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  • Valls veut de l’improvisation à l’école, l’opposition en voudrait moins au gouvernement

    Manuel Valls propose d’intégrer des fours d’improvisation, façon Jamel Debbouze, à l’école. NKM appuie la proposition, l’opposition monte au créneau. est-ce vraiment la priorité ?

    L’un des derniers soutiens de François Hollande n’est autre que Jamel Debbouze, cela vaut bien un petit renvoi d’ascenseur. C’est Manuel Valls qui s’y est collé il y a deux jours dans une interview accordée au magazine culturel L’Œil. Le chef du gouvernement y affirmait en effet qu’il se verrait bien « intégrer, dans nos écoles, l’art de l’improvisation que porte Jamel Debbouze ».
    Bonne élève, la ministre de l’Éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem a appuyé l’idée de son patron et renchéri de compliments sur le comédien : « C’est quelqu’un pour qui j’ai beaucoup d’admiration [...] L’improvisation qu’il a beaucoup portée [...] est une façon d’apprendre à vivre ensemble. »

    Alors que les « fondamentaux » (lecture, écriture, calcul…) ne sont plus maîtrisés,que l’école devient un lieu du « grand effacement » de l’histoire française et européenne et que les racines de notre culture sont extirpées des programmes (notamment le grec et le latin), la proposition de Manuel Valls fait réagir l’opposition.

    http://fr.novopress.info/

  • Racines jacobines des crimes turcs


    Traditionnellement, et même désormais légalement en France, la journée du 24 avril commémore le massacre génocidaire des Arméniens en 1915. Mais on pourrait commencer par évoquer le centenaire d'un événement dont découla ce crime de masse. 

    Ce que les historiens considèrent comme la seconde étape de la révolution jeune-turque se déroula, en effet, le 24 avril 1909. Et elle fut accompagnée d'un début d'extermination oubliée, visant les chrétiens de Cilicie et qui fit 30 000 victimes. Les événements troubles de cet épisode virent d'abord une tentative du dernier [véritable] sultan de ressaisir le pouvoir qui lui avait été ôté l'année précédente. 

    L'année 1876, 30 ans auparavant, avait été marquée par une crise dynastique. Le sultan Abdül-Aziz avait été destitué (30 mai) puis assassiné (4 juin). Un intermède donna le pouvoir au malheureux réformateur Mourad V. Il sera destitué comme dément le 31 août, au profit de son frère Abdül-Hamid II. Solennellement enfin le 13 décembre, la Constitution avait été adoptée. Elle était préparée depuis 1847 par une concertation entre représentant des chrétiens et des musulmans des différentes provinces. Aboutissant au programme de l'ottomanisme, elle accordait l'égalité politique aux sujets de l'Empire des différentes religions. Leur égalité avait instituée au plan civil par le rescrit impérial de 1856. règne ne fonctionna que deux ans. En 1877 le vizir libéral Midhat pacha était chassé par le sultan. En 1878 la constitution était suspendue.

    En août 1908, le fameux "renard rouge" Abdül-Hamid II avait fait mine d'accepter le retour à un gouvernement constitutionnel et à des élections libres. Or, celles-ci avaient donné au parti jeune-turc une majorité dont il allait abuser. 

    La petite organisation militaire, elle aussi opposée à l'ottomanisme qui prit le pouvoir en 1908-1909 était dirigée par 3 hommes, Enver Pacha, Talaat Pacha et Djemal Pacha (1). Elle avait été fondée à Paris le 14 juillet 1889 en l'honneur du centenaire de la Révolution française. Elle avait été organisée sous le nom de comité Union et Progrès, mais, comme le grand orient de France sous la forme et l'apparence rituelle d'une loge maçonnique (2). Elle ne comptait guère, 20 ans plus tard, en 1908 que 300 membres. Mais par comparaison avec les autres "partis" concurrents, ceux-ci ne faisaient figure que de petites coteries surtout actives à Constantinople.

    Or le malheur des Turcs, et de leurs victimes, aura été, il y a exactement un siècle, après une dernière année de règne ambigu d'Abdül-Hamid II, la victoire de ces habiles révolutionnaires. Ils admiraient la révolution jacobine française. Leur chef Enver pacha devint alors ce 24 avril 1909 le maître véritable du pouvoir. Un nouveau sultan, le fantoche Rechad Effendi allait régner nominalement sous le nom de Mehmed V jusqu'à sa mort en juillet 1918. Le grand vizir, et le parti de l'Union libérale, en même temps que les alliés de l'Ancien régime furent peu à peu éliminés, au fur et à mesure des désastres rencontrés lors des deux guerres italo-turque de 1911-1912 puis balkaniques de 1912-1913 qui avaient pratiquement mis un terme à la présence turque en Europe.

    En France, on se gargarise de la francophilie du parti Union et Progrès "Ittihad". En fait ils admiraient les germes du futur totalitarisme moderniste, et laïciste, dont, à l'époque, Paris symbolisait, annonçait le modèle. Et, sous les gouvernements radicaux-socialistes, la bienveillante Ville Lumière offrait aussi un foyer pour toutes sortes de révolutionnaires. Rappelons-nous qu'en 1917, quand Lénine revient d'exil, à la gare de Petrograd on l'accueille au chant de La Marseillaise, alors qu'il se propose de trahir l'alliance franco-russe. Ce que ces gens considèrent de la France ne tient aucun compte de l'identité, ni même de la culture de celle-ci, mais de sa référence idéologique. On doit cependant noter que les socialistes allemands, les "socialistes du Kaiser" avaient pris fort honorablement le relais. À partir de 1913, ayant définitivement éliminé les libéraux constitutionnalistes représentés par le grand vizir, ils se rapprocheront des Empires centraux dont ils deviendront les alliés pendant la première guerre mondiale. Leur défaite militaire de 1918 conduira au traité de Sèvres de 1920.

