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  • Petit éloge du long terme par Jacques GEORGES

     

    À long terme, nous serons tous morts. Même les civilisations sont mortelles. Le Reich de mille ans a duré douze ans. Le long terme serait-il une illusion ? Non : le long terme, les longues perspectives, ces notions perdues de vue depuis longtemps en démocratie de marché, sont nécessaires aux sociétés comme aux individus pour être bien dans leur peau, voilà le propos de ce petit article sur un grand sujet.

     

    La Chine, le sens du temps long

     

    Prenons la Chine. Voilà un pays qui depuis trente ans n’arrête pas de commencer par le commencement : construire pierre à pierre les conditions du développement (maîtrise démographique, priorité aux infrastructures de base et à l’éducation scolaire, technique et civique des citoyens, conception et mise en place d’un système bancaire et financier tourné vers le soutien à la production et l’entreprise, protectionnisme intelligent, maîtrise des parités de change, ordre dans la rue et dans les têtes), pour produire modestement et à bas coûts des articles essentiellement exportés, puis monter progressivement en gamme et en technologie, pour se retrouver, un beau matin, premier producteur industriel et deuxième P.I.B. de la planète. Le tout en ne distribuant en bienfaits salariaux et sociaux, voire en investissements « de confort » de type logement, que ce qui est possible, voire seulement nécessaire. Avec toujours en ligne de mire l’épargne, la compétitivité, le long terme, la réserve sous le pied, et, plus que tout, la préservation de son identité, de sa force, de sa fierté nationale. Une vraie Prusse orientale. Pardon pour ce jeu de mots, qui d’ailleurs va très loin.

     

    L’Europe ? L’idiot du village global

     

    Prenons maintenant l’Occident en général, l’Europe en particulier. Un socialiste intelligent a dit qu’elle était l’idiot du village global, ce qui résume bien les choses. Son plus beau fleuron, la Grèce, ne fait que magnifier les exemples espagnol, portugais, italien, français, et, il faut bien le dire, en grande partie aussi bruxellois : optimisme marchand, mondialisation heureuse, ouverture à tout va, liberté de circulation des marchandises, des services et des hommes, substitution de population et libanisation joyeuses, rationalisation marchande extrême de la fonction agricole, abandon implicite de l’industrie au profit d’un tas appelé « services », joie du baccalauréat pour tous, protection du consommateur, développement de la publicité et du crédit à la consommation, distributions massives de pains et de jeux, relances keynésiennes perpétuelles, endettement privé et public poussé à l’absurde, promesses électorales qui n’engagent que ceux qui les prennent au sérieux, yeux perpétuellement rivés sur les sondages. Le résultat, totalement prévisible, est là, sous nos yeux. Au bout du compte, la chère France, pour prendre son glorieux exemple, en est, à fin octobre 2012, à se poser avec angoisse la question existentielle de savoir si le taux de croissance du P.I.B. en 2012 sera de 0,8 ou de 0,3, ce qui change tout.

     

    La misère intellectuelle et morale de l’Europe

     

    On nous dira : et l’Allemagne, la Finlande, l’Autriche, et quelques autres ? Certes, ils sont un peu chinois de comportement ! Leur comportement garde un zeste de sérieux, de sens du long terme et de séquence logique des priorités qui font chaud au cœur à quelques-uns, dont, on l’a deviné, le rédacteur de ce petit billet. Que dit Angela ? Que rien ne sert de consommer, il faut produire à point; que quelqu’un doit bien finir par payer les dettes; que la malfaisance du capitalisme, ou du marché, ou des banques, ou de tous les boucs émissaires du monde, n’explique pas tout; que le vernis sur les ongles vient après une bonne douche, et autres commandements dictatoriaux du même acabit. Intolérable, clament en chœur les cigales indignées : les Allemands doivent coopérer en lâchant les vannes, en consommant davantage, en faisant un minimum d’inflation, bref, en s’alignant enfin sur les cancres majoritaires ! À défaut, l’Allemagne paiera, ce qui n’est que justice ! Sur ce point, extrêmes droites européennes, qui depuis peu méritent effectivement ce nom, et extrêmes gauches, toujours égales à elles-mêmes, sont d’accord. La misère intellectuelle et morale de l’Europe, en ce début de siècle, est immense.

     

    Soyons un instant sérieux, car le sujet l’est extrêmement. Le sens du long terme a quelque chose à voir avec l’état, disons la santé, des peuples. C’est une affaire ancienne, délicate, complexe. Sparte contre Athènes, la Prusse contre l’Autriche, la cigale contre la fourmi, le modèle rhénan versus le modèle anglo-saxon, la primauté de l’économique sur le social, c’était déjà un peu ça. La gauche s’identifie assez naturellement avec ce qu’il y a de pire à cet égard, quoique avec des nuances, voire des exceptions (on cite à tort ou à raison Mendès-France, Delors ou Schröder comme contre-exemples). La droite, par nature portée aux horizons longs, mais ayant besoin d’être élue, et n’étant souvent pas de droite, a rivalisé souvent avec succès en démagogie avec les meilleurs démagogues de l’équipe adverse. Le ludion Sarkozy, sympathique et actif par ailleurs, comme son excellent et populaire prédécesseur, illustrent bien cette dérive. Sans parler des collègues grec ou italien.

     

    Pour une trithérapie des nations européennes

     

    Comment commencer à s’en sortir ? À notre avis, par une trithérapie mêlant :

     

    1 – acheminement ordonné vers un protectionnisme continental identitaire intelligent de type Paris – Berlin – Moscou – Vladivostok,

     

    2 – inversion vigoureuse mais juste et astucieuse des flux migratoires, et, last but not least,

     

    3 – réforme intellectuelle et morale : réhabilitation de l’identité des Européens, du sens collectif, du long terme et de l’effort, ré-examen profond et/ou remisage de l’idéologie des « droidloms » aux orties, réexamen honnête de l’histoire du XXe siècle défigurée dans les années 1960 sur les fondements datés de Nuremberg et Bandoeng. Joli programme ! Avec un peu de chance, en cent ou deux cents ans à peine, c’est plié !

     

    Jacques Georges http://www.europemaxima.com/

     

    • D’abord mis en ligne sur Polémia, le 13 novembre 2012.

  • Manifestation du 13 janvier : pourquoi Bruno Gollnisch y sera

    La loi prévue sur le mariage et l’adoption par les couples homosexuels vise à satisfaire les exigences d’une très petite minorité. Au-delà, elle est aussi motivée par de sombres impératifs idéologiques. Impératifs, démagogiques ceux-là, qui ont aussi présidé  au vote de  la taxation à 75 % des plus hauts revenus, un taux que l’on ne retrouve dans aucun pays de l’OCDE nous l’avions souligné, et qui vient d’être censuré par le Conseil constitutionnel. Ladite mesure ne concernait que 2000 foyers fiscaux et ses effets négatifs auraient été à l’évidence plus importants que ses côtés positifs. Pour le reste, ce sont les Français bien plus modestes qui continueront à payer la facture.

    Dans ce contexte peu réjouissant, il y a des sondages qui, même un peu anecdotiques, sont toujours amusants à lire. Ainsi celui publié mercredi dernier (une étude Harris Interactive), par le magazine VSD en cette période de fêtes sur « les personnalités qui agacent le plus les Français ».

    Bien sûr on peut toujours contester les choix (orientés) qui président à l’élaboration de la liste soumise aux sondés, comme celle présentée dans le tout dernier baromètre bi-annuel Ifop pour le Journal du Dimanche sur  «les  personnalités préférées des Français ». Nous y trouvons aussi beaucoup de mauvais tocards médiatiques interchangeables avec le sondage précédent.

