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culture et histoire - Page 1495

  • La société économique s’achève aujourd’hui en société de contrôle

    La société économique s’achève aujourd’hui en société de contrôle. Se met en place une logique de la domination qui n’est pas la vieille logique de l’exploitation, mais une logique quotidienne et réticulaire, ordonnée à des procédures de séduction, de fichage et de conditionnement. « Les individus ne sont pas dépouillés de leur individualité par une contrainte extérieure, mais par la rationalité même dans laquelle ils vivent » (Marcuse). Pour satisfaire le « besoin » sécuritaire (néologisme apparu au début des années 1980), se mettent en place des procédures fondées sur la détection, la mise en fiches et la traçabilité. Cette société de surveillance a maintes fois été décrite. Elle s’étend tous les jours, comparable au célèbre « Panoptique » imaginé par Jeremy Bentham, en attendant la totale réification du vivant et la lecture automatisée des expressions faciales et des ondes cérébrales par une « neuropolice » occupée à déchiffrer l’activité mentale pour mieux manipuler les comportements. 

         La Nouvelle Classe entend domestiquer le peuple parce qu’elle en a peur, et elle en a peur parce que ses réactions sont imprévisibles et incontrôlables. Pour remédier à cette peur, elle cherche à en inculquer une autre au peuple : la peur de déroger aux normes, de penser par soi-même, de se rebeller contre le désordre établi. Elle croit se prémunir contre la guerre civile, ou contre le chaos social, en généralisant des faux-semblants qui en sont autant de simulacres. 

         Paul Piccone, ancien directeur de la revue américaine Telos, a donné de la Nouvelle Classe cette définition canonique : « La Nouvelle Classe n’est pas une ‘classe’ au sens marxiste de sa relation avec les moyens de production, mais seulement dans un sens général, métaphorique. Elle désigne ceux qui détiennent un capital culturel (un savoir) et qui utilisent ce capital pour s’assurer d’une position sociale privilégiée par rapport à ceux qui en sont dépourvus. Ces relations de pouvoir ne pouvant être maintenues qu’en privilégiant la rationalité formelle et les valeurs universelles, et en rejetant les autres modes préconceptuels d’existence comme irrationnels, ou au mieux comme pré-rationnels, réalité comme condition nécessaire à sa reconnaissance. » 

         L’apparition de la Nouvelle Classe contribue, bien entendu, à rendre totalement obsolète la vieille division droite-gauche, naguère paradigmatique de la modernité, qui fonctionne aujourd’hui d’autant moins comme principium differentiationis que les membres de la Nouvelle Classe peuvent eux-mêmes aussi bien provenir de la « gauche » que de la « droite ». Comme l’avait également remarqué Paul Piccone, le clivage droite-gauche fonctionne aujourd’hui comme un écran de fumée dissimulant la seule véritable distinction opposant d’un côté les libéraux, toutes tendances confondues, qui en tiennent pour une vie politique neutralisée et procéduralisée, un Etat thérapeutique, une « gouvernance » mondiale, une démocratie purement représentative et un discours fondé sur les « droits de l’homme », et de l’autre côté tous ceux qui, au contraire, insistent sur l’autonomie locale, la démocratie directe, les particularités culturelles et les valeurs traditionnellement non négociables d’appartenance et de solidarité. 

    Alain de Benoist, Les démons du Bien

    http://www.oragesdacier.info/

  • Ernst Jünger, un anarchiste conservateur droit dans ses bottes

    Par Emmanuel Hecht

    Ex: http://www.lexpress.fr

    On croyait connaître l'écrivain inspiré, le soldat héroïque, le voyageur impénitent, l'entomologiste passionné... Sous la tenue et la retenue du seigneur des lettres allemandes, une belle biographie révèle les tourments d'un homme blessé.  

    Deux photos peuvent résumer une vie. La première, prise à la fin de la Première Guerre mondiale, dévoile un officier arborant l'ordre Pour le mérite, la plus haute décoration militaire allemande, créée par Frédéric II. Le jeune homme, "pas très grand, mince, se tenant bien droit, visage étroit comme coupé au couteau", sera le dernier à la porter, puisqu'il meurt à près de 103 ans, en 1998. Son nom : Ernst Jünger, guerrier exceptionnel, grand écrivain, collectionneur d'insectes facétieux, voyageur au coeur aventureux.  

