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culture et histoire - Page 1471

  • MON BEAU SAPIN ...

    Paul Mc Carthy, "artiste" américain, a eu l’audace de gonfler un énorme sextoy (ou jouet érotique) vert sapin sur la Place Vendôme. De bonnes âmes ont elles éprouvé le besoin impérieux de dégonfler l’oeuvre en question !

    Depuis quelques années maintenant, l’inculture des uns passe pour de l’art pour les autres. Ce n’est absolument pas étonnant. Après les colonnes de Buren, les bonhommes japonais grotesques du Château de Versailles, l’art en a pris un sacré coup dans notre vieille patrie.

    Anne Hidalgo, Bruno Julliard et Fleur Pellerin ont défendu la "liberté de création", qui rappelons-le si on l’inverse donne la liberté de détruire. Le mot "liberté", dans la bouche des libéraux, ne signifie rien d’autre que la destruction lente des racines, des repères, de l’Histoire. L’Art, cette denrée marchandisée par ces mêmes libéraux, n’échappe pas à la décadence. Car dresser un sextoy en plein Paris et le faire passer pour un sapin de Noel, c’est de l’art, bien entendu ... Le mauvais goût reste le mauvais goût, non ?

    On est bien loin des impressionnistes, ou des peintres de la Renaissance ! On se souvient des spectacles et des "oeuvres" blasphématoires de type "piss Christ", qui ont choqué tous les catholiques et au-delà. Au nom de l’art, on peut déranger, certes, mais avec tact et talent, pas dans la vulgarité et le manque d’imagination. Demain je retourne une voiture sur les Champs-Elysées et je dis que c’est de l’art !

    Au nom de l’art, c’est un peu comme au nom de la liberté, d’ailleurs ... Attention à celui qui ose critiquer le fameux sapin de Noel qui n’en est pas un, il manque certaines décorations ! La liberté s’auto-annihile, se rend grotesque à force d’exagérer les traits. Défendre une liberté qui finalement détruit, ou rime avec le ridicule à ce point, n’est-ce pas là une erreur ?

    Qui défend cet "art" ? La gauche évidemment, et son désir de tout détruire ou de tout faire chanceler. Demain, édifions une statue romaine et ce beau monde criera au retour du fascisme.

    Ah, que de bruit et de dérangement pour rien ! Les vrais sapins de Noel, eux, ravissent les plus petits et leurs parents. Symbole de l’unité de la famille et de la fête partagée par une majorité de Français, le sapin de Noel, le vrai, confortera les familles dans ce qui reste debout dans ce monde où la saleté et la bêtise passent pour de l’art.

    Philippe Perrin

    http://www.actionfrancaise.net/craf/?MON-BEAU-SAPIN

  • L'essence métaphysique du paganisme

    On le sait, mais on l'oublie trop souvent, ce sont les principes situés à la racine même des choses, qui fondent véritablement les idées génériques placées à l'origine des différentes conceptions du monde. Or ce qui distingue radicalement le paganisme du christianisme (termes qui, rappelons-le, concrètement, aujourd'hui, ne qualifient plus en Europe aucune réalité religieuse distincte puisque, que cela plaise ou non, l'histoire a conjugué non sans quelques difficultés il est vrai, ces deux dénominations en un seul destin), est une divergence majeure qui ne porte pas entre polythéisme et monothéisme (1), mais de façon irréconciliable porte sur la notion de création.

    Ce qui spécifie, et sépare de manière catégorique le paganisme de la pensée biblique c'est leur analyse divergente au sujet de l'origine du monde, de l'origine de l'être. Si, pour les païens, le monde est de toute éternité incréé et suffisant ontologiquement, par contre, la pensée hébraique considère le monde comme résultant d'une création "à partir de rien", doctrine que la Bible place en tête de son introduction puisque le premier de ses versets nous dit, "Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre", (2). Les points de vue, les concepts païens et hébreux sont irréductibles, radicalement hétérogènes, il y a une incompatibilité foncière entre les deux approches de la question de l'existence du monde; c'est sur ce point que se trouve la véritable ligne de partage des eaux, la césure entre pensée hébraïque et pensée païenne. C'est sur ce point, et non pas sur l'allégeance exprimée à telle ou telle figure divine, à telle ou telle divinité tutélaire, dans l'attachement à Zeus l'olympien ou au Yawhé du Sinai, que se situe la divergence foncière.

    I. Problème de la pensée religieuse.

    On ne saurait trop insister sur ce que pourrait avoir d'illusoire l'idée, pour fonder une alternative nouvelle, qui consisterait à se rattacher à un paganisme affectif et dévotionnel, dans lequel seraient mis en concurrence et en opposition les dieux qualifiés "d'historiques", et le Dieu dit "unique" de la révélation biblique. C'est, hélas, sur cette fausse opposition, que se développa (et se développe encore...) une sorte de vague reliogisité païenne, dans laquelle est caressé l'espoir hypothétique d'un retour des dieux. Or jamais, sur ces questions, le vouloir ne peut avoir de prise, "il n'est pas possible de faire être par la volonté ou la parole les choses elles-mêmes" (3). Bien souvent, le désir d'un redéploiement d'un paganisme réel, tend à laisser penser, qu'il serait nécessaire de refaire surgir de nouveau les anciens mythes. Or, ou bien ce qui est mort est mort, et de la mort rien ne peut renaître, ou bien en réalité rien n'est jamais mort (les dieux en principe ne meurent pas...) et donc rien n'a jamais disparu, mais se trouve dissimulé sous d'autres appellations.

    Le plus étrange dans l’examen de cette question religieuse, c'est que le paganisme finissant, nous montre une religiosité que l'on peut qualifier sans peine de préparatoire à l'avènement du christianisme, ce qui n'est pas sans poser quelques problèmes. En effet, si nous regardons l'histoire avec attention, nous voyons que lorsque l'empereur Julien (361-363) tenta d'instaurer contre le christianisme triomphant, une religion à ses yeux plus conforme aux traditions gréco-romaines, il exprima sa doctrine en des termes, qui concilièrent le Sol Invictus et Attis: " Un Etre suprême, unique, éternel anime et régit l'organisme universel, mais notre intellect seul en conçoit l'existence. Il a engendré de toute éternité le Soleil, dont le trône rayonne au milieu du ciel. C'est ce second démiurge qui, de sa substance éminemment intelligente, procrée les autres dieux" (4). Ne serait-il donc pas permis de se demander sérieusement, dans quelle mesure, l'évolution des religions grecque et romaine n'a pas favorisé le triomphe du christianisme ?

    Allons-même plus loin : si l'on étudie les choses avec réalisme, ne constate-t-on pas que dès Hésiode, qu'on le veuille ou non, la réflexion strictement religieuse des Grecs commence à ouvrir un chemin vers le monothéisme, et tente de fonder la morale sur la religion ? A Rome, la conception du Jupiter archaïque, arbitre souverain et garant de la bonne foi, attestera une orientation dans le même sens, plus instinctive certes, mais non moins évidente. Sans doute, l'entrée massive des éléments néo-platoniciens et orientaux dans la religion et la pensée hellénico-romaine rapprochera encore Athènes et Rome du christianisme futur, en fournissant un aliment mystique au désaroi du peuple, en répandant la notion de salut, en imposant, confusément encore, la conception d'un hénothéisme qui n'est pas éloigné, dans le stoïcisme, du monothéisme. Mais il est intéressant de voir que le mouvement religieux qui portait les esprits à l'époque impériale fut, dans son ensemble, plus que favorable à la pénétration du christianisme dans l'Empire. Et ce constat, doit nous porter à entreprendre une réflexion plus précise au sujet de la facilité avec laquelle le christianisme prit greffe sur le paganisme. Ceci n'est pas anodin et, disons-le clairement, jamais une religion étrangère n'aurait pu triompher si ne s'étaient pas trouvés des éléments communs à l'intérieur même du système religieux antérieur. Il n'existe absolument aucun exemple historique d'une religion s'imposant sans violence à un système étranger à elle-même, ou plutôt disons, qu'il n'existe qu'un seul exemple historique: le triomphe du christianisme à Rome sous Constantin ; voyons pourquoi.