    Au moment des débats, d'ailleurs difficiles, sur la reconnaissance, et le statut, du génocide arménien on a curieusement peu évoqué le procès qui avait effectivement condamné à Constantinople en 1919 les dirigeants jeunes-turcs. Ainsi cette appellation est supposée aujourd'hui encore "sympathique", et même "politiquement correcte". De la sorte, dans le vocabulaire courant, elle est passée en français, quoique moins à la mode, pour désigner un gentil réformateur de bon aloi. Jacques Fauvet dans son "Histoire de la Quatrième république" parle ainsi des "jeunes-turcs du radicalisme". Et les exemples abondent, sans qu'on semble se rendre compte qu'un "jeune-turc", c'est très proche d'un "nazi", terme [légèrement] plus péjoratif. On se reportera, ou on revisitera au besoin, les talentueux écrits de Benoist-Méchin à la gloire de Kemal. Ils ont intoxiqué, et désinformé, le public français pendant des années. Et cela permet de comprendre l'évolution de cette turcophilie française. Elle est parfois présentée pour "traditionnelle depuis François Ier." L'auteur de ces lignes reconnaît lui-même s'être longtemps contenté de telles sources et références illusoires.

    On doit comprendre également qu'il n'existe guère de différence entre l'appareil et l'idéologie du régime jeune-turc et le système kémaliste. À plus de 90 % on a pu établir qu'il s'agit exactement des mêmes cadres.

    Le jacobinisme jeune-turc s'oppose aux constitutionnels libéraux et autres "jeunes ottomans" sur le droit des minorités. Ce point décisif conduira au génocide arménien de 1915-1917, et plus généralement à la destruction de la plus ancienne des chrétientés, celle d'Asie mineure. Les chrétiens représentaient 30 % des habitants de l'Anatolie au début du XXe siècle, ils ne comptent plus aujourd'hui que pour 1 %.

    Ce que nous tenons anachroniquement pour des nationalités se trouve représenté dans le système ottoman par divers "millet". Ceux-ci sont exclusivement déterminés par les juridictions religieuses. Celui des Romains, en turc "rum", ne désigne pas les Grecs au sens ethnique du terme. En turc Grec se dit "yunan", "Ionien". Le Rum millet-i englobe tous les ressortissants du patriarcat œcuménique de Constantinople. À un moment donné, pour soustraire les Bulgares à la tutelle jugée pesante de la hiérarchie de langue grecque on organise un petit schisme etc. Les Arméniens, ressortissant du catholicos de cette très ancienne nation chrétienne, séparée de l'orthodoxie byzantine depuis le Ve siècle, ont été longtemps considérés comme le "millet fidèle" (millet-i sadika). Leur ont été rattachés dès le XVe siècle des communautés chrétiennes avec lesquelles ils forment la même communion comme les Syriaques et les Coptes, et même les catholiques, jusqu'en 1829. Mais à mesure de la poussée russe on les soupçonne d'entretenir des relations avec l'ennemi moscovite, lui-même allié des Bulgares, comme on suspecte tels autres d'agir sous l'influence des petits États balkaniques apparus au cours du XIXe siècle et de leurs protecteurs, réels ou imaginaires.

    Ces inquiétudes obsidionales créeront le mécanisme cynique de l'enfermement géopolitique totalitaire. Cela conduira au décret de Talaat du 24 avril 1915, qui organise le massacre abominable, le plus connu, le plus massif, mais hélas ni le premier, ni le dernier : celui des Arméniens.

    Teinté des saveurs et des couleurs de l'orient, on retrouve les logiques du génocide vendéen, celles aussi des famines organisées en Ukraine ou de la répression des koulaks, car ne l'oublions pas tous les Arméniens sont supposés riches même le plus modeste des tailleurs, des boutiquiers, des cordonniers. Relisons les discours de Robespierre et de Saint-Just, préfigurant Hitler et Staline, Pol Pot et Mao Tsé-toung. La racine jacobine semble indiscutable comme paraît oublié, le tout petit massacre génocidaire des pauvres chrétiens de Cilicie en avril 1909, hors d'œuvre jeune-turc des gros bains de sang du XXe siècle.

    JG Malliarakis

    Apostilles

    1. L'actuelle graphie "Cemal" ne restitue pas en français la prononciation approchée, du "dj" et de plus elle introduit une fâcheuse confusion avec Mustapha Kémal qui apparaîtra quelques années plus tard.
    2. Faut-il rappeler ici que cette organisation athée n'applique plus les fameuses Constitutions d'Anderson remontant au XVIIIe siècle et d'inspiration déiste. Elle se veut elle aussi obédience maçonnique mais elle avait rompu depuis 1877 tout lien avec la Grande Loge Unie d'Angleterre, et n'en entretient aucune avec la franc-maçonnerie américaine, etc.
    3. Les "amis de la Turquie" citent ainsi : "Si les chiffres donnés par Marcel Léart dans son célèbre ouvrage sur la question arménienne sont exacts, l’Anatolie comptait vers le milieu du XIXe siècle, sur un total de 166 importateurs, 141 Arméniens, 12 appartenant à diverses autres communautés et seulement 13 Turcs. De même, sur 9 800 boutiquiers et artisans, 6 800 étaient arméniens et 2 550 turcs. Les Arméniens prédominaient aussi dans les secteurs de l’exportation (où ils étaient au nombre de 127, contre 23 Turcs), de l’industrie (sur un total de 153 industriels, il y en avait 130 d’origine arménienne) et de la banque (32 sur un total de 37). Dans la région désignée par certains sous le nom d’Arménie turque, les Arméniens disposaient de 803 écoles, fréquentées par 81 226 élèves et comptant au total 2 088 enseignants." Cf. le site des Amis de la Turquie http://www.tetedeturc.com/home/spip.php?article28
  • [Paris] Cortège traditionnel de Jeanne d’Arc [Bande Annonce]

     

    Chaque année depuis un siècle, l’Action Française rend hommage à celle qui, par la Divine Providence, a sauvé la France alors que tout semblait perdu.

