cadre exigeant mais forcément restrictif d’un article. de retracer ce que furent les siècles qui précédèrent un tel questionnement. Cependant, nous ne saurions oublier que l’histoire, telle que nous la percevons aujourd'hui, est mouvementée, viciée, source d’éternelles inquiétudes, et qu’elle ne cesse de nous rappeler nos limites, la présomption de nos œuvres. L’homme, au sortir des embrasements européens, pris dans les rets de l’histoire au sein d’un monde nihiliste, respire la mort, celle des autres tout en étant obsédé par la sienne propre, car ce que nous appelons l’histoire est somme toute l’histoire de la mort. Or, Antaios, moyen d’expression dirigé vers un public, marque la volonté de se libérer des contraintes visibles de l’histoire et de retrouver la puissance d’un monde riche de sève originelle.

    L’enjeu était grand. Comme par un acte de défi métaphysique, Jünger et Eliade portèrent l’exigence d’un combat spirituel contre l’angoisse du monde moderne, amnésique et déraciné. Dans un souci pédagogique, les responsables d’Antaios procédèrent à des rappels de l’histoire spirituelle de notre planète et puisèrent leur énergie dans un passé lumineux, dans le patrimoine mythologique que partagent toutes les religions. Le recours au mythe apparaît, dans la bataille idéologique que mène Jünger, comme la clef de voûte de tout un système de pensée, le seul capable d’expliquer le rapport que l’homme entretient au Temps, à l’éternité et à la liberté. Par la connaissance des mythes donc, mais aussi par celle des beaux-arts, par la maîtrise de l’esprit sur le monde, les hommes d’Antaiosdevaient penser qu’il était possible de rééquilibrer la conscience humaine, de créer un nouvel humanisme, une anthropologie où microcosme et macrocosme correspondraient à nouveau. Ils témoignèrent aussi de cette certitude qu’un redressement spirituel était encore envisageable dans les années 60, et qu’il pouvait mettre fin à la décadence ou aux affres d’un temps d’Interrègne.

    La revue, éditée par la maison Klett, fut imprimée pendant dix ans, de 1960 (mai 1959/mars 1960) à mars 1971. Si, au début de la création, le tirage des cahiers, chacun contenant environ une centaine de pages, s’élevait à 2.000 et jusqu’à 3.000 exemplaires bimestriellement, celui-ci tomba à 1.200 exemplaires en fin de parcours. La revue n’était donc plus rentable. Selon Klett (1), le périodique était lu principalement par des scientifiques, des lecteurs appartenant à une couche dirigeante intellectuelle constituée par tous les groupes socio-professionnels de la population.

    Ernst Jünger livra 17 articles dont le contenu diffère fort de ceux qu’il avait publiés à la fin des années 20, lorsqu’il se voulait le chantre de l’héroïsme et l’annonciateur de l’ère des Titans ! Dans cette revue, Jünger fit paraître en primeur des passages de livres non encore édités (2). Eliade publia 14 articles, traductions en allemand de chapitres d’ouvrages déjà parus. Dans la grande liste des noms ayant collaboré à Antaios, nous retiendrons d’une part les signatures involontaires, témoins des orientations de Jünger ou d’Eliade : ainsi Quincey, Hamann, Eckartshausen, Schlegel, Keyserling ; d’autre part, nous avons les contemporains aux noms souvent bien connus : Michaux (1960), Corbin (1961/62/64), Kerényi (1966), Evola (1960/62/68/70), Borgès (1962), Caillois (1959/62/63/68), Jouhandeau (1960/65), Schuon (1965/66), de Vries (1960/62), Cioran, frère d’exil d’Eliade (1962/63/65/66) et l'inévitable cadet Friedrich Georg Jünger (1960/62/65). Dans cette liste de noms assurément exhaustive mais nullement innocente, nous observons le silence insolite d’un métaphysicien marquant : René Guénon. Certes, ce dernier mourut au Caire en 1951, mais l’apport guénonien n’avait-il pas sa place dans Antaios sous forme de traduction d’un chapitre, ou d’articles le présentant au public germanophone ? De plus, Schuon et Evola, dont les travaux parurent dans la revue, se reconnaissent comme disciples ou proches, intéressés par les thèses guénoniennes.

    L’absence dit parfois plus que les discours mais il est délicat de tirer des conclusions quand seules des suppositions peuvent élucider les raisons d’un tel silence. Il est évident que Jünger, fort bien instruit de la culture française et des courants ésotérisants, connaissait à cette époque les travaux de Guénon ; d’ailleurs ne cite-t-il pas furtivement l’ouvrage de Guénon, paru en 1930, Orient et Occident, dans Approches, Drogues et Ivresses (3) ? Guénon, qui avait très tôt constaté la rupture de l’Occident avec sa tradition, dénonça l’invasion dévorante et néfaste du système subversif d’anti-valeurs occidental à l’échelle de la planète. En 1930, Guénon déplorait que le savoir traditionnel des peuples conquis était condamné non pas, certes, à disparaître mais bien à se cacher, forcé ainsi dans d’ultimes retranchements par une colonisation aussi idéologique, forte d’une avancée économique et d’un pseudo-progrès matériel. Sur la question de l’actuel désordre, nous pouvons trouver chez Jünger plus d’une position et d’un argument concordant avec le discours guénonien. La méfiance de Jünger à traiter directement de la politique contemporaine depuis l’arrivée au pouvoir des forces du nazisme, le rapprochent de Guénon :

    « Nous n’avons pas l’habitude, dans nos travaux, de nous référer à l’actualité immédiate, car ce que nous avons constamment en vue, ce sont des principes, qui sont, pourrait-on dire, d’une actualité permanente, parce qu’ils sont en dehors du temps… Ce qui nous a frappé surtout dans les discussions dont il s’agit, c’est que, ni d’un côté ni de l’autre, on n’a paru se préoccuper tout d’abord de situer les questions sur leur véritable terrain, de distinguer d’une façon précise entre l’essentiel et l’accidentel, entre les principes nécessaires et les circonstances contingentes ; et, à vrai dire, cela n’a pas été pour nous surprendre, car nous n’y avons vu qu’un nouvel exemple, après bien d’autres, de la confusion qui règne aujourd’hui dans tous les domaines, et que nous regardons comme éminemment caractéristique du monde moderne » (4).

    Jünger fut-il gêné par la conversion à l’Islam de Guénon, dont l’initiation au soufisme intervint dès 1912 ? L’ère du Travailleur que Jünger avait annoncée en 1932, l’esprit des Temps d’Interrègne si méticuleusement mis à nu dans les romans "utopiques" n’auraient-ils que faire du message d’une religion révélée, devenu inadéquat et obsolète ? Dans l’attente de nouveaux dieux, Jünger y vit-il le tribut à payer d’hommes épris d’absolu à ce que Spengler nomma une "seconde religiosité'' ? Pourtant, Jünger ne pouvait ignorer la force et l’originalité avec laquelle Guénon dénonça la contre-initiation et son fatras idéologique… Où Jünger serait-il ici plus proche des objections d’Eliade ? Ce dernier avait découvert relativement tard les livres de Guénon et, s’il les avait lus avec intérêt, il n’en était pas moins irrité par « l’aspect outrancièrement polémique de Guénon », « son rejet brutal de toute la civilisation occidentale », « ce mépris opaque envers certaines œuvres de l’art et de la littérature moderne », « ce complexe de supériorité qui le poussait à croire… qu’on ne peut comprendre Dante que dans la perspective de la ''tradition'', plus exactement celle de René Guénon » (5).

    Antaios marque une entreprise d’hommes, décidés à agir dans l’histoire, dans un monde où la spiritualité en est de plus en plus exclue et se trouve en réaction contre le culte de la pensée abstraite, telle qu’elle fut honorée au siècle dernier. Les armes dont ils se servirent furent la force du mot et leur connaissance du monde traditionnel, historique, littéraire. Les buts que s’assignèrent Mircea Eliade et Ernst Jünger en éditant la revue Antaios, Zeitschrift für eine neue Welt (Antaios, périodique pour un monde nouveau) sont exposés dans un programme écrit par Jünger, composé de sept petits paragraphes. Les thèmes abordés dans la revue tournent principalement autour d’un thème spécifiquement humain, le rapport de l’homme au sacré en Europe païenne ou chrétienne ou dans d’autres civilisations, sur d’autres continents. L’un des points essentiels de ces directives, c’est qu’Antaios doit nourrir l’ambition de connaître, de comprendre les racines de sa culture et de son passé, d’être à la recherche de significations des diverses expressions religieuses ou artistiques.

    Le titre de la revue ouvre le combat : Antaios (7), le géant issu de l’union de Poséidon et de Gaïa, entretenait une relation exceptionnelle à sa mère, la Terre. C’est de Gaïa qu’il tirait sa vie et sa force sans cesse renouvelée, toujours identique. Le respect antique pour la Terre-Mère évoque Nietzsche pour qui l’homme doit obéir à ce que veut la Terre. Certes, et Jünger insiste sur ce point, l’homme moderne appréhende la terre d’une manière différente que ne le fit l’homme traditionnel, qu’il s’agisse du point de vue économique, technique ou politique ; de plus, le mythe comme il exista à une époque donnée ne saurait être restauré.

    L’affaiblissement du monde mythique est irrévocable depuis que Hérodote, quittant la nuit mythique pour se diriger vers la luminosité du savoir historique de Thucydide, conféra un nouveau caractère à l’esprit (8). Cependant, pour Jünger, l’homme après avoir déblayé les ruines de l’ancien ordre, se dirige vers un monde métahistorique, vers de nouveaux mythes ; l’homme, fils de la Terre, pourra supporter la croissance monstrueuse en pouvoir et espace lorsqu’il lui aura trouvé un pendant, puisé dans les profondeurs archaïques et sacrées. En ceci, la désignation de la revue est donc révélatrice d’un système de pensée.

    Une place forte est nécessaire pour appréhender le temps, idée que nous trouvons formulée par Jünger dès 1938 dansLes Falaises de marbre : des hauteurs d’un ermitage aux buissons blancs où se sont retirés deux « anciens polytechniciens subalternes du pouvoir », les deux frères, devenus savants herboristes, voient leur sens, leur perception des choses s’affiner (9). « La position doit en même temps être élevée : cela signifie qu’elle doit présenter au regard non seulement le passé définitivement révolu, mais aussi les événements du présent avec ses figures et ses problèmes et, au~delà, les possibilités de l’avenir » (10).

    Du mythe, noyau inamovible, phénomène intemporel, l’homme gagne donc un aperçu sur le passé, le présent et l’avenir. Les trois dimensions du temps sont perçues comme semblables à l’instant où les forces et puissances temporelles reculent. C’est à partir de cette identité des différents aspects de ce triptyque que Jünger se concentre sur ce qu’il y a de plus typique : « Le mythe, au-delà de la signification plus étroite du mot, est compris comme puissance qui fonde l’histoire et, revenant sans cesse, brise le flux des événements » (11).

    La volonté de Jünger et d’Eliade, telle qu’elle apparaît dans la perspective commune, est de servir la cause de la liberté dans le monde. « Un monde libre ne peut être qu’un monde spirituel » (12) et, pour expliquer la démarche d’Antaios, Jünger précise que « La liberté croît avec la vue d’ensemble spirituelle, avec l’acquisition de lieux, solides et élevés, où l’on peut se tenir » (13). Et ces postes fortifiés et élevés dont Jünger nous parle et qui ne sont pas sans éveiller le souvenir des lointains et dangereux "postes perdus", nous les trouvons sur de nombreux chemins : ceux de la théologie, de la philosophie, de l'art.