    Les causes de ce triomphe peuvent se résumer en quelques lignes significatives. Les cultes avaient en réalité, avec la nouvelle religion de nombreux traits identiques: la monolâtrie de fait qu'ils proclamaient, le souci de l'ascèse morale et spirituelle; autant l'admettre, quel que soit le degré d'élévation de tous ces cultes, ils répondaient tous aux mêmes besoins par les mêmes moyens. Fondés sur les notions de mort et de résurrection, de naissance nouvelle et de filiation divine, d'illumination et de rédemption, de divinisation et d'immortalité personnelles, ils prétendaient assurer aux fidèles le contact direct avec la divinité, et l'espoir d'une survie bienheureuse. Ils témoignaient en outre, par le biais d'une dévotion dirigée sur un seul dieu, d'une aspiration au monothéisme très prononcée. A l'intérieur de chaque "secte", le dieu sauveur était conçu comme supérieur à toutes les autres divinités et tendait à les éclipser. Mais il y a plus, les analogies de fond et de forme qui existaient entre tous les cultes conduisirent à penser que sous les noms d'Attis, de Mithra, etc... le même Dieu se manifestait, qu'on le considère comme le Dieu "véritable", ou comme un simple intermédiaire importait peu. Ceci explique pourquoi les tentatives prématurées d'Elagabal recevront de fait, leur consécration officielle grâce à Aurélien (270-275), qui sut habilement réaliser le syncrétisme devenu inévitable. On sait qu'il choisit pour divinité suprême Sol Invictus, dans lequel les fidèles des diverses sectes pouvaient reconnaître aussi bien Baal, qu'Attis, Osiris, Bacchus ou Mithra. Sol Invictus présentait d'autre part, l'avantage d'être assimilable à Apollon, et également à une vieille divinité romaine, Sol Indiges, dont l'origine remontait au temps mythique de la fondation de la cité. Sur cette lancée, Aurélien compléta son entreprise en faisant admettre définitivement la divinité de l'empereur vivant, considéré comme incarnation de Dieu sur la terre. En réalité la seule doctrine qui se heurta à l'antipathie du pouvoir, fut le stoïcisme qui, jusqu'à l'avènement de Marc-Aurèle, servit de refuge hautain à l'opposition.

    Le christianisme, de son côté, héritant du judaïsme l'intransigeance des Macchabées, mit en pratique la parole du Christ: "Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu" (5). Sujets loyaux de l'Empire, les chrétiens refusèrent d'encenser les dieux, et de reconnaître la divinité d'un homme, fût-il l'empereur. Leur crime aux yeux de l'Etat, fut politique et non religieux; ou plutôt, il ne fut religieux que parce que leur attitude manifestait fermement leur volonté de conserver leur foi à l'abri des contaminations du syncrétisme. En fait, l'Empire eût été prêt à accueillir le christianisme comme les autres religions, cela est si vrai, que c'est au nom même du syncrétisme et de l'intérêt de l'Etat que fut proclamée, en 313, l'égalité de la religion chrétienne avec la religion officielle par le rescrit de Licinius: "Nous avons cru, est-il dit, devoir donner le premier rang en ce qui concerne le culte de la divinité, en acordant aux chrétiens comme à tous, la libre faculté de suivre la religion qu'ils voudraient, afin que tout ce qu'il y a de divinité au ciel pût nous être favorable et propice, à nous et à tous ceux qui sont sous notre autorité" (6). Le testament religieux du paganisme gréco-romain finissant, n'était donc pas étranger au christianisme naissant, et les Pères de l'Eglise ne s'y sont d'ailleurs pas trompés, qui ont vu en lui l'une des voies préparatoires que Dieu proposa aux hommes pour découvrir son visage.

    Que l'on n'imagine pas, toutefois, en désespoir de cause, trouver dans le paganisme celto-germanique un "recours", qui représenterait un meilleur garant comparativement à l'héritage greco-latin, car la tradition nordique présente les mêmes dangers que sa soeur du sud. Les incessantes luttes fratricides entre les chefs tribaux dépourvus de toute conscience historique, la lente mais réelle disparition progressive de la classe sacerdotale (Godis), le venin intellectuel que représente l'idée d'une procession du divin d'un centre pur et inaltérable vers le dehors par une série d'hypostases et de démiurges, le sens du péché consistant dans l'éloignement du monde de son sens divin, on retrouve ici les mêmes et identiques facteurs d'une lente progression vers le Dieu unique.

    Que nous enseignent ces faits ? Tout simplement que pour pouvoir échapper au monothéisme il convient, non pas de savoir "comment être païen" au sens religieux du terme, comme beaucoup l'ont cru et, l'imaginent malheureusement encore, mais de comprendre en quoi consiste véritablement l'essence du paganisme, non pas du point de vue religieux, mais du point de vue métaphysique, là où se situe l'authentique et irréductible divergence d'avec la pensée biblique, là où les thèses présentent une fracture, une incompatibilité foncière. Redisons-le, la religiosité n'est qu'une forme culturelle affective non autonome. Liée à un substrat collectif traditionnel, le sens religieux, par sa plasticité, peut se voir dépouillé de ses bases métaphysiques et s'adapter sans difficultés à d'autres conceptions. L'avènement du christianisme en est le plus bel exemple. Ce n'est donc pas au niveau du religieux qu'il nous faut découvrir l'essence du paganisme, mais au niveau de son essence profonde, au niveau de sa métaphysique propre, là où se déploie sa véritable nature. C'est pourquoi, il est vital d'atteindre l'essence de son ontologie, là où la question de l'être se révèle comme centrale, car c'est de ce point seulement que pourra surgir l'aurore d'un nouveau Sacré.

    II. Le fondement de la métaphysique païenne.

    L'originalité de la pensée païenne se situe sur un point fondamental, point qui ordonne tout l'édifice de son essence intime: le problème de l'éternité du monde, de son autosuffisance ontologique. Pour les païens, l'idée que le monde puisse avoir été créé, est une proposition absurde, incongrue, alors qu'elle est la base de la foi chrétienne, qui hérite en cela du créationisme biblique :"Credo in Deum Patrem omnipotentem creator coeli et terrae" (7). C'est là le centre, le coeur, de toutes les divergences.

    La création, en climat théologique biblique, est une opération qui s'effectue "ex nihilo" (8), c'est-à-dire que rien ne lui préexiste, sauf Dieu bien évidemment (ce qui n'est d'ailleurs pas la moindre des incohérences de vouloir faire que la cause de l'existence des choses manque au principe même qu'elle prétend expliquer, échappant elle-même à la loi de la causalité dont on nous dit qu'elle préside à l'existence de toute chose!). Chez les païens au contraire, les dieux sont considérés comme les représentants suprêmes d'un Tout divin. Ils sont les premiers dans l'être, mais non point les premiers par rapport à l'être. Leur transcendance n'est pas reconnue, il n'existe pas de Grand Séparé; dans ces conditions, c'est au Grand Tout qu'est attribué la nécessité éternelle. Le problème pour le paganisme ne se pose qu'à partir d'une matière commune, nul ne s'avise de rechercher la cause de l'être ou du monde. Ce monde, cet être, n'a pas besoin d'autre explication que lui-même; il est nécessaire, et de cette nécessité, chez Aristote, le "Premier moteur" n'en est que le premier bénéficiaire, il n'en est pas la cause. Il meut, il actionne la machine universelle, il ne la crée pas. Son action présuppose quelque chose d'aussi nécessaire que lui, et qui représente une passivité éternelle sous son activité ou son influence.

    Il importe cependant de réfléchir sur la validité et la crédibilité des thèses en présence ; pour ce faire, la philosophie n'a aucunement besoin des sciences physiques ou mathématiques, qui ont d'ailleurs plutôt tendance, depuis quelques années, à flirter étrangement avec la mythologie ou l'imaginaire, et à ne plus être en mesure d'élaborer un discours véritablement sérieux. D'autant que sur la question de savoir si le monde a été créé du néant ou pas, les sciences avouent humblement leur incapacité à pouvoir fournir une réponse, tant leur méthode les rend muettes sur ce sujet. La philosophie par contre, lorsqu'elle exerce son authentique faculté de jugement, dépasse en qualité, profondeur et certitude, toutes les hypothèses des disciplines fragmentaires; elle n'est pas mère de toutes les sciences pour rien!

    La philosophie, effectivement, est capable (lorsqu'elle ne part pas de l'ego, mais du réel expérimenté en tant qu'il est, lorsqu'elle sait que le seul et véritable maître, c'est le réel), de par son jugement propre, de saisir et d'affirmer la vérité touchant l'Univers et les choses, et cette vérité est l'oeuvre de son intelligence analytique, car le réel est structuré selon un ordre et une logique qui relèvent de l'ontologie, c'est-à-dire de la science de l'être. C'est ainsi qu'avant même Nils Bohr ou Costa de Beauregard, et sans l'aide du lourd appareillage des laboratoires de physique nucléaire, on savait déjà au IVème siècle avant notre ère en Grèce, que l'espace et le temps ne sont pas des idées pures ou des catégories a priori, ni un réel consistant, antérieur aux objets qui le remplissent, mais précisément les accidents propres aux substances matérielles, dimensives et permensives.

    III. L'être et le temps.

    Examinons donc à l'aide de la logique analytique la thèse biblique d'une création "ex nihilo", et voyons si ce dont on nous parle, c'est-à-dire d'un état censé avoir précédé le monde, d'un état "d'avant le commencement", est une hypothèse crédible. Cet "avant le commencement" désigne un temps nous dit-on, mais de quel temps parle-t-on ? Y avait-il un temps avant le temps ? Cela n'a, pour dire les choses clairement, aucun sens, cela ne désigne rien; car il n'y a pas, et ne peut y avoir, deux temps, l'un avant où le monde n'existerait pas encore, l'autre après, le temps du monde, venant se superposer au premier comme un rail sur une voie préparée à le recevoir.

