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  • Maître de l’univers

    Après une vie au service de banques d’investissement allemandes, Rainer Voss, la cinquantaine, a décidé de parler. Depuis des locaux désaffectés du quartier des affaires de Francfort, il décrit par le menu le monde qu’il a fini par quitter : son ascension dans les années 1980, la libéralisation à outrance, la dérégulation et les “innovations financières” qui ont pu offrir à ceux qui en maîtrisaient les arcanes la sensation d’être les maîtres de l’univers.

    Les acteurs du secteur, brassant quotidiennement des millions d’euros, se sont peu à peu éloignés du monde réel, tandis que la finance se déconnectait des réalités économiques et sociales.

    Une secte

    Avec minutie, Rainer Voss détaille la complexification et l’interconnexion croissante des affaires traitées, mais aussi la manière dont l’entreprise dévore ses employés : travailler plusieurs nuits d’affilée, ne pas parler politique ni questionner le bien-fondé des décisions, faire preuve d’une loyauté indéfectible pour son entreprise – un monde aux allures de secte, aux répercussions colossales sur l’économie mondiale.

    Pour le réalisateur, il a été difficile de trouver un banquier prêt à parler devant la caméra. Le résultat est un stupéfiant dialogue, à la fois démonstration à charge et confession intime.

    http://fortune.fdesouche.com/

  • Esteban Morillo enfin libre !

    Esteban Morillo vient d’être relâché des geôles des socialistes.

    Accusé d’avoir provoqué la mort d’un jeune voyou d’extrême-gauche, en se défendant contre lui et ses comparses qui l’agressaient, ce jeune patriote a passé un an et trois mois sous les verrous, de façon aussi absurde que scandaleuse.

    Mis en examen pour « violences volontaires en réunion et avec arme ayant entraîné la mort sans intention de la donner », Esteban Morillo sera soumis à un contrôle judiciaire strict qui lui interdit notamment de quitter son département de résidence, a-t-on précisé.

    Comme nous l’écrivions il y a encore quelques semaines, les textos trouvés dans le portable de Clément Méric montraient clairement le piège tendu par ces « antifas » à Estaban et ses camarades. En plus de son année perdue en prison, Esteban aura subit les conséquences d’une campagne de désinformation savamment orchestrée qui ne sera probablement jamais corrigée.

    http://www.contre-info.com/

  • Le CRAN attaque des spécialités auxerroises vieilles d’un siècle…

    … A cause de leurs noms ! Ils n’ont rien d’autre à faire que de lancer des campagnes polémiques pour justifier les subventions publiques.

    Lu sur Lyonne.fr : L’affaire a démarré lundi quand de nombreux internautes ont saisi le Conseil Représentatif des Associations Noires de France (CRAN) et Sortir du Colonialisme « à propos d’un magasin très spécial à Auxerre », selon ces associations.

    En cause, deux produits vendus dans cette chocolaterie, du nom de « négro » et « bamboula ». Face à la polémique, le commerce a expliqué lundi sur sa page Facebook qu’il s’agissait là de spécialités auxerroises vieilles d’un siècle, conçues à l’époque pour « rendre hommage » aux tirailleurs sénégalais blessés durant la guerre et à une danse africaine. Bref, « en aucun cas une injure ou un autre qualificatif raciste ». (NDLR : tenter de se justifier ne change jamais rien)

    Ces explications n’ont pas convaincu le CRAN et Sortir du Colonialisme, qui ont dénoncé, mardi dans un communiqué, « un revival de l’imagerie coloniale la plus nauséabonde » en exigeant que « la chocolaterie de la honte retire de la vente ces horreurs ».

    http://www.contre-info.com/

  • Manuel Valls, le nouveau Sarkozy ?

    En étant applaudi par une salle debout à la fin de l’université d’été du PS, il a franchi le dernier portique du slalom géant. Ce n’était pas gagné.   

    Valls a globalement réussi ce qui était pour lui la semaine de tous les dangers. En étant applaudi par une salle debout à la fin de l’université d’été du PS, il a franchi le dernier portique du slalom géant. Ce n’était pas gagné.

