Comme avant lui Renaud Dély, Gilles Kepel, Jean-Jacques Bourdin, Mourad Boudjellal ou Patrick Bruel (liste non exhaustive), Emmanuel Macron dans son livre-programme «Révolution», établit un parallèle entre le FN à l’Etat islamique (EI). «Cette France», écrit-il, «républicaine par nature, qui est la nôtre, a des ennemis. Les républicains ne peuvent jamais faire l’économie de les nommer. (..) Il y a les islamistes qui veulent l’asservir et qui, l’expérience le montre, n’apportent que le malheur et l’esclavage. Il y a le Front National qui, animé par une absurde nostalgie de ce que notre pays n’a jamais été (sic), lui fait trahir ce qu’il est». Dans le même registre de la symétrie foireuse, Jean-Christophe Lagarde, président de l’UDI, expliquait en novembre de l’année dernière que l’Etat islamique était « bénéficiaire de la montée du FN » qui«favorise la propagande» de l’EI…mais sans prôner, comme le fait M. Macron, l’instauration de la proportionnelle afin que le courant national soit représenté à la hauteur de son poids électoral à l’assemblée…
De rétablissement de la proportionnelle, il n’était pas question hier lors de l’ultime débat entre MM. Fillon et Juppé, les deux hommes tombant d’accord sur l’essentiel et notamment sur leur volonté commune de «lutter contre les extrémistes », d’ «(a)battre le Front National». Notons au passage que la question centrale, décisive de notre inféodation à l’Europe liberticide bruxelloise n’a pas été évoquée une seule fois hier soir. Ce qui est assez aberrant quand on pour but, juste avant le second tour de cette primaire, d’afficher son courage, sa volonté de redresser notre pays… sans lui faire recouvrer son indispensable liberté de manœuvre et de décision?
Non, l’obsession, reste bien le poids électoral de l’opposition patriotique que François Fillon conteste lui aussi. Nous le rappelions, il affirmait l’année dernière, le 19 février 2015 sur l’antenne de BFM TV, qu’il voterait «sans hésiter » au second tour pour le candidat du PS contre Marine Le Pen à la présidentielle. Cela n’a pas empêché l’ex conseiller de Nicolas Sarkozy, Patrick Buisson, invité hier matin d’Europe 1, d’affirmer qu’ «à sa manière – moins triviale, moins brutale que celle de Sarkozy», M. Fillon a mené «une campagne de transgression des tabous». «Maurice Druon avait l’habitude de dire qu’en France, il y a deux partis de gauche dont l’un s’appelle la droite. C’est cette anomalie française qui est en train de prendre fin. Fillon assume une droite conservatrice ». La veille pourtant, François Fillon, toujours au micro d’Europe 1 affirmait qu’il n’était «certainement pas réac», «certainement pas conservateur»…et certainement pas décidé, il l’a redit hier soir, à remettre en cause le mariage pour tous, ni l’adoption pour les couples homosexuels.
«On assiste à ce que j’appelle, la révolution conservatrice» affirme M. Buisson. «C’est le mot de Napoléon à ses ministres: N’ayez pas peur du peuple, il est encore plus conservateur que vous. C’est en cela que Juppé, qui s’est fait le porte-parole de la modernité, tient un discours absolument ringard. Il ne se rend pas compte que cette révolution conservatrice est partout à l’œuvre dans la société occidentale ». Comme le notait Bruno Gollnisch quelques heures après la défaite d’Hillary Clinton, «le peuple est beaucoup plus au fait des réalités que les élites dans leur tour d’ivoire et qui échappent aux réalités». Mais ce réalisme est-il vraiment partagé par M. Fillon?
L’interrogation est majeure: une droite réactivant les vieilles recettes du thatchérisme, aujourd’hui, obsolètes dans un monde saccagé par la violence de la mondialisation, recettes abandonnées aussi bien en Angleterre que par un Donald Trump plaidant pour le protectionnisme, serait conservatrice de notre identité française ? Est-ce là la ligne Maginot, la «bataille idéologique» que M. Fillon se targuait hier soir d’avoir gagné?
Pareillement, cette bataille ne va pas jusqu’à faire sauter un des grands tabous partagé par l’ensemble des partis du Système, puisqu’il refuse de plaider en faveur du nécessaire rétablissement de la préférence nationale. A lire son programme, certes, M. Fillon, jusqu’alors très mou sur le sujet, affirme vouloir donner un coup d’arrêt à l’immigration massive par une série de mesures (quotas, renforcement des contrôles, restriction de l’AME…), toutes choses dont la droite au pouvoir s’est toujours abstenue. En fait de laxisme criminel, faut-il aussi rappeler que le précédent gouvernement Fillon se signala, avec la bénédiction du Medef, de la gauche immigrationniste, des diverses obédiences multiculturalistes et humanistes, par l’arrivée sur notre sol d’un million d’immigrés légaux supplémentaires?
Déjà en 2007, pillant sans vergogne des pans entiers du programme présidentiel lepéniste, Nicolas Sarkozy, sur un mode patriotique bien plus affirmé que François Fillon au cours de cette campagne des primaires, il faut s’en souvenir, avait promis la rupture. La rupture avec les dérives communautaristes, le multiculturalisme, la racaille, l’immigration massive, le fiscalisme qui spolie, la bureaucratie qui paralyse, l’esprit de mai 68, la dictature morale de la gauche. Il évoquait la France de Charles Péguy, convoquait Barrés et Jeanne d’Arc, exaltait la France éternelle, nos racines chrétiennes , célébrait le bons sens de la France qui se lève tôt, le pays réel face au pays légal...on a vu le résultat lors de son quinquennat. Une ligne droitière réactivée à des fins électoralistes lors de sa campagne de 2012, qui a sans aucun doute permis au mari de Carla Bruni de limiter la casse dans les urnes face à François Hollande.
Déçus du sarkozyme, ou électeurs sarkozystes dépités de la non qualification de leur champion démonétisé pour le second tour de la primaire de la droite et du centre, auprès desquels M. Fillon n’a pas toujours la cote. Les orphelins de Sarko, et ils pèseront d’un poids non négligeable sur le résultat de la présidentielle, ne suivront pas forcément les objurgations de l’ex chef de l’Etat. Il demandait le 20 novembre à ses électeurs de voter pour le leurre Fillon, «de ne pas jamais emprunter la voie des extrêmes, la France mérite tellement mieux que le choix du pire». Nombreux sont au contraire nos compatriotes à comprendre que la seule manière d’éviter la voie des extrêmes euromondialistes, c’est justement de ne pas faire le choix du pire consistant à remettre en selle les représentants de ce vieux Système qui promettent de faire demain ce qu’il n’ont ni su, ni pu ou ni voulu faire hier.