    Idéologies et disciplines, des "béquilles" sont certes là pour aider l’homme ; mais on les abandonne, une fois la guérison achevée, tout comme on relègue les béquilles dans les lieux saints et sanctuaires, une fois le miracle accompli. Ainsi, les deux hommes dans ce programme, se proposèrent-ils ni plus ni moins d’œuvrer à un renouveau psychique, à une "guérison" du lecteur, à lui permettre de supporter les pressions de l’histoire contemporaine, à lui faire oublier ce qu’Eliade a nommé "la terreur de l’histoire" : « La terreur de l’histoire, c'est pour moi l’expérience d’un homme qui n'est plus religieux, qui n’a donc aucun espoir de trouver une signification ultime au drame historique, et qui doit subir les crimes de l’histoire sans en comprendre le sens… Mais les événements historiques sont vidés de toute signification transhistorique et, s’ils ne sont plus ce qu’ils étaient pour le monde traditionnel — des épreuves pour un peuple ou pour un individu —, nous avons affaire à ce que j’ai appelé la "terreur de l’histoire" » (14). C’est dans une perspective assez proche que Jünger formule dans son Traité du Rebelle : « C’est aussi la question qui de nos jours se dissimule derrière toute peur du temps. L’homme se demande comment il pourra échapper à la destruction » (15).

    Jünger rend compte d’une terreur propre au monde moderne : l’homme peut en utilisant notamment les moyens techniques qu’il a lui-même créés, détruire les principes de la vie. La technique, symbole de l’orgueil humain et de l’œuvre des Titans, se mesure à des mystères qui, de loin, devraient la dépasser ; une raison pour laquelle Jünger, sans doute, demeure d’un scepticisme méfiant quand il songe aux recherches génétiques. La mort ne cesse-t-elle d’endeuiller nos plus belles victoires techniques ? Jadis, la fin du monde était conçue comme la conséquence directe d’un châtiment divin, ainsi le déluge ou la destruction de Sodome. Aujourd’hui, et c’est en cela que réside la nouveauté, cette peur est dépourvue de tout aspect transcendant et métaphysique car la fin du monde peut être le fruit de l’hybris humaine.

    Pour Jünger tout comme pour Eliade, la crise que connaît l’homme moderne est en grande partie de nature religieuse car elle marque la prise de conscience d’une totale absence de sens. Jünger comprend l’histoire de l’homme comme le lieu d’affrontement dialectique de la liberté. Cet affrontement, il le projette à l’intérieur de chaque être : en chacun de nous se disputent âprement la liberté et la tyrannie, les mythiques représentations de l’Est et de l’Ouest jüngerien. Cette liberté, l’homme la trouve en lui-même quand s’harmonisent les exigences déterminantes du mythe et du présent historique, bref, entre rêve et conscience, car le monde onirique relève du monde des archétypes. Pour Jünger, l’homme gagne la liberté en acquiesçant à la nécessité de l’ordre cosmique, en acceptant le "Meurs et le deviens !", en ayant conscience d’une unité supratemporelle.

    Les dix années d’Antaios ont ainsi tenté de rétablir un ordre entre profane et sacré comme s’il était certain que « Le mythe est le socle anthropologique sur lequel s’élève la signification historique » (16).

    ► Isabelle Rozet, Antaïos n°2, 1993.

    Notes :

    (1) Se reporter à l’article mordant de Hornung, paru dans Die Horen, Jg. 16, 197, « Ernst Jünger freie Welt - Antaios », pp. 108-109.
    (2) Ainsi :

    • Antaios 1, 1960, p. 113 sq. : "Sgraffiti" / Ibid., p. 209 sq. : "An der Zeitmauer" / Ibid., pp. 525-526 : "Vierblätter"
    • — Id. 2, 1961, pp. 93-122 : "Ein Vormittag in Antibes"
    • — Id. 3, 1962, pp. 1-17 : "Sardische Heimat"
    • — Id. 4, 1963, pp. 209-260 : "Das spanische Mondhorn" / Ibid., pp. 309-312 : "November"
    • — Id. 5, 1964, pp. 1-27 : "Yon der Gestalt" / Ibid., pp.493-518 : "Maxima / Minima"
    • — Id. 7, 1966, pp. 1-11 : "Grenzgange" / Ibid., pp. 310-318 : "Alfred Kubin"
    • — Id. 9, 1968, pp. 21-35, "Tage auf Fonnosa"
    • — Id. 10, 1969, pp. 1-17 : "Drogen und Rausch" / ibid., pp. 313-336 : "Ceylan"
    • — Id. 11, 1970 : "lm Granit"
    • — Id. 12, 1971, pp. 1-29 : "Lettern und Ideogramme" / lbid., pp. 193-215 : "Annaherungen".


    (3) Annäherungen, Drogen und Rausch, Klett, Stuttgart, 1970, 1980, Ullstein Taschenbuch, p.50.
    (4) R. Guénon, Autorité spirituelle et pouvoir temporel, 1929, p. 3.
    (5) M. Eliade, L’Épreuve du Labyrinthe : Entretiens avec Claude-Henri Roquet, 1978, 1985, p. 170.
    (6) Cf. in Sämtliche Werke : Essays VIII : "Ad hoc", p.167-168.
    (7) Friedrich Georg Jünger nous rappelle dans le premier numéro de la revue quelles étaient les vertus et les caractéristiques du géant : in Antaios n°1, 1960, pp. 81-86.
    (8) Voir à ce propos l’essai An der Zeitmauer (Le Mur du Temps), première parution dans Antaios n°1, pp. 209-226, Stuttgart, 1959.
    (9) Auf den Marmorklippen (Sur les Falaises de marbre), Hamburg, 1939, p. 26.
    (10) "Antaios" in Sämtliche Werke, p.167.
    (11) Ibid.
    (12) Ibid.
    (13) Ibid.
    (14) M. Eliade, L’Épreuve du Labyrinthe…, 1978, 1985, p. 146-147.
    (15) Der Waldgang, Werke, Essays I, "Betrachtungen zur Zeit", p. 320 (traduit en Traité du Rebelle).
    (16) G. Durand, Science de l’homme et tradition : Le nouvel esprit anthropologique, L'île verte, Berg international, 1979, p. 86.

    http://www.archiveseroe.eu/recent/31

  • Premier Forum de la dissidence – première partie

    2015, année radicale, année décisive !
    Polémia invite ses lecteurs à suivre la chronique, en trois parties,
    du
    PREMIER FORUM DE LA DISSIDENCE

    Aujourd’hui, une mise en condition par la présentation d’un décor connu de tous.

    Islamisme, immigration, recul des libertés… prennent un tournant radical. Les solutions le seront aussi !

    La radicalisation migratoire

    2015 marque l’accélération radicale du Grand Remplacement des Européens. La crise migratoire des « réfugiés » confirme la clairvoyance de Jean Raspail avec son Camp des saints : le chaos des « réfugiés » s’est installé en Europe. La répartition autoritaire de ces mêmes « migrants » dans les différents pays d’Europe, à l’initiative de l’Allemagne, démontre que ce Grand Remplacement nous est imposé par l’oligarchie pour le seul profit du patronat.

    La radicalisation islamiste

    2015 est d’abord l’année de la radicalisation islamiste, avec les attentats en France et les succès de l’Etat Islamique en Syrie, renforcé par l’apport de nombreux djihadistes soi-disant « européens ».

    La radicalisation totalitaire

    2015 confirme le caractère de plus en plus carcéral de l’Union européenne (UE).

    En Grèce, un gouvernement démocratiquement élu a été mis à genoux par l’oligarchie financière. La démocratie européenne est née en Grèce : elle vient d’y être enterrée par l’euro.

    La complicité des pouvoirs européens dans l’espionnage de leurs propres populations par les USA, l’adoption par ces pays de législations liberticides au nom de la « lutte contre le terrorisme », le harcèlement judiciaire dont sont victimes dissidents et partis populistes démontrent une chose : l’UE devient une prison-forteresse, mais pour les seuls Européens.

    La radicalisation belliciste

    2015 voit enfin la radicalisation occidentale vis-à-vis de la Russie, conformément à la stratégie américaine suivie servilement par les Européens. Sanctions économiques, manœuvres militaires agressives, assistance militaire à l’Ukraine… La liste des provocations à l’encontre de Moscou ne cesse de s’allonger, risquant de nous précipiter dans le chaos.

    A situation extrême solutions radicales ?

    L’oligarchie et ses chiens de garde médiatiques ne cessent de diaboliser ces Européens qui sont aujourd’hui tentés par « les solutions extrêmes » et les partis populistes.

    Solutions extrêmes ? Oui, à l’image des situations extrêmes qu’ils subissent : chômage, précarité, fiscalité, insécurité, déclin des services publics, préférence étrangère pour l’accès aux prestations sociales et au logement, sentiment de devenir étranger dans son propre pays…

    Les partis populistes ou identitaires deviennent de plus en plus populaires en Europe, parce que de plus en plus d’Européens comprennent que le sursaut passera par des solutions… radicales.

    Polémia (1) 30/10/2015

    http://www.polemia.com/2015-annee-radicale-annee-decisive/

  • Julius Evola et Mircea Eliade : une amitié oubliée 2/2

    En raison de la perte de ses cahiers, Eliade se rappelle mal et confond donc les années, ou bien il superpose deux visites rapprochées. Je crois pourtant qu’il s’agit d’une seule visite, parce que, aussi bien dans son journal personnel que dans ses mémoires, il ne s’en souvient que d’une et il en donne une description similaire. Donc, d’après les lettres inédites d’Evola dont les originaux se trouvent dans les Archives de Handoca, cette rencontre peut être située de manière très précise : d’après les dates et les lieux de provenance des lettres, le penseur italien se déplaçait encore à l’époque avec une certaine facilité, grâce à différents amis, pour aller passer des périodes de repos dans diverses localités ou peut-être aussi pour des visites de contrôle au "Centro Putti". C’est ainsi, qu’ayant su qu’Eliade serait arrivé à Rome le 5 mai 1952 pour une conférence, il lui écrit de Bologne le 6 avril : « J’espère vous voir à l’occasion de votre passage à Rome, si vous restez quelques jours après la date de votre conférence (le 5 mai) ; du fait que je crains de ne pas être de retour à Rome avant le 11 mai ». Il lui écrit encore le 19 avril, toujours de Bologne : « Quand vous serez à Rome, écrivez-moi un petit mot, je vous en prie, à mon adresse — Corso Vittorio Emanuele 197 — pour me communiquer votre numéro de téléphone. Je vous avertirai tout de suite dès mon retour. Mon numéro de téléphone à Rome est le 562123 ».

    On peut tout de suite remarquer que, si Evola écrivait à Eliade, ce dernier ne pouvait pas être en voyage pour l’Italie, mais devait avoir un domicile fixe à Paris. Donc, le souvenir du chercheur roumain d’une rencontre avec Evola en avril 1951 à la fin de son voyage en Italie est un souvenir erroné. Est correct par contre celui de l’avoir averti à l’avance de sa visite par un coup de téléphone, visite qui eut lieu donc après le 11 mai, vu que Eliade avait décidé, à ce qu’il semble, d’attendre le retour de Evola à Rome ; et il s’agissait probablement d’un mois de mai particulièrement lourd vu que, autre souvenir erroné, dans son journal Eliade considère qu’il s’agit même du mois d’août. Et c’est ainsi que le 25 mai Evola put écrire : « J’ai été très content de vous avoir revu après tant de temps ci et je souhaite que vos activités vous ramènent bien vite à Rome ». Ce fut donc la première visite. Est-ce possible qu’il y en ait eu une autre par la suite ? D’après les lettres en notre possession, dont la dernière est datée de mars 1954, il semble que non. Par la suite — jusqu’environ la mi-1960 — nous ne savons pas ce qu’il en est et nous ne pouvons pas donner une réponse certaine à cette question, même si en 1974 Eliade affirme avoir rencontré Evola pour la dernière fois "une dizaine d’années auparavant". Peut-être en relation avec la collaboration de Evola à la revue Antaios ?

