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tradition - Page 171

  • Hannah Arendt : l’âge sombre, le paria et le parvenu

    Recension : Agnes HELLER, « Eine Frau in finsteren Zeiten », in :Studienreihe der Alten Synagoge, Band 5 : Hannah Arendt, “Lebensgeschichteeiner deutschen Jüdin”, Klartext Verlag, Essen, 1995-96, 127 p.

    Dans un volume publié par le centre d’études juives Alte Synagoge, Agnes Heller se penche sur la vision du monde et des hommes qu’a développéeHannah Arendt, au cours de sa longue et mouvementée quête de philosophe. Cette vision évoque tout à la fois un âge sombre (finster) et un âge de Lumière, mais les périodes sombres sont plus fréquentes et plus durables que les périodes de Lumière, qui sont, elles, éphémères, marquées par la fulgurance de l’instant et la force de l’intensité. Les périodes sombres, dont la modernité, sont celles où l’homme ne peut plus agir politiquement, ne peut plus façonner la réalité politique : Hannah Arendt se montre là disciple de Hegel, pour qui le zôon politikon grec était justement l’homme qui s’était hissé au-dessus de la banalité existentielle du vécu pré-urbain pour accéder à l’ère lumineuse des cités antiques. Urbaine et non ruraliste (au contraire de Heidegger), Hannah Arendt conçoit l’oikos primordial (laHeimat ou la glèbe / Die Scholle) comme une zone anté-historique d’obscurité tandis que la ville ou la cité est lumière parce qu’elle permet une action politique, permet le plongeon dans l’histoire. Pour cette raison, le totalitarisme est assombrissement total, car il empêche l’accès des citoyens/des hommes à l’agora de la Cité qui est Lumière. L’action politique, tension des hommes vers la Lumière, exige effort, décision, responsabilité, courage, mais la Lumière dans sa plénitude ne survient qu’au moment furtif mais très intense de la libération, moment toujours imprévisible et éphémère. Agnes Heller signale que la philosophie politique de Hannah Arendt réside tout entière dans son ouvrageVita activa ; Hannah Arendt y perçoit l’histoire, à l’instar d’Alfred Schuler, comme un long processus de dépérissement des forces vitales et d’assombrissement ; Walter Benjamin, à la suite de Schuler qu’il avait entendu quelques fois à Munich, parlait d’un “déclin de l'aura”. Hannah Arendt est très clairement tributaire, ici, et via Benjamin, des Cosmiques de Schwabing (le quartier de la bohème littéraire de Munich de 1885 à 1919), dont l’impulseur le plus original fut sans conteste Alfred Schuler. Agnes Heller ne signale pas cette filiation, mais explicite très bien la démarche de Hannah Arendt.

    L'histoire : un long processus d’assombrissement

    L'histoire, depuis les Cités grecques et depuis Rome, est donc un processus continu d’assombrissement. Les cités antiques laissaient à leurs citoyens un vaste espace de liberté pour leur action politique Depuis lors, depuis l’époque d’Eschyle, ce champ n’a cessé de se restreindre. La liberté d’action a fait place au travail (à la production, à la fabrication sérielle d’objets). Notre époque des jobs, des boulots, du salariat infécond est donc une époque d’assombrissement total pour Hannah Arendt. Son pessimisme ne relève pas de l’idéologie des Lumières ni de la tradition messianique. L’histoire n’est pas, chez Hannah Arendt, progrès mais régression unilinéaires et déclin. La plénitude de la Lumière ne reviendra pas, sauf en quelques instants surprises, inattendus. Ces moments lumineux de libération impliquent un “retournement” (Umkehr) et un “retour” bref à cette fusion originelle de l’action et de la pensée, incarnée par le politique, qui ne se déploie qu’en toute clarté et toute luminosité. Mais dans cette succession ininterrompue de périodes sombres, inintéressantes et inauthentiques, triviales, la pensée agit, se prépare aux rares irruptions de lumière, est quasiment le seul travail préparatoire possible qui permettra la réception de la lumière. Seuls ceux qui pensent se rendent compte de cet assombrissement. Ceux qui ne pensent pas participent, renforcent ou accélèrent l’assombrissement et l’acceptent comme fait accompli. Mais toute forme de pensée n’est pas préparation à la réception de la Lumière. Une pensée obnubilée par la vérité toute faite ou recherchant fébrilement à accumuler du savoir participe aussi au processus d'assombrissement. Le totalitarisme repose et sur cette non-pensée et sur cette pensée accumulante et obsessionnellement “véritiste”.

    L’homme ou la femme, pendant un âge sombre, peuvent se profiler sur le plan culturel, comme Rahel Varnhagen, femme de lettres et d’art dans la communauté israélite de Berlin, ou sur le plan historique, comme Benjamin Disraeli, qui a forgé l’empire britannique, écrit Hannah Arendt. Mais, dans un tel contexte de “sombritude”, quel est le sort de l’homme et de la femme dans sa propre communauté juive ? Il ou elle s’assimile. Mais cette assimilation est assimilation à la “sombritude”. Les assimilés en souffrent davantage que les non-assimilés. Dans ce processus d’assimilisation-assombrissement, deux figures idéal-typiques apparaissent dans l’œuvre de Hannah Arendt : le paria(1) et le parvenu, deux pistes proposées à suivre pour le Juif en voie d’assimilation à l’ère sombre. À ce propos, Agnes Heller écrit :

    « Le paria émet d’interminables réflexions et interprète le monde en noir ; il s’isole. Par ailleurs, le parvenu cesse de réfléchir, car il ne pense pas ce qu’il fait ; au lieu de cela, il tente de fusionner avec la masse. La première de ces attitudes est authentique, mais impuissante ; la seconde n’est pas authentique, mais puissante. Mais aucune de ces deux attitudes est féconde ».