    Mais avouons que si nous avions été interrogés, nous aurions nous aussi certainement placé en tête… les têtes de gondoles qui sont les plus citées ici : Jean-François Copé, Franck Ribéry, Diam’s, Bernard Henry-Lévy ou encore Audrey Pulvar…Si les réponses des Français font sauter le fameux clivage droite-gauche en mettant au rayon des « insupportables » aussi bien Mme Royal que Mme Morano, celui-ci garde apparemment tout son sens sur les questions dites « sociétales ». Le cas emblématique étant bien évidemment le projet de loi en faveur du « mariage pour tous. »

    Le Point s’en faisait l’écho le 19 décembre relayant une dépêche de l’AFP : « Si l’opposition à ce projet du gouvernement socialiste fait l’unanimité au sein du (FN, NDLR), la forme que doit prendre la mobilisation est plus discutée en interne ». « Entre des cadres qui penchent pour un soutien actif et d’autres beaucoup plus prudents, le Front National – et Marine Le Pen en tête – est partagé face à la prochaine manifestation d’ampleur contre le mariage homosexuel, le 13 janvier, alors que l’UMP promet d’être dans la rue ( …) »

    « La mobilisation du 13 janvier, baptisée La Manif’ pour tous, s’annonce encore plus forte et le président de l’UMP Jean-François Copé a d’ores et déjà demandé aux militants et sympathisants de son parti d’être des acteurs-clés pour son succès. Du coup, le FN est placé devant un dilemme. »

    Dilemme n’est peut être pas le mot exact puisque le FN sera bien présent à cette manifestation : Bruno Gollnisch, Jean-Marie Le Pen, Marie-Christine Arnautu, Louis Aliot sont favorables à une participation du FN à ce rassemblement et de très nombreux militants cadres, élus, membres du Bureau politique ont d’ores et déjà prévu de se rendre à cette manifestation.

    Bruno Gollnisch peut en témoigner, les frontistes lui ont posé de très nombreuses questions sur la nécessité de la présence du FN lors des manifestations passées et à venir contre le mariage homo, lors de ses récents déplacements dans les fédérations FN et encore dernièrement lors de son passage à  Versailles le 21 décembre. Ce sujet sera évoqué lors du prochain Bureau Politique du FN, le 7 janvier.

    Il est en effet totalement légitime pour les dirigeants du FN de réfléchir à l’attitude tactique, stratégique qui doit être celle de l’opposition nationale sur ce dossier. En l’espèce Le Point et l’AFP, citent Marine Le Pen qui explique qu’ « il est hors de question d’apparaître comme des supplétifs de M. Copé ». « Si (elle va manifester ), (ce qu’elle n’a) pas encore décidé), (elle le fera) pour dire attention, il y a d’autres sujets qui sont des sujets bien plus importants que cela »

    Pour Marine poursuit cet article, « ce débat de société renforce le clivage gauche-droite, qu’elle juge d’une part artificiel et qui lui laisse d’autre part moins d’espace politique. Difficile, en effet, de renvoyer UMP et PS dos-à-dos sur le mariage homosexuel. » Pourtant Le Point cite aussi à bon escient la présidente du FN qui souligne que l’UMP « cherche à se faire une virginité sur la défense de valeurs qu’ils ont totalement abandonnées depuis les 30 années où ils sont au pouvoir ».

    Florian Philippot, vice-président en charge de la stratégie et de la communication, est-il encore rapporté, « voit dans ce débat sur le mariage gay un sujet de diversion pour masquer les échecs sociaux de l’exécutif. » « Notre position est connue. Il n’y a pas un Français qui pense que Marine Le Pen est pour le mariage homo. Et les gens ne nous parlent pas de ça, parce que leur problème, c’est d’arriver à boucler leurs fins de mois ».

    C’est en effet une préoccupation première des Français qui hiérarchisent leurs inquiétudes, citent pareillement dans les enquêtes d’opinion depuis 20 ans les difficultés économiques et sociales en tête de leur souci, devant les causes et conséquences, directes ou indirectes de celles-ci : l’insécurité, l’immigration, le multiculturalisme, l’euro, nos abandons de souveraineté à l’Europe de Bruxelles…

    Les sondages semblent démontrer aussi une césure assez nette entre le peuple de droite et le peuple de gauche sur cette question, ce dernier étant assez, voire très largement favorable au mariage homo -mais beaucoup moins à l’adoption qui y est pourtant pleinement associée.

    Implicitement, le politologue proche de l’UMP (et adversaire résolu du FN) Dominique Reynié « conseille » au FN de faire profil bas sur cette question de la défense des valeurs. Dans Le Monde en date du 25 décembre, interrogé sur l’attitude qui devrait être celle de l’UMP pour contenir le FN, il note que s’il est « indéniable » que « la société française se droitise, » « il est (donc) inutile (pour l’UMP, NDLR) d’en rajouter », « surjouer la proximité avec le FN est donc une erreur. »

    Mais le FN juge-t-il encore « est un parti qui aspire toutes les protestations. Désormais, sa zone de croissance est dans l’électorat populaire déçu par le hollandisme. Les transferts dans l’électorat de droite ont déjà eu lieu entre 2007 et 2012. Il n’y a plus de flux massif à attendre de ce côté-là de l’échiquier politique. »

    De là à penser que le FN doit mettre l’éteignoir sur son programme de défense des valeurs de notre civilisation il y a tout de même un pas que Bruno Gollnisch se refuse de franchir ! L’électeur qui a voté hier Hollande, aujourd’hui malmené, maltraité par la politique mondialiste du PS et ses conséquences économique, sociale, identitaire sur son quotidien, et qui se décidera en 2014 à voter FN,  ne sera pas  arrêté dans son geste parce que l’opposition nationale a pris activement fait et cause pour la défense du mariage et de la famille…

    Jean de Rouen dans l’article qu’il a publié sur le site Nouvelles de France demande lui au FN de faire de la « la défense de la cellule familiale » toujours une de ses priorités et assure que les « questions sociétales » ne sont pas secondaires. « A moins de réduire l’homme à n’être qu’un producteur ou un consommateur, l’économie n’est pas première : elle doit rester subordonnée au politique. L’homme en effet ne vit pas que de pain. Quant à la question sociale, qui peut ignorer qu’elle est aussi relative à la politique familiale et aux problématiques de l’éducation et de la démographie ? »

    Dans son Message de Noël, Bruno Gollnisch a rappelé que cette question du mariage était tout sauf anecdotique et que ce n’est pas un hasard si les mêmes « forces obscures du mondialisme » étaient à la manœuvre pour détruire les nations et les familles, cellules de base de la société.

    Enfin Bruno rappelle solennellement, notamment à tous les férus de sondage, que la défense des valeurs traditionnelles est une des causes principales, structurante, du vote en faveur Front National comme l’on démontré des dizaines d’enquêtes d’opinion depuis son émergence électorale.

    Au nombre de celles-ci, l’enquête TNS Sofres de décembre 2006 indiquait que la « défense des valeurs traditionnelles » par le FN et Jean-Marie Le Pen était l’aspect thématique le plus approuvé par les Français, avec 39 % d’avis favorables (53 % d’avis contraires). Une enquête d’opinion publiée peu avant le premier tour de la présidentielle de 2002 dans Le Monde établissait le même constat.

    En février 2010, ce même institut de sondage publiait les résultats de son enquête dans le cadre du « grand débat sur l’identité nationale ». Il était relevé qu’au sein des 65% de Français qui considèrent que l’identité française a tendance à «s’affaiblir», les raisons principales dudit affaiblissement citées en premier étaient « la perte des valeurs » (29%), devant « l’immigration » (25%) et « la diversité culturelle et ethnique » (18%) ce qui certes revient peu ou prou au même.

    Enfin, un sondage opinion way paru en mars 2011 indiquait qu’en tête des appréciations élogieuses, 38% des personnes interrogées considéraient Marine Le Pen comme la candidate « d’une droite patriote attachée aux valeurs traditionnelles. »

    Valeurs traditionnelles vilipendées, brocardées, attaquées systématiquement par les faiseurs d’opinion, les publicitaires et autres acteurs de la société du spectacle et du divertissement,  chargés eux aussi d’occuper « le temps de cerveau disponible » de nos compatriotes, et de faire passer les « messages de tolérance. » Une guerre de sape psychologique qui ne touche pas que notre pays confronté à des attaques mûrement réfléchies et conçues de longue date -http://www.gollnisch.com/?s=solve+et+coagula.

