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  • Les intellos les plus myopes du monde

    Le Figaro Magazine - 29/10/2005

    L’affaire Battisti, sur laquelle paraît un livre polémique, le confirme : nos penseurs continuent à voir le monde avec des oeillères.

    La scène se passe au Théâtre de l’OEuvre, le 26 juin 2004. Le cas Battisti défraye alors la chronique. Cet Italien est fixé en France depuis treize ans. S’étant fait un nom avec ses romans policiers, il est lié avec ce qu’il y a de plus à gauche dans le petit monde des lettres parisiennes. Mais il vient d’être rattrapé par son passé : ancien militant marxiste, il se trouve sous le coup d’une demande d’extradition que l’Italie a présentée pour deux crimes de sang qu’il a perpétrés au cours des années de plomb du terrorisme transalpin, et pour complicité dans deux autres assassinats. En 1981, alors qu’il était en prison, il avait été libéré par ses amis des PAC (Prolétaires armés pour le communisme). Sa cavale l’avait emmené jusqu’au Mexique, avant qu’il ne rejoigne la France où le pouvoir mitterrandien était réputé refuser les demandes d’extradition émanant de Rome. En 2004, son dossier ayant été relancé, l’écrivain - condamné à la prison à vie - est à nouveau réclamé par la justice de son pays. Du côté de Saint-Germain-des-Prés, c’est le branle-bas de combat : il faut sauver le soldat Battisti, généreux combattant anticapitaliste.

    Au Théâtre de l’OEuvre, donc, un lieu pourtant habitué à toutes sortes de spectacles, la comédie jouée ce soir de juin 2004 vaut le détour. Sous une photo géante du héros, et sous le slogan « Résistances », Fred Vargas, Philippe Sollers et Bernard-Henri Lévy se succèdent à la tribune afin de proclamer leur solidarité avec Cesare Battisti. Mais il n’y a pas que des écrivains : Guy Bedos, Lio, Jacques Higelin, Miou-Miou et Georges Moustaki sont là aussi. Tandis que les orateurs stigmatisent le système pénal italien et ses lois « scélérates », les chanteurs, dans une ambiance Sorbonne-Mai 68, entonnent le grand air de la « révolution permanente ».

    Guillaume Perrault, un journaliste du Figaro, raconte l’épisode dans un livre à paraître le 3 novembre (*). De son enquête, il ressort que ceux qui se sont engagés derrière Battisti l’ont fait parce qu’ils se sont « sentis mis en cause personnellement ». « La plupart de ses défenseurs, remarque l’auteur, étaient prêts à cautionner tous les mensonges pour préserver leurs croyances et leurs souvenirs. La génération Battisti existe : ses membres ont “fait Mai 68″, sont aujourd’hui aux commandes - dans les milieux intellectuels, les médias, la politique -, et ils ne voulaient pas savoir. »

    Ils ne voulaient pas savoir. Ces oeillères, le travail de Perrault apporte les preuves de leur existence. Et permet de ranger l’affaire Battisti parmi les grands moments où des intellectuels français, saisis par le prurit révolutionnaire, ont manifesté leur aveuglement face à la réalité. Depuis les années d’après-guerre où, comme un serpent fascine sa proie, la toute-puissance du Parti communiste fascinait la rive gauche, elle est longue la liste de ces manifestations d’hystérie collective où l’on a vu les mêmes méthodes se mettre en branle. Une campagne étant d’abord lancée afin de faire aboutir telle ou telle revendication, un bouc émissaire est désigné parmi les institutions : l’État, la police, la justice, l’armée, le patronat, etc. Pendant que les opposants éventuels - assimilés aux pires figures du mal, selon la technique de la reductio ad hitlerum analysée par Leo Strauss - sont délégitimés et voués à la vindicte générale, les défilés et les pétitions se succèdent. But : intimider l’opinion, impressionner le pouvoir. Quand l’autorité politique est forte, elle tient le coup. Quand elle est faible, elle cède devant l’assaut conjugué des marcheurs de la Bastille à la Nation et des pétitionnaires du VIe arrondissement.

    En vertu du « sinistrisme immanent » naguère analysé par Albert Thibaudet, ce mécanisme est typique du tropisme à gauche de la vie politique française. Le phénomène connaît cependant des variables, qui tiennent à l’idéologie dominante du moment. La fin des années 40 et les années 50, on l’a dit plus haut, sont sous influence communiste. C’est l’époque où Aragon chante les louanges de Staline et où Emmanuel Mounier affirme que « l’anticommunisme est la force de cristallisation nécessaire et suffisante d’une reprise du fascisme ». Pendant les années 60, l’heure est à l’anticolonialisme. « Abattre un Européen, écrit Jean-Paul Sartre, c’est faire d’une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé. »

    Viennent Mai 68 et ses suites immédiates, où l’on entend ou lit un nombre incalculable de sottises. « Le fascisme d’aujourd’hui ne signifie plus la prise du ministère de l’Intérieur par des groupes d’extrême droite, mais la prise de la France par le ministère de l’Intérieur » : cette phrase de 1971 est signée d’André Glucksmann (qui ne tient plus le même discours). Dans une atmosphère fiévreuse et enfumée par le cannabis, Saint-Germain-des-Prés guette la révolution qui viendra du tiers-monde. Quelques années après la Révolution culturelle (5 millions de morts), Sollers assure que la Chine de Mao représente « espoir et confirmation pour les révolutionnaires du monde entier ». En 1975, quand les Khmers rouges évacuent de force la population de Phnom Penh, Jean Lacouture y voit une « audacieuse transfusion de peuple ».

    Mais au début des années 80, les désillusions sont cruelles : le socialisme ayant partout apporté dictature ou pauvreté, les intellectuels de gauche se replient vers une sorte de protestation morale qui érige les droits de l’homme en critère absolu de jugement politique. C’est le temps de l’antiracisme triomphant, où il convient de s’afficher dans les cocktails en ayant épinglé sur son vêtement la petite main jaune des amis de Harlem Désir. « Tout ce qui est terroir, bourrées, binious, bref franchouillard ou cocardier, nous est étranger, voire odieux », clament Pierre Bergé, Georges-Marc Benamou et Bernard-Henri Lévy, dans le premier numéro de Globe, en 1985. Dix ans plus tard, le gouvernement  de Jacques Chirac tente de prendre des mesures - pourtant timides - destinées à juguler l’immigration illégale. En 1996, lors de l’évacuation des clandestins enfermés dans l’église Saint-Bernard, Léon Schwartzenberg soutient que « les camions stationnés devant l’église rappellent ceux qui partaient pour les camps de concentration ». C’est également à cette époque que Robert Badinter dénonce la « lepénisation des esprits », expression qui permet de diaboliser n’importe qui.

    Concernant les guerres qui déchirent le monde, que ce soit dans les Balkans, en Afrique ou en Orient, c’est encore au nom de la morale que certains déterminent leurs jugements. Reste à savoir si les droits de l’homme font une politique extérieure, et si l’antibushisme suffit à concevoir une géopolitique cohérente.