    Ni paria ni parvenu

    Dès lors, si on ne veut être ni paria (par ex. dans la bohème littéraire ou artistique) ni parvenu (dans le monde inauthentique des jobs et des boulots), y a-t-il une troisième option ? “Oui”, répond Hannah Arendt. Il faut, dit-elle, construire sa propre personnalité, la façonner dans l’originalité, l’imposer en dépit des conformismes et des routines. Ainsi, Rahel Varnhagen (2) a exprimé sa personnalité en organisant un salon littéraire et artistique très original où se côtoyaient des talents et des individualités exceptionnelles. Pour sa part, Benjamin Disraeli a réalisé une œuvre politique selon les règles d’une mise en scène théâtrale. Enfin, Rosa Luxemburg, dont Hannah Arendt dit ne pas partager les opinions politiques si ce n'est un intérêt pour la démocratie directe, a, elle aussi, représenté une réelle authenticité, car elle est restée fidèle à ses options, a toujours refusé compromissions, corruptions et démissions, ne s’est jamais adaptée aux circonstances, est restée en marge de la “sombritude” routinière, comme sa judéité d’Europe orientale était déjà d’emblée marginale dans les réalités allemandes, y compris dans la diaspora germanisée. L’esthétique de Rahel Varnhagen, le travail politique de Disraeli, la radicalité sans compromission de Rosa Luxemburg, qu’ils aient été succès ou échec, constituent autant de refus de la non-pensée, de la capitulation devant l’assombrissement général du monde, autant de volontés de laisser une trace de soi dans le monde. Hannah Arendt méprisait la recherche du succès à tout prix, tout autant que la capitulation trop rapide devant les combats qu’exige la vie. Ni le geste du paria ni la suffisance du parvenu…

    S’élire soi-même

    Agnes Heller écrit :

    « Paria ou parvenu : tels sont les choix pertinents possibles dans la société pour les Juifs émancipés au temps de l’assimilation. Hannah Arendt indique que ces Juifs avaient une troisième option, l’option que Rahel Varnhagen et Disraeli ont prise : s’élire soi-même. Le temps de l’émancipation juive était le temps où a démarré la modernité. Nous vivons aujourd'hui dans une ère moderne (postmoderne), dans une société de masse, dans un monde que Hannah Arendt décrivait comme un monde de détenteurs de jobs ou un monde du labeur. Mais l’assimilation n’est-elle pas devenue une tendance sociale générale ? Après la dissolution des classes, après la tendance inexorable vers l’universalisation de l’ordre social moderne, qui a pris de l’ampleur au cours de ces dernières décennies, n’est-il pas vrai que tous, que chaque personne ou chaque groupe de personnes, doit s’assimiler ? N’y a-t-il pas d’autres choix sociaux pertinents pour les individus que d'être soit paria soit parvenu ? S’insérer dans un monde sans se demander pourquoi ? Pour connaître le succès, pour obtenir des revenus, pour atteindre le bien-être, pour être reconnu comme “modernes” entre les nations et les peuples, la recette n'est-elle pas de prendre l’attitude du parvenu, ce que réclame la modernité aujourd'hui ? Quant à l'attitude qui consiste à refuser l’assimilation, tout en se soûlant de rêves et d’activismes fondamentalistes ou en grognant dans son coin contre la marche de ce monde (moderne) qui ne respecte par nos talents et où nous n’aboutissons à rien, n’est-ce pas l’attitude du paria ? ».

    Nous devons tous nous assimiler…

    Si les Juifs en voie d'assimilation au XIXe siècle ont été confrontés à ce dilemme — vais-je opter pour la voie du paria ou pour la voie du parvenu ? — aujourd'hui tous les hommes, indépendamment de leur ethnie ou de leur religion sont face à la même problématique : se noyer dans le flux de la modernité ou se marginaliser. Hannah Arendt, en proposant les portraits de Rahel Varnhagen, Benjamin Disraeli ou Rosa Luxemburg, opte pour le “Deviens ce que tu es !” de nietzschéenne mémoire [maxime reprise à Pindare]. Les figures, que Hannah Arendt met en exergue, refusent de choisir l’un ou l’autre des modèles que propose (et impose subrepticement) la modernité. Ils choisissent d’être eux-mêmes, ce qui exige d’eux une forte détermination (Entschlossenheit). Ces hommes et ces femmes restent fidèles à leur option première, une option qu’ils ont librement choisie et déterminée. Mais ils ne tournent pas le dos au monde (le paria !) et n’acceptent pas les carrières dites “normales” (le parvenu !). Ils refusent d’appartenir à une école, à un “isme” (comme Hannah Arendt, par ex., ne se fera jamais “féministe”). En indiquant cette voie, Hannah Arendt reconnaît sa dette envers son maître Heidegger, et l’exprime dans sa laudatio, prononcée pour le 80ème anniversaire du philosophe de la Forêt Noire. Heidegger, dit-elle, n’a jamais eu d’école (à sa dévotion) et n'a jamais été le gourou d’un “isme”. Ce dégagement des meilleurs hors de la cangue des ismes permet de maintenir, en jachère ou sous le boisseau, la “Lumière de la liberté”.

    ► Robert Steuckers, Nouvelles de Synergies Européennes n°42, 1999.

    1 : La Tradition cachée : Le juif comme paria, HA, trad. S. Courtine-Denamy, C. Bourgois, 1987 ; rééd. 10/18, 1997.

    2 : Rahel Varnhagen : La vie d'une Juive allemande à l'époque du romantisme, HA, trad. H. Plard, Paris, Tierce, 1986 ; rééd. Presses-Pocket, 1994 (Rahel Varnhagen : The Life of a Jewess, 1958).