    Comme le réaffirme Bruno Gollnisch, « aucune modernité n’est viable si elle ne s’enracine dans une tradition. La défense de la vie, la transmission de notre patrimoine culturel, la remise à l’honneur des valeurs traditionnelles et de droit naturel – ce n’est pas ringard, c’est moderne, de défendre les valeurs traditionnelles ! ». Il les défendra donc de nouveau le 13 janvier dans la rue.

    http://www.gollnisch.com

  • « Bas les masques - De la désinformation sur l'école » de Claude Meunier-Berthelot

    L’école va mal. Chacun en convient. Mais beaucoup pensent que les dirigeants politiques en sont conscients et qu’ils s’efforcent d’y porter remède. Il n’en est rien. L’ouvrage de Claude Meunier-Berthelot décrypte utilement cette désinformation sur l’école. Et démontre que depuis 2007 l’appauvrissement des contenus scolaires se poursuit, que la réforme du lycée reste inspirée par le pédago-ludisme et que la méthode globale d’apprentissage de la lecture a survécu la réforme Robien abolie en 2007. Non seulement la situation de l’éducation nationale est dégradée mais cette dégradation s’amplifie encore.

    Polémia publie ci-dessous la préface de l’ouvrage de Claude-Meunier Berthelot. Jean-Yves Le Gallou s’y interroge : comment se fait-il que des innovations dont on constate qu’elles sont désastreuses soient toujours mises en œuvre avec plus de vigueur ? La gauche servirait-elle inconsciemment les intérêts du capitalisme mondialisé qui cherche des masses décérébrées ? Et comment échapper à cela sinon en sortant du système par la dissidence ?
    Polémia

    Préface

    Une tradition, c’est une innovation qui a réussi et qui s’est imposée dans la durée. En leur temps, la philosophie grecque et la rhétorique romaine furent des innovations. Tout comme plus tard les méthodes d’enseignement des Jésuites et des Dominicains. Dans les années 1880, l’école républicaine fut aussi une innovation, élément essentiel d’un ascenseur social fondé sur le mérite.

    Soixante ans d’innovations désastreuses

    Dans l’immédiat après seconde guerre mondiale, ces innovations sélectionnées par leur réussite historique étaient devenues des traditions. Ces traditions respectées et l’enseignement des « humanités » dominaient alors le paysage de l’enseignement français.

    Une série d’innovations se sont alors succédé.

    - L’organisation du système scolaire a été changée : le plan, d’inspiration communiste, Langevin-Wallon, de 1947, a tracé les grandes lignes d’un nouveau projet ; un tronc commun mêlant tous les élèves et niant tout processus de sélection a été promu, le fameux collège unique ;
    - L’enseignement du français a été transformé : l’analyse grammaticale a été délaissée et la méthode syllabique d’apprentissage de la lecture abandonnée au profit des méthodes globales ou semi-globales ;
    - Enfin la philosophie même des études a été bouleversée ; dans la foulée de mai 1968 - mouvement pour qui « tout enseignant est enseigné, tout enseigné est enseignant » - le rapport maître/élève a évolué : les « méthodes actives » ont progressivement remplacé l’enseignement des « disciplines » ; « disciplines » dont par ailleurs le contenu a été appauvri.

    Très rapidement, les effets désastreux de ces innovations sont apparus :

    - démotivation des élèves et des professeurs ;
    - baisse du niveau à la fin du cours préparatoire, du CM2 et au collège ;
    - montée de l’illettrisme ;
    - multiplication des enfants handicapés par la dyslexie : la méthode globale assurant la fortune des orthophonistes !

    Dès 1981, le Club de l’Horloge, sous la signature de Didier Maupas, dressait l’acte d’échec des pédagomanes dans « l’Ecole en accusation ». Bien d’autres livres reprirent son antienne allant jusqu’à qualifier l’école de « Fabrique du crétin ».

    Trente ans plus tard le mal a empiré. Non seulement les innovations néfastes ont été maintenues mais d’autres sont venues amplifier leurs effets. C’est l’un des mérites du livre de Claude Meunier-Berthelot que d’analyser l’évolution des quinze dernières années et de démasquer la désinformation sur l’école : de Chirac à Sarkozy, de Jospin à Fillon, d’Allègre à Chatel, c’est la même politique qui a été poursuivie, celle qui va toujours plus loin dans le sens des réformes désastreuses engagées de 1947 à 1968.

    Cinq exemples de l’imposture sarkozyste

    Au passage l’auteur démasque l’imposture du discours sarkozyste sur l’éducation nationale. Discours de « rupture » que les naïfs prennent pour une « rupture » avec les réformes néfastes alors que celles-ci sont, dans les faits, confortées et étendues.

    Et l’auteur de citer cinq exemples :

    - La carte scolaire n’est pas supprimée mais faussement assouplie ; pire : les critères officiels retenus pour examiner les demandes de dérogation ne prennent pas en compte l’intelligence et la capacité des élèves ; malheur à l’enfant à fort potentiel dont les parents ne sont pas des cas sociaux !
    - La réforme du lycée accentue l’évolution vers la « grande récré » avec des professeurs appelés de plus en plus à jouer les « animateurs » et des disciplines aux contenus encore allégés ;
    - La réforme des lycées vise aussi à pulvériser les filières d’excellences. A ce sujet, le propos tenu par Nicolas Sarkozy, le 13 octobre 2009, fait froid dans le dos : « Nous allons casser, mais casser (sic) une fois pour toute cette hiérarchie implicite des voies et des séries qui minent le lycée républicain (…) Orientation ne rimera plus avec sélection ». Des propos — parmi beaucoup d’autres cités par l’auteur — qui devraient déciller les yeux des Français sur les véritables objectifs du sarkozysme : supprimer ce qui reste d’excellence dans l’éducation nationale ;
    - Le retour à la méthode syllabique d’apprentissage de la lecture, engagé par Gilles de Robien en 2004/2006, a été abandonné ; même si plus personne n’ose ouvertement défendre la méthode globale, l’apprentissage de la lecture continue de se faire à travers la méthode semi-globale ou des méthodes dites « visuelles, phonétiques ou par hypothèses » qui introduisent la confusion dans les jeunes esprits ;
    - La réforme du mode de recrutement des maîtres à travers le CAPES n’a qu’un but : diminuer l’importance accordée dans le concours à la maîtrise des savoirs fondamentaux (dont la part descendra à 40%) au profit des épreuves permettant de jauger le conformisme des postulants, (connaissances pédagogiques, entretien avec le jury).

    Décérébrer les masses pour mieux les asservir au capitalisme mondiali

    L’auteur ne se contente pas de décrire le désastre éducatif et la désinformation qui vise à le faire accepter. Claude Meunier-Berthelot cherche à comprendre les causes de la persévérance dans l’erreur. Car la vraie question est bien là : pourquoi continue-t-on à imposer des réformes et des méthodes qui ont manifestement échoué ?

    L’auteur pointe classiquement les syndicats dominants de l’éducation nationale et les pédagomanes et dénonce « l’idéologie marxiste ». Le lecteur frémit devant ce qui apparaît en première lecture comme un archaïsme et a envie de dire à l’auteur « réveillez-vous, le monde a changé » !

    L’Union soviétique ne s’est-elle pas effondrée depuis 20 ans ? Le parti communiste n’est-il pas devenu moins que l’ombre de lui-même ? Les intellectuels marxistes n’ont-ils pas perdu de leur aura ? Raymond Aron n’est-il pas sorti vainqueur posthume de son combat avec Sartre ?

    Tout cela est exact, et pourtant c’est toujours la même logique — communiste du plan Langevin-Wallon, de 1947, trotskiste de l’après 1968 — qui s’applique aujourd’hui. Les rares ministres qui ont tenté de s’y opposer — Alice Saunier-Seïté à la fin des années 1970, Gilles de Robien au milieu des années 2000 — ont été broyés par la machine et lâchés par leurs propres amis politiques.