    La tactique a été habile : une qualité qui ne pouvait être prêtée à la gauche depuis longtemps ! Mais son « réalisme » ne peut étonner qu’un pays habitué à ce que les socialistes viennent périodiquement le couler avec des idées stupides délaissées partout ailleurs depuis des décennies. Elles n’ont encore cours en France qu’en raison de l’idéologie dominante, notamment dans les médias, chez ces journalistes qui votent très majoritairement à gauche, et à cause de l’ignorance criminelle du microcosme politique à l’égard de l’économie et de l’entreprise. On ne devrait jamais confier une Ferrari à quelqu’un qui n’a fait que du vélo dans son jardin. Mais Valls a aussitôt compensé cette saillie par quatre manœuvres d’équilibre.

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  • Camille Vachère d'en haut.

  • Exclusif : l’OTAN va attaquer la Russie avec 12 avions

    Vous, je ne sais pas, mais moi, je suis quelque peu désappointé par la lecture des prises de positions sur l’Ukraine vues sur Twitter, Facebook et autres commentaires parus sur d’honorables sites d’information – sans même parler de sites plus folkloriques, et je ne parle pas là du Gorafi. Si vous le voulez bien, résumons les événements de ces derniers mois, vus par nos experts en relations internationale en herbe (attention, parodie. Mais pas trop quand même).

    Tout commence par Euromaïdan : une poignée de fascistes soutenus par BHL et John McCain renverse le gouvernement ukrainien. Oui, ce sont des oligarques corrompus mais les autres aussi sont des oligarques corrompus, en plus, ils sont nazis. L’accord d’association proposé par l’Europe (tiens, c’est marrant, je pensais qu’au niveau défense, elle n’était nulle part) est en fait un accord d’association à l’OTAN. Que personne à l’OTAN ou à l’UE n’ait eu envie jusque là d’intégrer l’Ukraine dans leurs organisations respectives n’a rien à voir là-dedans. D’ailleurs, les habitants de Kiev, à part quelques naïfs, n’ont rien à voir là-dedans.

    La Crimée : elle n’est ukrainienne que depuis 1954, donc la Russie peut la reprendre. Les accords de 1993 garantissant l’intégrité territoriale de l’Ukraine ayant été signés alors que B. Eltsine était sous l’influence manifeste de l’alcool, ils ne comptent pas. Notez que le référendum-express (monté en une semaine) a validé l’adhésion des Criméens à la Russie (même si les chiffres pourraient avoir été bidouillés). Notez aussi tout de même que l’Allemagne ne veut pas reprendre Kaliningrad, russe depuis 1945 et que nous ne voulons pas prendre le Val d’Aoste.

    Les suites de la Crimée : 400 mercenaires américains (notez que dans les photos censées les représenter, on n’a vu que des photos d’indépendantistes) envoyés par John McCain vont reprendre à eux seuls la Crimée, Lougansk et Donetsk.

    L’est de l’Ukraine, justement, parlons-en : le fait qu’Igor Strelkov, « ministre de la défense » soit Russe et ancien colonel du KGB n’a rien à voir avec la politique de Moscou qui cherche seulement la paix. Comme celui qui veut la paix prépare la guerre, Moscou reconnaît que l’armement des indépendantistes provient en fait d’anciens entrepôts de l’armée soviétique. Le fait que Moscou ait légalement la responsabilité de les garder n’a rien à voir là-dedans.

    Les élections du 25 mai : consacrent l’arrivée au pouvoir des nazis à coups de fraudes – en fait, tout le gouvernement ukrainien est nazi, ce qui est logique dès lors que (et pour le coup, c’est vrai) Pravyi Sektor et ses 10.000 membres (sur les 45,6 millions d’Ukrainiens) le sont. L’OSCE ne trouve rien à redire à ces élections mais on s’en fiche, parce que l’OSCE est vendue à Washington. Certes, c’est l’une des seules institutions européennes considérée comme de confiance par Moscou mais on vous dit qu’on s’en fiche. Le fait que les indépendantistes de l’est de l’Ukraine appellent à ne pas voter est bien la preuve que ces élections sont frauduleuses.

    La destruction en vol du MH17 : même si personne n’en sait encore rien, c’est forcément la faute aux Américains (ils avaient un croiseur dans la zone) ou aux Ukrainiens. D’ailleurs, c’est un Su-25 qui l’a abattu, son pilote l’a reconnu sur l’équivalent allemand du Gorafi. Ne rigolez pas : on ne compte plus les sites ayant repris cette infaux.

