culture et histoire - Page 1621
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Jean Pax Méfret - La musique s'est arrêtée
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L’Action française, féministe avant l’heure ?
L’Action française d’avant-guerre n’était pas fermée aux femmes. Bien au contraire, certaines la rejoignaient précisément pour combattre une République misogyne, comme l’explique le travail d’une étudiante en histoire à l’IEP de Paris.
Tous les domaines se prêtent aux "études de genre" – y compris l’histoire de l’Action française, susceptible d’illustrer le parcours de « femmes outsiders en politique », selon le titre d’un ouvrage paru l’été dernier (en 2013). Camille Cleret y consacre un article à « l’engagement féminin d’Action française ». Depuis toujours, souligne-t-elle, « la signification politique de l’engagement féminin d’Action française fut inévitablement contestée et caricaturée » : « qualifiées alternativement de "duchesses douairières", ou de "demoiselles à dot" », les militantes d’AF « étaient systématiquement jugées avec mépris par les adversaires de la ligue ». Or, « initialement et officiellement cantonnées dans la sphère des activités charitables, ces militantes surent se réapproprier le "politique d’abord", mot d’ordre de l’Action française, afin d’acquérir un rôle et, pour certaines d’entre elles, des responsabilités au sein de cette formation ».
LIGUE FÉMININE
Les femmes désireuses de s’engager à l’Action française étaient appelées à rejoindre une structure spécifique, l’Association des dames et des jeunes filles royalistes, héritière d’une ligue féminine indépendante, la Ligue royaliste des dames. « Née en 1904 de l’opposition aux mesures touchant alors les congrégations religieuses », celle-ci « se distinguait cependant d’autres formations féminines fondées dans le même contexte en raison de la priorité conférée, dès ses origines, au combat politique sur le combat religieux ». Cette préoccupation se traduisait dans l’orientation donnée aux "œuvres sociales royalistes", qui occupaient « une place prépondérante dans la vie de ces femmes ». « Ventes et fêtes de charité, arbres de Noël, distribution de layettes, de nourriture et de vêtements, colonies de vacances : ces activités de bienfaisance mentionnées dans les colonnes du quotidien s’inscrivent dans la lignée des œuvres de charité pratiquées depuis des siècles par les femmes chrétiennes mais impliquent toutefois une finalité politique clairement assumée. » Témoin, l’ouverture d’un "restaurant de charité", conçu, selon ses promoteurs, comme « un centre de propagande ouverte ».
La suite dans le Journal d’un eurosceptique désabusé
Article publié dans L’Action Française 2000
http://www.actionfrancaise.net/craf/?L-Action-francaise-feministe-avant
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Le Cercle Jean Bastien-Thiry communique
Manifestations organisées par le Cercle Jean Bastien-Thiry pour le cinquante et unième anniversaire de la mort de Jean Bastien-Thiry
Les activités du Cercle ici
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L’américanisation brutale de notre société, L’Europe est-elle une nouvelle colonie américaine ?
La guerre coloniale que les Etats-Unis mènent depuis plus d’un siècle contre les Peuples du monde, ce ne sont pas seulement les bombes et les missiles de l’US Air Force ou les coups de force de la CIA et du State Department. C’est aussi la guerre culturelle – celle menée par Hollywood, Mc Donald’s, Coca-Cola et autres vomissures yankees – conduite pour écraser les cultures et les Peuples, et imposer le néant consumériste de l’anti-civilisation yankee, le « Mc World ». Car, pour nous, et comme le rappelait Spengler, les Etats-Unis sont passés directement de la Barbarie à la « Civilisation » – celle du Hamburger – sans connaître la culture.
LA MACDONALDISATION DU MONDE EST UN TERRORISME CULTUREL
La guerre culturelle yankee, dont Mc Donald’s est le symbole phare, s’apparente, selon Steve Fuller, professeur de sociologie à l’Université de Warwick, à la « guerre idéologique », « où les gens se voyaient enjoindre de renoncer à leurs coutumes traditionnelles et d’adopter celles de l’Occident ». Fuller qualifie la « Macdonaldisation » de « terrorisme culturel ». George Ritzer, son collègue de l’Université du Maryland, dénonce, lui, dans « The MacDonaldization of Society », le « pouvoir obscène » de la multinationale de la Mal-bouffe et de ses complices hollywoodiens.
