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culture et histoire - Page 1996

  • A quand la repentance pour les esclaves blancs de la traite transatlantique ?

     « ... Et se rappeler que la moitié, peut-être les 2/3, des colons américains originels ne sont pas arrivés ici librement mais kidnappés, drogués, abusés, et, oui, enchaînés » (Elaine Kendall).

    DANS son éditorial du 16 mai, Camille Galic illustrait de l'aphorisme fameux de Napoléon, « Une tête sans mémoire est une place sans garnison », l'odieuse repentance qu'on nous matraque sur la traite négrière. « C'est, concluait-elle, évidemment pour désarmer la garnison que notre mémoire est subvertie, dévoyée, persécutée et finalement prohibée au profit de mémoires non seulement étrangères mais aussi falsifiées, voire fabriquées ». Pendant deux cents ans, sur la même aire géographique atlantique, ce crime-là, pas plus qu'il ne fut le plus détestable, ne disposa de quelque antériorité.
    Aussi est-il crapuleux de la part du président de la République française de vouloir imposer son étude aux écoliers. Honorant ainsi exclusivement ce qui n'est qu'une partie de l'esclavage transatlantique. Déjà, on ne cesse de présenter les Vikings comme les grands prédateurs esclavagistes du VIe au XIe siècle quand trafiquants vénitiens, génois, grecs, arabes, juifs, tatars, mongols, turcs mirent pendant mille ans nos ancêtres blancs en coupe réglée. Jusqu'à l'Al Andalous islamisé, Eden mythique de la société multiraciale, d'où par milliers femmes et enfants razziés d'Espagne et du Portugal partaient pour le Maghreb et au-delà comme l'a rappelé Le Choc du Mois (de juin) portant en titre « Stop à la repentance - La vérité sur l'esclavage ».
    LES IRLANDAIS ET LES ALLEMANDS AUSSI
    Mais il est un autre servage dont nul ne parle. Disparu théoriquement d'Angleterre au début du 17e siècle, l'esclavage resurgit lors de la conquête de l'Irlande par Cromwell entre 1649 et 1653. On estime à 100 000 le nombre des Irlandais, hommes, femmes et enfants envoyés comme esclaves dans les colonies d'Amérique du Nord. Linebaugh et Rediker, dans Marins, esclaves, prolétaires, Histoire cachée de la révolution atlantique, les évaluent en 1660 à 12 000 aux Antilles et à 8 000 en 1669 à la Barbade, où un rapport de 1667 décrit ces Irlandais comme « des miséreux méprisés par les Noirs et traités en esclaves blancs ». En 1640, sur 25 000 esclaves, 21 000 étaient blancs et 8 sur 10 ne passaient pas la première année. En 1670, l'Assemblée de Virginie, suivie par les autres colonies, vota une loi interdisant aux Noirs et aux Indiens de posséder un esclave blanc ("christian"). Au XVIIIe siècle encore, on en trouve en grand nombre dans les plantations du Maryland. En 1717, pour être élu à l'assemblée de Caroline du Sud, il fallait « posséder un homme blanc ».
    De cette époque date le terme de redlegs qui désignait aux Caraïbes les esclaves irlandais, anglais, écossais, allemands, danois, qui, pour la plupart, moururent brisés physiquement, détruits psychologiquement. Il en existe encore des traces bouleversantes. A Belize et à la Jamaïque, on les appelle des bakras. A Bequia (Grenadines), à la Grenade et dans le district de Dorsetshire Hill à St Vincent, mais également dans quelques Etats américains où ils émigrèrent au fil du temps, ils ont su conserver, incroyablement, leur identité ethnique.
    Aux Antilles françaises où le phénomène est demeuré tabou, parfois file un brin de vérité. Ainsi dans Le Marronnage aux Antilles françaises au XVIIIe siècle, l'historien de l'esclavage Gabriel Debien écrit-il : « Le "marronnage" existait autant chez les servants blancs asservis par contrat que chez les esclaves noirs. » De sorte que si un marronnage blanc coexista avec le noir c'est parce que, dans la Caraïbe française, il y avait aussi des esclaves blancs.
    "PAUVRES EN SURPLUS", OCCULTÉS PARCE QUE BLANCS
    Officiellement, cette main-d'œuvre blanche - qui colonisa également l'Australie à partir de 1776 - est dite indentured servants ou « domestiques sous contrat ». Venus du Royaume-Uni, d'Irlande, d'Allemagne, ils payaient, prétend-on, leur passage d'un contrat de servage de quatre à sept ans. « Qu'ils soient "serviteurs" ou esclaves, souligne Richard Hostadter dansWhite Servitude, ils souffrirent la même cruelle et déracinante traversée de l'Atlantique. Furent confrontés à la même difficile acclimatation physique et psychologique. Furent contraints au même contact oppressif et intime avec un maître inconnu. Et si l'on prend en compte le nombre des fuites et des suicides, les conditions dans l'un et l'autre cas ne furent sans doute pas très différentes ».
    Mais outre le fait que, après le Waltham Act de 1723, l'Angleterre déporta en Amérique par dizaines de milliers ses voleurs de pain, l'historien américain Michaël Hoffman démontra - dans They were Whites and they were Slaves - que les « indentured servants » ne représentèrent qu'une petite partie de la servitude blanche et que 50 % des Européens échoués dans les treize premières colonies, après 1609, y furent plus maltraités que les Noirs.
    Les sources historiques ne manquent pas qui montrent la permanence de l'esclavage dans le Royaume-Uni. Le terme "kid-napper", déformation de "kid-nabber", voleur d'enfants, est ainsi défini par le Dictionnaire Anglais des Bas-Fonds : « Voleur d'êtres humains, spécialement d'enfants ; à l'origine destinés à être exportés vers les plantations d'Amérique du Nord. ». Dans toutes les grandes villes britanniques, écrit dans Enchaînés le journaliste John van der Zee, « des gangs loués par les marchands écumaient les rues, saisissant de force les enfants et les emmenant en troupeaux à travers la ville vers les baraques du port ».
    Au XVIe et au XVIIe siècles, la traversée de l'océan prenait entre neuf et douze semaines sur des bateaux surchargés. Le taux de mortalité, de 10 à 20 % chez les Noirs, rapporte l'historienne Sharon Salinger, atteignait au moins 25 % chez les esclaves blancs. Selon Foster R. Dulles, « ils enduraient le même inconfort et les mêmes souffrances que les Noirs » et « les enfants survivaient rarement aux horreurs du voyage ». Horrifié, l'historien A.B. Ellis, rapportait dans The Argosy que cette « cargaison humaine n'avait jamais accès à l'air libre. Dans les cales d'en bas tout n'était qu'obscurité, lamentations, puanteur, maladie et mort », comme l'apprit à ses dépens Françoise d'Aubigné, la future Mme de Maintenon, dont le père perclus de dettes avait été déporté vers les Isles et dont l'épouse et la fille connurent après sa mort un quasi-servage. Le 6 mai 1893, Ellis ajoutait : « Peu de gens savent qu'entre 1649 et 1690, un florissant commerce de prisonniers politiques vendus comme esclaves, parfois à vie, existait entre l'Angleterre et ses colonies. ». Dans le Calendrier des Papiers Coloniaux, année 1701, est mentionnée la vente d'esclaves "anglais". Une « pratique très fréquente » qui apparaît dans la Caraïbe britannique dès 1627. Dans son Agenda Parlementaire, 1656-1659, Thomas Burton, évoque un débat sur le commerce vers le Nouveau Monde de Blancs britanniques qualifiés non d' indentured servants mais d'esclaves. Marcus Jernegan cite un nommé Mittelberg qui affirme avoir vu au cours d'une traversée jeter par-dessus bord 32 dépouilles d'enfants. Dans White Servitude in Colonial South Carolina, Warren Smith confirme que « les serviteurs blancs voyageaient dans les mêmes conditions que les esclaves africains ».
    Les matelots embarqués de force à bord des navires corsaires ou de Sa Gracieuse Majesté, étaient traités comme les esclaves noirs qui représentaient parfois un quart des effectifs. Peter Lamborn Wilson écrit dans Utopies Pirates : « Les travailleurs de la mer constituaient une sorte de proto-prolétariat. Les conditions de travail des marines marchandes d'Europe offraient un tableau abominable du capitalisme naissant - et les conditions prévalant dans les marines de guerre étaient encore pires ». D'ailleurs, jusqu'au début du XXe siècle, ce seront les mêmes hommes qui défricheront l'Amérique, construiront routes et voies ferrées, assécheront les marais, s'épuiseront dans les usines tandis que les Noirs traînaillaient dans les plantations du Sud.
    Inventeur en 1960 avec Stanley Engelman de la Cliométrie, méthode d'évaluation historique appuyée sur les mathématiques et les statistiques, Robert Fogel, Prix Nobel d'Economie 1993, ne se fit pas que des amis en démontrant que les conditions d'existence des Noirs dans les plantations du Sud étaient bien meilleures que celles des ouvriers (blancs) du Nord, exploités dans ce que William Blake appelait les usines de Satan. Comme dans l'Europe livrée au capitalisme sauvage et à la révolution industrielle. Ou l'Angleterre de Charles Dickens, où pour huit pence par jour des enfants de six ans travaillaient seize heures d'affilée dans les mines. Fouettés et frappés à coups de barres de fer - les billy-rollers - pour un mot ou un geste. Des dizaines de milliers d'entre eux furent estropiés, défigurés par un machinisme primitif. Sans compter le sort tragique de milliers d'orphelins ramoneurs.
    Alors, Victor Schoelcher ou le sanglant abbé Henri Grégoire, qui n'eurent jamais un mot de compassion pour les Blancs asservis, se consacraient à l'émancipation noire. En Angleterre, Granville Sharp créait en 1760 la Société anti-esclavagiste et en 1787 le Comité Parlementaire pour l'Abolition. De grandes âmes y adhérèrent. William Wilberforce, Thomas Clarkson qui menèrent de bruyantes actions politiques. Aujourd'hui, on couvrirait d'honneurs ces militants d'une « philanthropie télescopique » selon la formule méprisante de Dickens. Lui savait quels étaient les traitements honteux infligés aux « pauvres en surplus » des faubourgs d'Europe.
    Jim REEVES. Rivarol du 4 juillet 2008
  • Lénine, Un révolutionnaire de l'exil