    Le multiculturalisme et le différentialisme post-soixante-huitards ont aussi conduit certains à nier qu’il pût exister un danger islamiste. « Ses positions méritent d’être débattues, explique en 2003 Michel Tubiana, le président de la Ligue des droits de l’homme, mais Tariq Ramadan avait tout à fait sa place au Forum social européen. » Le leader fondamentaliste et José Bové venaient de se donner l’accolade à Paris. L’« altermondialisme », nébuleuse apparue avec les années 2000, non contente d’ouvrir des passerelles avec l’islamisme, recycle les thèmes qui furent ceux, il y a trente ans, du gauchisme, du pacifisme, de l’écologisme ou du féminisme. « Un vrai Mai 68 à l’échelle mondiale », se réjouit Bernard Kouchner.

    En décembre 1995, la grande grève des cheminots illustrait le renouveau de l’extrême gauche. Les professionnels de la pétition ressortirent leur stylo : « Nous nous reconnaissons pleinement dans ce mouvement qui n’a rien d’une défense des intérêts particuliers. En se battant pour leurs droits sociaux, les grévistes se battent pour l’égalité des droits de toutes et de tous : femmes et hommes, jeunes et vieux, chômeurs et salariés, salariés du public et salariés du privé, immigrés et Français. » Parmi les signataires de ce texte, on relevait le nom de Pierre Bourdieu. Mort en 2002, ce sociologue atrabilaire, néo-théoricien de la lutte des classes, a laissé des disciples. A Paris, il est toujours des idéologues qui cherchent à plier la vie intellectuelle et politique à leurs désirs. Le combat pour la liberté de l’esprit n’est donc pas - et ne sera sans doute jamais - terminé.

    Jean Sévillia http://www.jeansevillia.com

    * Guillaume Perrault, Génération Battisti, Plon.

  • La gauche guidant le peuple

    Le Figaro Hors-Série, « 8 mai 1945, la victoire finale » - 01/05/2005

    Quand les communistes français profitent du rôle joué par l’URSS dans la victoire contre le nazisme pour développer un véritable terrorisme intellectuel.

    Le 6 juin 1944, les Anglo-américains débarquent en Normandie. Le 15 août, c’est en Provence que les Alliés prennent pied sur le continent. Le 25 août, Paris est libéré. Au même moment, sur le front Est, les troupes du Reich reculent. Le 1er août, alors que les Allemands commencent à évacuer Varsovie, l’armée secrète polonaise se soulève. Ce sont les SS qui sont chargés de réprimer l’insurrection. L’armée rouge n’est qu’à 20 km de la ville, mais elle ne bouge pas. Les plans de Staline sont formels : il faut laisser les nazis écraser les patriotes polonais, ce qui épargnera aux Soviétiques de le faire. Le 28 août, les derniers résistants se réfugient dans les égouts de Varsovie, où ils tiendront un mois encore. À Paris, à la mi-septembre, l’IFOP (institut de sondage fondé juste avant la guerre) reprend ses activités. Une de ses premières enquêtes, publiée dans le courant du mois, révèle que pour 61 % des Français, l’URSS est la puissance qui a le plus contribué à la défaite allemande, 29 % attribuant ce mérite aux États-Unis…

    Un an plus tard, en octobre 1945, lors des premières élections législatives d’après-guerre, le parti communiste remporte plus de 26 % des suffrages, devançant les démocrates-chrétiens du MRP et les socialistes de la SFIO. En 1946, ce score monte à 28 % des voix. De 1945 à 1947, les communistes siègent au gouvernement. Le PCF, auréolé de sa participation à la Résistance (« le parti des 75 000 fusillés », chiffre mythologique, supérieur au nombre total des fusillés sous l’Occupation), atteint alors son apogée. Son prestige s’augmente du crédit accordé à l’URSS, ce pays ami dont l’opinion pense qu’il a joué le plus grand rôle dans la défaite de Hitler.

    Un trou de mémoire collectif engloutit ce qui s’est passé quelques années auparavant. En août 1939, les communistes français ont approuvé le pacte germano-soviétique, et pendant que Maurice Thorez, le secrétaire général du PCF, désertait son régiment pour rejoindre l’URSS, le gouvernement Daladier a interdit le Parti et l’Humanité. Six jours après l’entrée des Allemands dans Paris, les communistes ont sollicité l’autorisation de faire reparaître leur quotidien auprès de la Propagandastaffel. C’est en 1941 seulement, quand Hitler a attaqué l’URSS, qu’ils sont entrés dans la Résistance. À la Libération, qui oserait rappeler ces faits ? Thorez a été amnistié, l’entente Hitler-Staline est occultée, et les 4 500 officiers polonais dont les dépouilles ont été exhumées par les Russes à Katyn, selon la version officielle, ont été tués par les nazis.

    Tragique ambiguïté de 1945. La victoire sur l’Allemagne nationale-socialiste, victoire indispensable, victoire vitale, a été remportée grâce au concours de l’Union soviétique. Stratégiquement, il n’existait pas d’autre solution. Mais voilà l’URSS rangée dans le camp de la liberté, et le silence de se faire sur la nature totalitaire de son régime. Comparer le nazisme et le communisme est interdit : s’y risquer, c’est être suspecté de sympathie rétrospective pour Hitler.

    Le résistant Jean Paulhan est un des premiers à en faire l’expérience. Membre du Conseil national des écrivains, il en démissionne, effrayé par la tournure prise par l’épuration. Dès février 1945, le journal communiste Le patriote lance l’accusation : « Monsieur Jean Paulhan, trahissant les Lettres françaises qu’il avait servies durant l’occupation nazie, se met au service de la pensée fascisante. »

    « L’antifascisme : avec ce mot, tout est dit de ce qui va faire le rayonnement du communisme dans l’après-guerre », écrira François Furet dans Le passé d’une illusion. La technique, pour autant, date de l’avant-guerre. Dans les années 30, l’anticléricalisme étant passé de mode, l’antifascisme est le creuset de toutes les gauches. Il sert de dénominateur commun à l’alliance ébauchée, le 12 février 1934, lors de la première manifestation réunissant communistes et socialistes, alliance concrétisée, en juillet 1934, par la signature d’un pacte d’unité d’action entre le parti communiste et la SFIO. C’est aussi l’antifascisme qui prépare la coalition formée entre communistes, socialistes et radicaux, un an plus tard, en vue des élections de 1936 qui donneront la victoire au Front populaire.

    Pour les communistes, ces retrouvailles avec les socialistes obéissent à un choix tactique opéré à Moscou. Après l’écrasement des communistes allemands par les nazis, échec d’une stratégie qui consistait, pour Staline, à laisser Hitler démolir la République de Weimar dans l’espoir que les communistes ramassent le pouvoir, le Kremlin, abandonnant la ligne « classe contre classe », donne consigne aux partis affiliés à la IIIe Internationale de s’allier aux socialistes, afin de former, au nom de la défense de la paix, un front commun contre le fascisme. À Paris, Willi Münzenberg, un agent du Komintern, chef d’orchestre de la propagande pour l’Europe de l’Ouest et l’Allemagne, met cette tactique en oeuvre, pendant qu’Eugen Fried, un Tchèque qui est le véritable chef clandestin du PCF, veille à son application. Il s’agit de faire passer la cause de la paix par la défense de l’URSS, donc du communisme : être pour la paix, c’est être contre Hitler ; être contre Hitler, c’est être pour Staline ; a contrario, être contre Staline, c’est donc être pour Hitler.

