L’ACTION FRANÇAISE : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
YANNICK JAFFRÉ - Je suis un enfant de 68, ayant grandi dans son esprit libertaire, alternatif, contestataire, mais aussi dans la famille éclatée, le relativisme axiologique, le tiers-mondisme et la francophobie française. Mes années de formation, 1980 et 1990, étaient plus précisément dominées par la gauche morale, immigrationniste, antiraciste et repentante. Nulle part la France n’était valorisée, partout je la voyais ramenée à des crimes passés et à des tares présentes. Et pourtant, j’étais porté vers cette immense personnalité française. Elle avait passé les obstacles de l’époque par ma mère bretonne, dans le silence des gestes et des valeurs, par certains professeurs aussi, et par ce qui, dans la mémoire nationale, transcendait l’immédiat, Harlem Désir et Bernard-Henri Lévy. Je me suis donc frayé un chemin vers la France contre mon milieu estudiantin puis professoral. Au plan politique, Chevènement, maintenant le fil rouge d’une gauche patriote, m’a permis d’articuler ma sensibilité républicaine, populaire et sociale à cet amour de la France qui l’avait emporté en moi. Jeune professeur de philosophie en zone sensible dans l’agglomération de Dunkerque, je rejoins le MDC à l’automne 2000. J’y milite jusqu’en 2003, m’en éloigne, reviens en 2005 vers le MRC de Lyon pour mener la campagne référendaire, observe avec attention l’inflexion émariniste » du Front National, recontacte Bertrand Dutheil de la Rochère, ancien directeur de cabinet de Chevènement, après qu’il a rejoint le Rassemblement Bleu Marine. Il me présente alors Florian Philippot, puis Marine Le Pen. Je monte actuellement avec Bertrand Patrie et Citoyenneté, mouvement de gauche patriote, au sein du Rassemblement Bleu Marine.
Qu’est-ce que le collectif Racine ? Quel est son histoire, son rôle, sa fonction, pour ses membres et pour le RBM ?
Avec mon ami Alain Avello, également professeur de philosophie à Nantes, je me suis rapproché au printemps dernier de Valérie Laupies, conseiller de Marine Le Pen pour l’éducation, de Bertrand Dutheil de la Rochère et de Florian Philippot pour leur proposer l’idée d’un collectif professionnel associé au RBM. Ils l’ont soutenue, Marine Le Pen l’a validée avec enthousiasme, et nous voici en marche ! Nous construisons dans l’été le site internet, nouons les premiers contacts, organisons notre conférence de lancement. Elle a lieu avec Marine le 12 octobre dernier à Paris. C’est alors un formidable appel d’air qui nous permet, après moins de six mois d’existence, de revendiquer plus de 400 adhérents.
Sur le fond, le Collectif est né d’une double volonté : rassembler les enseignants patriotes, construire une pensée pour l’école. Nous prouvons par notre existence même que la tectonique des plaques patriote atteint l’éducation nationale, bastion de la gauche moralo-sociétale, où gisent encore des réserves de républicanisme véritable, c’est-à-dire national. Quant à notre pensée, elle veut être cohérente, informée, précise, thème par thème, de la maternelle à l’université. Parce que nous sommes associés à un grand mouvement, le RBM, nous ne sommes ni un syndicat, trop catégoriel, ni un club de réflexion, exclusivement intellectuel. Nous voulons donner par l’action politique force à nos idées.
Dans la crise de l’école, il est devenu assez courant d’incriminer le "pédagogisme"... Que recouvre ce mot à vos yeux ?
L’ensemble des réformes qui, à partir des années 1970, et sous l’influence de l’« esprit 68 », ont dégradé de manière profonde mais, nous le croyons, réversible, l’école de la république. L’idéologie les inspirant est un assemblage de théories qui, pour certaines, remontent à l’Émile de Rousseau. Ainsi Hegel dénonçait-il dès 1817 les pédagogies par le jeu, l’empirie, l’induction qui annulent le maître. Au XXe siècle, Freinet, Montessori, entre autres pédagogues « libres » et « ouverts », s’appuyant sur des théories psychologiques mal établies, dont la Gestalt theorie, ont promu un enseignement global, ludique et spontanéiste. Augmentées par le grand courant anti-institutionnel et égalitariste des années 1970, toutes ces sources se sont reversées dans l’école française, la funeste loi d’orientation de 1989 déclenchant la grande déferlante. Plaçant « l’élève au centre du système », elle a livré l’acte d’enseigner à la psychologie de l’individu et à la sociologie des groupes. Au rebours de sa vocation universelle et émancipatrice. Enseigner au sens noble, en effet, ce n’est pas prendre l’élève tel qu’il est supposé être, c’est l’élever vers ce qu’il peut devenir. A travers des méthodes plus ou moins ludiques, inductives, globales, il s’est créé un climat de confusion expérimentale sous lequel les « règles pour la direction de l’esprit » cartésiennes ont été dramatiquement brouillées. Ces conceptions, que le principe de réalité fait refluer dans tous les esprits de bon sens, sont encore soutenues par le ministère et ses « spécialistes ». Nous sommes là pour leur porter le coup de grâce !
Ne faudrait-il pas aussi prendre en considération le problème de structure qui a consisté à homogénéiser à outrance le parcours scolaire et à produire un enseignement général pour tous mais au rabais et un enseignement professionnel totalement déconsidéré ?
C’est pour nous la mère de toutes les batailles, le point névralgique, la pierre de touche. Nous mettrons fin au Collège unique par le haut. C’est-à-dire en revalorisant les filières professionnelles, mais vraiment, pas verbalement. De là, on redressera, en les désengorgeant, le niveau des séries générales et des licences universitaires. Nous avons sur le sujet des pistes très ambitieuses.
Quelles sont vos campagnes actuelles ? Comment les menez-vous et en direction de qui ?
Nous menons le combat sur trois fronts : l’implantation, la communication, la conception. Constitués en association, nous sommes en train de monter nos sections départementales. Avec un site régulièrement alimenté, nous intervenons sur le vif dans le débat scolaire, et provoquons les acteurs du système : notre lutte actuelle concerne la défense des statuts de 1950 et des classes préparatoires. Parallèlement à ces deux tâches, enfin, nous formons des commissions par thème, matière, niveaux, structures, pour mener un travail foncier, de longue haleine, avec 2017 pour horizon. Tous les professeurs patriotes qui voudraient contribuer à l’aventure sont les bienvenus !
Propos recueillis par Stéphane Blanchonnet - L’AF 2876
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