    Rejoignez-nous le 10 MAI 2015 à 10h Place de l’Opera - 75009 Paris

     

  • Les sanctions unilatérales violent les accords internationaux

    Interview du professeur Alfred de Zayas, spécialiste du droit international, Genève*

    Ex: http://www.horizons-et-debats.ch

    A la fin de sa session printanière, le président du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a nommé un rapporteur spécial pour mener des investigations au sujet des violations des droits de l’homme lors de mesures coercitives unilatérales (par exemple des sanctions économiques). Cette nomination fut précédée de longues années de débats concernant la mise en cause du droit international par de telles sanctions. (cf. «Horizons et débats» no 6/7 du 9 mars 2015) 
    Le spécialiste du droit international Alfred de Zayas explique dans l’interview ci-dessous à quel point des sanctions unilatérales portent atteinte au droit international.

    Horizons et débats: Dans votre rapport adressé au Conseil des droits de l’homme que vous avez déposé personnellement le 10 septembre 2014, vous mentionnez les mesures coercitives unilatérales, comme par exemple les sanctions économiques, comme étant non-pacifiques et pas en accord avec les objectifs et les principes des Nations Unies. Que vouliez-vous dire par là?

    Alfred de Zayas: Non seulement les mesures coercitives unilatérales, mais souvent aussi les mesures multilatérales, violent autant la lettre que l’esprit de la Charte des Nations Unies, notamment le Préambule et les articles 1 et 2. L’organisation repose sur le principe de l’égalité souveraine de tous ses membres. Les sanctions unilatérales et les embargos violent de nombreux accords internationaux et «les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées» (Statuts de la Cour internationale de justice, art. 38).

    De quels principes de droit s’agit-il là?

    Ce sont notamment le principe de la souveraineté étatique, le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures d’autres Etats, la liberté de commerce internationale et, entre autres, la liberté de navigation. En outre, elles violent des principes de droit international, pacta sunt servanda, car les sanctions et les embargos empêchent l’exécution de traités de droit international en vigueur. L’application extraterritoriale de lois nationales représente une nouvelle forme de colonialisme qui revient à l’usurpation de compétences, presque une sorte d’annexion d’autres juridictions par le biais de moyens d’extension de la juridiction nationale.

    Y a-t-il aussi des résolutions de l’ONU violées par les mesures coercitives unilatérales?

    Plusieurs résolutions de l’Assemblée générale de l’ONU sont violées, entre autres la Résolution 2625 (du 24 octobre 1970) concernant les relations amicales et la coopération entre les Etats, dont le préambule stipule que les Etats ont l’obligation «de s’abstenir d’intervenir dans les affaires de tout autre Etat». C’est «une condition essentielle à remplir pour que les nations vivent en paix les unes avec les autres». En outre, ils ont le devoir «de s’abstenir, dans leurs relations internationales, d’user de contrainte d’ordre militaire, politique, économique ou autre, dirigée contre l’indépendance politique ou l’intégrité territoriale de tout Etat.»
    Et l’Assemblée générale de préciser: «Aucun Etat ni groupe d’Etats n’a le droit d’intervenir, directement ou indirectement, pour quelque raison que ce soit, dans les affaires intérieures ou extérieures d’un autre Etat. En conséquence, non seulement l’intervention armée, mais aussi toute autre forme d’ingérence ou toute menace, dirigées contre la personnalité d’un Etat ou contre ses éléments politiques, économiques et culturels, sont contraires au droit international. Aucun Etat ne peut appliquer ni encourager l’usage de mesures économiques, politiques ou de toute autre nature pour contraindre un autre Etat à subordonner l’exercice de ses droits souverains et pour obtenir de lui des avantages de quelque ordre que ce soit.»

    Que faut-il entendre par mesures de toute autre nature?

    Par exemple un «blocus des ports ou des côtes d’un Etat par les forces armées d’un autre Etat» représente une agression contre le droit international (Assemblée générale, Résolution 3314, article 3?c).

    Y a-t-il des prises de position de la communauté internationale à ce sujet?

    Les mesures coercitives unilatérales sont régulièrement désignées par la plupart des Etats comme étant contraires au droit international, comme par exemple dans les 23 résolutions de l’Assemblée générale de l’ONU concernant l’embargo contre Cuba (cf. résolution 69/5 du 28 octobre 2014). A l’occasion de l’adoption de cette résolution – 188 Etats étaient en faveur, deux se sont opposés (USA et Israël) et 3 se sont abstenus – plusieurs Etats ont désigné l’embargo explicitement d’«illégal».

    C’est une majorité écrasante …

    Lors des débats devant l’Assemblée générale, les représentants du continent sud-américain ont tous soutenu Cuba. Au nom de la Communauté d’Etats latino-américains et caraïbes (CELAC), qui comprend les 33 pays des deux Amériques sauf les Etats-Unis et le Canada, l’ambassadeur du Costa Rica auprès de l’ONU, Juan Carlos Mendoza, a dénoncé l’effet ex-territorial des lois de blocus américaines dont sont concernés également des Etats tiers. «Les mesures unilatérales prises dans le contexte du blocus portent atteinte à de nombreuses entreprises qui, en accord avec le droit international, y compris les règles établies par l’Organisation mondiale du commerce (OMC), ont des relations commerciales avec Cuba.» Les représentants du Mouvement des Etats non-alignés ont également précisé que les sanctions contre Cuba étaient «illégales».

    Les Etats-Unis sont-ils l’acteur principal en matière de sanctions?

    Selon les informations du Trésor américain, les Etats Unis entretiennent actuellement 26 «Sanctions Programs» (www.treasury.gov/resource-center/sanctions/Programs).
    L’application ex-territoriale de lois nationales, tel par exemple le Helms-Burton Act du 12 mars 1996, violent également les droits de nombreux d’Etats tiers et ont souvent été condamnées par la communauté des Etats comme violant le droit international.

    Selon vos explications, il est évident que les sanctions unilatérales portent massivement atteinte au droit international.

    Oui, la question de leur illégalité est claire. Le problème reste de savoir comment le droit international peut être appliqué de façon effective. Jusqu’à présent, il n’y a pas de possibilité pour l’ONU de forcer l’un des cinq membres permanents du Conseil de sécurité à se comporter en conformité avec le droit international. Ils ont une impunité de fait. 
    On pourrait toutefois lancer une procédure de réclamation d’un Etat auprès du Comité des droits de l’homme de l’ONU, selon l’article 41 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ce qui forcerait l’ONU à prendre la chose en main, au moins pour discuter la situation et trancher, même si rien ne change. Une condamnation a quand même une certaine valeur morale.