    Sur le second cliché, il est âgé de près de 90 ans, aux côtés d'un autre individu de taille modeste, François Mitterrand, président de la République française, et du chancelier allemand Helmut Kohl, "le géant noir du Palatinat". Les trois hommes célèbrent la réconciliation franco-allemande, à Verdun, le 22 septembre 1984.  

    Quel homme incarne mieux le XXe siècle qu'Ernst Jünger, héros de Grande Guerre et symbole de l'Europe nouvelle et pacifiée ? Ernst Jünger. Dans les tempêtes du siècle, c'est précisément le titre de la biographie que lui consacre Julien Hervier, meilleur spécialiste français de l'auteur d'Orages d'acier. 

    Quelque chose chez Jünger ne passe pas, en France : cette rigidité, cette maîtrise, qui fait prendre cet Allemand de tradition catholique (mais athée), aux origines paysannes et ouvrières, pour l'archétype de l'aristocrate prussien protestant, le junker. Sans doute y a-t-il méprise. 

    "Une dure et froide sincérité, une sobre et sévère objectivité"

    Selon Ernst Niekisch, instituteur marxiste et chef de file du "nationalbolchevisme" - l'un des multiples courants rouge-brun qui saperont la république de Weimar -, familier de l'appartement-salon berlinois de Jünger, où se côtoient artistes fauchés, demi-soldes aux abois et aventuriers en tout genre, "sa distinction ne repose pas sur un privilège social, mais directement sur le contenu intime de son être : il fait partie de ces rares hommes qui sont absolument incapables de bassesse. Celui qui pénètre dans la sphère où il vit entre en contact avec une dure et froide sincérité, une sobre et sévère objectivité, et surtout, un modèle d'intégrité humaine." 

    Pour son biographe, Jünger est d'abord victime de sa monomanie : "l'obsession de la tenue", qu'il s'agisse de posture, maintien, aspect, fermeté, dignité, "surmoi", fruit d'une "anthropologie personnelle" élaborée pendant la Grande Guerre au contact du genre humain. Car le jeune soldat de 1914, nostalgique "de l'inhabituel, du grand péril", saisi par la guerre "comme [par] une ivresse", adoptant un flegme fataliste à l'épreuve du feu, vieillit d'un siècle en quatre ans et quatorze blessures, comme l'illustrent ses Carnets de guerre 1914-1918, qui viennent d'être traduits. Et y perd ses illusions.  

    "Là où un homme est monté jusqu'à la marche presque divine de la perfection, celle du sacrifice désintéressé où l'on accepte de mourir pour un idéal, on en trouve un autre pour fouiller avec cupidité les poches d'un cadavre à peine refroidi." La vieille chevalerie est morte, la guerre moderne est menée par des techniciens et la transgression est au coin de la rue. Lors de son bref séjour sur le front, dans le Caucase, en 1942, apprenant par la rumeur les exactions de la Wehrmacht contre les civils, "la Shoah par balles", il est "pris de dégoût à la vue des uniformes, des épaulettes, des décorations, des armes, choses dont [il a] tant aimé l'éclat ". 

    Le "junker", soldat héroïque d'un autre temps, était-il finalement modelé pour la guerre? "Lorsque je me place devant mes soldats [...] je constate que j'ai tendance à m'écarter de l'axe du groupe; c'est là un trait qui dénote l'observateur, la prédominance de dispositions contemplatives." L'aveu. Le guerrier se rêve hors de la ligne de mire et du champ de bataille. On le lui reprochera suffisamment.  

    Pourquoi ne s'engage-t-il pas aux côtés des officiers instigateurs du complot du 20 juillet 1944 contre Hitler, alors qu'il est en plein accord avec eux ? Parce qu'il réprouve les actes terroristes. C'est au nom du même principe, que, militant nationaliste, il refuse, en 1922, de se joindre au corps franc qui assassine le ministre des Affaires étrangères, Walther Rathenau. Question de tenue. Jamais la fin ne justifie les moyens. Il le dira noir sur blanc aux nazis qui multiplient les appels du pied : "Ce n'est pas [...] une caractéristique majeure du nationaliste que d'avoir déjà dévoré trois juifs au petit déjeuner." 