L’AMERICANISATION DU MONDE EST UN SIDA CULTUREL
L’Américanisation du monde est un sida culturel, comme le déclare la critique Margaret Wertheim, Australienne installée à Los Angeles : « la culture américaine ressemble à un virus, de surcroit particulièrement pathogène. A bien des égards, on pourrait la comparer au HIV, le virus du sida. Cette culture ne cesse de se dupliquer, et se montre particulièrement habile à parasiter la machinerie de production de ses hôtes. S’il est si difficile de venir à bout du HIV, c’est parce qu’il prend le contrôle des fonctions cellulaires de l’organisme infecté pour produire de nouvelles copies de lui-même, et retourne contre son hôte ses propres défenses immunitaires. Pareillement, la culture fast-food, le rock, la télévision et le cinéma américains infectent l’organisme culturel des autres nations, parasitant les capacités de production locales pour réduire leurs efforts à de simples contrefaçons. Ce processus de réplication virale se répète dans le monde entier, les normes de la culture populaire américaine étouffant la flore et la faune locale ». Dans « Pourquoi le Monde déteste-t-il l’Amérique ? », Ziauddin Sardar et Merryl Wyn Davies analysent le rôle des hamburgers et autres menus américains » dans la destruction des repères culturels des peuples agressés : « La mondialisation dirigée par les Etats-Unis cherche à remplacer ces repères par des produits culturels américains. Le raz de marée de cette culture consumériste est capable de tout assimiler et d’exercer sur les peuples d’énormes pressions pour qu’ils changent de mode de vie, abandonnent tout ce qui donne un sens à leur existence, se débarrassent non seulement de leurs valeurs mais de leur identité, de leurs relations, de leur attachement à l’Histoire, à des lieux, à des manières d’être et d’agir. Le « pouvoir obscène » de la « culture du hamburger » place les cultures locales dans un étau. Les multinationales américaines assurent la promotion de leurs produits en suivant une stratégie multiforme qui fait appel au rock, à la télévision, à des styles spécialement crée, et lui permet d’occuper tout l’espace culturel disponible ».
LE GENOCIDE PLANIFIE DES CULTURES ET DES LANGUES
Le véritable terrorisme est là ! Il est américain, planifié, et vise au génocide des cultures et des langues. Steve Fuller explique que « pour bien comprendre l’influence de l’Amérique sur le reste du monde, il nous faut considérer ses pratiques culturelles » comme un « bioterrorisme » : « En premier lieu, le bioterrorisme n’a pas d’objectif spécifique. On ne gagne pas une campagne de ce genre ; on espère simplement que la diffusion du virus perturbera au maximum la société visée. Elle peut aussi créer les conditions qui permettront de parvenir à un but différent. En second lieu, les bioterroristes se contentent de lancer la campagne ; le gros des « opérations guerrières » est ensuite le fait des victimes eux-mêmes, qui s’infectent mutuellement lors de leurs interactions quotidiennes. En troisième lieu, à mesure que la campagne progresse, que ces effets pathogènes se combinent à d’autres, il devient virtuellement impossible d’identifier un seul agent responsable, toutes les victimes étant alors devenues complices de cette diffusion. McDonald’s illustre superbement ce genre de terrorisme culturel. Considérez le panneau placé devant chacune de ses boutiques : « Des milliards de gens servis ». Et non « nourris ». Du point de vue du marketing, c’est un slogan extrêmement frappant. Il désigne un objectif qui n’est autre que la simple prolifération des burgers, sans référence aucune à la réaction de ceux à qui ils sont destinés. Mais, comme nous le savons, cette prolifération à un effet dévastateur sur la plus grande partie de la planète – les autochtones sont contraints d’adopter les pratiques de la culture américaine, leur environnement, physique ou culturel, est frappé. En fait, quand ils commencent à se comporter comme des géants de la restauration rapide, à s’infecter mutuellement avec leurs attitudes et leurs comportements (obésité, problèmes cardiaques, etc.), ils s’exposent davantage encore à d’autres interventions américaines. Le temps que les dégâts soient vraiment sérieux, un nombre suffisant d’entre eux aura bénéficié personnellement de ces interventions pour qu’il soit difficile de faire marche arrière ».
« Le « terrorisme biologique » de la culture du hamburger a réduit la géographie culturelle du monde à un espace américain totalitaire, tuant les langues, l’architecture, l’industrie cinématographique, la télévision, la musique et l’art de la majorité des pays », concluent Sardar et Davies.
QUAND HOLLYWOOD EST UNE ANNEXE DU PENTAGONE
Dans la guerre culturelle yankee, Hollywood et ses dérivés médiatiques, comme MTV, jouent un rôle décisif. Et font directement le lien avec la guerre classique menée par le Pentagone et le state Department, notamment en assurant la propagande et en préparant psychologiquement les masses aux agressions militaires américaines. Hollywood s’est fait une spécialité des caricatures ”stéréotypes” des ennemis des Etats-Unis. Après le méchant Russe (qui avait succédé au méchant Soviétique) ou le psychopathe arabe, figures de style déclinées dans des milliers de films, dont les James Bond, le cinéma yankee s’en était pris aux « criminels serbes » (voir « Behind Ennemy Lines ») ou africains (« La chute du Faucon noir » sur la Somalie).
L’Europe en phase finale d’américanisation
Les choses se précipitent. Peu d’européens en sont encore conscients. D’autant plus que pour s’en apercevoir, il faut un minimum de culture stratégique afin de déchiffrer des événements qui autrement peuvent paraître anodins. Appelons américanisation de l’Europe le fait pour celle-ci d’acquérir le statut non d’un nième Etat de l’Union – ce qui peut conférer quelques droits constitutionnels et civiques – mais d’un Etat complètement subordonné, colonisé pour reprendre un ancien terme, sur le modèle des ex-colonies africaines de la France. Cette américanisation est en cours depuis la seconde guerre mondiale, sinon la première. Ces guerres ont vu l’Europe, emportée par ses divisions internes, perdre une grande partie des éléments faisant son ancienne puissance. Ceci au profit des Américains. Face à l’URSS d’abord, face aux puissances émergentes d’Asie, principalement la Chine aujourd’hui, l’Amérique a su convaincre les Européens qu’ils devaient lui confier leur défense, quitte à lui livrer en échange tout ce qui leur restait de souveraineté. Avec la crise boursière de 2008 ,le model américain a montré son vrai visage au monde entier, le rêve américain touche à son terme! il est grand temps de “sauter” en dehors de ce bateau U.S qui coule à vue d’œil…il est grand temps que NOUS européens nous reprenons notre destin en main.