    Totalitarisme et propagande
    Installé au pouvoir à la faveur de la Révolution d'Octobre, Lénine contraint chacun à servir sans limite l'État et son idéologie. Il inaugure un type de régime appelé à faire souche au XXe siècle : le totalitarisme...
    Comme on le voit avec cette gravure de propagande (Lénine annonce le décret sur la terre au Congrès des Soviets - 8 novembre 1917 -, par Serov), il va cultiver l'image d'un chef charismatique, bon et déférent envers les humbles.
    La réalité est quelque peu différente... Lui-même n'a aucun goût pour le martyre. Ainsi n'a-t-il pas hésiter à abandonner ses partisans et s'enfuir sous un déguisement en Finlande après l'échec des journées révolutionnaires de juillet 1917... Une fois au Kremlin, fort d'un pouvoir absolu, il va faire mourir sans marque de compassion quantité d'opposants, simples suspects ou paysans.
    Un révolutionnaire de l'exil
    Vladimir Ilitch Oulianov naît à Simbirsk le 22 avril 1870 (selon le calendrier grégorien) dans la famille d'un fonctionnaire anobli par le tsar.
    Dans son ascendance, on note un arrière-grand-père serf, très tôt affranchi. Un grand-père marié à une Kalmouke. Un grand-père maternel lui-même fils d'un Juif et d'une Suédoise, marié à la fille de riches propriétaires allemands, luthérienne convaincue.
    Le frère aîné du futur Lénine, Alexandre, est pendu le 11 mai 1887, peu après la mort de leur père, pour avoir comploté contre la vie du tsar. Vladimir n'en poursuit pas moins ses études mais devient suspect aux yeux de l'administration !
    Intellectuel déclassé, il découvre avec sa compagne, la militante Nadejda Kroupskaia, d'origine bourgeoise comme lui, les mouvements révolutionnaires et la doctrine marxiste. Leur activisme leur vaut d'être condamné à la relégation par la justice du tsar.
    Le couple s'établit de 1897 à 1900 au bord de la Léna (d'où le surnom Lénine). Cette relégation, bien que confortable, leur vaudra un grand prestige auprès des clubs révolutionnaires.
    Pendant leur exil, Vladimir se marie devant un pope à Nadejda. Toute sa vie, au gré de ses pérégrinations et de ses fuites, en Suisse, en France ou encore en Finlande, le futur Lénine sera servi avec diligence par sa femme.
    Le 11 février 1900, Lénine part en exil en Suisse où il crée un journal, l'Iskra (l'étincelle). En 1902, c'est la publication d'un opuscule : Que faire ? où il affiche sa différence avec la doctrine marxiste qui voyait le communisme comme l'aboutissement inéluctable des luttes ouvrières.
    Lénine fait valoir la nécessité de créer une avant-garde révolutionnaire qui montrera la voie aux ouvriers et les guidera vers des lendemains radieux, au besoin par la dictature. Il rejoint par là un autre agitateur révolutionnaire, moins chanceux, le Français Auguste Blanqui (1805-1881), qui écrivait en juin 1840 : «Pour que la liberté se fasse jour, il faut que des hommes énergiques contraignent le peuple, pour ainsi dire, à manifester ses voeux les plus ardents»
    Le 30 juillet 1903, à Bruxelles, au cours du congrès du Parti Social-Démocrate Ouvrier Russe (PSDOR), se produit la scission entre les partisans de Lénine et les partisans de Martov. Ces derniers ayant été momentanément mis en minorité par la sortie des députés juifs du Bund, les partisans de Lénine en profitent pour s'octroyer l'épithète de bolcheviks ou bolcheviques (majoritaires en russe). Sans vergogne, ils qualifient leurs rivaux de mencheviks (minoritaires)
    Pendant la révolution de 1905, Lénine reste prudemment en exil. Il retourne en 1908 à Genève puis à Paris (où il vit 4 ans), à Cracovie, enfin à Berne. Pendant ce temps, son parti pratique des «expropriations» comme celle de Tiflis, en 1907, chef-d'oeuvre de Staline. Les bolcheviques se rendent maîtres aussi dans les détournements d'héritage.
     
    Coup de main opportun des Allemands
    Les désespoirs nés de la Grande Guerre et les faiblesses de la démocratie russe issue de la Révolution de Février vont permettre à Lénine de réaliser l'ambition de sa vie : prendre le pouvoir en Russie
    Le 27 mars 1917, en pleine guerre mondiale, les Allemands prêtent leur concours à Lénine en exil en Suisse. Ils affrètent un train blindé et assurent son transit et celui de ses compagnons vers la Russie. Ils ont l'espoir que les bolcheviques déstabiliseront le gouvernement démocratique, lequel s'entête à poursuivre la guerre contre eux.

    Leurs espoirs se réaliseront au-delà de toute mesure... Lénine, à son arrivée à Petrograd, le 16 avril, reçoit de ses militants un accueil triomphal. Il publie son programme d'action : paix immédiate, le pouvoir aux soviets, les usines aux ouvriers, la terre aux paysans. Ces thèses d'Avril troublent les bolcheviques par leur radicalisme mais qu'à cela ne tienne, elles rencontrent l'adhésion des soldats et des paysans, excédés par une guerre sans issue qui a déjà coûté la vie à 2,5 millions de Russes.
    Après les émeutes des 3 au 5 juillet, la situation se corse. L'influent leader socialiste Alexandre Kerenski devient Premier ministre et chef du gouvernement provisoire en remplacement du prince Lvov. Pour prévenir la subversion bolchevique, il ordonne l'arrestation de Lénine qui s'enfuit sans attendre en Finlande. Mais un conflit entre le Premier ministre et le commandant en chef Lavr Kornilov conduit celui-ci, le 9 septembre, à tenter un putsch. Ses troupes se débandent et Kerenski reste maître de la situation... mais seul ! Il est désormais obligé de nouer une alliance tactique avec les bolcheviques pour préserver la République d'une dictature militaire.
     