    Le principal sujet autour duquel tournent presque toutes les lettres que nous connaissons, est l’aide réciproque dans l’espoir de faire publier Eliade en Italie et Evola en France. Evola y est parvenu, Eliade non. On trouve encore une fois indirectement la confirmation de l’ostracisme de l’intelligentsia marxiste envers le chercheur roumain : avec l’autorisation de Cesare Pavese, Einaudi publia Tecniche dello Yoga en 1952 et Trattato di storia delle religioni en 1954, avec préfaces réductrices, presque exorcisantes, de Ernesto De Martino. Cette hostilité était parvenue aux oreilles de Evola : « On me dit qu’il y eut des problèmes pour l’édition Einaudi de vos traductions à cause d’un ridicule veto communiste. Est-ce vrai ? Si cela est vrai, il faut peut-être placer ces traductions de nouveau ? (Il s’agit, je crois, du Manuale et des Tecniche) »- écrit-il le 15 décembre 1951 (20).

    Par ces lettres on découvre en outre combien Evola, sur le conseil d’Eliade, avait pris en considération certains textes de Georges Dumézil et de Heinrich Zimmer en vue d’une éventuelle traduction chez Bocca. Cela n’eut pas lieu ; le seul résultat positif fut la publication du Sciamanesimo d’Eliade, qui parut en 1953 traduit par Evola sous le pseudonyme de "Carlo d’Altavilla" (ce dont, curieusement, il n’informe pas l’auteur). Aucun résultat par contre pour le penseur italien, puisque ses livres, c’est-à-dire Rivolta et La dottrina del risveglio, envoyés à Payot, Denoël et Laffont, ne furent pas acceptés.

    Les intéressés disent explicitement que leurs contacts se sont prolongés jusqu’aux années soixante. On ne sait pas quand et pourquoi ils se sont interrompus. Nous sommes sûrs qu’Eliade avait une opinion positive à l’époque sur Evola en tant que chercheur, c’est tellement vrai que dans son livre Lo Yoga, immortalità e libertà de 1954, il définit La dottrina del risveglio « une excellente analyse » (21), critiquée par contre par pas mal de spécialistes. De telle sorte que l’on doit constater avec un peu d’amertume la façon dont Eliade, en se souvenant, vingt ans après dans son journal, de son vieil ami italien disparu, le fait sans évoquer ce à quoi Evola s’est consacré — tout en étant « immobilisé pour le restant de ses jours » — dans la tentative de faire connaître son œuvre en Italie. Attitude qu’Evola continua d’avoir en dépit de différentes réserves, après l’interruption des contacts directs également, et cela est tellement vrai que, une fois qu’il obtint en 1968 la direction de la collection "Orizzonti dello spirito" aux Edizioni Méditerranée, il y fit traduite Mefistotele e l'androgine en 1971 et il y fit réimprimer dans une traduction revue Lo sciamanesimo en 1974.

    Quel est le motif de cette sorte de “rémotion” ? Je crois qu’encore un fois la réponse se trouve dans la correspondance, à savoir les deux lettres de décembre 1951. Le 15 décembre Evola écrit :

    « Est sortie récemment une nouvelle version revue et intégrée de ma Rivolta contro il mondo moderno et je pense que j’ai cité également votre Trattato. Mais à ce propos — je le dis un peu en riant — on devrait vous appliquer des Vergeltungen (22). Je suis frappé par le fait que vous ayez un souci constant de ne pas citer dans vos œuvres d’auteur qui n’appartienne étroitement à la littérature universitaire plus officieuse ; de telle sorte que l’on trouve amplement cité par ex. ce bonhomme si aimable qu’est Pettazzoni, tandis qu’on ne trouve pas un mot, non seulement sur Guénon, mais pas non plus sur d’autres auteurs dont les idées sont relativement plus proches à celles qui vous permettent de vous orienter avec certitude dans la matière que vous traitez. Il est évident qu’il s’agit d’une chose qui vous regarde vous personnellement ; néanmoins, cela vaudrait la peine de se demander, en fin de compte, si le jeu en vaut la chandelle, c’est-à-dire si cela vaut la peine que vous vous imposiez ces limites “académiques”… J’espère que vous ne m’en voulez pas pour ces observations amicales » (23)

    Dans la lettre suivante, datée du 31, Evola répond à Eliade en faisant quelques affirmations qui permettent de comprendre l’attitude du chercheur roumain. Il écrit en effet ceci :

    « En ce qui concerne vos explications à propos de vos rapports avec la “maçonnerie” académique, ils me semblent assez satisfaisants. Il s’agirait moins de méthodologie que de pure tactique, et contre la tentative d’introduire quelque cheval de Troie dans la citadelle universitaire, l’on ne pourrait rien faire. L’important serait de ne pas se laisser prendre dans un jeu d’alouettes, vu qu’au milieu académique correspond une sorte de “courant psychique”, avec la possibilité d’une subtile influence déformante et contaminatrice. Mais moi je crois que, aussi bien pour le fondement intérieur que pour vos probables relations avec des milieux différents du point de vue des qualifications, vous pourrez bien vous défendre de ce danger. En ce qui concerne la “méthodologie”, vous savez bien que je cherche à suivre une voie intermédiaire parce que, contrairement à la majeure partie des “exorcistes”, je me préoccupe aussi de produire une documentation assez satisfaisante du point de vue “scientifique” » (24).

    Tout d’abord ces deux lettres nous révèlent peut-être d’autres souvenirs confus et une orientation erronée dans le temps : c’est probablement celle-ci la lettre « assez amère » dans laquelle, comme dit Eliade dans son journal personnel, Evola lui aurait reproché de ne jamais citer ni lui ni Guénon. S’il s’agit effectivement de cette lettre-là, comme on le voit bien, il n’y a aucune “amertume”, mais bien des “considérations amicales” comme en confirme le ton de la lettre. En outre Evola ne fait pas du tout allusion à lui-même. La réponse d’Eliade, comme on le déduit de la prochaine lettre d’Evola, est rappelée dans son journal seulement en partie — on ne peut pas dire si c’est par amnésie ou volontairement. En effet, Eliade doit avoir fait allusion au fait que ses livres sont différents de ceux des occultistes et qu’ils ne sont pas adressés aux `initiés’ ; mais ce que dit le penseur italien ne fait en rien le jeu d’Eliade : il suit « une voie intermédiaire » qui n’est pas la voie tout à fait “ésotérique” de Guénon, ni celle complètement “scientifique” d’Eliade. Du reste, comme le note Philippe Baillet, l’explication du Roumain n’est pas une explication des plus simples, mais elle est au contraire “simpliste” : « D’autre part nous aimerions beaucoup savoir où et quand Guénon et Evola ont écrit que leurs livres sont adressés seulement aux “initiés” »(25). Mais il y a d’autres éléments qui sont portés à notre connaissance. Face aux critiques "amicales" — et non “amères” — d’Evola, Eliade en 1951 dit des choses bien différentes de celles dites en 1974 : il justifie le fait de ne pas avoir cité des auteurs traditionnels et de n’avoir pas cité explicitement leurs œuvres comme une “tactique”, comme un “cheval de Troie” pour faire accepter dans le monde académique certaines idées et certains points de vue. Un "éclaircissement", celui-ci, qui apparaît à Evola « assez satisfaisant » pour autant que cela à la fin ne mène pas à une implication dans le “courant psychique” du “milieu académique”, qui produit « une influence subtile déformante et contaminatrice ». Evola cependant croit que cela ne se passera pas, parce qu’il considère que son ami roumain a un « fondement intérieur » bien sain. On comprend alors pourquoi Evola accueillit Eliade de cette manière chez lui : presque comme un frère de l’esprit qu’il retrouve après tant de temps ! Il se trompait, parce que Eliade continuera à ne pas citer les auteurs traditionnels dans ses œuvres destinées « au public d’aujourd’hui » (comme le dit Eliade). Il nous reste le doute que le “cheval de Troie” soit une justification de mauvaise foi pour ne pas faire de polémiques avec Evola, ou bien qu’en 1951 Eliade y ait cru vraiment, mais qu’ensuite il ait été tout à fait absorbé et transformé par son fameux "courant psychique" qui, selon Evola, se trouve dans les universités du monde entier.

    Si le chercheur universitaire peut avoir été “déformé” et “contaminé”, si le chercheur Eliade a éloigné le chercheur Evola de sa propre production scientifique, tout en ayant accueilli ses propositions, suggestions et hypothèses, il n’en fut pas ainsi par contre pour Eliade narrateur. La narration est une activité qu’il plaçait avant celle d’historien des religions et pour laquelle spécifiquement il aurait voulu qu’on se souvienne de lui et qu’on l’apprécie, se gagnant une telle réputation de pouvoir aspirer au Prix Nobel — comme me le dit dans les années septante Mircea Popescu (le premier traducteur de Cioran en italien). Je suis en effet parfaitement d’accord avec l’analyse que Claudio Mutti fait du dernier roman publié par Eliade avant sa mort, Diciannove rose (27), et avec les conclusions auxquelles il arrive. Un des personnages ne peut que dissimuler Evola : il y a trop de coïncidences pour que cela soit un simple hasard. En effet Ieronim Thanase est un philosophe et ésotériste suivi par de nombreux jeunes et qui est “paralysé sur son siège” à cause d’une infection mystérieuse liée à une “erreur” — on ne comprend pas laquelle — commise dans le passé. Les raisons du comment, du pourquoi et d’un possible solution de son énigme physique rappellent les mots qu’Evola écrivit à propos de lui-même dans Cammino del cinabro. Les idées de Thanase à propos de la philosophie, de la tradition, du mythe et du symbole, rappellent celles exprimées dans Teoria, dans Fenomenologia et dans Rivolta, livres dont Evola eut connaissance tout comme il eut probablement aussi connaissance de Il cammino del cinabro. En 1963, à la sortie de ce dernier livre, les deux chercheurs étaient encore en contact ; ceci est tellement vrai que Evola a collaboré à Antaios, la revue dirigée par Eliade et Jünger, en y publiant trois essais. Pour ceux qui donc connaissent Evola, il n’y a pas de doute : l’étrange personnage de Ieronim Thanase en est une représentation romancée. Un hommage tardif alors du grand chercheur, de l’illustre chercheur de la Sorbonne et de Chicago, à l’ami italien, moins célèbre et toujours boycotté, dont pourtant il « admirait l’intelligence et surtout la densité et la clarté de la prose » ; il s’agit presque — interprété ainsi — d’une réparation post mortem pour l’avoir oublié (ou ignoré) dans ses innombrables publications "scientifiques". Et ici les mots de Evola semblent retentir : ces "observations amicales", mais également la demande de "réparations", de Vergeltungen, même si c’était "un peu en riant".