    Quelles normes relatives aux droits de l’homme peuvent être violées par des sanctions?

    Le droit à la vie (article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques). Les sanctions contre l’Irak, l’Iran, Cuba, le Soudan, le Venezuela, le Zimbabwe, etc. ont aggravé la situation de l’approvisionnement dans ces pays. Des gens sont morts par manque de nourriture, d’eau potable, de soins médicaux et de médicaments. Par ailleurs, l’exercice des droits économiques et sociaux, protégé par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, se voit ainsi bafoué. Les sanctions peuvent également être en violation des Conventions de Genève et d’autres traités de droit international humanitaire.

    Dans ce cas, les nouvelles sanctions contre la Russie sont également problématiques?

    Une décision juridique éclairante sur cette question serait souhaitable comme, par exemple, un avis de la Cour internationale de justice conformément à l’art. 96 de la Charte des Nations Unies. Cela serait utile pour l’analyse plus détaillée des divers aspects des sanctions et de leurs implications pour les droits de l’homme.

    Si les sanctions sont illégales, qu’est-ce que cela signifie pour les Etats qui les soutiennent?

    Il en naît le devoir de se racheter, en particulier lorsque les droits de l’homme sont violés; quand, par exemple, les sanctions mènent à une famine, à l’utilisation de la force, à une immigration de masse ou au nettoyage ethnique. Selon le principe erga omnes (concernant tous les Etats), les Etats n’ont pas le droit de reconnaître les violations du droit par d’autres Etats ou d’y apporter un quelconque soutien, par exemple financier. Mais comme je l’ai dit ci-dessus, le droit international n’est pas automatiquement mis en application. Pour cela, nous avons besoin de la volonté politique de la communauté internationale. Mais hélas, la solidarité internationale n’est pas coutume et la plupart des medias jouent le jeu des puissants.

    Quand peut-on dire que des sanctions sont «légales»? Cette notion ne se cristallise-t-elle pas toujours dans une zone grise?

    Bien qu’il existe de nombreuses «zones grises» dans le droit international, la situation est un peu plus claire ici. Conformément à l’article 41 de la Charte des Nations Unies, le Conseil de sécurité peut imposer des sanctions économiques, mais seulement après s’être assuré, sous l’égide de l’article 39 de la Charte, que la paix a été compromise. Celles-ci ont été utilisées avec succès par exemple dans la lutte contre le colonialisme, le racisme et l’apartheid en Rhodésie/Zimbabwe et en Afrique du Sud.
    Un embargo sur les armes pourrait être absolument légal si le but final est de promouvoir la paix et de permettre une solution diplomatique à un conflit. Un embargo sur les armes devrait être imposé à toutes les parties d’un conflit, et la communauté internationale doit s’engager activement pour un cessez-le-feu et des négociations de bonne foi. Mais la plupart des sanctions ne sont pas efficaces ou s’avèrent même contre-productives. Les sanctions par le Conseil de sécurité des Nations Unies peuvent dégrader considérablement non seulement la situation des droits de l’homme dans un Etat, mais aussi faciliter ou y mener à la corruption et à la criminalité.

    Qu’est ce qu’on peut dire en conclusion jusqu’à présent?

    Tout régime de sanctions – unilatéral ou multilatéral – doit être soumis aux contrôles réguliers et sa conformité avec le droit international doit être jugé par un système légal compétent. En outre, il ne suffit pas que les sanctions soient juridiquement légales; elles doivent également poursuivre un but concis, légitime, servir la paix et respecter le principe de proportionnalité. Les régimes de sanctions doivent être vérifiés régulièrement – et s’ils violent les droits humains et n’apportent aucun effet positif, ils doivent être supprimés. Dans un monde globalisé, les sanctions ne peuvent être imposées en raison d’intérêts géopolitiques ou économiques, et si elles blessent les droits des personnes et des Etats, c’est alors qu’émerge pour l’émetteur le devoir de compensation adéquate envers les victimes de ces sanctions.

    Quels sont les derniers développements sur cette question à l’ONU?

    En mai 2014, le Conseil des droits de l’homme a organisé une conférence sur les sanctions unilatérales et multilatérales, à laquelle j’ai participé activement. Denis Halliday, ancien coordinateur humanitaire en Irak, y a dénoncé les sanctions insensées contre l’Irak de 1991 à 2003, ayant coûté la vie à plus d’un million de personnes. Le rapport de cet atelier a été discuté lors de la 27e session du Conseil des droits de l’homme en septembre 2014. Par la suite, le Comité consultatif du Conseil des droits de l’homme de l’ONU a été invité à réaliser une étude et à préparer des recommandations, qui viennent maintenant d’être présentées au Conseil dans sa 28e session. Le 28 mars, en outre, Idriss Jazairy (ancien Ambassadeur de l’Algérie auprès des Nations Unies) a été nommé Rapporteur spécial sur les conséquences négatives des mesures coercitives unilatérales par rapport aux droits de l’homme.

    Sinon, que peut-on faire contre de telles sanctions?

    Les médias doivent également participer. Dans la plupart des cas, les populations ne savent pas quels crimes sont commis en leur nom, quelles mesures nos Etats prennent, causant alors des conséquences terribles pour les populations d’autres pays. Il est aussi de notre responsabilité, en tant que citoyens, de protester là-contre: «Pas en notre nom!» Le 19 mars 2015 a eu lieu une réunion scientifique à Londres, où j’ai participé avec plusieurs professeurs d’Oxford, de Londres, de Paris, etc. Le consensus était que les régimes de sanctions soulèvent davantage de problèmes qu’ils ne peuvent en résoudre et que le dialogue et la médiation de l’ONU sont meilleurs que des mesures punitives affectant principalement les populations civiles et causant beaucoup de souffrances.

    Monsieur le Professeur, merci beaucoup de cette interview.    