Article rédigé par P. De Reyck pour l’association culturelle ZENIT
Source: Association culturelle ZENIT
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L’archipel Humain (3/3) : ce qui est en haut est comme ce qui est en bas
"Personne n'est tombé tant qu'un seul est debout.
Le vieux sang des aïeux qui s'indigne et qui bout,
La vertu, la fierté, la justice, l'histoire,
Toute une nation avec toute sa gloire
Vit dans le dernier front qui ne veut pas plier.
Pour soutenir le temple, il suffit d'un pilier ;
Un Français, c'est la France ; un Romain contient Rome,
Et ce qui brise un peuple avorte aux pieds d'un homme. "
Victor Hugo, Les châtiments, 1853.Nous avons vu qu’augmenter la résilience de l’espèce humaine, c’est maximiser sa diversité, ce qui est favorisé par l’autonomie et la décentralisation. Cependant, ceci améliore la résilience de l’Humanité, non pas une Nation en elle. Les deux ne vont plus ensemble, dès lors que ces dernières veulent rester compétitives. Ici, nous proposons quelques directions théoriques, des approches politiques tendant vers une révolution écologique. A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles : il est temps de redéfinir radicalement notre mode de vie en faisant de la nature un socle de la politique, et de donner une assise spirituelle aux préoccupations environnementales, enjeu de notre époque. Et l’écologie propose des lois dont nous pouvons nous inspirer.
7. Refondre la Nation : autarcie versus progrès ?
La frontière comme peau : entre échange et protection. Cette dégradation de la diversité pourrait n’être après tout qu’un problème d’énergie, la révolution industrielle ayant accéléré la rencontre entre des sociétés, initialement séparées en un archipel humain. Mais nous pouvons opposer à ce phénomène une discipline, canalisant le progrès permis par l’énergie, conservant ainsi les styles de chaque culture. Alors que la mondialisation tend à ne créer qu’une seule société rendue fragile du fait de son interdépendance, un système pluri-civilisationnel, diversifié et communicatif, maximise le nombre de solutions adaptatives. La rencontre entre deux entités sociales n’est donc souhaitable que dans un cadre bien précis, lorsque les deux partis y sont préparés et que chacun a à apprendre de l’autre. Ainsi il y a progrès mutuel et progrès du système les englobant. En revanche, si ces conditions ne sont pas réunies, la rencontre devient destructrice, c’est à dire affaiblissante en attirant vers le bas. On ne devient créatif dans un domaine que lorsque l’on en maîtrise les bases. Seule une civilisation sûre de sa culture peut apprendre d’une autre.
Une éthique de la séparation. Il s’agit de se rendre suffisamment perméable pour favoriser le progrès humain, tout en protégeant ce qui fait la spécificité, l’originalité d’une culture. Nous pensons que l’ « archipel humain » est davantage favorisé lorsque la partie productive d’une civilisation est relativement isolée de l’extérieur par une forme de protectionnisme. Il nous faut donc développer, comme le propose Régis Debray, une nouvelle éthique de la séparation 1. Ce qui en pratique, signifie réinstaurer un système de taxes aux frontières, ainsi que contrôler l’immigration. Les communautés, lorsqu’elles sont minoritaires, s’adaptent à la structure d’accueil. Mais lorsqu’elles deviennent importantes, elles cherchent à imposer leur culture, donc à féoder la structure d’accueil, changeant du même coup la substance spirituelle du peuple, lui faisant perdre sa cohésion. A l’intérieur même du pays, une relocalisation de la production ainsi qu’une autonomie plus complète des zones à l’échelle des communautés est nécessaire.
Membrane perméable et jeux de représentations. Deux traits facilitant l’innovation semblent s’opposer : d’une part l’ouverture à l’expérience, de l’autre, la pensée divergente. Sont-ils inconciliables ? La pensée janusienne, la conception simultanée d’oppositions, est un trait créatif indispensable. Mais pour concevoir une opposition, il faut déjà bien connaître sa propre culture et rechercher chez l’autre des solutions. L’exercice est très révélateur et montre à la fois l’importance des représentations et celle de la diversité des incarnations où celle-ci se cristallise. Un des principes de la programmation-neuro-linguistique stipule que la flexibilité de la structure doit évoluer avec le niveau de complexité du système pilote. C’est la loi de la variété requise : la partie la plus adaptable doit être le système pilote, qui doit maintenir un niveau de complexité supérieur à ce qui est piloté. La partie pensante d’une société doit donc être particulièrement ouverte et flexible, quand la masse est préservée. Ceci, quel que soit le domaine considéré, nécessite une richesse culturelle suffisante pour se rendre capable de jeux de représentations avec bénéfice. Car c’est par leur friction que l’on est le plus susceptible d’être créatif, en variant les angles d’approche, favorisant une restructuration cognitive d’un problème (l’insight).
