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  • Idéologie du Genre à l’école : le FN réagit

     « Halte à ceux qui veulent déconstruire les enfants ! » s’insurge Françoise Grolet, conseiller régional de Lorraine, dans un communiqué.

    La Ligue de l’Enseignement, association gauchiste, met effectivement en place un projet national « Ecole et cinéma », qui mobilise 645 000 enfants par an pour un cycle de trois films. Voici comment le présente la fiche pédagogique : « Laure a 10 ans. Laure est un garçon manqué. Arrivée dans un nouveau quartier, elle fait croire à Lisa et sa bande qu’elle est un garçon. Action ou vérité ? Action. L’été devient un grand terrain de jeu et Laure devient Michael, un garçon comme les autres… suffisamment différent pour attirer l’attention de Lisa qui en tombe amoureuse. Laure profite de sa nouvelle identité comme si la fin de l’été n’allait jamais révéler son troublant secret ».

    Le conseiller FN condamne ce film qui « propage clairement l’idéologie du Genre, qui essaie de substituer, à une humanité composée d’hommes et de femmes, des individus dotés d’une « orientation sexuelle » interchangeable« . Françoise Grolet souligne que l’ »auteur, Céline Sciamma se revendique comme militante de la cause lesbienne, et a reçu à la Biennale de Berlin 2011 le « Teddy Awards » dédié aux films évoquant l’homosexualité« .

    « Cette séance de cinéma à l’école heurte gravement le droit des parents, premiers éducateurs« , dénonce le FN à travers l’ancien soutien de Bruno Gollnisch. « A force de vouloir détruire tout repère, toute identité, on crée une société qui déstabilise totalement un enfant » poursuit-elle.

    « Revendiquons pour nos enfants le droit à grandir paisiblement, pour autant que le monde actuel le leur permette. En tout état de cause, il appartient aux adultes de refuser la « subversion délicate » (bel oxymore du critique d’Arte…) de ces apprentis-sorciers saccageurs d’enfance » termine le communiqué.

    http://www.contre-info.com/

  • En réserve du mondialisme et du pouvoir mondial

    Un gazouillis (1)⇓ venant d'Amérique, et reçu ce matin de la part d'un lecteur de Hayek, fait observer au sujet des élections du 6 novembre : "Laissons une chance à Barack Obama, il a hérité d'une pagaille pas possible, léguée par son prédécesseur : Barack Obama".

    Ce chef d'État réélu peut encore nous surprendre. Si important qu'il puisse paraître aux yeux du reste du monde, à vrai dire, le pouvoir présidentiel des États-Unis dépend, pour son action, d'un ensemble de dispositifs institutionnels, qui le limitent et coopèrent avec lui. Même le gouvernement qu'il constitue suppose l'agrément des ministres par la représentation nationale. Une telle forme d'investiture bipartisane non écrite va à l'encontre de l'idée que nous nous faisons, en France, de la "séparation des pouvoirs". Il se trouve qu'elle fonctionne, en raison de liens civiques, philosophiques et religieux assurant la continuité et la solidité du pays et de ses classes dirigeantes.

    Pour les Européens, l'interlocuteur essentiel se trouve au Département d'État, en charge de la politique extérieure. Or, ce ministère devrait chercher un autre titulaire.

    Ses orientations dépendent largement du Sénat. Celui-ci n'a aucunement changé de couleur, contrairement aux espoirs des républicains depuis 2010. Au contraire, la majorité, qui reste démocrate, s'y est même paradoxalement renforcée, la droite dure du Tea Party ayant pénalisé dans certains États es candidats jugés trop centristes (2)⇓).

    Mais, pendant la campagne, Hillary Clinton a annoncé son intention de ne pas rester en poste. On pourrait s'en réjouir, considérant celle-ci comme la personne la plus néfaste au sein de la politique américaine, car la plus dangereuse pour l'Europe.

    Hélas, elle se sent, depuis longtemps, appelée à jouer un rôle ultérieur que l'on peut d'autant plus redouter. Il s'agirait d'un scénario la transformant, en 2016, en première femme présidente des États-Unis. Certains se souviennent de Georges Pompidou se déclarant après son éviction en 1968 "en réserve de la République", avant d'être élu en 1969. L'épouse de Bill Clinton se tiendrait quant à elle en réserve du pouvoir mondial adossé à la puissance de son pays.

    La force du système politique américain, en dehors des travers bien connus de la démocratie, tient à des mécanismes bien huilés. La réélection d'Obama se sera révélée finalement très courte. Il obtient tout juste 50 % des voix contre 48 % à son adversaire et 2 % aux quatre autres petits candidats.

    À noter donc que, depuis 2008, le président sortant a perdu 3 points, signe assez rare d'une forte déception populaire.

    Les effets arithmétiques du vote par État lui ont seuls permis une majorité artificielle par les mécanismes du scrutin. Car une courte avance dans quelques gros État comme la Californie, New York, etc. donne un bloc de grands électeurs considérable.

    Cela cependant ne doit pas nous tromper : les élections à la Chambre des représentants, assemblée beaucoup plus proche de la réalité du pays ont donné une fois encore une large majorité aux conservateurs.

    De ce fait la configuration actuelle peut se révéler idéale pour redresser la politique mondiale de Washington. Elle permettra de perpétuer une politique de poudre aux yeux à laquelle excellait Mme  Clinton car un accord bipartisan se réalise presque toujours, y compris sur les sujets sensibles et conflictuels.

    La majorité républicaine de la Chambre des représentants s'efforcera de réduire le périmètre de l'intervention de l'État. Cela renforcera, paradoxalement, le rayonnement international du président et du sénat démocrates, que la situation financière aujourd'hui désastreuse affaiblit. Ceci se concrétiserait notamment vis-à-vis de la Chine et de la nébuleuse islamo-wahhabite, c'est-à-dire des adversaires stratégiques de l'occident intervenant, en même temps, comme bailleurs de fonds des États-Unis.

    Autrefois Maurice Duverger enseignait à des générations d'étudiants et de lecteurs du "Monde" la fable de l'équivalence des républicains et des démocrates. Cette approximation s'est révélée plus fausse d'année en année, de présidence en présidence. La vague du conservatisme, courant doctrinal apparu seulement avec la fondation de "National Review" en 1953 (3)⇓, désormais en développement constant, n'a cessé d'approfondir le fossé idéologique entre les deux partis.

    Aujourd'hui en France on n'a voulu voir dans les élections de 2012 que l'affrontement de deux candidats à la direction du seul pouvoir exécutif.

    Il s'agit au bout du compte de bien autre chose : il s'agit de la lente dérive vers un pouvoir mondial à quoi coopèrent : aux États-Unis le parti démocrate ; et, dans le reste du monde, l'Internationale socialiste. Que ces deux forces s'adossent elles-mêmes à certains cercles liés à la finance accapareuse et au pétrole ne doit pas non plus être tenu pour anecdotique, encore moins pour anodin.

    JG Malliarakis http://www.insolent.fr

    notes

    1. cf. sur Twitter.
    2. cf."Democrats Deliver String of Stinging Defeats" in New York Times du 6 novembre 2012.
    3. Le conservatisme américain prend alors racine dans le refus du système de Yalta et l'horreur de l'Union soviétique. La véritable naissance du conservatisme en Angleterre remonte au rejet de la Révolution française. cf. "aux sources du parti conservateur" L'Insolent du 19 septembre 2012.
  • Les médias et leurs chaînes par Georges FELTIN-TRACOL

     Fondée le 2 décembre 2002 (belle date riche en symboles historiques !), l’association Polémia animée par Jean-Yves Le Gallou conduit depuis bientôt une décennie une véritable guerre culturelle contre le Bien-penser dominant. Polémia n’hésite pas à dévoiler l’action délétère des médias et orchestre une indispensable réinformation. Outre un excellent site Internet, véritable contre-Encyclopédie en ligne, Polémia produit avec une fréquence soutenue nombre de brochures thématiques.

     

    Après s’être intéressée à La tyrannie médiatique, à la novlangue ou à l’Immigration : l’illusion de l’intégration, l’équipe de Jean-Yves Le Gallou assistée pour la circonstance d’un soutien de poids, Claude Lorne alias Camille-Marie Gallic (nom de plume révélé dans l’Encyclopédie politique française, tome II, d’Emmanuel Ratier), ancienne directrice de l’hebdomadaire Rivarol, dissecte, avec Les médias en servitude, la médiaklatura hexagonale.

     

    Dans les régimes communistes d’antan, hauts-fonctionnaires de l’administration, bureaucrates du Parti, responsables syndicaux et dirigeants des combinats économiques formaient une Nomenklatura bénéficiant de privilèges matériels qui les distinguaient des simples quidams. Aujourd’hui, l’Occident en général et la France en particulier connaissent eux aussi un parasitisme semblable qui se concentre essentiellement dans la communication, l’information et le divertissement. Ceux qui en font partie sont les vrais maîtres de l’Hexagone.

     

    On a coutume de dire que les médias sont le quatrième pouvoir. Grossière erreur ! Ils en sont le premier, car ils imposent aux gouvernants, aux élus et aux magistrats leurs mots d’ordre. Or cette primauté, cette omnipotence, n’empêche pas que les médias dépendent eux-mêmes d’une puissance considérable, celle du marché, de l’économie et des finances. Leur assujettissement – consentant – a favorisé « l’union des milliardaires et de la médiaklatura (p. 7) ». En effet, la brochure révèle que quatre milieux issus de l’économique se partagent le domaine de l’influence sur l’opinion :

     

    « – les banques : cinq d’entre elles siègent au conseil d’administration de Bouygues, propriétaire de T.F.1; Rothschild contrôle Libération; Lazard siège au Monde; et le Crédit Agricole et le Crédit Mutuel se partagent la presse quotidienne régionale (la P.Q.R.) à l’Est d’une ligne Amiens/Marseille;

    – l’industrie du luxe et les grandes fortunes : Bernard Arnault, Serge Dassault, François Pinault, Martin Bouygues, Vincent Bolloré, Arnaud Lagardère, Claude Bébéar sont omniprésents;

    – les grandes agences de communication et de publicité : Euro R.S.C.G. de Stéphane Fouks et Publicis de Maurice Lévy sont au cœur des stratégies d’influence adossées à de puissants budgets;

    – les paladins de “ l’antiracisme ” : Louis Schweitzer (la H.A.L.D.E.), Pierre Bergé (S.O.S.-Racisme), Bernard-Henri Lévy donnent le ton (pp. 7 – 8 ) ».