    En tout cas, l’influence de Guénon et de Evola sur le jeune Eliade est d’habitude admise par certains exégètes de ce dernier. Ioan Culianu, par ex., considère « un devoir de compter aussi Guénon et Evola » parmi les auteurs qui ont « contribué de manière décisive à la formation de la théorie historico-religieuse de Eliade » (29) ; et Crescenzo Fiore, pour qui les « concordances entre la pensée éliadienne et celle de maîtres connus de la Tradition, comme Julius Evola et René Guénon, (ne sont) ni fortuites ni marginales » (30). De ces deux "maîtres de la Tradition", le jeune Eliade a tiré — à mon avis — les bases sur lesquelles il a élaboré sa construction théorique, qu’il "étaya" de références académico-scientifiques. Il y a quelques références possibles : le thème du folklore comme “récipient” d’une sagesse presque perdue ; la décadence du sacré dans le monde moderne ; le passage — disons même la censure — du temps cyclique et mythique des origines au temps linéaire et "historique" qui s’est produit avec l’avènement du christianisme ; le rapport entre mythe et histoire ; l’idée — typiquement évolienne — de la “rupture de niveau” et d’ouverture à un statut spirituel supérieur ; l’alchimie comprise dans le sens éminemment spirituel, à distinguer de l’art métallurgique ; la valeur intrinsèque du symbole ; évidemment l’an anti-historicisme de fond. Ce fut justement cette position idéale et "idéologique" qui a provoqué à Eliade tant d’ostracisme après la guerre, bien que Ernesto De Martino considère que la position d’Eliade « est fondée en substance sur un malentendu » (31) et que le directeur de la “collection violette” de Einaudi définisse « des réserves stupides extra-scientifiques » (32) le boycottage dont était l’objet le chercheur roumain. Ces “réserves” étaient tellement lourdes que la culture italienne la plus importante a ignoré Eliade pendant des décennies, en confiant cette traduction à des maisons d’édition "mineures" à partir de la seconde moitié des années 60, jusqu’à en parler de manière partiale à l’occasion de sa mort (33). À présent, les références de base auxquelles nous avons fait allusion ne sont rien d’autre que les « idées presque les plus proches de celles qui vous permettent de vous orienter avec certitude dans la matière que vous traitez », dont Evola fait un rappel explicite dans sa lettre du 14 décembre (34). Des idées qui resteront toujours le fil conducteur d’Eliade jusqu’à la fin de sa vie. De tout ceci, il ne faut guère s’étonner et encore moins s’indigner, en considérant ces idées comme une sorte d’“espion” de Dieu sait quelle perversion idéologique, comme cela fut fait en son temps. Furio Jesi, par ex., essaie de mettre en évidence « manipulations et technicisation, donc opérations avec des fins précises », d’habitude "politiques", dans le rapport avec le passé et avec le mythe (35), parce qu’elle est exactement ainsi — politique — son interprétation du mythe, qui résulte encore plus « manipulé et technicisé » de ce qu’elle aurait pu apparaître dans la pensée d’Eliade. La même chose est valable pour Crescenzo Fiore qui, tout en ayant compris exactement l’anti-historicisme comme architrave sur laquelle Eliade base toute sa construction théorique, il le présente comme quelque chose de négatif, puisque, à son avis, ce qui dans son « essai doit être considéré prioritaire est (…) de montrer les implications idéologiques qui servent d’échafaudage à tout l’œuvre éliadienne. En d’autres mots, il s’agit de faire ressortir cette “philosophie de l’histoire”, qui marque toute l’œuvre du chercheur et qui, qu’on le veuille ou non, le fait ressembler aux “Maîtres” connus de la droite traditionnelle » (36). En somme, une vraie dénonciation et pas une étude “scientifique”, justement parce que faite par quelqu’un qui a une forma mentis essentiellement “politique” et qui voit et interprète tout par cette clé exclusive, en pardonnant ou en condamnant.

    Est plus serein, plus “scientifique” et acceptable par contre le point de vue de celui qui évalue ces références aux "maîtres de la Tradition" — ainsi définis sans sarcasme — pour ce qu’ils valent et donc examine le développement de la pensée d’Eliade non pas comme un élément a priori négatif et à dénoncer, mais comme un fait acquis à juger par rapport à ses inspirateurs, pour en évaluer la cohérence et l’incohérence, la conformité ou la difformité, l’évolution ou l’involution. C’est ce que fait Piero Di Vona, dans une longue et profonde analyse, en mettant en évidence les contradictions et les approximations d’Eliade justement par rapport à cette pensée “traditionnelle” dont ce dernier s’est nourri. Les conclusions de Di Vona peuvent donc se résumer ainsi : « La conception qu’Eliade a de l’histoire finit par rentrer elle aussi parmi les doctrines d’inspiration traditionaliste de notre siècle. Mais il s’agit d’un traditionalisme de valeur inférieure qui déteste les jugements définitifs sur le statut de l’homme contemporain, et qui est trop soucieux de s’accorder à la tendance historiciste, phénoménologique et religieuse dominante en Occident. De cela proviennent les incertitudes et les oscillations auxquelles s’expose Eliade, et dont la première est le fait de ne pas savoir définir avec certitude les limites entre l’homme traditionnel et l’homme moderne » (37).

    En substance, résume Di Vona, « ne sont pas remis en question le sens et l’usage des noms, mais le rapport entre la tradition intemporelle et l’histoire, et le concept même de tradition chez Eliade. C’est cela qui est mal défini et variable. Sujet aux concessions les plus diverses de la culture contemporaine » (38). Avec les mots de Verona, nous sommes donc retournés au point de départ : à la formation, disons-le ainsi, "traditionnelle" d’Eliade et à la superposition progressive d’une culture "scientifique", "académique", "professorale", avec des affaiblissements successifs, des compromis, des incertitudes, des approximations et des changements. « L’Eliade académique résume bien Giovanni Monastra, de plus en plus inséré dans le monde de la culture officielle, après les discriminations et les censures, nous ne savons pas si par conviction ou par stratégie, modéra certaines de ses idées de départ et il sembla accepter, dans certains cas, des apports théoriques discutables » (39).

    En conclusion de notre recherche, il reste justement cette contradiction de fond. Et pas seulement. Pour un de ces recours historiques qu’Eliade lui-même aurait jugés significatifs, à l’attitude qu’il eut avec le temps envers Evola, on peut reprendre les mêmes mots de la recension eliadienne de Rivolta contro il mondo moderno : « Evola est ignoré par les spécialistes, parce qu’il dépasse leurs cadres de recherche » (40). On pourrait parler d’une prophétie qui le concernerait à son tour.

    Gianfranco de Turris, Antaios n°16, 2001.

    Texte paru dans Origini XIII, 1997. Traduction : Blanche Bauchau. Une version considérablement amplifiée de cet essai a été publiée dans AA.VV, Delle rovine e oltre : Saggi su Julius Evola, Antonio Pellicani Editore, Rome 1995. Pour se procurer le numéro spécial d’Origini consacré à Eliade : écrire à La Bottega del Fantastico, Via Plinio 32,1- 20129 Milan.

    Notes :

    1) Mircea Eliade, Si corrispondentii sai, édité par Mircea Handoca, Ed. Minerva, Bucarest, 1993, vol. I (A-E), pp. 275-280.

    2) Mircea Eliade e l’Italia, édité par Marin Mincu et Roberto Scagno, Jaca Book, Milan, 1982, pp. 252-257.

    3) Mircea Eliade, Fragments d’un journal II : 1979-1978, Gallimard, 1981, pp. 192-194. La traduction est de Gianfranco De Turris. Cf : « Il rapporto Eliade-Evola », édité par Giovanni Monastra, dans Diorama Letterario n°120, Florence, nov. 1988, pp. 17-20 ; et Claudio Mutti, Mircea Eliade e la Guardia di Ferro, Edizioni all’insegna del Veltro, Parme, 1989, p. 42.

    4) Mircea Eliade, Mémoires II 1937-1960 : Les moissons du Solstice, Gallimard, Paris, 1988, pp. 152-155. La traduction est de Gianfranco De Turris.

    5) Mircea Eliade, Si corrispondentii sai, cit., pp. 275-6. La traduction est de Gianfranco De Turris.

    6) Julius Evola, Il Cammino del cinabro, Scheiwiller, Milan, 1963, pp. 151 ; idem, Il fascismo, Volpe, Rome, 1964, p. 32.

    7) Julius Evola, Il fascismo, Volpe, Rome, 1974, p. 35 note 1. Cf. également la réimpression de cette troisième édition chez Settimo Sigillo, Rome, 1989, p. 35, note 1.

    8) Claudio Mutti, Mircea Eliade e la Guardia di Ferro, cit., pp. 39-45 et plus largement dans son Introduzione a La tragedia della Guardia di Ferro, Fondazione Julius Evola, Rome, en cours d’impression.

    9) Mircea Eliade, Le promesse dell’equinozio, Jaca Book, Milan, 1995, p. 156.

    10) Mircea Eliade e l’Italia, cit., pp. 25-70.

    11) Toutes les citations dans Rivolta contro il mondo moderno, in : « Il rapporto Eliade-Evola », cit., pp. 17-18.

    12) Cf. Michela Nacci, Tecnica e cultura della crisi, Lœscher, Turin, 1986.

    13) Julius Evola, Il cammino del cinabro, cit., p.151.

    14) Julius Evola, « Nella tormenta romena : voce d’oltretomba » dans Quadrivio, Rome, 11 déc. 1938.

    15) Julius Evola, « Il mio incontro con Codreanu », dans Civiltà n°2, Rome, sept-oct. 1973.

    16) Claudio Mutti, « Introduzione à Julius Evola », La tragedia della Guardia di Ferro, cit.

    17) Vasile Posteuca, Desgroparea Capitanului, Madrid, 1977, pp. 35-6. Cit. dans Claudio Mutti, Mircea Eliade e la Guardia di ferro, cit., pp. 42-43.

    18) Lettere de Julius Evola à Girolamo Comi (1934-1962), éditées par Gianfranco de Turris, Fondazione J. Evola, Rome, 1987.

    19) Mircea Eliade e l’Italia, cit., p. 252.

    20) Mircea Eliade e l’Italia, cit., p. 252.

    21) Mircea Eliade, Lo Yoga, Immortalità e libertà, Rizzoli, Milan, 1973, p. 167, note 9.

    22) Ce terme allemand se réfère au droit médiéval du talion et suppose que l’on a subi un tort. On peut le traduire par «réparation».

    23) Mircea Eliade e l’Italia, cit., p. 252.

    24) Ivi, pp. 253-4. La traduction a été corrigée en certains points.

    25) Philippe Baillet, « Julius Evola et Mircea Eliade (1927-1974) : une amitié manquée », dans Les deux étendards n°1, sept-déc. 1988, p. 48. Traduction italienne Jaca Book, Milan, 1987.

    26) loan P. Culianu, Mircea Eliade, Cittadella, Assise, 1978, p. 146.

    27) Crescenzo More, Storia sacra e storia profana, in : Mircea Eliade, Bulzoni, Roma, 1986, p. 14.

    28) Mircea Eliade e l’Italia, cit., p. 250.

    29) Ivi, p. 251.

    30) Cf. G. Monastra, « In ascolto del sacro », in : Diorama letterario n°109, Firenze, nov. 1987, pp. 2-3.

    31) Mircea Eliade e l’Italia, cit., p. 252.

    32) Furio Jesi, Cultura di destra, Garzanti, Milano, 1979, p. 5.

    33) Crescenzo More, Storia sacre e storia profana, cit., p. 17.

    34) Piero Di Voua, « Storia e Tradizione in Eliade », in : Diorama letterario n°109, cit., p.

    35) Ivi, pp. 13-14.

     

    36) G. Monastra, « Il rapporto Eliade-Evola, une pagina della cultura del Novecento », in : Diorama letterario n°120, cit., p. 17.

    http://www.archiveseroe.eu/recent/31

  • Julius Evola et Mircea Eliade : une amitié oubliée 1/2

     

    Les rapports entre Mircea Eliade et Julius Evola sont encore, pour ainsi dire, peu connus. Extérieurement, ils se limitent à des citations réciproques et sans excès, mais il est évident qu’il y a beaucoup plus entre eux, même s’il me semble que personne n’a encore essayé d’analyser complètement leurs rapports personnels et les éventuelles influences réciproques du point de vue intellectuel. Ce dernier problème a été affronté par bien peu d’auteurs, et je pense à Ioan Culianu, Furio Jesi et Crescenzo Fiore, qui l’ont d’ailleurs fait à travers le filtre d’un préjugé que l’on pourrait bien qualifier d’idéologique, puisqu’ils considèrent presque comme une "faute" le fait qu’Eliade ait entretenu des rapports avec ceux que l’on définit ironiquement comme "les maîtres de la Tradition" (c’est-à-dire Guénon et Evola) et qui par conséquent acceptent chaque fois ce fait acquis comme un élément pour l’excuser ou bien au contraire, ils s’en servent pour lui reprocher certains choix méthodologiques et philosophiques.

