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culture et histoire - Page 1908

  • "La Chute du président Caillaux" de Dominique Jamet

    Un livre présenté par Camille Galic.

    Si le nez de Cléopâtre eût été plus court, la face du monde en eût-elle vraiment été changée ? Ce qui est à peu près sûr, c’est que si Henriette Caillaux avait eu plus de nez (politique) et de sang-froid, la face de l’Europe eût été bien différente puisque la Grande Guerre et ses incalculables conséquences (dont « Hitler, né à Versailles… ») nous auraient peut-être été épargnées. C.G

    Homme fort du Parti radical, maintes fois ministre, notamment des Finances à partir de 1899, et même président du Conseil de juin 1911 à janvier 1912, le Sarthois Joseph Marie Auguste Caillaux (1863-1944) est l’un des hommes politiques les plus importants mais aussi l’un des plus méconnus de la IIIe République : si son nom dit quelque chose à nos contemporains, c’est essentiellement en raison de l’assassinat par sa seconde épouse du directeur du Figaro, Gaston Calmette, qui s’était juré d’abattre le ministre. Entre le 4 janvier et le 13 mars 1914, le quotidien publia quelque cent trente-huit articles mélangeant allégrement le vrai et le faux, l’approximation et la calomnie, sans jamais tenir compte des démentis apportés par la victime !

    L’homme qui aurait tout fait pour éviter la Grande Guerre

    N’esquissant qu’à grands traits la biographie de Joseph Caillaux, c’est à la montée de la crise, à la convergence et à l’exacerbation des haines contre le ministre trop doué, trop ambitieux et trop cassant, sur fond de montée aussi des périls extérieurs, que s’intéresse le journaliste-historien Dominique Jamet, ancien président de la Bibliothèque nationale par la grâce de François Mitterrand mais surtout fils du militant socialiste et pacifiste Claude Jamet (1910-1993), traducteur de L’Iliade… et auteur du pamphlet antirésistancialiste Fifi Roi.

    En effet, Joseph Caillaux ne fut pas seulement le zélateur de l’impôt progressif sur le revenu – un impôt alors limité à 3% et même à 1,5% pour les revenus du travail, on est loin des prélèvements confiscatoires d’aujourd’hui ! – mais, se méfiant, à l’inverse de tant de ténors radicaux, de l’Entente cordiale avec l’Angleterre comme de l’Alliance franco-russe susceptibles à ses yeux de nous entraîner dans des complications internationales funestes à nos intérêts, Caillaux fut également hostile aux gesticulations, alors très en vogue, devant l’ennemi héréditaire allemand (le nouveau, le multiséculaire ennemi ayant jusque-là été la Perfide Albion). Ayant réussi à désamorcer la crise d’Agadir au printemps 1911 – quelques concessions au Kaiser en Afrique en échange de la liberté de manœuvre française au Maroc –, il s’opposa au projet de loi sur l’extension du service militaire à trois ans, mesure prise dans l’improvisation, ruineuse pour le budget et d’ailleurs trop tardive.

    Grands succès, nombreux ennemis

    Ces options lui aliénèrent évidemment la droite « revancharde » (dans L’Action française, Léon Daudet fustigeait « le traître, le vendu, l’individu sans pudeur et sans dignité, l’ignoble et vil trafiquant de son pays qu’est l’Allemand (sic) Joseph Caillaux »), mais aussi une large frange des républicains modérés dont il était issu et même des radicaux, qui reprochaient à l’ancien élève des jésuites son opposition passée au petit père Combes et son refus obstiné de rallier la franc-maçonnerie, ADN du parti.

    Se dresse ainsi contre lui un front allant du président de la République, le Lorrain Raymond Poincaré, au Vendéen Clemenceau, sans doute son plus farouche et constant ennemi, dont Dominique Jamet brosse un portrait assez terrible : « Clemenceau détestait Caillaux plus que tout autre adversaire. D’abord parce que celui-ci incarnait le rapprochement avec l’Allemagne, sa hantise. Mais aussi parce qu’il voyait dans son ancien ministre qui avait osé le braver le seul rival, depuis Jules Ferry, qui fût à sa taille, parce qu’il flairait et redoutait son double, comme lui autoritaire et lunatique, comme lui indiscipliné et pourtant césarien, son semblable, mais certainement pas son frère. »

    L’or de Petersbourg pour Calmette ?

    Or, début décembre 1913, le « semblable », non content d’avoir organisé la chute du gouvernement Barthou, redevient ministre des Finances dans un cabinet dirigé par Paul Doumergue auquel il entend bien succéder. Il faut agir. Commence alors la campagne hystérique menée par Le Figaro. Bénéficiant de fuites politiques, Calmette a-t-il aussi été le stipendié des services russes, via l’ambassadeur comte Isvolsky et le conseiller Raffalovitch, dont les noms seront également prononcés avec insistance après l’assassinat du socialiste (et surtout pacifiste) Jean Jaurès par Raoul Villain ?

