Depuis Jérusalem, Valls pense avoir le recul nécessaire pour apprécier la situation en France et la galère dans laquelle se débattent les Français, le jugement est péremptoire et le mot d’ordre impératif : « Il ne faut pas céder à la panique », a-t-il dit. Huit raffineries sur huit sont bloquées, ainsi que des dépôts de carburant, des stations-service plus nombreuses à chaque heure sont à sec, les automobilistes font des heures de queue pour trouver de l’essence afin d’aller travailler. Le mal gagne tout le pays petit à petit, les entreprises tournent au ralenti, d’autres sont contraintes d’interrompre leurs activités ? Pas de panique ! Valls aura assez de kérosène dans son avion pour s’en revenir, sa voiture de fonction ira sans problème de Roissy à Matignon toutes sirènes hurlantes.
Et ce n’est qu’un début ! Jeudi, journée nationale avec arrêts de travail et manifestations contre la loi El Khomri, à l’appel de la CGT, FO, FSU, Solidaires, Unef, etc. Le 2 juin, ce sera la CGT de la RATP qui lancera une grève illimitée, les habitants d’Ile-de-France ne pourront pas se déplacer ni en voiture, ni en transports en commun. Et cela avant une autre journée de mobilisation, le 14 juin, pour le même motif. Les contrôleurs aériens vont cesser le travail, les dockers cégétistes bloquent les ports. La grève est votée dans la centrale nucléaire de Nogent-sur-Oise, avec le risque de connaître, en plus, des coupures de courant. Mais pas de panique !
A Tel Aviv, Manuel Valls a exhorté les Français à « ne pas être dans une attitude alarmiste », lui ne s’alarme pas, car il est « déterminé à ce qu’il n’y ait aucune pénurie ». Or la pénurie est déjà là, mais à 3 000 kilomètres de Paris, c’est moins visible. S’il a fait évacuer quelques barrages, il est impuissant face à la grève dans les raffineries, sauf à réquisitionner le personnel, mais il hésite car la CGT considérerait qu’il s’agit d’une déclaration de guerre, comme si son secrétaire général, Philippe Martinez, ne la lui avait pas déjà déclarée ! Valls vient de s’apercevoir que les agitateurs cégétistes sont une « minorité » et qu’elle ne saurait dicter sa loi à la majorité. Il est bien temps de constater qu’il fait jour à midi ! Reconnaissons tout de même au Premier ministre qu’il n’a pas encore osé dire, comme François Hollande, « Ça va mieux ». Car ça va mal.
La CGT veut paralyser le pays, pris en otage entre le chef du gouvernement, qui prétend qu’il « ira jusqu’au bout » et ne renoncera pas à la loi El Khomri, et le patron de la CGT, qui entend généraliser les grèves tant que le gouvernement ne retirera pas son texte. Tout cela pour une loi croupion que personne ne soutient, ni la droite, ni la gauche de la gauche, ni les syndicats, ni le patronat, et même le ministre Macron la conteste au motif qu’elle n’irait pas assez loin. Seul le dernier carré des députés socialistes légitimistes la défend mollement quand Valls fait les gros yeux. Les victimes de ce bras de fer entre le socialiste de Matignon et le communiste de la CGT, ce sont les Français, comme toujours, qui pourtant ne sont nullement concernés par cet affrontement idéologique socialo-communiste.
Guy Rouvrais
Article paru dans Présent n° 8615 daté du 26 mai 2016