     

    Une dernière catégorie, la cinquième, constituée de « grands éditocrates : Érik Israelewicz, Laurent Joffrin, Nicolas Demorand, Denis Olivennes ont un rôle clé, celui d’assurer la cohérence entre les bailleurs de fonds et les soutiers de l’information », que sont les journalistes de base souvent formatés par un conformisme affolant enseigné dans les écoles de presse.

     

    Est-ce surprenant quand on sait que journalistes, hommes d’affaires, politiciens se connaissent mutuellement, s’invitent pendant les vacances, fréquentent les mêmes lieux, nouent des alliances matrimoniales et se retrouvent chaque dernier mercredi du mois au club Le Siècle ? Ils partagent les mêmes opinions : « laisser-fairisme et libre-échangisme économique, cosmopolitisme et sans-frontiérisme, rupture de la tradition et révolution des mœurs (p. 7) ». Le plus bel exemple reste Libération. Créé par des maoïstes excités et patronné par Jean-Paul Sartre, ce quotidien s’est aujourd’hui rallié au capitalisme mondialiste en acceptant le financement d’Édouard de Rothschild. Qu’il accueille le torchon Charlie Hebdo après son barbecue raté témoigne de l’orientation nettement libérale-libertaire du canard.

     

    L’opuscule rappelle justement les liens entre les médias et les grandes entreprises qui dépendent largement des commandes de l’État (Bouygues, Lagardère, Dassault…). Ce n’est pas un hasard si ces groupes investissent les médias. « Se payer un quotidien, ou plusieurs, ne serait-ce pas le moyen le plus expédient d’exercer un lobbying réussi, en matière industrielle mais aussi politique, voire sociétale ? Très loin du “ bien public ”, bien sûr. Il faudrait du reste être d’une naïveté abyssale pour imaginer les états-majors des établissements bancaires comme des aréopages de moralistes doublés de philanthropes(p. 22). »

     

    Divisée en dix-neuf brefs chapitres, l’étude sur Les médias en servitude explique la défiance populaire légitime envers les moyens d’information. Outre les organes de presse, diverses personnalités font l’objet d’analyses concises : Xavier Niel, Mathieu Pigasse, Louis Schweitzer, Pierre Bergé, Bernard-Henri « Libye », expert internationalement reconnu en Botule. Aucun n’est un « patron de presse » malgré les apparences. Ils constituent en revanche la section hexagonale de l’Oligarchie transcontinentale, cette hyper-classe planétarienne, nomadisante et déracinée qui voue un culte à Mamon (ou au Veau d’Or).

     

    L’opuscule n’hésite pas à dénoncer les vecteurs de désinformation sur Internet que sont les sites d’informations payants en ligne tels Slate, Mediapart ou Rue 89. Voilà pourquoi la médiaklatura appuie les tentatives répétées de contrôler la Toile; elle n’apprécie pas l’existence dans le cyberespace de lieux de liberté intellectuelle, véritables bases autonomes durables internautiques (Fdesouche, Novopress, Polémia, Euro-Synergies, Vox N.-R., Altermédia, etc.).

     

    L’essor de la T.N.T. (télévision numérique terrestre) n’échappe pas non plus aux contributeurs du fascicule qui épinglent la chaîne Gulli, destinée aux enfants. Ses émissions diffusent sournoisement des injonctions mondialistes et anti-traditionnels. Parmi les radios, il y a le trio décadent des ondes Skyrock- N.R.J. – Fun Radio.

     

    L’opuscule traite enfin de la publicité, ce grand décervelage contemporaine. C’est en effet par ce canal que passent maintenant les slogans favorables à la « diversité », au mondialisme et au métissage. En effet, si le public se méfie des grandes messes de 19 h 45 ou du 20 h 00, il ne prend pas garde à la réclame, ni aux séries, aux feuilletons et aux autres émissions divertissantes. « Surfer sur les tendances, c’est titiller le cochon qui sommeille en chaque homo sapiens, en multipliant des programmes de “ télé-réalité ” érigeant en valeurs civilisationnelles un voyeurisme et un exhibitionnisme toujours plus exacerbés, au point d’écœurer le public, tout en exaltant le métissage. C’est surtout sacrifier l’identité nationale pour promouvoir les “ minorités visibles ” (p. 61). » Loin d’être des instituteurs de la connaissance, de la culture générale et de l’esprit critique, les médias sont devenus de terribles pourvoyeurs (dealers) de disponibilité cérébrale à la marchandise… Lire Les médias en servitude est déjà une bonne manière de se libérer des chaînes médiatiques. Polémia passe maintenant à l’offensive.

     

    Depuis trois ans, elle organise en mars la cérémonie des Bobards d’Or qui récompense les meilleurs journalistes de la radio, de la télé et de la presse écrite, qui mentent ou déforment les faits. En clôture de sa troisième cérémonie, le 20 mars 2012, Jean-Yves Le Gallou a lancé un Observatoire des médias et du journalisme afin de donner au public une « traçabilité » de ceux qui l’« informent » (ou le déforment). En ces temps où l’on invoque en permanence la transparence, il serait regrettable que les journalistes du Système, chantres de la transparence pour autrui, conservent leur propre opacité. Il était temps de mettre en examen les médias de l’Hexagone !

     

    Georges Feltin-Tracol http://www.europemaxima.com

     

    Polémia, en collaboration avec Claude Lorne, Les médias en servitude, www.polemia.com, 83 p., 15 €, (à commander au 60 ter, rue Jean-Jacques Rousseau, 98 500 Rueil-Malmaison, chèque à l’ordre de Polémia).

  • Les victimes serbes ignorées par la justice internationale

    Comment ne pas être atterré par les derniers jugements du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) ? La stupéfaction le dispute à la consternation.

    Au moment où le TPIY s’apprête à fermer ses portes, il met en péril sa raison d’être en projetant l’image d’une justice sélective, qui fait une croix sur les dizaines de milliers de Serbes, victimes eux aussi du nettoyage ethnique.

    LES GÉNÉRAUX CROATES ANTE GOTOVINA ET MLADEN MARKAC

    Le 16 novembre, la Cour d’appel du TPIY a acquitté les généraux croates Ante Gotovina et Mladen Markac de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, alors qu’ils avaient été condamnés à vingt-quatre ans de prison en première instance.

    La Cour d’appel ne nie pas que des crimes se soient produits contre des Serbes, et que jusqu’à 200 000 civils serbes aient été amenés à fuir les troupes croates en 1995.

    Elle ne nie pas non plus que des civils serbes aient été victimes de crimes lors de cette offensive contre les séparatistes serbes des "Krajina" [entités serbes autoproclamées en Croatie].

    La Cour d’appel se contente de casser le précédent jugement, arguant du seul fait que des bombardements éloignés de plus de 200 mètres de l’objectif militaire ne sont pas indiscriminés, donc illégaux, contrairement à ce qu’avait affirmé le premier jugement.

    Personne ne conteste que ce critère des 200 mètres n’était pas le plus pertinent. Mais il n’était qu’un élément parmi d’autres dans ce premier jugement au terme de deux ans de procès.

    Or la Cour d’appel, par trois juges contre deux, après quelques demi-journées, a fait reposer toute l’accusation sur ce seul critère des 200 mètres pour estimer que les accusés devaient être blanchis.

    Choqués par le jugement de leurs trois collègues, le juge italien Fausto Pocar et le vice-président du TPIY, Carmel Agius, ont écrit des opinions dissidentes, formulant les critiques les plus cinglantes qui aient jamais été écrites dans les annales de la justice internationale.

    A maintes reprises, ils dénoncent le caractère "erroné" du raisonnement de leurs collègues. Le juge Agius relève que plus de 900 obus sont tombés sur la ville de Knin [ville alors à majorité serbe, reconquise par les forces croates en août 1995] en trente-six heures alors qu’elle ne résistait plus, sans que cela suscite l’intérêt des trois autres juges de la Cour d’appel.

    La suite dans Le Monde.fr

    http://www.actionfrancaise.net

  • La « Femen », gueuse du 21ème siècle

    La rue appartient (toujours) à ceux qui y descendent

    Alors que les mauvaises nouvelles pleuvent sur nos portefeuilles comme les sauterelles sur l’Egypte antique, on pourra tout de même se réjouir de la mobilisation du pays légal contre le projet de déstructuration de la société, perfidement appelé « mariage pour tous ».

    Deux manifestations récentes destinées à protester contre la dénaturation d’un des fondements de notre civilisation, nous donnent quelque raison d’espérer. Tout n’est peut-être pas tout à fait fichu en notre « doulce France » et le pays réel sait encore, parfois, penser droit. Nous verrons bientôt si ce gouvernement d’invertis et de prévaricateurs continuera à promouvoir les idées malsaines qu’une minorité agissante tente d’imposer.

    Nous partîmes cinq cents ; mais par un prompt renfort…

    Le culbuto louvoyant qui fait office de président, a « normalement » cédé au diktat d’associations militantes gays, celles-ci n’ayant pas supporté l’option « clause de conscience » accordée aux maires de France (pauv’ ‘tites choupettes, elles en étaient toutes retournées…). Nous voilà obligé de battre le pavé parisien en janvier prochain (à défaut de battre autre chose…). Cela confirme que nous avons bien un président normal, tout ce qu’il y a de plus normal dans la normalitude la plus aboutie en social-démocratie : normalement couard.

    De bon matin, écoutant la revue de presse d’une radio périphérique, je retenais cette remarque liée à la forte mobilisation des familles les 17 & 18 novembre derniers : le journaliste pressentait à demi-mot, des lendemains compliqués pour le pouvoir en place. Il mettait en parallèle les manifestations de novembre et celles qui eurent lieu lors du projet de Pacs en 1999. Il relativisait ainsi certains commentaires sur la prétendue faible mobilisation contre ce projet de mariage pour tous. Certains comparaient en effet les 100 000 manifestants de samedi aux 100 000 manifestants de la grande manif de 1999. Sauf que, les 100 000 courageux de 1999 arpentaient en fait pour la seconde fois le pavé parisien ! Nuance. Le premier défilé du 07 novembre 1998 n’avait rassemblé lui, que 10 000 courageux piétons. Il faut donc comparer ce qui est comparable…

    Politique fiction : si nous appliquons le même coefficient multiplicateur à la prochaine manifestation, nous serons près d’un million dans la rue le 13 janvier prochain ! Chiche ? Cela pourrait raviver les souvenirs d’un certain 24 juin 1984, quand le pays réel a mis en échec le projet Savary et fait tomber le gouvernement du gros rougeaud de Lille (Note pour mon biographe attitré : la manifestation de Versailles fut mon premier acte de militantisme à l’AF !). Vivement le 13 janvier !