    Si Caillaux résiste tant bien que mal à l’offensive du Figaro, sa « chère petite Riri », qui redoute de voir sa vie privée étalée sur la place publique, le quotidien ayant annoncé la publication de lettres intimes (fournies par le frère de la première Mme Caillaux, Berthe Gueydan), s’affole. Croyant ainsi protéger son mari, elle entend agir elle-même. Le  16 mars 1914, elle achète un browning de manchon, se rend au Figaro, y attend Calmette et, celui-ci arrivé, l’atteint de quatre balles. Immédiatement arrêtée, Henriette Caillaux est inculpée de meurtre avec préméditation. Son procès, suivi de très près par son mari, qui a évidemment démissionné, s’achèvera par une relaxe le 28 juillet 1914 – trois jours avant l’assassinat de Jaurès – mais, même si les urnes lui sont à nouveau favorables aux législatives de 1914, Caillaux lui-même est durablement sur la touche.

    Complot(s) contre la paix

    Jaurès physiquement liquidé, Caillaux politiquement éliminé, les bellicistes ont la voie libre alors que l’attentat de Sarajevo (28 juin 1914), où le couple héritier autrichien a perdu la vie, donne la fièvre à toute l’Europe, qui s’embrase définitivement le 4 août 1914.

    Y eut-il complot(s) contre la paix ? Sans aucun doute. Mais si des conjurés, politiciens français et agents étrangers, travaillaient depuis des mois à « la chute du président Caillaux », aucun d’eux ne pouvait évidemment prévoir la folle réaction de son épouse. Ce que l’on pouvait parfaitement prévoir, en revanche, c’est la suite. « Jamais, écrit l’auteur, l’Europe n’avait été plus belle, plus raffinée, plus riche, plus rayonnante. Elle régnait et faisait régner sa paix sur le monde. Elle s’était partagé l’Afrique et l’Asie. Elle régnait par son avance technique, par sa capacité industrielle, par sa puissance financière, par sa supériorité militaire. Et voilà qu’en l’espace de quelques jours, l’invraisemblable éventualité du suicide collectif d’une civilisation et du continent qui l’avait enfantée était redevenue réalité. »

    La vengeance du « Père la victoire »

    « C’est ma guerre », aurait fanfaronné Isvolsky. Mais ce serait aussi l’anéantissement du tsarisme et de sa patrie, laminée par plus de sept décennies de marxisme-léninisme… Quant à Caillaux, il n’en avait pas fini avec Clemenceau.  Ayant figuré « au petit nombre des hommes de bonne volonté – le pape Benoît XV, l’empereur d’Autriche Charles 1er, le prince Sixte de Bourbon-Parme – qui, en 1917, épouvantés par l’ampleur, la sauvagerie et l’absurdité du massacre, plaidèrent vainement pour la fermeture de la grande boucherie en gros et en détail, fût-ce au prix d’une paix blanche », il le paya très cher : « Au faîte de sa puissance, le Tigre, qui le guettait au premier faux pas, ne fit qu’une bouchée du rival blessé qu’il avait résolu de sacrifier sur l’autel de ses rancunes personnelles et de sa monomanie guerrière. Jeté en prison, incarcéré pendant deux ans, Caillaux frôla le poteau d’exécution (…). Sauvé par l’armistice, il fut condamné par le Sénat siégeant en Haute Cour à trois ans de détention et dix ans d’inéligibilité ». Et c’est seulement en 1924 qu’il fut amnistié.

    Le livre de Dominique Jamet se veut non un livre d’histoire mais un « récit », parfois à la limite du roman. On pourra regretter l’absence d’index, de sources référencées et de bibliographie mais on ne peut que saluer le talent de l’auteur, son don d’évocation et la sincérité de la révolte qui, près d’un siècle plus tard, continue à l’animer devant le drame que fut, et que reste, le suicide – voulu, téléguidé et dûment préparé – de l’Europe.

    Camille Galic
    25/02/2013

    Dominique Jamet : La Chute du président Caillaux, Pygmalion éditions, Paris 2013. 324 pages, 20,90 €.

    Correspondance Polémia – 4/03/2013

  • SYMBOLES, DU MONDE PAÏEN AU MONDE CHRÉTIEN

    Depuis la nuit des temps, l'homme use de symboles : les dessins rupestres sont symboles religieux et non, comme on l'a cru longtemps, des fresques narratives. La symbolique évolue en fonction du degré de la civilisation : on peut distinguer quatre étapes qui se chevauchent et/ou coexistent.


    1) Le symbole matérialise un concept philosophique ou religieux inaccessible autrement au commun des mortels. En général, le symbole est inclus dans une narration, mythe, conte, légende, épopée...

    
2) Le symbole représente une chose concrète ou abstraite et se substitue à elle par souci de poésie (neige et vieillesse), par pudeur ou tabou (avoir la puce à l'oreille), par similitude de forme (ventre et grotte), par recouvrement de caractère (rat et avarice)...