    Il y a dans cette situation la conséquence de ce que le Club de l’Horloge avait appelé un « Yalta culturel » : à la droite, l’économie, à la gauche, la culture et l’éducation.

    Le propos mérite toutefois d’être complété et actualisé. En réformant l’enseignement, les marxistes avaient pour objectif de « socialiser les masses ». Ils sont parvenus à les décérébrer ! Et c’est ainsi qu’en cassant le système éducatif comme institution délivrant des savoirs et structurant des intelligences, les réformateurs de l’école ont servi les intérêts du capitalisme mondialisé. Car le mondialisme marchand a besoin de consommateurs interchangeables et dénués d’esprit critique. Il a aussi besoin de main-d’œuvre délocalisable. Les réformes de l’école abaissant le niveau général, vidant de contenu les humanités et coupant les enfants de leurs racines civilisationnelles vont donc dans le sens des intérêts de la superclasse mondiale. Car l’appauvrissement et le nivellement des contenus sont les préalables à « la mondialisation des cerveaux ».

    Des préalables largement satisfaits ! Dans cette affaire les marxistes ont joué et continuent de jouer les idiots utiles du capitalisme. C’est aussi ce qui explique qu’aucun gouvernement — fut il réputé de « droite » - n’a cherché à tirer les conséquences de l’échec des innovations des soixante dernières années et encore moins à les rejeter, pour en revenir aux traditions. Un mot, il est vrai, mal vu par le politiquement correct !

    Alors quelles sont les solutions ? La dissidence !

    Les solutions ne sont guère électorales : certes le PS ou l’UMP ne tiennent pas exactement le même discours en période électorale mais leurs pratiques gouvernementales sont identiques. Les solutions sont donc à chercher dans la dissidence.

    Quand ils le peuvent, les parents doivent reprendre en main l’instruction de leurs enfants : en particulier dans les premières années d’apprentissage de la lecture. Car un enfant qui saura lire aimera lire et pourra ainsi s’approprier la culture de sa famille et de son peuple.

    Les parents doivent aussi choisir avec soin l’école de leurs enfants ; cela passe évidemment par :

    • - le choix de la localisation du logement ;
    • - l’appel au secteur privé lorsqu’il est performant ;
    • - les dérogations (voire la fraude !) à la carte scolaire lorsqu’elles sont nécessaires et possibles.

    Ceci étant, il n’est pas certain que ces méthodes suffisent : les écoles publiques sont peu différentes les unes des autres ; et les écoles privées sous contrat sont souvent passées dans le même moule que les écoles publiques.

    Il reste donc la solution du recours aux écoles indépendantes, les écoles privées hors contrat. Une voie d’avenir que cherche à développer avec succès la Fondation pour l’école. Une voie qui garantit la qualité des résultats : car les parents ne paieraient pas s’ils n’étaient pas satisfaits des résultats obtenus par leurs enfants.

    Cette voie est évidemment étroite dans la mesure où peu de familles — même en faisant des sacrifices financiers importants — sont en mesure de prendre en charge intégralement la scolarité de leurs enfants. D’où l’importance d’obtenir des déductions fiscales — impôts sur le revenu, taxe d’habitation — pour les versements effectués aux écoles. A terme, la seule solution satisfaisante reste le chèque éducation permettant aux pauvres comme aux riches de choisir l’école de leurs enfants.

    Dans le prolongement des travaux de la Fondation pour l’école, l’auteur explore ces voies dans sa conclusion. Une démarche utile et précieuse même si elle suppose de profonds bouleversements de la donne idéologique et politique.

    Jean-Yves Le Gallou
    0ctobre 2010

    Claude Meunier-Berthelot, Bas les masques - De la désinformation sur l’école, préface de Jean-Yves Le Gallou, éditions des Trianons, octobre 2010 p 232, 20€
    Chapitre.com

    Polémia 05/12/2010

  • Nouveau plan d’invasion de la Syrie

    La France, le Royaume-Uni, Israël et le Qatar ont préparé un énième plan d’intervention en Syrie. 6 000 nouveaux jihadistes, dont 4 000 en provenance du Liban, devraient attaquer incessamment le quartier résidentiel de Mazzeh, au sud de Damas, qui abrite de nombreuses ambassades et où résident plusieurs haut responsables civils et militaires. Un incident impliquant des armes chimiques à l’autre bout du pays devrait augmenter la tension. Un général félon devrait alors prétendre avoir pris le pouvoir et appeler les Occidentaux à l’aide, donnant ainsi un prétexte à une intervention militaire hors mandat de l’ONU.

    Plusieurs tentatives de coup d’État militaire ont été orchestrées par les Occidentaux au cours de cette année. Toutes ont échoué et rien ne permet de penser qu’il en serait autrement cette fois encore.

    Le temps presse pour les États opposés au plan de paix de Genève, conclu entre les USA et la Russie, car il devrait être présenté au Conseil de sécurité en février, c’est-à-dire juste après la confirmation par le Sénat US de la nouvelle administration Obama. Durant les deux prochains mois, tous les coups possibles seront tentés.

    On ignore quelles pourraient être les réactions de la Russie et de l’Iran à une telle opération. Vladimir Poutine a déclaré se tenir prêt à défendre la Syrie « jusque dans les rues de Moscou », c’est-à-dire être prêt à entrer en guerre. De son côté, l’Iran a toujours affirmé que la Syrie était sa ligne de défense et, par conséquent, qu’elle ne la laisserait pas tomber. Toutes ces déclarations ne sont peut être que du bluff, mais en déclenchant une intervention militaire, Paris, Londres, Tel-Aviv et Doha prendraient le risque de provoquer un embrasement général

    http://www.voltairenet.org

  • Les universités médiévales (XIIIe-XIVe)

    L’université est une invention européenne qui n’a aucun précédent historique ou équivalent dans une autre région du monde. Elle est la conséquence du développement urbain en Occident, et naît dans les premiers temps d’initiatives spontanées d’association de maîtres et d’élèves, à la fin du XIIe siècle. Ces groupements de maîtres et d’élèves font pression tant auprès des pouvoirs ecclésiastiques que des pouvoirs civils pour obtenir les privilèges propres à toute corporation.

    Vers le milieu du XIIIe siècle, l’Université parvient à s’affranchir des pouvoirs laïcs et épiscopaux pour ne dépendre que de la papauté. L’Université a alors le monopole de la collation des grades et cooptation, dispose de l’autonomie administrative (droit de faire prêter serment à ses membres et d’en exclure), de l’autonomie judiciaire et de l’autonomie financière.

    Les papes du XIIIe ont tout intérêt à accompagner et contrôler le développement des universités : elles fournissent les meilleurs cadres de l’Église, apporte aux prédicateurs une argumentation contre les hérésies, et permet de mieux définir l’orthodoxie par ses recherches théologiques (l’Université de Toulouse sera ainsi fondée en 1229 par la papauté pour contrer l’hérésie cathare, dès 1217 une bulle pontificale appelle maîtres et étudiants à venir étudier et enseigner dans le Midi). Les professeurs étaient quasiment tous des clercs. A noter que l’enseignement était alors (théoriquement) gratuit : en effet, le savoir étant perçu comme un don de Dieu, le vendre serait se rendre coupable de simonie (trafic et vente des biens et sacrements de l’Église). Les cours cesseront d’être gratuits lorsque les autorités civiles remettront les mains sur les universités à partir du XIVe siècle.

     

    On distingue quatre grandes facultés : la faculté des arts, la faculté de théologie, la faculté de droit (romain et canon) et la faculté de médecine. La faculté des arts est une faculté subalterne qui permet d’accéder à l’une des trois facultés supérieures.