    L’armée ukrainienne lance une contre-offensive sur l’est : forcément, elle tue des femmes et des bébés (règle numéro 15 de la propagande : il faut toujours tuer des bébés) parce qu’il y a les 400 mercenaires américains qui ont réussi en quelques mois à armer/entraîner/réorganiser l’armée ukrainienne (si, si : on vous dit qu’ils sont efficaces !). Le fait que Kiev veuille juste reprendre son territoire est une intolérable provocation. Moscou a donc le droit d’envoyer des forces dans l’est après avoir pacifiquement massé 40.000 hommes à la frontière. Ah, c’est vrai : les photos satellite montrant des prises de position sont issues d’une firme indépendante (Digitalglobe) mais comme elle vend ses images à Washington (et aussi, les pt’its loups, à Moscou), ça ne compte pas donc il n’y a pas de forces russes dans l’est de l’Ukraine.

    Dernier coup en date : V. Poutine évoque dans une interview télévisée un statut étatique pour l’est de l’Ukraine. Dépeçage vous dites ? Allons donc, le porte-parole du Kremlin vous dit qu’en fait non, il s’agit juste d’une logique fédérale pour la région. Le fait qu’il y ait une différence entre une logique « fédérale » et « étatique » n’a rien à voir là dedans.

    L’OTAN veut la guerre ! C’est pourtant évident : en renforçant la mission Air Baltic – de 4 à 12 avions, vous vous rendez compte ! – elle veut manifestement la guerre. D’ailleurs, il n’y a pas que les avions : des chars ont défilé à Varsovie le 15 août. Le fait que ce soit le jour de l’armée (commémoration de la victoire de Pilsudski sur l’Armée Rouge – coïncidence ? Je ne crois pas) n’a rien à voir là-dedans. D’ailleurs, les Américains mènent aussi des exercices avec la Bulgarie. Le fait qu’il n’y en ait pas plus que les années précédentes n’a rien à voir là-dedans. Et puis, prenez la mesure de la menace, l’OTAN a des chasseurs de mines qui font des exercices en Baltique !

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    Mon avis sur ces injures au plus élémentaire esprit critique : évidemment qu’il y a des pertes civiles dans l’est de l’Ukraine ; évidemment que Pravyi Sektor est fasciste ; évidemment que le passé de nombre de responsables politiques ukrainiens est marqué d’affaires de corruption, de clientélisme et j’en passe ; évidemment que la suppression du Russe dans l’est est une erreur fondamentale ; évidemment que l’Ukraine cherche à intégrer l’OTAN et l’UE ; et évidemment que certains, surtout depuis le début de l’année, le verraient d’un bon oeil. Ce que j’ai écrit plus haut n’implique pas que je pense exactement le contraire – ça vous étonne, hein ?

    C’est là le piège contemporain : il faut tout penser en noir ou en blanc et si vous n’êtes pas dans un camp, vous êtes forcément dans l’autre. Seulement voilà : dans un conflit, tout le monde a ses intérêts et tout le monde (oui, oui, la Russie aussi) manoeuvre afin de les promouvoir. On ajoutera que certains, vu notre contexte de crise, ont tout à coup une fascination manifeste pour le modèle russe de gouvernement (cette saloperie de démocratie occidentale est tellement corrompue, vous comprenez…) et mélangent un peu trop rapidement politique intérieure et extérieure.

    Voilà, nous sommes en 2014. Jamais autant de sources n’ont été disponibles (y compris en droit international : celui qui dit qu’un pays n’est pas l’autre, même s’il est indépendant depuis un poil plus que 20 ans) ; jamais autant d’ouvrages n’ont été publiés ; jamais l’enseignement des élémentaires de l’étude des confits et des relations internationales n’a été autant disponible à qui cherche un peu. La théorie, c’est que l’esprit humain devrait bénéficier de ces « jamais autant ». La pratique, c’est qu’il semble que pour nombre d’esprits, la complexité, la nuance ou la mise en perspective, ce soit un peu trop d’efforts.

    Alors voilà, je vais vous faire une révélation : non, les intérêts de la Russie, comme ceux des Etats-Unis, ne sont pas toujours ceux de la France. Et je ne peux que vous inviter à lire ceci, qui vaut d’ailleurs aussi pour les Etats-Unis.