     Courte bibliographie :

    • Les Origines du Totalitarisme (1951) suivi de Eichmann à Jérusalem (1963), Gallimard / Quarto, 2002
    • La Crise de la culture (1961), trad. P. Lévy (dir.), Gallimard / Folio, 1989 [recension]
    • Essai sur la révolution (1963), trad. M. Chrestien, Gallimard / Tel, 1985 [recension]
    • Condition de l’homme moderne (1958), trad. G. Fradier, Presses-Pocket, 1988
    • Qu’est-ce que la politique ?, trad. S. Courtine-Denamy, Seuil, 1995
    • La vie de l’esprit, trad. L. Lotringer, PUF, 2005
    • Juger, trad. M. Revault d'Allonnes, Seuil, 2003

    http://www.archiveseroe.eu/recent/9

  • "Ernst Jünger : un autre destin européen", par Dominique Venner

    Les temps sont durs ? Ce n’est pas l’heure des idées molles ! Tous les deux mois, Dominique Venner (www.dominiquevenner.fr) l’illustre brillamment en livrant à ses lecteurs une « Nouvelle Revue d’Histoire » aussi tonique que riche en contenus et perspectives. Son dernier ouvrage est dans la même veine. Consacré à Ernst Jünger, ce géant européen, marqué tout comme Venner par une jeunesse pugnace et « maurétanienne » qui seule peut justifier la posture définitive de l’anarque, il est l’occasion d’une réflexion stimulante sur l’identité et le devenir de l’Europe. « En ce personnage singulier s’incarne en effet une figure ultime, celle d’un archétype européen provisoirement disparu, dont subsiste peut-être une secrète nostalgie. Que l’un des plus grands écrivains de ce siècle et l’un des plus cultivés ait été aussi un jeune officier des troupes d’assaut qui chanta la Guerre notre mère, voilà une rareté qui porte en elle l’unité perdue de natures arbitrairement opposées : le poète et le guerrier, l’homme de méditation et l’homme d’action »…
    Jaugeant Jünger à l’aune de l’histoire, des événements tragiques qu’il aura traversé, il l’utilise aussi pour éclairer cette histoire, et imaginer à partir de son exemple, de ses engagements comme de ses doutes, « un autre destin européen ».
    Au fil des pages, la vie et l’œuvre de Jünger sont autant de clefs de lecture de son époque. Elles sont décryptées et discutées, avec cette absence totale de complaisance qu’autorise la véritable empathie, et pour tout dire l’admiration. La force de l’analyse de Dominique Venner est de pouvoir s’adresser aussi bien aux spécialistes de Jünger qu’aux lecteurs souhaitant une introduction éclairante à son œuvre vaste, touffue et parfois déroutante, servie par une langue « tour à tour limpide et mystérieuse ».
    Mais l’originalité profonde de cette étude tient au traitement du sujet : « sismographe » de son époque, acteur engagé puis distancié, soldat, militant, poète et naturaliste, Ernst Jünger est sous la plume de Venner bien plus que le témoin de l’histoire de l’Europe au XXe siècle : le prophète de son nécessaire retour dans l’histoire, de la sortie de sa « dormition », de la rupture, tranquille mais totale, avec les chimères d’une société repue. « Et le lecteur méditatif songera que la tentation est forte pour l'Européen lucide de se réfugier dans la posture de l'anarque. Ayant été privé de son rôle d'acteur historique, il s'est replié sur la position du spectateur froid et distancié. [...] L’immense catastrophe des deux guerres mondiales a rejeté les Européens hors de l’histoire pour plusieurs générations. Les excès de la brutalité les ont brisés pour longtemps. Comme les Achéens après la guerre de Troie, un certain nihilisme de la volonté, grandeur et malédiction des Européens, les a fait entrer en dormition. A la façon d'Ulysse, il leur faudra longtemps naviguer, souffrir et beaucoup apprendre avant de reconquérir leur patrie perdue, celle de leur âme et de leur tradition ».
    C’est pourquoi Jünger reste un modèle.
    Son « éthique de la tenue » est un reflet de l’âme européenne, faite de réalisme héroïque et de stoïcisme tragique, de cette tension permanente et féconde entre Apollon et Dionysos. Et son exigence – « Viser plus haut que le but » - celle de tout Européen qui n’aurait pas renoncé à lui-même.
    Et c’est ainsi qu’avec Dominique Venner la vie et l’œuvre d’Ernst Jünger deviennent « feuille de route » pour tous ceux qui entendent « résister aux démons ou aux lâchetés de l’époque » (Bruno de Cessole) et allumer des feux de bivouac, et de veillée, pour l’Europe à venir.
    ©Polémia , 26/07/2009
    Note : http://www.dominiquevenner.fr/
    Dominique Venner, Ernst Jünger : Un autre destin européen , Editions du Rocher, mai 2009, 234 p., 18 euros
    http://www.amazon.fr/Ernst-J%C3%BCnger-autre-destin-europ%C3%A9en/dp/2268068153/ref=

    sr_1_1?ie=UTF8&s=books&qid=1248577119&sr=1-1

    http://archives.polemia.com/article.php?id=2290

  • L’Âge du Bronze européen

     Recension : Britta Verhagen, Götter am Morgenhimmel, Grabert-Verlag, Tübingen, 1983, 319 p.