    Note : Ici ne sera traité essentiellement que la faculté des arts (on pouvait d’ailleurs très bien arrêter ses études à sa sortie). Cet article ne se veut pas exhaustif, le sujet étant si vaste qu’il est impossible d’être complet. Je laisse par exemple volontairement à l’écart les querelles autour des Mendiants et autour d’Aristote…

    I. L’organisation de l’Université

    L’Université est une fédération de plusieurs écoles qui sont concurrentes puisque chaque maître dirige un établissement d’enseignement. La fréquentation de l’Université dépend en grande partie du prestige des professeurs, et de nombreux étudiants suivent tel ou tel maître à travers ses pérégrinations en Europe. Dans les universités de renom, les élèves ont des origines géographiques diverses : ils se regroupent au sein de la faculté dans les nations. Dès les années 1220 à Paris, il y a ainsi 4 nations : Français, Normands, Picards et Anglais. Les élèves originaires d’un même pays se groupent ensemble : ceux des pays latins rejoignent les Français, les Germaniques et les Slaves vont avec les Anglais, ceux de l’Ouest se placent avec les Normands tandis que les Flamands se regroupent avec les Picards.

    Chaque nation a son représentant, le procureur, qui participe avec les représentants des autres nations à l’élection du recteur de la faculté (qui est un maître es arts). Celui-ci a des pouvoirs étendus : il fait libérer les étudiants arrêtés par les agents du roi pour les faire juger au sein de l’Université, il fixe le loyer des logements et le prix de location des livres, dirige les finances, peut infliger des amendes et des arrêtés de suspension ou d’exclusion. Il est le représentant de l’Université à l’extérieur avec huit bedeaux (à Paris) : agents qui font exécuter les décisions. Son principal rôle est de protéger les privilèges de l’Université : exemption d’impôts, de toute forme de service militaire et surtout de toute juridiction laïque.

    Les problèmes de gestion sont simples puisque l’Université ne possède pas de bâtiments propres : le maître loue une salle à ses propres frais quand il ne fait pas cours à l’extérieur ou à son domicile. Les collèges (qui ne sont alors pas des établissements d’enseignement mais des résidences où les étudiants pauvres peuvent trouver gîte et couvert), fondés généralement par des mécènes, peuvent aussi accueillir des cours, comme le fameux collège de Robert de Sorbon (fondé en 1253) qui accueillera la faculté de théologie de Paris. Quant aux rentrées d’argent, elles viennent essentiellement des amendes et des contributions après examen.

    II. Cursus et programmes

    L’Université médiévale met fin à l’anarchie qui caractérise les écoles du haut Moyen Âge au niveau du cursus et du programme. En général, l’enseignement à la faculté des arts durait 6 ans, l’élève y entrant vers 14 ans et y sortant vers 20 ans ; il comprend deux examens, passés devant un jury de maîtres : le baccalauréat (attesté à Paris en 1231) au bout de deux ans (qui donne le droit de participer aux disputes) et la licence à la fin du cursus.

    Robert Grossetête
    Robert Grossetête (1175-1253),
    évêque de Lincoln, professeur
    à Oxford. Il est connu pour
    ses travaux sur la lumière.

    Les études « supérieures » sont souvent plus ardues et sont enseignées après 20 ans. Les études de théologie sont les plus difficiles, durant au minimum 8 ans (parfois jusqu’à 15 !) et requérant l’âge de 35 ans au moins pour l’obtention du doctorat.

    Les programmes d’études des facultés des arts sont basés sur ce que l’on appelle le trivium et le quadrivium, concepts hérités du philosophe romain Boèce. La grammaire (étude de la langue), la dialectique (art de raisonner) et la rhétorique (art de persuader) sont les trois disciplines du trivium ; la musique, l’arithmétique, la géométrie et l’astronomie forment le quadrivium. D’une manière générale, l’enseignement donne la belle place à la dialectique, devant le quadrivium et les autres disciplines du trivium. L’Angleterre en revanche met à l’honneur le quadrivium et la pensée scientifique dont les maîtres Robert Grossetête et Roger Bacon seront les plus illustres représentants.

    III. Les livres

    Les études universitaires supposent des livres, ce qui n’est pas sans poser des problèmes d’ordre pratique. Avec le développement de l’instruction, le livre doit cesser d’être un objet de luxe réservé aux élites. Les grandes villes universitaires (comme Paris ou Bologne) deviennent des grands centres de production de livres dont les ateliers surpassent les scriptoria ecclésiastiques.

    Le format même du livre change : les feuilles de parchemin deviennent moins épaisses, plus souples et moins jaunes ; le livre devient plus petit pour être transporté plus facilement ; la minuscule gothique, plus facile à dessiner, remplace la minuscule carolingienne ; la plume d’oie se substitue au roseau pour l’écriture ; les miniatures et enluminures se font beaucoup plus rares, le copistes laissant des espaces blancs pour que l’acheteur, s’il le souhaite, puisse faire peindre des ornementations.

    A la faculté des arts, les auteurs étudiés sont essentiellement, pour la grammaire, Sénèque, Lucain, Virgile, Horace, Ovide, Cicéron. En dialectique, la Logique de Boèce est étudiée jusqu’en 1255 au moins, puis l’Isagogue de Porphyre et l’Organon d’Aristote finissent par être pratiqués en entier. Pour le quadrivium, des traités scientifiques finissent par accompagner les vieux manuels : l’Heptateuque de Thierry de Chartres est ainsi souvent utilisé.
    En droit, ce sont le Décret de Gratien, le Code de Justinien, le Liber Feudorum (lois lombardes, pour Bologne) qui sont étudiés. La faculté de médecine s’appuie surtout sur l’Ars Medecinae, recueil de textes réunis au XIe comprenant des oeuvres d’Hippocrate et de Galien auxquels s’ajoutent plus tard des œuvres d’Avicenne, d’Averroès et de Rhazès. La faculté de théologie ajoute à la Bible le Livre des Sentences de Pierre Lombard et l’Historia Scholastica de Pierre la Mangeur.

    IV. La méthode scolastique

    Cours universitaire - Liber ethicorum
    Cours universitaire, Liber ethicorum (Henricus de Alemania, XIVe).

    L’enseignement médiéval repose pour une grand part sur l’oral et fait appel aux capacités de mémorisation. Les traités pédagogiques donnaient d’ailleurs des conseils pour entretenir sa mémoire et la développer.

    La scolastique (de schola : école), méthode d’enseignement médiévale, se divise en trois parties : lectio, disputatio, determinatio. La lectio (leçon) constitue le point de départ de l’enseignement et consiste en un commentaire du texte étudié (présentation de l’ouvrage étudié, de l’auteur, explication linéaire du texte).

    S’en suit la disputatio (dispute, débat), exercice séparé de la lectio qui consiste à discuter un point du texte. Une question peut être imaginée par le maître puis être débattue au cours d’une séance particulière (« Faut-il honorer ses parents ? Satan sera-t-il sauvé ? »). La dispute oppose les bacheliers en « répondants » (respondentes) et en « opposants » (opponentes). Le maître préside le débat, les étudiants débutants n’y participent pas mais y assistent pour s’y préparer. Cette étape est au cœur de la méthode scolastique, et très appréciée par les étudiants.

    Quand le débat est terminé, les questions et réponses fournissent une matière désordonnée à organiser pour former une doctrine. Cette doctrine est élaborée par le maître et exposée durant la determinatio (détermination), exposé doctrinal ayant lieu quelques jours après la dispute où le maître présente le résultat de sa pensée. La doctrine est mise à l’écrit par le maître ou un auditeur et publiée dans les Questions disputées.
    Plus tard se développe la dispute quodlibétique où le maître se propose de traiter un problème par n’importe qui sur n’importe quel sujet, exercice très difficile supposant une grande vivacité d’esprit car non préparé.

    http://histoire.fdesouche.com

    Bibliographie :
    LE GOFF, Jacques. Les intellectuels au Moyen Âge. Seuil, 1957.
    ROUCHE, Michel. Histoire de l’enseignement et de l’éducation. 1 – Ve av. J.-C. – XVe siècle. Nouvelle Librairie de France, 1981.
    VERGER, Jacques. Culture, enseignement et société en Occident aux XIIe et XIIIe siècles. PUR, 1999.