    Après-guerre, les communistes resservent cette thématique antifasciste. Le communisme incarne le bien absolu, et le nazisme le mal absolu. À gauche, ceux qui veulent servir la « classe ouvrière » doivent suivre les communistes (le Bien). A droite, l’hostilité à l’encontre du Bien (le communisme) trahit une connivence implicite avec le Mal (le nazisme). La droite libérale et la droite nationale sont complices dans l’anticommunisme ; la droite nationale est en réalité fasciste ; or le paradigme du fascisme est le nazisme. Donc un libéral peut glisser vers le fascisme, car l’anticommunisme conduit au nazisme.

    Immense sophisme, mais d’une puissance d’attraction considérable : qui ne serait pas révulsé par Hitler ? Afin de donner consistance au danger fasciste, il faut donc inventer des fascistes. De Gaulle fonde le Rassemblement du peuple français ? C’est un fasciste. Certains prétendent que l’URSS abrite des camps de concentration ? Ce sont des fascistes. Raymond Aron dénonce le communisme international ? C’est un fasciste.

    Les accords de Yalta, en 1945, ont prévu en Europe de l’Est des élections libres qui n’auront  jamais lieu : la nuit du stalinisme tombe sur les démocraties populaires. « De Stettin, dans la Baltique, à Trieste, dans l’Adriatique, un rideau de fer est descendu à travers le continent », constate Churchill le 5 mars 1946. La guerre froide commence, mais la propagande communiste invente un ennemi fictif : l’impérialisme américain. Et ceux qui se hasardent à mettre en garde contre l’adversaire réel tombent sous le coup de l’accusation suprême, colportée non seulement par les communistes mais par leurs compagnons de route : « L’anticommunisme est la force de cristallisation nécessaire et suffisante d’une reprise du fascisme », affirme Emmanuel Mounier en 1946.

    Le terrorisme intellectuel culmine en 1949, lors du procès Kravchenko. Dans son livre J’ai choisi la liberté, ce citoyen soviétique, réfugié politique aux États-Unis, a exposé la nature totalitaire du régime soviétique. À Paris, un procès l’oppose aux dirigeants des Lettres françaises, hebdomadaire communiste qui l’accuse d’être un faussaire. Kravchenko produit des témoins qui sont tous des rescapés des camps soviétiques, et parfois, comme Marguerite Buber-Neumann, doublement rescapés, puisque cette dernière est passée directement du goulag à Ravensbrück, livrée par Staline à Hitler après le pacte germano-soviétique. Devant le récit de leurs souffrances, l’avocat des Lettres françaises n’a qu’un commentaire : « La propagande nazie continue ». « Un anticommuniste est un chien », s’écriera encore Jean-Paul Sartre en 1961.

    Pour que la vérité sur le système soviétique se fasse jour, il faudra attendre longtemps encore. Mais d’ailleurs, a-t-elle jamais été vraiment faite ?

    Jean Sévillia http://www.jeansevillia.com/

  • La grande manip antifasciste de Münzenberg

    Willi Münzenberg, né en 1889, milita dans sa jeunesse au sein du vieux parti social-démocrate. En contact avec Lénine et les bolcheviks à Zurich dès 1916, il se ralliera en 1918 au mouvement que l'on appelle alors spartakiste.

    En 1920 il représente les jeunesses internationales au Deuxième Congrès de l'IC.

    En 1921, alors âgé de 32 ans, il se rend à Moscou. (1)

    Dès 1922, lors du Quatrième congrès de l'IC il est en mesure de quantifier à hauteur de 40 millions les “êtres humains exposés directement” et de 3 millions de morts les conséquences de la famine en URSS. Le nombre réel de décès semble plus proche de 5 millions. Mais son rôle de propagandiste habile et acharné consistera à s'impliquer dans une “commission internationale de secours aux affamés”, dissimulant les responsabilités et entravant la mise en cause du système affameur.

    À partir de 1924 et jusqu'en 1933, de retour en Allemagne, il siège au Reichstag élu sur les listes du KPD, parti communiste allemand.

    Lorsque le brillant essayiste Philippe Muray le décrit comme un “compagnon de route du bolchevisme”, et le plus talentueux de l'espèce, une telle litote introduit donc un grave contresens. Simple et naïf “compagnon de route” ? Non : agent du Komintern stalinien et du NKVD.

    Plus réaliste, Stephen Koch souligne au contraire (2) que Münzenberg met tout simplement en œuvre les directives de Staline : “Son objectif était de susciter chez les Occidentaux non communistes et bien pensants le préjugé politique qui allait dominer toute l’époque : la conviction que toute opinion favorable à la politique étrangère de l’union soviétique était fondée sur les principes de l’honnêteté la plus élémentaire.”

    Créateur de multiples organisations, comme la “ligue contre l'Impérialisme” il apparaît dès 1926 comme l'inspirateur de la fameuse campagne en faveur de Sacco et Vanzetti. Mais divers témoignages permettent de le situer, comme apparatchik stalinien, au centre de la manipulation d'ensemble.

    L'écrivain alors communiste Manès Sperber qui collabora avec lui de 1927 à 1937 décrit de la sorte son rôle : “Münzenberg poussait des écrivains, des philosophes, des artistes de tout genre à témoigner, par leur signature, qu'ils se plaçaient au premier rang de combattants radicaux […] constituant ainsi des caravanes d'intellectuels qui n'attendaient qu'un signe de lui pour se mettre en route; il choisissait aussi la direction.” (3)

     

     

    Comme on ne prête qu'aux riches on lui a aussi attribué l'inspiration de l'école de Francfort, le recrutement de Kim Philby, le traitement d'André Breton pape infaillible du surréalisme, etc.

    Mais son indiscutable et majeure invention s'identifie à “l'antifascisme”. Non qu'en Italie les militants communistes ne se soient trouvés en opposition au gouvernement de Mussolini et souvent en prison ou en exil. Mais d'une part les relations inter-étatiques entre Rome et Moscou ont parfaitement fonctionné jusqu'en 1941. D'autre part jamais jusqu'au milieu des années 1930 les communistes n'ont accepté d'opérer de différence entre leurs adversaires, leurs rivaux, et les “sociaux-traîtres”. “Feu sur le Blum” écrit le poète Aragon. Et surtout la confusion entre les diverses formes de ce qu'on désigne du terme générique de “fascismes” n'a été mise en œuvre que très tardivement, et artificiellement, par la propagande soviétique. Que M. Poutine affuble, aujourd'hui encore l'Allemagne hitlérienne de cette épithète, (4) qui devient, dans le cas précis dérisoire, en dit long sur cette imprégnation.