    Comment dit-on « gueuse » en ukrainien ?

    femen, gueuseQuant aux « incidents » et autres « incivilités » dont auraient été victime les pseudos femelles, mais vraies activistes ukrainiennes stipendiées de Femen, les images diffusées par les médias parlent d’elles-mêmes : un groupuscule de harpies provocatrices suintant la haine, la haine du mâle, la haine de la famille, la haine des chrétiens, le tout avec la triste exhibition de ces corps de pauvres goules frustrées.

    Ces « choses » suaient la haine. La haine des autres certes, mais aussi dans un certain sens, la haine d’elles-mêmes, hystériquement jalouses des visages radieux de ces familles portant leurs enfants sur les épaules ou poussant leurs bébés dans les landaus. Soyons charitables et plaignons ces pauvres hères qui ne seront jamais tout à fait heureuses de leur condition. Donnez-leur tout ce qu’elles réclament : Pacs, mariage, enfants adoptés ou PMA, que sais-je encore, elles trouveront toujours de quoi revendiquer pour compenser leur état de larve hédoniste et égoïste.

    Peut-on raisonnablement considérer ces harpies comme des symboles de la féminité et de la défense du sexe faible ? Cela serait faire offense à nos chères jouvencelles et petits trottins. N’avions-nous pas là plutôt, la représentation en chair et en os de notre bonne vieille gueuse, celle qu’à l’AF nous souhaitons pendre au premier lampadaire venu ? D’ailleurs, au lieu de s’affubler d’un voile de religieuse, elles auraient pu porter le bonnet phrygien pour être plus conforme à leur genre. Le portrait eut alors été complet : la république enfin matérialisée ! La gueuse en chair et en os, personnalisée par des grognasses ivres de fureur et de fanatisme.

    Les tricoteuses jacobines de 1793 qui accompagnaient vers l’échafaud, insultaient et crachaient sur les innocentes victimes de la Terreur, devaient bien ressembler à ces gorgones frustrées.

    Leur courage n’étant pas celui des Amazones de la mythologie grecque, les vipères de la bande à Fourest ne sont que des minables rebelles en peau de gougnotte.

    Leurs seins à l’air ? Whaou, quelle audace !

    Franchement, des poitrines nues, même les enfants de chœur de Saint Nicolas du Chardonnet et l’ensemble de nos chers bambins en reluquent à foison : que ce soit près du club Mickey sur les plages de la Baule, dans les publicités pour des bains douches, les parfums ou les gels intimes ! Pourquoi ne pas plutôt sortir dans le plus simple appareil, hein, histoire de faire dans la vraie provoc’ bien graveleuse ? En s’affichant nues comme l’Eve du premier jour, elles auraient offert à nos chérubins un cours de SVT plus instructif que la dissection d’une innocente grenouille par un prof acariâtre (SVT, pour Science et Vie de la Terre ; le cours de science nat’ pour les anciens ! Mais ne nous méprenons pas quand même, je n’ai pas dit qu’il fallait disséquer les « Femen », non plus. Pas d’amalgame, ni de raccourcis trop rapides). Raté donc pour cette fois, elles ont de ces pudeurs les cocottes, finalement…

    Allez les moukères, on s’revoit le 13 janvier ?

    Mobilisez-vous !

    Cet épiphénomène poitrinaire étant évacué, il reste que la rue ne s’est visiblement pas assez mobilisée, car le pouvoir semble rester sourd face à la montée de la protestation. Protestation qui s’étend bien au-delà de la sphère catho-loden-mantille en dentelle, soit dit en passant : outre les représentants de l’Eglise de France, des Rabbins, des recteurs musulmans, des pédiatres, une bonne partie du milieu associatif de l’enfance et de l’adoption, des psychologues et même des intellos de gôche comme Sylviane Agacinski, évoquent de très probables perturbations pour des enfants privés de parents de sexe différent. Ça commence à chiffrer.

    Alors devant les menées de ces organophosphorés* qui attaquent notre civilisation, une seule option : tous à la manif le 13 janvier prochain !

    Addendum : Le « tous » en question dans « mariage pour tous » n’ayant pas été vraiment explicité, cela laisse de la marge dans l’interprétation : mariage à 3 (le Brésil et les Pays-Bas ont déjà légalisé une union de ce type) ? À 4 ? Plus si entente ? Avec ses propres enfants, son frère et/ou sa sœur, son père, sa mère (« …ho ho, ce serait le bonheur… ») ? Avec une personne déjà mariée ? Entre votre voisine Alyson et son bichon maltais, Karim et son Pit Bull ? Entre humains et vénusiens (Raël, si tu me lis…)?

    Tout cela donne le tournis et laisse augurer de croustillantes épousailles dans les années à venir. On ne remerciera jamais assez les socialistes, écolos et autres progressistes de tout poil, pour promouvoir de telles avancées sociologiques.

    Le seul truc qui me chiffonne un tantinet, c’est que je ne vois pas bien quelles nouvelles bonnes idées nos esprits éclairés vont pouvoir sortir de leur chapeau recyclé et écolo-responsable. Le cannibalisme pour tous (ben quoi, c’est bio, non ?) ? La coprophilie expliquée aux enfants ? Les sacrifices humains pour calmer les esprits de la Terre ?

    (*) Organophosphorés : substances hautement toxiques qui attaquent le système neurologique

    http://soudarded.hautetfort.com/

  • Unité du monde et grand espace européen Günther Maschke

    Günther Maschke, ancien militant gauchiste de 1968 à Vienne, acti-viste du SDS révolutionnaire, converti aux thèses de la droite radicale et traditionnelle par une lecture attentive de Carl Schmitt et de Donoso Cor-tés, dont il est le brillant traducteur allemand, a prononcé cette allocution à Rome, à l'occasion du 4ième Symposium de la revue syndicaliste (CISNAL) Pagine Libere.  Thème: ³Wall Street? Non merci!² (4 & 5 juin 1993). Parmi les autres orateurs, signalons Giano Accame (directeur du Secolo d'Italia),  le Prof. Michel Maffesoli (Paris, sociologue spécialiste des dimensions dionysiaques de nos sociétés), le Prof. Francesco Coppel-lotti (traducteur d'Ernst Nolte), le Prof. Carlo Gambescia (spécialiste de l'¦uvre de Pitirim Sorokin), Luca Leonello Rimbotti (collaborateur des re-vues Diorama Letterario  et Trasgressioni   de Florence et spécialiste du fascisme de gauche, du national-bolchévisme, etc.) et, représentant le monde non universitaire et militant, Alain de Benoist, directeur de Krisis.  Nous reproduisons ce texte avec l'aimable autorisation de l'auteur.

    Duo quum faciunt idem, non est idem. Si deux hommes parlent entre eux de l'unité de l'Europe, ils croiront sans doute qu'ils sont du même avis. En réalité, l'un voudra l'unité de l'Europe en tant qu'étape vers l'unité du monde, scellée par une socialisation uniformisante de l'humanité, produite par la technique et l'économie, deux facteurs qui rendront superflue toute politique. L'autre interlocuteur, au contraire, vou-dra l'unité de l'Europe pour mettre un terme à toutes ces tendances universalistes vers l'unité du globe et à la disso-lution de toutes les différences existant entre les nations et les cultures. L'Europe doit s'unir, mais pour se délimiter. Elle devra atteindre une nouvelle intensité politique, trouver une nouvelle identité politique, qui lui permettront rapidement de distinguer l'ami de l'ennemi, sur un mode lui aussi nouveau.

    Celui qui parle aujourd'hui de l'Europe doit dire aussi clairement s'il entend servir l'"universalisme" ou le "grand espace" (1), pour reprendre deux concepts chers à Carl Schmitt. S'il souhaite la dissolution du monde dans une seule et unique unité pacifiée, dans laquelle il n'y aurait plus qu'une politique intérieure mondiale, où la paix serait maintenue à l'aide d'expédients de type policier ou s'il désire une organisation régionale des pouvoirs de ce monde, organisation grâce à laquelle les peuples collaboreraient entre eux, dans la sérénité et dans l'indépendance réciproque. Les grands espaces formés de cette manière "recevraient leur centre et leur contenu non seulement de la technique mais aussi de la substance spiri-tuelle des peuples, de leurs religions et de leur race, de leur culture et de leur langue, sur base des forces vivantes de leur hérédité nationale" (2).

    Ces deux conceptions opposées, nous les retrouvons au départ de toutes les réflexions sur la désirabilité de l'union de notre continent. Dans son texte rédigé entre 1294 et 1318, De monarchia, Dante se faisait l'avocat de l'unité du monde (qui, pour lui, était encore identique à l'Europe connue) sous le gouvernement d'un Empereur qui recevrait du Pape la plénitude de son pouvoir.

    Ce n'est pas un hasard si Hans Kelsen, le juriste-philosophe inventeur d'un concept d'ordre juridique mondial, qui conduirait à la dissolution de toutes les souverainetés des Etats particuliers, commence son ¦uvre par un éloge actualisé de la pensée de Dante (3). Pierre Dubois (alias Petrus de Bosco), au con-traire, explique en 1306, dans De recuperatione Terrae Sanctae,  la nécessité d'une unité de l'Europe et d'une paix durable sous les principes qu'il avait énoncés, dans le but de reconquérir la Terre sainte en lançant une croisade victorieuse. L'unité est nécessaire, ajoutait-il, parce qu'il y a un ennemi (commun) et c'est la présence de cet ennemi qui fait que notre ³nous² se constitue.

    D'un point de vue chrétien, l'unité du monde ne peut exister que dans Adam ou dans le Christ. A la fin des temps seulement   ‹qui adviendra  apocalyptiquement et non pas métaphoriquement comme la ³fin de l'histoire² dont on parle et reparle aujourd'hui‹  nous aurons une unité qui se présentera comme dépassement du politique, comme dépassement de l'opposition ami/ennemi. Mais en entendant ce moment eschatologique, dans le temps présent, nous n'aurons jamais qu'une recherche toujours vaine de l'unité du monde, nécessairement placée sous le signe de l'Antéchrist, dont la devise est notoirement pax et securitas.  Si le dépassement du politique est le dépassement de l'opposition ami/ennemi, et si ce double dépassement est l'objectif que l'on s'assigne, il ne pourra être atteint qu'au bout d'une longue lutte sanguinaire. A la fin de ce combat, le monde s'unira sous le signe de la technique et de l'économie, celle de Henry Ford ou de Vladimir Illitch Lénine.