     

    Nous tenterons ici un début d’approche à cette question complexe en tenant compte du fait que deux points concrets limiteront notre recherche : le premier est qu’Evola n’a rien gardé de sa correspondance avec Eliade, correspondance échangée entre 1930 et la moitié des années 60 (tout comme d’ailleurs il ne gardera aucune lettre reçue, sauf quelques-unes de Guénon) ; le deuxième consiste dans le fait que l’on devrait savoir ce qu’il existe d’Evola dans les archives américaines d’Eliade. Pour cette reconstruction, nous nous basons d’une part sur ce que les deux protagonistes écrivirent dans leurs mémoires, sur ce que d’autres — surtout Claudio Mutti — ont découvert, et sur un ensemble de lettres d’Evola à Eliade qui proviennent des archives de Mircea Handoca à Bucarest : seize lettres en tout, dont cinq publiées par Handoca lui-même dans le premier tome de la correspondance d’Eliade, qu’il a édité (1). Quatre de ces cinq lettres ont été traduites dans le volume Mircea Eliade e lltalia (2), tandis que le contenu des onze autres lettres, inédites aussi bien en Roumanie qu’en Italie, est dû à la courtoisie et à la disponibilité du Prof. Roberto Scagno.

     

    Mon point de départ est l’annotation que fit Eliade dans son journal, entre le 12 et le 18 juillet 1974, au moment où il apprend le décès d’Evola, survenu le 11 juin (3). Le point de départ suivant est le second volume, posthume, des mémoires éliadiennes, où certains de ces souvenirs sont confirmés et d’autres démentis. À propos de son voyage d’un mois en Italie, à partir du 23 mars 1951, Eliade affirme être allé à Rome, à Naples, à Taormina, à Catania, à Palerme, puis de nouveau à Naples et à Rome, et il évoque une fois encore sa visite chez Evola (4). Il y aurait beaucoup de considérations à faire sur ces deux extraits, mais une surtout. Les mots d’Eliade évoquent une attitude très noble de la part d’Evola, qui, malgré son handicap physique, accueille debout son hôte roumain qu’il n’avait pas vu depuis au moins quatre ans, il lui serre chaleureusement les mains, l’invite au toast habituel (lui marque le plaisir de le revoir à nouveau : donc il l’estimait, il le considérait — doit-on en déduire — comme un ami ; peut-être même comme un "homme au milieu des ruines" ; je dirais même — en me rappelant ses goûts de jeunesse — comme un représentant, un témoin justement de cette "Tradition primordiale" qu’Eliade jugeait "fictive". Evola se trompait, en partie ou tout à fait ; mais cette attitude lui fait honneur. Et il est surprenant qu’un spécialiste des rites n’ait pas compris le sens de ce toast, c’est-à-dire d’annihiler le temps parcouru et de renouveler ce qui avait existé dans une période lointaine.

     

    Mais revenons à ce qu’écrit le savant roumain. Il y a avant tout une discordance entre son journal et ses mémoires en ce qui concerne la date de la rencontre avec Evola à Rome : est-ce qu’il y eut une seule rencontre, en 1949 ou en 1951 ? Ou bien y en eut-il deux, la première en 1949 et la deuxième en 1952-53 ? Je crois qu’Eliade a superposé les deux événements, parce qu’il a dû les reconstruire des années après en se fiant seulement à sa mémoire. En tout cas il y eut une seule rencontre certaine, à Rome, et elle eut lieu après le 11 mai 1952. Celle de 1949 peut être exclue absolument, puisque à l’époque Evola était encore en clinique à Bologne. De plus, si Evola écrivait à Eliade de Rome, cela ne put avoir lieu qu’à partir de mars 1950. Par contre, ce qu’Eliade écrivit dans la première partie du premier extrait de son journal de juillet 1974 (« … ses lettres que je recevais à Calcutta, dans lesquelles il me priait chaudement de ne pas parler de yoga ni de `pouvoirs magiques’, mais seulement de lui raconter des faits précis dont j’aurais été témoin »), correspond exactement à ce qui est dit dans une lettre qu’Evola envoie le 28 mai 1930 au jeune chercheur, au moment où celui-ci se trouvait à Calcutta, sur du papier à lettres portant l’en-tête de La Torre. Inédite en Italie, cette lettre a été publiée dans le premier volume de la correspondance éliadienne, éditée par Mircea Handoca en 1993. En voici le texte intégral :

     

    « Cher monsieur, j’ai bien reçu votre lettre. Je me souviens parfaitement bien de vous. Un de vos amis ici en Roumanie m’avait déjà dit que vous étiez parti en Inde. Je serais très curieux de savoir ce que vous avez trouvé là-bas dans l’ordre des choses qui nous intéressent : celui de la pratique, plus celui de la doctrine et de la métaphysique. Je pensais et je pense encore (vu que je suis sur le point de conclure ce que j’étais tenu de faire en Occident) me rendre en Inde pour y rester. Un de mes correspondants m’a convaincu que cela n’en vaut pas la peine, sauf si l’on va vers le Cachemire ou le Tibet et que l’on a la possibilité de se faire introduire dans quelques-uns des très rares centres qui pratiquent encore la Tradition et qui sont extrêmement méfiants à l’égard des étrangers. C’est pourquoi je vous serais très reconnaissant si vous pouviez m’informer sur ce que vous avez trouvé. Bien entendu : pas du point de vue culturel ou métaphysique. Veuillez trouver ci-joint : un des derniers exemplaires existants de la collection complète de Ur 1928, la collection complète de Krur 1929, mon livre sur les Tantra. Depuis ce dernier livre, j’ai publié : Imperialismo pagano (il s’agit d’une révolte contre la civilisation moderne), Teoria dell'individuo assoluto, Fenomenologia dell'individuo assoluto. Ces deux derniers livres consistent en l’exposition systématique et définitive de ma doctrine. Je dirige actuellement La Torre, dont je vous joins deux exemplaires. Je n’avais dirigé aucune revue avant Ur. En plus de ce que vous recevrez, il ne reste que la collection de Ur 1927, qui est épuisée. Si vous voulez, je peux m’informer si quelqu’un est disposé à vendre ses exemplaires et à quel prix. Je vous remercie de vous être souvenu de moi. Avec mes meilleurs vœux » (5).

     

    Inconnue jusqu’aujourd’hui en Italie, cette lettre, que je n’hésite pas à qualifier d’une extrême importance, d’un point de vue strictement évolien également, est fondamentale parce que c’est à partir de celle-ci seulement que l’on apprend l’intention du penseur de se rendre en Inde, et même sa conviction d"’être sur le point de conclure ce qu’il était tenu de faire en Occident". Il se réfère peut-être à la publication de ses livres philosophiques et en même temps à ses difficultés à mettre ses idées en pratique, comme en témoignait son expérience de La Torre, qui aurait dû prendre fin en juin, soit le mois qui suit la date de cette lettre, parce qu’aucun typographe n’était plus disposé à l’imprimer. Mais cette lettre, à ce qu’il semble l’unique à notre disposition non seulement de toute la correspondance avec Eliade pendant son séjour en Inde, mais de toute la période jusqu’à la fin de la guerre, nous offre des informations significatives et soulève quelques questions. Les informations sont : 1) c’est Eliade qui écrit à Evola de Calcutta ; 2) ils se connaissaient déjà ; 3) ils avaient des amis communs à Rome ; 4) Eliade doit avoir demandé à Evola, qui la lui envoie, la collection de Ur 1928 et de Krur 1929, tout comme de L’Uomo come Potenza qui date de 1926, et des informations que Evola lui donne. Il est très probable que par la suite Eliade a reçu en Inde également les autres livres cités dans la lettre ; ensuite, après son retour en Roumanie, aussi les autres œuvres d’Evola, jusqu’à Rivolta contro il mondo moderno (1934), dont le titre dissimule déjà la définition de Imperialismo pagano que Evola donne dans sa lettre. D’autre part Eliade lut Rivolta et en fit une recension positive dans le numéro de Vremea du 31 mars 1935. Nous pouvons supposer que Evola lui a envoyé également son Mistero del Graal qui sortit en 1937. Se posent alors différentes questions qui ne sont guère faciles à résoudre. Par exemple, comment doit-on comprendre "je me rappelle parfaitement bien de vous" avec lequel il commence la lettre ? Il serait important d’y donner une réponse précise pour comprendre le genre de contacts qu’ils avaient et leur intensité. Eliade affirme qu’il a rencontré personnellement Evola seulement au "printemps 1937" à Bucarest ; d’autre part dans son journal personnel italien, c’est-à-dire dans les articles sur ses voyages en Italie publiés à l’époque sur des quotidiens roumains, et dans les souvenirs écrits par la suite, il ne cite jamais Evola parmi les nombreuses personnalités qu’il a rencontrées à Rome pendant ses séjours depuis avril 1927 à avril-juin 1928. Evola quant à lui, en reconstruisant la rencontre de Bucarest dans des textes écrits après la guerre, ne se le rappelle pas toujours bien la date ; quelques fois il la situe en 1936 (6), mais ensuite il se corrige et indique 1938 (7) . C’est 1938 la date exacte comme on le déduit des articles qu’Evola a publiés en Italie à l’époque et des références directes et indirectes qui y sont contenues, suivant la reconstruction irréfutable de Claudio Mutti (8). Cette rencontre eut lieu exactement en 1938, mais nous en reparlerons plus loin.

     

    Alors, quel contact y eut-il auparavant, et avec quelle intensité ? Il semble que Mircea Eliade reçût et lût Bilychnis, la revue d’études religieuses éditée entre 1922 et 1931 par l’École Théologique Baptiste de Rome (ou bien, autre hypothèse, il a acheté plusieurs exemplaires d’anciens numéros de la revue à Rome an avril 1927). Il connaissait donc la signature d’Evola grâce aux essais que celui-ci y publia entre 1925 et 1926. Et de fait Eliade, à vingt ans, publia sur le numéro de Cuvântul de décembre 1927 un long commentaire sur Il valore dell occultismo nella cultura contemporanea. Peut-on penser qu’il en ait envoyé un exemplaire à Evola ? Qui sait, peut-être y eut-il un premier contact en cette occasion ?

     

    C’est un fait acquis que durant le séjour romain d’avril-juin 1928 Eliade rassembla à la bibliothèque de l’Université de Rome également "une documentation supplémentaire sur l’herméneutique et l’occultisme, sur l’alchimie et les relations avec l’Orient" (9) : leurs sujets sont tous extrêmement proches non seulement d’Evola, mais de tout le "Groupe d’Ur" qui depuis un an déjà publiait ses propres fascicules. Eliade eut peut-être entre les mains certains de ces textes, ou bien a-t-il réussi à entrer en contact avec un des auteurs ? Ou peut-être est-il entré en contact avec des milieux néo-spiritualistes ou théosophiques qui lui donnèrent l’adresse d’Evola ? Il nous reste cependant toujours à résoudre le mystère de la phrase : « Je me rappelle parfaitement bien de vous ». Quand et comment ?