    L'idée géniale d'un front commun antifasciste va fonctionner à plein régime à l'occasion de la guerre d'Espagne, entre 1936 et 1938, lorsque les relations germano-soviétiques paraissent glaciales.

    En réalité, le point essentiel découle de la ligne définie en 1920. Celle-ci dominera presque constamment la politique extérieure de Moscou. Elle inspire donc sans mystère la conduite du Komintern, en vertu de l'obligation statutaire de “solidarité internationale”. Vis-à-vis de l'Allemagne, elle avait donné naissance au traité de Rapallo de 1922, par lequel la Reichswehr allait recevoir un soutien permanent de l'Urss, en matériel et en formation de ses cadres. Cet accord sera complété en 1926 par un traité d'amitié. Or à partir de 1933 le gouvernement de Berlin prendra, seul, et de manière provisoire, l'initiative d'un  relatif refroidissement de ces relations. Jamais le Kremlin, de son côté n'a varié dans sa remise en cause du traité de Versailles, ce que ses stratèges appellent “la paix des Alliés” et ce que les hitlériens et les nationalistes allemands dénoncent comme le “diktat”.

    En 1933 le procès de Leipzig consécutif à l'incendie du Reichstag avait donné à Münzenberg l'opportunité d'exprimer tout son talent. Il orchestre une campagne  visant à décrédibiliser l'enquête menée de façon expéditive sous la houlette de Goering, ministre de l'Intérieur de Prusse. L'incendiaire Van der Lubbe, militant d'extrême gauche hollandais, est ainsi présenté tour à tour comme un “nazi puisqu'homosexuel” ou malheureux fantoche conduit sur les lieux de son forfait par des provocateurs policiers. Le procès tournera à la confusion de la dictature allemande, et permettra au dirigeant communiste bulgare Dimitrov, accusé de complicité, de quitter le pays. En fait, protégé par le Guépéou, il sait que sa propre libération a été négociée en coulisse avec la Gestapo, et il se montre étonnamment combattif lors des audiences. (5)

    En 1935 à Paris, Münzenberg organise encore “en sous-main” (6) à la demande d'André Malraux le “Congrès des écrivains pour la défense de la culture”. Il fait venir de Moscou, le temps d'une intervention, Isaac Babel. Celui-ci sera arrêté après son retour, et assassiné par la police en 1940.

    Durant la guerre civile espagnole, à partir de 1936, certes l'Internationale communiste s'engage aux côtés des républicains. Mais en fait elle soutient les Rouges comme la corde soutient le pendu. Et la grande épuration des “antifascistes” commence dès cette époque. Elle se prolongera pendant 15 ans, selon les pays, à partir de la guerre, pendant les luttes secrètes au sein de la résistance ou après le partage de Yalta et Potsdam de 1945, qui transforment la libération en occupation soviétique de l'Europe centrale et orientale.

    À partir de 1939 l'activité de propagande en direction des bonnes consciences ne sert donc plus à rien. Dès le mémorandum de Lord Halifax, lui-même consécutif à la délimitation de la frontière des Sudètes, en octobre 1938 la Grande-Bretagne se prépare au conflit. Au Kremlin, on souhaite que celui-ci abatte l'immense puissance maritime qui domine alors le quart des terres émergées. Certes les radicaux socialistes français, conduits par Daladier président du Conseil, imaginent encore de finasser. La diplomatie de la Wilhelmstraße et les discours du chancelier ménagent ces interlocuteurs, tels des petits cochons roses qui ne voient pas le danger du grand méchant loup.

    Dès lors le grand manipulateur de l'antifascisme Mûnzenberg n'apparaît plus comme un rouage nécessaire. Il devient désormais encombrant. Et au lendemain du pacte du 23 août 1939, il se rebellera. Voici ce qu'il écrit le 6 octobre en direction des communistes français, qui eux-mêmes appliquent sans broncher les directives soviétiques et, au lendemain du partage de la Pologne du 28 septembre demandent dès le 1er octobre la “paix immédiate”.

    “Vous cherchez des arguments pour expliquer les changements à Moscou et leur donner une signification “socialiste” ? écrit-il. Il n'y en a pas (…) le grand fauteur de guerre se trouve aujourd'hui à Moscou et s'appelle Staline”. (7)

    En 1940 on retrouvera son cadavre dans la campagne française. 

     

     

    JG Malliarakis   http://www.insolent.fr/

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    Apostilles

    1. Cf. Jean-Louis Panné “Boris Souvarine” Ed. Robert Laffont 1993 page 115

    2. Cf. Il lui consacre un livre essentiel : “La fin de l'innocence” (The End of Innocence, The Free Press, New-York, 1994, La fin de l'innocence, les intellectuels d'Occident et la tentation stalinienne : 30 ans de guerre secrète, Grasset, Paris, 1995) Lire à ce sujet la notice que Denis Touret consacre à l'auteur.

    3. Cf. Wikipedia

    4. Cf. par exemple sa tribune libre au Figaro en mai 2005 pour le 60e anniversaire de la victoire alliée.

    5. Cf. Panné page 213

    6. Cf. Panné page 221

    7. Cité par Alexandra Viatteau “Staline assassine la Pologne” (ed. Seuil 1999 coll. Archives du communisme) pp 308-309 et par le “Dossier Münzenberg” (Revue “Communisme” Nos 38-39 1994).

    “L'Alliance Staline Hitler”

    Ashs Sous ce titre paraîtra un ouvrage de l'auteur de ces lignes retraçant le contexte de la politique soviétique pendant toute l'entre deux guerres. Il comprend en annexe, et expliquant, plus de 80 documents diplomatiques, caractéristiques de cette alliance. Il sera en vente à partir du 15 mai au prix de 29 euros. Les lecteurs de L'Insolent peuvent y souscrire jusqu'au 30 avril au prix de 20 euros, soit en passant par la page spéciale sur le site des Éditions du Trident, soit en adressant directement un chèque de 20 euros aux Éditions du Trident 39 rue du Cherche Midi 75006 Paris. Tel 06 72 87 31 59.

  • Marine Le Pen sur France 2 : trop facile !

    Marine Le Pen semble actuellement sans rival sérieux. L’émission « Des paroles et des actes » l’a confirmé ce jeudi soir… La présidente du FN y a dominé les débats, donnant l’impression que ses adversaires ont une guerre de retard. Face à ce bloc de granit, presque impossible à faire bouger d’un millimètre, il y avait une armée de desperados, armés de pistolets à eau.

    La production avait, il faut le dire, concocté un menu royal à la blonde inoxydable : véritable gâteau d’apéro vivant, le président du RC Toulon Mourad Boudjelall fut croqué avec gourmandise. Trop facile pour Marine : discours éculé au possible, souvent confus, récité par un arriviste bling-bling…

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  • La stratégie de l’Anaconda

    Pour le géopoliticien allemand Karl Haushofer les Anglo-saxons pratiquent la politique de l’Anaconda, consistant à enserrer progressivement sa proie et à l’étouffer lentement. – Article rédigé par Édouard Rix, pour la revue Réfléchir & Agir, automne 2012, n°42, pp. 45-47.