    Britta Verhagen s’efforce, dans son nouvel ouvrage, de comprendre, de retracer les grandes lignes de la religiosité propre aux hommes de l’Âge du Bronze nord-européen. Cette “civilisation” préhistorique sans villes et sans constructions de pierre a été, affirme Britta Verhagen, une ère où la richesse matérielle était abondante. Les fouilles prouvent que, dans le Nord de l’Europe, régnait, dans les mœurs, une sorte de bon goût, un sens aigu pour les formes épurées, pour une sorte de noble simplicité, pour l’harmonie et l’équilibre des formes. Le mode de vie était manifestement “acculturé”. Les soins corporels mobilisaient beaucoup d’attention : les tombes, qui contenaient sans nul doute des biens périssables, nous ont révélé des objets d’usage quotidien qui ne sont réapparus que beaucoup plus tard : vêtements cousus et brodés, chaussures de cuir, boutons avec boutonnières, épingles de sûreté, étuis peints ou “pyrogravés”, boîtes de métal contenant des bijoux ou du matériel de couture. La décoration de ces objets était sobre, jamais surchargée.

    Comme le prouvent les travaux les plus récents de l’archéologie (Colin Renfrew, etc.), l’Europe du Nord-Ouest constitue le berceau territorial des Pré-Indo-Européens. Ceux-ci se sont par la suite divisés entre Indo-Européens de l’Ouest et Indo-Européens de l’Est. Britta Verhagen analyse les cycles mythologiques, interprète les représentations rupestres dans une vaste zone géographique qui part de l’Europe Occidentale et s’étend jusqu’en Asie centrale. Elle cherche ainsi à distinguer les acquis culturels et religieux provenant de l’Âge de la Pierre de ceux qui remontent à l’Âge du Bronze et de ceux qui sont plus récents. Pour l’Âge du Bronze, les résultats de ses recherches bouleversent les idées établies : on ne trouve ni ce monothéisme solaire qui se passe d’images anthropomorphiques du divin ni le Valhalla des Vikings avec ses Ases et ses Vanes. L’image centrale de cette religiosité est celle d’un homme jeune, debout sur un char solaire ou dans un esquif dont la figure de proue est un cygne ; il est entouré de femmes vêtues de blanc, ses habits sont bleus, il porte une couronne de rayons lumineux, des boucles d’oreilles en trois éléments, des spirales de bronze sur la poitrine. Cette figure semble faire rayonner autour d’elle une puissante lumière. Elle doit avoir été le symbole, non seulement de l’Europe septentrionale de l’Âge du Bronze mais aussi de contrées plus vastes et d’âges plus proches de nous.

    Le dieu grec Hermès était, à l’origine, un dieu chargé de soutenir le monde comme plus tard en Germanie l’arbre Irminsul ou, ailleurs, les Menhir. Dans un guide pour l’église de Fulda en Allemagne, on lit qu’un type particulier de colonne symbolise le Christ qui porte le cosmos. Britta Verhagen pense pouvoir trouver des analogies entre la religiosité de cet âge immémorial et celle qui subsiste encore de nos jours.

    Le “père sacré” des origines, figure commune à tous les peuples indo-européens, apparaît souvent, en tant que “père tutélaire”, chez de nombreux peuples : c’est Mannus chez les Germains, Manu chez les Arya des Indes, Manes chez les Phrygiens et chez les Égyptiens ; Narmer-Menses, quant à lui, était l’unificateur de la Haute et de la Basse Égypte ; il y avait en outre Minos en Crète. Quant au Christ, dans la Wessobrunner Gebet, il est appelé manno.

    À plusieurs reprises, Britta Verhagen critique la vision conventionnelle de l’ex oriente lux. Elle écrit : « Cette Europe Septentrionale est la seule région où l’on voit surgir les tombes mégalithiques à partir de coutumes funéraires plus archaïques. C’est très vraisemblablement le résultat d’une évolution ininterrompue depuis les pratiques funéraires de l’Âge de la Pierre moyen ». L’archéologue allemande, pour prouver sa thèse, se penche sur les seules cultures mégalithiques encore subsistantes (du moins jusqu’à la Seconde Guerre mondiale) d’Asie du Sud-Est et de Polynésie.

    Le sens, qui préside à l’érection de ces pierres gigantesques, est dérivé d’un culte des morts et des ancêtres. Le mégalithe assure la vie éternelle du défunt. Il est son souvenir tout en étant le mort lui-même, présent dans le paysage sous la forme d’une masse de pierre. Là, très souvent, il reçoit des offrandes de la part de ses descendants. Nous avons hérité de cette pratique d’ériger des pierres tombales. Britta Verhagen scrute attentivement le monde des récits mythologiques : « Un grand nombre de chants de l’Edda sont les restes de drames très anciens qui se lisent comme la structure dramatique d’un texte moderne. Ces textes ont sûrement, jadis, été joués. Ultérieurement, ils sont devenus les “mystères” évoquant la vie, la geste des héros solaires ».

    L’Âge du Bronze Nordique ne connaissait ni le culte d’Odin-Wotan ni celui de Thor. Les signes solaires de Posides (le dieu jeune, cf. supra), avec ses chevaux et ses cygnes, dominent incontestablement la scène. Nulle part, on ne repère la trace des loups et des corbeaux d’Odin. À la suite des migrations successives des Indo-Européens, c’est ce culte du jeune dieu de la lumière et de la justice qui essaime de par le monde.

    Et non celui d’Odin, dieu-loup borgne, chevauchant son coursier à huit pattes, coiffé de son chapeau mou. Odin-Wotan est en fait une divinité hivernale qui fit son apparition, en Europe du Nord, après un formidable bouleversement climatique : quand les hivers rudes et les tempêtes violentes ont houspillé le temps ensoleillé qui régnait auparavant sur le Royaume d’Atlas (un des noms que la figure divine primordiale a reçu dans la mythologie grecque).