     

    Eliade retourna à Bucarest en juin 1928 et repartit pour l’Inde en novembre. Il est possible qu’il ait écrit à Evola durant cette période de cinq mois et qu’ensuite il s’en soit allé sans rien dire à son correspondant italien ? Ceci peut être une attire solution et alors la phrase d’Evola peut faire référence à ce premier contact qu’il eut un an et demi auparavant. Il y a cependant ce : « Un de vos amis ici m’avait déjà dit que vous étiez allé en Inde ». Un ami roumain ? Italien ? Qui cela peut-il être ? Il est peu probable que cela soit un des grands noms qu’Eliade ait connus (par ex. Buonaiuti ou Gentile) (10) ; il s’agit là sans doute de quelque personnage des milieux magico-herméneutiques qui l’intéressaient et qu’Evola connaissait également. En somme, la lettre qu’Evola reçut de Calcutta n’était pas du tout signée par un nom inconnu. Et cette "étude restée au stade de manuscrit" consacrée à la pensée évolienne et commencée en 1928 (dont parle Eliade dans sa recension de Rivolta), quand a-t-elle été écrite ? Quoi qu’il en soit, cette nouvelle révèle titi intérêt pas seulement superficiel du jeune chercheur de 20 ans pour son collègue italien de 30 ans. Je dirais que cela présuppose l’existence d’une estime personnelle. Preuve en est la recension citée de Rivolta, où Evola est décrit comme « un des esprits les plus intéressants de la génération de la guerre » et où l’on donne cette image précise et générale de son œuvre : « Tout contribue à l’isolement d’Evola dans le cadre de la pensée et de la culture modernes : la rigueur de ses analyses philosophiques, son esprit critique et son courage à soutenir malgré tout une science `traditionnelle’, qu’il oppose à la science laïque, fragmentée, atomisée. Evola est ignoré des spécialistes, parce qu’il dépasse leur cadre de recherches. Il est inaccessible aux dilettantes, parce qu’il fait appel à une érudition vraiment prodigieuse, et en même temps il ne fait aucune concession lorsqu’il expose ses idées (c’est une façon de parler, parce qu’Evola n’a pas d’idées qui lui soient `propres’) ». Eliade explique en outre : « La position d’Evola est simple : selon cette idée qu’aucun idéologue n’a adoptée, il affirme et réaffirme les valeurs `traditionnelles’. Par ce terme cependant, il parle de chaque valeur créée par une civilisation qui ne fait pas de la vie un but en soi, mais qui considère que l’existence humaine est uniquement un moyen pour arriver à une réalité spirituelle, transcendante ». Eliade avait aussi des positions particulières d’interprétation : tout en disant que dans Rivolta il y a « une explication du monde et de l’histoire d’une grandeur fascinante », il le considérait un livre « à la fois anti-chrétien et anti-politique, et aussi adversaire des communistes et des fascistes » (11), ce qu’il n’est pas, si on le compare aux œuvres de Spengler, Rosenberg, Gobineau et Chamberlain ; ce qui est erroné, sauf si l’on ne considère pas ces auteurs — avec Massis, Huizinga, Keyserling, Guénon — dans le cadre de la "littérature de crise" (12) , comme on l’a définie.

     

    Alors que dans le cadre de "certains voyages en Europe" (13) Evola décida de se rendre à Bucarest en mars 1938 pour y rencontrer Corneliu Codreanu, on comprend alors pourquoi il fit référence à ceux qu’il définit une fois les "amis roumains" (14) et une autre fois "un Roumain avec lequel il était déjà en relation, parce qu’il s’intéressait aux études traditionnelles" (15) — et que Claudio Mutti, après une série de recherches et de croisements entre différentes sources, identifie avec Vasile Lovinescu alias "Geticus" et avec Mircea Eliade (16). Eliade aurait été présent à la rencontre entre Evola et Codreanu (17). Mais ce dernier détail n’est pas si important que cela en réalité. Est important par contre le fait qu’il y eut une connaissance et une estime propres à pousser Evola à faire référence justement à Lovinescu et à Eliade. Estime et considération qu’Evola a conservées intactes pendant longtemps, à tel point qu’il souhaita reprendre les contacts avec le chercheur roumain après la guerre ; estime dont il fit preuve par la manière dont il accueillit Eliade à Rome, même si celui-ci ne semble pas en comprendre le sens profond. Evola devrait avoir écrit à l’Hôtel de Suède, où Eliade résidait, mais cela, pas avant mars 1950 ; il semble cependant que leur rencontre ne puisse pas s’être déroulée auparavant : comme on l’apprend des lettres qu’il a envoyées au poète Girolamo Comi à cette période(18), Evola rentra en Italie vers la mi-août 1948 ; son retour définitif à Rome eut lieu probablement en avril 1950. Evola écrit à Comi ni le 30 mars 1950, du "Centro Putti" de l’Ospedale n. 46 di Bologne : « Il y a dix jours environ, j’ai fait un saut à Rome après tant d’années d’absence ; j’y ai renoué un tas de contacts et j’y ai vu un tas de gens (…). Ensuite je suis reparti de nouveau pour Bologne ». Si Evola écrit qu’il est revenu à Rome seulement à ce moment-là, « après tant d’années d’absence », il est évident qu’avant cela il était à Bologne, et que Mircea Eliade ne peut pas l’avoir rencontré en 1949, sauf s’il s’est rendu à l’Ospedale n. 46, ce qui ne ressort pas de la première lettre écrite après la guerre par Evola au chercheur roumain et connue en Italie, celle du 15 décembre 1951, qui en tout cas ne doit pas être la toute première après la reprise de leurs contacts. Evola en effet la commence ainsi : « Cher Monsieur, il s’est écoulé un certain temps depuis que j’ai reçu votre dernière lettre, et notre relation s’est rétablie après la guerre » (19).

    A suivre

  • Fin de la campagne d’automne des 40 Days for Life

    519 bébés ont été sauvés par la prière des militants.

    Fall2015riga6

    Michel Janva

  • Interview exclusive de Tony O’Neill, leader du Parti du Peuple Celte 5/5 : l’immigration

    Alors que les provinces françaises se battent pour sauver leurs langues et traditions régionales, NOVOpress vous propose une interview exclusive du fondateur irlandais du Parti du Peuple Celte – PPC —. Nous publions cet entretien-fleuve en cinq parties afin de vous en offrir une lecture plus agréable. La première est consacrée à la naissance du mouvement et aux questions politiques. La seconde est axée sur la défense de la culture celte, le monde celtique et les liens que noue le PPC avec la diaspora celte dans le monde. La troisième traite des questions liées à l’Union Européenne. Les deux dernières sont consacrées à l’immigration. >

    NOVOPRESS : Il y a des millions d’Irlandais dans le monde entier, bien éduqué et profondément attaché à leurs racines : comment se fait-il que votre gouvernement ne cherche pas à les faire revenir au lieu d’accueillir des personnes n’ayant aucun intérêt dans vos valeurs à l’exception des allocations sociales, sans compétences spécifiques et ne parlant pas anglais ?

    Tony O’Neill : Officiellement, il y a 78 000 de nos jeunes qui sont ENCOURAGÉS à quitter nos terres pour chercher du travail à l’étranger, et comme vous le dites, des milliers d’immigrants sont autorisés à venir sur notre sol. La plupart des gens sont en désaccord avec cette politique. Il n’y a pas de zone soumise à la charia – pas encore —, mais cela arrivera forcément à moins qu’une voix politique ne s’élève pour dire STOP à cette invasion planifiée. Ce sera l’action du PPC et nous travaillons à cette tâche quotidiennement. Quand nous monterons en puissance avec notre réseau d’ambassades locales, nous mettrons en place une politique dans le monde entier pour encourager le peuple celtique à revenir en Irlande pour aider à construire notre pays dans les années à venir.

    NOVOPRESS : De nouvelles mosquées – désolé, de « centres culturels » — sont censés être construit dans toutes les grandes villes : l’Islam se propage à toute vitesse en Irlande. Avez-vous déjà des zones conformes à la charia comme Blanchardstown peut-être ? Et en France, il y a eu une invasion de Kebabs, des sandwicheries petit prix, tout halal, venant de l’argent de la drogue pour être blanchi facilement : avez-vous vu la même chose en Irlande ?
    Tony O’Neill : Cela ne va pas si loin, mais l’invasion de l’Irlande est très récente. Et à moins d’arrêter cette invasion, nous serons sans aucun doute aussi « enrichis » à l’instar de la France.
    NOVOPRESS : Avant chaque élection, nous voyons en France diverses associations musulmanes monnayer leur soutien aux politiciens locaux en échange de logement à loyer modéré ou de menus halal dans les écoles, offrant du soutien éducatif aux enfants, organisation des fêtes, etc. Et la plupart de nos politiciens accèdent à toutes ces exigences, espérant se gagner le vote de cette communauté mal intégrée, qui préféré l’islam à la démocratie. Les politiques irlandais font la même chose ?

    Tony O’Neill : Encore une fois cela ne va pas si loin, mais c’est seulement parce que les immigrants n’ont pas la concentration suffisante et ne sont pas politiquement organisés – pour le moment. Nous avons donc encore un peu de temps pour sauver notre pays.

    NOVOPRESS : Le dogme officiel lorsque des pays sont confrontés au terrorisme musulman et à ses atrocités comme en France, Grande-Bretagne, Belgique, États-Unis, Tunisie, Irak, Syrie, Nigeria, Égypte, Chine, Turquie, Australie, Yémen, Indonésie, etc., etc., etc. est de dire que cela n’a rien à voir avec l’islam : subissez-vous le même discours en Irlande ?
    Tony O’Neill : Oui, mais le PPC dit la vérité aux gens. Nous allons continuer à dire cette vérité et ce que l’invasion en cours signifiera pour l’Irlande et pour l’Europe sauf nous pouvons tout arrêter MAINTENANT !
    NOVOPRESS : En ce qui concerne votre action en Irlande et vos nombreux liens avec les communautés celtiques dans le monde entier… Quels conseils donneriez-vous aux militants désireux de défendre leur identité ? Se battre par des actions métapolitiques ? Attirer l’attention des médias et du public ? Coordonner une vision européenne celte avec leur identité locale ?

     

    Tony O’Neill : Soyons clairs, si des militants voulaient enfreindre la loi, je leur conseillerai de se montrer plus malins que cela et de travailler pour obtenir le pouvoir par les urnes. Cela ne sert à rien de manifester dans les rues. Nous avons vu des manifestations monstres de PEGIDA en Allemagne et d’autres groupes en Europe et pourtant l’invasion de l’Europe continue. Il y a qu’un seul moyen pour sauver l’Europe, et c’est en remportant le pouvoir politique. La plupart des peuples européens ne veulent pas d’une Europe envahie, mais ils n’ont pas voix politique pour exprimer ce point de vue. Il appartient à chaque homme et femme européens de devenir politiquement actif dans leurs pays et faire ce que nous faisons en Irlande : devenez actifs, organisez-vous, faites de la politique. Obtenez le pouvoir !
    NOVOPRESS : Et enfin M. O’Neill, quelle est votre vision d’une Irlande idéale dans un monde parfait ?
    Tony O’Neill : Une Irlande idéale serait un pays celtique où notre peuple serait dirigé par des personnes ayant une grande force morale dans leurs cœurs et un vrai sens de l’honneur dans leurs âmes. Je voudrais voir tous les peuples de tous les pays — non seulement européens, tous les pays — conduits d’une manière similaire.

    http://fr.novopress.info/194310/interview-exclusive-tony-oneill-leader-du-parti-du-peuple-celte-55-limmigration/

  • SAMHAIN 1er NOVEMBRE… AUX RACINES DE LA FÊTE DES MORTS ET DE HALLOWEEN…

    Dans la tradition celtique païenne se célébrait le 1er novembre la fête de Samhain. Cette fête était l’une des quatre grandes fêtes de l’année celtique. Celle de Samhain marquait le début de l’hiver et représentait ainsi la grande transition cyclique annuelle, le nouvel an. Chez les Celtes des îles britanniques et d’Irlande, la veille du 1er novembre se nommait Samfuin, ce qui veut dire « fin de l’été ». À cette date devait être rentré le bétail de ses pâturages d’été. C’est le moment où les Celtes abattaient les animaux nécessaires pour les réserves alimentaires de l’hiver. La vie des six prochains mois allait se dérouler principalement à l’intérieur des foyers où les anciens raconteront autour du feu durant les longues nuits hivernales les anciennes légendes transmises de père en fils.