8. Du milieu au substrat, l’esprit des lois.
Tout est dans tout. L’un des buts premiers de l’Etat doit être de veiller à faire de ses citoyens des individus complets et non de repérer les futurs talents par une méritocratie impitoyable et en faire des « animaux productifs » spécialisés et consommateurs. Le taylorisme augmente peut être la productivité, mais il rend les ouvriers fragiles, donc l’entreprise de la même manière. Ce que nous pourrions appeler « tout est dans tout », nous semble le résumé d’une doctrine visant à rendre un pays, et l’humanité en général, plus résilient. Chacun, individu ou nation, doit être assez généraliste pour se rendre autonome au maximum et avoir une spécialité pour se rendre utile, donc attractif, pour la communauté. Ce qui correspond en fait, dans la Spirale de Don-Beck, au niveau jaune de l’état d’avancement d’une société, succédant au vert des actuels pays développés.
Flux physiques... Il nous faudra redéfinir notre stratégie d’exploitation de la matière première. De la même manière, si « tout est dans tout », le type d’énergie à développer doit dépendre de l’échelle et être géré par toutes les parties concernées sur l’ensemble de la chaîne, de la communauté à la tête de l’Etat 2-4. Mais il faudra aussi réduire l’empreinte énergétique, en minimisant les flux physiques: financiers, marchandises, humains. L’écologie industrielle est, dans cette voie, un domaine en pleine expansion. L’un de ses grands principes est le rebouclage : relier le cycle économique d’un produit aux cycles biogéochimiques de ses composants. A l’intérieur même du pays, il faut favoriser la localisation et l’autonomie 5,6. Par le blindage d’abord, c’est à dire en introduisant une taxation en bordure du système, par le compartimentage ensuite, en poussant à l’autonomie des sous-systèmes et par le recuit constant enfin, en cassant les habitudes et en favorisant la fluidification aux interstices.
... et flux d’informations. Les dernières décennies ont, surtout par le développement des technologies des télécommunications, mis en contact les civilisations. Mais nous observons également une recrudescence de la tribu. Les gens se rassemblent selon leurs centres d’intérêts, plutôt que de surfer en solitaire dans cet océan de données. Discipliner notre usage de l’information n’a rien à voir avec de la censure, mais pourra plutôt être désigné comme « l’augmentation du rapport signal/bruit ». Alors que le flux d’information, par internet en particulier, pourrait permettre de faire l’économie de déplacements, en ne transportant que la donnée utile, en la sélectionnant, en la travaillant, avec un coût minime, nous observons au contraire une vulgarisation de son utilisation. Comme la télévision à ses débuts, on imaginait pouvoir faire de la toile un outil d’éducation, permettant à chacun d’évoluer. En réalité le web favorise toutes les pulsions. En faisant reculer le sur-moi intimidant et en flattant l’animalité des utilisateurs, on pourrait dire qu’internet est aujourd’hui une anti-religion. Et de dans ce concerto de couleurs, les populations sont induites chaque jour différemment, comme de la limaille de fer dans un champ magnétique. On l’observe bien dans la communication au sujet du changement climatique : les médias polarisent, les positions se crispent et cristallisent. Les populations attendent une « solution », alors que l’adaptation nécessaire à ce phénomène serait plutôt une façon de nous redéfinir nous-mêmes 7.
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Le mythe de la liberté
Jeune homme au Quartier Latin, je fus très intrigué par une inscription sur le mur noir et triste de la prison devant laquelle je passais parfois. Avec une joyeuse inconscience de la propriété des termes, les peintres avaient tracé, au-dessus du portail et sur les grands murs sinistres, la devise de la République : Liberté, Egalité, Fraternité. Le mot Liberté me choqua en un tel lieu, et je commençais à formuler des doutes à son égard. Pourtant, il exerce un effet magique sur les esprits qui n’ont pas atteint leur maturité. Au lieu de l’inviter, selon le mot de Dante, à perdre l’espérance en entrant dans ces lieux, on demandait au malheureux criminel à menottes de méditer sur l’illusoire promesse de Liberté qui l’avait expédié dans cette prison, ainsi que sur les plaisirs qu’il allait connaître dans l’étroite Liberté de sa cellule. Je suis certain qu’il n’y avait là aucune intention ironique. On est si bien habitué à ce mot qu’on ne voit pas pourquoi il ne servirait pas à orner le mur d’une prison. Les “immortels principes de 89” sont excellents dans les péroraisons; ils n’ont jamais été mis en pratique – ils ne peuvent pas l’être. Le chimiste Lavoisier, le poète Chénier, l’homme d’État Malesherbes, le philosophe Condorcet, pour ne pas parler des politiciens et de la racaille de la Révolution, purent lire sur leur mandat d’arrêt le mot magnifiquement inscrit de Liberté. Lavoisier mendia quelques jours de survie pour terminer sa dernière grande expérience. Ainsi que le sait chaque écolier, il reçut l’ “immortelle” réponse que la République n’avait besoin ni de savants, ni de chimistes. Le vrai symbole de la Liberté, c’est la guillotine, et je voudrais qu’à l’entrée du port de New-York, à la place de la déesse à la torche, on mît l’échafaud où ont fini toutes les revendications humaines au nom de la Liberté.