    Comment le Nord de l’Europe est-il passé du culte de l’Âge du Bronze à celui des Germains et des Vikings ? Britta Verhagen pense que la transition s’est opérée au moment du retour des Cimmériens (fixés sur les rives de la Mer Noire) vers 500 av. notre ère. Ce retour vers l’Europe Centrale s’est effectué lors d’une détérioration du climat et a provoqué, peut-être, une première mutation consonantique des langues germaniques (ou, plutôt, pré-germaniques). Ainsi, Odin vieillit de 1.000 ans, comme le croit aussi le mythologue danois Dan Hemming, qui voit en Odin la figure divinisée d’Attila, roi des Huns.

    ► Dr. Wollatz, Vouloir n°5, 1984.

    http://www.archiveseroe.eu/age-du-bronze-a118582482

  • La littérature jeunesse décryptée

    Le 30 septembre 2015, Anne-Laure Blanc, spécialiste de la littérature jeunesse et auteur d'Une bibliothèque idéale - Que lire de 5 à 11 ans ? a donné une conférence sur les ouvrages dédiés aux moins de vingt ans. Cette rencontre a été organisée par SOS Éducation, association loi 1901 d'intérêt général et indépendante qui milite pour une école de qualité. La conférence est relayée dans le cadre d'une série de vidéos réalisées par le Collège latin, école préceptorale et hors-contrat située à Paris.

    Anne-Laure Blanc y expose l'histoire de la littérature jeunesse et donne des clés concrètes pour sélectionner les ouvrages. Les bons titres, les âges cibles, l'influence des éditeurs, le vocabulaire... tout y est décortiqué et analysé. Une conférence à voir et à revoir par quiconque veut transmettre l'amour de la lecture aux jeunes générations.

    Michel Janva

  • Famille et tribu

    Comme l’avaient vu Herbert Spencer ou Werner Sombart, toute société humaine oscille entre la priorité donnée à la vie économique ou à la vie militaire. Le fait que le militaire domine n’engendre pas nécessairement la guerre. Sparte était moins aventureuse qu’Athènes en la matière. Ce sont des civils qui ont poussé à la deuxième guerre mondiale et non les militaires de carrière soucieux de préserver l’instrument militaire. Dans le cas du 3ème Reich, c’est le haut état-major militaire qui s’opposa le plus aux projets aventureux d’Hitler d’où des remaniements successifs dans la haute hiérarchie militaire.
    La prédominance de l’économie ou de l’armée a par contre des répercussions importantes sur l’éthique sociale dans son ensemble ou dans l’équilibre entre l’élément masculin et l’élément féminin. La prédominance de l’économie se traduit par la prédominance de la femme dans la famille, comme le montre le modèle américain. La prédominance de la femme entraîne une prédominance de la logique de la famille sur la logique de la tribu, et entraîne un affaiblissement du lien social au profit de l’individualisme.
    Il semble en effet, selon les travaux des éthologues (science du comportement) que les hommes établissent des liens d’amitiés non sexuels qui sont nécessaire pour chasser de façon efficace et donc en petits groupes masculins. Les hommes, lorsque les femmes leur en donnent la liberté, se regroupent volontiers en groupes masculins pour faire du sport, de la politique, de la religion ou de la philosophie (l’église comme la maçonnerie sont des sociétés à dominante masculine) ou d’autres activités analogues. Les femmes mettent la priorité sur la famille et non sur la tribu. Dans une société totalement militarisée, l’homme domine le système social, y compris familial (patriarcat). Dans une société vouée de façon unidimensionnelle à l’économie, c’est la femme qui est dominante car c’est le comportement de consommation qui est la « cause finale » de toute activité professionnelle. C’est le cas dans l’Occident actuel.
    Il semble qu’une société équilibrée doit éviter la domination totale d’un sexe comme de l’autre, ce qui signifie dans notre société actuelle, qu’il faudrait revaloriser la fonction militaire. L’indifférence sur l’avenir de la tribu, propre à une société totalement centrée sur la famille, pèse sur l’avenir collectif : affaiblissement démographique, immigration envahissante, disparition de l’esprit de défense menacent la survie collective sans que l’opinion publique de la société marchande, dominée par l’élément féminin de façon trop exclusive, ne s’émeuve.
    Le déclin des formes sociales plus masculines, église, armée, syndicats, partis, clubs, est concomitant d’un individualisme exacerbé, propre à une « société de consommation » dominée par l’élément féminin. La femme, toujours selon les éthologues, est moins portée à la formation de liens sociaux du type de la « bande d’amis » car elles n’ont pas été particulièrement programmées par l’évolution pour la chasse collective mais plutôt pour la cueillette individuelle. Les rivalités individuelles sont beaucoup plus affirmées dans une société féminisée où la solidarité masculine est en déclin avancé.
    Les formes extrêmes de société, militarisation et masculinisation totale (fascisme et communisme), marchandisation et féminisation totale (Occident anglo-saxon libéral ou social-démocrate) semblent être moins bien adaptée à la survie à long terme du corps social. Elles se traduisent aussi par des coûts psychologiques importants, l’insatisfaction touchant d’ailleurs les deux sexes, de façon plus ou moins accentuée.
    Il est difficile de rétablir un équilibre une fois qu’il a été rompu. Les sociétés militaires sombrent dans la défaite militaire ou dans l’implosion provoquée par l’inefficacité économique ou à l’inverse par l’effet du luxe sur les mœurs. Les sociétés de consommation, centrées exclusivement sur l’économie, peuvent sombrer par déclin économique (mauvaise gestion des équilibres à long terme provoqué par la prédominance des managers sur les « vrais » propriétaires) ou par dissolution du corps social.
    L’exemple de la Suisse montre à travers l’initiative populaire sur la suppression de l’armée (2001) que celle-ci n’a pas qu’une fonction étroite, fonctionnelle, de défense. En Suisse, une très grande majorité des citoyens s’est prononcée, femmes et hommes, pour le maintien de l’obligation militaire qui ne touche que les hommes. Ces derniers voient dans les tranches annuelles de périodes militaires tout au long de la vie, des périodes de sport et de camaraderie ressenties comme un enrichissement. Les femmes elles-mêmes ne se sont pas opposées à cette vision. La démocratie a des fondements historiques indiscutablement militaires. L’équilibre entre l’armée et l’économie caractérise les régimes démocratiques alors que les sociétés marchandes sont en réalité non démocratiques mais oligarchiques.
    Il est de l’intérêt de tous qu’un équilibre soit rétabli entre l’armée et l’économie, entre la tribu (la nation) et la famille, entre le monde masculin et le monde féminin. Cela passe par l’abandon de l’armée de métier, propre aux sociétés marchandes anglo-saxonne et par une revalorisation matérielle mais surtout psychologique de la fonction militaire.
    Yvan Blot, 26/08/2009