  • Pour se faire pardonner, la France accroît l'immigration algérienne…

    Les mots les plus durs et souvent inadaptés, prononcés notamment par François Hollande lui-même lors de son discours devant le parlement algérien le 20 décembre dernier, ont ravivé les passions et provoqué certains débordement verbaux. Dans le but de mieux apprécier les retombées de ce discours et sans vouloir attiser la polémique surgie, Polémia a relevé sur le site suisse Commentaires.com un article sous la signature de Philippe Barraud qui, au delà des échanges passionnés franco-français, donne une analyse, froide mais argumentée, que nous soumettons à nos lecteurs. Une vision depuis l’étranger est souvent positive.
    Polémia.

    M. François Hollande, venu faire acte de repentance devant un pouvoir non-démocratique en Algérie, a contribué au déclin de la France. C’était le énième avatar du « sanglot de l’homme blanc », prêt à sacrifier ses valeurs et sa civilisation sur l’autel de la culpabilité.


    Tout le monde y a pensé, mais personne n’a osé l’exprimer: l’Algérie est un pays autoritaire qui méprise les droits de l’homme et en particulier ceux des femmes, où les libertés sont une chimère, où l’économie est en ruine depuis un demi-siècle malgré une manne pétrolière dont on ne sait pas à qui elle profite. Et pourtant, le président de la France vient courber la tête devant un tel pouvoir. Mais bien sûr, dans l’esprit de l’homme blanc repentant façon Hollande, cette situation est la conséquence directe de la colonisation.

    Donc, c’est de notre faute, tout ce qui va mal dans les pays pauvres – ils ne sont pas en voie de développement, ils sont toujours plus pauvres, donc appelons un chat un chat – est toujours de la faute de l’Occident chrétien (chrétien, façon de parler, hélas), tandis que ces pays pauvres sont automatiquement parés de toutes les qualités, puisqu’ils sont des victimes.

    Il est évident que la colonisation a eu des aspects barbares. Mais on ose dire, contrairement aux affirmations de M. Hollande, qu’elle a aussi eu des aspects positifs. Si l’Inde est aujourd’hui la plus grande démocratie du monde, qui oserait prétendre que la colonisation anglaise n’y est pour rien? Rejeter le passé en bloc, ainsi que le fait M. Hollande, revient à juger globalement L’Histoire de la France comme honteuse et condamnable. Ce faisant, il agit en idéologue socialiste, mais certainement pas en citoyen français, et encore moins comme le premier d’entre eux. De quel droit peut-on juger et condamner nos prédécesseurs à la lumière des valeurs d’aujourd’hui? Aurions-nous fait mieux qu’eux, à leur place? C’est faire preuve d’une rare outrecuidance que de prétendre savoir trancher entre le bien et le mal, et rejeter ceux qui, il y a plus d’un siècle, ont eu la malchance de ne pas s’inscrire dans les bonnes cases des grilles de lecture socialistes contemporaines.

    L’Histoire a eu lieu, on ne peut pas la changer, donc, inutile de s’humilier au nom d’une sorte de masochisme purificateur. Au demeurant, lorsqu’il pousse son sanglot d’homme blanc, M. Hollande ne réalise pas qu’il méprise ceux qu’il veut flatter, et aux yeux desquels il croit devoir racheter son pays. L’excellent Pascal Bruckner, qui inventa d’ailleurs le concept du « sanglot de l’homme blanc » (1), analyse finement cette dérive dans son livre La tyrannie de la pénitence (2).


    Voici un extrait que l’on recommande à M. Hollande et à ses faiseurs de discours: « La vague de repentance qui gagne comme une épidémie nos latitudes et surtout les principales églises n’est salutaire qu’à condition d’admettre la réciproque : que d’autres croyances, d’autres régimes reconnaissent, eux aussi, leurs aberrations ! La contrition ne saurait être réservée à quelques-uns et la pureté consentie comme une rente morale à ceux qui se disent humiliés. Pour trop de pays, en Afrique, au Moyen-Orient, en Amérique latine, l’autocritique se confond avec la recherche d’un bouc émissaire commode qui explique leurs malheurs: ce n’est jamais leur faute, toujours celle d’un grand tiers (l’Occident, la mondialisation, le capitalisme). Mais cette division n’est pas exempte de racisme: à refuser aux peuples des tropiques ou d’outre-mer toute responsabilité dans leur situation, on les prive par là même de toute liberté, on les replonge dans la situation d’infantilisme qui a présidé à la colonisation. Chaque guerre, chaque crime contre l’humanité chez les damnés de la terre serait un peu notre faute, devrait nous inciter à battre notre coulpe, à payer sans fin le fait d’appartenir au bloc des nations opulentes. Cette culture de l’excuse est surtout une culture de la condescendance. Rien ne nous autorise à couper l’humanité entre coupables et innocents : car l’innocence est le lot des enfants mais aussi des idiots, des esclaves. Un peuple qui n’est jamais tenu comptable de ses actes a perdu toutes les qualités qui permettent de le traiter comme un semblable. »
Ajoutons cette phrase, dans une note de bas de page, à propos de l’Algérie qui exige des excuses de la France: « Eh bien, qu’on admette publiquement la réalité de la sale guerre, l’usage de la torture, la brutalité de la colonisation dans ce pays. Mais qu’on invite les Algériens à faire de même, à dévoiler leurs parts d’ombre, à balayer devant leur porte. Réciprocité absolue! »
Il n’en est rien bien sûr, on le sait. Au contraire, M. Hollande croit devoir faciliter l’émigration algérienne en France, comme pour racheter le passé, en facilitant l’obtention de visas pour les Algériens ! On croît rêver… La France n’a sans doute pas assez de chômage avec des immigrés non qualifiés, pas assez de problèmes avec les communautés maghrébines qui ont chassé la République des cités, pas assez à faire à gérer les jeunes enragés qui s’abandonnent au jihadisme faute de perspectives, pas assez de familles nombreuses qui vivent exclusivement d’une politique sociale intenable. 
Créer un tel appel d’air à l’immigration musulmane, aujourd’hui, dans une France en voie de paupérisation rapide, voilà une faute politique gravissime, que sanctionnera la crise qui vient. Car bien entendu, lorsque M. Hollande annonce aux Français que la crise est derrière nous, il leur ment éhontément, comme on parle à des faibles d’esprit – ou à d’anciens colonisés. La crise, c’est demain.

    Philippe Barraud http://www.polemia.com
    Commentaires.com
    25/12/2012

    Notes :
    (1) Pascal Bruckner, Le sanglot de l’homme blanc, Seuil 1983, réédition 2002, 309 pages.

    (2) Pascal Bruckner, La tyrannie de la pénitence. Essai sur le masochisme occidental, Grasset, 2006, réédition Livre de poche, collection Littérature & documents, nov. 2008, 251 pages.

  • Communiqué du Front des patriotes en soutien à la manifestation contre tous les impérialismes

    Le Front des patriotes sera présent le 2 février pour participer à la manifestation contre l’impérialisme organisée par Troisième voie (14h place Saint-Germain à Paris).

    Nous appelons tous les patriotes pour qu’ils viennent manifester avec nous contre l’ennemi de tout les peuples l’impérialisme fauteur de guerre (Irak, Serbie, Libye, Syrie, etc) mais aussi l’impérialisme économique et culturel qui souhaite faire du monde un village global.

    31 décembre 2012

  • L’enseignement catholique va t-il se mobiliser contre le « mariage » homosexuel ?

    BORDEAUX (NOVOpress via Infos Bordeaux) - C’est la question qui est posée après l’envoi d’un courrier (ci-dessous) adressé aux 8 500 chefs d’établissement de l’enseignement catholique. Dans celui-ci, son secrétaire général, le bordelais Eric de Labarre (photo), exprime officiellement son « désaccord » avec le projet de loi du gouvernement sur le mariage homosexuel.