    Hitler et Brecht pour anges gardiens

    Jünger est sans doute le seul homme à avoir été protégé à la fois par Adolf Hitler, lorsque les nazis veulent liquider cet "officier méprisant", et par Bertolt Brecht, quand ses camarades communistes veulent en finir avec ce "produit de la réaction". Qui peut bien être ce diable d'homme protégé par de tels anges gardiens? Un de ses biographes allemands l'a qualifié d'"anarchiste conservateur".  

    Jünger est à fois un homme d'ordre et en rupture de ban. Lorsque, à peine âgé de 16 ans, il s'engage dans la Légion étrangère, c'est pour déserter à Sidi Bel Abbes et emboîter le pas de Rimbaud dans de nouveaux Jeux africains. Lorsque, après la guerre, il expérimente les drogues - auxquelles, blessé à la tête, il a goûté, dès 1918 - auprès d'Albert Hofmann, l'inventeur du LSD, c'est sous contrôle médical. 

    Au fond, Jünger-le-corseté déteste la politique, les organisations et la technique. Il abhorre le nihilisme des nazis et celui de Céline, dont il dresse un portrait accablant dans ses Journaux parisiens. Pour venir à bout du Mal, il mise sur la liberté - celle du hors-la-loi scandinave du Traité du rebelle -, sur Eros (l'amour est l'adversaire du Léviathan) et la création artistique. 

    Lors des terribles ébranlements politiques dont il est témoin, Jünger ressent "une grande sensibilité sismographique", mais il ne se départit pas de son rôle de spectateur. Depuis l'enfance, il se réfugie dans les livres et la nature. Le sentiment, alors éprouvé, que "la lecture est un délit, un vol commis contre la société" ne l'a jamais quitté.  

    Il lit partout et par tous les temps. Sous les déluges d'obus, "alors qu'avec effroi tu penses que ton intelligence, tes capacités intellectuelles et physiques sont devenues quelque chose d'insignifiant et de risible", il avale les grands Russes, Gogol, Dostoïevski, Tolstoï, et les Aphorismes sur la sagesse dans la vie, de Schopenhauer.  

    Sa passion pour les insectes, métamorphosée au fil du temps et des désillusions en entomologie, leur étude scientifique, nourrit ses Chasses subtiles. Les cicindèles, sous-groupe des coléoptères, ont sa préférence. L'une de ces créatures porte d'ailleurs son nom : Cicindela juengerella juengerorum. 

    Ecologiste avant l'heure, il balance entre action et contemplation

    A partir des années 1950, il parcourt la planète, attentif aux bonnes nouvelles - fécondité inépuisable du monde naturel, pertinence des techniques primitives - comme aux mauvaises : dégâts du tourisme de masse, suprématie du béton, règne bruyant des moteurs. Les réflexions de cet écologiste avant l'heure - les Verts allemands le détestent - alimentent les cinq tomes de Soixante-dix s'efface, son oeuvre ultime. 

    Et si, finalement, la clef de cet homme balançant entre action et contemplation se logeait dans son combat contre la dépression - aux pires heures de l'Allemagne, à la mort, en uniforme, de son fils aîné, en 1944 à Carrare, et après guerre, à la suite du suicide du cadet - et contre une Sehnsucht insondable ? Son éditeur Michael Klett en émet l'hypothèse à l'enterrement de l'écrivain. "Lors de coups d'ailes plus légers de l'ange de la Mélancolie, ajoute-t-il, il se plongeait dans la contemplation d'une fleur, s'épuisait en d'interminables promenades ou s'imposait un emploi du temps rigide quasi digne d'un ordre mystique." Ainsi était Ernst Jünger. Mais il n'en a jamais rien dit. Question de tenue. 

    Ernst Jünger. Dans les tempêtes du siècle, par Julien Hervier. Fayard, 540 p., 26 €. 

    Carnets de guerre 1914-1918, par Ernst Jünger. Trad. de l'allemand par Julien Hervier. Bourgois, 576 p., 24 €. 

    http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2014/08/28/ernst-junger-un-anarchiste-conservateur-droit-dans-ses-bottes.html

  • La laïcité de la république

    Maurras et Maistre nous le rappellent : les "hussards noirs" sont aussi des prêtres. Mais leur religion est-elle tout aussi française ?