    Dans “Terre et Mer“, Carl Schmitt rappelle que les cabalistes du Moyen-Age interprétaient l’histoire du monde comme un combat entre un animal marin, une puissante baleine, le Léviathan, et un animal terrien, éléphant ou taureau, le Behemoth (1). Ce dernier essaie de déchirer le Léviathan avec ses défenses ou ses cornes, tandis que la baleine s’efforce de boucher avec ses nageoires la gueule du terrien pour l’affamer ou l’étouffer.

    Pour Schmitt, derrière cette allégorie mythologique se cache le blocus d’une puissance terrestre par une puissance maritime. Il ajoute : « l’histoire mondiale est l’histoire de la lutte des puissances maritimes contre les puissances continentales et des puissances continentales contre les puissances maritimes » (2), axiome que reprendront les géopoliticiens anglo-saxons.

    Le Sea Power de Mahan

    Premier d’entre eux, l’amiral Alfred T. Mahan (1840-1914), qui estime que la puissance maritime (Sea Power) s’est révélée déterminante pour la prospérité des nations. Pour lui, la Mer peut agir contre la Terre – alors que l’inverse n’est pas vrai – et finit toujours par l’emporter. Profondément persuadé que la maîtrise des mers assure la domination des terres, il énonce : « L’Empire de la mer est sans nul doute l’Empire du monde » (3).

    Dans The problem of Asia (1900), il applique à l’Eurasie son paradigme géopolitique, insistant sur la nécessité d’une coalition des puissances maritimes pour contenir la progression vers la haute mer de la grande puissance terrestre de l’époque, la Russie.

    En effet, sa position centrale confère un grand avantage stratégique à l’Empire russe car il peut s’étendre dans tous les sens et ses lignes intérieures ne peuvent être coupées. Par contre, et là réside sa faiblesse, ses accès à la mer sont limités, Mahan ne voyant que trois axes d’expansion possibles: en Europe, pour contourner le verrou des détroits turcs, vers le Golfe persique et sur la Mer de Chine.

    C’est pourquoi il préconise un endiguement de la tellurocratie russe passant par la création d’un vaste front des puissances maritimes, des thalassocraties, qui engloberait les USA, la Grande-Bretagne, l’Allemagne et le Japon.

    Heartland contre World Island

    L’universitaire britannique Halford John Mackinder (1861-1947) s’inspirera de Mahan. Une idée fondamentale traverse toute son œuvre : la confrontation permanente entre la Terre du Milieu ou Heartland, c’est-à-dire la steppe centre-asiatique, et l’Île du Monde ou World Island, la masse continentale Asie-Afrique-Europe.

    C’est dans sa célèbre communication de 1904, « The geographical pivot of history » (Le pivot géographique de l’histoire), qu’il formule sa théorie, que l’on peut résumer ainsi : 1°) la Russie occupe la zone pivot inaccessible à la puissance maritime, à partir de laquelle elle peut entreprendre de conquérir et contrôler la masse continentale eurasienne; 2°) en face, la puissance maritime, à partir de ses bastions (Grande-Bretagne, Etats-Unis, Afrique du Sud, Australie et Japon) inaccessibles à la puissance terrestre, encercle cette dernière et lui interdit d’accéder librement à la haute mer.

    Pour lui, la steppe asiatique, quasi déserte, est la Terre du Milieu (Heartland), entourée de deux croissants fortement peuplés: le croissant intérieur (inner crescent), regroupant l’Inde, la Chine, le Japon et l’Europe, qui jouxte la Terre du Milieu, et le croissant extérieur (outer crescent), constitué d’îles diverses.

    Le croissant intérieur est soumis régulièrement à la poussée des nomades cavaliers venus des steppes de la Terre du Milieu. L’ère « colombienne » voit l’affrontement de deux mobilités, celle de l’Angleterre qui amorce la conquête des mers, et celle de la Russie qui avance progressivement en Sibérie.

    Avec le chemin de fer, la puissance terrestre est désormais capable de déployer ses forces aussi vite que la puissance océanique. Obnubilé par cette révolution des transports, qui permettra à la Russie de développer un espace industrialisé autonome et fermé au commerce des thalassocraties, Mackinder conclut à la supériorité de la puissance tellurique, résumant sa pensée dans un aphorisme saisissant : «Qui tient l’Europe continentale contrôle le Heartland. Qui tient le Heartland contrôle la World Island ».

    Effectivement, toute autonomisation économique de l’espace centre-asiatique conduit automatiquement à une réorganisation du flux des échanges, le croissant interne ayant alors intérêt à développer ses relations commerciales avec la Terre du Milieu, au détriment des thalassocraties anglo-saxonnes.

    Dans Democratic Ideals and Reality (1919), Mackinder rappelle l’importance de la masse continentale russe, que les thalassocraties ne peuvent ni contrôler depuis la mer ni envahir complètement. Concrètement, il faut selon lui impérativement séparer l’Allemagne de la Russie par un « cordon sanitaire», afin d’empêcher l’unité du continent eurasiatique.

    Politique prophylactique suivie par Lord Curzon, qui nomme l’universitaire Haut commissaire britannique en « Russie du Sud », où une mission militaire assiste les Blancs de Dénikine et obtient qu’ils reconnaissent de facto la nouvelle république d’Ukraine…

    Pour rendre impossible l’unification de l’Eurasie, Mackinder préconise la balkanisation de l’Europe orientale, l’amputation de la Russie de son glacis baltique et ukrainien, le « containment » des forces russes en Asie.

    Le Rimland de Spykman

    L’idée fondamentale posée par Mahan et Mackinder, interdire à la Russie l’accès à la haute mer, sera reformulée par Nicholas John Spykman (1893-1943), qui insiste sur l’impérieuse nécessité de contrôler l’anneau maritime ou Rimland, cette zone littorale bordant la Terre du Milieu et qui court de la Norvège à la Corée. Pour lui, « qui maîtrise l’anneau maritime tient l’Eurasie, qui tient l’Eurasie maîtrise la destinée du monde » (4).

    Alors que chez Mackinder le croissant intérieur est un espace de civilisation élevé mais fragile, car toujours menacé de tomber sous la coupe des « barbares dynamiques » du Heartland, chez Spykman le Rimland constitue un atout géopolitique majeur, non plus à la périphérie mais au centre de gravité géostratégique.

    Pour lui, la position des territoires du Rimland « par rapport à l’Équateur, aux océans et aux masses terrestres détermine leur proximité du centre de puissance et des zones de conflit; c’est sur leur territoire que se stabilisent les voies de communication; leur position par rapport à leurs voisins immédiats définit les conditions relatives aux potentialités de l’ennemi, déterminant de ce fait le problème de base de la sécurité nationale » (5). Après 1945, la politique extérieure américaine va suivre exactement la géopolitique de Spykman en cherchant à occuper tout le Rimland et à encercler ainsi le cœur de l’Eurasie représenté désormais par l’URSS et ses satellites. Dès le déclenchement de la Guerre froide, les Etats-Unis tenteront, par une politique de « containment » de l’URSS, de contrôler le Rimland au moyen d’une longue chaîne de pactes régionaux : OTAN, Pacte de Bagdad puis Organisation du traité central du Moyen-Orient, OTASE et ANZUS.