    Révolution et terreur
    Lénine, toujours en Finlande, juge la situation mûre pour intervenir. Ce sera le coup d'État du 6 novembre, aussi appelé Révolution d'Octobre. Sitôt après sa prise de pouvoir, Lénine met en place les instruments de la dictature. Lui-même en appelle à «débarrasser la terre russe de tous les insectes nuisibles»... «Ici, on mettra en prison une dizaine de riches, une douzaine de filous, une demi-douzaine d'ouvriers qui tirent au flanc. (...) Ailleurs, on les munira d'une carte jaune, afin que le peuple entier puisse surveiller ces gens malfaisants. (...) Ou encore, on fusillera sur place un individu sur dix coupables de parasitisme» (Comment organiser l'émulation, décembre 1918, cité par Jan Krauze, in Le Monde, 6 novembre 2007). Le 30 août 1918, au cours de la visite d'une usine, le chef de la Révolution est victime d'un attentat. L'auteur en est une militante socialiste-révolutionnaire (gauche démocratique) : Dora Kaplan. Grièvement blessé, Lénine se rétablit de façon quasi-miraculeuse mais son obsession de la contre-révolution n'en sort que plus grande. Il prend prétexte de l'attentat pour interdire le dernier parti d'opposition aux bolcheviques. Les S-R sont dès lors pourchassés par la Tchéka (police politique). La terreur de masse est institutionnalisée par le décret «Sur la terreur rouge», daté du 5 septembre 1918. La suite est une longue descente aux enfers : guerre civile, famines, camps de travail, exécutions sommaires.... L'horizon s'éclaircit en mars 1921, avec l'institution de la Nouvelle Politique Economique (NEP) qui insuffle un peu de liberté dans l'économie et la société russes.
     
    Une succession très disputée
    Lénine doit progressivement lâcher les commandes quelques mois plus tard, après une première attaque d'apoplexie, le 26 mai 1922. Le maître d'oeuvre de la révolution bolchevique renonce peu à peu à l'exercice du pouvoir. Il meurt dans sa maison de Gorki le 21 janvier 1924. Il a 53 ans. Dès la maladie de leur chef, les hiérarques communistes se sont disputé la succession. C'est finalement l'opportuniste Staline qui l'emporte grâce à sa position clé au secrétariat général du parti. Il se rallie à la NEP (Nouvelle Politique économique) et autorise une libéralisation de l'économie et de l'expression politique et artistique.
    Son principal opposant, Trotski, prône la poursuite de la terreur révolutionnaire. Bien qu'étant le plus populaire (et le plus intelligent) des leaders bolcheviques postulant à la succession de Lénine, il est habilement mis sur la touche par Staline et bientôt obligé de fuir.
    André Larané. http://www.herodote.net/

  • Nokturnal Mortum: tradition, patriotisme et black metal

     

    The_Voice_Of_SteelParmi les innombrables groupes de musique appartenant à la culture de masse, certains se distinguent de la médiocrité générale et émergent hors du lot. C'est le cas de Nokturnal Mortum, un groupe de Black/Pagan Metal venant d'Ukraine. Fondé en 1994, le groupe se fait d'abord connaître par un album assez classique et moyen, Twilightfall, avant de prendre une orientation Black Metal symphonique dès l'année suivante, avec la sortie de Lunar Poetry en 1996. Pour ceux qui ne connaissent pas, le Black Metal se caractérise par des compositions violentes, agressives et surtout enragées et dérangeantes. La touche symphonique, par le biais du clavier, permet toutefois d'atténuer ce ressenti ; Dimmu Borgir ou encore Winterburst sont de bonnes références du style. C'est cependant à partir de Goat Horns, en 1997, que Nokturnal Mortum va emprunter un chemin légèrement différent qui va le rendre intéressant à nos yeux : sans rejeter l'aspect symphonique pour autant, le groupe va en effet intégrer des parties folkloriques au sein de ses morceaux, donnant un aspect folk et traditionnel à leur musique, comme le morceau éponyme – Goat Horns – le montre parfaitement. Le groupe va cependant se recentrer sur l'aspect Black Metal dès 1999, avec To The Gates Of Blasphemous Fire, et offrir une musique plus violente et agressive, tout en conservant cet aspect païen qui se ressent dans leurs compositions (On Moonlight Path en est un très bon exemple). Le succès de ces deux derniers albums ouvrit alors les portes des gros labels de Metal aux Ukrainiens, et une fois encore leur réponse les rend intéressants : Varggoth – le meneur du groupe – fit un magistral bras d'honneur à ces commerciaux attirés par l'argent : NeChrist – sorti en 2000 – est un retour au Trve Black Metal, avec un son sale, une ambiance malsaine, et une fureur sans borne. Les compositions, bien plus agressives, comptent certes quelques parties folkloriques, comme toujours ; l'ambiance païenne est sans aucun doute conservée. Mais le rejet total ainsi que l'inquiétante froideur qui s'en dégagent font de NeChrist un message de rage explicite. C'est après cinq ans de pause – donc en 2005 – que Nokturnal Mortum revient, avec une orientation toutefois bien plus païenne, et moins violente. Weltanschuung alterne en effet morceaux purement instrumentaux et morceaux de Black/Pagan efficace. Mais c'est leur dernière œuvre, sortie en 2009, qui achève d'imposer la maîtrise du groupe Ukrainien. The Voice Of Steel représente en effet l'un des albums (voir l'album) de Black/Pagan le plus abouti, alliant une technicité musicale incontestable et une pureté incroyable. Les ambiances, créées à la perfection, transportent l'auditeur, et le plongent dans un univers païen incroyablement intense.

    La musique de Nokturnal Mortum ne suffit pas à en expliquer l'intérêt ; les paroles y jouent également un rôle primordial. Les textes de Nokturnal Mortum ont la particularité d'être profonds dans leur signification. Certains thèmes sont redondants (le lien à la nature se retrouve dans la majorité des groupes de Black/Pagan), mais d'autres ne peuvent que nous parler. Nokturnal Mortum accorde en effet une place majeure au patriotisme et au respect des ancêtres, notions si chères à nos cœurs et si salies de nos jours. Les Ukrainiens manifestent leur attachement à leur terre et à leur culture à travers leur musique comme par leurs textes. Plus discrets dans les premiers albums, les membres de Nokturnal Mortum – et tout particulièrement le principal auteur des paroles, Knjaz Varggoth – affichent clairement leurs positions, et c'est ce qui les rend si intéressants. Car plutôt qu'un vulgaire message de haine (celle-ci est pourtant loin de manquer aux paroles du groupe) ou de rejet du christianisme, c'est bien une conception métaphysique du monde, une weltanschuung qu'il s'agit de transmettre. Le lien à la nature y prend une place prépondérante, comme dit plus haut, mais sans se limiter à opposer nature et urbanisation : tout en décrivant les paysages de l'Ukraine, en parlant des éléments et des astres, Varggoth dégage peu à peu un sentiment d'élévation, de purification par la contemplation de Dame Nature. L'évolution musicale du groupe donne une idée de l'importance de ce concept selon les albums, mais il reste présent en chacun, et tout particulièrement dans le dernier, The Voice Of Steel. Plus encore que de l'énoncé, c'est du ressenti que nous apporte Nokturnal Mortum ; le titre même de l'album (« la voix de l'acier ») annonce la teneur guerrière tant de la musique que des paroles. Eh oui, comme la plupart des groupes de Black/Pagan, le thème de la bataille est lui aussi au cœur des textes (la pochette de To The Gates Of Blasphemous Fire était d'ailleurs assez explicite à ce sujet). La question qui se pose est donc la suivante : la bataille pour quoi?
    WeltanschauungC'est justement ce « pour quoi » qui rend Nokturnal Mortum si intéressant, car il ne s'agit pas comme dans trop de groupes de parler des glorieux Vikings qui se taillent un chemin dans les viscères à coups de hache, le tout à la gloire de Thor et d'Odin. Non, le combat de Nokturnal Mortum a un sens : la défense de la terre, de la tradition, de la culture et de l'identité, ainsi que l'honneur et le respect des anciens. Les aïeux reviennent souvent dans les chansons du groupe, tout comme l'importance d'être digne d'eux et de poursuivre le combat de ces héros morts au combat (comme le suggère assez clairement la chanson Hailed Be The Heroes, sur Weltanschuung). Les airs folkloriques présents dans les morceaux de Nokturnal Mortum (Goat Horns ou Perun's Celestial Silver de NeChrist sont des perles du genre) sont des manifestations de l'importance du folklore ukrainien et païen pour les membres de la formation. Ce paganisme affiché explique le violent rejet du christianisme qui caractérise NeChrist : bien que l'album soit très clairement Trve Black Metal tant musicalement que visuellement, ce rejet (cette haine, disons-le franchement) n'est en rien liée à une idéologie sataniste – sérieuse ou non – si fréquente dans le Black Metal. Le christianisme est certes vu comme un ennemi, mais surtout comme un envahisseur millénaire responsable de la destruction des traditions païennes des pays slaves (du moins de l'Ukraine) et comme un ennemi de la diversité et de la particularité culturelle : avant la « culture de masse » (le terme de culture est ici souillé) qu'analyse si bien ce cher Christopher Lasch, qui tend à uniformiser toutes les sociétés en les inondant d'une bouillie puante et insipide appelée « culture », le grand monothéisme européen avait durant des siècles fait un travail similaire en éliminant les croyances païennes au profit des siennes.

