Voilà une bien curieuse question!... Comment et pourquoi l'avenir du Vieux continent aurait-il pu être radicalement transformé dans cette paisible bourgade de l'Etat de Pennsylvanie, fut-elle le lieu de la plus célèbre bataille de la Guerre de Sécession ?
Tenter d'y apporter quelque réponse ne serait que pure spéculation. Mais la question mérite d'être posée.
Le présent article n'a pas la prétention de dresser un minutieux détail de la fameuse bataille qui se déroula du 1er au 3 juillet 1863. Le lecteur intéressé se reportera aux ouvrages de Lee Kennett, de même qu'au Blanc Soleil des vaincus de Dominique Venner que les Editions Via Romana ont eu l'heureuse idée de rééditer, enrichi d'une préface d'Alain de Benoist.
Après les victoires confédérées d'Antietam, Perryville et Fredericksburg et celle de Chancellorsville en mai, Gettysburg constitue le dernier verrou de l'armée des Etats-Unis, dont une nouvelle défaite autoriserait l'enlèvement, par les troupes confédérées, des grandes cités septentrionales de Washington et Philadelphie, puis New York et Boston. Que serait devenue la Nation américaine si le drapeau confédéré avait triomphé sur le Stars 'n' Stripes ? On peut sereinement juger que l'Histoire géopolitique des Etats-Unis en eût été profondément modifiée. Et ainsi, le destin de notre Vieille Europe.
Car Gettysburg constitue une incompréhensible défaite de l'armée de Virginie du Nord, dont le commandement est assuré par le général Robert Lee, face à l'armée du Potomac, dirigée par le général George Mead. Malgré une faible infériorité numérique, la victoire semble acquise à Lee l'Invincible. C'est sans compter sur le talent tactique du général nordiste John Buford qui parvient à imposer le choix du terrain au profit des troupes Unionistes. Tournant décisif de la Guerre de Sécession, Gettysburg consacre le Stalingrad des Confédérés qui perdent une large part des territoires acquis au cours des derniers mois. La bataille fut, en outre, la plus coûteuse en vies humaines dans chaque camp.
Quelques mois plus tard, en novembre, le président Abraham Lincoln rend hommage aux combattants des deux camps dans un célèbre discours prononcé sur les lieux mêmes de l'affrontement. La guerre terminée, l'heure est à la construction du lieu de mémoire de l'un des sites majeurs de l'Histoire des Etats-Unis d'Amérique.
Le voyageur qui se trouverait sur la côte Nord-Est des Etats-Unis aurait tort de ne pas faire un détour par cette charmante petite ville qui se situe à une heure de route de la Maison blanche. Toute la bourgade vit bien évidemment du souvenir de la bataille mais évite l'écueil de sombrer dans la "Disneylandisation". Antiquaires militaires de tous les conflits, bouquinistes et magasins souvenirs de qualité avec une prédominance nordiste, même Picsou y perdrait quelques plumes et dollars...
Voyager, c'est aussi déguster ! Si la gastronomie américaine ne mérite guère que l'on s'y attarde plus, il sera conseillé d'oser (et le verbe n'est pas trop fort) franchir la porte du Hunt's Café et commander un cheesesteak. Le regarder, c'est déjà accuser deux kilos supplémentaires sur la balance mais Dieux que c'est bon !
C'est le ventre plein qu'il vous sera permis d'effectuer les trente kilomètres du circuit remarquablement aménagé reliant l'ensemble des sites de la bataille. Et que cela est impressionnant de voir cette immense plaine de plusieurs dizaines de kilomètres carrés constellée de centaines de monuments à la gloire de chaque brigade de chaque Etat. Difficile d'accorder son attention à tous mais la vue est impressionnante.
Gettysburg, c'est aussi le symbole d'une histoire assumée. Le grandiose monument du général Lee est le plus majestueux des centaines d'autres à la gloire des Confédérés. Contraste saisissant quand on analyse les rapports de la France à sa propre histoire et à ses Réprouvés ; le Maréchal Pétain en tête dont le nom n'est plus honoré que par le village du Moule en Guadeloupe, quand douze villes américaines lui dédient une rue ou une avenue.