    Si le monde est fini en arrière, il n'y a rien avant, ni temps ni autre chose. Il n'y a donc pas d'avant, il n'y a pas, et ne peut y avoir "d'avant le commencement". Pour qu'il y ait eu un moment, fut-il un moment du rien, il faut qu'il y ait quelque chose, or un moment est une position du temps, est le temps, est une mesure des choses existantes. La durée est un attribut, et la durée d'une chose ne pouvant précéder cette chose, il est clair que si cette chose est le Tout, il ne peut y avoir de durée en dehors d'elle. Un jour, nous dit-on dans la Genèse, Dieu se décida à donner l'existence au monde. Un jour! Quel jour ? Ce jour n'existe pas plus que cet "avant le commencement", il n'y a pas de durée où le loger. Le premier jour qui ait existé, c'est le premier jour du monde lui-même. Nous sommes, de ce fait, obligés d'admettre que le monde a toujours existé puisqu'il n'y a pas de jour où il n'ait pas existé !

    La vérité, est que le temps commence avec le monde lui-même: il n'y a pas de temps en arrière; le tout du monde comprend aussi le tout de la durée. Le monde existe et a existé depuis tout le temps qui existe, il n'y a aucun temps possible où il n'ait pas existé, il n'y a pas, en toute logique, "d'avant le commencement" - le monde ne peut pas ne pas avoir toujours existé puisqu'il est. Quant à parler d'un temps "avant la création", d'un temps précédant le temps qu'inaugurerait la création, cela est une pure et chimérique imagination, une vision, un rêve enfantin. En effet, il ne peut y avoir continuité entre ce temps imaginaire et le temps réel, on ne met pas bout à bout un rêve et le réel. On ne peut faire commencer le monde qu'au début de la durée où il existe, car on ne compte les jours que de ce qui existe, ce qui n'existe pas ne peut pas se compter; il n'y a pas de premier jour pour ce qui n'a pas vu le jour: tout commencement est donc forcément une suite.

    IV. L'être et le néant.

    Mais poursuivons, plus avant encore, notre raisonnement, et voyons les conséquences qu'impliquent la croyance en l'hypothèse d'un temps fini en arrière, c'est-à-dire d'un temps ayant commencé après n'avoir pas été. On n'y pense peut-être pas assez, mais si le temps est fini en arrière, on est obligé de se heurter au vide et ainsi de s'imposer à un contact entre le tout et le rien. Or entre l'être et le néant, entre le tout et le rien, il ne peut y avoir contact, "du rien, rien ne vient" (9). C'est d'ailleurs l'opinion de Mélissos de Samos lorsqu'il écrit :"Ce qui était a toujours été et sera toujours (...) car rien n'aurait pu, de quelque manière que ce soit, sortir de rien" (frag., B 8), (10). Surgir du néant c'est ne pas surgir du tout puisque le néant est une pure négation; et voici cependant que l'on fait du néant un point de départ positif.

    Le néant, "est" une pure négation d'existence, le néant "n'est" pas un état, le néant "n'est" que néant, (si toutefois nous pouvons employer le verbe "être" à propos du néant). Pour venir à l'être, ce que l'on implique en parlant d'une création, il faudrait qu'il y ait déjà de l'être, or "de ce qui n'est pas, rien ne peut surgir (...), rien ne peut être créé de rien" (11). Si l'on dit que Dieu a tiré le monde du néant, on sous-entend que du néant puisse apparaître quelque chose, mais le néant n'est pas et ne peut être un réceptacle dont quelque chose puisse être tiré. On l'a pourtant cru et enseigné! Il s'est même trouvé des théologiens chrétiens pour écrire: "le néant est une réalité, puisque Dieu en a tiré le monde" (12). Malheureusement on ne peut du néant faire succéder le monde, une succession dont un des termes est le néant est une absurdité manifeste! Du non-être à l'être, il n'y a ni proportion - ni relation possible - du néant, rien ne peut suivre. Il ne peut y avoir aucune possibilité concrète d'une création, aucun moment pour une initiative créatrice, il n'y a aucun fait nouveau qui aurait du néant avant lui. Dans le néant (si l'on peut ainsi s'exprimer), il n'y a point d'application pour une force, il n'y a ni situation ni modalité quelconque puisque le néant n'est pas, puisque le néant est la négation, l'absence totale d'être.

    Tout phénomène, quel qu'il soit, s'explique par un antécédent d'où il procède, c'est une loi universelle intangible; donc ou bien il n'y a pas de création au sens où l'entendent les théologiens juifs, chrétiens et musulmans, et par déduction le monde ne peut pas avoir été créé, ou alors quelque chose qui n'est pas Dieu échappe à la causalité de Dieu. A cette question il n'existe qu'un remède, puisque nous ne pouvons trouver de sens acceptable au mot création, il nous faut dire (comme l'affirement toutes les traditions extérieures à la révélation biblique): l'univers n'est pas créé, il ne peut être ou avoir été créé de rien, et s'il n'a pas été créé de rien, c'est qu'il est, fut et demeurera. Il est l'être qui en tant que tel ne peut "provenir", puisque pour qu'il y ait de l'être maintenant, il faut obligatoirement qu'il y en ait eu toujours, car la vie vient du vivant, l'être vient de l'être.

    Après avoir très rapidement souligé les difficultés relatives à la thèse créationiste, l'hypothèse d'un premier jour nous devient impensable, la précession du temps et de l'être par le néant aboutit au vide. Or le vide, dans ce cas, serait au minimum un espace ou une durée où l'on pourrait loger quelque chose; ce serait une capacité définie, avec des dimensions. Ce serait donc de l'être, car on ne peut pas dire que ce qui a des dimensions ne soit rien, il en est de même du temps.

    Dire qu'à un moment donné le temps n'existait pas, c'est dire encore qu'il existait. Il ne peut donc pas y avoir de vide temporel à l'extrême bord de l'être, l'être ne peut être bordé par rien, ne peut se voir précéder par rien. On est toujours dans l'être, on ne peut rien supposer d'antérieur à l'être d'autre que de l'être. Dire qu'il puisse exister un état de non existence, serait jouer avec les mots: une négation n'est pas un état. Le rien n'étant rien, en affirmant que le monde fut créé du néant, on ne dit en réalité que du vent. Affirmer que le monde, le cosmos, sont créés du néant, c'est faire préexister le néant, or le néant, nous l'avons vu, ne peut en aucune façon exister ou même préexister, sous peine de cesser d'être du néant. Si le néant était, ce ne serait plus du néant. En conséquence le néant n'étant ni existant, ni préexistant, on peut en conclure que rien ne se crée ni ne se fait à partir de rien. L'être est premier, inévitablement. "L'être est, le néant n'est pas" (13), avait déjà énoncé Parménide, dans son poème qui est comme la parole aurorale de la philosophie; oui l'être est, car la création du monde à partir de rien est un mythe théologique biblique, une expression impropre à laquelle il est impossible de trouver un sens acceptable. "Ce monde, le même pour tous, ni dieu ni homme ne l'a fait, disait déjà Héraclite, mais il était toujours, il est et il sera, feu toujours vivant, s'allumant en mesure et s'éteignant en mesure" (14).

    V. Conclusion.

    En définitive, nous espérons être parvenu à montrer en quoi, aucun espoir sérieux d'une restauration de la pensée païenne n'est envisageable sans une interrogation fondamentale sur l'être.

    Les éléments qui peuplent et enchantent le monde dans les religiosités païennes, ne peuvent trouver à affirmer leur vie sans une profonde compréhension des bases métaphysiques qui les sous-tendent. C'est d'ailleurs faute de cette compréhension que le christianisme a pu se développer, avec une telle facilité, parmi les populations antiques. S'il est donc nécessaire de rallumer certains feux, c'est celui de l'intelligence de l'être qui prime en premier lieu, c'est le seul qui ne soit pas symbolique et donc inutile. Si c'est à partir de l'être que pourra se déployer une nouvelle aurore du sacré, c'est que, "ce n'est qu'à partir de la Vérité de l'être que se laisse penser l'essence du Sacré" (15). La région de l'être est identique à la région du sacré, "le Sacré, seul espace essentiel de la divinité qui, à son tour, accorde seule la dimension pour les dieux, ne vient à l'éclat du paraître que lorsque, au préalable et dans une longue préparation, l'être s'est éclairci et a été expérimenté dans sa vérité" (16).