Sisley Huddleston *
Le Mythe de la Liberté entretiens en temps de guerre, Lyon, Lardanchet, 1943
Le point de départ ironique de cette réflexion politique est particulièrement ingénieux : le mot Liberté écrit sur les murs des prisons de la République ! Étudiant à Paris, Sisley Huddleston fréquentait alors des milieux “avancés”. Un jour qu’il s’indignait de l’arrestation de quelques manifestants de gauche pour lesquels il éprouvait de la sympathie, un camarade lui dit : « Quand nous serons au pouvoir, nous mettrons les autres en prison. Chacun son tour ! »
Les illusions s’évanouirent. Le jeune Anglais étudiant en France comprit ce jour comment les partisans de la “Liberté” la conçoivent pour les autres. Il se rappela que les socialistes, partisans ombrageux de la “Liberté”, lui sont hostiles dans les questions économiques, qu’ils dénoncent la “liberté du travail” et veulent imposer leurs grèves par la violence à ceux qui ne partagent pas leurs idées. Il se rappela que le libéralisme économique est souvent pour l’ouvrier la liberté de mourir de faim.
Il se rappela que dans la France républicaine, la devise “Liberté” était mise au service des formes les plus intolérantes de l’anticléricalisme, que la démocratie détruit la liberté des personnes en les soumettant à la loi du nombre et que le terrorisme révolutionnaire était son ultima ratio, son ultime argument pour assurer le Bonheur et la Liberté : « La Liberté ou la Mort », on ne sort pas de ce dilemme dans une logique démocratique.
On parlera de l’hypocrisie du mythe de la Liberté car la civilisation est essentiellement une renonciation à la liberté au sens vague et absolu du mot. Bonald observait, par exemple, que la liberté de la presse ne concernait que les hommes qui écrivent : « Qu’est-ce qu’une liberté publique qu’il faut entourer de tant de précautions et dont l’exercice doit être l’objet d’une surveillance continuelle, tant l’abus est voisin de l’usage ? »
Dans un État sain, la liberté de la presse est inconcevable car une presse “libre” peut empoisonner une nation et mettre le monde à feu et à sang. Les pharmaciens ont-ils le droit de vendre n’importe quel poison à n’importe qui dans n’importe quelle condition ? La seule liberté du clerc c’est d’élever le public et non de flatter ses instincts les plus bas, de nourrir ses curiosités malsaines, d’entretenir son ignorance et ses idées erronées. Il n’existe donc pas de “Liberté’, en politique, mais des libertés concrètes, précises, hiérarchisées, ayant pour corollaires des devoirs. Une société saine, dirigée par un État sain accorde des libertés bien définies, bien limitées pour éviter à la fois l’anarchie et la dictature.
Gérard Baudin L’Action Française 2000 n° 2738 – du 20 décembre 2007 au 2 janvier 2008
* Sisley Huddleston (1883-1952) était un journaliste et écrivain britannique. Après avoir travaillé à un journal des forces britanniques pendant la Première Guerre mondiale, il s’installa à Paris après la guerre jusque dans les années 1930. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il prit la nationalité française. Il publia un entretien avec le maréchal Pétain. Il fut emprisonné par les Alliés en 1944. Il laisse une oeuvre variée de réflexions sur les lettres, l’histoire et l’époque où il a vécu. -
L’archipel Humain (2/3) : la Grandeur des petits
"Mon engagement en faveur des peuples autochtones, les peuples premiers, ou peuples-racines, est philosophique, politique et personnel. Je suis convaincu que la mondialisation, l'internationalisation des peuples, est un malheur, une punition des dieux, et que le pluralisme culturel - à l'égal de la biodiversité - est la condition sine qua non du progrès de l'humanité."
Jean Malaurie, Hummocks
La mondialisation a accéléré et amplifié les perturbations de l’homme sur son milieu de vie, en épuisant les ressources naturelles à un rythme soutenu. Elle a également favorisé l’accroissement des inégalités entre et à l’intérieur des nations. En homogénéisant les civilisations, elle appauvrit la richesse de l’humanité, donc diminue le spectre des adaptions dont notre espèce pourrait disposer, c’est à dire la résilience de notre espèce face aux crises. A ce phénomène, nous pouvons appliquer une contrainte opposée, une éthique de la séparation, alliant richesse culturelle à l’échelle de l’Humanité et puissance de cohésion à l’échelle de la Nation : un archipel humain.
4. Biodiversité et multiculturalisme: éloge de la pluralité.
L’éventail du vivant. Il semble que la « Vie » ne tend pas vers une complexification de chaque organisme, mais vers une complexification de l’ensemble formé par tous les organismes. Le point oméga n’est pas spécifique, mais holiste. Ce potentiel de diversité, c’est une aptitude au progrès et c’est cela qui est maintenu, comme l’a fait remarquer Stephen Jay Gould 1. Car la Vie s’incarne dans un éventail de formes assez grand, en conservant par ailleurs ses formes les plus élémentaires, pour conserver au maximum ce potentiel. Le but ce n’est pas l’homme, c’est Gaïa. En ce sens l’évolution tend vers un maintien du plus grand nombre de possibilités, et en cela rend la biosphère plus résiliente face aux crises. L’homme peut donc être la créature la plus aboutie de la Création, sans en être sa finalité.