    L’été se finissait au coucher du soleil le 31 octobre, et l’hiver ne commençait qu’au lever du soleil le 1er novembre. Ceci avait pour conséquence que les 12 heures intermédiaires étaient comme suspendues dans le temps, elles n’appartenaient ni à une saison ni à l’autre. Ces 12 heures étaient hors du temps, c’était la nuit pendant laquelle passé, présent, et futur, étaient réunis dans un même espace temporel. Une nuit obscure pleine de mystères et de terreurs commençait alors de manière implacable. On interrogeait les signes divins afin de connaître les révélations du futur. De grands banquets et des jeux avaient lieu pendant lesquels l’alcool coulait à flots. Mais malgré les joies des festivités, l’atmosphère était lourde car cette nuit de Samhain ne réservait pas que des rires, loin de là même… Pendant ces banquets il était coutume de manger entre autres des pommes, des noix et des noisettes. Les pommes sont liées au symbolisme de l’immortalité, il est donc compréhensible qu’elles soient le fruit de prédilection pour cette nuit de transition vers la saison morte de l’année. On espérait ainsi pousser les puissances magiques de cette nuit de Samhain vers un renouvellement vital des forces cycliques.

    Cette nuit du 31 octobre au 1er novembre n’était pas uniquement un effondrement temporel, c’était aussi le moment pendant lequel s’écroulaient les barrières qui séparaient les différents mondes. Les portes entre les mondes s’ouvraient laissant le passage libre aux fées, aux elfes, mais aussi et surtout aux Esprits de l’infra monde et aux morts. Ces Esprits, véritables démons du chaos, sont dans la tradition irlandaise les Fomoirés contre lesquels les Dieux célestes, les Tuatha De Danann, durent livrer bataille lors de la conquête du pays. La fête de Samhain était très enracinée chez les Celtes irlandais, à tel point que de nombreux aspects païens purent survivre à la christianisation de l’Irlande. Ces aspects perdurèrent de nombreux siècles, et lorsque les Irlandais émigrèrent vers le nouveau monde, l’Amérique, ils emmenèrent avec eux la tradition de Samhain. La très forte présence d’immigrants irlandais aux USA fit que cette fête allait prendre rapidement un caractère national. Depuis, dans tout le pays se célèbre la fête nommée Halloween. Les américains, toujours prompts à convertir en valeur marchande tout et n’importe quoi, firent tôt de récupérer cette fête traditionnelle en lui donnant un aspect commercial à outrance. C’est ce Halloween américanisé qui est venu conquérir l’Europe à la fin du 20è siècle. Il est donc assez surprenant de voir les « migrations » de Samhain, qui part d’Europe vers l’Amérique, pour revenir ensuite en Europe sous un aspect quelque peu différent. Mais revenons à la fête originelle de Samhain, celle de nos ancêtres celtes. Cette nuit sacrée pendant laquelle les Esprits de l’infra monde et les morts venaient hanter et parfois terrifier les vivants, était celle où tous les confrontements étaient possibles. Dieux, hommes, et entités chtoniennes pouvaient s’affronter de manière terrible. Les Divinités chtoniennes, les démons de l’infra monde, étaient représentées dans l’imagerie mythologique avec des aspects monstrueux. On allumait alors de grands feux pour se protéger de ces forces obscures et chaotiques. Même durant le banquet, le roi de tribu devait être protégé tout spécialement par quatre princes qui prenaient place autour de lui. Ils se plaçaient de telle manière, qu’ils formaient une roue solaire selon le principe des deux axes, un prince de chaque côté, un derrière et un autre devant le roi. Cet ordre symbolique visait à invoquer les forces solaires, celles des Tuatha De Danann afin de protéger le roi contre toute attaque des forces chtoniennes. La vie de toute la tribu en dépendait. On réservait pendant ces banquets une place pour les morts afin qu’ils viennent se joindre pacifiquement aux festivités. Toute cette célébration n'est pas sans rappeler celle de la fête romaine de Mundus Patet dont le fond est très similaire à celui de Samhain.

    Durant la nuit de Samhain, la rencontre avec les morts, les Esprits, les Elfes, ou les Fées, pouvait être parfois bénéfique et d’une grande aide, mais en général elle était crainte et on faisait tout pour l’éviter. Pendant ce temps, les jeunes, qui prenaient les choses quelques fois plus à la légère, se couvraient le visage avec des masques monstrueux, et déambulaient ainsi dans le village. Ceci augmentait sans aucun doute une ambiance déjà très tendue. Les foyers, eux, ont été au préalable nettoyés de fond en comble, car c’est une des nombreuses manières d’honorer les défunts lorsqu’ils reviennent au foyer afin de se joindre aux vivants. Les morts qui prennent place au banquet sont le souvenir de l’ancien sacrifice qui devait se célébrer en l’honneur des ancêtres et des Fomoirés. Bien des éléments littéraires du moyen-âge irlandais confirmeraient que des sacrifices sanglants avaient lieu pendant la nuit de Samhain, et peut-être même des sacrifices humains. Ces sacrifices avaient pour but d’apaiser les Fomoirés et tous les Esprits malveillants de cette nuit hors du temps. L’un de ces Fomoirés porterait le nom de Crom Cruach. Par contre il a été démontré que ces sacrifices étaient le fait de volontaires ou de guerriers vaincus, mais en aucun cas d’enfants comme a voulu le faire croire une version littéraire chrétienne du moyen âge irlandais. Cette version, unique en son genre d’ailleurs, a puisé son inspiration dans un passage biblique faisant référence aux sacrifices pratiqués en l’honneur du Dieu sémitique Moloch. Les chrétiens firent d’ailleurs tout pour salir l’image de cette fête de Samhain. Les œuvres littéraires du moyen âge montrent que cette fête était très ancrée dans les mœurs des Celtes et qu’elle était pour ces derniers une tradition incontournable. Les chrétiens tentèrent dans un premier temps de la diaboliser, mais lorsqu’ils finirent par constater qu’ils n’y arriveraient pas, fidèles à leur habitude, ils christianisèrent Samhain en faisant d’elle la fête des morts et celle de tous les saints (la Toussaint).

    Hathuwolf Harson

    Source :

    « Lexikon der keltischen Mythologie », Sylvia und Paul F. Botherhoyd

    « Les symboles des Celtes », Sabine Heinz

    http://www.oragesdacier.info/2015/10/samhain-1er-novembre-aux-racines-de-la.html

  • Interview exclusive de Tony O’Neill, leader du Parti du Peuple Celte 3/5 : l’Union Européenne

    Alors que les provinces françaises se battent pour sauver leurs langues et traditions régionales, NOVOpress vous propose une interview exclusive du fondateur irlandais du Parti du Peuple Celte – PPC —. Nous publions cet entretien-fleuve en cinq parties afin de vous en offrir une lecture plus agréable. La première est consacrée à la naissance du mouvement et aux questions politiques. La seconde est axée sur la défense de la culture celte, le monde celtique et les liens que noue le PPC avec la diaspora celte dans le monde. La troisième traite des questions liées à l’Union Européenne. Les deux dernières sont consacrées à l’immigration. >

    NOVOPRESS : Après un référendum sur le mariage homosexuel, largement encouragé par l’UE, pensez-vous que l’avortement, les mères porteuses pour les couples homosexuels ou la FIV pour les couples de lesbiennes vont être les prochains sujets imposés à la population Irlandaise ? Comment les gens vont-ils réagir ?
    Tony O’Neill : Il n’y aura aucune limite aux attaques de l’ultralibéralisme libertaire culturel contre notre peuple et cela concerne l’avortement et autres abominations que vous mentionnez. La plupart des gens rejetteront ce programme imposé, mais quand ils le font, ils sont aussitôt désignés comme représentants de la « haine » et tout est fait pour les faire taire. C’est le travail du PPC que de devenir une avant-garde pour notre peuple et montrer que nous n’avons pas à nous soumettre à cette dégénérescence et que nous devons au contraire assumer notre combat.

    NOVOPRESS : L’Union Européenne veut clairement décomposer les liens familiaux en les réduisant à de simples contrats commerciaux entre individus et il semble que l’Église catholique est plutôt passive face à cette destruction. Comment expliquez-vous ce silence d’un des piliers traditionnels de la culture irlandaise ?
    Tony O’Neill : Depuis Vatican II, l’église catholique en Irlande comme ailleurs en Europe a été totalement dévoyée par ceux qui veulent voir la fin de l’Europe et tout ce qu’être européen signifie. Ce travail a été accompli avec succès et l’église en Irlande n’ose plus défendre nos valeurs morales. Au contraire elle favorise ouvertement la « compréhension » de toutes formes de pratiques qui sont à la mode. Heureusement la plupart des gens en Irlande se sont détournés de l’Église après divers scandales récents et donc le message du clergé a un effet très limité. Il y a cependant une énorme vague de soutien vers les valeurs familiales traditionnelles en Irlande et c’est à ce public que s’adresse le PPC.

    NOVOPRESS : En France quelques écrivains et politiciens introduisent l’idée que l’UE soutient ce qu’ils appellent un « grand remplacement » de population. L’idée étant d’« émietter » les peuples en communautés séparées, pour qui le concept même de patriotisme n’aurait plus aucun sens. Sentez-vous la même pression pour que l’Irlande accepte plus de soi-disant « réfugiés » ?
    Tony O’Neill : Ce qui se passe en France se passe également dans toutes les autres parties de l’Europe. C’est une simple application du principe de « diviser pour mieux régner ». C’est pourquoi nous devons nous unir en tant que peuples européens afin que nous puissions sauver l’Europe que nous aimons de la disparition.

    http://fr.novopress.info/194299/interview-exclusive-tony-oneill-leader-du-parti-du-peuple-celte-35-lunion-europeenne/#more-194299

  • Hommage à Mircea Eliade (1907-1986)

    Le 22 avril de cette année, Mircea Eliade est décédé à Chicago, à l’âge de 79 ans. Cet homme était un intemporel qui prétendait appartenir à « l’avant-garde de l’humanité de demain et d’après-demain ». C’était aussi un talent à facettes multiples, à l’aise aussi bien dans la sphère des belles lettres que dans le domaine rigoureux de la philosophie. Mais il était essentiellement un observateur scientifique des religions de l’humanité. Né à Bucarest en 1907 dans une famille d’officiers et de fonctionnaires, Mircea Eliade a servi pendant quelques temps son pays dans la diplomatie. S’il n’a pas suivi la tradition familiale, c’est partiellement à cause de la prise du pouvoir par les communistes en Roumanie et c’est surtout la conséquence de ses dons particuliers.