    http://archives.polemia.com/article.php?id=2332

  • Identité française : relire Renan !

    Quand on parle d’identité française, « Qu’est ce qu’une nation » d’Ernest Renan reste un texte incontournable. Le seul problème c’est que cette très belle conférence du 11 mars 1882 est davantage commentée que réellement lue et comprise.

    Retour au texte : http://www.bmlisieux.com/archives/nation01.htm

    Le socle objectif d’une nation : race, langue, religion, intérêts, géographie

    Les commentateurs rapides retiennent souvent du texte de Renan une et une seule chose : « la nation est un plébiscite de tous les jours » ; ils en tirent la conclusion que Renan a défendu une conception exclusivement subjectiviste de la nation. Ce qui est parfaitement inexact. La partie la plus longue du texte – le chapitre II - est consacrée à une longue discussion sur les bases objectives de la nation. Renan s’écarte effectivement d’une conception purement déterministe de la nation tout en reconnaissant l’importance de données objectives.

    Certes, pour Renan la nation n’est pas la race (au sens de peuple : celte, germain ou romain) et « Ce que nous venons de dire de la race, il faut le dire de la langue. La langue invite à se réunir ; elle n'y force pas » (…) « La religion ne saurait non plus offrir une base suffisante à l'établissement d'une nationalité moderne ». Mais « La communauté des intérêts est assurément un lien puissant entre les hommes ». (…) et « La géographie, ce qu'on appelle les frontières naturelles, a certainement une part considérable dans la division des nations. »

    Il faut bien comprendre ce que Renan dit ici : refus du déterminisme mais prise en compte de la réalité. La dernière phrase du chapitre II est déterminante pour comprendre : « Nous venons de voirce qui ne suffit pas à créer un tel principe spirituel : la race, la langue, les intérêts, l'affinité religieuse, la géographie, les nécessités militaires. Que faut-il donc en plus ? »

    Deux phrases sont ici essentielles : « ce qui ne suffit pas » et « Que faut-il donc en plus ? ». En clair la race, la langue, la religion, les intérêts, le territoire ne sont pas des conditions suffisantes à l’existence d’une nation mais ce sont des conditions, sinon nécessaires, du moins préalables.

    Le socle subjectif d’une nation : «Nous sommes ce que vous fûtes ; nous serons ce que vous êtes»

    La suite montre d’ailleurs l’idée très exigeante que Renan se fait de la nation et l’importance qu’il attache à l’héritage moral et historique, à l’inscription dans le temps long : « Une nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n'en font qu'une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L'une est dans le passé, l'autre dans le présent. L'une est la possession en commun d'un riche legs de souvenirs ; l'autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l'héritage qu'on a reçu indivis. L'homme, Messieurs, ne s'improvise pas. La nation, comme l'individu, est l'aboutissement d'un long passé d'efforts, de sacrifices et de dévouements. Le culte des ancêtres est de tous le plus légitime ; les ancêtres nous ont faits ce que nous sommes. Un passé héroïque, des grands hommes, de la gloire (j'entends de la véritable), voilà le capital social sur lequel on assied une idée nationale. Avoir des gloires communes dans la passé, une volonté commune dans le présent ; avoir fait de grandes choses ensemble, vouloir en faire encore, voilà les conditions essentielles pour être un peuple. On aime en proportion des sacrifices qu'on a consentis, des maux qu'on a soufferts. On aime la maison qu'on a bâtie et qu'on transmet. Le chant spartiate : «Nous sommes ce que vous fûtes ; nous serons ce que vous êtes» est dans sa simplicité l'hymne abrégé de toute patrie. »

    Pour Renan, il n’y a pas pour une nation de présent commun possible, sans passé commun revendiqué ou assumé. Le socle subjectif d’une nation renvoi à un socle objectif : l’héritage.

    Jean-Yves Ménébrez 30/11/2009
    Voir aussi :

    - « Qu’est ce qu’être français » :
    http://www.polemia.com/article.php?id=2475
    - « Sarkozy/Besson/Copé : négationnistes de l'identité français »
    http://www.polemia.com/article.php?id=2476

    - Identité française et identité juive : le point de vue du CRIF 
    http://www.polemia.com/article.php?id=2555

    http://archives.polemia.com/article.php?id=2556

  • Manuels scolaires : Vallaud-Belkacem veut supprimer les contes traditionnels

    Najat Vallaud-Belkacem, la piètre ministre de l’Éducation Nationale, a publié un communiqué mercredi qu’elle entendait traquer les stéréotypes de genre jusque dans les manuels scolaires. Ainsi les nouveaux programmes (CP jusqu’à la 3ème) « sont une occasion importante pour améliorer les manuels et ainsi prévenir les discriminations de stéréotypes qui alimentent les inégalités entre les élèves. ».