L’évolution et le mythe du progrès. Rendre l’Humanité plus résiliente, c’est, de la même manière, maintenir un jeu de solutions adaptatives. La biodiversité a été la plus importante lorsque les continents étaient les plus fragmentés et vice versa, lors des supercontinents, on constate un appauvrissement en diversité 2. La mondialisation a certes permis de grands progrès dans l’échange d’informations, en regroupant et spécialisant les talents, et en permettant une amélioration des conditions matérielles ainsi qu’une augmentation généralisée de l’espérance de vie. Néanmoins ce regroupement des civilisations s’accompagne d’une perte de richesse culturelle.
Compétition et adaptation. Car il y a une échelle au delà de laquelle la cohésion, le sens de la responsabilité, la démocratie enfin, ne sont plus favorisées. Et quand nous partageons tous la même assiette, cracher dedans devient un moyen de se l’approprier 3 : ainsi commence la course aux dernières ressources et les guerres pour elles 4 afin ne rien perdre de notre compétitivité, ainsi que les pieds qui trainent lorsqu’il s’agit de traiter une pollution. De Jean Malaurie à Lévi Strauss, ceux qui se sont fait les spécialistes des sociétés les plus primitives ont bien remarqué que celles-ci avaient toujours trouvé un moyen, par des voies différentes, de s’adapter à leur milieu avant l’arrivée de l’étranger 5,6. Certains organismes choisissent les milieux les plus confortables, avec la compétition la plus forte, et d’autres l’inverse. Au final, chaque voie est explorée, testée.
5. « Là où croît le danger, croît aussi ce qui sauve. » Hölderlin.
Une éthique de la conservation. Les éthiques reconsidérant la place de l’homme au sein de la nature sont légion 7. L’approche gradualiste, attribuée à Aristote, met en avant une hiérarchie des valeurs ontologiques intrinsèques, allant des minéraux aux humains. Néanmoins, plus récemment, l’approche écocentriste, ou l’écologie profonde d’Arne Naess, proposent quelque chose de nouveau en matière d’éthique : la valeur est donnée par l’interrelation entre les individus 8 et non par les individus eux-mêmes 9. En revanche, dans l’idée de préservation d’aires protégées 10, l’humain est « mis en dehors », ce qui implique une séparation entre l’Homme et la Nature. Que doit-on donc préserver : le caractère sauvage (ce que l’homme n’a pas touché) ou la biodiversité ? La réponse est simple : il faut préserver le caractère structurant de la Nature.
Politique cristallisante et révolution permanente. Quelle que soit l’approche adoptée, celle-ci devra tenir compte de la profondeur des relations entre besoins humains et des ressources à disposition. C’est à dire déterminer et hiérarchiser la valeur esthétique, économique, culturelle de la ressource. L’approche centralisée, favorisant une bureaucratie lourde, est malvenue en matière de rapidité de prise de décision. Il est avéré que la communication est bien plus efficace dans une communauté restreinte, où la responsabilité de chacun est de plus grandie par appropriation des problèmes environnementaux 11. L’approche communautaire ne peut cependant pas se passer des bienfaits de la centralisation, en particulier pour les ressources financières et intellectuelles, ainsi que pour l’adoption d’une législation uniforme 12.
Tombeau tabou, totem toutou. Les citoyens, même sensibilisés à l’écologie, réagissent surtout dans l’affect et n’en ont que rarement une vision globale et cohérente. Par exemple la chasse, par la régulation de la population animale, montre son utilité si elle reste alliée à une responsabilité. Elle est pourtant reprise comme « argument écologique » à la fois par les chasseurs et leurs opposants. La proximité de la violence, dans la chasse ou la pêche, humanise le consommateur : s’impliquer dans un processus naturel donne une conscience écologique aussi ancrée que celle de l’intellectuel. Avant d’être des sapiens, nous étions des faber, et ce que la recherche théorique apporte en information, certains l’obtiennent par l’expérience. Le monde est donc à ré-inventer : il faut redéfinir nos valeurs, donc spiritualiser la Nature d’une nouvelle manière. Le sacré n’est plus là on l’on croit. Si une fertilisation des océans par la matière organique de nos cadavres s’avérait utile, la plupart des religions s’y opposeraient quand même. Aussi ce qui est bénéfique pour la Nature, donc pour nous, doit devenir sacré 13.
6. Endémisme contre entropie.
L’endémisme, c’est l’isolement, plus le temps. C’est ce qui permet le développement des formes les plus originales, en s’écartant des zones les plus compétitives. On peut penser aux indiens d’Amazonie, ou aux indigènes de Tahiti, décimés par les maladies inconnues jusqu’à l’arrivée des Européens. L’endémisme, dans une formule d’ensemble, c’est donc ce qui permet de travailler son style. Ce que fait une civilisation en s’isolant. Ce qui génère de la biodiversité c’est l’isolement plus le temps. C’est ainsi dans les archipels que la biodiversité est la plus importante. Les styles individuels peuvent alors s’épanouir, et l’imagination de la Nature prend forme dans les essais les plus improbables. Et plus les matériels génétiques sont éloignés, plus leur rencontre dégage de l’énergie, donc soit des opportunités, soit des dégâts.
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Le choix de la contestation du pouvoir ukrainien à l'aune de l'histoire de France
Le fait ukrainien a séparé la mouvance en deux parties, non égales d'ailleurs.