    La question de l'être est l'unique question de la pensée, et ceci n'est pas une simple formule, car c'est elle qui commande l'ensemble de toutes les régions de l'étant, dont en premier lieu celle du sacré et donc du religieux dans lequel il s'exprime. Aborder la question du paganisme uniquement au niveau de son folklore, c'est confondre le fond et la forme. Seule l'expérience de l'être est une expérience fondatrice, qui nous permettra: " de refluer en nous-mêmes dans notre propre vérité" (17). La pensée doit rassembler notre "habiter", récapituler le pli de l'être et de l'étant, découvrir l'être comme ‘’fond de l'étant" (18), c'est-à-dire effectuer un saut dans l'être en tant que tel. Toutes les tentatives de restauration d'une religiosité païenne, sont de naïves plaisanteries si elles ne sont pas fondées sur une authentique démarche philosophique. La philosophie fut et reste, l'expression la plus achevée de la pensée digne de ce nom. Elle seule représenta un véritable obstacle aux affirmations chrétiennes, et ce n'est pas pour rien qu'il lui fallût de si longs siècles avant de pouvoir resurgir dans son autonomie, alors que dieux, déesses, elfes et fées, parvinrent rapidement à se déguiser sous les masques des saints et des apparitions, et continuent d'ailleurs toujours à y vivre fort bien.

    L' histoire n'est rien d'autre que l'histoire de la vérité de l'être, elle est assignée à un destin en forme d'appel par delà le retrait du Sein. Si, selon la fort belle expression de Hegel, « l’'esprit du monde utilise les peuples et les idées pour sa propre réalisation » (19), l'histoire du monde est donc bien le jugement du monde. Le chemin du savoir répondant à l'essence du dire silencieux, s'accomplira comme mise en lumière de la substance invisible qui séjourne dans le temps, et ceci par delà mythes, symboles et fables de la piété affective. La pensée des choses présentes est le lieu où s'entrecroiseront occultation et dévoilement, le lieu qui livrera la mêmeté de l'être et de la pensée, selon l'intuition lumineuse de Parménide; "comme l'Etre absorbe l'essence de l'homme par la fondation de sa vérité dans l'étant, l'homme fait partie de l'histoire de l'Etre, mais seulement en tant qu'il se charge, qu'il perd, qu'il omet, qu'il libère, qu'il sonde ou qu'il dissipe son essence par rapport à l'Etre" (20).

    Ce n'est donc, si nous l'avons bien compris, que par l'exercice d'une extrême tension de nature ontologique, que nous pourrons revenir à notre source originelle... si tant est que nous l'ayons un jour quittée!

    Jean-Marc Vivenza

    notes :

    (1) On est surpris aujourd'hui, grâce aux recherches récentes, de voir à quel point cette distinction, qui semblait fondatrice il y a peu de temps encore, n'obéit en réalité qu'à une convention de langage, tant il apparaît, en effet, que les tendances monothéistes ou hénothéistes ont travaillé en profondeur la pensée païenne (Mésopotamie, Egypte, Iran, Grèce, Rome), et influencèrent très fortement le polythéisme originaire des Hébreux en l'orientant vers une monolâtrie jalousement exclusive, tant est si bien que Misson écrit: "le monothéisme païen a bien préparé le terrain du christianisme". (cf. Lumière sur le paganisme Antique, A. Neyton, Ed. Letourney, 1995).

    (2) ( Gen., 1, 1), Bible de Jérusalem, DDB, 1990.

    (3) Aristote, Organon, V, Les Topiques, Vrin, 1987.

    (4) P. de La Briolle, La Réaction païenne, vol II, 1934.

    (5) Nouveau Testament, T. B. S., 1988.

    (6) P. Grimal, La civilisation romaine, Arthaud, 1960.

    (7) Ier Concile de Constantinople, (IIème oecuménique, 381).

    (8) (11 Mac., Vll, 8), Bible de Jérusalem, DDB, 1990.

    (9) Proclus, Commentaires sur le Timée, t. I, Belles Lettres, 1968.

    (10) J-P Dumont, Les écoles présocratiques, Folio, 1990.

    (11) Lucrèce, De Natura Rerum, I, 56, Flammarion, 1986.

    (12) Fridugise de Tours, De Nihili et Tenebris, Patrol. Iat., 1526.

    (13) Parménide, Le Poème, PUF, 1987.

    (14) Héraclite, Fragments, PUF, 1983.

    (15) M. Heidegger, Lettre sur l'humanisme, Aubier, 1980. (16) Ibidem.

    (17) M. Heidegger, Essais et Conférences, Gallimard, 1990.

    (18) M. Heidegger, Questions IV, Gallimard, 1990.

    (19) G-H F. Hegel, Leçons sur l'histoire de la philosophie, t. III, Vrin, 1978.

    (20) M. Heidegger, Nietzsche, t. II, Gallimard, 19

    http://www.voxnr.com/cc/dh_autres/EuEFZAZAZpEybOUhOj.shtml

  • De quoi « leur » art « contemporain » est-il le nom ?

    En 2008 « l’artiste conceptuel   américain, Paul Mc Carthy, 69 ans, avait érigé à Berne (Suisse) une énorme sculpture gonflabe représentant une crotte de chien de plusieurs dizaines de mètres qui s’était envolée faute d’être bien arrimée. C’est cette fois Place Vendôme à Paris qu’il avait dressé sa sculpture, elle aussi gonflable, en toile plastique verte baptisée Tree. Excellent coup marketing pour la Foire Internationale d’art contemporain (FIAC) à  l’origine de son installation sur cette célèbre place  parisienne, cette oeuvre a été vandalisée dans la nuit de vendredi à samedi. L’artiste a même reçu une paire de claques jeudi dernier de la part d’un parisien n’appréciant pas à sa juste valeur son génie. L’Afp et le site de Libération ont expliqué qu’elle «représente en théorie un arbre de Noël mais fait aussi penser à un plug anal, ces sex-toys utilisés pour se donner du plaisir par l’orifice arrière ». « L’artiste, adepte des formes ambiguës, laisse cependant la porte ouverte ». «Tout est parti d’une plaisanterie: à l’origine, je trouvais que le plug anal avait une forme similaire aux sculptures de Brancusi, a-t-il expliqué au Monde. Après, je me suis rendu compte que cela ressemblait à un arbre de Noël. Mais c’est une œuvre abstraite. Les gens peuvent être offensés s’ils veulent se référer au plug mais, pour moi, c’est plus proche d’une abstraction.»

     En l’occurrence l’obsession de Mc Carthy dans ses œuvres pour les matières fécales ou sa  mise en scène d’un  acte zoophile impliquant un enfant sont des réalités bien concrètes perceptibles par tous.

     Bien sûr le maire de Paris Anne Hidalgo a affirmé que c’est la culture qu’on assassine en s’en prenant à l’œuvre de Paul Mc Carthy : «Paris ne cèdera pas aux menaces de ceux qui, en s’en prenant à un artiste ou à une œuvre, s’en prennent à la liberté artistique» a-t-elle affirmé.

     Le ministre de la Culture, la Youg Leader Fleur Pellerin  a logiquement apporté son soutien à l’artiste, condamné cette dégradation… et fait immédiatement référence au nazisme. Dans un tweet  elle écrit ainsi : « Curieux… On dirait que certains soutiendraient volontiers le retour d’une définition officielle de l’art dégénéré »

     Si M. Mc Carthy est là a contrario certainement  pour régénérer l’art français et nos compatriotes trop débiles pour s’esbaudir devant son talent, Libération nous apprend que fort heureusement nous aurons droit à une séquence de rattrapage. En effet « Pour sa réouverture, prévue le 24 octobre, la Monnaie de Paris présentera une grande exposition sadico-anale de Paul McCarthy, dont le titre, Chocolate Factory (usine à chocolats), fleure déjà bon »…

     Nous avons évoqué sur ce blog les protestations suscitées par  l’exposition des œuvres de Takashi Murakami et de Jeff Koons au Château de Versailles ;  l’émoi engendré par celle d’une œuvre du photographe new yorkais Andres Serrano  représentant un petit crucifix en plastique immergé dans un verre rempli d’urine, intitulé «Immersion piss christ ».

     Nous avions aussi relayé la mobilisation  notamment de l’élue régionale FN Françoise Grolet contre l’exposition atroce « l’Infamille » par le Fond régional d’art contemporain, ( Frac )de Lorraine. Une exposition financée avec nos impôts, ouverte aux collégiens et lycéen  mettant en scène  des mutilations, évoquant la nécrophilie, le viol, la sodomie,  montrant  des scènes d’incestes en vidéo,  des artistes Gina Pane, Patty Chang et  Eric Pougeau.

     Le directeur de campagne de la liste FN-RBM pour les élections municipales à Reims,  Jean-Claude Philipot, s’était aussi élevé contre la politique d’achat du Frac de Champagne-Ardenne ou l’exposition dans les rues de Reims des « oeuvres » de Christian Lapie .

     Hier, à Dijon,  ce sont les élus régionaux du Front National qui ont décidé de quitter symboliquement les bancs de l’assemblée,  choqués par l’exposition d’une croix ornée de clous, œuvre de Louis Calaferte. «  A l’heure où beaucoup de chrétiens sont exécutés parce qu’ils sont chrétiens, pensez-vous qu’il soit utile de promouvoir le blasphème ou le sacrilège? », s’est interrogé l’élu FN de Saône-et-Loire Christian Launay.