    Nokturnal Mortum rejette d'ailleurs l'un comme l'autre, et NeChrist est le paroxysme de ce refus : si les textes sont indubitablement anti-chrétiens (des titres tels que Jesus' Blood, In The Fire of the Wooden Churches ou encore NeChrist suffisent pour s'en rendre compte), l'album en lui-même représente un énorme bras d'honneur aux majors de la musique, comme dit précédemment. La réponse de Nokturnal Mortum à ces ouvertures commerciales fut sale, malsaine, violente, haineuse, avec un son bien plus mauvais que sur l'opus précédent. En résumé, « allez vous faire foutre, Nokturnal Mortum ne se vend pas ». Il est d'ailleurs intéressant de noter que depuis 2004, les albums sont produits par Oriana Music, leur propre label. L'attitude de Nokturnal Mortum concorde avec leurs paroles – chose assez rare à notre époque. Les années ont cependant apporté une nouvelle maturité au groupe : ils glissent désormais leur quenelle différemment. Au lieu d'être un nouveau NeChrist, The Voice Of Steel a un son irréprochable et représente un accomplissement musical ; les textes, de plus en plus forts, sont tous chantés en Ukrainien – exception faite de Walkyrie qui est chantée en Russe. Le lien à la terre est toujours présent, plus fort que jamais (la pochette de Weltanschuung en reste la meilleure preuve, représentant une main caressant des épis de blé, Nokturnal Mortum nous donnant ainsi sa vision de la vie) tandis que le combat se précise. La chanson Ukrainia est explicite quant à la place que prend l'Ukraine dans le cœur des musiciens, tout comme le montrait Ma France de Jean Ferrat. L'ennemi contre lequel lutte le groupe est le même que le nôtre : l'uniformisation et la destruction des identités. Varggoth est toutefois lucide quant à la situation : Sky of Saddened Nights et White Tower ont une sonorité désespérée qui fait résonner notre âme. Ce sentiment se ressent notamment dans White Tower : il s'agit d'ériger une Tour Blanche, et de la défendre envers et contre tout. Il est aisé de comprendre ce que représente cette Tour Blanche : le dernier bastion, notre dernier retranchement face à un ennemi qui nous submerge, dans un combat qui semble déjà perdu.Je conclurai par une constatation simple : aucune analyse ne vaudra jamais le ressenti.

    Par conséquent, je vous laisse vous faire votre propre avis.

    http://www.scriptoblog.com

    Pour découvrir Nokturnal Mortum en concert, suivez ce lien.

  • La psychologie jungienne face à la figure d'Odin

    Horst Obleser, psychiatre d'obédience jungienne, a sorti en 1993 un ouvrage entièrement consacré à Odin, le dieu dont personne ne sait où il va ni qui il est. Muni d'une longue lance, le doigt orné d'un superbe anneau d'or magnifiquement décoré, un corbeau perché sur son épaule, un autre corvidé évoluant au-dessus de lui, flanqué de deux loups gris foncé, chevauchant un destrier fabuleux à 8 pattes, il est le dieu de l'errance, du savoir et des guerriers. Il voit et sait tout. S'exprime exclusivement en vers. Ne boit que du vin ou de l'hydromel. Cette description épuise quasiment tout ce que les sources nous ont appris de ce dieu. C'est peu de choses. L'Europe centrale germanique est donc dépourvue d'un corpus mythologique élaboré, à la façon des traditions avestique ou védique. L'Europe germanique est donc mutilée sur les plans mythologique et psychique.
    Thérapeute, Horst Obleser le déplore, surtout dans le domaine de l'éducation : l'enfant germanique, contrairement à l'enfant indien par ex., n'est pas plongé dans un corpus d'histoires et d'images “orientantes”, qui lui expliquent l'agencement du monde, par le biais de contes et d'histoires, et le console, le cas échéant, quand il doit faire face aux déchirements et aux affres de l'existence. Il ne reste aux peuples germaniques qu'un rationalisme superficiel, dérivé du christianisme, dont ils ne comprennent guère les sources mythologiques proche-orientales, nées sur un territoire à la géologie, la faune et la flore très différentes. À l'heure actuelle, les images artificielles répandues par les médias se superposent à ce rationalisme christianomorphe lacunaire, interdisant à nos enfants de posséder in imo pectore des images et des références mythiques issues d'une psyché et d'un inconscient propres. Consolations et rêves ne dérivent pas de contes et de symboles transmis depuis de longues générations et surtout issus de la terre occupée depuis toujours par les ancêtres. Lacune qui doit mobiliser l'attention du thérapeute et l'induire à s'ouvrir aux recherches sur la mythologie. Obleser :

    « Nous vivons dans une culture qui est fortement imprégnée de pensée chrétienne, mais une pensée chrétienne qui est néanmoins traversée d'idéaux guerriers. Un esprit aventureux conquérant se profile graduellement derrière [notre culture christianisée], qui devrait nous permettre de nous identifier à des héros ou des héroïnes. Mais cet état de choses n'exclut pas le fait, qu'au contraire d'autres cultures, comme les cultures grecque, égyptienne, hébraïque, indienne ou persane, nous ne possédons plus que des mythes théogoniques et cosmogoniques très fragmentaires. (…)Dans l'espace germanique méridional, quasiment aucune tradition n'a survécu. Il nous reste la consolation qu'un mythe commun à tous les peuples germaniques n'a sans doute jamais existé. Les mythes germaniques ont sombré très profondément dans le passé, et sont en grande partie oubliés. À leur place, des images issues de la culture gréco-romaine, des mythes égyptiens ou, par l'intermédiaire de la christianisation, les mythes hébraïco-judaïques de la Bible, ont pris en nous un territoire psychique important. Sous toutes ces images étrangères, demeurent tapis les anciens mythes celtiques et germaniques, qu'il s'agit de redécouvrir » (p. 15-16).

    Pourquoi ? Caprice de philologue, de chercheur, d'intellectuel ? Pire : lubie de psychiatre ? Non. Nécessité thérapeutique ! La fragilité psychique de l'Européen, et de l'Allemand en particulier, vient de ce MOI mutilé, nous enseigne CG Jung. Dans cette optique, Obleser écrit :

    « Le caractère des Germains peut se décrire sur deux plans, à partir de ce que nous savons de la personnalité du dieu Odin : d'une part, nous trouvons “une virilité dure, violente, tournée vers elle-même” ; et, d'autre part, “une curieuse tendance oscillante” qui émerge tantôt dans l'individu tantôt dans le peuple tout entier ».

    Et il poursuit :

    « Ninck nous parle dans ce contexte d'une virilité héroïque qui se caractérise par la force, la puissance, la dureté, la capacité à résister à l'adversité, qui se conjugue au goût prononcé pour le combat, pour l'audace et pour l'action décidée en conditions extrêmes. À tout cela s'ajoute encore un désir prononcé de liberté et d'indépendance. Certes, ce sont là des qualités que l'on retrouve, de manière similaire ou non, dans d'autres peuples, chez qui importent aussi les capacités à mener la guerre et les batailles » (pp. 271-272).

    Autre caractéristique germanique, que l'on retrouve chez Odin : la pulsion à errer et à voyager.

    « Même chez les Celtes, proches parents des Germains, on ne retrouve pas cette pulsion exprimée de manière aussi claire. Le nombre impressionnant des Wanderlieder [Chants de randonnées, de voyage] dans la littérature ou le folklore allemands constitue autant d'expressions de cette pulsion, même s'ils ne sont plus qu'un souvenir terni de l'antique agitation perpétuelle des Germains. Cette facette essentielle de l'âme germanique a dû constituer une part importante de nos coutumes, qui s'est perpétuée dans les gildes d'artisans, et plus particulièrement chez les apprentis et les maîtres charpentiers, jusqu'à nos jours : l'apprenti, justement, doit pérégriner et passer un certain laps de temps à aller et venir à l'étranger. Ninck croit que le trait de caractère qui porte les peuples germaniques à pérégriner se répercute dans le langage quotidien, où l'on s'aperçoit des innombrables usages des mots “fahren” et “gehen” (…). Nos vies sont perçues comme des voyages, notamment quand nous parlons de “notre compagnon ou de notre compagne de route” (Lebensgefärhte, Lebengefärhtin) pour désigner notre époux ou notre épouse (…). L'importance accordée au mouvement dans la langue allemande se repère dans l'expression idiomatique “es geht mir gut” (je me porte bien) qui ne se dit pas du tout de la même façon en grec, où l'on utilise des vocables comme “avoir”, “souffrir”, “agir”, ni en latin, où l'on opte pour “être”, “avoir” ou “se passer” (…) » (p. 272).