Si certains, majoritaires au demeurant, ont cru bon - on peut les qualifier d'identitaires et ils se recrutent bien au delà du Bloc - de soutenir les nationalistes ukrainiens agissant contre le pouvoir le pouvoir en place, d'autres ont préféré effectué le choix inverse. Leur choix fut la conséquence de leur appartenance identitaire, mais aussi de leur sympathie bien naturelle pour les croix celtiques arborées et portées par leurs camarades ukrainiens, présents sur place et d'opposition au pouvoir en place.
Les seconds, quant à eux, se refusèrent à soutenir les porteurs de croix celtiques ukrainiennes, non au motif qu'elles leur déplaisaient, mais sûrement en raison d'un choix d'ordre géopolitique.
Si à l'évidence les premiers se prononcent pour – la croix celtique en l'occurrence - les seconds ont effectué un choix qui presque toujours n'est pas d'approbation mais de répulsion : c'est ainsi que ceux qui ont opté pour Kiev et/ou pour Moscou, le plus souvent, n'apprécient pas particulièrement les deux capitales ou plus exactement, les deux modèles sociétaux qu'elle représentent.
C'est parce qu'il n'a duré que fort peu – les trois quarts d'un siècle normal - que les grands historiens, de façon presque consensuelle, ont décidé d'appeler le dernier siècle précédent « le court vingtième siècle » : 1914 -1989 . Il n'est pas certain que la valeur historique de ce dernier ait été véritablement comprise puisqu'il ne faudrait pas omettre que pendant environ les huit mille ans de l'histoire qui ont précédé, les hommes très majoritairement, élevèrent et cueillirent. Si cela ne signifie pas que dans les grands pays, l'industrie n'existait pas avant 1914, il n'en reste pas moins que la quasi-totalité des contrées furent encore à l'époque campagnardes. En tant que tel, le vingtième siècle marque une évolution-révolution dans l'histoire humaine.
De ce « court vingtième siècle », il n'est pas impossible et c'est même même probable que la seconde guerre mondiale en fut l'événement le plus marquant : les trois grandes idéologies de l'époque s'y affrontèrent avec à leur tête trois personnages historiques phares : Rossevelt pour la démocratie libérale, Staline pour le communisme, et enfin Hitler pour le fascisme, ce dernier considéré au sens générique du terme. Il faut bien évidemment prendre garde aux nuances : tous les démocrates ne se reconnurent pas dans l'action, les choix politiques de Roosevelt ; pas plus que Staline ne fit l'unanimité chez les communistes ou Hitler pour les nationalistes de toute obédience. Cependant, à la tête de puissances aussi majeures que les Etats-Unis, L'Union soviétique et l'Allemagne, ces trois hommes d'Etat furent historiquement incontournables, ce au point qu'il fallait en choisir un, malgré toutes les objections de type idéologique que l'on pouvait émettre, au sujet des uns comme des autres...
Vivants aux 21 ème siècle depuis environ vingt-cinq ans, même si la donne a bien changé, les choix à effectuer de nos jours sont tout aussi nécessaires qu'ils le furent à l'époque. Plus exactement, à l'échelle planétaire, il n'existe plus de personnage histoirique majeur incarnant aujourd'hui le mode de pensée de Hitler ou Mussolini. Quelque part aussi, alors que nous nous avions annoncé « la fin de l'histoire », celle-ci s'est, peu de temps après la levée du rideau de fer, remise en route : nous voici à nouveau en présence de deux blocs – le troisième a disparu en 1945 – même si contrairement à naguère, ils n'ont plus la cohérence interne qui fut auparavant la leur. Si, côté libéral, les sociétés se ressemblent par tant, tel n'est plus le cas pour celles qui s'opposent au nouvel ordre mondial ; d'une part, parmi les deux cents pays qui composent le monde, elles sont anormalement peu nombreuses, d'autre part, elles sont radicalement différentes, d'un point de vue idéologique : mis à part en effet, leur opposition au nouvel ordre mondial, quoi de commun d'un point de vue idéologique entre la Chine, la Russie, la Corée du nord, l'Iran ou la Syrie ?
Voilà pourquoi, sachant ces deux facteurs majeurs, on ne peut plus se permettre un choix confortable qui soit tout simplement conforme aux intérêts bien particuliers des uns et des autres. De surcroît, j'ai eu l'occasion de lire que l'Ukraine n'était pas la Russie. C'est omettre qu'elle en est beaucoup plus proche que la Tchéchénie.
Et même dans le cadre de l'histoire française, il n'est pas bien difficile d'imaginer le choix de ceux qui défendent aujourd'hui l'Ukraine : qu'eurent-ils donc fait entre 1946 et 1954 en Indochine ? Ou entre 1954 et 1962 durant la guerre d'Algérie ? Quel camp eut été choisi au motif du respect des identités locales ?
Et ce malgré tous les sacrifices des Anciens ...Alain Rebours
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L’archipel Humain (1/3) : Titans et effondrements
« Chaque chose et chacun, âme, être, objet ou nombre,
Suivra son cours, sa loi, son but, sa passion,
Portant sa pierre à l'œuvre indéfinie et sombre
Qu'avec le genre humain fait la création ! »
Victor HUGO, Les Rayons et les Ombres, 1839.A l’horizon du prochain siècle se profilent d’inquiétants nuages noirs: pénurie énergétique ou minérale, crise démographique et agricole, changements climatiques, acidification des océans, déforestation, menaces sur les écosystèmes et les réserves halieutiques. Dans le même temps, le monde occidental subit, depuis bientôt un siècle, une crise idéologique et sociale, à laquelle s’ajoutent des crises économiques à répétition, qui ne vont qu’en s’aggravant. Il apparaît donc que notre situation ressemble en certains points à celle de civilisations antiques disparues, atteignant une démographie trop importante pour prospérer dans leur environnement, et faisant face à des conflits potentiels pour s’approprier les dernières richesses. A ceci près que l’échelle concernée n’est plus régionale mais planétaire, compte tenu de l’interconnexion entre les sociétés humaines, et de la globalisation des problèmes environnementaux. Nous ne pouvons donc pas nous permettre simplement de migrer pour changer de milieu de vie.