     Nous le notions il y a quelques années ce prétendu «art contemporain », cette culture à la mode reflètent la pathologie d’une civilisation en déclin. Art contemporain qui ne prospère que grâce au matraquage idéologique médiatique, à l’application proprement subversive, au domaine de l’esthétique et de l’Art du principe Tout égale tout. Un véritable terrorisme intellectuel, relayé et pratiqué par un microcosme parisien érigé en intelligentsia, et qui prétend régenter, selon ses fantasmes,  l’ensemble des goûts de la communauté populaire.

     Pablo Picasso « le précurseur » lui-même en fit l’aveu à Giovanni Papini qui le cite dans « Libro Nero » (1952) : «dans l’art, le peuple ne cherche plus consolation et exaltation ; mais les raffinés, les riches, les oisifs, les distillateurs de quintessence cherchent le nouveau, l’étrange, l’extravagant, le scandaleux. Et moi-même depuis le cubisme et au-delà, j’ai contenté ces maîtres et ces critiques avec toutes les bizarreries changeantes qui me sont passées en tête, et moins ils me comprenaient,  plus ils m’admiraient. A force de m’amuser à tous ces jeux, à toutes ces fariboles, à tous ces casse-tête, rébus et arabesques, je suis devenu célèbre, et très rapidement.»

     « Et la célébrité ajoutait Picasso, signifie pour un peintre ventes, gains, fortune,  richesse. Et aujourd’hui, comme vous  le savez je suis riche. Mais quand je suis seul avec moi-même, je n’ai pas le courage de me considérer comme un  artiste dans le sens grand et antique de ce mot. Ce furent de grands peintres que Giotto, le Titien, Rembrandt et Goya ; je suis seulement un amuseur public, qui a compris son temps et a épuisé le mieux qu’il a pu l’imbécilité, la vanité, la cupidité de ses contemporains. Cet une amère confession que la mienne, plus douloureuse qu’elle ne peut sembler, mais elle a le mérite d’être sincère».

     Nous rapportions les propos d’E. Marsala qui notait à propos de « la grande mystification de l’art contemporain» que ce qui «distingue fondamentalement » celui-ci de « toutes les formes artistiques antérieures, c’est qu’il n’existe pas sans un copieux discours justificatifs sur ses dogmes, ses rites et ses divinités principales.»

     «Un Caravage, un Titien, un David, un Courbet n’avaient pas être expliqués pour s’imposer à tous, Courbet n’avaient pas à être expliqués pour s’imposer à tous, non seulement comme de l’art, mais comme des chefs-d’œuvre. En revanche sans ces discours grotesquement érudits sur l’intention de l’artiste, sa vie, son parcours, ou sa place supposée dans l’histoire de la modernité, un urinoir de Duchamp, une conserve de caca de Piero Manzoni, un aspirateur de Jeff Koons ou une armoire à pharmacie de Damien Hirst ne sont rien d’autre qu’un urinoir, une boîte à merde, un aspirateur et une boîte à pharmacie »…

     Cette défense-promotion  par les autorités culturelles françaises de cet art contemporain  là n’est pas pour nous surprendre. Selon sa définition première, la culture  est l’ensemble des façons de penser, d’agir, de sentir, en un mot d’être au monde, d’un peuple ou d’une communauté.  Le concept de culture  universelle est une contradiction  dans les termes puisque toute vraie politique culturelle implique un refus du principe d’homogénéisation et du déracinement, elle est une affirmation positive des frontières.

     Or, nos dirigeants, et comme le notait Bruno Gollnisch  cette mafia des cultureux sont les promoteurs et les gras bénéficiaires d’une  culture mondiale de masse, d’essence mondialiste, qui est aujourd’hui la norme.

     Celle-ci se caractérise par « deux grands traits majeurs, deux traits qui interdisent toute politique culturelle nationale à tout peuple qui en participe : l’économisation  de la culture et le cosmopolitisme. La culture dans notre civilisation tend à devenir un département de l’économie mondiale organisée » (Guillaume Faye).

     Dans « L’imposture de l’art contemporain », le peintre Antoine Tzapoff relève que ce marché est « un marché capitaliste basé sur la promotion-spéculation d’un petit nombre d’élus qui doivent faire allégeance à ceux qui les promeuvent. Un  marché promu par la gauche à vocation universaliste, et ce qu’on appelait la droite (…) par  un courant libéral, économiste, à vocation mondialiste » pour qui «l’art est devenu un moyen de spéculation ».

     « Pour réussir à capter l’attention » poursuit-il, «  on a absolument tout fait : des toiles blanches ou monochromes, des déjections de n’importe quoi. (…) À présent cela va encore plus loin, puisqu’on égorge des animaux dont on balance les tripes, les organes, sur le public, et c’est ce barbouillage sur le public qui devient l’œuvre d’art (…) Nous avons donc à faire avec un art basé sur l’éphémère, le hasard, soit l’antithèse complète de l’art traditionnel qui lui en revanche s’appuie sur la réflexion, le savoir-faire, la construction, l’expérience, l’esthétique ».

     « D’ailleurs Gramsci lui-même considérait que dans l’élaboration d’un processus révolutionnaire, l’art devait s’attaquer aux valeurs traditionnelles. (…) Salvador Dali d’ailleurs avait dit que l’art contemporain se définissait comme une entreprise universelle de crétinisation ».

     « Ont été également mises en scène les décompositions de corps humain, les automutilations… (…)Je ne comprends pas comment un quelconque écrivaillon peut encore trouver une justification artistique à ces manifestations qui drainent des gens qui auraient beaucoup plus besoin d’échanger leur carton de vernissage contre un rendez-vous chez un psychiatre ».

     « (…) Comme le sexuel est devenu une banalité, qu’il commence à s’essouffler sérieusement, il faut aller plus loin dans le sado-maso. Maintenant, c’est le sadisme qui doit procurer de l’émotion. Jusqu’où cela ira-t-il, je n’en sais rien! C’est une espèce de course vers la destruction, vers l’abîme, le suicide culturel. Je pense qu’il y a des décideurs, des lobbies assez puissants qui y voient beaucoup d’intérêt, se disant que cette humanité qui se croit branchée, leur sert de cobayes. C’est un laboratoire qui permet de voir jusqu’où le conditionnement peut pousser l’humanité dans les limites de la stupidité et de l’acceptation de l’horreur… ».

     Encore un autre aspect de ce culte de l »inversion, de cette idéologie   mondialiste qui prospère sur la perte de nos essentielles  valeurs civilisationnelles  helléno-chrétiennes.

    http://gollnisch.com/2014/10/21/art-contemporain-il-nom/

  • Recension de "Survivre à l'effondrement économique" de Piero San Giorgio sur le site "Vicilisation - La Chute"

    Face à la crise mondiale et aux risques d'effondrement perçus, chacun conçoit sa propre réponse dont l’intensité varie selon le budget, le degré de liberté et la capacité à changer de comportement sous la pression sociale de la majorité... 

     Mais ces réponses variées, hétéroclites, parfois opposées, sont néanmoins constitutives d’une seule et même réaction naturelle déclenchée par le sentiment (plus ou moins révélé selon les individus) qu'il importe de développer ses propres solutions sans attendre qu’elles nous soient parachutées un beau jour d’élection.

    Il faut bien comprendre que ces initiatives que l'on voit se multiplier un peu partout sont de l'ordre du réflexe de survie propre au vivant. Dans ces conditions, la palette des réponses va du survivalisme le plus extrême, à l’initiative d’eco-quartier en passant par le retour à la terre, la rénovation en milieu rural, l’habitat collectif et inter-générationnel et/ou la recherche de l’autarcie la plus complète.
     Peu importe en définitive, car toutes ces réactions, qui peuvent parfois sembler antinomiques et éloignées, sont néanmoins participatives d’une même prise de conscience, d’un même débat (parfois animé) et atteindront tôt ou tard une masse critique qui fera éclore de nouvelles questions dans le débat politique.

    C’est-à-dire qu’elles permettront de parler de transition sans passer pour un illuminé, d'évoquer la décroissance sans être taxé d'écolo idéaliste car les problématiques de fond seront dans le débat public et largement débattues : doit-on continuer coûte que coûte à maintenir l’illusion de la croissance sans fin par de la dette ? est-il normal que 57% du PIB français soit issu de la dépense publique ? doit-on laisser les « clefs du camion » à la BCE à l’Europe et au FMI ? dans la négative, quel modèle de société pour demain ? quel nouveau paradigme ? quelles solutions pour nos enfants ? quel monde voulons-nous leur laisser ?