    Toutefois, dès 1963, le géopoliticien Saül B. Cohen proposera une politique plus ciblée visant à garder uniquement le contrôle des zones stratégiques vitales et à remplacer le réseau de pactes et de traités allant de la Turquie au Japon par une Maritime Asian Treaty Organization (MATO) (6).

    Le Grand Échiquier

    La géopolitique classique tenait l’Eurasie pour le pivot du monde. Avec la disparition de l’URSS en 1991, la superpuissance unique que constituent désormais les USA est devenu le pivot géopolitique mondial et l’arbitre du continent eurasiatique. L’on aurait pu s’attendre à un redéploiement stratégique de l’Amérique et à une rupture avec la vulgate mackindérienne. Il n’en a rien été.

    A tel point qu’aujourd’hui encore, le conseiller officieux de politique étrangère le plus écouté du président Obama se révèle être un disciple zélé de Mackinder. Il s’agit de Zbigniew Brzezinski, ami de David Rockefeller avec qui il cofonda la Commission Trilatérale en 1973, et ex conseiller à la sécurité nationale du président Carter de 1977 à 1980. Son œuvre théorique majeure, Le Grand Echiquier (1997), reprend la doxa géopolitique anglo-saxonne. En prélude, Brzezinski rappelle que « l’Eurasie reste l’échiquier sur lequel se déroule la lutte pour la primauté mondiale » (7).

    Les chiffres parlent d’eux-mêmes : « On dénombre environ 75% de la population mondiale en eurasie, ainsi que la plus grande partie des ressources physiques, sous forme d’entreprises ou de gisements de matières premières. L’addition des produits nationaux bruts du continent compte pour quelque 60% du total mondial. Les trois quarts des ressources énergétiques connues y sont concentrées » (8).

    Pour que la suprématie américaine perdure, il faut éviter qu’un État ou un groupe d’États ne puisse devenir hégémonique sur la masse eurasiatique. Considérant que la principale menace vient de la Russie, Brzezinski préconise son encerclement – toujours cette stratégie de l’Anaconda – par l’implantation de bases militaires, ou à défaut de régimes amis, dans les ex- républiques soviétiques. Selon Brzezinski, l’effort américain doit porter sur trois régions clés. D’abord l’Ukraine, car écrit-il « Sans l’Ukraine la Russie cesse d’être un empire en Eurasie » (9).

    Il ajoute : « Pour Moscou, en revanche, rétablir le contrôle sur l’Ukraine – un pays de cinquante-deux millions d’habitants doté de ressources nombreuses et d’un accès à la mer Noire -, c’est s’assurer les moyens de redevenir un État impérial puissant » (10). Autre cible, l’Azerbaïdjan qui, « en dépit de ses faibles dimensions et de sa population limitée, recouvre une zone névralgique, car elle contrôle l’accès aux richesses du bassin de la Caspienne et de l’Asie centrale » (11).

    Brzezinski précise les enjeux : « Un Azerbaïdjan indépendant, relié aux marchés occidentaux par des pipelines qui évitent les territoires russes, permet la jonction entre les économies développées, fortes consommatrices d’énergie, et les gisements convoités des républiques d’Asie centrale » (12).

    A ces deux pivots géopolitiques sensibles, il ajoute l’Asie centrale musulmane qu’il s’agit de désenclaver afin de transporter vers l’ouest et vers le sud le gaz et le pétrole du Turkménistan et du Kazakhstan sans passer par la Russie, l’État-clé de la région étant l’Ouzbékistan. Ce dernier, « le plus dynamique et le plus peuplé des pays d’Asie centrale serait l’obstacle majeur à une restauration du contrôle russe sur la région. » (13). Il ne s’agit plus pour l’Amérique de pratiquer l’endiguement de la guerre froide mais le refoulement (roll back).

    Conclusion de Brzezinski : « Pour la première fois dans l’histoire, la scène principale du monde, l’Eurasie, est dominée par une puissance non eurasienne » (14), l’Amérique. Cependant « un scénario présenterait un grand danger potentiel » pour le Grand Jeu américain, « la naissance d’une grande coalition entre laChine, la Russie et peut-être l’Iran » (15). N’assiste-t-on pas à la naissance d’une telle coalition « anti-hégémonique » à l’occasion de la crise syrienne ?

    Notes:

    (1) Les noms de Léviathan et de Behemoth sont empruntés aux chapitres 40 et 41 du Livre de Job.

    (2) C. Schmitt, Terre et Mer, Le Labyrinthe, Paris, 1985, p. 23.

    (3) A.T. Mahan, The problem of Asia an its effect upon international policies,, Sampson Low-Marston, London, 1900, p.63.

    (4) N. Spykman, The geography of the peace, Harcourt-Brace, New-York, 1944, p. 43.

    (5) Ibid, p.5.

    (6) Saül B. Cohen, Geography and politics in a World divided, Methuen, Londres, 1963, 2e édition 1973, p.307.

    (7) Z. Brzezinski, Le Grand Échiquier, Bayard éditions, Paris, 1997, p. 24.

    (8) Ibid, p. 59.

    (9) Ibid, p. 74.

    (10) Ibid, p. 75.

    (11) Ibid.

    (12) Ibid.

    (13) Ibid, p. 160.

    (14) Ibid, p. 253.

    (15) Ibid, p. 84.

    http://fortune.fdesouche.com/335901-la-strategie-de-lanaconda#more-335901

  • Jacques Collin : « L’intelligence des plantes est démontrée par la CIA »

  • Interview de Renaud Pascani, responsable du projet Entraide – Solidarité – Famille (ESF)

    Interview de Renaud Pascani, responsable du projet Entraide – Solidarité – Famille (ESF)

    au sein de l’association Solidarité Populaire du Réseau MAS,

    dans le numéro 46 de la revue Réfléchir & Agir

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    Ils sont jeunes et ils réinventent le nationalisme-révolutionnaire du XXIème siècle, celui qui s’ancre non pas dans l’intellectualisme, mais dans le réel. Ils ont compris que le préalable à la conquête du pouvoir est d’abord la conquête des esprits par le combat culturel, mais aussi la conquête des cœurs par le combat social.

    1. Qu’est-ce que le projet ESF ?

    Entraide Solidarité Famille, est un projet réalisé dans le cadre de l’association Solidarité Populaire (et fait partie du réseau MAS). Il vise à venir en aide aux familles d’origine européenne en situation précaire. C’est d’abord un groupe de militants, décidés à apporter une aide concrète et durable à une partie de la population trop souvent oubliée dans son propre pays.