    
3) Le symbole masque une vérité que l'on ne veut pas ou que l'on ne peut pas exprimer en clair : ésotérisme (alchimie), sociétés secrètes ou sectes (franc-maçonnerie), politique, psychanalyse...

    
4) Le symbole permet les jeux de mot, sur les armes (Hugues Capet, abbé de Senlis, élu roi, pris pour écu un semis de lys  — cent lis —  sur champ d'azur  — le fleuve —) ; les rébus, le pictionary (contraction de picture et dictionary).

    
La deuxième série permet d'obtenir quelques renseignements sur les mœurs, la troisième est inexploitable sauf par les personnes concernées directement, la quatrième catégorie, un temps utilisée pour favoriser l'éveil des enfants à leur langue maternelle, a été abandonnée par suite de trop nombreuses confusions de sens et d'orthographe.


    Universalité des symboles philosophiques

    
Les symboles philosophiques et religieux sont remarquables par leur universalité. Du Mexique au Danemark, du Japon à la France, de Chine en Australie, le même animal, la même plante expriment la même idée. Aucune explication rationnelle ne peut être avancée sinon l'observation : mais est-ce vraiment une explication ? En effet, à partir d'une même observation, il est possible d'entreprendre différentes études qui déboucheront sur des enseignements différents ; or, les anciennes civilisations ont une sorte d'uniformité de vue ! Ces symboles, dont certains remontent au néolithique, ont été repris ou absorbés par la religion chrétienne, mais, l'Europe seule est réellement concernée car, la christianisation de l'Amérique s'est faite par le vide (massacres importants, isolation des autochtones, non-souci de conversion) ; celle de l'Afrique n'a concerné que les zones non-musulmanes, les massacres furent politiques, et, du point de vue religieux, les idoles ont cédé le pas aux rituels (“Gospel” par ex.) ; en Asie, comme dans le monde islamisé du temps passé, il y a eu coexistence (pas forcément pacifique) des anciennes religions et de la nouvelle.

    
Sanctuaires mariaux et déesses-mères païennes

    
D'une façon générale, on remarque que les sanctuaires mariaux les plus importants se situent sur les zones d'influence d'une déesse païenne : Lourdes et la Vénus de Cauterets, et, plus troublant, les régions ayant opté pour le protestantisme sont les aires de tribus guerrières où les femmes ne jouaient aucun rôle dans l'organisation sociale (épouses et mères seulement), alors que les pays actuellement catholiques et fortement attachés à la Vierge furent des nations dévouées à une déesse-mère toute puissante (Maeva en Irlande).
    Le nomadisme et le fractionnement en petites unités sociales ont aussi joué un rôle dans l'essaimage des symboles et leur amalgame au christianisme. Jusqu'en l'an 500, les mouvements migratoires répondent à des impératifs alimentaires plus que conquérants, même si l'on se bat souvent. Si, durant une période de 30 à 50 ans aucune épidémie ou catastrophe naturelle ne décimait la tribu, il y avait surpopulation, d'où nécessité d'éliminer le surnombre d'individus par un départ concerté. Pour accroître les chances de survie des exilés, plusieurs tribus regroupaient leurs migrants, et se mettait en marche une horde qui, en cours de route, s'augmentait souvent. Chaque groupe avait son langage, ses dieux, ses coutumes, mais, chemin faisant, progressivement et inconsciemment, tout cela se mêlait. Ils allaient ainsi, parfois en un voyage de plusieurs décennies, jusqu'à ce qu'ils trouvent une terre vierge pouvant les nourrir : partis des Monts de Thuringe vers la Pologne puis la Biélorussie, descendant vers l'Ukraine pour revenir sur leurs pas par la Slovaquie, la Hongrie, atteindre la vallée du Rhône, la descendre, suivre la côte méditerranéenne jusqu'à l'Andalousie, tel fut le périple des Wisigoths d'Espagne ! (Une partie de la troupe s'installa sur une bande de terre de l'Italie du Nord à la Croatie actuelles, en gros). Au terme du voyage, ceux qui étaient partis étaient morts en route, ceux qui arrivaient ne savaient pas leur origine, la culture initiale s'était diluée au contact d'autres cultures (haltes, compagnons de voyage, unions...) ; le temps est facteur d'oubli.
    Le CYGNE :
    Sous la forme de cet oiseau, Zeus féconda Léda. Dans la Grèce antique, le cygne n'est pas un animal local, mais, le pays est situé sur un axe de migration : les gens ont pu voir un animal, fatigué ou blessé, lors d'une pause. La rareté, la beauté ont fait naître l'idée de l'associer à Zeus. Sur l'axe de migration, en Europe centrale, les devins étudiaient le vol des cygnes pour en tirer un présage pour l'année nouvelle (qui commençait au printemps). Pour les peuples familiers des cygnes, plus que la grâce et la blancheur, le fait marquant était sa disparition durant les mois de froidure. Il devint donc symbole de pureté et de jeunesse : de nombreuses légendes mettent en scène des hommes-cygnes (Lohengrin en Allemagne ; Andersen d'après des traditions orales, au Danemark ; ...). Il est à noter que le cygne est associé à une femme (épouse, sœur) mais que la femme elle-même n'est que rarement cygne.
    Ces légendes orales ont atteint des régions où le cygne est très rare, voire inexistant, il a donc été remplacé logiquement par l'oie et le canard. L'oie était associée au dieu Mars dans la Rome antique (les oies du Capitole). Sequana est représentée debout, un canard dans ses bras ou à ses pieds : le long de la vallée de la Seine, il existe plusieurs représentations de la Vierge au canard, (av. le XIIe siècle). Très tôt, les tribunaux ecclésiastiques, (l'Inquisition), se sont élevés contre cette imagerie : le canard a toujours joui de mœurs sexuelles douteuses, contre sa volonté sûrement !!! Extrait d'un texte religieux du XIIe, en français moderne : « L'oie est un animal blanc extérieurement, mais sa chair est noire ; Notre Seigneur l'a mise parmi les hommes afin qu'ils ne se laissent pas duper par ces faux croyants dont l'apparence de pureté cache l'âme la plus noire ; la Très Glorieuse Mère de notre Sauveur ne saurait être représentée au côté de cet animal ou de tout autre lui ressemblant ». Le rapport cygne-pureté ou cygne-protection divine est aussi linguistique. Au VIe siècle, on constate dans des traductions latines, un glissement entre Algis = cygne et Hal ghis  = protection du sanctuaire (actuelle Allemagne). Plus tard, le gothique oublié, pour garder cette association, on liera étymologiquement swen = blanc et sunn = soleil (mot féminin) (XIe).
    Le SANGLIER :
    Lui aussi est un animal courant et va englober dans sa symbolique la laie, le cochon et la truie. Dans la Grèce, la mythologie représente le sanglier comme instrument des dieux : il est tueur ou tué selon que le héros a été condamné par les dieux ou testé (Héraclès, Adonis, Attis...). Le sanglier était attribut de Déméter et d'Atalante. Dans les cultures germano-nordiques, il est attribut de Freya, et Frey, son frère, a pour monture un sanglier aux poils d'or. C'est peut-être Freya qui est devenue en terres erses et celtiques la déesse Arwina, figurée avec un sanglier, et qui, en France, a donné son nom aux Ardennes et à l'Aude, ainsi que divers prénoms : Aude, Audrey, Aldouin, Ardwin... En outre, en Irlande et en France, le sanglier représente symboliquement la classe des druides et, plus tard, les prêtres : il figure à ce titre sur un des chapiteaux de la basilique de Saulieu — 21 —. Parce que lié à la fécondité, de nombreuses légendes mettent en scène des héros élevés par des suidés ; parce que lié à la force mâle, sa chasse fut longtemps initiatique.