    Ça dépote, hein, les relations internationales ?

    DSI

    http://fortune.fdesouche.com/353629-exclusif-lotan-va-attaquer-la-russie-avec-12-avions

  • La société économique s’achève aujourd’hui en société de contrôle

    La société économique s’achève aujourd’hui en société de contrôle. Se met en place une logique de la domination qui n’est pas la vieille logique de l’exploitation, mais une logique quotidienne et réticulaire, ordonnée à des procédures de séduction, de fichage et de conditionnement. « Les individus ne sont pas dépouillés de leur individualité par une contrainte extérieure, mais par la rationalité même dans laquelle ils vivent » (Marcuse). Pour satisfaire le « besoin » sécuritaire (néologisme apparu au début des années 1980), se mettent en place des procédures fondées sur la détection, la mise en fiches et la traçabilité. Cette société de surveillance a maintes fois été décrite. Elle s’étend tous les jours, comparable au célèbre « Panoptique » imaginé par Jeremy Bentham, en attendant la totale réification du vivant et la lecture automatisée des expressions faciales et des ondes cérébrales par une « neuropolice » occupée à déchiffrer l’activité mentale pour mieux manipuler les comportements. 

         La Nouvelle Classe entend domestiquer le peuple parce qu’elle en a peur, et elle en a peur parce que ses réactions sont imprévisibles et incontrôlables. Pour remédier à cette peur, elle cherche à en inculquer une autre au peuple : la peur de déroger aux normes, de penser par soi-même, de se rebeller contre le désordre établi. Elle croit se prémunir contre la guerre civile, ou contre le chaos social, en généralisant des faux-semblants qui en sont autant de simulacres. 

         Paul Piccone, ancien directeur de la revue américaine Telos, a donné de la Nouvelle Classe cette définition canonique : « La Nouvelle Classe n’est pas une ‘classe’ au sens marxiste de sa relation avec les moyens de production, mais seulement dans un sens général, métaphorique. Elle désigne ceux qui détiennent un capital culturel (un savoir) et qui utilisent ce capital pour s’assurer d’une position sociale privilégiée par rapport à ceux qui en sont dépourvus. Ces relations de pouvoir ne pouvant être maintenues qu’en privilégiant la rationalité formelle et les valeurs universelles, et en rejetant les autres modes préconceptuels d’existence comme irrationnels, ou au mieux comme pré-rationnels, réalité comme condition nécessaire à sa reconnaissance. » 

         L’apparition de la Nouvelle Classe contribue, bien entendu, à rendre totalement obsolète la vieille division droite-gauche, naguère paradigmatique de la modernité, qui fonctionne aujourd’hui d’autant moins comme principium differentiationis que les membres de la Nouvelle Classe peuvent eux-mêmes aussi bien provenir de la « gauche » que de la « droite ». Comme l’avait également remarqué Paul Piccone, le clivage droite-gauche fonctionne aujourd’hui comme un écran de fumée dissimulant la seule véritable distinction opposant d’un côté les libéraux, toutes tendances confondues, qui en tiennent pour une vie politique neutralisée et procéduralisée, un Etat thérapeutique, une « gouvernance » mondiale, une démocratie purement représentative et un discours fondé sur les « droits de l’homme », et de l’autre côté tous ceux qui, au contraire, insistent sur l’autonomie locale, la démocratie directe, les particularités culturelles et les valeurs traditionnellement non négociables d’appartenance et de solidarité. 

    Alain de Benoist, Les démons du Bien

    http://www.oragesdacier.info/

  • Ernst Jünger, un anarchiste conservateur droit dans ses bottes

    Par Emmanuel Hecht

    Ex: http://www.lexpress.fr

    On croyait connaître l'écrivain inspiré, le soldat héroïque, le voyageur impénitent, l'entomologiste passionné... Sous la tenue et la retenue du seigneur des lettres allemandes, une belle biographie révèle les tourments d'un homme blessé.  

    Deux photos peuvent résumer une vie. La première, prise à la fin de la Première Guerre mondiale, dévoile un officier arborant l'ordre Pour le mérite, la plus haute décoration militaire allemande, créée par Frédéric II. Le jeune homme, "pas très grand, mince, se tenant bien droit, visage étroit comme coupé au couteau", sera le dernier à la porter, puisqu'il meurt à près de 103 ans, en 1998. Son nom : Ernst Jünger, guerrier exceptionnel, grand écrivain, collectionneur d'insectes facétieux, voyageur au coeur aventureux.  