    2. Comment en êtes-vous venus à réaliser un tel projet ?

    Nous sommes partis de plusieurs constats alarmants au sein d’une France, et plus généralement d’une Europe en pleine paupérisation. Premièrement, une situation économique et sociale extrêmement défavorable à ces familles, que nous constatons par des indicateurs variés comme la hausse du chômage, du prix des denrées alimentaires et de l’énergie, ainsi que le coût du logement. Tous ces facteurs impactent directement des personnes qui peinent à s’en sortir à la fin du mois, malgré leur volonté de subvenir à leurs besoins. Deuxièmement, c’est le manque de solidarité que nous pouvons constater au sein de notre communauté, là où les extra-européens ont développé de véritables réseaux d’entraide. Je viens d’un quartier très populaire, et c’est effarant de voir le manque de liens entre les Blancs. Enfin, l’Etat français par sa politique immigrationniste suicidaire privilégie une minorité qui n’en est déjà plus une dans nombre de nos quartiers, ceci par le détournement par exemple des prestations sociales. Pour toutes ces raisons, il nous a semblé qu’il était plus que temps de développer notre propre maillage communautaire européen.

    3. Comment vous y prenez-vous ?

    Avant de décrire les modalités de notre action, il est important de décrire la philosophie de ce projet. Nous nous inscrivons dans une logique solidaire, et non pas d’assistanat. Si les familles que nous aidons peuvent être soutenues ponctuellement, elles auront aussi l’occasion de rendre la pareille à une autre famille, lorsqu’elles seront sorties de cette situation. C’est d’ailleurs une demande expresse de toutes les familles que nous suivons, de participer à un réseau, plutôt qu’une simple aide sans suivi. Cela m’amène au deuxième pilier de notre action, à savoir un véritable soutien et l’intégration à un réseau solidaire et réaliste. Nous sommes amenés à organiser des convois de premières nécessités : couches, nourriture, jouets etc. Ensuite nous proposons des solutions à moyen et long termes. Cela peut prendre des formes variées, comme un soutien de compétence (juridique, scolaire etc.), de financement de projet par le microcrédit ou encore de l’aide à la rénovation de bâtiment. Je prends ce dernier exemple car c’est le projet que nous menons actuellement. Nous aidons une famille qui a du quitter sous la pression une cité de banlieue parisienne pour élever leurs trois enfants dans un milieu décent. Malheureusement, la maison qu’ils ont achetée avec leurs maigres économies n’a pas d’isolation. Nous voulions à tout prix éviter que les parents et les enfants dorment dans des chambres avec des températures à un chiffre…

    4. Concrètement ça donne quoi avec cette famille ?

    Au niveau matériel, plusieurs convois chargés de biens de première nécessité, un camion de 20m3 de matériel pour le chantier d’isolation. Mais c’est aussi une aventure sur le plan humain, de nombreux bénévoles sont allés travailler sur ce chantier, et ont partagés des moments très conviviaux avec la famille. C’est aussi ça la solidarité et le social, des liens humains, et des bons moments passés ensembles. Tous les militants qui ont participé à ce genre d’intervention en ont gardé un souvenir ravi, moi le premier.

    5. Justement, tu abordes le terrain politique, qu’ y a-t-il de nouveau dans ce projet ?

    J’ai été militant dans plusieurs groupes avant d’en arriver là. Il y a eu une véritable prise de conscience de l’importance du social dans nos milieux. Casapound bien sûr, mais à mon sens l’exemple de plus probant est à chercher hors de nos frontières. Certains précurseurs ont conçu le social comme une nécessité humaine communautaire, mais aussi comme une arme politique. Je parle ici des Frères Musulmans (et plus tard du Hamas) dans leurs réalisations et leur conception du social. La pensée de leur fondateur (Hassan El-Banna) était impressionnante de clairvoyance pour l’époque. Il ne se leurrait pas dans une hypothétique conquête violente« par le grand soir » de l’État égyptien, ni même une ascension par les urnes qui ne constituaient qu’un point ultime de sa stratégie. Au contraire, il considérait que la lutte politique devait se mener par le bas avec le social. En développant un réseau d’entraide efficace et solidaire qui parait aux défaillances de l’État. L’objectif était de changer profondément les mentalités, afin d’intégrer à un réseau, l’individu, la famille, le peuple (par ses syndicats, associations, villes etc.) puis l’État lui-même. Nous avons pu constater l’efficacité de cette méthode ces dernières années par la montée en puissance des Frères Musulmans en Égypte ou du Hamas en Palestine par exemple. Certes, cette ascension a reposé sur le pilier de la religion, mais la nôtre s’appelle identité française et paneuropéenne, et elle est tout aussi forte. Nous avons laissé depuis trop longtemps le terrain social à l’extrême gauche, qui si elle n’est pas directement au pouvoir, possède une emprise déterminante sur nombre de structures capitales comme l’école ou les syndicats. Cette situation a mené notre continent à la ruine, et il est plus que temps de le réinvestir. C’est aussi une autre vision du militantisme, non plus axé sur la dénonciation ou la contestation, mais au contraire vers une démarche créatrice et positive. Cela suppose un véritable changement d’esprit, nous ne nous contentons pas de coller des affiches ou créer des pages web au contenu enflammé, nous agissons avec sérieux dans le réel pour et par notre communauté.

    6. Comment vous aider ?

    Il est possible de nous aider de plusieurs manières. Le nerf de la guerre reste les dons, qui rendent possible notre activité, mais pas seulement. Sur le plan humain, il est tout à fait possible de nous soutenir selon ses spécialités et envies. Les bonnes volontés peuvent prendre des formes diverses, comme le conseil spécialisé selon les compétences de chacun (bâtiment, juridique etc.) ou encore la participation aux chantiers. Que les lecteurs n’hésitent pas à consulter notre blog, ils peuvent nous joindre par ce biais, nous trouverons une modalité de participation à nos activités plaisante et utile à tout le monde. Dernier point et pas des moindres, n’hésitez pas à nous signaler une famille en précarité qui pourrait bénéficier de notre soutien. Nous les contacterons dans les plus brefs délais, et tâcherons de les aider du mieux que nous pourrons dans la limite de nos moyens et selon leurs besoins.

    Solidarité Populaire

    http://cerclenonconforme.hautetfort.com/archive/2014/04/12/interview-de-renaud-pascani-responsable-du-projet-entraide-s-5345078.html

  • Jacques Bompard félicite l’initiative « Un de Nous » de son succès au Parlement européen

    Dans un communiqué de presse, le député du Vaucluse Jacques Bompard a tenu à féliciter l’initiative européenne « Un de Nous », qui vise à interdire le financement de la recherche sur les embryons humains et qui était auditionné hier au Parlement européen.

    « Jacques Bompard se félicite de l’initiative « Un de nous » qui a permis de réunir près de deux millions de signatures demandant l’arrêt du financement européen, c’est à dire de la ponction du contribuable français, de la recherche sur l’embryon et de la promotion de l’avortement dans nos programmes d’aide humanitaire.

    Les débats furent vifs mais Jacques Bompard relève que la salle soutenait très majoritairement les défenseurs de la vie, qui ne se virent opposer que des anathèmes classiques . Madame Lunacek se résolut même à quitter la salle au milieu des discussions réalisant sans doute que l’opinion publique européenne ne soutiendrait plus les élucubrations dont elle avait déjà emplie son fameux rapport.