    L'Église a tenté d'intervenir, mais sans succès cette fois, pour 4 raisons essentielles :
1) trop répandus, sangliers et porcs sont une ressource alimentaire importante ; la peau, les défenses, les ongles, les os... tout ce qui n'est pas mangeable sert à l'artisanat utilitaire ;


    2) il est associé à trop de saints populaires : Antoine, Émile, Colomban... ;


    3) mettre l'interdit sur les porcs serait avoir la même attitude que les juifs,
4) en Allemagne, il y eut confusion étymologique entre Eber = sanglier et Ibri, ancêtre mythique des Hébreux et donc du Christ, parfois représenté sous forme de sanglier (à Erfurt not.).


    Le CERF :


    Le dernier élément du bestiaire symbolique que je présente est le cerf (élan, renne, chevreuil, daim...). « Au pied de l'Arbre du Monde, quatre élans broutaient... », ainsi commence la légende germano-nordique. La Bible, Cantique des Cantiques, développe l'association femme-gazelle, laquelle correspond très exactement à l'association femme-biche. Héraclès chasse la Biche aux Pieds d'Airain tandis qu'Artémis se promène dans un char tiré par quatre biches. De nombreuses légendes mettent en scène des femmes-biches : Ossian en Irlande, naissance de la Hongrie... Gengis Khan serait né d'une biche et d'un loup ! La biche, sous son apparente douceur, reste un animal inquiétant, toujours doté de pouvoirs magiques : fée ou sorcière se transformant ou innocente victime d'un maléfice.


