[Ci-contre : Louis-Napoléon, auquel le philosophe allemand Karl Marx consacra une série d'articles immédiatement après le coup d'État du 2 décembre 1851, considéré comme la répétition tragi-comique du 18 brumaire an VIII (9 novembre 1799) qui porta au pouvoir l'oncle de ce dernier, le futur Napoléon Ier]
Mais si l'on songe que ce sont les hommes qui l'obligent à revêtir cette défroque, alors le point de vue de Marx doit être retourné : ce n'est pas l'histoire qui ruse pour parvenir à ses fins (elle n'en a pas), ce sont les hommes qui rusent avec elle pour tenter de lui en donner une, afin d’avoir une raison d'espérer. Une de ces (pauvres) ruses consiste précisément à l'arracher à la superbe indifférence de son mouvement cyclique, en déployant les séductions de notre raison, bref, à la soustraire à l'emprise du mythe pour en faire une aventure proprement humaine. L'entreprise marxienne participe de cet effort de rationalisation, aussi distingue-t-elle soigneusement la répétition dans l'histoire, de la répétition de l'histoire ; celle de Flaubert, au contraire, s'inscrit dans un courant de pensée de l'histoire d'un scepticisme radical. La fiction est son terrain d'expérimentation. Mathô et Hamilcar qui, dans leur simplicité barbare jouent sans costumes (ni archaïsants ni futurologiques), dénudent du même coup l'histoire, et nous la font voir pour ce qu'elle est : insensée pour qui la rapporte à des fins humaines, mais pleine de sens pour qui la pense dans son éternité. Flaubert pouvait difficilement trouver un meilleur exemple que l'affrontement entre Mathô et Hamilcar pour illustrer cette thèse.
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