    Jusqu'il y a peu d'années, notre situation était la suivante: dans la guerre froide, deux modes d'existence luttaient l'un contre l'autre, mais chacun de ces modes était dépourvu de foi et d'idéologie, ne désirait que le profit ou la jouissance sans autre considération; pire, ces modes d'existence étaient réservés aux masses technico-prolétariennes, fanatisées et maintenues dans la pauvreté (4). Mais les deux partis de cette guerre civile planétaire étaient d'accord sur une chose: après leur victoire, le politique allait disparaître. En 1922, Carl Schmitt écrivait à ce propos: "Aujourd'hui, rien n'est plus à la mode que la lutte contre le politique. Les financiers américains, les techniciens industriels, les socialistes marxistes et les révolutionnaires anarcho-syndicalistes sont tous d'accord pour réclamer l'élimination du pouvoir non objectif de la politique qui s'exerce sur l'objectivité de la vie moderne. Il ne doit plus y avoir désormais que des tâches d'ordre technique ou organisationnel et il ne peut plus y avoir de problèmes politiques" (5).

    Les problèmes politiques auraient véritablement disparu mais seulement si le monde tout entier avait été soumis aux mêmes critères économiques et techniques. Seule une véritable et complète unité du monde, seul un ³Etat mondial² et un ³gouvernement mondial² pourraient actualiser la dépolitisation du monde et le stabiliser, croient les adeptes de cette superstition moderne.

    Ce gouvernement mondial n'aurait plus eu besoin que d'une police mondiale  ‹seulement pour une période de transition?‹   qui aurait eu pour tâche d'annihiler les éventuels rebelles par le truchement d'une police bombing.  Ce gouvernement mondial oblitèrerait tous les systèmes juridiques existants dans les Etats particuliers, au sein des peuples, et imposerait son droit international, après avoir stabilisé l'entièreté du monde. Le droit mondial disciplinerait ensuite tout ce qui vit et croît sur la terre. Ecoutons à ce sujet Hans Kelsen: "L'idée de souveraineté doit être radicalement éliminée... la conception de la sou-veraineté de l'Etat lui-même est aujourd'hui un obstacle à tout ceux qui envisagent l'élaboration d'un ordre juridique international, inséré dans une organisation prévoyant la division planétaire du travail; cette idée de souveraineté empêche les organes spéciaux de fonctionner pour que nous débouchions sur le perfection-nement, l'application et l'actualisation du droit international, bloque l'évolution de la communauté interna-tionale en direction d'une... civitas maxima   ‹y compris dans le sens politique et matériel du mot‹ . C'est là une tâche infinie que la constitution de cet Etat mondial dans lequel nous devons, par tous nos efforts, placer l'organisation mondiale" (6). Si l'unité du monde est réalisée un jour de cette manière et si, dans un tel monde, toute forme d'inimitié est éliminée, nous n'aurions plus rien d'autre que l'émanation d'une humanité qui se déifierait elle-même et commettrait, par là, le plus grand de tous les péchés imagi-nables. Car le politique en tant que distinction ami/ennemi est enraciné dans le péché originel. Or de-puis que nous ne pouvons plus être ni justes ni bons, nous sommes contraints de faire la distinction ami/en-nemi. Certes, chaque fois que nous opérons cette distinction, nous péchons. Mais si nous voulons dépas-ser cette distinction à l'aide de nos seules forces, nous nous mettons à la place de Dieu, ce qui est un plus grand péché encore.

    Si nous prenons en considération la situation actuelle depuis l'effondrement de l'Union Soviétique et la Guerre du Golfe, si nous nous rappellons les désirs formulés par Boutros-Ghali, le secrétaire général de l'ONU, nous constatons automatiquement que cette idée d'une unité du monde n'est pas qu'une simple spéculation théologique ou une fantaisie de juriste. Il ne faut pas être particulièrement perspicace pour constater que l'unité du monde proclamée aujourd'hui par l'ONU ne sert pas en fait les "intérêts du monde" mais bien plutôt les intérêts concrets de certains Etats, et plus spécialement, ceux des Etats-Unis.

    Les étapes vers cette unité du monde ont été le Traité de Versailles et la création de la SDN (1919), le Pacte Briand-Kellogg (1928), la Doctrine Stimson (1932) et la création des Nations-Unies (1944). Tous ces efforts ont été entrepris pour contrer les tentatives de construire de grands espaces organisés par un droit et un ordre spécifiques, au-delà de toute forme d'universalisme. L'argument de l'"unité du monde" a toujours été avancé dans l'intérêt des privilégiés de la planète, des beati possidentes  contre les have-nots   qui désiraient se donner un droit taillé à leur mesure, surtout contre l'Allemagne et le Japon, qui, en Europe ou en Asie orientale voulaient constituer de "grands espaces". Ces beati possidentes  sont aujourd'hui les Anglo-Saxons, ou plus précisément, les Américains, qui prétendent représenter seuls la "conscience du monde". Certes, nous pouvons nous permettre aujourd'hui de critiquer, même avec des arguments faciles ou simplistes, le Traité de Versailles, la SDN, le Pacte Briand-Kellogg, etc. Mais il ne sera pas facile de critiquer l'ONU: le type de juriste aujourd'hui dominant n'oserait pas se le permettre!

    Quand on a bombardé l'Irak, il y a deux ans, on l'a fait au nom de la "communauté mondiale" et de la "conscience mondiale". A partir du moment où l'on a estimé que la guerre de l'Irak contre le Koweit avait coûté au maximum 5000 vies humaines, la "conscience mondiale" a décidé de se mobiliser et les forces armées destinées à concrétiser les représailles ont pu agir officiellement au nom de l'ONU: elles ont tué 140.000 Irakiens. Ce n'est pas un hasard si cette action a été déclarée "guerre juste", parce que l'idée que sa propre cause constitue à elle seule la justice absolue justifie l'extermination de l'ennemi, qui n'est plus perçu comme un justus hostis   mais comme un criminel que l'on place derechef hors-la-loi. La notion de "guerre juste", dans les réflexions de Saint Augustin et de Saint Thomas d'Aquin, était pourtant liée à un calcul de proportionalité. A leurs yeux, il était impossible d'éliminer une injustice  ‹la mort de 5000 hommes‹  en commettant une injustice plus grande  ‹la mort de 140.000 hommes‹. Cette prudence de nos deux théologiens, quand ils évoquent la conduite de la "guerre juste", s'explique par la conscience du péché. Le chrétien peut nourir des doutes quant à sa capacité de reconnaître la volonté de Dieu; l'"humanité", en revanche, s'avère incapable de douter d'elle-même. A cela s'ajoute que cette humanité disposait d'interprètes comme le lobbyiste des pétroles texans, George Bush.

    La Guerre du Golfe a pleinement mis en lumière notre problématique, celle de l'"unité du monde" ou de l'"universalisme", d'une part, et celle du "grand espace", d'autre part. Outre l'Irak, qui, à long terme, voulait asseoir son hégémonie sur la péninsule arabique et fonder ainsi un "grand espace", la Guerre du Golfe a connu deux autres perdants: l'Europe occidentale et le Japon. L'Europe occidentale avec son Marché Commun  ‹qui, en un certain sens, mérite d'être qualifié de "grand espace"; nous y reviendrons‹ pourrait un jour devenir dangereuse pour les Etats-Unis. En fait, tant l'Europe occidentale que le Japon ont payé des milliards de dollars pour une guerre à laquelle ils n'avaient aucun intérêt réel. Ils ont payé des milliards aux Etats-Unis qui, d'une part, se trouvent déjà sur la voie du déclin, et qui, d'autre part, préparent déjà avec une redoutable clairvoyance la lutte pour la domination du monde, une lutte qui s'engagera contre l'Europe occidentale et le Japon!

    L'Europe occidentale et le Japon ont facilité par leurs paiements aux Etats-Unis le prolongement de la domination américaine sur eux-mêmes! Comme à une époque déterminée par l'économie, les décisions absurdes doivent être, elles aussi, expliquées par l'économie  ‹pour apparaître ³rationnelles²‹  on a dit que Saddam Hussein, dès qu'il se serait rendu maître des champs pétrolifères koweitiens, ferait flamber les prix du pétrole et précipiterait ainsi les économies nationales occidentales dans une crise terrible. Mais, en fait, le prix du pétrole a augmenté après  l'opération militaire victorieuse contre l'Irak, dans des proportions supérieures à ce que Saddam aurait jamais osé faire. Aujourd'hui, en effet, les Etats-Unis possèdent, grâce aux injections financières des Européens de l'Ouest, de gros intérêts dans le Golfe. En cas de crise, ils pourront très facilement fermer les robinets du pétrole aux Japonais et/ou aux Européens de l'Ouest.

    Dans les années à venir, une telle crise est parfaitement possible, voire probable: l'Europe occidentale et le Japon auront alors financé leur propre étranglement! L'idée d'un "nouvel ordre mondial", dont parlait George Bush avec tant d'éloquence à l'époque de la Guerre du Golfe, ne tient que si elle est régulière, que si elle respecte ses propres règles: ³ordre² signifie aussi ³régularité². En conséquence, l'ONU a puni l'Irak mais devrait également punir Israël ou la Syrie; elle devrait également prendre des mesures contre la Turquie ou contre la Chine; elle devrait intervenir avec la même fermeté au Sri Lanka ou au Pérou, en Colombie ou en Azerbaïdjan; elle devrait étendre ses activités en Yougoslavie et au Cambodge.

    Mais si l'on oublie que l'ONU elle-même repose sur la dualité d'un conseil de sécurité (CS) et d'Etats-clients, lesquels sont les obligés de membres de ce CS et peuvent, en cas de nécessité, être protégés par un veto, la nouvelle doctrine apparaît à l'évidence comme une pure illusion, qui ressasse à l'envi la thèse du one world. Cette nouvelle doctrine a échoué parce que les intérêts politiques des puissances sont divers et contradictoires et que leurs moyens financiers ne sont pas identiques. Et elle échoue aussi parce que les soldats ne sont guère disponibles ni prompts à se faire tuer come Italiens au Pérou, comme Allemands au Tibet, comme Turcs au Sri Lanka, etc. Si une telle doctrine triomphait envers et contre les sentiments des peuples, leurs soldats ne mourraient plus pour leur propres pays mais pour l'une ou l'autre résolution de l'ONU, par exemple celle qui porte le numéro 47.634. Imagine-t-on édifier des monuments aux morts, pour la résolution 47.634, dans un avenir proche ?