    Les mâles, par contre, sont symboles de force et de courage, image issue de tribus où la chasse est vitale. Leur ramure est associée aux rayons du soleil : le dieu celte Esus porte une ramure de cerf. C'est ce rapport qu'il faut voir dans le char (symbole solaire également) du Père Noël, tiré par des rennes (solstice d'hiver). Quant aux cornes des cocus, elles sont historiques et honorifiques ! Lorsque les rois, puis empereurs, de Byzance prenaient pour favorite, concubine ou maîtresse une femme mariée, des cornes d'or étaient apposées sur la façade de la maison de l'époux, en signe de haute distinction. L'Église a tenté de gommer ces cerfs gênants parce que trop païens, sans plus de succès qu'avec les sangliers, parce que :


    1) le cerf était un gibier noble, uniquement chassé par les nobles et le dévaloriser était s'attaquer à la force politique et militaire ;


    2) de ce fait, ils étaient, aux yeux du peuple, nobles et sacrés (peine de mort pour le manant qui abattait un cerf) ;


    3) trop de saints populaires l'avaient pour attribut : Hubert, Meinhold, Oswald, Procope...
Cependant, le travail de sape des ecclésiastiques a donné un résultat inattendu, l'expression “couard comme un cerf”, en dépit du bon sens.
De la symbolique des plantes


    Pour la symbolique des plantes, la signification est plus ciblée, car, jusqu'au XVIIIe siècle, la classification n'existait pas, et, deux plantes voisines peuvent être dissemblables alors que deux plantes sans parenté peuvent se ressembler. La situation géographique, climat et géologie, influe plus sur les plantes que sur les animaux. Enfin, une plante est statique, et frappe moins l'imagination qu'un animal. Donc, les plantes symboles sont médicinales ou comestibles, avec une restriction : nous devons garder à l'esprit que durant plusieurs millénaires la plante-mère a évoluée par sélection naturelle ou intervention humaine (l'épeautre a une action bénéfique sur le système nerveux que le blé n'a pas).

    
Le CHARDON :


    Le chardon, plante médicinale (il en existe plusieurs variétés), et légume en période de disette (avant l'artichaut ou en son absence), a frappé l'imagination parce qu'il pousse dans des conditions extrêmes (terrain pauvre, résistance aux chaleurs et aux froidures)... Il a donc été symbole de la résistance à l'oppresseur (en Écosse) et étalé sur les portes ou posé sur les cheminées pour chasser les mauvais esprits. Le chardon acaule s'ouvre ou se resserre en fonction du taux d'humidité de l'air : ne sachant à quoi attribuer ces mouvements de corolle, certains peuples l'utilisèrent comme oracle : on posait une question au chardon et on revenait le lendemain, si le chardon était ouvert la réponse était favorable. Il fut aussi symbole de la femme-mère protectrice du foyer en référence à la carde (qui servait à carder la laine). Les gnomes et autres esprits domestiques s'en servaient pour punir (mis dans les litières, paillasses, chaussures...) ou pour aider (carder, guérir...). Les ronces et le citronnier ne poussant pas partout, il fut Couronne d'Épines du Christ.

    
La TANAISIE :


    La Tanaisie est un chrysanthème, qui, comme le chardon, se dessèche sans faner. De cette qualité d'immortelle et de sa couleur jaune, elle fut très tôt associée au soleil, d'autant qu'elle fleurit en été, puis, aux débuts de la christianisation, à la vie éternelle. L'odeur très forte qu'elle dégage dut être liée à des pratiques magiques avant que l'homme ne s'avise qu'elle éloigne bon nombre de “parasites” (avec plus ou moins d'efficacité) : puces, poux, mouches, moustiques... La médecine progressant, de l'usage externe, on passa à l'usage interne, tisanes et décoctions vermifuges : l'Église suivit, et la tanaisie devint symbole de la foi missionnaire. Mais, en faire des bouquets que l'on pendait dans les étables ou les pièces d'habitation en fit, très tôt aussi, une fleur ornementale et le symbolisme y perdit sa force et sa valeur.

    
L'ÉGLANTINE :

    
L'églantine (et la rose), sont symboles de jeunesse inaltérable, de noblesse et de pureté ; ces fleurs furent naturellement attributs de la Vierge ; en Grèce, rattachées au mythe et au culte d'Adonis, elles expriment la métamorphose et la renaissance. Souvent représentées en quintefeuilles sur les écus, bas-reliefs, chapiteaux, linteaux, guirlandes..., ces fleurs font intervenir un autre type de symbole, plus profond peut-être, celui des chiffres : 5 = 3 + 2, c'est l'association du concept mâle (3) et du concept femelle (2).

    
Arbres-symboles


    Très peu nombreux sont les arbres symboles païens devenus symboles chrétiens : peut-être parce que dans l'esprit des hommes anciens il n'existait que 2 types d'arbres, ceux que l'on pouvait utiliser (chauffage, construction, teinture, alimentation...) et ceux qui ne servaient à rien ; les premiers étaient trop “matérialistes”, les seconds “inexistants” pour qu'ils aient valeur symbolique.

    
Le CHÊNE :


    Cependant, le chêne, par son aspect majestueux et la qualité de son bois s'est imposé. Il est toujours associé à un dieu majeur : Thor dans les civilisations nordiques, Donar en Allemagne, Perkunas en Lithuanie, Zeus en Grèce, Jupiter à Rome ; arbre isolé représentant le dieu lui-même, bois sacrés ou forêts sanctuaires. Si, en Grèce le chêne était la demeure des dryades (nymphes), en Europe Centrale il se transformait en une sorte de sirène-vampire. Pour les chrétiens, il est symbole d'immortalité : le bois de la Croix fut longtemps en chêne ! Le chêne sous lequel Saint Louis rendait la justice est sûrement plus symbolique qu'historique.