    Jacques Bompard tient à féliciter Grégor Puppinck pour son allocution introductive qui fit un lien efficace entre la barbarie des manipulations sur l’embryon et l’esclavage, mais également Bruno GollniSch qui a délivré un propos fort combatif. Jacques Bompard note la grande tension des adorateurs de la culture de mort pendant les débats et se réjouis que l’initiative soit désormais du côté de défenseurs du caractère sacré et indisponible de la vie. »

    http://medias-presse.info/jacques-bompard-felicite-linitiative-un-de-nous-de-son-succes-au-parlement-europeen/8668

  • Camille Galic à L’AF 2883 : « Je partage assez largement le pessimisme de Dame Agatha sur ce qu’elle appelle "notre époque dégénérée" ! »

    Camille Galic, directeur et rédacteur en chef de 1983 à 2010 de l’hebdomadaire Rivarol après s’être vouée dès sa prime jeunesse à la politique, a surpris son monde en publiant fin décembre une biographie d’Agatha Christie aux éditions Pardès, dans la collection « Qui suis-je ? ». Un virage assez curieux — à première vue en tout cas — pour qu’on lui demande de s’en expliquer.

     

    L’AF 2883 - On sent que ce qui vous lie à Agatha Christie va bien au-delà d’une simple passion pour les romans policiers...

    Camille Galic - J’écris dans le livre que je l’avais découverte jeune adolescente avec L’Homme au complet marron, qui se déroule pour l’essentiel en Rhodésie, et Rendez-vous avec la mort, situé à Petra en Jordanie, deux endroits qui me firent rêver. Mais c’est surtout à travers son autobiographie, terminée en 1965 mais publiée en 1980 quatre ans après sa mort, que je me suis aperçue que la romancière à l’imagination si fertile dans l’élaboration de ses intrigues policières valait qu’on s’intéresse à elle car c’était une personnalité aussi intéressante qu’attachante.

    D’une part, elle est pleine d’humour et pratique même l’art assez rare de l’autodérision comme le prouve son personnage d’Ariadne Oliver, son double, très sympathique mais parfois ridicule quand elle assaille Poirot d’hypothèses abracadabrantes. Et si elle multiplie les anecdotes sur ses débuts et ses affres de romancière, sa gourmandise ou son étourderie, elle reste extraordinairement réservée sur sa vie privée, se contentant de dire que l’année 1926 où elle perdit sa mère, où Christie lui annonça son intention de divorcer, et où se produisit sa mystérieuse disparition, dont elle ne souffle mot, fut « la plus pénible de sa vie ».

    D’autre part, elle reste modeste quant à son apport à la littérature, elle qui sera jusqu’à sa mort une lectrice « vorace » des grands poètes anglais, qui lui ont inspiré tant de titres de ses romans.

    Enfin et surtout, elle mériterait de figurer dans le « défilé des réfractaires » qu’a brossé Bruno de Cessole tant ses convictions seraient aujourd’hui qualifiées de rétrogrades et de sulfureuses. Elle est salutairement réactionnaire, en ce sens qu’elle voit clairement, dès les années 60, les fléaux qui s’abattront à la fin du siècle : l’hégémonie des nouvelles technologies, l’hyperconsommation qui conduit à l’endettement des ménages et l’hypersexualisation de notre société conduisant à la dissolution de la famille et à la multiplication des viols alors qu’on tympanise le public avec la libération de la femme.

    Comment expliquer le fait qu’elle n’ait connu aucun purgatoire alors même qu’elle semble si éloignée de la mentalité actuelle, notamment du politiquement correct ?

    Si la presse et les pseudo-intellectuels privilégient l’anachronisme pour condamner les opinions d’écrivains d’hier au regard des critères d’aujourd’hui, les lecteurs ne tombent pas dans ce travers. Ce qui les intéresse dans un livre, c’est l’intrigue, les personnages et l’univers dans lequel ceux-ci se meuvent. Or, les intrigues de Christie sont très astucieuses, ses personnages existent charnellement et son univers Old England, avec ses cottages, ses châteaux, ses presbytères, ses vieilles filles et ses avocats de village fait un peu figure de paradis perdu pour ceux qui subissent et la « dissociété », pour reprendre le mot de Marcel De Corte, et la société plurielle. C’est la raison pour laquelle, à mon avis, la vente des romans d’Agatha Christie n’a cessé d’augmenter depuis sa mort. Reste à savoir si l’universitaire Sophie Hannah, qui a été choisie pour ressusciter Hercule Poirot dans un roman à paraître en septembre, mais censé se dérouler vers 1930, restera dans la ligne « christienne » ou cédera à l’air du temps…

    La romancière déplorait l’emprise de « l’émotion » sur les media et donc sur l’opinion publique : cela rejoint le thème de votre livre, signé Claude Lorne, Les Médias en servitude, paru en 2012 chez Polémia...

    En effet, et cela m’a frappée. Elle-même avait été victime de l’acharnement de la presse après sa disparition, consécutive à la décision de son mari Archibald Christie de divorcer, et cette impression d’être un « renard traqué » explique sa méfiance, voire son hostilité, envers les journalistes. Mais, à mon avis, et au-delà de son cas personnel, elle voyait dans cette course au sensationnalisme, même de la part des journaux théoriquement les plus respectables, une autre preuve de notre décadence. Et cela s’est aggravé avec la prééminence des mass-media sur la presse écrite. Et le pire est que si les media surréagisent sous le coup de l’émotion provoquée par tel fait divers, les gouvernements suivent de manière moutonnière en faisant légiférer sur des sujets sans intérêt véritable. Souvenons-nous que l’extension de la loi Gayssot à l’homophobie fut adoptée à la suite de l’« ignoble agression » d’un inverti, en réalité tabassé… par son petit ami comme on l’apprit plus tard !

    Quel regard l’analyste politique que vous demeurez jette-t-elle sur la situation française ? 

    L’immense succès des Manifs pour tous et du Jour de colère, comme la bonne surprise des dernières municipales, montrent qu’un sursaut se dessine. Je voudrais croire qu’il sera durable et se généralisera et que seront dessillés les yeux de ceux qui se sont laissés prendre aux mirages du progrès indéfini, de la mondialisation et surtout de la « France black-blanc-beur » où envahisseurs et envahis sont censés "s’enrichir de leurs différences". Mais les ravages exercés ces dernières décennies sont tels en matière civilisationnelle, avec la faillite de l’Education nationale et des « élites » politiques et parfois -, hélas !, religieuses à la remorque des minorités dites visibles et sexuelles, la dégradation d’une institution judiciaire s’éloignant de plus en plus du droit pour privilégier une éthique d’ailleurs sélective, etc., qu’ils me paraissent irréparables. À vue humaine en tout cas.

    Vous voyez que je partage assez largement le pessimisme de Dame Agatha sur ce qu’elle appelle « notre époque dégénérée » !

    Propos recueillis par François MarcilhacL’AF 2883

    http://www.actionfrancaise.net/craf/?Entretien-Camille-Galic-a-L-AF