    (Interview réalisée par Thomas Kaiser)

    *    La conversation correspond à l’opinion personnelle  du professeur de Zayas et n’a pas été officiellement tenue en sa qualité de Rapporteur spécial. 
    Cf. www.alfreddezayas.com et  http://dezayasalfred.wordpress.com

    http://euro-synergies.hautetfort.com/

  • Italie : Sur la voie des voies romaines

    À la découverte des principales voies romaines de l’Europe, cap sur l’Italie, entre Rome et Florence. En Italie, le long de l’antique Via Cassia, à la découverte de quelques splendeurs de la Botte.

    Les Étrusques commencèrent à paver des routes dès l’an – 400, avant d’être imités par les Romains, qui perfectionnèrent leurs techniques. Nous parcourons l’Italie à travers son ancien et important axe impérial, la Via Cassia. L’occasion de découvrir quelques splendeurs de la Botte.

    http://fortune.fdesouche.com/

  • Éducation et travail: les fils rouges de la pensée de Simone Weil

    Des topos qu’elle rédigeait sous le regard bienveillant de son professeur de philosophie Alain, jusqu’à « L’Enracinement », son « second grand œuvre » que la mort l’empêcha d’achever, Simone Weil n’aura eu de cesse d’écrire et de répondre aux préoccupations de son temps. Retour sur une œuvre et une vie dont l’exigence était de concilier pensée et action.

    Lire L’Enracinement de Simone Weil n’est pas chose facile, et encore moins pour un lecteur contemporain qui serait susceptible de le trouver trop éloigné des intérêts de son temps. Nombre de passages nous ramènent à l’époque d’une France profondément rurale et chrétienne dans laquelle l’Église régentait la vie quotidienne. Il y est question de culture ouvrière et paysanne, du déracinement, véritable fléau qui s’est emparé de la société tout entière et dont souffrent en premier lieu les ouvriers et les paysans. Que pourrait-on tirer de cette œuvre posthume à une époque où l’on ne parle plus de paysans mais d’agriculteurs – dont le nombre ne cesse de décroître en France – et où désormais les ouvriers ne sont plus une référence politique première ? Le temps qui nous sépare de l’œuvre de Simone Weil a sans doute joué en faveur du capitalisme, et a ainsi modelé l’ethos des individus. L’Homo œconomicus est devenu une réalité de masse avec son cortège de modèles et de désirs auxquels nous voudrions tous parvenir, y compris ceux qui se seraient appelés autrefois les prolétaires. Mais loin d’être une vaine activité, relire Simone Weil permet de mieux comprendre l’histoire, en découvrant que nos problèmes ont déjà été posés, qu’ils ont parfois trouvé des solutions, plus ou moins valables, certes, mais qui donnent toutefois une structure à nos débats. C’est donc une leçon que nous devons commencer par comprendre et discuter, pour finalement l’appliquer aux problèmes de notre temps.

    Paris, le 3 février 1909 – Ashford, le 24 août 1943

    Bien née, Simone Weil aurait pu se contenter d’une existence bourgeoise et paisible, mais elle préfère affronter les réalités de son temps et mêler la pensée à l’action. Son œuvre entière témoigne d’un insatiable engagement politique, non pas au sens strict d’une adhésion ou d’un militantisme – elle critiquait notamment avec âpreté le jeu hypocrite des partis politiques – mais bien plus, au sens large, d’une prise de position publique sur les grandes questions posées par la société. Simone Weil n’a jamais hésité à s’engager directement, et surtout physiquement, dans une cause car rien n’était plus horrible, selon elle, que ceux qui se contentaient de rester passivement à l’arrière. Un exemple fameux : en 1936, elle s’engage dans la guerre d’Espagne et rêve de combattre en première ligne malgré son manque total de formation militaire, et surtout, la peur qu’elle inspire à ses camarades miliciens anarchistes lorsqu’ils l’observent porter si maladroitement une arme. Hors de question donc d’écrire sur la condition ouvrière, si c’est pour se contenter de visiter les usines, carnet et stylo en mains et en refusant de se salir. Il lui apparaît au contraire nécessaire de se frotter à la réalité, de partager et de laisser « entrer dans sa chair » le malheur de ceux qui travaillent au rythme des cadences. Elle fera ainsi l’expérience du déracinement en travaillant plusieurs mois dans des usines et en s’adonnant aux travaux des champs bien au-delà de ses forces physiques – elle était d’une santé fragile – chez les quelques paysans qui voulaient bien d’elle. Simone Weil y puisera toute la matière de sa réflexion sur le travail et la vie humaine.

    Au cœur de son œuvre posthume, L’Enracinement, on retrouve la mise en exergue d’un enracinement corporel en un lieu et un temps limités permettant une juste reconnaissance de soi. Ce besoin d’enracinement correspond précisément au plus important et au plus méconnu de l’âme humaine : «Un être humain a une racine par sa participation réelle, active et naturelle à l’existence d’une collectivité qui conserve vivant certains trésors du passé et certains pressentiments d’avenir. Participation naturelle, c’est-à-dire amenée automatiquement par le lieu, la naissance, la profession, l’entourage. Chaque être humain a besoin de recevoir la presque totalité de sa vie morale, intellectuelle, spirituelle par l’intermédiaire des milieux dont il fait naturellement partie. » Faire retour sur la notion d’enracinement, voilà qui pourrait prêter à sourire à une époque où les hommes n’ont jamais été aussi mobiles et nomades. Pourtant, les notions d’enracinement et de déracinement employées par Simone Weil dans son dernier « grand œuvre » n’ont définitivement rien emprunté à la pensée nationaliste de droite d’un Barrès, et résonnent encore de nos jours avec une étrange acuité. En même temps qu’elle s’évertue à dresser les conditions pour que cet enracinement soit rendu possible, Simone Weil se penche sur les causes mêmes du déracinement profond des individus : la course à l’argent, le manque d’éducation, etc. Autant de difficultés que l’on retrouve soixante-dix ans plus tard, toujours aussi tangibles.