    
Le SAPIN :


    Le SAPIN, a un parcourt plus tortueux et moins net. À l'origine, le pin noir est attribut d'un dieu ou déesse des batailles, sur une grande partie des pays nordiques et baltes : il était habituel de pendre les dépouilles (sauf le cadavre) des soldats vaincus aux branches de ces arbres ; il est bien difficile de démêler le rite social du rite religieux d'un tel comportement, les deux étant probablement liés : image tangible de la victoire et offrande. Au moment de la christianisation de ces régions, cette pratique s'était effacée, mais, devaient subsister, de façon occulte, des “dons” à un arbre représentant une divinité, sortes d'ex voto. Par quelles arcanes de la mémoire collective cette coutume a-t-elle transitée ? Car, ce n'est qu'au XIXe siècle que le Sapin de Noël (un épicéa, le plus souvent), a resurgi, les branches couvertes d'offrandes, mais associé au christianisme sans être élément religieux. Il faut noter que le “mai” a une autre origine, reprise par les “Rameaux”. 


    Les choses-symboles


    Les choses symboles sont innombrables et surtout reflet de civilisation. Il nous est difficile, à nous, hommes modernes, d'imaginer ce que tel objet pouvait représenter pour les hommes anciens : un pot, c'est toujours un pot, un récipient pour cuire ou conserver. Il y a mille ans, un pot était signe d'aisance, objet utilitaire et précieux que l'on transmettait en héritage ; c'était aussi la recherche de la meilleure argile, du décor ; c'était encore l'angoisse de la cuisson dernière épreuve pouvant anéantir bien des heures de travail ; c'était enfin l'image d'une famille réunie dans l'assurance d'un repas ; c'était... peut-on savoir ?
    Le CŒUR :
    Dans l'imagerie religieuse, sans cesse revient le CŒUR. Il était courant de prêter à ce muscle les qualités du cerveau, à ce point que, de nos jours, restent toute une série d'expressions qui en atteste : agir selon son cœur, va où le cœur te porte... Les premières formes d'écriture en Europe sont des idéogrammes dont certains subsisteront jusqu'au XIIIe siècle avec valeur de lettre (runes), d'autres disparaîtront : le cœur est de ceux-là. Il était symbole de la femme puisqu'il représente en réalité les organes génitaux externes stylisés, symbole étendu à tout ce qui est d'essence féminine, il est associé à la terre et au soleil, au cycle de reproduction et de culture. L'iconographie chrétienne en a largement usé et abusé comme représentation de l'Amour, siège des pensées et sentiments nobles... au point que le cœur dans tous ces états (sauf celui de viande !) s'étale depuis des siècles dans une certaine littérature qui fut tour à tour courtoise, galante, romanesque avant d'être rose, grivoise ou X !
    L'ANCRE :
    L'ANCRE n'est pas présente dans les anciennes cultures, et pour cause, c'est un objet récent. Sans que rien le laisse prévoir, l'ancre est apparue associée à la Vierge sur quelques représentations moyenâgeuses, sporadiquement et spontanément, puis est retombée dans l'oubli. Cette bizarrerie n'en est que plus suspecte, d'autant que les dites Vierges, en pied sur l'ancre, surgissent dans les terres, loin de la mer et des voies d'eau navigables : il faut y voir la transposition d'une déesse (Freya ?) debout sur le marteau de Thor. Beaucoup plus tard, les mariniers reprirent cette image, en toute logique. Quant aux croix ancrées, il s'agit d'un système de fermeture de porte et non d'une ancre ; les croix ancrées sont apparues tout d'abord sur les écus, dans les armes et signifiaient “je garde au nom du Christ”.

    Le MARTEAU :


    Puisque le MARTEAU est cité, autant signaler que lui n'a jamais quitté la symbolique païenne ; Thor, juge impitoyable des guerriers, a transmis, tel quel, son instrument aux hommes contemporains : le marteau siège au tribunal ! Avant d'être utilisé, également avec le sens de sentence rendue, par les commissaires priseurs, il servit, toujours avec ce sens, a entériner les mariages. Jusqu'à la Première Guerre mondiale, on pouvait trouver dans les campagnes françaises des “forgeux” : forgerons véritables qui, en plus de leur métier somme toute banal, chassaient les esprits ; le malade (souvent névrosé ou psychotique) était étendu nu sur une table dans la forge ; le “forgeux” abattait sur lui sa masse la plus effrayante et arrêtait son geste au ras de la poitrine ou du ventre. Ou on était débarrassé de toute psychose ou on devenait complètement fou de terreur !
    Les premières sociétés humaines dressèrent des axes de vie ou axes du monde, symbole du lien des dieux avec les hommes. Sous différents aspects, ce symbole est universel et perdure : menhir, lingam, pyramide, totem, arbres ou pieux sculptés... La Croix et les cierges (avec la flamme en plus) sont chargés de ce sens.
    L'évolution n'est donc que la prise de conscience des phénomènes et leur enrobage dans diverses enveloppes fournies par la société. Notre esprit est le même que celui de Lucy !