Ainsi, Gettysburg serait le trait d'union d'une Nation américaine qui a parfaitement digéré sa guerre civile. Et pourtant...
La Guerre de Sécession a cessé, ça c'est sûr ?
Polémique sur le drapeau Sudiste, le Waterloo de la liberté de penser au pays d'Oncle Sam
Lorsque Obama ne tient plus la Barack, c'est toute la société multiraciste américaine qui s'enflamme. Si les tensions raciales aux Etats-Unis n'avaient jamais complètement disparu, l'accession d'Obama à la présidence en 2008 ne manqua pas de les exacerber.
Sous les feux des projecteurs, nul Ku Klux Klan moribond, ni quelque mouvement suprémaciste condamné à une existence marginale... Non ! Oussama ben Laden désormais mort et offert au tumulte des flots, c'est un drapeau sur lequel se concentrent toutes les attentions de la bien-pensance occidentale.
Identifié au Klan et au souvenir de l'esclavagisme, le drapeau sudiste, dont les onze étoiles figurent les onze Etats confédérés, est la cible de nombreuses polémiques qui traversent l'Atlantique et sont relayées jusqu'en Occident comme une actualité internationale majeure. L'Etat du Mississipi qui arbore le drapeau confédéré comme emblème officiel est montré du doigt. Idem le sénat de Caroline du Sud sur lequel flotte la bannière étoilée du Sud. On a l'actualité qu'on mérite !
Il fallait bien un incident pour asseoir définitivement la revanche des minorités sur le Sud. Le 17 juin 2015, à Charleston, en Caroline du Sud justement, Dylann Roof, âgé de 21 ans, ouvre le feu dans une église noire de la ville. La fusillade fait 9 morts et consacre la condamnation définitive du Dixie Flag.
Cité par son porte-parole Eric Schultz, Obama indique que la bannière confédérée conserve toute sa place aux Etats-Unis... dans un musée. Sous la pression, l'Etat de Caroline du Sud met son drapeau dans sa poche.
Bien loin de faiblir, les tensions grandissantes font couler le sang. Le 24 juillet 2015, à Oxford dans le Mississipi, Anthony Hervey, homme noir de 49 ans et défenseur infatigable du drapeau confédéré, voit son véhicule percuté par un autre bondé de jeunes afro-américains. L'embardée de l'automobile tue Hervey sur le coup. Cinq jours plus tard, à Columbus dans l'Ohio, trois hommes blancs sont poignardés et une femme reçoit une balle dans le cou devant leur maison qui arbore le drapeau honni. Le 15 août, à l'université d'Austin au Texas, des groupes de pression obtiennent le retrait de la statue de l'ancien Président des Etats confédérés, Jefferson Davis. Le 16 octobre, à Bradenton, en Floride, un afro-américain tire à trois reprises sur un véhicule arborant un autocollant sudiste sur le parking d'un supermarché. Le 30 décembre, le cimetière confédéré de Raleigh est profané. Les exemples pourraient être multipliés à l'infini. Curieusement, les nouvelles se noient en mer et ne parviennent pas aux rédactions françaises...
Gettysburg, un passé qui ne passe plus ?
L'essayiste Martin Peltier a récemment trouvé 20 bonnes raisons d'être anti-américain. La Nation, passée maître dans l'art de la subversion en vue d'asservir le reste du globe, conservait quelques traits séduisants pour qui a traîné ses guêtres au pied des gratte-ciels d'Oncle Sam et autour des majestueuses maisons coloniales d'Oncle Ben's. Son travail de mutilation quasiment achevé, les Etats-Unis semblent bien déterminés à se saborder eux-mêmes dans leur démente vision eschatologique judéo-protestante.
Et les espoirs que place la frange réactionnaire et droitarde européenne dans la candidature du new yorkais Donald Trump semblent bercés des illusions d'une Europe incapacitante dans le choix de son avenir qui se joua autant sur la verte plaine de Gettysburg que chaque jour sur notre Vieux continent.
Donald Trump, on dirait le Sud... Mais le temps dure longtemps...
Virgile / CNC
Texte paru à l'origine dans Livr'arbitres #20 (site; notre revue de presse ici)
http://cerclenonconforme.hautetfort.com/le-cercle-non-conforme/