    L'idéologie de l'"unité du monde" ne fonctionne pas, tout simplement parce que cette unité n'existe pas dans le concret. Mais l'idée de l'unité du monde est fortement ancrée dans certains esprits influents, qui fomentent du désordre dans le monde en voulant la faire passer de la puissance à l'acte, pour le plus grand profit des Etats-Unis. Tout Etat qui possède des armes modernes et dispose d'une certaine puissance globale vit en fait dangereusement dans le monde actuel. En effet, il se heurte à la résistance des seuls possesseurs du pouvoir en ce monde qui, en outre, peuvent mobiliser contre lui l'idée de la paix mondiale, qu'il menacerait, et amorcer un processus de discrimination à son encontre en le qualifiant de "criminel"; en bout de course, cet Etat pourrait être soumis à un "massacre technologique". La lutte pour le pouvoir planétaire se donne ainsi une caution morale et oblige tous les adversaires réels et potentiels des puissants à envisager une punition cruelle, parce que le vieil adage romain et gaulois Vae victis,   prononcé sous les murs du Capitole par le chef celtique Brennus, est devenu plus actuel que jamais!

    Nous devons dire une bonne fois pour toutes que l'actuel droit international, qui veut contraindre les peuples à la paix mondiale au lieu de vouloir discipliner et limiter la guerre, s'alimente à deux sources particulièrement troubles: les conceptions internationalistes de la révolution française, d'une part, et celles, tout aussi internationalistes, des grandes puissances maritimes et impérialistes qu'étaient jusqu'en 1914 la Grande-Bretagne et les Etats-Unis. Aujourd'hui, la seule thalassocratie qui demeure en course, c'est l'Amérique. Nous ne pouvons que définir brièvement ici ces deux systèmes conceptuels, qui affichent la volonté de stabiliser définitivement le monde. Ainsi, conformément à la dogmatique de la révolution française, toute puissance qui menace la liberté républicaine, c'est-à-dire l'idéologie politique générée par les Lumières, est automatiquement hostis injustus. Parce que l'humanité est unité, parce que les conquêtes de la révolution doivent se réaliser partout dans le monde, l'adversaire de ces principes philosophiques et politiques est ennemi du genre humain tout entier (Robespierre: "Celui qui opprime une nation se déclare ennemi de tous").

    Au départ, le refus de considérer l'adversaire comme justus hostis ne valait que pour les représentants des pouvoirs traditionnels. Mais si un peuple accepte de vivre sur un mode pré-révolutionnaire, non démocratique et anti-républicain, il devient tout entier un "oppresseur", parce qu'il refuse, par son comportement conservateur, d'accepter une raison universellement valable, prescrivant un standard unique en matières de constitution et de droit. L'expansionnisme napoléonien s'est basé sur ce messianisme révolutionnaire et a dès lors transformé la guerre, qui jusqu'alors était une affaire entre Etats, disciplinée et fermée, en une guerre civile s'étendant à toute l'Europe, avec ses discriminations, sa propagande agressive et ses bouleversements dans les structures sociales et administratives des pays occupés (7).

    Le droit international et le droit de la guerre maritime de facture anglo-saxonne ne connait pas, lui non plus, de justus hostis. L'ennemi n'est plus seulement le soldat de l'Etat ennemi, mais aussi chaque civil ressortissant de cet Etat. N'importe quel civil peut ainsi se voir exproprié, interné et traduit devant un tribunal. Pire, l'ennemi, dans cette optique thalassocratique et anglo-saxonne, peut même être le citoyen d'un Etat neutre qui, sous une forme ou une autre, pourrait favoriser l'ennemi, par exemple en étant son partenaire commercial. En conséquence, ses biens en haute mer peuvent être saisis et on peut le contraindre à la collaboration économique et au boycott de son propre partenaire, etc. A cette tendance à amplifier et à aggraver la guerre et à abolir l'institution qu'est la neutralité, correspond une propagande qui "satanise" l'ennemi, criminalise son peuple tout entier et l'assimile à une bande de malfaiteurs. Cet état d'esprit rend toute paix définitive impossible, alors qu'une telle paix était précisément l'objet du droit international classique.

    En fait, dans l'optique universaliste et kelsenienne, il n'y a plus de guerre désormais, mais seulement un commerce libre et pacifique qui ne fait plus qu'un avec l'idéologie des Lumières, le mythe de l'humanité, le culte du progrès, etc. Tous ceux qui feraient mine de former des zones autarciques, de constituer des blocs protégés, menacent directement ce commerce "libre et pacifique", dominé jadis par l'Angleterre et aujourd'hui par les Etats-Unis. Ils sont donc en soi des "ennemis". Au plus tard en 1937, l'Allemagne et l'Italie sont devenus des ennemis pour Washington, le Japon les ayant précédés de quelques années. Les puissances de l'Axe, par leur politique économique, menaçaient la division du marché mondial, imposée par les Etats-Unis. Roosevelt, pour les besoins de sa propagande, a imaginé, hystérique, des ennemis terrifiants et a préparé dès 1937 son pays à la guerre, alors que Hitler croyait encore en 1939 qu'il pourrait limiter sa guerre à une guerre-éclair, sans que les Etats-Unis n'aient le temps d'intervenir (8).

    Quand un "ennemi" de cette option universaliste, "commerciale, libre et pacifique" se pointe à l'horizon, on commence par le mettre sous pression économique, on le soumet ensuite à des embargos ou des blocus et, finalement, on le décrète "ennemi de l'humanité" pour pouvoir déclencher contre lui une guerre totale, envisagée comme "sanction". Il faut, dans cette stratégie, forcer cet "ennemi" à jouer un rôle d'"agresseur", car, selon le droit international contemporain, toute forme d'agression est interdite, ainsi que le libre droit de conduire une guerre (9).

    Fabriquer et provoquer l'agression devient de ce fait l'art décisif de l'homme d'Etat; de ce fait, il faut qu'il évite de déclarer expressément la guerre, puisqu'une déclaration de guerre équivaut à une agression. Face à un "agresseur", tous les coups sont permis: il peut même être puni pendant longtemps, selon le bon vouloir de son vainqueur. Ce fut le cas de l'Allemagne en 1918-19 qui, pendant un an après les combats, fut soumise à un blocus des denrées alimentaires, ce qui a entraîné la mort d'un million de nourrissons et jeunes enfants. Cette pratique de la punition permet également de "légitimer" les carpet bombings,  les expulsions en masse de populations civiles, le procès de Nuremberg ou les atomisations de cités sans défense (Hiroshima, Nagasaki). La "sanction" n'est pas une guerre au sens propre du terme, car elle frappe un "criminel" qui, lui non plus, ne fait pas la guerre mais commet un "crime". Ce type de droit international, voulu essentiellement par les Etats-Unis, ne tient nullement compte des régulations et des limites que la civilisation a imposé à la guerre en Europe. En se basant sur l'utopie de vouloir abolir définitivement la guerre, ce droit international "sanctionneur", cette idéologie de la punition, s'est imposée petit à petit à partir de 1918; aujourd'hui, il tend à devenir absolument dominant, à s'accentuer dans le discours et dans les pratiques.

    Examinons quelques faits historiques. Parmi les exemples de la main-mise progressive de cette idéologie juridique internationale, nous avons l'institution de l'auto-défense, acceptée par le pacte Briand-Kellog (1928), où l'on a interdit la guerre. L'internationaliste américain Philipp Jessup écrivait en 1940: "Les dimensions se sont modifiées et aux intérêts que nous cultivions à propos de Cuba en 1860, correspondent aujourd'hui nos intérêts pour les Iles Hawaï; l'argument de l'auto-défense conduira un jour les Etats-Unis à devoir faire la guerre sur le Yang-Tse, la Volga ou le Congo" (10).

    Ensuite, la Doctrine Stimson (c'est-à-dire la non reconnaissance des changements territoriaux obtenus par la force), forgée en 1932 par celui qui était alors Ministre des Affaires Etrangères des Etats-Unis, produit une aggravation des conflits précisément parce qu'elle donne aux Etats-Unis le droit, sur toute la terre, de juger du droit ou du non-droit des changements territoriaux. "Un acte de guerre n'importe où dans le monde nuit aux intérêts de mon pays", expliquait le Président Hoover pour justifier la doctrine de son Ministre des Affaires Etrangères.

    En conséquence, les changements territoriaux survenus par la forces des armes étaient légaux et légitimes avant 1928, illégaux et illégitimes après 1928; nous sommes en présence ici d'une variante de la "fin de l'histoire". Mais nous y trouvons aussi les racines de l'appui qu'apportent les Etats-Unis aux groupes de résistance, aux partis qui fomentent des guerres civiles, aux juristes qui prétendent défendre les "droits de l'homme", aux "démocrates" auto-proclamés de toutes sortes, etc. Les changements territoriaux réalisés où que ce soit dans le monde ne peuvent être avalisés d'aucune manière. L'ONU a largement repris ce principe de droit international à son compte et contribue ainsi à rendre impossible toute nouvelle mise en ordre des espaces politiques sur la planète et à empêcher le fonctionnement normal des Etats, dans la mesure où ces remaniements territoriaux ou ce fonctionnement se conçoivent comme des rapports réciproques de protection et d'obéissance. En avançant cette conception purement instrumentale des droits de l'homme et en pratiquant cet interventionnisme tous azimuts, les Etats-Unis et l'ONU fragilisent les garanties réelles dont pourraient jouir les hommes sur leur territoire national, car les droits de l'homme, normalement, ne pourraient se concevoir que comme droits de citoyens, ancrés dans une patrie donnée.

    Contre toutes ces idées et ces pratiques de type internationaliste, visant une hypothétique "unité du monde", ancrées, d'une part, dans l'idéologie révolutionnaire, d'autre part, dans la propension interventionniste mondiale des Anglo-Saxons, on en est arrivé, en Europe, au Japon et aussi en Amérique (EU et Am. lat.), à partir de 1939, à formuler l'idée de "grand espace". De première importance à ce sujet est l'écrit de Carl Schmitt, L'ordre international du grand espace avec interdiction d'intervention pour les puissances extérieures à cet espace  (11).

    Si l'on voulait réduire cet écrit à un slogan simple, nous dirions: "L'Europe aux Européens!" et, pour les tentatives japonaises analogues: "L'Asie aux Asiatiques!". L'Allemagne et l'Italie d'une part, le Japon, d'autre part, imitaient à leur façon et à leur profit la Doctrine de Monroe (1823) qui revendiquait pour les Etats-Unis la domination de tout l'espace occupé par les deux Amériques. Les trois principes fondamentaux de la Doctrine de Monroe étaient au départ, selon Schmitt: 1) L'indépendance de tous les Etats américains par rapport aux puissances extérieures; 2) Le refus de toute forme de colonisation dans cet espace américain; 3) La non-intervention de toutes les puissances extra-américaines dans cet espace. Le nouveau grand espace centre-européen devait empêcher toute intervention américaine en Europe et s'interdisait, en contre-partie de s'immiscer dans les affaires des autres espaces. Cette logique du grand espace aurait imposé des limites à l'interventionnisme américain, qui entendait s'immiscer dans les affaires du monde entier.