    ► Marie Brassamin, Vouloir n°142/145, 1998. vouloir

  • « L’héritage de Vichy : ces 100 mesures toujours en vigueur »

    Tel est le titre d’un ouvrage récemment paru, signé de Cécile Desprairies et qui entend détailler les mesures législatives qui n’ont pas été abolies après le coup de force gaullo-communiste, et qui sont toujours en vigueur.

    L’activité législative de l’Etat français fut intense, pendant 4 ans, et dans de nombreux domaines, notamment sociaux. L’Etat nationaliste en place fit preuve d’une innovation remarquable.

    Citons en vrac, et dans divers domaines :
    accouchement sous X, fête du Travail, cantine d’entreprise, sport au bac, comités d’entreprise, médecine du travail, salaire minimum, Ordre des médecins, fête des mères, profession d’expert-comptable, périphérique parisien, etc.

    Le ton du bouquin est parfois partisan, de façon malvenue, mais les faits sont là, et sont intéressants.

    L’Héritage de Vichy, 240 p., illustré, Ed. Armand Colin, 27,50 euros. Disponible ici.

    http://www.contre-info.com/

  • Terrorisme : la poudre et l'allumette

    Archives de L'Express - Jacques Derogy - publié le 11/05/1982
    1982. L'Express consacrait un article à la résurgence de groupes comme Action directe, avec l'aide d'un historien, Xavier Raufer, auteur d'un livre où il donnait de nouvelles perspectives sur le terrorisme.
    Le 27 mai, au début de l'après-midi, une voiture roule à très (trop ?) vive allure sur l'autoroute A1 en direction de Paris. Près de la sortie de Compiègne (Oise), son conducteur en perd le contrôle ; embardée, tête-à-queue, tonneaux, le véhicule termine sa course folle contre le bas-côté droit. A bord de l'épave, une passagère grièvement blessée, Nathalie Ménigon, 25 ans.
    Pour la police, elle n'est pas une inconnue. Pasionaria du groupe Action directe, elle a participé, au côté son compagnon Jean-Marc Rouillan, à diverses opérations de ce réseau terroriste dont il est le leader. Libérée le 17 septembre 1981 pour raison médicale, elle est venue occuper un immeuble du quartier de la Goutte-d'Or (Paris XVIIe), "squattérisé" au profit d'immigrés turcs.
    Au moment de son accident, elle revenait de Belgique avec un stock de 15000 affichettes appelant à une "manifestation armée" contre la venue du président américain Ronald Reagan au Sommet de Versailles, une silhouette en tenue de combat brandissant un pistolet-mitrailleur. L'appel est signé Action directe. Il dit: "Le terroriste Reagan, voyageur de l'impérialisme U.S., ennemi des peuples, doit être accueilli par la haine, devant des poings levés et des armes chargées."
    Détail important: ce texte est rédigé en français, en turc et en arabe, tout comme le tract de la Fraction armée révolutionnaire libanaise (Farl) diffusé, le 7 avril dernier, par des militants d'A.d., tract qui revendiquait l'assassinat quatre jours plus tôt du diplomate israélien Yaakov Barsimantov.
    La résurgence d'un tel groupe risque de démentir l'analyse rassurante des autorités françaises. A la recrudescence du terrorisme international, contre lequel il tient de véritables conseils de guerre depuis le sanglant attentat de la rue Marbeuf, le pouvoir socialiste oppose souvent la baisse des violences politiques d'origine intérieure, une baisse de 40 %.
    Distinguo simpliste aux yeux d'un observateur professionnel comme Xavier Raufer. Cet historien de 36 ans, qui a longtemps animé l'étude des mouvements révolutionnaires à l'Institut d'histoire sociale, publie cette semaine le fruit de ses travaux : Terrorisme : maintenant la France ? (Editions Garnier). Au moment même où se tiennent à l'Institut de criminologie de Paris les Journées d'étude sur le terrorisme.
    Raufer se méfie du terme trop générique de terrorisme, qui masque la hiérarchie réelle des périls guettant notre société. Ainsi la diminution des attentats à l'explosif depuis le 10 mai 1981 n'est-elle due qu'à la trêve corse, alors que l'actualité montre une tendance à la radicalisation de l'extrême gauche, bien plus dangereuse sur le plan national.
    A l'escalade de la violence banalisée (on est passé en vingt ans du cocktail Molotov au lance-roquettes) s'ajoute une dimension internationaliste: "la recherche d'une classe ouvrière de substitution". D'où interactions entre terrorisme importé et terrorisme indigène, des attentats d'origine étrangère provoquant, par contagion, l'émergence de structures de guérilla urbaine sous couvert de lutte anti-impérialiste.