    Chacun apporte sa réponse à ce débat, et je tenais à remercier Piero San Giorgio pour avoir intégré« Vicilisation – La Chute » à sa revue de presse

    Dans la constellation des réactions possibles face à la crise, Piero se situe dans la galaxie « survivance musclée » et s’attend à un scénario plutôt apocalyptique comme dans le roman. Piero réfléchit énormément à ces sujets, lit, explore, teste, s’entraîne et détaille des solutions concrètes, notamment au travers de son concept de BAD : Base Autonome Durable. 

    Piero San Giorgio n’est pas seulement un théoricien de la résilience et de l'adaptation à un environnement hostile, c’est aussi un homme qui met en œuvre ses convictions au quotidien. Alors on aime ou on n’aime pas, mais force est de constater que ses initiatives, ses prises de paroles ne laissent pas indifférent et permettent au moins de se poser la question : et moi, je ferais quoi en cas de black-out civisationnel ?

    Son livre « Survivre à l’effondrement économique » apporte des réponses pratiques et analyse les possibles déclencheurs de "la chute"…

    Chris Antone
    Pour le site "Vicilisation - La Chute"

    http://www.scriptoblog.com/index.php/blog/actu-site-et-amis-du-site/1558-recension-de-survivre-a-l-effondrement-economique-de-piero-san-giorgio-sur-le-site-vicilisation-la-chute

  • 7e Journée de réinformation de Polémia (2/3) – Les Traditions vivantes

    « Les arbres aux racines profondes sont ceux qui montent haut » (Frédéric Mistral).

    « Etre moderne, c’est avoir tout le passé présent à l’esprit » (Joséphin Péladan à propos de la littérature).

    La tradition est l’héritage immatériel d’un collectif d’hommes donné, c’est-à-dire le contenu culturel d’une société humaine liée à travers l’histoire par un événement fondateur ou un passé lointain. Il existe tant de traditions que de communautés humaines qui se reconnaissent un fonds culturel commun. La tradition est donc une conscience collective ; elle peut aussi être, comme c’est parfois le cas aujourd’hui, un inconscient collectif au sens jungien, mais j’y reviendrai plus loin. La tradition vivante représente donc l’ensemble des éléments culturels qui unissent un peuple donné et sont toujours existants de nos jours, ainsi que les pratiques et rites afférents à cette « conscience culturelle collective ». Il s’ajoute pourtant constamment de nouvelles traditions qui perdurent, et d’autres qui meurent. C’est pour cela que la tradition est assimilable à un organisme vivant en perpétuelle croissance.

    L’erreur que nous pourrions commettre serait de confondre la tradition vivante tant avec le folklore (qui est en réalité une partie de la tradition vivante) qu’avec les re-constructivismes « traditionalistes ». Pour autant, sans confondre ces notions, on ne peut pas non plus les opposer. Evoquer la notion de traditions vivantes ne saurait donc être une tentative de ressusciter des traditions disparues, mais bien plutôt constater ce qui, dans notre quotidien, appartient à ce grand héritage immatériel. Premier document : Saint-Jean

    L’héritage immatériel de la tradition ne connaît pas de domaine réservé ; il est présent dans tout ce qui crée le lien social, dans tout ce qui est vivant et immémorial. Les arts plastiques, les arts vivants (théâtre, opéra), la musique, les arts de la table, l’art militaire ou martial, le sport, la chasse, les vêtements, le droit, la philosophie, jusqu’aux usages et convenances de politesse, procèdent de ce qui a été, littéralement, « donné à travers le temps ». Certains pans de la tradition ont survécu dans leurs formes originelles, et leurs expressions sont similaires à celles qui pouvaient être pratiquées il y a plusieurs centaines (voire milliers) d’années. D’autres pans ont emprunté, au cours du temps, d’autres formes, sans pour autant voir leur substance modifiée considérablement. C’est pour cette raison qu’aborder la tradition qui représente l’ordre, voire ce qui « est naturel », ne peut se faire correctement sans convoquer le phénomène de la transgression qui vit à travers la tradition et qui normalement devrait la renforcer, plutôt que la menacer par l’inversion des normes.

    La dimension du partage (et du sentiment) est essentielle à la pleine compréhension de ce que peut représenter, dans nos quotidiens, la tradition vivante. Il est presque incongru de s’interroger sur ce qui fait sens ; la culture qui nous a été transmise par nos parents et qui leur fut auparavant transmise par les leurs, en partage avec l’ensemble d’un peuple, nous est forcément familière.

    S’opère alors conséquemment une double distinction dans la tradition vivante : profane et sacrale, mais aussi collective et intime. La notion d’intimité, avec ce qu’elle implique de sentimentalité, n’est pas fréquemment étudiée ; néanmoins c’est par la sphère intime, familiale, que la tradition se transmet, tout autant que par la sphère collective de la patrie. Si je prends l’exemple de la tradition vivante juridique, la loi découle parfois de la coutume qui est un usage juridique oral, c’est-à-dire provenant d’un fonds en partage ancien, et parfois « intime », opérant sur une sphère plus réduite que la loi qui a une vocation générale (coutume du droit commercial propre à une profession ou à une localité).

    Pour continuer plus en avant, j’aimerais vous faire part d’un extrait de l’ouvrage Droit et Passion du droit sous la Ve République par le doyen Jean Carbonnier :

    « Il a toujours été difficile de découper l’histoire en périodes ; ceux qui sont témoins d’un événement dramatique sont prompts à le qualifier d’historique et à s’écrier, tel Goethe à Valmy, que rien ne sera plus comme avant. En fait, souvent les périodes s’emboîtent les unes dans les autres, et le futur traînera longtemps les paillettes du passé. C’est vrai en général, mais davantage encore quand le droit est en cause. Car, si le droit, ce peut être la promulgation d’un texte, donc une date qui marque une franche coupure, ce sont aussi des applications qui s’étirent dans le temps, des coutumes qui se perpétuent par d’imperceptibles répétitions. Comment croire que toutes ces fibres pourront être tranchées d’un seul et même coup sans bavure ? »

    On ne fera donc pas l’économie d’une mise en perspective du droit avec la tradition vivante lorsqu’on étudiera cette matière. Le même raisonnement est d’ailleurs transposable à toutes les sciences humaines et les disciplines artisanales et artistiques. Rien n’apparaît ex nihilo. Pas même les phénomènes les plus modernes. Prenons l’exemple de la musique électronique et des rythmes répétitifs : ils ne sont pas apparus par miracle mais sont le fruit d’une longue progression des musiques savantes et populaires ; ils sont parfois même des re-constructivismes inconscients (transes collectives et dionysiaques), comme pourrait l’avancer Michel Maffesoli. Les fêtes de village existent toujours ; certaines ont même acquis une dimension internationale (par exemple les Fêtes de Bayonne). Avant les boîtes de nuit, il y avait en France tout un réseau de fêtes de village qui animaient les fins de semaine des ruraux durant l’été ; on y nouait des liens, on y rencontrait son épouse ou un futur partenaire d’affaire.

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  • Valls s’en prend à Zemmour

    Heurté par le contenu du nouveau livre d’Éric Zemmour, Manuel Valls s’en est pris, sans le nommer, au journaliste du Figaro.

    Venu donner des gages aux derniers alliés de son gouvernement, les franc-maçons du PRG (Parti radical de gauche), le Premier ministre a promis aux Radicaux le maintien de la moitié des conseils départementaux (ces derniers autrefois nommés conseils généraux, devaient, au départ, baisser drastiquement suite à la refonte de la carte des cantons, mais auraient privé certains rentiers de la politique de leurs petits fiefs). Une future loi sur l’euthanasie est aussi dans les cartons afin de satisfaire les frères du PRG.

    Rassuré sur le maintien des amis de Jean-Michel Baylet (ndlr : le président du PRG) au sein de la majorité, Valls en a alors profité pour fustiger l’auteur du Suicide français :

    « Qu’aujourd’hui, dans le débat public, on puisse considérer comme normal, comme un élément du débat, qu’on puisse considérer que Vichy, son régime, ait sauvé des juifs, sans que cela ne suscite pas d’indignation du fond du peuple montre bien que nous avons un combat majeur à donner. »

    Scandalisé que le peuple ne se soulève pas pour demander la tête de Zemmour, Valls appelle à la mobilisation contre « les adversaires de la République » et à ceux qui « prospèrent aujourd’hui » en tenant des « discours sur le déclin de la France, un discours qui rabaisse notre pays, qui voudrait nous ramener à une France qui aurait été heureuse dans les années 1950, qui nie ce qu’est la réalité du monde ».

    Totalement en apesanteur, l’ancien maire d’Évry a fustigé une vision « triste, enfermée sur elle-même, rance, qui n’est pas celle de la France » et tenu des propos d’une vacuité digne d’un militant du MJS en demandant que l’on oppose [à cette vision du pays] « les valeurs de la République, une France ouverte sur le monde, une France généreuse de l’égalité, la liberté et la fraternité ». « Prophète », il a également lancé qu’il fallait « mener une bataille d’idées dont on n’a pas encore pris la mesure ».