    Parmi les impressions premières qui ont d’emblée déterminé la pensée de Mircea Eliade, il y a la profonde religiosité paysanne de sa patrie (1). Là, des traditions cultuelles immémoriales se mêlaient au christianisme, générant ainsi un syncrétisme créateur qui n’a jamais cessé de fasciner Eliade. À cette expérience existentielle première se superposèrent les souvenirs d’un voyage aux Indes, entrepris lors de sa ving-et-unième année. Eliade a étudié à l’Université de Calcutta puis s’est penché sur la spiritualité archaïque de cet immense pays, spiritualité richissime que lui ont communiqué très directement des maîtres de Yoga dans l’Himalaya. Le savoir qu’il emmagasine alors là-bas a servi de matériau pour sa thèse sur le Yoga, dont la version française de 1936 (2) a consacré sa renommée scientifique au-delà des frontières roumaines. Dès cet ouvrage, nous découvrons déjà toutes les méthodes d’investigation et les présupposés de la démarche éliadienne, qui seront exploités et systématisés dans les travaux ultérieurs (3). Eliade a toujours eu le souci d’éviter deux écueils qui guettent immanquablement la science qui prend les religions comme objets de ses recherches : soit s’essayer au déploiement d’une crypto-théologie soit ne pas prendre trop au sérieux les objets mêmes de l’investigation. Il a échappé à ces deux difficultés grâce à sa « saisie morphologique ». Eliade laisse à tout phénomène religieux sa dignité propre, car il considère chacun d’eux comme une “ hiérophanie” [manifestation du divin] originale, sans pour autant renoncer à un principe organisateur, qu’il appelait soit la « sur-historicité » soit la « non-historicité de la vie religieuse ». Il voyait, à l’instar de son prédécesseur Rudolf Otto, le “sacré” comme un “tout autre”, comme une catégorie indépendante, comme une grandeur non déductible d’une grandeur supérieure. Ainsi, Eliade pouvait considérer chaque manifestation du sacré comme égale en valeur et en dignité, que ce soit la vénération d’une “colonne du monde” ou les danses des Soufis musulmans, la parole extatique d’un chamane sibérien ou la scolastique de Thomas d’Aquin. Dans plusieurs travaux systématiques comme Les religions et le sacré (1949), Le sacré et le profane (1957) ou dans des études plus spécialisées comme, par ex., celle consacrée au chamanisme (1ère éd. 1951) [Le chamanisme et les techniques archaïques de l'extase, 1968, 2e éd.], Eliade a brossé les grandes lignes de cette interprétation globale des phénomènes religieux (4).

    Il est par ailleurs ailleurs significatif que, dans cette quête, il soit entré en contact avec CG Jung et Ernst Jünger mais n'ait jamais pu trouver le moindre terrain d’entente avec une quelconque de ces théologies officielles occupées à détruire systématiquement les traditions spirituelles sur lesquelles, généralement, elles reposent. Avec cet échec de dialogue, Eliade a fini par comprendre qu’il existait une étroite relation entre le phénomène contemporain de sécularisation et l’incapacité des représentants attitrés des religions à conserver l’héritage qui leur a été confié. C’est la raison essentielle qui a motivé son désir de doter la science des religions d’une “fonction royale”, celle de rassembler le savoir religieux de l’humanité et de sauver ces acquis de l’emprise d’un monde sans foi. Et si Eliade, dans les dernières années de sa vie, a succombé progressivement au pessimisme, il n’a toutefois jamais abandonné son espoir en une “nouvelle humanité” (5). Sa vision était animée d’une conviction solidement enracinée : celle qui affirmait que la religiosité appartenait à la plénitude de l’être-homme et qu’après une ère de “voilement du sacré”, cette religiosité retrouverait sa dignité originelle.

    L’image qu’Eliade se donnait de l’avenir montrait une profonde analogie avec les formes propres aux cultures traditionnelles et à leur mode de croyance. L’impression qui demeure en Eliade, après qu’il ait existentiellement approché le “christianisme cosmique” des paysans roumains et la spiritualité de l’Inde, c’est une solide et inébranlable confiance, une confiance qui sait que l’on peut réactiver le “mythe de l’éternel retour”. Cette confiance est aussi un rêve, celui qui voit un nouveau retour de l’homme dans le cycle que sempiternellement l’histoire détruit pour, ensuite et sans cesse, ré-inaugurer de nouveaux commencements, où la nature et le sacré se voient restaurés et réunis.

    La part apportée par la Roumanie à l’histoire spirituelle européenne est encore largement méconnue. Mircea Eliade, qui a passé plus de la moitié de sa vie en exil en France ou aux États-Unis, doit être considéré pourtant comme un des représentants les plus originaux, les plus profonds et les plus féconds de ce paysage intellectuel roumain si peu exploré. En tant que professeur d’histoire des religions à l’Université de Chicago, il a marqué du sceau de son esprit des générations et des générations d’étudiants. Après sa mort, ses livres nous lèguent un colossal testament spirituel. Un testament, un héritage, pourtant encore incomplet quand on sait que son Opus Magnus, l’Histoire des Idées religieuses commencée en 1976, demeure inachevé. Souvenons-nous comment le journal Le Monde a annoncé la mort d’Eliade : en titrant « Le philosophe du sacré est mort ».

    ► Karlheinz Weißmann, Vouloir n°30, 1986.

    ♦ notes en sus :

    1. Lire à ce sujet « La religiosité cosmique de la Roumanie » (B. Radulescu, 1997).

    2. Il en donnera une version vulgarisée dans Techniques du Yoga (1948). Voir aussi ses deux études : « Le problème des origines du Yoga », « Chamanisme et technique yogiques indiennes », in : Yoga, science de l'homme intégral, Jacques Masui (dir.), Les Cahiers du Sud, 1953.

    3. Cf. La nostalgie des origines : Méthodologie et histoire des religions (1971) : Les travaux de Mircea Eliade sont le produit d’une monumentale digestion d’ouvrages d’ethnologie, d’histoire, de philologie et de phénoménologie. Ici, il se penche sur ce substrat de sa pensée et, pour une fois, fait œuvre critique, tout en s’adressant à l’honnête homme plus qu’au spécialiste (p. 14). L’histoire des religions est l’objet principal de la suite d'essais qui constituent cet ouvrage. Une clé (sans doute pas la plus grande) de l’étrangeté de la conception de l’histoire des religions chez Eliade nous est donnée ici lorsque nous comprenons qu’en anglais comme en français, Eliade désigne par “histoire des religions” ce que recouvre le terme de Religionswissenschaft (p. 17) : histoire comparée des religions, mais aussi ethnologie, phénoménologie et sociologie, comme en témoigne le chapitre “L’histoire des religions de 1912 à nos jours” (p. 37-84). Ce survol qui embrasse les principaux auteurs de sciences humaines des religions en arrive à tirer de “l’histoire des religions” un enseignement essentiellement relativiste et universaliste : relativiste, parce que toute expression religieuse est conditionnée par son époque ; universaliste à cause du débordement qu’il suppose au-delà des religions connues. Mais le temps a, en définitive, peu de rapports avec cette historicité culturaliste ou phénoménologique, selon les perspectives : en tous cas, il revient à l’historien des religions, non de rassembler des faits selon une certaine chronologie, mais de les interpréter dans une perspective transhistorique (p. 147-48). Des autres essais, on retiendra surtout “mythe cosmogonique et histoire sainte”, où l’auteur confronte sa pensée à quelques auteurs dont Lévi-Strauss, auxquels il reproche un comparatisme trop étroit. Par ailleurs, M. Eliade s'intéresse au mythe non dans sa structure, mais dans la manière dont il renvoie à la « totalité primordiale » (p. 165). Mais où situer cette “totalité” ? Aux origines, certes, mais aussi à une eschatologie religieuse ou sécularisée. D’où les développements sur le mythe paradisiaque dans l’« American Dream », futur prodigieux et aussi paradis perdu. Mentionnant seulement le chapitre sur « l’initiation et le monde moderne » (p. 222-48), on remarquera à nouveau l’impact lévi-straussien sur le dernier chapitre : « Remarques sur le dualisme religieux : dyades et polarité » (p. 249-336). Mais chez M. Eliade le caractère opératoire de la dualité fait place à une typologie des rapports dualistes. (François-A. Isambert, Archives de sociologie des religions n°33, 1972).

    4. Cf. L'“Homo religiosus” et son expérience du sacré : Introduction à une nouvelle anthropologie religieuse, Julien Ries. Cerf, 2009.

    5. Cf. David Cave, Mircea Eliade's Vision for a New Humanism, Oxford University Press, 1993. 

    Mircea Eliade et la Redécouverte du Sacré (documentaire de Paul Barba Negra pour France Régions 3, 1987)

    http://www.archiveseroe.eu/recent/31

  • Interview exclusive de Tony O’Neill, leader du Parti du Peuple Celte 3/5 : l’Union Européenne

    Alors que les provinces françaises se battent pour sauver leurs langues et traditions régionales, NOVOpress vous propose une interview exclusive du fondateur irlandais du Parti du Peuple Celte – PPC —. Nous publions cet entretien-fleuve en cinq parties afin de vous en offrir une lecture plus agréable. La première est consacrée à la naissance du mouvement et aux questions politiques. La seconde est axée sur la défense de la culture celte, le monde celtique et les liens que noue le PPC avec la diaspora celte dans le monde. La troisième traite des questions liées à l’Union Européenne. Les deux dernières sont consacrées à l’immigration. >

    NOVOPRESS : Après un référendum sur le mariage homosexuel, largement encouragé par l’UE, pensez-vous que l’avortement, les mères porteuses pour les couples homosexuels ou la FIV pour les couples de lesbiennes vont être les prochains sujets imposés à la population Irlandaise ? Comment les gens vont-ils réagir ?

    Tony O’Neill : Il n’y aura aucune limite aux attaques de l’ultralibéralisme libertaire culturel contre notre peuple et cela concerne l’avortement et autres abominations que vous mentionnez. La plupart des gens rejetteront ce programme imposé, mais quand ils le font, ils sont aussitôt désignés comme représentants de la « haine » et tout est fait pour les faire taire. C’est le travail du PPC que de devenir une avant-garde pour notre peuple et montrer que nous n’avons pas à nous soumettre à cette dégénérescence et que nous devons au contraire assumer notre combat.

    NOVOPRESS : L’Union Européenne veut clairement décomposer les liens familiaux en les réduisant à de simples contrats commerciaux entre individus et il semble que l’Église catholique est plutôt passive face à cette destruction. Comment expliquez-vous ce silence d’un des piliers traditionnels de la culture irlandaise ?
    Tony O’Neill : Depuis Vatican II, l’église catholique en Irlande comme ailleurs en Europe a été totalement dévoyée par ceux qui veulent voir la fin de l’Europe et tout ce qu’être européen signifie. Ce travail a été accompli avec succès et l’église en Irlande n’ose plus défendre nos valeurs morales. Au contraire elle favorise ouvertement la « compréhension » de toutes formes de pratiques qui sont à la mode. Heureusement la plupart des gens en Irlande se sont détournés de l’Église après divers scandales récents et donc le message du clergé a un effet très limité. Il y a cependant une énorme vague de soutien vers les valeurs familiales traditionnelles en Irlande et c’est à ce public que s’adresse le PPC.

     

    NOVOPRESS : En France quelques écrivains et politiciens introduisent l’idée que l’UE soutient ce qu’ils appellent un « grand remplacement » de population. L’idée étant d’« émietter » les peuples en communautés séparées, pour qui le concept même de patriotisme n’aurait plus aucun sens. Sentez-vous la même pression pour que l’Irlande accepte plus de soi-disant « réfugiés » ?
    Tony O’Neill : Ce qui se passe en France se passe également dans toutes les autres parties de l’Europe. C’est une simple application du principe de « diviser pour mieux régner ». C’est pourquoi nous devons nous unir en tant que peuples européens afin que nous puissions sauver l’Europe que nous aimons de la disparition.

    http://fr.novopress.info/194299/interview-exclusive-tony-oneill-leader-du-parti-du-peuple-celte-35-lunion-europeenne/#more-194299