    Sur le second cliché, il est âgé de près de 90 ans, aux côtés d'un autre individu de taille modeste, François Mitterrand, président de la République française, et du chancelier allemand Helmut Kohl, "le géant noir du Palatinat". Les trois hommes célèbrent la réconciliation franco-allemande, à Verdun, le 22 septembre 1984.  

    Quel homme incarne mieux le XXe siècle qu'Ernst Jünger, héros de Grande Guerre et symbole de l'Europe nouvelle et pacifiée ? Ernst Jünger. Dans les tempêtes du siècle, c'est précisément le titre de la biographie que lui consacre Julien Hervier, meilleur spécialiste français de l'auteur d'Orages d'acier. 

    Quelque chose chez Jünger ne passe pas, en France : cette rigidité, cette maîtrise, qui fait prendre cet Allemand de tradition catholique (mais athée), aux origines paysannes et ouvrières, pour l'archétype de l'aristocrate prussien protestant, le junker. Sans doute y a-t-il méprise. 

    "Une dure et froide sincérité, une sobre et sévère objectivité"

    Selon Ernst Niekisch, instituteur marxiste et chef de file du "nationalbolchevisme" - l'un des multiples courants rouge-brun qui saperont la république de Weimar -, familier de l'appartement-salon berlinois de Jünger, où se côtoient artistes fauchés, demi-soldes aux abois et aventuriers en tout genre, "sa distinction ne repose pas sur un privilège social, mais directement sur le contenu intime de son être : il fait partie de ces rares hommes qui sont absolument incapables de bassesse. Celui qui pénètre dans la sphère où il vit entre en contact avec une dure et froide sincérité, une sobre et sévère objectivité, et surtout, un modèle d'intégrité humaine." 

    Pour son biographe, Jünger est d'abord victime de sa monomanie : "l'obsession de la tenue", qu'il s'agisse de posture, maintien, aspect, fermeté, dignité, "surmoi", fruit d'une "anthropologie personnelle" élaborée pendant la Grande Guerre au contact du genre humain. Car le jeune soldat de 1914, nostalgique "de l'inhabituel, du grand péril", saisi par la guerre "comme [par] une ivresse", adoptant un flegme fataliste à l'épreuve du feu, vieillit d'un siècle en quatre ans et quatorze blessures, comme l'illustrent ses Carnets de guerre 1914-1918, qui viennent d'être traduits. Et y perd ses illusions.  

    "Là où un homme est monté jusqu'à la marche presque divine de la perfection, celle du sacrifice désintéressé où l'on accepte de mourir pour un idéal, on en trouve un autre pour fouiller avec cupidité les poches d'un cadavre à peine refroidi." La vieille chevalerie est morte, la guerre moderne est menée par des techniciens et la transgression est au coin de la rue. Lors de son bref séjour sur le front, dans le Caucase, en 1942, apprenant par la rumeur les exactions de la Wehrmacht contre les civils, "la Shoah par balles", il est "pris de dégoût à la vue des uniformes, des épaulettes, des décorations, des armes, choses dont [il a] tant aimé l'éclat ". 

    Le "junker", soldat héroïque d'un autre temps, était-il finalement modelé pour la guerre? "Lorsque je me place devant mes soldats [...] je constate que j'ai tendance à m'écarter de l'axe du groupe; c'est là un trait qui dénote l'observateur, la prédominance de dispositions contemplatives." L'aveu. Le guerrier se rêve hors de la ligne de mire et du champ de bataille. On le lui reprochera suffisamment.  

    Pourquoi ne s'engage-t-il pas aux côtés des officiers instigateurs du complot du 20 juillet 1944 contre Hitler, alors qu'il est en plein accord avec eux ? Parce qu'il réprouve les actes terroristes. C'est au nom du même principe, que, militant nationaliste, il refuse, en 1922, de se joindre au corps franc qui assassine le ministre des Affaires étrangères, Walther Rathenau. Question de tenue. Jamais la fin ne justifie les moyens. Il le dira noir sur blanc aux nazis qui multiplient les appels du pied : "Ce n'est pas [...] une caractéristique majeure du nationaliste que d'avoir déjà dévoré trois juifs au petit déjeuner." 