    On ignore si à la fin de sa prise de parole, il a dû ordonner qu’on l’applaudisse ou si son auditoire, rasséréné par leur protecteur, s’est livré à une ovation spontanée...

    http://www.egaliteetreconciliation.fr/Valls-s-en-prend-a-Zemmour-28620.html

  • En souvenir de Jean Mabire

    Pour autant que je m’en souvienne, j’ai dû lire Jean Mabire pour la première fois en 1972, dans un numéro spécial d’“Historia”, sans trop bien me souvenir si l’article était signé Henri Landemer ou de son nom propre. C’était la belle époque de nos adolescences, que je narre très superficiellement dans mon hommage à Yves Debay, camarade d’école, futur directeur des revues “Raids” et “L’Assaut” et bien entendu, fervent lecteur précoce, lui aussi, de Jean Mabire. Finalement, par le biais des premiers numéros d’“Eléments”, au début des années 70, l’image de Jean Mabire, écrivain, se précise pour moi: non seulement, il est celui qui narre, avec simplicité et puissance, la geste des soldats de tous horizons mais il est aussi celui qui s’intéresse aux réalités charnelles et vernaculaires, au vécu des gens, disciple qu’il est, à ce niveau-là, d’Olier Mordrel, l’ancien directeur de la revue nationaliste bretonne “Stur”, pour qui l’engagement devait être dicté par les lois du vécu et non par des abstractions et des élucubrations intellectuelles. Mordrel et Mabire sont en ce sens nos “Péguy” païens, ceux qui nous demandent d’honorer les petites et honnêtes gens de chez nous, nos proches, nos prochains, et d’honorer aussi le brave soldat qui, avec l’humilité de sa condition, accomplit son devoir sans récriminer.

    C’est en 1981 d’ailleurs que je rencontre pour la première fois Jean Mabire, en chair et en os, lors de la présentation du livre d’Olier Mordrel, “Le Mythe de l’Hexagone”, à Paris, dans une salle au pied de la Tour Montparnasse. Quand Jean Mabire est entré et s’est tout de go dirigé vers la table où Mordrel signait ses livres, c’est un véritable bulldozer de joie de vivre, de ferveur, d’énergie qui a fait irruption dans cette salle surchauffée et enfumée. Nous nous sommes simplement salué sans entamer la moindre conversation. Il faudra attendre quelques années, je crois, pour que nous nous retrouvions face à face, au “Dauphin”, à Paris, avec Pierre Vial et pour que nous entamions une conversation plus approfondie sur des sujets divers, tournant tous bien sûr autour des deux thèmes de fond qui nous sont chers: l’enracinement et l’aventure. J’y reviens. Depuis ce déjeuner au “Dauphin”, Mabire m’adressera chacun de ses livres, assortis d’une gentille dédicace. 

    Nous nous reverrons dans le Beaujolais, milieu des années 80, où le G.R.E.C.E. avait organisé une “Fête de la Communauté” et où Jean Mabire, ainsi que Robert Dun, tenaient des stands pour vendre et dédicacer leurs ouvrages. Guibert de Villenfagne de Sorinnes m’avait accompagné, avec son épouse et sa fille, et y a acheté le livre de Jean Mabire sur les “Chasseurs alpins” pour l’offrir à son père Jacques, un des organisateurs du régiment des Chasseurs ardennais, dès les années 20 avec le Colonel Chardome, puis combattant du front de la Lys pendant les “Dix-Huit” jours de mai 1940 et animateur du maquis de la Semois pendant la deuxième guerre mondiale.

    Quand Jean Mabire débarque à Bruxelles, fin des années 80, pour venir présenter ses ouvrages sur les “Bourguignons”, il me demande de lui servir de guide pour trouver la salle à Sterrebeek, qui doit le recevoir. Nous y apprenons la mort, sur l’autoroute Liège-Bruxelles, d’un ancien (très jeune) officier, venu chercher son exemplaire et sa dédicace particulière, lui, le défenseur des quais de Stettin à l’âge de dix-huit ans... J’avais connu son fils en 1983, qui lui ressemblait comme deux gouttes d’eau, à l’Hôpital militaire de Neder-over-Hembeek, affligé qu’il était d’une maladie infectieuse, émacié sur son lit mais gardant, héritage paternel, un regard de feu et la fibre énergique que nous aimons voir vibrer chez nos interlocuteurs. La transmission avait été faite, aussi par l’apport d’Alexis Curvers et de Marcel Decorte, mais la Parque, méchante, avait tranché le fil qui reliait le Lieutenant Régibeau, valeureux Liégeois, à la vie.

    Jean Mabire m’invite ensuite, près de dix ans plus tard, à l’Université d’été des “Oiseaux Migrateurs”, un mouvement de jeunesse qui lui tenait fort à coeur. Au programme de la journée que j’ai animée avec d’autres: le long processus d’unification de l’Hexagone à partir du bassin de la Seine et de l’axe Paris-Orléans, soit la distance la plus courte entre la Seine et la Loire. Belle leçon de géopolitique, sur le modèle d’un cours prodigué à l’Ecole de guerre et évoqué, sous Weimar, par deux éminents géopolitologues allemands, aujourd’hui oubliés et pillés, Henning et Körholz! Personnellement, je devais parler de l’époque de la christianisation de l’Europe, entre l’effondrement mérovingien, le renouveau pippinide et la renaissance carolingienne. Mais une fois de plus, ce furent nos longues conversations vespérales puis à la terrasse d’une taverne de village qui furent les plus passionnantes: sur la Normandie, sur la métapolitique, sur l’histoire en général et surtout, ces jours-là, sur l’oeuvre de Marc. Eemans, qui venait tout juste de décéder à Bruxelles. Mabire était fort ému: il avait appris le décès du peintre surréaliste, poète et historien de l’art quelques jours auparavant. Deux jours après l’annonce de cette triste nouvelle, Mabire avait reçu une dernière lettre du peintre, prouvant que celui-ci avait bien l’intention de demeurer actif, au-delà de ses 91 ans. Mabire avait déjà été victime de la maladie qui devait l’emporter un peu moins de huit ans plus tard: il avait gagné la première bataille. Il était heureux. Actif. Nous partagions le même dortoir, sur un matelas, à même le sol, comme en bivouac. Mabire était septuagénaire et ne craignait pas les nuits à la spartiate, sur une paillasse à même le carrelage. Je me suis promis de faire pareil, au moins jusqu’à 75 ans. Jusqu’ici, j’ai tenu ma promesse.

    Je reverrai ensuite Mabire près de Lille, où il était venu prononcer une conférence sur Drieu la Rochelle dans le cadre des activités de “Terre & Peuple”, magistralement gérées par le camarade Pierre Loubry à l’époque. Mais, la plus poignante de nos rencontres fut incontestablement la dernière, début décembre 2005. C’était dans le cadre du “Cercle de Bruxelles” de l’époque, qui se réunissait le plus souvent rue des Renards, près du “Vieux Marché” (cher à Hergé qui l’a croqué dans “Le Secret de la Licorne”). Les membres et animateurs du “Cercle de Bruxelles” —dont le regretté Ivan de Duve, mort en mars 2014—  avaient décidé de dîner avec Jean Mabire dans un restaurant animé par la Comtesse de Broqueville, la “Flûte enchantée”, également situé dans les Marolles. Ce restaurant était un resto du coeur de haute tenue: on y jouait du Mozart, forcément, mais aussi les meilleurs morceaux de jazz, on y avait organisé une bibliothèque et les démunis pouvaient manger chaque jour à leur faim un repas complet, en trois suites, pour 3,50 euro, servi par des garçons en veste blanche, avec boutons argentés et belles épaulettes. Ceux-ci étaient généralement des musiciens ou des chanteurs d’opéra venus d’Europe orientale ou de l’ex-URSS, qui logeaient aux étages supérieurs pour un loyer plus que modeste et, en échange, servaient en semaine les démunis du quartier. Les samedis et les dimanches, le restaurant était ouvert au public: on y servait le même repas qu’aux démunis mais on le facturait 20 euro. Les bénéfices étaient affectés à la cuisine et permettaient, sans déficit, de nourrir les déclassés pendant une semaine. Le “Cercle de Bruxelles” avait décidé de participer avec Jean Mabire, à une conférence organisée à la “Flûte enchantée” par les “Patagons”, les amis de Jean Raspail. Un couple qui avait vécu au fin fond de la Patagonie et y avait rencontré Raspail dans la gargotte au milieu de nulle part, qu’il avait construit de ses mains, nous a évoqué ces voyages de l’auteur du “Camp des Saints” dans un pays dont la nature est pleine de contrastes: où un glacier coule le long d’une forêt tropicale ou d’un désert aride. Les orateurs commentaient un vaste diaporama, illustrant cette luxuriance ou cette aridité, ces paysages si diversifiés. On comprenait dès lors la fascination de Raspail pour cette région du monde.