    En Europe, cette conception grand-spatiale a été remise sur le tapis, après la victoire des armes allemandes à l'Ouest. Schmitt voyait dans le traité d'amitié entre le Reich et l'Union Soviétique (1939) une solution exemplaire: elle excluait l'immixtion de puissances tierces et garantissait aux peuples du "bloc continental" une "vie pacifique correspondant à leurs particularités". L'Allemagne en tant que puissance-guide de ce nouveau "grand-espace" devait entretenir des rapports de droit public avec chaque pays en particulier, mais à l'extérieur du grand espace  ‹vis-à-vis des autres grands espaces, dont les contours demeuraient flous‹  tous devaient suivre une même politique étrangère.

    On a ainsi imaginé une hégémonie mais non une absorption des Etats plus petits, ce qui constitue un véritable fédéralisme. Concoctés par les diplomates professionnels et traditionnels, ce schéma d'organisation ne pouvait être acceptés par les nationaux-socialistes, parce qu'ils pensaient en termes de race et non d'espace (12). Selon leurs propres conceptions, les petits peuples conservaient beaucoup trop de droits. Mais l'idée de Schmitt a été soumise à d'autres critiques encore, notamment en Italie (13).

    Depuis la seconde guerre mondiale et la montée en puissance des Etats alliés comme les USA et l'URSS, Schmitt ne pouvait plus qu'exprimer l'espoir, en 1962, que les nations et les peuples conservassent la force de rester fidèles à leur culture, leur religion et leur langue (14). Il est vrai que Carl Schmitt considérait que l'idée de nation, d'une organisation purement nationale, était dépassée: par conséquent, le "grand espace" devait servir à détourner l'illusion et le danger américains du one world.  Mais dès que son idée eut pu s'unir à une force réelle pour réaliser vraiment le grand espace, les nations n'auraient plus été que des entités culturelles et non plus politiques.

    L'idée de grand espace n'est pas encore à l'ordre du jour. La CEE d'aujourd'hui prétend être le nouveau grand espace, valable pour tous. Mais si l'idée de Großraum, de "grand espace", est née de la conviction que les Etats étaient devenus trop petits au regard du développement de la technique et de l'économie, les théoriciens de ce grand espace ont également dit que celui-ci ne pouvait pas être ni bâti ni organisé en priorité sur l'économie. La conservation de la multiplicité des cultures est désormais un acte politique. Pour organiser un grand espace comme espace politique, il faut préalablement répondre à trois questions: 1) Qui est l'ennemi?; 2) Quelle est la puissance hégémonique (à l'intérieur du grand espace)?; 3) Existe-t-il une homogénéité qui garantit la durée de la fédération?

    Réponse à la première question.

    L'ennemi du "grand espace" européen ne peut plus être la Russie aujourd'hui. Pour la plupart d'entre nous, l'ennemi est évidemment Washington. Mais cette inimitié, beaucoup d'Européens ne la conçoivent pas encore, ne l'imaginent même pas; par ailleurs, beaucoup d'Européens n'ont pas le courage de l'assumer. Cette ignorance et ce manque de courage ne valent pas seulement pour les Anglais qui sont liés aux Américains par de nombreux liens. De plus, les nations européennes sont trop nettement profilées dans leur identité politique pour songer à harmonier leur politique extérieure. Où se trouve le point commun de la politique extérieure de l'Allemagne, de l'Italie, de l'Angleterre, de l'Espagne, de la France? L'impossibilité de pratiquer une politique extérieure commune, capable de rendre possible une politique militaire commune (pas de chèque sans provision!) s'aperçoit parfaitement dans la crise yougoslave. La définition de l'ennemi n'est possible que s'il existe une unité. A cela s'ajoute que la majorité des Européens, ou du moins un très grand nombre d'entre eux, comprennent l'unité de l'Europe comme une simple étape intermédiaire vers une "unité du monde" qu'ils ne conçoivent que très confusément.

    Réponse à la seconde question.

    Du temps de Carl Schmitt, il y avait en Europe une puissance hégémonique: l'Allemagne. Mais elle a perdu la guerre. Hitler lui-même refusait l'idée d'Europe et les représentants de l'idée européenne étaient réduits à l'impuissance sous sa férule (15). Quant à l'Allemagne actuelle, il lui manque toutes les caractéristiques de la puissance hégémonique: sa population est réduite et en phase démographique descendante, elle n'a ni volonté d'assumer un rôle hégémonique ni pouvoir réel ni vision. Les Allemands d'aujourd'hui feignent d'être les meilleurs amis de l'Europe. Mais ils ne s'enthousiasment pour l'Europe qu'en croyant qu'ils vont pouvoir se dissoudre en elle. On pourrait épiloguer sans fin sur les névroses allemandes, sur le complexe de culpabilité allemand, etc. Quoi qu'il en soit, l'Europe ne peut pas fonctionner tant que sa nation la plus importante numériquement ne s'accepte pas elle-même pour elle-même (16). Et quand l'Allemagne actuelle aspire à une position meilleure, dans toute l'Europe fusent articles, émissions, pamphlets où s'exprime la peur du "danger allemand", alors que personne ne craint plus ce "danger" que les Allemands eux-mêmes!

    L'Angleterre n'est pas intéressée à voir l'influence américaine se réduire en Europe et la position de la France est ambigüe: son anti-américanisme évolue dans des limites très étroites et reste surtout fort rhétorique. Par le Traité de Maastricht, la France espère lier l'Allemagne à la CEE (qui n'est qu'une demie-Europe, une Europe hémiplégique, sans profondeur stratégique). Paris espère véritable enchaîner l'Allemagne, car cela correspond aux vieux intérêts français, surtout si le fruit du labeur permanent des Allemands, si l'argent allemand financent les déficits de la France et les frais de fonctionnement de la CEE. Mais nos voisins ne se rendent pas compte que nous, les Allemands, sommes devenus le peuple le plus paresseux d'Europe et, surcroît, notre croissance démographique est arrêtée voire en recul. Si à tous ces facteurs négatifs s'ajoute la concrétisation des clauses du Traité de Maastricht, notamment l'introduction d'une monnaie unique, l'ECU, qui sera forcément faible par rapport à ce que le DM était et assorti d'un financement des régions pauvres par les régions riches, nous assisterons en Europe à des convulsions politiques dramatiques, d'une ampleur inconnue jusqu'ici (17). A cause de tout cela, l'idée d'unir plusieurs Etats sans qu'il n'y ait de puissance hégémonique est une impossibilité sociologique. Aucune véritable fédération, au sens propre du terme, ne peut voir le jour sans hegemon.

    Réponse à la troisième question.

    Une fédération n'est pas homogène tout simplement parce qu'on tente de la faire. A cette heure, il n'existe pas en Europe de consensus sur ce qui constitue véritablement la "substance" de la culture européenne. Autre question: quels sont les pays qui appartiennent à l'Europe, quels sont ceux qui n'y appartiennent pas? La Scandinavie en fait-elle partie? Et l'Angleterre? L'Espagne? La Russie? L'Ukraine? Il n'est pas évident que les intérêts d'un Portugais, d'un Allemand et d'un Norvégien soient compatibles. Ces problèmes s'aggraveront si la CEE s'étend, si y adhèrent des pays comme la Hongrie, la République tchèque et la Pologne. Cet accroissement de la Communauté risquerait de la jeter dans une période de stagnation économique gravissime. Les conflits et les divisions, qui existent déjà et s'avèrent fort inquiétants, vont alors s'intensifier. L'absence d'un homogénéité historique, sociale et culturelle rendent quasi insoluble un problème politique majeur: qui décidera, le cas échéant, de l'état d'exception? Dans l'hypothèse où les divisions entre Etats subsisteraient peu ou prou, une majorité rendue possible par des votes hollandais décidera-t-elle de l'état d'exception en Sicile? Et une bureaucratie établie à Bruxelles pourra-t-elle bloquer une décision indispensable ailleurs?

    Toutes les tentatives d'unir l'Europe ont échoué jusqu'ici: celle de Jules César, celle de Charlemagne, celles du Pape Innocent III, de l'absolutisme, de Napoléon et de Hitler. Le problème politique ne peut pas être résolu par Maastricht seul. Ensuite, il n'est pas possible de créer un véritable grand espace européen tant que l'Europe ne sort pas du commerce mondial libre (libéral). Enfin, il faut surtout qu'il y ait un peuple européen. Mais un tel peuple n'existe pas. Si, comme le croient bon nombre d'³Européens² convaincus, le Parlement de Strasbourg se renforce par rapport à la bureaucratie de Bruxelles, cela ne changera rien au fait qu'un Italien ne reconnaîtra jamais son député dans la personne d'un député français. Si les Etats nationaux sont abolis, les nations seront réduites à des "groupes ethniques" mais il ne naîtra pas pour autant une "nation européenne". Pire: un parlement européen véritablement puissant sera toujours pour tous les Européens un parlement dominé par des ³étrangers². Les lois de ce parlement seront encore moins acceptées que les délibérations ou les décisions de la Commission de Bruxelles!

    Tout ce qu'on a pu faire de positif dans le sens de l'idée européenne a déjà été fait. Mais si le projet d'union monétaire et financière entre en vigueur, alors la paralysie de la politique étrangère s'accentuera  ‹on pense à la Yougoslavie‹  et les motifs de conflits politiques augmenteront. Tout progrès de l'unité européenne se muera automatiquement en un progrès de division et de dissensus, où l'Europe se rendra étrangère à elle-même. L'Europe peut être une fédération d'Etat mais non un "Etat fédéral". L'Europe est multiplicité de ses nations, et certainement aussi de ses régions: en dehors de cela, elle n'est rien. L'évolution de l'Europe orientale prouve que la nation demeure la référence politique décisive. Si les nations ne peuvent être conservées, si elles ne peuvent plus défendre leur culture et leurs particularités, on ne pourra pas créer le véritable "grand espace", différent de celui qu'envisage Maastricht et qui n'est qui n'est que la copie miniature de l'"unité du monde" dont rêvent les utopistes mondialistes.

    Etre Européen, cela signifie: connaître et reconnaître la diversité de l'Europe. Seulement quand ce processus de connaissance et de reconnaissance se sera amplifié, aura atteint un certain degré d'opérabilité, l'Europe développera une culture et une identité continentales. Mais l'Europe d'aujourd'hui, qui dit être sur la voie de l'unité, est bien plus éloignée de cette culture continentale que du temps de Nietzsche et de Burckhart, de Karl Vossler et de Benedetto Croce.