    Réinventer le travail

    Bien que le temps de la fracture col blanc – col bleu ait disparu, balayé par la désindustrialisation progressive de la France, l’organisation contemporaine du travail n’est pas exempte d’écueils. L’emploi semble désormais devenu un privilège, et donc une source de division entre les 10 % de chômeurs qu’on somme de décrocher au plus vite un job, et les autres qui font bon an mal an leur labeur quotidien, quand ils ne se mettent pas à trembler en pensant à l’avenir noirci de leur profession ou de leur entreprise. Or, la privation de travail revient à une complète négation de l’individu dans une société libérale qui porte justement au pinacle l’idée d’individu. C’est la durée de la crise, et plus encore la croyance que cette crise est durable et infinie, qui pousse ainsi au désespoir. Les arrêts de travail pour cause de dépression, les vagues de suicides, les individus à bout qui préfèrent passer par-dessus bord : tous ces phénomènes ne cessent de se banaliser.
    Face à ce malaise, ne faudrait-il pas réinventer le travail ? Simone Weil écrivait, au début des années 1940, qu’il était devenu pressant et nécessaire de développer une civilisation constituée par une spiritualité du travail, car a contrario : « la disqualification du travail est la fin de la civilisation. » Seul le travail qualifié, c’est-à-dire réalisé en conscience, est un élément libérateur pour l’homme. Mais encore faut-il avoir passé l’épreuve du travail ouvrier pour comprendre la nécessité de le réformer, comme le relate Simone Weil dans ses Cahiers : « Quand je pense que les grands chefs bolcheviks prétendaient créer une classe ouvrière libre et qu’aucun d’eux, Trotski sûrement pas, Lénine je ne crois pas non plus, n’avait sans doute mis le pied dans une usine et par suite n’avait la plus faible idée des conditions réelles qui déterminent la servitude ou la liberté des ouvriers, la politique m’apparaît comme une sinistre rigolade. » Dès les premiers jours de travail à l’usine, Simone Weil noircit des pages entières dans lesquelles elle relate scrupuleusement les effets tout d’abord physiques : la fatigue qui s’accumule, le métier qui rentre dans le corps. Puis ils deviennent moraux : l’absence de rébellion, l’acceptation tacite et résignée de l’exploité. « L’homme est ainsi fait que celui qui écrase ne sent rien, que c’est celui qui est écrasé qui sent. Tant qu’on ne s’est pas mis du côté des opprimés pour sentir avec eux, on ne peut pas se rendre compte. »

    Une sublime lettre écrite au père Perrin et publiée de nos jours sous le nom L’amour de Dieu et le malheur permet de mieux saisir l’itinéraire philosophique et spirituel de Simone Weil. C’est parce qu’elle s’est efforcée pendant de longs mois à endurer l’humiliation, l’abrutissant travail à la chaîne qui empêche de penser, qu’elle décidera de porter sa croix et de s’élever dans l’inspiration chrétienne : « Quand la pensée est contrainte par l’atteinte de la douleur physique, cette douleur fut-elle légère, de reconnaître la présence du malheur, il se produit un état aussi violent que si un condamné est contraint de regarder pendant des heures la guillotine qui va lui couper le cou. Des êtres humains peuvent vivre vingt ans, cinquante ans dans cet état violent. On passe à côté d’eux sans s’en apercevoir. On remarque seulement qu’ils ont parfois un comportement étrange, et on blâme ce comportement. Il n’y a vraiment de malheur que si l’événement qui a saisi une vie et l’a déracinée, l’atteint directement ou indirectement dans toutes ses parties, sociale, psychologique, physique. Le facteur social est essentiel. »

    Le passé à transmettre

    « L’amour du passé n’a rien à voir avec une orientation politique réactionnaire. Comme toutes les activités humaines, la révolution puise sa sève dans une tradition. » Simone Weil nous enjoints à connaître le passé, à s’en instruire, à y puiser la source de notre identité. Formuler une telle remarque, c’est finalement se poser la question de notre rapport au temps. L’individu se retrouve désaffilié de toute attache, errant sans passé. Réfugié dans l’instant, cantonné à une sorte d’immédiateté fébrile et précaire, il est sans avenir en ce sens qu’il n’est plus véritablement inscrit dans une histoire. Ou encore l’histoire telle qu’il la perçoit et la vit n’est plus autre chose qu’une succession aléatoire de présents, une addition d’instants éphémères dénués de toute valeur. Nos sociétés en viennent à porter le deuil d’une continuité concrète dans laquelle s’inscrivait l’individu, dans laquelle précisément il pouvait prendre racine. Même la culture, l’instruction sont mises en échec.

    Constat amer qu’égrène Simone Weil à l’aube de la Seconde Guerre mondiale : nous sommes aux prises avec une culture définitivement entachée et médiocre. Constat qu’on ne peut que réitérer aujourd’hui face à l’air penaud de certains élèves : Phèdre de Racine ou encore L’amour sacré et l’amour profane de Titien ne peuvent être mis en compétition face à Matrix ou Secret Story. En outre, explique la philosophe, il ne faudrait pas vulgariser, mais à rebours « traduire et rendre accessible le beau à des âmes dont la sensibilité est modelée par les conditions d’existence ». L’idée de transmission est ici primordiale : nous ne serions pas ce que nous sommes sans ce patrimoine culturel que nous avons reçu en héritage et que nous devons sauver de l’oubli. Simone Weil a elle-même donné l’exemple et écrit des textes remarquables sur Antigone, Electre, etc., pour un public d’ouvriers et lorsqu’elle enseignait à des jeunes filles dans des lycées de province.