    La sinistre s’appuie sur une « étude » du centre Hubertine Auclert (association féministe militante) pour partir en guerre contre les contes traditionnels tel que Le Petit Chaperon rouge ou Cendrillon.
    Selon les harpies féministes « de nombreux contes issus de la culture populaire » sont « truffés de représentations sexistes, ils ont valeur d’autorité littéraire et cantonnent le plus souvent les personnages féminins à des rôles stéréotypés. »

    Le rapport en profite pour attaquer la représentation du couple homme-femme et réclament des « modèles familiaux diversifiés » dans les manuels scolaires pour enfants de 5 ans…

    http://www.contre-info.com/manuel-scolaire-vallaud-belkacem-veut-supprimer-les-contes-traditionnels

  • La défense de la vie par la Ligue du Sud au Département de Vaucluse

    Yann Bompard et la Ligue du Sud défendent la vie au Conseil Départemental de Vaucluse :

    L"Lors de la séance du 2 octobre, le groupe de la Ligue du Sud au département s’est élevé contre 4 sujets primordiaux pour notre territoire.

    Tout d’abord, il a été question de la convention liant le département avec l’association carpentrassienne AMADO. Cette association a perçue 55 000 € du département. Et une disposition de la convention nous a scandalisés. Pour mémoire :

    « AMADO proposera obligatoirement une rencontre de la conseillère du centre de Planification et d’Education Familiale (CPEF) cnventionné à Carpentras par le Conseil Général, aux femmes enceintes accueillies avant la fin du délai de recours à l’IVG ». Pas besoin d’être grand clerc pour comprendre que l’on incitera ces femmes, en situation de détresse, à recourir à l’avortement. Nous regrettons d’avoir été le seul groupe politique à voter contre. Tous les autres groupes ont voté pour.

    Nous avons également voté contre une subvention à hauteur de 30 000 euros à l’association AIDES en nous appuyant sur un rapport interne de l’association qui expliquait notamment sa gestion catastrophique  Ce rapport précisait que: « la situation actuelle est la conséquence d’une succession d’erreurs de pilotage qui fait peser un discrédit immense sur la direction et la présidence, grevant tant leur capacité à surmonter la crise actuelle qu’à assurer la survie de l’association dans le futur. »

    Au passage le budget de AIDES oscille entre 30 et 40 millions d’euros par an dont la moitié de financements publics, et ils achètent des espaces publicitaires sur la chaîne pornographique « Dorcel TV ». L’argent des vauclusiens irait mieux à l’aide à la recherche plutôt qu’au fonctionnement d’associations à la gestion contestée et contestable et aux ambitions douteuses.

    Ici encore, nous regrettons d’avoir été le seul groupe à voter contre cette subvention. [...]"

    Michel Janva

  • Nous entrons dans un temps où les paroles doivent être authentifiées par des actes (Dominique Venner)

    Les manifestants du 26 mai auront raison de crier leur impatience et leur colère. Une loi infâme, une fois votée, peut toujours être abrogée. 

    Je viens d’écouter un blogueur algérien : « De tout façon, disait-il, dans quinze ans les islamistes seront au pouvoir en France et il supprimeront cette loi ». Non pour nous faire plaisir, on s’en doute, mais parce qu’elle est contraire à la charia (loi islamique). 

    C’est bien le seul point commun, superficiellement, entre la tradition européenne (qui respecte la femme) et l’islam (qui ne la respecte pas). Mais l’affirmation péremptoire de cet Algérien fait froid dans le dos. Ses conséquences serraient autrement géantes et catastrophiques que la détestable loi Taubira. 

    Il faut bien voir qu’une France tombée au pouvoir des islamistes fait partie des probabilités. Depuis 40 ans, les politiciens et gouvernements de tous les partis (sauf le FN), ainsi que le patronat et l’Église, y ont travaillé activement, en accélérant par tous les moyens l’immigration afro-maghrébine. 

    Depuis longtemps, de grands écrivains ont sonné l’alarme, à commencer par Jean Raspail dans son prophétique Camp des Saints (Robert Laffont), dont la nouvelle édition connait des tirages record. 

    Les manifestants du 26 mai ne peuvent ignorer cette réalité. Leur combat ne peut se limiter au refus du mariage gay. Le « grand remplacement » de population de la France et de l’Europe, dénoncé par l’écrivain Renaud Camus, est un péril autrement catastrophique pour l’avenir. 

    Il ne suffira pas d’organiser de gentilles manifestations de rue pour l’empêcher. C’est à une véritable « réforme intellectuelle et morale », comme disait Renan, qu’il faudrait d’abord procéder. Elle devrait permettre une reconquête de la mémoire identitaire française et européenne, dont le besoin n’est pas encore nettement perçu. 

    Il faudra certainement des gestes nouveaux, spectaculaires et symboliques pour ébranler les somnolences, secouer les consciences anesthésiées et réveiller la mémoire de nos origines. Nous entrons dans un temps où les paroles doivent être authentifiées par des actes. 

    Il faudrait nous souvenir aussi, comme l’a génialement formulé Heidegger (Être et Temps) que l’essence de l’homme est dans son existence et non dans un « autre monde ». C’est ici et maintenant que se joue notre destin jusqu’à la dernière seconde. Et cette seconde ultime a autant d’importance que le reste d’une vie. C’est pourquoi il faut être soi-même jusqu’au dernier instant. C’est en décidant soi-même, en voulant vraiment son destin que l’on est vainqueur du néant. Et il n’y a pas d’échappatoire à cette exigence puisque nous n’avons que cette vie dans laquelle il nous appartient d’être entièrement nous-mêmes ou de n’être rien.