    Le substrat (ou l'adstrat) chrétien nous interdit donc de comprendre à fond cette propension à l'errance, le voyage, la pérégrination. Pour Obleser, seul le mystique médiéval Nicolas de Flues (Nikolaus von Flüe), renoue avec ces traits de caractère germaniques dans ses écrits. Il vivait en Suisse, à proximité du Lac des Quatre Cantons, entre 1417 et 1487. Il était paysan, juge et député de sa communauté rurale et montagnarde. À partir de sa cinquantième année, il s'est entièrement consacré à ses exercices religieux. Au cours desquels, il a eu une vision, celle du “pérégrin chantant” (Der singende Pilger). Dans mon “esprit” — dit Nicolas de Flues —, j'ai reçu la visite d'un pérégrin, coiffé d'un chapeau ample (attribut d'Odin), les épaules couvertes d'un manteau bleu ou gris foncé, venu du Levant. Derrière l'archétype de ce pérégrin, avatar médiéval d'Odin qui a réussi à percer la croûte du sur-moi chrétien, se profile aussi l'idéal de la quête du divin, propre à tous les mystiques d'hier et d'aujourd'hui. Ce pérégrin et cet idéal n'ont plus jamais laissé Nicolas de Flues en paix. La quête rend l'homme fébrile, lui ôte sa quiétude, lui inflige une souffrance indélébile. De plus, tout pérégrin est seul, livré à lui-même. Il fuit les conformismes. Il entre fréquemment en trance, terme par lequel il faut comprendre l'immersion dans la prière ou la méditation (le pérégrin de Nicolas de Flues prononce, sur le mode incantatoire, de longues séries d'“Allélouïa”, en arrivant et en repartant, indiquant de la sorte que sa méditation — et sa joie de méditer — se font en état de mobilité, de mouvance, comme Odin). Pour CG Jung, Odin est “ein alter Sturm- und Rauschgott”, un dieu ancien de la tempête (ou de l'assaut) et de l'ivresse (de l'effervescence). Pour Marie-Louise von Franz, la vision de Nicolas de Flues est une rencontre de l'homme germanique avec lui-même, avec l'image mythique de lui-même, que la christianisation lui a occultée : au tréfonds de sa personnalité, il est ce pérégrin, méditant et chantant, profond mais toujours sauvage, esseulé.
    Jung trace un parallèle entre cette pérégrination odinique (ou cette vision de Nicolas de Flues) et le mouvement de jeunesse Wandervogel (ou ses avatars ultérieurs tels les Nerother, grands voyageurs, la d.j.1.11 de l'inclassable Eberhard Köbel, surnommé “tusk” par les Lapons qu'il allait régulièrement visités, etc.). Ce n'est donc pas un hasard si la caractéristique majeure de ce mouvement de jeunesse spécifiquement allemand ait été le Wandern, la randonnée ou l'expédition lointaine vers des terres vierges (les Andes, l'Afrique pour un des frères Ölbermann, fondateurs des Nerother, la Nouvelle-Zemble arctique, la Laponie, etc.). Jung : « En randonnant inlassablement sur les routes, du Cap Nord à la Sicile, avec sac à dos et luth, ils étaient les fidèles serviteurs du dieu randonneur et vagabond ». Et Jung ajoute qu'Odin est aussi un dieu qui saisit, s'empare des hommes (ergriffen, Ergriffenheit), les entraîne dans sa magie tourbillonnante.
    Obleser rappelle la christianisation de la Germanie païenne. Sous Charlemagne, les armées franques soumettent les Saxons, encore païens, par le fer et par le feu. Psychologiquement, il s'agit, dit Obleser (p. 280) d'une soumission de l'âme germanique au “sur-moi” de la dogmatique chrétienne. Ce qui a pour corollaire une propension exagérée à la soumission chez les Allemands, devenus incapables de reconnaître leur propre, leur identité profonde, derrière le filtre de ce pesant “sur-moi”. Une reconnaissance sereine de son “cœur profond” permet à tout un chacun, aussi au niveau collectif du peuple, d'intérioriser des forces, pour bâtir ses expériences ultérieures en toute positivité. L'histoire allemande est dès lors caractérisée par une non intériorisation, une non canalisation de ces forces particulières, qui font irruption et se gaspillent en pure perte, comme l'a démontré l'expérience tragique du IIIe Reich. Et comme le montre aussi la rage fébrile à faire du tourisme, y compris du tourisme de masse vulgaire, en notre époque triviale.
    Charlemagne, après ses expéditions punitives en Saxe et en Westphalie, a toutefois fait codifier par ses scribes toutes les traditions germaniques, transmises auparavant par oral. Si nous avions pu conserver ces manuscrits, nous aurions pu reconstituer plus facilement cette psyché germanique, et guérir les travers d'une psychologie collective ébranlée et déséquilibrée. Louis le Pieux, malheureusement, ordonnera de brûler les manuscrits commandés par son prédécesseur. Ce geste fou de fanatique, déboussolé par une prêtraille écervelée, a laissé une blessure profonde en Europe. Les traditions centre-européennes, tant celtiques que germaniques, voire plus anciennes encore, ont été massivement évacuées, détruites, pour ne laisser que quelques bribes dans les traditions locales, qui évoquent un “chasseur nocturne”, chevauchant dans la tempête.
    Les recherches actuelles permettent donc de définir Odin comme une divinité de l'énergie, mais une énergie qui était au départ contrôlée, dans le contexte originel païen. Les pulsions de mobilité, la dimension guerrière de l'âme germanique, la propension à la méditation visionnaire et fulgurante, personnifiées par Odin, étaient compensées par les forces plus tempérées de Thor, par l'intelligence créatrice (et parfois négative) de Loki, par l'intelligence équilibrée d'Hönir, par la fidélité de Heimdall, par les pulsions d'aimance voire les pulsions érotiques de Freya. L'ensemble de ce panthéon permettait une intégration complète de la personnalité germanique. Obleser :

    « Par la christianisation violente, le développement [de la personnalité populaire germanique] a subi une fracture aux lourdes conséquences, qui ne peut plus être guérie, et que ne peuvent compenser des visions comme celles de Nicolas de Flues. Par la christianisation, ce ne sont pas seulement des détails de nos mythes qui ont été perdus, mais surtout le lien direct au savoir ancien, auquel nous pouvons encore vaguement accéder, vaille que vaille, par des moyens détournés, mais que nous ne pouvons plus restituer. L'influence d'Odin et de ses actes sont évidemment des pierres constitutives de notre psyché, même si nous n'en sommes plus conscients. Il faut dès lors regretter que nous ne pouvons plus aujourd'hui les comprendre, les encadrer et les saisir, alors qu'elles nous ont insufflés des caractéristiques hautement dynamiques » (p. 294).

    Bref, l'ouvrage d'un thérapeute, qui a compris, dans la tradition de Jung, que le paganisme n'est pas seulement une vision de l'esprit, un esthétisme infécond, mais une nécessité équilibrante pour la personnalité d'un peuple, quel qu'il soit.
    ◊ Horst Obleser, Odin : Psychologischer Streifzug durch die germanische Mythologie, Stendel, Waiblingen, 1993, 334 p. 
    ► Publié sous le pseudonyme de "Detlev Baumann", dans Antaïos.http://robertsteuckers.blogspot.fr/
  • "Rues barbares" de Piero San Giorgio et Vol West

    Comment survivre en ville ?

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    La planète est au bord de l’abîme. La mondialisation débridée et la globalisation qu’elle engendre nous précipitentdans une période d’accélération et de convergence de problèmes considérables. Crises économiques, politiques et sociales, dérèglements climatiques, surpopulation, pénurie de pétrole et de matières premières, dettes colossales des Etats, périls alimentaires et sanitaires, l’effondrement de toute vie « normale » menace à tout instant. Le chaos, temporaire ou de longue durée prendra le plus grand nombre d’entre nous au dépourvu, et la majorité de la population mondiale qui vit dans les villes, se retrouvera plongée dans un environnement de violence, sans pitié, piégée dans de véritables rues barbares livrées aux révoltes, aux guerres et à la famine.

     

    La survie, en cas de crises majeures, est une préoccupation quotidienne  pour Piero San Giorgio, auteur du bestseller « Survivre à l’effondrement économique », et Vol West, auteur du blog « Le Survivaliste ». Ils nous proposent dans ce livre de partager leur réflexion, leurs expériences et leur savoir-faire sur ce sujet.