    "Voilà le péril majeur, nous dit Raufer. D'un côté, des viviers de jeunes ballottés entre le chômage et les emplois précaires, dépourvus de toute perspective, se constituent à la périphérie des grandes villes : c'est le tonneau de poudre. Et, de l'autre, la boîte d'allumettes : ces groupuscules - heureusement fort réduits, et jusqu'ici efficacement marqués par la police - qui se veulent des partis communistes combattants, en lutte armée contre leur propre Etat."
    Paradoxe souligné par Raufer : c'est en France qu'a été théorisé le recours aux armes en démocratie, alors que notre pays s'est trouvé épargné plus longtemps que nos voisins. En 1963, l'ex-avocat du F.l.n. algérien Jacques Vergés est le premier à formuler la doctrine du "pouvoir au bout du fusil", qui sera intellectualisée par le philosophe Louis Althusser et popularisée par les groupes "maos" avec la caution de Jean-Paul Sartre, légitimant la violence au service des "bonnes causes".
    Ces groupes se tiennent à l'écart du "happening" de Mai 1968 pour fonder, sur ses décombres, la Gauche prolétarienne (G.p.), puis constituer son bras armé, la Nouvelle Résistance, premier embryon d'un parti communiste combattant. A son apogée, en 1970- 1971, l'ex-G.p. passe très près de la lutte armée : rapts du député gaulliste Michel de Grailly et d'un cadre de Renault, etc.
    Mais, au dernier moment, un sursaut moral retient les "maos" de basculer de l'action symbolique à la violence meurtrière. Refusant de "se substituer aux masses", ils vont se disperser dans des militantismes sectoriels: dans l'écologie, le féminisme, l'antipsychiatrie, la défense des prisonniers et des droits de l'homme, la fondation du quotidien Libération, etc.
    Pourquoi cette autodissolution? D'abord, leurs guides intellectuels ont, après la phase initiale de fascination, joué un rôle salutaire de garde-fou. Ensuite, la dénonciation des « méthodes fascistes » de l'O.a.s. était encore présente dans tous les esprits. Enfin, deux faits ont contribué à bloquer l'engrenage terroriste: une rencontre avec Andréas Baader, qui apparut aux responsables "maos" français comme un dangereux psychopathe ; et le massacre des athlètes israéliens aux Jeux de Munich, en septembre 1972.
    Mais, au moment précis où les "maos" français renoncent à suivre les modèles italien et allemand, des rescapés de réseaux antifranquistes catalans créent dans le midi de la France des Groupes d'action révolutionnaire internationalistes (Gari), qui, de février à juillet 1974, vont perpétrer une dizaine d'attentats, de rapts et surtout de hold-up. Avec une telle maladresse que la police rafle la dizaine d'activistes - dont J.-M. Rouillan déjà - qui forment l'équipe dirigeante.
    Une troisième tentative n'aura guère plus de longévité: celle des Noyaux armés pour l'autonomie populaire (Napap), fondés, en 1977, par les laissés-pour-compte de l'ex-G.p. surnommés les "veuves maos". En neuf mois, une douzaine d'arrestations met fin à une série d'actions non sanglantes commencée pourtant par un meurtre : celui d'un vigile de Renault, Jean-Antoine Tramoni, lui-même meurtrier du militant "mao" Pierre Ovemey.
    Deux ans plus tard, les rescapés des Gari et des Napap, forts de l'expérience de la clandestinité, fusionnent dans Action directe. Les "branquignols" font place à du professionnel, les intellectuels de l'ex-G.p. à des militants au profil plus fruste, mais aussi plus proche de celui des brigadistes italiens et des desesperados allemands.
    De 1979 à 1981, Action directe ne revendique pas moins de vingt attentats immobiliers et financiers : la revendication devient plus importante que l'acte lui-même, encore que le butin des différents hold-up dépasse les 100 millions. La logistique se développe : pas moins de quarante planques d'armes et de faux papiers, de caches pour fugitifs dans la seule région parisienne. Les connexions internationales aussi.
    Pratiquement démantelés en 1980, les groupes d'Action directe se sont reconstitués depuis l'automne de 1981 en véritables noyaux armés branchés sur les filières terroristes de Beyrouth. Ils transforment les "squatts" en une sorte de "piste Hô-Chi-Minh", à mi-chemin entre délinquance et politique.
    Plus d'encadrement intellectuel, de garde-fou, plus d'issues non plus, de solutions de repli dans une société dont les capacités d'intégration se sont affaiblies. Mais un isolement croissant, avec, à terme, une menace complémentaire : celle de voir la décomposition d'une structure de ce type fournir, cette fois, des mercenaires aux groupes internationaux, style Carlos, pour lesquels la France a cessé d'être un sanctuaire. Menace qui n'a rien de fatal : il est encore temps, selon Xavier Raufer, d'enrayer la formation d'un parti communiste combattant.