    Après la conférence et le diaporama, les conversations sont allés bon train. Mabire était certes marqué par le mal sournois qui le rongeait. La présence de la maladie était palpable mais Maît’Jean, superbe, l’ignorait délibérément, faisait comme si elle n’était pas là. Il parlait comme il avait toujours parlé: Ana, Hupin, de Duve, moi-même, nous l’écoutions, muets, car il exprimait sans détours tous les enthousiasmes qui animaient sa carcasse d’enraciné normand, de combattant des Aurès, d’écrivain prolixe. Son érudition, dépourvue de toute sécheresse, relèvait indubitablement de ce “gai savoir” que préconisait Nietzsche. Mabire, effectivement, avait franchi les caps que Nietzsche nous a invités à franchir: il n’était plus —et depuis longtemps!— le chameau de la fable du Zarathoustra de Nietzsche qui traînait un savoir lourd et sans joie ni le lion qui se révoltait contre les pesanteurs des prêtrailles de tous poils et cassait tout autour de lui: il était devenu un compagnon de l’enfant joyeux et insouciant qui joue aux billes, qui ne voit malice nulle part, qui n’est pas affecté par les pesanteurs et les ressentiments des “derniers hommes”. La faconde de Jean Mabire, en ce 9 décembre 2005, a été une formidable leçon de virilité romaine, de stoïcisme joyeux. Le flot ininterrompu des joies et des aventures, des pieds-de-nez aux sots qui nous gouvernent ou, pire, veulent gouverner nos âmes, ne doit pas s’interrompre, même si l’on doit mourir demain. En écrivant ces lignes, je nous revois sur le trottoir, en face de la “Flûte enchantée”, et je revois les yeux perçants de Mabire qui se braquent sur moi et m’intiment l’ordre de continuer le combat auquel il ne pourra bientôt plus participer. Et puis il me serre longuement la pince, la secoue doucement: je sens l’adieu du chef. Je ne pourrai plus jamais me dérober. Je me disais souvent: “J’y suis, j’y reste!”. Après l’ultime poignée de main de Mabire, je dis: “J’y suis et j’y resterai!”.

    Telle fut donc ma dernière rencontre avec Mabire. La plupart de nos conversations passaient toutefois par le téléphone. Comment exprimer l’essentiel de ce qui est passé entre lui et moi, entre l’écrivain et le lecteur, entre l’ancien qui évoque ses idées et ses sentiments et le jeune homme qui écoute? Mabire, c’est avant tout un charisme, sûrement inégalé dans l’espace politico-idéologique qui est le nôtre. Mabire a traité des sujets brûlants, controversés, sans jamais blâmer les hommes dont il décrivait les aventures et les sentiments, fussent-ils totalement contraires aux principes figés de la “rectitude politique”. Mabire était capable de balayer les objections par le simple ton de sa voix, toujours enjouée et chaleureuse. Et de fait, Mabire n’a jamais été vraiment attaqué par les petits organes de presse, chargés par le système et ses polices de traquer les non-conformistes et de leur tailler “un beau costume”, pour qu’ils soient honnis par la postérité, houspillés hors des cercles où l’on cause, hors des médias, couverts d’opprobre. Souverain et parfaitement maître de sa propre parole, Mabire a largement échappé, grâce à son charisme si particulier, aux chasses aux socières, dont il n’aurait, de toutes les façons, pas eu cure.

    Le fond philosophique de la vision du monde de Mabire est un existentialisme, le seul vrai. Né dans la seconde moitié des années 20, Mabire vit son adolescence pendant la seconde guerre mondiale et arrive à l’âge adulte en 1945, quand sa Normandie a été totalement ravagée par les bombardements alliés et les combats, quand s’amorcent des années de déchéance et de misère pour la vieille Europe, une ère noire que les historiens ne commencent qu’à décrire aujourd’hui, notamment dans les pays anglo-saxons: je pense à Ian Buruma et à Keith Lowe, auteurs de livres à grand succès sur la déréliction de l’Europe entre 1945 et 1952. L’engouement littéraire de cette époque est l’existentialisme, dont on ne retient que les figures de Sartre et de Camus, avec leur cynisme ou leurs interrogations morales biscornues et alambiquées. Cependant le primat de l’existence sur l’essence —ou plutôt le primat de l’existence sur les fabrications purement intellectuelles ou les morales désincarnées— peut s’interpréter en un tout autre langage: l’aventure, la projection de soi vers un monde souvent dangereux, vers un monde non conforme, sont des formes d’engagement, politique ou non, plus pétulantes, plus enthousiastes, plus fortes que l’immersion facile dans les glauques caves “existentialistes” des quartiers branchés de Paris dans les années 50 où l’on protestait en abandonnant toute tenue, toute forme et surtout toute éthique. L’oeuvre toute entière de Mabire, y compris son oeuvre militaire, est l’affirmation haute et claire du primat des existences fortes, des volontés tranchées mais cette fois trempées dans une beauté, une luminosité, une éthique naturelle et non affichée, que le sinistre sartrisme, ponctué de sa jactance politicienne et communisante, ne possédait évidemment pas. Bernard Garcet, qui avait animé les écoles de cadre du mouvement “Jeune Europe” de Jean Thiriart, au moment où Mabire, avec Venner, côtoyait “Europe-Action”, le MNP et le REL, nous a un jour rappelé un cours qu’il avait donné et où était esquissée l’humanité idéale que devait incarner le militant de “Jeune Europe”: une humanité enracinée et désinstallée. Quant à l’humanité en déchéance qui avait promu la société triviale du “coca-cola et du frigidaire de Tokyo à San Francisco”, elle était, aux yeux des cadres formateurs de “Jeune Europe”, déracinée et installée. Mabire recourait aux racines, —normandes pour lui— et prônait le grand large, l’aventure, le désinstallement. Le bourgeois frileux, fustigé par tous les existentialistes, y compris les sartriens, n’avait plus le souci de ses racines et s’installait dans un confort matériel post bellum que secoueront pendant un bref moment les plus pugnaces des soixante-huitards. Mabire a donc été un homme de son temps. Mais il a clairement dépassé l’existentialisme mainstream de la place de Paris, qui n’est qu’une sinistre caricature, expression de la trivialité d’une époque de déclin, d’endormissement des énergies.

    La désinstallation, pour Mabire, était éveil et aventure. La notion d’éveil, chez lui, est un éveil permanent au message subtil des racines, à leur chant intérieur qui doit nous saisir et nous mobiliser entièrement. C’est dans cet esprit que Maît’Jean a voulu entamer une longue enquête sur les “éveilleurs de peuple”, dont, hélas, un seul volume seulement paraîtra chez Fayard, vu le désintérêt du public français pour ces figures d’Irlande, de Hongrie ou de Danemark. La notion d’éveilleur est la marque la plus patente du “Jungkonservativismus” de Mabire. Il entend conserver les valeurs innées du peuple, avec ses éveilleurs, mais les mettre au service d’un bouleversement régénérateur qui va culbuter les notables moisis de l’univers de Mauriac, les modérés d’Abel Bonnard, ceux qui se délectent dans les compromis. Mais l’élément “jung”, l’élément de jeunesse, est précisément ce qui doit redonner en permanence un élan nouveau, un “Schwung”, à une entité politique ou à un groupe ethnique marginalisé et persécuté. Cela amène notre Maît’Jean tout droit dans l’optique de la philosophie sphérique de l’histoire, mise en exergue par Armin Mohler dans son célèbre ouvrage sur la “révolution conservatrice” allemande des années 1918-1932. Pour la “révolution conservatrice”, tributaire de la nietzschéanisation de la pensée allemande, le temps historique n’est ni linéaire ni cyclique, c’est-à-dire ni messianique/déterminé ni répétitif/déterminé mais sphérique, c’est-à-dire qu’il reçoit à intervalle régulier —quand les âmes cessent soudain de subir le processus d’endormissement— l’impulsion d’élites, de peuples vivants, de personnalités énergiques, donc d’éveilleurs, qui le poussent dans le sens voulu par leurs volontés. Il n’y a pas d’existentialisme possible sans ces coeurs rebelles, sans ces cerveaux hardis, sans ces peuples enracinés, sans ces éveilleurs aventureux.

    Jean Mabire est aussi notre encyclopédiste. Sa série “Que lire?”, issue d’une chronique dans “National-Hebdo”, nous indique la voie à suivre pour saisir justement, dans les patrimoines littéraires européens, toutes les facettes possibles de cet existentialisme profond et impassable qui fera, un jour encore, bouger les choses, culbutera les institutions vermoulues, impulsera à la sphère du temps une direction nouvelle. Les “Que lire?” sont donc des bréviaires, qui attendent, d’une génération nouvelle, de recevoir suite. Où sont les volontaires pour constituer l’équipe?

    Robert Steuckers.

    Forest-Flotzenberg, 25 mai 2014.

    http://robertsteuckers.blogspot.fr/2014/10/en-souvenir-de-jean-mabire.html