     

    Eau, nourriture, hygiène, défense, lien social… Comment se préparer aux conditions extrêmes   d’un anéantissement de la « normalité ». Vous saurez tout sur la mise en place d’une véritable Base Autonome Durable urbaine pour augmenter vos chances de survie ! Si vous ne lisez pas ce livre, nous ne donnons pas cher de votre peau de citadin ! Etes-vous prêts ? Attachez vos ceintures, enfilez votre gilet pare-balles, c’est parti !

    "Rues barbares" est disponible dans notre boutique

  • "Corse, premier morceau libéré de la France"*

    En ce cinquantième anniversaire des premières tueries de la sanglante rébellion algérienne, pas un jour sans que presse, radios et télévisions ne consacrent un article ou une émission à l’histoire de cette guerre.

    Ce ne sont que célébrations de la "libération" de ce pays (aussitôt livré au totalitarisme marxiste puis à la terreur coranique), de l’indépendance recouvrée, du sacrifice des héros de la décolonisation, des courageux combattants de la "résistance algérienne", de la valeur morale de ses chefs (tous plus corrompus les uns que les autres).

    Ce ne sont que films de propagande fellouze, interviews d’anciens chefs-égorgeurs ou de leurs porteurs de valises.

    Et jamais un mot, bien sûr, pour dire ce que cent trente ans de civilisation française ont apporté de paix, de liberté, de richesse à ce désert transformé en pays de cocagne, contrée reculée de la barbarie ottomane devenue l’enfant chéri de la France, peuple de fellahs crevant de misère et de maladie rendu à sa dignité, terre gaste jadis abandonnée aux pillards et aux prédateurs et pacifiée par la puissance tutélaire.

    A inverse, rien n’est oublié des "crimes" français, de "l’exploitation cynique des richesses de cette terre volée", des "fortunes scandaleuses" amassées par les "colons", des "souffrances infligées au peuple algérien", des violences imputées aux forces d’occupation, "torturant, violant, tuant les hommes, les femmes et les enfants d’Algérie".

    Une fois pour toutes, il est entendu, sans contestation ni révision possible que la "résistance algérienne" fui à "l’occupation française" ce que la résistance française avait été à l’occupation allemande.

    Or voici que des Français, enfin, se décident à suivre le modèle de ces résistances-là.

    Et ces premiers résistants français sont une fois de plus des fils de cette Ile de beauté que, rappelons-le, quatre jours après le débarquement du 14 octobre 1943, de Gaulle décora du titre de "premier morceau libéré de la France."

    Soixante ans plus tard, un autre occupant est installé sur cette terre. Tantôt s’y livrant à des actes criminels, tantôt n’y faisant qu’exploiter les richesses d’une société multimillénaire sans rien offrir en contrepartie, tantôt profitant d’un système social qu’il a été incapable de bâtir dans son propre pays, mais toujours français de paperasse sans autre sentiment que la haine des Français de sang et sans jamais rien changer de ses moeurs primitives de voileur ou de violeur, rien renier de son culte de sang et de terreur, rien apprendre de la civilisation, rien retenir des moeurs, lois et coutumes du pays où il s’impose.

    Eh bien cet occupant-là, des Français, des Corses ont résolu d’en libérer leur terre parce qu’ils ne veulent plus de cette invasion, de cette exploitation, de cette humiliation.

    Forts des exemples que serinent médias, célébrations commémoratives et discours politiciens et qui légitiment les luttes de libération quels qu’en soient les moyens, ces résistants ont donc décidé comme leurs grands-pères il y a soixante-cinq ans et comme les Algériens il y a cinquante ans, de se dresser contre l’envahisseur.

    Mais sans recourir aux mêmes violences que l’Histoire rappelle.

    Pas d’attentats meurtriers, pas de maquis, pas de trains qui déraillent, pas de tueries, pas de femmes tondues, pas de collabos collés au mur et expédiés avec onze balles dans la peau. Pas non plus de fermes brûlées, pas de "Milk-bar" bondé d’adolescents qui explose, pas de familles massacrées, de femmes éventrées, d’enfants démembrées ni d’hommes émasculés et abandonnés, les parties génitales dans la bouche. Non. Les résistants bornent leur "terrorisme" à quelques lazzis lancés à des footballeurs allogènes, à quelques pétards d’avertissement mis à feu devant des boutiques et des maisons occupées, à quelques salves tirées au-dessus de la tête d’indésirables.

    Mais là, pour le coup, les admirateurs des méthodes des fusilleurs communistes et des égorgeurs algériens trouvent que les usages des artificiers corses sont au-delà de ce que peut supporter un démocrate humaniste.

    Le désir d’indépendance devient une marque de racisme, la résistance à l’occupation un crime.

    Pour un peu Chirac enverrait en Corse la gendarmerie mobile, les CRS et ce qui reste d’armée pour tailler en pièces la résistance locale (une chance : il n’y a pas de rue d’lsly dans l’Ile) et faciliter ainsi l’expansion d’une population allogène dont la proportion avoisine aujourd’hui les 30 %.

    Il faudra un jour que l’on nous explique au nom de quelle logique on peut :

    1.- donner le nom d’une place parisienne au "colonel" Fabien, psychopathe assassin dont "l’héroïsme" fut d’abattre dans le dos un officier de marine allemand, entraînant l’exécution de dizaines d’otages ;

    2.- dénoncer comme criminel raciste un Corse qui, fatigué de ne plus être chez lui et de voir ses enfants crever de la drogue vendue par l’occupant, pose un pain de plastic devant une maison pour inviter ses occupants à "enrichir de leur différence" leur pays d’origine plutôt qu’un coin de France qui n’en demande pas tant.

    Reste à attendre le jour où ces combattants corses que l’on traite aujourd’hui comme hier de terroristes seront officiellement décorés du nom de résistants pour avoir, une fois encore, fait de la Corse "le premier morceau libéré de la France".

    Serge de Beketch

    * Charles de Gaulle, octobre 1943.
  • L'ILIADE ET L'ODYSSÉE

    Quelle vérité historique ?

    « Chante, déesse, la colère d 'Achille, le fils de Pélée; détestable colère, qui aux Achéens valut des souffrances sans nombre et jeta en pâture à Hadès tant d'âmes fières de héros, tandis que de ces héros mêmes elle faisait la proie des chiens et de tous les oiseaux du ciel- pour l'achèvement du dessein de Zeus. Pars du jour où une querelle tout d'abord divisa le fils d'Atrée protecteur de son peuple, et le divin Achille ... »

    Extrait du début de L'Iliade, chant 1

    L'lliade et l'Odyssée sont deux longs poèmes divisés respectivement en 24 chants, correspondant aux 24 lettres de l'alphabet grec. Leur thème central est la Guerre de Troie entre Achéens et Troyens et le retour d'un des guerriers héroïques: Ulysse. Ce sont des poèmes homériques, fondations à la philosophie et à la culture grecques. Mais quelle est la vérité historique (ou les vérités) qui se cache(nt) derrière ce texte magnifique et universel?

    HOMÈRE

    Il est habituel d'attribuer à Homère, un grand poète grec né sans doute en Ionie, au IXe ou au VIlle siècle avant J.-C., à la fois l'Iliade et l'Odyssée. Nos lecteurs savent fort bien que l'Iliade raconte la guerre de Troie, principalement la lutte des deux héros, Achille et Hector (" La pointe va tout droit à travers le cou délicat (d 'Hector). La lourde pique de bronze ne perce cependant pas la trachée: il peut ainsi répondre et dire quelques mots. Et cependant qu'il s'écroule, le divin Achille triomphe ... "), alors que l'Odyssée relate le long voyage de retour d' Ulysse. un héros plein d'astuces, vers son île d'Ithaque.

    Quant à la réalité des récits ainsi rapportés, rien ne la prouve hors une longue tradition orale, un peu à la manière dont les chansons de geste se sont transmises durant notre Moyen Age. Un exemple suffira à faire comprendre la complexité des choses: la Chanson de Roland qui décrit des faits s'étant produits à la fin du VIlle siècle, n'est fixée dans les textes que par Thurold, durant la seconde partie du XIe. Elle est alors devenue un texte de propagande en faveur d'un monde chrétien combattant le monde musulman. Ainsi Roland et sa petite arrière-garde mettent-ils à mal, avant de périr, des centaines de milliers de musulmans. La réalité est bien différente: en quelques instants des Basques, des Vascons, ont anéanti la petite troupe du comte Roland (de la Marche) et pillé ses bagages pour se venger de la destruction de Pampelune par les troupes de Charlemagne.