1. Anthropocène: le réveil des Titans.
Homo sapiens, rules the world.L’Anthropocène, c’est ce terme désignant une nouvelle époque géologique1. Ce qui signifie que nous ne sommes plus dans la continuité de la précédente et que l’écosystème global a été perturbé dans sa globalité, par notre espèce devenue dominante à l’échelle de la planète2-6. On peut aussi bien en situer l’origine au début de l’ère industrielle, ou au moment de la maîtrise du feu.
Les Titans approchent. Le problème de notre époque, le défi de ce siècle, n’est pas simplement climatique, énergétique, ou démographique : il est systémique. Des chasseurs cueilleurs, nous sommes passés aux organismes génétiquement modifiés et peut être demain à la géoingénierie. En l’espace de quelques millénaires, notre espèce a obtenu un pouvoir fabuleux, qui, associé à une conscience, nous donne aussi des devoirs. L’adaptation à une catastrophe sera d’autant plus douloureuse que moins préparée. Entre les couches sédimentaires, les changements les plus abrupts sont associés aux crises du vivant. Ainsi, les titans prédits par Jünger approchent, s’incarnant en des avatars menaçants : la faim, la sécheresse, les guerres, enfin la nuit, par pénurie d’énergie.
Le paradigme de la main invisible. C’est une erreur de croire que l’évolution est toujours positive. La queue du paon est peut-être un avantage adaptatif en séduction, mais complètement inutile, voire néfaste du strict point de vue de ses capacités de survie. Ainsi en est-il également de notre progrès technologique. Croire au progrès technologique comme solution à tous nos défis est une erreur fondamentale dans un monde globalisé, avec des ressources limitées. Car pour obtenir de l'innovation il faut investir dans la recherche, et pour investir, il faut un capital qui, en dernière analyse, est issu des ressources naturelles. Ce qui signifie que toute l'activité économique se fait en puisant dans le capital naturel. Donc une pénurie impliquerait non seulement un ralentissement de la croissance, mais aussi de l’innovation, menant à une spirale de dépression. Le développement des technologies doit évoluer avec la connaissance que nous avons de notre propre écologie, afin de mieux faire la part des choses, et de distinguer le vain de l’utile, rendant l’exploitation des ressources souhaitable. Il ne suffit pas de tendre notre effort vers l’adaptation, mais il faut également connaître une direction. En ce sens, il s’agit de privilégier l’information et de ralentir la consommation.
2. Effondrements et adaptations.
De l’Expérience... L’étude croisée des sciences naturelles et de l’archéologie donne des exemples de civilisations soumises à des défis, ayant réussi ou non à s’adapter et à perdurer. La civilisation Maya, après avoir atteint son apogée autour de l'an mil, s'effondra entre 750 et 900. En moins d’un siècle, la population régionale passa de trois millions d'habitants à environ quatre cent cinquante mille. Différentes hypothèses sur cet effondrement ont été avancées: guerres, mauvaise gestion des sols ou appauvrissement des ressources agricoles et hydriques 7. Ce sont les causes internes. Le climat, cause externe, pourrait en être la cause primaire 8, influant sur toutes les autres, en menant à une réaction en chaîne, causant des difficultés dans l’approvisionnement et la gestion de l’eau 9. Dans un tel contexte, les conflits entre Cités-Etats, donc les guerres pour les ultimes ressources, étaient favorisées.
...à la Conscience. On peut ainsi faire un lien direct entre stress environnemental et désordres politiques. Nous apprenons, à travers l’exemple des Mayas, que l’exploitation maximale du milieu naturel et la dépendance des ressources ont conduit leur civilisation à une grande fragilité. En reprenant l’exemple des Mayas, accompagné, entre autres, de celui des Anasazis, des Vikings du Groenland, des sociétés polynésiennes et de l’île de Pâques 10, auquel nous pourrions rajouter ceux, plus actuels, de Nauru et Kiribati, Jared Diamond (« Effondrement ») présente une liste de cinq facteurs entrant en compte dans ces effondrements ou sauvegardes de société : (i) les dommages environnementaux, (ii) les changements climatiques, (iii) les voisins hostiles, (iv) le rapport de dépendance avec les partenaires économiques, et (v) les réponses apportées par la société à ces problèmes, selon ses valeurs culturelles 11. Ainsi l’approche top-down peut s’avérer aussi efficace (comme le montre l’exemple du Japon sous l’ère Tokugawa) que nuisible (dans le cas des Vikings, voulant conserver un lien avec la « base européenne », déconnectée des problèmes du Groenland).
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2014 : 800e ANNIVERSAIRE DE LA NAISSANCE DE SAINT LOUIS !
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