Plus cet étrange quinquennat déroule son fil, et plus les Français redécouvrent que le gouvernement politique reste un métier. Les faits sociaux ne se réduisent pas à des choses, et les hommes ne se dirigent pas, et les lois ne s'élaborent pas, comme l'imaginent les technocrates, avec des pourcentages et des calculettes. Si les maladresses du pouvoir s'additionnent, on ne doit donc pas s'étonner.
On n'entend plus, la mode en est passée, l'antienne proposant de gérer le pays comme une entreprise. De ce slogan tant soit peu méprisant, on aurait pu au moins retirer une ou deux bonnes idées. Il eût semblé bénéfique par exemple d'accorder un peu plus d'audience aux travaux de la Cour des Comptes. Certes, la loi sécurité sociale de juillet 1994, puis, 14 années plus tard, la réforme constitutionnelle de 2008 ont timidement fait avancer le rôle, aujourd'hui encore consultatif, de cet organisme, lui-même reflet de la haute administration, au sein de nos institutions. Mais on s'est jusqu'ici refusé à aller au-delà. Ajoutons que, contrairement à ce qui s'impose aux moindres sociétés commerciales, tout cet univers se refuse à la logique comptable et à la production d'un bilan, d'un compte d'exploitation, etc.
Dès lors certains seraient tentés d'applaudir à la proposition du gouvernement de Paris, après celle de Mme Goulard refusée par le Parlement européen, de lui substituer la candidature à la qualité de commissaire européen de Thierry Breton, considéré comme l'un de nos plus brillants administrateur de sociétés et autres dirigeants d'entreprises du secteur privé.
Qu'on me permette de juger ici, bien que cela paraisse nous sortir de l'anarchie coutumière, qu'il s'agit d'une fausse bonne idée.
Parmi les compétences que l'on préempte en faveur de ce candidat figure par exemple, outre certains domaines pour lesquels son expérience plaide certainement en sa faveur, le projet d'une défense européenne.
Sur ce terrain, politiquement si sensible, constamment miné et pourtant essentiel, comment imaginer qu'il puisse faire avancer les vraies préoccupations françaises, celles d'un pays trop souvent seul ou presque à envoyer, sur le terrain, des soldats pour l'intérêt commun des Européens.
Depuis le désastreux traité de Nice, rédigé sous Chirac par Juppé et Toubon, la Commission compte un seul Français, sur 28 États-Membres. Il est donc indispensable de ne plus confier ce rôle à des ectoplasmes, à des apparatchiks, ou à des recalés du suffrage universel national, comme le sont beaucoup d'élus au Parlement européen désignés sur des listes bloquées.
La candidature Breton, second choix du gouvernement, peut ainsi être présentée pour novatrice.
Mais on peut difficilement s'accommoder, dans une fonction aussi éminemment politique, d'un représentant de ce qui ressemble fort au capitalisme de connivence, et qui sera certainement jugé pour tel par le parlement de Strasbourg.
D'autre part, sur le terrain des idées, quel souvenir M. Breton laisse-t-il, sinon celui d'un immigrationniste. Camille Galic, seule de la presse bien évidemment, rappelle ainsi dans Présent[1] son caractère de "fleuron du mondialisme : En parfaite adéquation avec l’ONU, écrit-elle, qui préconisait en janvier 2000 l’importation de 25 millions d’immigrés pour 'revivifier' notre vieux continent, il soutenait ainsi dans Le Point du 9 mai 2013 que, du moment que 'l’histoire de notre pays est intimement [sic] liée à sa politique migratoire', car 'l’immigration produit de la croissance [re-sic]‘, il faut avoir, que cela dérange ou non, l’ambition d’une France autour de 85 à 90 millions d’habitants' à l’horizon 2050 en ‘ouvrant les vannes de l’immigration’. Le sort de l’Europe dépendant du super-ministère brigué par la France, il faut donc s’attendre au pire au cas où serait investi ce fossoyeur de notre identité et de notre civilisation". Comment la contredire ?
Cette candidature, au total, a tout, ou presque, pour nous déplaire.
Chacun son métier et les technocrates seront bien gardés.
JG Malliarakis
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