    La neutralité est un mensonge. Il n’y a point d’État sans doctrine d’État. L’État républicain, né des doctrines de la maçonnerie révolutionnaire, n’a plus voulu de l’enseignement des prêtres catholiques dont la France est née et a vécu, elle n’a pu se dérober à la nécessité antique exprimée par Joseph de Maistre : « Tous les peuples de l’univers ont confié les jeunes gens aux prêtres. Comment le bon sens éternel du genre humain aurait-il pu se tromper ? »

    Arrachée au prêtre, l’école a du être confiée à un autre prêtre sorti d’un séminaire de nouveaux prêtres, mis à part de la vie intellectuelle commune, sujet d’un dogme et d’une foi. Différence : la foi catholique était déjà professée par l’immense majorité des Français, le maçonnisme n’étant le partage que de quelques dizaines de milliers de militants ou de comitards, était une foi nouvelle qu’il restait à enseigner et à répandre. Le succès partiel de cette propagande marque un des plus grands reculs de l’esprit humain, mais démontre aussi le caractère nullement neutre, mais religieux, ecclésiastique et confessionnel, de cette entreprise.

    Charles Maurras, Sans la muraille des cyprès... 1941, J. Gibert, Arles-sur-Rhône

    Ce texte limpide et très riche comme tous les textes politiques de Maurras tire de l’analyse de l’histoire un enseignement pour son temps tellement essentiel qu’il touche encore le nôtre. La laïcité est d’actualité. Elle prétend aujourd’hui se montrer sereine, tolérante, "positive". Elle voudrait s’acheter une conduite afin de passer pour une vertu. On l’a vu chez M. Sarkozy devant un souverain pontife qui ne s’en est pas laissé conter.

    Où est le Maurras antichrétien ?

    Ce texte est important pour connaître les convictions de Maurras concernant le catholicisme. Sans la muraille des cyprès, livre dédié « à mon premier et dernier maître, à l’ami de toujours, Monseigneur Penon évêque et citoyen », contient beaucoup de réflexions sur la métaphysique, sur la religion. Maurras antichrétien est une caricature due à la malveillance ou à l’ignorance.

    L’auteur dénonce la guerre menée contre l’éducation religieuse traditionnelle (« arrachée au prêtre »). Après avoir montré, en s’appuyant sur Joseph de Maistre, que la formation de la jeunesse à toujours été confiée aux prêtres, quelle que fût la religion de la société, il parle, sans les nommer, des « hussards noirs de la République », les instituteurs chargés depuis Jules Ferry de déchristianiser la jeunesse de notre pays, Il nous montre que tout enseignement est religieux parce que toute société s’appuie, comme disait Auguste Comte, sur un « pouvoir spirituel ». Pour Dieu ou contre Dieu. Catholique ou maçonnique en France.

    Maurras insiste dans les dernières lignes sur l’aspect religieux de la démocratie française (« caractère religieux, ecclésiastique et confessionnel » de la République française).

    Miroir aux alouettes

    Il faut en déduire que le ralliement à la République n’est qu’une illusion, l’illusion des conservateurs. Ils acceptent d’entrer dans le jeu d’un système qui postule leur disparition car la République française est anticatholique par essence parce que son origine maçonnique l’oppose à l’Ordre et que le catholicisme est « l’Eglise de l’Ordre » comme le dit Maurras dans la seconde partie de la dédicace de son livre à Mgr Penon. Alors, les bonnes élections ? Un miroir aux alouettes.

    Gérard BaudinL’Action Française 2000 du 16 octobre au 5 novembre 2008

  • La nation est un corps vivant, ordonné, hiérarchiquement construit et non le résultat d’un « contrat »

    La bonne vie des Etats ne peut consister dans la mise en tas des ressources hétéroclites et d’individus désencadrés. Le bon sens dit qu’il faut un rapprochement organique et un engrènement hiérarchisé de proche en proche, par des groupes d’abord homogènes, puis différant peu à peu les uns des autres et se distinguant par degrés ; ils s’accordent entre eux sur des points bien déterminés, mais pas importants, chaque petite société étant au contraire tenue pour originale, libre et maîtresse, disposant de l’essentiel de ses fonctions individuelles, au maximum et à l’optimum de la force, se définissant par des actes, des modalités, des mœurs marquées du seing personnel. Ces actes, ces œuvres, ces produits sont obtenus purs, nets, d’une qualité qui n’appartient qu’à eux, au rebours des fabrications en série et en cohue qui naissent de Cosmopolis. Ces collectivités, graduées forment une nation. 

    Charles Maurras, Votre bel aujourd’hui

    http://www.oragesdacier.info/2014/09/la-nation-est-un-corps-vivant-ordonne.html