    S’il ne quitte pas son habituel ton très feutré, celui dont le fils est prêtre au sein de la Fraternité Saint-Pierre, appelle « chaque école, collège ou lycée » à « prendre les initiatives qui lui paraissent localement les plus adaptées pour permettre à chacun l’exercice d’une liberté éclairée ». En clair, mettre le sujet du « mariage » homosexuel sur la table, et expliquer le danger d’une telle réforme.

    Dans un communiqué de presse, l’Enseignement Catholique précise sa position : « Fort de son expérience et de son expertise éducatives, l’Enseignement Catholique partage le point de vue du plus grand nombre des professionnels de l’enfance. Avec eux, il rappelle que, pour la construction de l’identité et de la personnalité de chaque enfant et de chaque jeune, la reconnaissance de la différence sexuelle et le droit d’accéder à ses origines et à sa propre histoire, sont tout à fait essentiels. Négliger les droits de l’enfant pour faire prévaloir un droit à l’enfant constituerait un très grave contresens dont les enfants seraient les premiers à pâtir. C’est pourquoi l’Enseignement Catholique est en désaccord avec une évolution législative ouvrant le mariage et la parentalité aux couples homosexuels ».

    Si il n’y a pas pour l’instant d’appel à joindre la manifestation du 13 janvier à Paris où l’on attend plusieurs centaines de milliers de personnes, les associations de gauche et d’extrême gauche dénoncent ce soir « un appel à défiler à peine déguisé ».

    L’enseignement catholique va t-il se mobiliser contre le « mariage » homosexuel ?

    http://fr.novopress.info

  • 2013 : Comment l’Union européenne espionnera ses citoyens

    Biométrie, vidéosurveillance, drones, détection des comportements anormaux, modèles mathématiques pour identifier des suspects… L’Union européenne finance plus de 190 programmes de recherche sur la sécurité et la surveillance. Au grand bénéfice des industriels, qui recyclent les technologies militaires pour surveiller les populations. Alors qu’un nouveau programme de recherche est en cours de discussion à Bruxelles, l’Europe continuera-t-elle à céder aux lobbys industriels et à investir des milliards dans le marché de la sécurité ?

    Ils portent des noms étranges : Tiramisu, Pandora, Lotus, Emphasis, Fidelity, Virtuoso… En apparence, ce sont d’inoffensifs acronymes. En réalité, ils cachent 195 projets européens de recherche dans le domaine de la sécurité et de la surveillance. Des projets relativement inquiétants pour nos libertés. Et financés par l’Europe dans le cadre de partenariats public-privé.

    Tout est bon pour combattre « le terrorisme et d’autres activités criminelles comme le trafic d’êtres humains ou la pornographie pédophile ». Et assurer la sécurité des citoyens… Sauf qu’il s’agit aussi avec Indect de détecter « automatiquement » (sic) les comportements suspects, à partir d’images de vidéosurveillance, de données audio ou échangées sur le net. Bienvenue dans Minority Report !

    Exemple le plus emblématique : le projet Indect (« Système d’information intelligent soutenant l’observation, la recherche et la détection pour la sécurité des citoyens en milieu urbain »), lancé il y a quatre ans, dénoncé fin octobre par des manifestations dans toute l’Europe. Indect vise à permettre une « détection automatique » des menaces et des situations dangereuses – comme les cambriolages – ou « l’usage d’objets dangereux » – couteaux ou armes à feu.

    Détecter les comportements « anormaux »

    Concrètement, Indect est un système de surveillance, qui, à partir d’images et de sons captés dans l’espace public et d’informations glanées sur Internet, alerterait les services de police en cas de situation jugée dangereuse : des personnes immobiles dans une rue passante, un mouvement de foule, des véhicules qui roulent au ralenti, un appel louche sur un réseau social. Ces critères « d’anormalité » seront définis par les forces de sécurité…

    Le tout alimentera un moteur de recherche. En plus d’espionner l’espace public, Indect assurera « la surveillance automatique et en continu de ressources publiques, comme les sites web, forums de discussion, réseaux P2P ou systèmes informatiques individuels ». Mais rassurez-vous : des outils pour masquer certaines données privées, comme les visages ou les plaques d’immatriculation sur les images vidéos, sont prévus. Les informations doivent être cryptées avant leur transmission aux services autorisés. Ouf !

    Parmi les instituts de recherche qui participent au projet, aux côtés de plusieurs polices et entreprises [1], celui de l’université de Wuppertal en Allemagne est spécialisé en sécurité des transports et en protection civile contre les catastrophes. L’université vante les effets positifs que pourraient avoir ces techniques pour prévenir une situation comme celle de la Love Parade de Duisbourg, en 2010, où 21 personnes sont mortes dans un mouvement de foule.

    Dans le cadre d’Indect, il développe des modèles mathématiques pour évaluer, à partir d’images de vidéosurveillance, la vitesse des objets, ou « pour détecter le mouvement dans un domaine dangereux, comme les voies dans une gare », explique le porte-parole de l’université, Johannes Bunsch – le seul officiellement autorisé à parler du projet. Courir pour attraper un train, réagir avec un geste brusque, et vous voilà dans le moteur de recherche auquel se connectent les services de police.

    « Le système peut très bien détecter une personne nouant ses lacets dans un magasin ou prenant des photos dans un hall d’aéroport, et considérer cela comme un comportement “anormal”. En réalité, le système ne sait pas s’il s’agit d’un comportement indésirable. Il détecte simplement un comportement qui s’écarte des comportements normaux que nous lui avons appris », illustre le professeur Dariu Gavrila (cité par le site Owni) qui, au sein de l’université d’Amsterdam, travaille sur des algorithmes pour détecter les comportements agressifs.

    Car le but affirmé d’Indect est bien de lutter contre la criminalité et le terrorisme, non pas d’éviter les carambolages sur les autoroutes ou les mouvements de panique tragiques. Et ce, grâce à l’Union européenne qui finance 75% du projet (15 millions d’euros au total). « Nous ne développons que des procédés techniques, se défend prudemment le porte-parole. La compétence de décider comment utiliser la technologie revient aux politiques ». C’est bien là le problème : qui contrôle ces programmes de recherche et à qui bénéficieront-ils ?

    Police et entreprises dans le comité d’éthique

    Pour répondre aux critiques, Indect s’est doté d’un comité d’éthique. Sa composition laisse songeur : parmi les neuf membres, on retrouve deux chefs des services de police impliqués et un industriel d’une des entreprises participantes… Son principe semble pour le moins ambigu : « La maxime “si vous n’avez rien fait de mal, alors vous n’avez rien à craindre” n’est valable que si tous les aspects de la justice criminelle fonctionnent parfaitement, dans toutes les occasions. » [2]

    Faut-il comprendre qu’un citoyen qui tombe par erreur dans les mailles sécuritaires d’Indect n’aura que peu de chance de s’en sortir !? « Les comités d’éthique qui accompagnent les projets comme celui d’Indect sont plutôt des alibis, estime l’eurodéputé allemand Jan Phillip Albrecht (Vert), qui a fait partie du comité d’éthique du projet Addpriv, qui vise à créer des outils pour limiter le stockage de données jugées inutiles et rendre les systèmes de vidéosurveillance « plus compatibles » avec le droit à la vie privée des citoyens.

    Indect est loin d’être le seul programme espion généreusement financé par l’UE. Arena [3] vise à créer un système mobile de surveillance, et est subventionné à hauteur de 3 millions d’euros. Subito repère les propriétaires de bagages non identifiés. Samurai signifie « surveillance des comportements suspects et anormaux à l’aide d’un réseau de caméras et de capteurs pour une meilleure connaissance des situations » [4], dans les aéroports et les espaces publics.