    « Ce qu’on appelle aujourd’hui instruire les masses, c’est prendre cette culture moderne, élaborée dans un milieu tellement fermé, tellement taré, tellement indifférent à la vérité, en ôter tout ce qu’elle peut encore contenir d’or pur, opération qu’on nomme vulgarisation, et enfourner le résidu tel quel dans la mémoire des malheureux qui désirent apprendre, comme on donne la becquée à des oiseaux. » L’école reproduit en somme le fonctionnement capitaliste : « Les examens exercent sur la jeunesse des écoles le même pouvoir que les sous sur les ouvriers qui travaillent aux pièces. » Piétinant sa mission éducative première qui est celle de donner goût et désir d’apprendre, l’institution se consacre désormais au culte de la performance creusant, voire pire, rendant légitimes les inégalités qu’elle visait a priori à suspendre : « Un système social est profondément malade quand un paysan travaille la terre avec la pensée que, s’il est paysan, c’est parce qu’il n’était pas assez intelligent pour devenir instituteur. »

    Revaloriser le travail manuel

    Il y a un grand décalage entre ce que vit l’élève et ce qu’on lui somme d’apprendre. Ce décalage est issu d’une tradition tenace qui perdure depuis la Renaissance, au moment où ont été divisées la culture savante et la culture de la masse : ce fut l’amorce d’une véritable dichotomie entre culture élitiste et culture populaire. S’inscrivant dans un héritage socialiste en matière de pédagogie, Simone Weil veut réconcilier et concevoir l’une avec l’autre éducation intellectuelle et professionnelle. Rien n’est plus injurieux selon elle, que ce clivage patent entre travail manuel et travail intellectuel. Elle s’évertue ainsi à transmettre avec passion un peu « d’or pur » aux ouvriers et paysans qu’elle rencontre dans les usines et les fermes, car elle a l’intime conviction que l’âme humaine ne peut connaître qu’une soif de connaissance jamais étanchée.

    En outre, elle n’oublie pas la citation bien connue d’Anaxagore rapportée par Aristote qui dit que « l’homme est le plus intelligent des animaux parce qu’il a des mains ». Il semble que nous n’ayons jamais autant valorisé la tête au détriment de la main, la conception plutôt que l’exécution. Et ce n’est pas une faute sans conséquences pour notre société. Les filières professionnelles et technologiques sont dévalorisées, certains parents les croient même réservées aux plus mauvais élèves. Le savoir-faire manuel et le rapport qu’il crée avec le monde s’en trouve dévalué. Or, pour avoir la moindre prise sur le monde, intellectuellement parlant, ne faut-il pas avoir un minimum de capacité d’agir matériellement sur lui ? « L’homme qui travaille reconnaît dans le monde effectivement transformé par son travail, sa propre œuvre », expliquait Kojève dans son Introduction à la lecture de Hegel.

    Pour Simone Weil, il s’agit d’inculquer dès le plus jeune âge le goût du travail bien fait, et de lutter ainsi contre la généralisation du travail sans qualité. Mais cela implique également de réadapter l’organisation sociale du travail. De nombreuses améliorations ont vu le jour, le travail ouvrier est sans nul doute moins pénible qu’au temps de Simone Weil. Pour autant, différentes recherches montrent que les ouvriers rencontrent des difficultés nouvelles, qui d’ailleurs débordent bien souvent le cadre des usines : « la mise en concurrence des salariés, l’évaluation individuelle, la rationalisation excessive, les normes élaborées par une hiérarchie qui ne connait pas la réalité du travail, uneretaylorisation qui permet d’intensifier le travail, la suppression des moments de convivialité… » (Mémoire et transformations du travail dans les entreprises de René Mathieu et Armelle Gorgeu, à lireici). Richard Sennet sociologue et historien américain, en appelle à la revalorisation du travail artisanal. Celui-ci mêle réflexion et imagination, mais surtout, il nécessite de la lenteur : le beau travail se fait toujours lentement, il est tout le contraire de la rapidité et de l’urgence que prône la société moderne.

    Simone Weil avait très bien entrevu ce qui allait devenir le néolibéralisme sans frein de notre époque. Et pour y remédier, elle avait retenu de sa lecture des philosophes grecs, la sagesse qui repose sur la recherche de l’équilibre et de la juste mesure. À rebours, toute la vie moderne s’est fait vilipender par la démesure et l’hubris : « Notre civilisation repose sur la quantité et a perdu de vue la qualité : tout s’en trouve corrompu. » La quantité car il semble que nous vivions pour accumuler toujours plus, comme pour combler artificiellement un vide. Nous sommes devenus en somme une civilisation de l’avoir, où règnent en maîtres la recherche du profit et la rentabilité. En nous coupant du passé, peut-être avons-nous oublié une leçon essentielle de notre Histoire et des peuples qui nous ont précédés : toute civilisation poussée à l’excès apporte avec elle sa Némésis.
    Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, il paraissait impossible à Camus d’imaginer une renaissance de la France et de l’Europe qui ne tînt compte des exigences que Simone Weil a définies dans L’Enracinement. Force est de reconnaître à sa lecture que sur bien des points, Simone Weil était capable de comprendre les maladies de son époque et d’en discerner les remèdes.

    Nos Desserts :

    • Un article sur la Note sur la suppression des partis politiques de Simone Weil : « Vérité, justice et bien public contre les partis politiques »
    • Un site qui présente la pensée de la philosophe à travers une série de citations et de grands thèmes tirés de son Œuvre
    • Dans l’émission de radio Les racines du ciel avec Jacques Julliard : Simone Weil, la femme révoltée
    • Le documentaire Simone Weil par ceux qui l’ont connue avec la participation du philosophe Gustave Thibon
    • Pour lire en ligne L’Enracinement, par ici

    http://euro-synergies.hautetfort.com/

  • « L’avant-guerre civile » d’Eric Werner

    Eric-Werner-lavant-guerre-civile.pngRéédition d’un essai philosophique portant sur la redéfinition de la guerre civile et de la place nouvelle de l’État dans sa gestion. 
    Il y a dix-sept ans paraissait à L’Âge d’Homme, L’avant-guerre civile, d’Eric Werner. La réédition, chez Xenia, de ce livre voyant, pour reprendre l’expression de Slobodan Despot dans sa postface, fait suite à une autre réédition, en 2013, par cet éditeur, d’un livre du même auteur, De l’extermination, le thème commun aux deux livres étant la guerre étrangère et la guerre civile. 
     