    Hitler et Brecht pour anges gardiens

    Jünger est sans doute le seul homme à avoir été protégé à la fois par Adolf Hitler, lorsque les nazis veulent liquider cet "officier méprisant", et par Bertolt Brecht, quand ses camarades communistes veulent en finir avec ce "produit de la réaction". Qui peut bien être ce diable d'homme protégé par de tels anges gardiens? Un de ses biographes allemands l'a qualifié d'"anarchiste conservateur".  

    Jünger est à fois un homme d'ordre et en rupture de ban. Lorsque, à peine âgé de 16 ans, il s'engage dans la Légion étrangère, c'est pour déserter à Sidi Bel Abbes et emboîter le pas de Rimbaud dans de nouveaux Jeux africains. Lorsque, après la guerre, il expérimente les drogues - auxquelles, blessé à la tête, il a goûté, dès 1918 - auprès d'Albert Hofmann, l'inventeur du LSD, c'est sous contrôle médical. 

    Au fond, Jünger-le-corseté déteste la politique, les organisations et la technique. Il abhorre le nihilisme des nazis et celui de Céline, dont il dresse un portrait accablant dans ses Journaux parisiens. Pour venir à bout du Mal, il mise sur la liberté - celle du hors-la-loi scandinave du Traité du rebelle -, sur Eros (l'amour est l'adversaire du Léviathan) et la création artistique. 

    Lors des terribles ébranlements politiques dont il est témoin, Jünger ressent "une grande sensibilité sismographique", mais il ne se départit pas de son rôle de spectateur. Depuis l'enfance, il se réfugie dans les livres et la nature. Le sentiment, alors éprouvé, que "la lecture est un délit, un vol commis contre la société" ne l'a jamais quitté.  

    Il lit partout et par tous les temps. Sous les déluges d'obus, "alors qu'avec effroi tu penses que ton intelligence, tes capacités intellectuelles et physiques sont devenues quelque chose d'insignifiant et de risible", il avale les grands Russes, Gogol, Dostoïevski, Tolstoï, et les Aphorismes sur la sagesse dans la vie, de Schopenhauer.  

    Sa passion pour les insectes, métamorphosée au fil du temps et des désillusions en entomologie, leur étude scientifique, nourrit ses Chasses subtiles. Les cicindèles, sous-groupe des coléoptères, ont sa préférence. L'une de ces créatures porte d'ailleurs son nom : Cicindela juengerella juengerorum. 

    Ecologiste avant l'heure, il balance entre action et contemplation

    A partir des années 1950, il parcourt la planète, attentif aux bonnes nouvelles - fécondité inépuisable du monde naturel, pertinence des techniques primitives - comme aux mauvaises : dégâts du tourisme de masse, suprématie du béton, règne bruyant des moteurs. Les réflexions de cet écologiste avant l'heure - les Verts allemands le détestent - alimentent les cinq tomes de Soixante-dix s'efface, son oeuvre ultime. 

    Et si, finalement, la clef de cet homme balançant entre action et contemplation se logeait dans son combat contre la dépression - aux pires heures de l'Allemagne, à la mort, en uniforme, de son fils aîné, en 1944 à Carrare, et après guerre, à la suite du suicide du cadet - et contre une Sehnsucht insondable ? Son éditeur Michael Klett en émet l'hypothèse à l'enterrement de l'écrivain. "Lors de coups d'ailes plus légers de l'ange de la Mélancolie, ajoute-t-il, il se plongeait dans la contemplation d'une fleur, s'épuisait en d'interminables promenades ou s'imposait un emploi du temps rigide quasi digne d'un ordre mystique." Ainsi était Ernst Jünger. Mais il n'en a jamais rien dit. Question de tenue. 

    Ernst Jünger. Dans les tempêtes du siècle, par Julien Hervier. Fayard, 540 p., 26 €. 

    Carnets de guerre 1914-1918, par Ernst Jünger. Trad. de l'allemand par Julien Hervier. Bourgois, 576 p., 24 €. 

    http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2014/08/28/ernst-junger-un-anarchiste-conservateur-droit-dans-ses-bottes.html