    Il s’agit d’un système de vidéosurveillance avec caméras fixes et mobiles – sur des agents de police en patrouille par exemple –, équipées de capteurs permettant de suivre une personne, de retrouver le propriétaire d’un bagage abandonné ou celui d’un véhicule garé dans un lieu public. Des essais se sont déroulés en 2009 dans l’aéroport londonien d’Heathrow. Bruxelles lui a accordé 2,5 millions d’euros.

    L’enveloppe européenne pour ces dispositifs s’élève à 1,4 milliards d’euros sur cinq ans [5]. Cette future surveillance généralisée se décline dans les transports ferroviaires, les aéroports, et sur les mers, avec des projets notamment conçus pour refouler les migrants.

    Ce programme soulève de nombreuses questions, d’autant qu’il échappe à tout contrôle démocratique et toute objection de la société civile. « Les représentants de la société civile, les parlementaires, tout comme les organisations en charge des libertés civiles et des libertés fondamentales, dont les autorités de protection des données, ont largement été mis de côté », alerte un rapport commandé par le Parlement européen en 2010 [6]. Vive l’Europe des citoyens !

    Une politique de surveillance façonnée par les industriels

    Pas d’élus ni d’organisations non gouvernementales, mais une omniprésence des grandes entreprises du secteur de la sécurité et de la défense ! En particulier les Français : le groupe aéronautique franco-allemand EADS, et ses filiales Cassidian et Astrium, participent à près de 20 projets différents. Thales France en suit 22 projets et en coordonne cinq. Sagem et Morpho, deux filiales du groupe français Safran, participent à 17 projets, qui incluent la mise au point de drones de surveillance, ou la conception de passeports et de fichiers biométriques.

    Chacun avec des millions d’euros de subventions. Des recherches qui assureront sans nul doute de nombreux débouchés pour ces technologies sécuritaires, en Europe et au-delà.

    Pourquoi une telle présence ? « Ce sont en majorité de grandes sociétés de défense, les mêmes qui ont participé à la définition du Programme de recherche européen en matière de sécurité, qui sont les principaux bénéficiaires des fonds », pointe l’étude du Parlement européen.

    Plusieurs multinationales – dont, côté français EADS, Thales, ou Sagem [7] – ont étroitement participé à la définition du programme de recherche lui-même. Depuis 2003, leurs représentants et PDG conseillent la Commission européenne sur le sujet, via différents groupes de travail et comités, qui ont pour mission d’établir les priorités de la politique européenne de recherche en sécurité [8]. A se demander qui, des multinationales ou des institutions élues, définit la politique de sécurité européenne ! « Ce qui intéresse les entreprises du secteur, ce n’est pas tant de surveiller les populations que de faire de l’argent », analyse Jean-Claude Vitran, de la Ligue des droits de l’homme.

    Recycler les technologies militaires

    C’est que le marché européen de la sécurité vaut de l’or. Entre 26 et 36 milliards d’euros. Et 180 000 emplois, selon la Commission européenne, qui estime qu’au cours des dix dernières années, la taille du marché mondial de la sécurité « a quasiment décuplé, passant de quelque 10 milliards d’euros à environ 100 milliards d’euros en 2011. » [9] Mais Bruxelles craint pour la compétitivité des firmes européennes. La solution ? Développer « un véritable marché intérieur des technologies de la sécurité », explique Antonio Tajani, vice-président de la Commission en charge des entreprises. Un marché essentiel pour consolider la position des entreprises du secteur.

    Pour y parvenir, Bruxelles veut exploiter les synergies « entre la recherche en matière de sécurité (civile) et la recherche dans le domaine de la défense ». Une stratégie duale : les technologies développées à des fins militaires peuvent aussi se vendre sur le marché intérieur de la sécurité civile, pour la surveillance des migrants, des citoyens, des transports et des espaces publics.

    « Les industriels de la défense sont conscients que le marché militaire peut s’appliquer à la sécurité civile. Et qu’ils peuvent en faire leurs choux gras », ajoute Jean-Claude Vitran. Les entreprises du secteur profitent des fonds de soutien à la recherche, à tous les niveaux. En plus du volet sécurité du programme de recherche européen, au moins sept pays européens ont lancé depuis des programmes nationaux, dont la France, avec le programme « Concepts, systèmes et outils pour la sécurité globale » de l’Agence nationale de la recherche. Le secteur n’est visiblement pas soumis à l’austérité.

    Vers un contrôle plus grand du Parlement ?

    Et ce n’est pas terminé ! Ce septième programme-cadre européen prendra fin en 2013. Mais l’industrie de la sécurité n’a pas de souci à se faire. Le budget du prochain programme, Horizon 2020, valable pour la période 2014-2020, devrait augmenter. La commission de la recherche et de l’industrie du Parlement européen a adopté le 28 novembre une première proposition [10]. Le montant global alloué à la recherche dépendra des discussions entre chefs de gouvernement des pays membres.

    Une chose est sûre : un volet entier sera de nouveau dédié à la sécurité civile, qui devrait recevoir 2,1% du montant global du programme-cadre. Soit 1,6 milliard d’euros. L’industrie de la sécurité dispose d’un allié au cœur du processus législatif européen. L’un des rapporteurs du texte Horizon 2020, le député conservateur allemand Christian Ehler, est président du conseil d’administration de la German european security association (GESA), une organisation lobbyiste qui regroupe des représentants de l’industrie allemande de la sécurité, de la recherche et des politiques.

    « 2 % du paquet recherche, c’est beaucoup trop. Si ça n’avait tenu qu’à nous, il n’y aurait pas eu de chapitre « sécurité » dans ce programme, souligne Philippe Lamberts, eurodéputé belge (Vert), autre rapporteur du projet Horizon 2020. Le budget européen de recherche n’est pas énorme. Il faut choisir ses priorités. Il y a d’autres domaines de recherche qui sont plus brûlants pour la sécurité européenne, comme l’indépendance en énergie ou en ressources. »

    Les élus verts du Parlement européen ont réussi à introduire des critères d’impact social dans le programme. Tous les appels à projets dans le domaine de la sécurité devront être soumis à une évaluation préalable de leurs conséquences, sur les droits fondamentaux par exemple. « Auparavant, le facteur principal pour choisir les projets, c’était la croissance potentielle de la branche, rappelle le député vert Jan Philipp Albrecht. Il faut des lignes directrices, liées au respect des libertés. Nous avons des restrictions éthiques similaires dans le domaine de la recherche sur les cellules souches. Il faut que soit clairement établi dans quel cadre on a le droit de chercher pour recevoir les fonds européens, et dans quelle limite. »

    Et surtout permettre aux citoyens de garder le contrôle sur un ensemble de projets qui peuvent remettre sérieusement en cause les libertés publiques. A moins que la « compétitivité » des grands groupes du secteur de la sécurité ne prenne, une fois de plus, le dessus.

    Notes

    [1] Douze instituts de recherche, dont l’école d’ingénieur INP de Grenoble – qui n’a pas répondu à notre demande d’informations –, quatre entreprises allemandes et autrichiennes et la police de Pologne et d’Irlande du Nord.

    [2] Lire ici.

    [3] Architecture for the Recognition of threats to mobile assets using Networks of multiple Affordable sensors, Arena.

    [4] Suspicious and abnormal behaviour monitoring using a network of cameras and sensors for situation awareness enhancement

    [5] Le programme cadre européen dispose d’un budget de 51 milliards d’euros attribués à la recherche pour la période 2007-2013, dont 1,4 milliards pour le volet « Sécurité ».

    [6] A télécharger ici.

    [7] Mais aussi BAE Systems, Ericsson, Saab, Siemens…

    [8] Le « Groupe de personnalités » (GoP) en 2003, puis le Comité de conseil de la recherche européenne en sécurité (European Security Research Advisory Board, Esrab) en 2005. En 2007, un troisième comité est créé pour accompagner cette fois le 7ème programme cadre de recherche – le Forum européen pour la recherche et l’innovation en sécurité (Esrif).

    [9] Lire leur communiqué.

    [10] Sur la base d’un premier projet de la Commission. Le texte sera voté en plénière au Parlement européen dans le courant de l’année 2013.

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