    Notes:
    (1) Carl SCHMITT, "Großraum gegen Universalismus" (1939) in Positionen und Begriffe, Duncker und Humblot, Berlin, 1988. Trad; franç.: in Carl SCHMITT, Du politique, "légalité et légitimité" et autres essais, Pardès, Puiseaux, 1990.

    (2) Carl SCHMITT, "El Orden del Mundo despues la Segunda Guerra Mundial", in Revista de Estudios Politicos, Madrid, 1962, pp. 36 et ss.

    (3) Hans KELSEN, Die Staatslehre des Dante Alighieri, Wien, 1905.

    (4) Ph. DESSAUER, "Die Politik des Antichrist", in Wort und Wahrheit, 1951, pp. 405-415.

    (5) Carl SCHMITT, Politische Theologie, München/Leipzig, 1922, pp. 55 ss. Trad. it. in Le catagorie del politico, Bologna, 1972, pp. 84 ss.

    (6) Hans KELSEN, Das Problem der Souveränität und die Theorie des Völkerrechts, Tübingen, 1928, pp. 320 ss.

    (7) Sur le droit international induit par la Révolution française, cf. R; REDSLOB, in Festschrift für O. Mayer, 1916, pp? 271 ss.; B. MIRKINEGUETZEVITCH, L'influence de la Révolution française sur le développement du droit international dans l'Europe orientale, in Recueil des Cours, 22/1928, pp. 299 ss.

    (8) Sur les précédents économiques de la seconde guerre mondiale, cf. Carlo SCARFOGLIO, Davanti a questa guerra, Milan, 1942; D. JUNKER, Der unteilbare Weltmarkt, Stuttgart, 1975.

    (9) Sur la notion d'"agression", cf. Carl SCHMITT, Der Nomos der Erde, Köln, 1950, 3ième éd., Berlin, 1988.

    (10) Philipp JESSUP, "The Monroe Doctrine", in American Journal of International Law, 1940, pp. 704.

    (11) La traduction italienne est actuellement la seule disponible: Il concetto d'Impero nel diritto internazionale, édité et préfacé par Luigi Vannutelli Rey, avec un appendice de Franco Pierandrei, Rome, 1941. Les articles de Schmitt en Italie paraissaient surtout dans la revue Lo Stato. Ils ont été repris dans une anthologie: Carl SCHMITT, Scritti politico-giuridici 1933-1942, édité par Alessandro CAMPI, Perugia, 1983.

    (12) Typique pour la critique nationale-socialiste: R. HÖHN, Reich - Großraum - Großmacht, Darmstadt, 1942.

    (13) Par exemple, chez Giacomo PERTICONE, "Il problema dello ³spazio vitale² e del ³grande spazio²", in Lo Stato, 1940, pp. 522-531; Cf. également A. MESSINEO, s.j., "Spazio vitale e grande spazio", La Civiltà Cattolica, Rome, 1942.

    (14) cf. note (2).

    (15) Hans Werner NEULEN, Europa und das Dritte Reich, München, 1987. Cf. Recension de Herbert TAEGE in Vouloir n°48/49 (1988), pp. 11-13.

    (16) Sur le problème du ³refoulement du passé² en Allemagne, cf. Armin MOHLER, Der Nasenring, München, 1991. Cf. Willy PIETERS in Vouloir n°40/42 (1987), pp. 12-14 (Il s'agit plus exactement du commentaire d'un essai paru dans un ouvrage collectif qui, amplifié, allait donné le texte de Der Nasenring).

    (17) Cf. R. ÜBELACKER, "Zur Problematik der Verträge von Maastricht", in Festschrift für H.J. Arndt. Politische Lageanalyse, Bruchsal, 1993, pp. 381 ss.  

    [Synergies Européennes, Vouloir, Mai, 1994]

  • Carl Schmitt État, nomos et grands espaces

    La maison d'édition berlinoise Duncker & Humblot, qui publie l'essentiel de l'œuvre de Carl Schmitt, a eu le mérite l'an passé d'avoir publié une anthologie d'articles définitionnels fondamentaux du juriste et polito­logue allemand (CS, Staat, Großraum, Nomos - Arbeiten aus den Jahren 1916-1969), magistralement pré­facés par Günter Maschke. Ce fut sans doute, à nos yeux, le nouveau livre le plus important en philoso­phie politique exposé à la Foire de Francfort en octobre 1995. Mais c'est aussi un livre fondamental pour comprendre dans tous ses rouages le monde d'après la Guerre Froide. G. Maschke, un des plus grands spécialistes allemands de Carl Schmitt, mérite nos éloges pour avoir annoté avec une remar­quable précision tous ces articles et surtout les avoir resitués dans leur vaste contexte. Maschke fournit en effet au lecteur  — à l'étudiant comme à l'érudit —  des commentaires et des analyses très mé­thodiques et très fouillées. Staat, Großraum, Nomos est divisé en quatre parties : 1. Constitution et dicta­ture ; 2. Politique et idée ; 3. Grand-Espace et Droit des gens et 4. Du Nomos de la Terre. À notre avis, l'essentiel pour notre monde en effervescence depuis la chute du Mur réside dans les deux dernières par­ties.
     
    Cette nouvelle anthologie a l'immense mérite de concentrer toute son attention sur un aspect moins connu, mais toutefois déterminant, de la pensée et de l'œuvre de Carl Schmitt : la géopolitique. Notre “Centre de Recherches en Géopolitique” avait jadis déjà mentionné quelques-uns de ces textes fonda­mentaux, mais le vaste ensemble d'articles et d'essais sélectionnés par Maschke permet de jeter, sur cette géopolitique schmittienne, un regard beaucoup plus synoptique.

    Le “Grand-Espace”
     
Notre Centre a publié depuis 1988 un certain nombre de textes de géopolitique ; depuis 1991, nous réflé­chissons intensément sur le nouvel ordre mondial après l'effondrement de l'Union Soviétique. L'ère nou­velle sera très vraisemblablement marquée par la notion de “Grand-Espace”, toutefois dans un sens peut-être différent de celui que lui donnait C. Schmitt. Commençons notre analyse par une citation de Joseph Chamberlain qui illustre bien l'intention des géopolitologues et de Schmitt lui-même : « L'ère des petites na­tions est révolue depuis longtemps. L'ère des empires est advenue » (1904). Mais l'effondrement de l'URSS nous enseigne que l'ère des empires traditionnels est elle aussi révolue, si l'on considère toutefois que le dernier des empires traditionnels a été l'Union Soviétique. À la place des empires, nous avons dé­sormais les “Grands-Espaces”. Dans son essai Raum und Großraum im Völkerrecht, Schmitt définit clai­rement le concept qu'il entend imposer et vulgariser : « Le “Grand-Espace” est l'aire actuellement en ges­tation, fruit de l'accroissement à l'œuvre à notre époque, où s'exercera la planification, l'organisation et l'activité des hommes ; son avènement conduira au dépassement des anciennes constructions juridiques dans les petit-espaces en voie d'isolement et aussi au dépassement des exigences postulées par les systèmes universalistes qui sont liés polairement à ces petits-espaces ».
     
    Schmitt cite Friedrich Ratzel et montre, en s'appuyant sur ces citations, comment, à chaque génération, l'histoire devient de plus en plus déterminée par les facteurs géographiques et territoriaux. C'est d'autant plus vrai aujourd'hui pour notre génération, car la bipolarité d'après 1945 fait place à une multipolarité, dont on ne connaît pas encore exactement le nombre de protagonistes.
     
    Maschke, dans ses commentaires sur l'article intitulé Völkerrechtliche Großraumordnung mit Interventionsverbot für raumfremde Mächte, mentionne à juste titre la théorie de Haushofer qui envisa­geait de publier un Grundbuch des Planeten, un livre universel sur l'organisation territoriale de la planète. La géopolitique, selon Haushofer, ne devait pas servir des desseins belliqueux  — contrairement à ce qu'allèguent une quantité de propagandistes malhonnêtes —  mais préparer à une paix durable et éviter les cataclysmes planétaires du genre de la Première Guerre mondiale. Ce Grundbuch haushoférien devait également définir les fondements pour maintenir la vie sur notre planète, c'est-à-dire la fertilité du sol, les ressources minérales, la possibilité de réaliser des récoltes et de pratiquer l'élevage au bénéfice de tous, de conserver “l'habitabilité” de la Terre, etc., afin d'établir une quantité démographique optimale dans cer­tains espaces. Les diverses puissances agissant sur la scène internationale pratiqueraient dès lors des échanges pour éviter les guerres et les chantages économiques. Certes, on peut reprocher à ce Grundbuch de Haushofer, un peu écolo avant la lettre, d'être utopique et irénique, mais force est de cons­tater que ses idées étaient fondamentalement pacifistes et qu'elles ne coïncidaient pas avec les projets agressifs de l'Allemagne nationale-socialiste. Pourtant, Maschke rappelle que Schmitt et Haushofer ne correspondaient apparemment pas et ne s'étaient jamais vus.
     
    Cet article sur le völkerrechtliche Großraumordnung... constituaient une tentative d'introduire en Europe une “doctrine de Monroe” au cours de la Seconde Guerre mondiale. Dans son commentaire, Maschke rap­pelle les thèses d'un géographe américain, Saul Bernard Cohen, qui a eu le mérite de maintenir à flot les idées géopolitiques avant leur retour à l'avant-plan. Le concept cohenien de “région géopolitique”, déve­loppé depuis les années 60 et actualisé aujourd'hui, s'avère pertinent dans le contexte actuel de “fin de millénaire”. Ces idées de “grand-espace” et de “région géopolitique” se retrouvent également chez les deux experts espagnols de droit international, fortement influencés par Schmitt : Camilo Barcia Trelles et Luis Garcia Arias.
     
    L'étude de Schmitt Das Meer gegen das Land (La mer contre la terre) de 1941 contient le noyau essentiel du futur livre de Schmitt Land und Meer. Maschke pense que Schmitt a été influencé par la lecture de Vom Kulturreich des Meeres (1924) de Kurt von Boeckmann, et de Vom Kulturreich des Festlandes (1923) de Leo Frobenius.
     
    Une recension écrite par Schmitt en 1949 garde toute sa pertinence aujourd'hui, souligne Maschke. Elle s'intitule Maritime Weltpolitik. Schmitt y écrit : « La domination de l'espace aérien et la possession de moyens de destruction modernes pourront à elles seules s'assurer la domination sur la terre et sur la mer. [Par ces moyens techniques], notre planète est encore devenue plus petite. En comparaison avec les structures qu'érige la technique moderne sur la planète, la Tour de Babel apparaît comme une entreprise très modeste. La Mer a perdu sa puissance en tant qu'élément et notre Terre est devenue un aérodrome » (p. 479 de l'édition de Maschke).
     