    LES FOUILLES DE SCHLIEMANN

    C'est un autodidacte, passionné d'archéologie et de culture grecque, Heinrich Schliemann qui conduisant à partir de 1871, une campagne de fouilles à Troie, à l'entrée des Dardanelles, découvre, deux ans plus tard, ce que l'on a appelé le «trésor de Priam ». Un ensemble d'objets en or et de pièces de mobilier datant (on le sait à présent) du me millénaire avant J.-C., ce qui est, évidemment; très antérieur à la guerre de Troie. En 1874, Schliemann qui s'est déplacé dans le Péloponnèse, dégage, à Mycènes, la fameuse porte des Lions et les tombes dites du cercle A. C'est là qu'il met à jour le soi-disant trésor d'Agamemnon, avec son masque d'or bien connu. Là encore, ces objets remontent au IIe millénaire avant le Christ!

    DÖRPFELD RÉTABLIT PARTIELLEMENT LA VÉRITÉ

    Conscient de ses approximations, Schliemann fait appel à un véritable archéologue professionnel, Wilhelm Dorpfeld. Il écarte les hypothèses de Schliemann sur les deux trésors et impose sa conception des choses. Il réalise un travail remarquable, parvenant à repérer neuf couches successives d'occupation du site urbain de Troie. Puis il affirme que la fouille de Troie VI constitue celle du fameux siège.

    Mais de nouvelles fouilles, au xxe siècle, en particulier celles de Korfmann, permettent de penser que Troie VI fut détruite par un tremblement de terre. Et qu'il n'est pas totalement certain que Troie VII, aux murs noircis, soit bien la cité incendiée par les Grecs, décrite dans l'Odyssée.

    Et il est peu probable que les Mycéniens soient ceux qui aient attaqué et détruit Troie, puisque leur civilisation a disparu vers 1200 avant J.C. Or, les objets qu'Homère décrit dans l'Odyssée semblent bien être mycéniens. Le mystère s'épaissit! Une seule hypothèse permet de concilier les contraires: Homère s'est servi de vieux matériaux pour les figer en chants successifs. Ce qui explique que ses acteurs soient, en partie, mycéniens. On peut raisonnablement penser que les chants d'Homère ont été composés vers 800 avant J-C., en raison de l'utilisation de l'hexamètre, puis figés sous Pisistrate, le tyran d'Athènes au VIe siècle. Ils sont alors lus le jour de la fête d'Athéna, les fameuses Panathénées.

    La solution du mystère se situe sans doute au niveau de la mixture homérique, si l'on ose dire. Le poète aveugle mêle des souvenirs et des traditions datant de plusieurs époques: pour une part mycénienne, mais aussi de civilisations plus récentes.

    LA GUERRE DE TROIE A-T-EU LIEU ?

    La réponse est très probablement positive. Située à l'entrée du détroit des Dardanelles, qui contrôle l'accès à la mer de Marmara, puis au Bosphore et à la mer Noire, Troie fait payer des droits de péage, de mouillage, des approvisionnements en eau et en vivres à tous les navires qui empruntent ce passage. Et ils sont nombreux, car, en cette ère du bronze, si les Grecs disposent de cuivre (Chypre, Égypte, Crète), il leur faut aller chercher l'étain sur les rives de la mer Noire, jusqu'au Caucase. Bien plus, les courants, dans le détroit des Dardanelles, s'inversent pendant six mois ce qui oblige à de longs séjours portuaires à Troie.

    Ainsi, les Troyens s'enrichissent-ils aux dépens des Grecs. Ces derniers décident de mettre fin à ces excès qui les ruinent. Ils viennent assiéger Troie et la détruisent. Sans doute vers 1200 avant J-C., si l'on accepte que Troie VII soit bien la bonne couche! Mais alors d'où viennent ces chars, inconnus en Grèce avant l'ère classique, décrits par Homère? On voit que l'énigme n'est pas totalement résolue! Sauf à ce que le texte originel d'Homère, qui se transmettait oralement, ait été enrichi au fur et à mesure des siècles jusqu'à Pisistrate ...

    ET QUI A ÉCRIT L'ODYSSÉE ?

    L'Odyssée est si différente de l'Iliade que l'on hésite à l'attribuer au même auteur. A moins que la première, l'Iliade, soit une œuvre de jeunesse et la seconde, plus subtile, une composition de vieillesse. En effet, d'un certain point de vue, les deux poèmes racontent, pour l'essentiel, les aventures de deux héros: Achille et Ulysse. Achille est un guerrier parmi d'autres alors qu'Ulysse est un solitaire. Alors qu'il n'existe guère de message codé dans l'Iliade, hors le parti pris des Dieux, qui ressemblent ainsi singulièrement à des humains (toujours cette distanciation des Grecs vis-à-vis de leurs dieux anthropomorphes), l'Odyssée constitue un remarquable chant initiatique. Les Anciens ayant considéré que la même main a composé les deux chants, il convient, faute d'hypothèse rivale crédible, de les suivre.

    ULYSSE, LE GREC MALICIEUX

    Le héros de l'Odyssée n'est autre que celui qui a, enfin, permis aux Grecs de l'emporter sur les Troyens, par la ruse, celle du cheval de bois. Lors de son retour vers Ithaque, Ulysse va devoir déployer toutes les ressources de sa malice et de sa subtilité. Il incarne, en vérité, l'intelligence grecque face à la brutalité barbare et aux pièges de la nature. Ainsi va-t-il, successivement, triompher des Lotophages, du Cyclope, des Lestrygons, de l'enchanteresse Circé, de Charybde et de Scylla, et même de Calypso qui le retient dix années en ses rets. Sans compter qu'à la fin, il exécute tous les prétendants trompés par son déguisement de mendiant.

    UN OUVRAGE INITIATIQUE

    L'Odyssée se présente comme un ouvrage initiatique: voilà, un récit foisonnant, empli d'allers et retours, raconté en déroulement inversé. Ainsi, le récit débute-t-il par la fin : le départ de Télémaque parti à la recherche de son père, le retour d'Ulysse à Ithaque et sa vengeance contre les prétendants de sa fidèle épouse Pénélope. Ensuite, seulement, Homère en vient à la description des errements du héros en Méditerranée.

    S'agit-il, avec ces va-et-vient entre monde réel et monde de l'étrange et de l'imaginaire d'un pur conte de fées avec ses monstres marins, ses magiciennes, ses drogues, ses enchantements? Non, point tout à fait: car voici que surgissent les repères principaux du récit, des archétypes humains: fidélité de l'amour conjugal avec Pénélope, fidélité au maître avec le porcher Eumée, amour pour l'enfant avec Euryclée, sagesse avec Laërte ...

    La clé du message laissé par Ulysse est assez limpide: c'est auprès de son épouse fidèle qu'Ulysse veut finir sa vie, délaissant l'immortalité que Calypso voulait lui apporter. Telle est l'expression ultime de la sagesse grecque: accepter son destin de mortel... Au total, un hymne beaucoup plus optimiste que celui de l'Iliade et de sa profonde iniquité.

    PEUT-ON RECONSTITUER LE PÉRIPLE D'ULYSSE?

    Naturellement l'Odyssée s'inspire lourdement de la connaissance qu'ont alors les Grecs du bassin méditerranéen. La route suivie par Ulysse ne semble pas la plus courte. Parti avec dix navires, il achève son long périple de plus d'une décennie, sur un radeau!

    Déjà Strabon s'efforce de reconstituer les périples d'Ulysse. Mais il n'y parvient guère, car pour une part, le récit de l'Odyssée est totalement imaginaire.

    Il est très possible que l'île des Lotophages soit la Djerba tunisienne, que celle d'Éole soit l'îlot de Stromboli, et peut-être l'oracle des morts est-il émis depuis le lac Arverne et le mont Circeo correspond-il au domaine de Circé ... Les circonvolutions apparentes d'Ulysse qui, sans le savoir, va très rapidement se retrouver à proximité d'Ithaque, avant d'être contraint de boucler un très long voyage, sont hautement symboliques. Un clin d'œil appuyé sur la fragilité de la destinée humaine ...

    QUE PENSER DE LA PRÉSENCE D'UN PALAIS À ITHAQUE?

    Deux archéologues pensent avoir découvert des traces archéologiques du palais d'Ulysse à Ithaque. Mais les traces observées, un morceau de poterie où l'on distingue un homme attaché au mât d'un navire et une tablette gravée, portant un trident, datant probablement de l'époque mycénienne, n'ont rien de déterminant.

