[Ci-dessus : Jeu des Rois par Anatoly Kudryavtsev, 1996-1998]
Un spectre hante l’Europe d'aujourd'hui. Des conseillers politiques de la Maison Blanche, d'anciens agents du KGB cherchant à se recycler, des publicistes libéraux défendant de troubles et occultes intérêts réactionnaires, des professeurs gauchistes amateurs de liaisons dangereuses avec les droites, tentent désespérément d'en trouver la trace. Ce spectre, c'est la géopolitique.
Eh oui, elle revient au grand galop, cette géopolitique condamnée à une damnatio memoriae depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, dont on a nié la validité sans lui permettre de se défendre et d'apporter les preuves de sa pertinence, que l’on a réduite au silence pendant toute la guerre froide qui avait imposé au monde une lecture strictement idéologique et socio-économique des conflits. Pour satisfaire au rituel du langage dominant, il fallait dire qu'elle était une “pseudo-science”, fondée par deux pères historiques : l’embarrassant Friedrich Ratzel, auteur, entre 1882 et 1991, d'une Anthropogeographie évolutionniste et déterministe (que l'on a longtemps considérée comme l’antécédent wilhelmien du racisme hitlérien) (1), et le général, diplomate et érudit Karl Haushofer, qui avait caché Rudolf Hess dans sa maison après le putsch raté de Munich en 1923 et dont le fils, poète ésotérique, fidèle, comme son père, à l’idée d’une alliance nord-européenne entre l’Allemagne et l’Angleterre, sera massacré par la police nazie le 23 avril 1945 à l’âge de 42 ans.
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