    Depuis l’Antiquité jusqu’à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, les choses étaient relativement plus simples qu’aujourd’hui. Ou bien il existait un ennemi extérieur et cet ennemi permettait de limiter le risque d’éclatement de la collectivité en renforçant sa cohésion, ou bien il n’existait plus d’ennemi extérieur et ce risque grandissait. La guerre étrangère est ce qui remédie à la guerre civile, dit Eschyle. 
     
    Depuis l’Antiquité jusqu’à la fin de Deuxième Guerre mondiale, le périmètre délimitant l’intérieur de l’extérieur des territoires a varié en dimension, mais il est resté relativement bien dessiné. Et, aux temps modernes, la création de État-nation a, selon Eric Werner, empêché le fléau de la guerre civile en s’arrogeant le monopole de la violence physique légitime, au prix, et en contrepartie, il est vrai, de guerres interétatiques. 
     
    À notre époque, ce qui a changé, c’est justement que les contours de l’extérieur et de l’intérieur sont devenus plus que flous et qu’en conséquence « la guerre civile devient, potentiellement au moins, une menace » : « personne n’est plus aujourd’hui sûr de rien: ni de sa propre identité, ni de celle des autres« . Les frontières interétatiques disparaissent de plus en plus et les organisations mondialistes prospèrent. La sécurité intérieure et extérieure se confondent, de même que les tâches de ceux qui sont chargés de les assurer, c’est-à-dire la police et l’armée. 
     
    Des frontières intra-étatiques apparaissent: ethnies, langues parlées, religions etc. et conduisent à des antagonismes. Se délitant indéniablement (non pas parce que sa forme d’État-providence est remise en cause, mais justement parce qu’elle ne l’est pas), l’État est incapable d’empêcher que ces antagonismes ne dégénèrent. Les hommes de l’État, jouant avec le feu, les favorisent même, faisant leur l’adage divide ut impera, se disant qu’en les multipliant il y a quelque chance qu’ils se neutralisent et ne se transforment pas en guerre. 
     
    L’État se délite et, dans le même temps, il se refait en menant une guerre intra-étatique, indirectement, contre ses propres citoyens. Il s’agit de les contrôler, de les espionner, de restreindre leur liberté d’opinion, d’expression et de recherche. Il s’agit de leur inoculer une pensée unique par la désinformation et la propagande. Il s’agit de les disloquer en s’en prenant à tout ce qui naturellement leur permettrait de s’opposer au pouvoir total que l’État exerce de plus en plus sur eux. 
     
    La politique, telle que décrite dans ce livre, n’est rien moins qu’attractive, si tant qu’elle le soit de toute façon. Contrairement à ce qui se dit de manière générale, n’occupe-t-elle pas une place beaucoup trop importante dans la vie des hommes, alors que l’on prétend que c’est l’économie qui a tout envahi ? Les tensions entre les hommes sont pourtant moins grandes dans les pays où cette dernière se porte mieux et où l’activisme de l’État est limité par des contrepouvoirs: je pense évidemment à la Suisse, toute imparfaite qu’elle est. 
     
    Dans la lignée de Benjamin Constant (qui pensait de son temps déjà qu’était advenue l’époque où le commerce remplaçait la guerre), après avoir rappelé qu’il existe deux manières pour un homme ou un peuple de se procurer ses moyens d’existence, les créer ou les voler (par la guerre notamment), Frédéric Bastiat concluait ainsi le chapitre XIX des Harmonies économiques : 
    " La Spoliation comme la Production ayant sa source dans le cœur humain, les lois du monde social ne seraient pas harmoniques, même au sens limité que j’ai dit, si celle-ci ne devait, à la longue, détrôner celle-là…"
     
    Évidemment empêcher ainsi que le chaos social ne se produise, en satisfaisant au mieux les intérêts personnels légitimes des hommes, ne fait pas l’affaire des États et de ceux qui en vivent, parce que cela remet sérieusement en cause leur existence, qui ne peut être justifiée dès lors que pour la sécurité des biens et des personnes réduite au strict nécessaire… 
     

  • Paul Moreira, "l'idiot utile" des Frères musulmans ?

    Paul Moreira, ce journaliste qui prétend si bien connaître les Evangiles qu'il y débusque des appels au meurtre qui n'existent pas de la part du Christ, n'a pas l'air de bien savoir non plus de quoi il parle lorsqu'il évoque le monde musulman, comme le démontre Joachim Véliocas, dans une enquête qu'il présente sur son blog, l'Observatoire de l'islamisation. A se demander si Paul Moreira ne serait pas "l'idiot utile" de la cause islamiste...

    Marie Bethanie http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/web.html

  • Génocide arménien : les responsabilités de l'islamisme, des Jeunes Turcs, de la franc-maçonnerie

    A l'occasion du centenaire du terrible génocide des chrétiens arméniens pour les Turcs, Bernard Antony publie un ouvrage intitulé "Le génocide arménien 1915-2015".

    G"« Génocide arménien » : c'est l'expression dans laquelle se resserrent, autour de l'évocation du sort du peuple quantitativement le plus massacré dans le premier quart du XXème siècle, les tragédies des exterminations qui ont visé jusqu à nos jours, phase finale, à l'anéantissement de tous les chrétiens habitant dans les actuels pays de Turquie, d'Irak et de Syrie. Le génocide dit arménien a été en effet, après les massacres du XIXème siècle, celui d'une continuité d'éradication aussi des Assyro-chaldéens et des Grecs du Pont et d'Asie Mineure. Le 24 avril 1915, date de la déportation vers la mort des élites arméniennes sur décision du gouvernement des Jeunes Turcs marque, certes, le début du grand génocide des années 1915-1916, mais parachevé après 1918 par Mustafa Kemal sur le territoire de l'actuelle Turquie et continué ensuite jusqu à nos jours en Syrie et en Irak.

    Bernard Antony, à travers les témoignages, en évoque les indicibles abominations dans toute l'étendue du mystère du mal. Il en rappelle, dans le refus des occultations révisionnistes ou négationnistes, les responsabilités convergentes du fanatisme islamique et des Jeunes Turcs, à la croisée de la franc-maçonnerie, des influences donmeh et du jacobinisme français."

    Michel Janva http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/web.html