    Évidemment, si l'on pouvait prouver que ces vestiges sont contemporains d'Ulysse, on aurait réalisé un grand progrès dans la datation précise de la guerre de Troie ...

    On en est loin !

    Philippe Valade , dossier d'actualité de l'histoire juin-juillet 2007

  • La Grande Guerre / Les premiers “pirates de l’air”

     L’élection d’Arafat à la tête de l’Etat palestinien à naître conduit les commentateurs à se poser gravement la question : sont-ce les résistants palestiniens qui ont inventé les “pirates de l’air” ? Les uns soutiennent cette hypothèse, d’autres prétendent au contraire que c’est De Gaulle qui créa ce nouveau délit en faisant enlever Ben Bella en plein ciel ; d’autres encore assurent que c’est Robert Hemmerdinger, fondateur du Front national des Français juifs qui fut le premier pirate de l’air en tentant de s’emparer de la Caravelle qui le conduisait à Paris après son arrestation avec plusieurs autres membres de l’OAS.

    Eh bien, tout cela est faux. C’est en 1916, le 29 janvier exactement, que l’expression “pirates de l’air” vint pour la première fois sous la plume d’un journaliste au lendemain du bombardement de Ménilmontant par les zeppelins.

    Intitulé “Zeppelins sur Paris, les crimes des pirates de l’air“, le récit, par Jean Bernard dans La Vie de Paris, de ce qui fut sans doute le premier bombardement civil de l’histoire vaut d’être rapporté dans les termes employés à l’époque.

    Il était à peine dix heures (du soir), le ciel était clair et le temps était si doux que les parisiens déambulaient par les rues en devisant, le nez au vent, les mains aux poches. (…) les premiers appels de trompe des pompiers déchirèrent l’air.

    - Tiens ! Des zeppelins !

    Une simple constatation mais pas de panique et les familles continuèrent de dévaler lentement pour regagner leur logis. On peut bien l’avouer, personne n’avait peur et, sur le pas des portes, les commères devisaient, donnant leur avis.

    - Dame, ce n’est pas étonnant, c’est ce soir qu’on devait allumer quelques centaines de nouveaux becs de gaz. Ils auront été avertis et ils nous envoient leur salut.

    Les gamins intéressés suivaient les conversations mais pas un ne songea à rentrer. On eût dit une soirée de fête. Toutes les têtes se dressaient vers la voûte sombre, suivant dans les airs les petites étoiles filantes formées par les avions de combat qui balayaient le ciel.

    Des détonations sourdes, à plusieurs reprises, vinrent secouer les causeurs.

    - Ce sont des bombes, disait-on. Mais personne ne voulait croire à la randonnée des monstres ennemis.

    - Nous sommes trop bien gardés ! Ils ne pourraient pas venir. Et puis, zut ! Nous n’avons pas peur.

    Cette phrase de défi justifiait toutes les audaces. Les curieux emplissaient les larges voies, interrogeant les sergents de ville.

    - Où sont-ils, Monsieur l’agent ? On voudrait tout de même bien les voir. Les policiers avaient des gestes vagues et imprécis.

    - Rentrez chez vous, cela vaut mieux que d’attendre les bombes.

    Et, comme il se faisait tard et qu’une obscurité quasi complète enveloppait la capitale, chacun regagna son domicile en ne songeant même plus aux dirigeables allemands.

    Hélas ! En ouvrant les yeux, le matin, les Parisiens furent douloureusement surpris. Un zeppelin, pour de bon, avait survolé Paris et jeté quatorze bombes sur la capitale. Les journaux, par prudence, taisaient le nom du quartier, le populeux Ménilmontant, où le crime s’était accompli, mais le secret fut bientôt celui de Polichinelle et il n’était pas dix heures que Paris montait déjà vers les lieux sinistrés. Autos de maître, taxis de louage, motocyclettes et bicyclettes escaladaient les pentes pittoresques du XXe arrondissement.

    Les soldats du Kaiser avaient frappé des innocents. Ce n’était ni des monuments historiques, ni des bâtiments intéressant la pyrotechnie de la guerre, ni des casernes qui avaient été atteints. Non. C’étaient les demeures ouvrières d’un pauvre coin paisible. Des femmes, des petits enfants, des vieillards, voilà les victimes.

    Si les Allemands, à bout de forces, ont voulu terroriser la population parisienne, ils se sont bien trompés ! Personne n’en a peur. Pas plus les grands que les petits. Et le mot de la situation m’a semblé être donné par une brave ouvrière qui revenait du marché, son filet à la main, et qui disait à sa voisine :

    - Au fond, ce n’est pas un mal. On souffre si peu, nous autres, pendant que nos hommes se battent, qu’on oublierait presque que c’est la guerre.

    Ce premier bombardement fit vingt victimes dont les obsèques furent célébrées le 7 février 1916 en l’église Notre-Dame de la Croix de Ménilmontant. Le cortège, en marche vers le Père Lachaise, s’arrêta devant la mairie du XXe où une estrade avait été dressée. L’oraison funèbre des vingt malheureux fut prononcée par le ministre de l’Intérieur Malvy, qui devait, un an plus tard, sur dénonciation de Clemenceau, être condamné au bannissement pour forfaiture. Il avait protégé les meneurs défaitistes et soutenu une feuille de liaison vendue aux Allemands : “Le Bonnet rouge”.

    Son petit-fils, Martin Malvy, ancien ministre du gouvernement Cresson, est aujourd’hui porte-parole du Parti socialiste…

  • 16 scientifiques : « Pas de panique sur le réchauffement... »

    Nous l'avions relaté en son temps. En septembre Ivar Giaever, Prix Nobel de Physique et figurant il y a quatre ans au nom des "groupies" d'Obama, démissionnait avec fracas de la Société Américaine de Physique dont il était un des membres les plus anciens. Il ne pouvait admettre le communiqué que celle-ci venait de faire paraître disant notamment : « C'est une évidence incontournable : le réchauffement climatique est en cours. Si aucune action décisive n'est entreprise des ruptures catastrophiques des systèmes écologique et physique de la terre, dan la santé et la sécurité humaine, surviendront probablement. Mous devons réduire les émissions de gaz à effet de serre et commencer tout de suite ». Non seulement en dépit de ce que braille le GIECC il n'y a aucun consensus sur ce sujet mais de plus en plus de scientifiques s'inscrivent en contre et dénoncent les manipulations idéologiques qui se déroulent sous le prétexte de ce soi-disant réchauffement créé par les activités humaines. Beaucoup de scientifiques ne vont pas jusqu'à de telles extrémités et adoptent une position plus modérée. Seize d'entre eux, tous de grande renommée même si le média conformiste s'efforce de les dénoncer comme marginaux et dilettantes, ont publié le 27 janvier dans le Wall Street Journal une tribune libre intitulée : « Pas de panique sur le Réchauffement Climatique » niant qu'il puisse y avoir le moindre argument scientifique en faveur d'une décarbonisation de l'économie mondiale. Certes, n'étant pas spécialistes de ces choses nous ne nous prononcerons pas ici sur l'aspect purement scientifique mais nous revendiquons le droit de ne pas être dupes de cette escroquerie des « droits à polluer » qui depuis une dizaine d'années ont fait la fortune d'Al Gore et de quelques autres escrocs et ont permis à des multinationales d'arroser à peu de frais tous les petits malins des pays en voie de développement qui n'ont pas tardé à tirer partie de ce détournement. En voici la liste :
    Claude Allègre. J. Scott Amstrong fondateur de l'International Journal of Fore-casting. Jan Breslow, chef du laboratoire de Biochimie génétique du Rockefeller Center. Roger Cohen, American Physical Society. Edward David, National Academy of Science. William Happer, professeur de physique à Princeton. Michael Kelly, professeur de technologie à Cambridge. William Kinninmonth, ancien directeur de la recherche sur le Climat au Bureau Australien de Météorologie. Richard Lintzen, professeur de science atmosphérique au MIT. James McGrath, professeur de chimie à l'Université Technique de Virginie. Rodney Nichols, ancien président de l'Académie des Sciences de New York. Burt Rutan, ingénieur aérospatial, travailla sur Voyager et SpaceShipOne. Harrison Schmitt, astronaute Appolo 17, ancien sénateur. Nir Shaviv, professeur d'astrophysique à Hebrew University, Jérusalem. Henk Tennekes, ancien directeur du Service Royal de météorologie des Pays-Bas. Antonio Zichichi, président de la fédération Mondiale des Scientifiques, Genève.
    J. R. Rivarol du 3 février 2012

  • Les origines de la société libérale par Jean-Claude Michéa