    Dominique Venner

    http://www.oragesdacier.info/

  • Léon Daudet : Le passé ressuscité

    Les Souvenirs littéraires de Léon Daudet viennent d'être réédités dans la collection des Cahiers rouges. Une anthologie consacrée au journalisme et à la littérature, mais qui recèle aussi des souvenirs médicaux et politiques.

    Les éditions Grasset viennent de rééditer les Souvenirs littéraires de Léon Daudet autrefois publiés dans Le Livre de poche, un choix de textes opéré par Kléber Haedens dans les neuf volumes de souvenirs de l'écrivain, du polémiste, du directeur de L'Action Française. Choisis avec goût, habileté et discernement, les textes de cette anthologie donnent une bonne idée du talent et du caractère de Daudet. On y trouve des pages se rapportant au journalisme et à la littérature, d'où le titre, mais aussi des souvenirs médicaux et politiques.

    De Hugo à Dreyfus

    Fantômes et Vivants couvre la période qui va de 1880 à 1890. Il faut lire la description des funérailles de Victor Hugo, montagne de vanité dérisoire comme toutes les cérémonies mortuaires dénuées de dimension spirituelle. Daudet, en un mot, écrase le Panthéon : « C'est ici la chambre de débarras de l'immortalité républicaine et révolutionnaire. »

    Devant la douleur évoque les études médicales que Daudet mènera presque à leur terme, et la maladie qui emporta son père. Nous voyons Potain, grand professeur dont la fréquentation quotidienne de la misère humaine n'avait pas émoussé la sensibilité : le voici qui glisse un billet dans la poche d'un convalescent nécessiteux ou qui continue de soigner de ses propres mains un patient dont l'anévrisme va éclater : « Et voici le maître qui serre avec amour, contre son épaule trempée de sang, la pauvre tête épouvantée et oscillante, lui fait ainsi franchir le grand passage. »

    L'Entre-deux-guerres va de 1890 à 1904 ; Daudet y parle du Figaro, de Barrès, de la Revue des deux Mondes, institution bien pensante s'il en fut. Nous pouvons y admirer le magnifique portrait d'un libéral, de l'éternel libéral, le duc d'Haussonville : « La démocratie lui semble un flot irrésistible et il s'y baigne en souriant, avec un caleçon d'ancien régime. Il me représente le conservateur type, qui croit que le révolutionnaire a raison, qui porte en épingle de cravate une fidélité de bon ton et meurt du désir d'un portefeuille dans un cabinet radical. »

    Dans Salons et Journaux nous pénétrons chez la merveilleuse comtesse de Loynes qui réunit, autour de Jules Lemaître, une brillante société d'écrivains, d'artistes et de journalistes. Après avoir inspiré en grande partie la fondation de la Ligue de la Patrie française, Mme de Loynes participera au lancement de l'AF par un don de 100 000 francs-or. Au temps de Judas nous transporte dans l'affaire Dreyfus, dans les luttes de la Ligue de la Patrie française, dans l'affaire Syveton, député nationaliste qui avait giflé publiquement le général André, ministre de la Guerre, responsable de l'ignoble affaire des fiches, en lien, semble-t-il, avec la franc-maçonnerie qui voulait freiner la carrière des officiers suspects d'être réactionnaires. Syveton fut "suicidé" la veille de son procès.

    De Paris à Bruxelles

    Vers le roi parle de l'académie Goncourt et de l'Action française. Il trace un portrait saisissant de Maurras, physique, moral et intellectuel à la fois : « Le bruit s'est répandu que derrière les politiciens, et au-dessus d'eux, il y avait, en France, un grand politique, mais entêté – croyait-on alors – dans une conception surannée du pouvoir royal, jugée irréalisable. Or ceux qui se mettaient à l'école de Maurras commençaient par goûter la joie incomparable de comprendre... Or, personne n'a le droit, quand il a une fois entrevu la vérité, religieuse ou politique, de s'y soustraire, sous le fallacieux prétexte qu'il est difficile de l'obtenir. »

    La Pluie de sang consacrée à la Grande Guerre, nous montre Daudet déposant devant la Haute Cour de Justice et contribuant à mettre hors d'état de nuire ceux qui voulaient livrer la France à Guillaume II sous le prétexte mensonger du pacifisme. Député de Paris, publié en 1933, évoque les années parlementaires de Léon Daudet. Nous nous permettons de renvoyer le lecteur à notre article consacré à ce livre, paru dans L'AF 2000 le 1er octobre 2009. Il s'agit du plus bel antidote aux tentations du parlementarisme.

    Un grand mémorialiste

    Vingt-neuf mois d'exil, enfin, nous montre la famille Daudet réfugiée en Belgique parce que Léon avait été condamné pour « crime de paternité » à la suite du louche assassinat de son fils Philippe. Tout  le monde connaît l'évasion rocambolesque de la Santé. Finalement, en 1929, une partie de la presse française et la majorité de la presse francophone, belge et suisse, s'exprima en faveur de Daudet – tel était le rayonnement de l'écrivain et de l'Action française – et une amnistie lui permit de rentrer en France, chez lui.

    Ces souvenirs sont extraordinaires.

    Léon Daudet possède, outre son talent de polémiste, un don d'évocation du passé qui le place au premier rang des mémorialistes. Avec ce visionnaire, grand artiste et homme de coeur, nous entrons dans une véritable résurrection du passé. Que ceux qui ne possèdent pas les oeuvres de Daudet dans leur bibliothèque se hâtent d'acquérir ce volume : leur culture d'AF s'enrichira, et leur culture tout court, littéraire, politique, et humaine.

    Gérard Baudin L’ACTION FRANÇAISE 2000  du 3 au 16 décembre 2009

     

    * Éditions Grasset, Les cahiers rouges, 570 pages, 13,80 euros.