    Quelques années après la seconde guerre mondiale déjà, Schmitt tire la conclusion: dans le futur, le con­trôle de la planète s'exercera par le biais des communications aériennes (et plus tard spatiales) ; la Terre et la Mer perdront de l'importance. Le nouvel espace  — jeu de mot ! —  sera l'espace.
     
    Schmitt mentionne l'œuvre de l'Américain Homer Lea (1876-1913) dans sa recension. Lea avait terminé sa carrière comme conseiller militaire de Sun Yat Sen en Chine. Il avait écrit des livres importants, largement oubliés aujourd'hui : The Day of the Saxon (1912) et The Valor of Ignorance (1909). Le polémologue suisse Jean-Jacques Langendorf, ami et complice de Maschke, avait préfacé une réédition allemande de The Day of the Saxon et prépare actuellement une vaste étude sur le écrits militaires et géopolitiques de Lea.

     
Le Nomos
     
Penchons-nous maintenant sur la quatrième partie de cette anthologie, qui commence par la définition que donne Schmitt du “nomos” : « Il est question d'un Nomos de la Terre. Ce qui signifie : je considère la Terre — ­l'astéroïde sur lequel nous vivons —  comme un Tout, comme un globe et je recherche pour elle un ordre et un partage globaux. Le terme grec “nomos”, que j'utilise pour désigner ce partage et cet ordre fondamental, dérive de la même étymologie que le mot allemand “nehmen” (prendre). Nomos signifie dès lors en première instance, la “prise”. Ensuite, ce terme signifie, le partage et la répartition de la “prise”. Troisièmement, il signifie l'exploitation et l'utilisation de ce que l'on a reçu à la suite du partage, c'est-à-dire la production et la consommation. Prendre, partager, faire paître sont les actes primaires et fonda­mentaux de l'histoire humaine, ce sont les trois actes de la tragédie des origines » (Maschke, p. 518).
     
    Dans une étude datant de 1958 et intitulée Die geschichtliche Struktur des Gegensatzes von Ost und West (La structure historique de l'opposition entre l'Est et l'Ouest), Schmitt mentionne quelques-unes des théories géopolitiques de base énoncées par Sir Halford John Mackinder. Il se réfère au géographe britannique quand il affirme que l'opposition entre puissances continentales et puissances maritimes constitue la réalité globale de la guerre froide. Quand il commente cette étude, Maschke commet la seule erreur que j'ai pu trouver dans son travail par ailleurs exemplaire. “L'Île du monde” selon Mackinder est l'Europe + l'Asie + l'Afrique et non pas “l'hémisphère oriental” comme le dit Maschke (p. 546). Celui-ci af­firme également que Mackinder avait été influencé par le géographe allemand Joseph Partsch. Je ne pré­tends pas être un expert dans l'œuvre de Mackinder, mais c'est bien la première fois que je lis cela...
     
    Nous avions déjà eu l'occasion de recenser un ouvrage important de Schmitt, Gespräch über den neuen Raum (Conversation sur le nouvel espace). C'est l'une des contributions les plus pertinentes de Schmitt à la géopolitique depuis 1945. Le message de Schmitt dans ce travail (et dans d'autres), c'est un appel à la constitution de différents “Grands-Espaces”, ce qui semble advenir aujourd'hui, surtout depuis la Guerre du Golfe. La théorie du pluralisme des Grands-Espaces, Schmitt l'a bien exprimée dans un autre texte figurant dans l'anthologie de Maschke : Die Ordnung der Welt nach dem Zweiten Weltkrieg (L'Ordre du monde après la Seconde Guerre mondiale). Schmitt y écrivait : « De quelle manière se résoudra la con­tradiction entre le dualisme de la Guerre Froide et le pluralisme des Grands-Espaces...? Le dualisme de la Guerre Froide s'accentuera-t-il ou bien assistera-t-on à la formation d'une série de Grands-Espaces, qui généreront un équilibre dans le monde et, par là même, créeront les conditions premières d'un ordre paci­fique stable ? » (Maschke, p. 607).
     
    En 1995, nous connaissons la réponse à la question que posait Schmitt en 1962. Le dualisme n'est plus et nous pouvons assister à l'émergence (timide) de Grands-Espaces, qui pointent à l'horizon. Nous ne pouvons toujours pas deviner quelle sera l'issue de ce processus. Des changements surviendront indubi­tablement dans le cours des choses mais nous pouvons d'ores et déjà penser que l'ALENA et l'UE seront deux de ces Grands-Espaces, et ils coopéreront sans doute avec le Japon. Le Lieutenant-Général William E. Odom de l'US Army, aujourd'hui à la retraite, a lancé quelques éléments dans le débat visant à structurer le système qui prendra le relais de celui de la Guerre Froide dans son ouvrage How to Create a True World Order (Comment créer un véritable Ordre Mondial ?, Orbis, Philadelphia, 1995). La Russie, la Chine, l'Inde, le Sud-Est asiatique et le monde musulman pourraient bien devenir des Grands-Espaces autonomes. L'Afrique continuera à végéter dans la misère, sauf peut-être le Nigéria et l'Afrique du Sud. L'attitude agressive croissante de la Chine aura sans doute pour résultat d'avertir les petites puissances d'Asie ; elles prépareront dès lors leur défense contre l'impérialisme chinois à venir.
     
    Dans la quatrième partie de l'anthologie de Maschke, nous trouvons encore un texte fondamental, Gespräch über den Partisanen (Conversation sur la figure du partisan) (1). Au départ, il s'agissait d'un dé­bat radiodiffusé en 1960 entre Schmitt et un maoïste allemand, Joachim Schickel. ce débat était bien en­tendu marqué par la grande question de cette époque : l'insurrection croissante au Vietnam. Il n'en de­meure pas moins vrai que la question de la guerilla (ou du Partisan) demeure. Le Law Intensity Warfare (guerre à basse intensité) continuera à faire rage sur la surface du monde et influencera les processus politiques. Résultat : le terme de “Guerre civile mondiale” acquerra sans cesse de l'importance (2).
     
    Carl Schmitt n'était pas en première instance un géopolitologue. Il était un expert en droit constitutionnel et international. Toutefois, au moment où nous allons aborder le nouveau millénaire, il est temps, me semble-t-il, de remettre sur le métier les approches schmittiennes en matières géopolitiques et géostra­tégiques globales. Même si Schmitt reste une personnalité controversée (à cause des opinions qu'il a émises au début des années 30), il est devenu impossible de l'ignorer quand on élabore aujourd'hui des scénarii pour l'avenir du monde.
     
    Theo HARTMAN (« State, Nomos and Greater Space. Carl Schmitt on Land, Sea and Space », in Center for Research on Geopolitics (CRG), Special Report n°4, Helsingborg/Sweden, 1996. Adresse : CRG, P.O.Box 1412, S-251.14 Helsingborg/Suède ; tr. fr. R. Steuckers).
    Références du livre de Maschke : Carl SCHMITT, Staat, Großraum, Nomos. Arbeiten aus den Jahren 1916-1969. herausgegeben, mit einem Vorwort und mit Anmerkungen verse­hen von Günter Maschke, Duncker & Humblot, Berlin, 1995.
     http://vouloir.hautetfort.com
    Notes :
    (1) Tr. fr. : Conversation sur le partisan (1969) in La guerre civile mondiale, essais 1943-1978 (éd. Ère, nov. 2007).
    (2) Pour une analyse complète de na notion de “Guerre civile mondiale”, cf. le manuscrit impublié de Bertil Haggman, directeur du CRG suédois, intitulé Global Civil War - A Terminological and Geopolitical Study, 1995).

  • Le règne des "Mass-médiocres" dans une société d'esclaves :

    "Les peuples sans légende sont destinés à mourir de froid. Ils meurent du froid des ordinateurs. Ils meurent du froid des centrales nucléaires et des laboratoires de la biologie. Ils meurent du grand froid des robots de l'an deux mille. Ils meurent du froid glacial des banques de la géofinance". Voilà la triste prophétie de Patrice de la Tour du Pin, notre civilisation se meurt du bourrage de crâne médiatique du prêt à penser…
    Il suffit de regarder vivre notre société bloquée pour voir peu à peu se profiler derrière les phénomènes et les graves déséquilibres que nous constatons quotidiennement, des causes communes permanentes qui puissent nous conduire à une critique réaliste et féconde du système. Nos vies sont déjà gravement menacées par la nourriture dépourvue du nécessaire vital pour notre santé. Le contrôle de la pensée se fait aussi à d'autres niveaux. Les programmes scolaires orientés et honteusement falsifiés sont idéologiquement enseignés aux jeunes générations en vue de constituer des esclaves au régime en place. La télévision est une arme redoutable aux mains des gouvernants. Le bourrage de crâne fonctionne bien et les médias dirigent la pensée. Les images subliminales sont quelquefois même utilisés pour manipuler l'opinion. Le résultat est simple, on ne remarque rien mais notre subconscient enregistre l'image...
    Les grandes féodalités de l'information et de la publicité, dont les techniques finissent d'ailleurs par se rejoindre, se chargent de former nos opinions et nos intelligences qu'elles plient au plus général, au plus totalitaire des conformismes de l'esprit, qui ait jamais existé. Le monde clos de l'information réussit la synthèse des Féodalités diverses : celle de l'argent français ou étranger qu'il sert, celles des partis de droite ou de gauche, celles des syndicats. Ainsi c'est souvent pour le compte du même financier qu'un grand journal lance une marque de dentifrice, soutient un candidat aux élections, épouse une cause ou prêche une idéologie. Quant à l'Etat, il se contente - dans chaque foyer français et chaque jour - de former nos opinions à son seul avantage. Le Journal de 20h a remplacé la Messe du dimanche. Les valeurs humaines sont anéanties et les médias représentent un spectacle permanent de l’amnésie culturelle … Face à cet ensemble de Féodalités ne faut-il pas craindre pour nos Libertés ?
    L'inquiétude qui se propage n'appelle-t-elle pas un pouvoir arbitre qui serait le garant de l'unité et de l'équité ? Qui veillerait sévèrement à ce que les extraordinaires moyens de diffusion de la pensée qu'offrent les techniques de ce XXIe siècle servent à la culture, à l'enrichissement et non au nivellement, au morne conditionnement des esprits. C'est précisément parce que tous les intérêts français - moraux et matériels - sont légitimes, qu'il s'agit de les fédérer, de les ordonner en vue du seul bien de tous. Ce serait là la tâche d'un gouvernement qui ne dépendrait d'aucun d'eux.

    http://www.actionroyaliste.com