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culture et histoire - Page 1992

  • Julius Evola - La métaphysique de la Guerre

    Le principe général, auquel il serait possible d’en appeler pour justifier la guerre sur le plan de l’humain, c’est « l’héroïsme ». La guerre – dit-on – offre à l’homme l’occasion de réveiller le héros qui sommeille en lui. Elle casse la routine de la vie commode, et, à travers les épreuves les plus dures, favorise une connaissance transfigurante de la vie en fonction de la mort. L’instant où l’individu doit se comporter en héros, fut-il le dernier de sa vie terrestre, pèse, infiniment plus dans la balance que toute sa vie vécue monotonement dans l’agitation des villes. C’est ce qui compense, en termes spirituels, les aspects négatifs et destructifs de la guerre que le matérialisme pacifiste met, unilatéralement et tendancieusement, en évidence. La guerre, en posant et faisant réaliser la relativité de la vie humaine, en posant et faisant aussi réaliser le droit d’un « plus que la vie », a toujours une valeur anti-matérialiste et spirituelle.
    Ces considérations ont un poids indiscutable et coupent court à tous les bavardages de l’humanitarisme, aux pleurnicheries sentimentales et aux protestations des paladins des « principes immortels » et de l’Internationale des héros de la plume. Cependant, il faut reconnaître que pour bien définir les conditions par quoi la guerre se présente réellement comme un phénomène spirituel, il faut procéder à un examen ultérieur, esquisser une sorte de « phénoménologie de l’expérience guerrière », en distinguer les différentes forme et les hiérarchiser ensuite pour donner tout son relief au point absolu qui servira de référence à l’expérience héroïque.
    Pour cela, il faut rappeler une doctrine qui n’a pas la portée d’une construction philosophique particulière et personnelle, mais qui est à sa manière une donnée de fait positive et objective. Il s’agit de la doctrine de la quadripartition hiérarchique et de l’histoire actuelle comme descente involutive de l’un à l’autre des quatre grades hiérarchiques. La quadripartition, dans toutes les civilisations traditionnelles – ne l’oublions pas – donna naissance à quatre castes distinctes : serfs, bourgeois, aristocratie guerrière et détenteurs de l’autorité spirituelle. Ici, il ne faut pas entendre par caste – comme le font la plupart – une division artificielle et arbitraire, mais le « lieu » qui rassemblait les individus ayant une même nature, un type d’intérêt et de vocation identique, une qualification originelle identique.
    Normalement, une « vérité » est une fonction déterminée définissent chaque caste, et non le contraire. Il ne s’agit donc pas de privilèges et de modes de vie érigés en monopole et basés sur une constitution sociale maintenue plus ou moins artificiellement. Le véritable principe d’où procédèrent ces institutions, sous formes historiques plus ou moins parfaites, est qu’il n’existe pas un mode unique et générique de vivre sa propre vie, mais un mode spirituel, c’est-à-dire de guerrier, de bourgeois, de serf et, quand les fonctions et les répartitions sociales correspondent vraiment à cette articulation, on se trouve – selon l’expression classique – devant une organisation « procédant de la vérité et de la justice ». Cette organisation devient « hiérarchique » quand elle implique une dépendance naturelle – et avec la dépendance, la participation – des modes inférieurs de vie à ceux qui sont supérieurs, étant considérée comme supérieure toute expression ou personnalisation d’un point de vue purement spirituel. Seulement dans ce cas, existent des rapports clairs et normaux de participation et de subordination, comme l’illustre l’analogie offerte par le corps humain: là où il n’y a pas de conditions saines et normales, quand d’aventure l’élément physique ( serfs ) ou la vie végétative ( bourgeoisie ) ou la volonté impulsive et non-contrôlée ( guerriers ) assume la direction ou la décision dans la vie de l’homme, mais quand l’esprit constitue le point central et ultime de référence pour les facultés restantes, auxquelles il n’est pas pour autant dénié une autonomie partielle, une vie propre et un droit afférent dans l’ensemble de l’unité.
    Si l’on ne doit pas génériquement parler de hiérarchie, mais il s’agit de la « véritable » hiérarchie, où celui qui est en haut et qui dirige est réellement supérieur, il faut se référer à des systèmes de civilisation basée sur une élite spirituelle et où le mode de vivre du serf, du bourgeois et du guerrier finit par s’inspirer de ce principe pour la justification suprême des activités où il se manifeste matériellement. Par contre on se trouve dans un état anormal quand le centre se déplace et que le point de référence, n’est plus le principe spirituel, mais celui de la classe servile, ou bourgeoise, ou simplement guerrière. Dans chacun de ces cas, s’il y a également hiérarchie et participation, elle n’est plus naturelle. Elle devient déformante, subversive et finit par excéder les limites, se transformant en un système où la division de la vie, propre à un serf, oriente et compénètre tous les autres éléments de l’ensemble social. Sur le plan politique, ce processus involutif est particulièrement sensible dans l’histoire de l’Occident jusqu’à nos jours. Les Etats de type aristocratico-sacral ont été remplacés par des Etats monarchicoguerriers, largement sécularisés, eux-mêmes supplantés par des Etats reposant sur des oligarchies capitalistes ( caste des bourgeois ou des marchands ) et finalement par des tendances socialistes, collectivistes et prolétaires qui ont trouvé leur épanouissement dans le bolchevisme russe ( caste des serfs ). Ce processus est parallèle au passage d’un type de civilisation à un autre, d’une signification fondamentale de l’existence à une autre, si bien que dans chaque phase particulière de ces concepts, chaque principe, chaque institution prend un sens différent, conforme à la note prédominante.
    C’est également valable pour la « guerre ». Et voici comment nous allons pouvoir aborder positivement la tâche que nous proposions au début de cet essai: spécifier les diverses significations que peuvent assumer le combat et la mort héroïques.
    Ouvrages en français de Julius Evola
    Ouvrages en anglais de Julius Evola

  • Au-delà de l’économisme par Jacques GEORGES

    « L’économie était censée nous affranchir de la nécessité.

    Qui nous affranchira de l’économie ? »

     

    Pascal Bruckner, Misère de la prospérité. La religion marchande et ses ennemis,

    Le Livre de poche, 2004.

     

    « Le marché épouse toutes les mentalités, il ne les crée pas…

    La dimension économique est toujours dérivée. »

     

    Pascal Bruckner, ibidem.

     

    La crise a provoqué chez les plus rétifs à l’économie, qui sont nombreux à droite en France, une prise de conscience et un regain d’intérêt forts et rapides. Agences de notation, titrisation, C.D.S., défaut, déficit commercial, perte de compétitivité, création monétaire, rôle ou non de financeur en dernier ressort des États des banques centrales, avenir de l’euro, monnaie commune contre monnaie unique, séparation des banques de dépôt des banques de financement et tutti quanti font depuis 2008 partie de la panoplie conceptuelle de base de l’honnête homme. On peut s’en féliciter, dans la mesure où il s’agit d’un progrès de la démocratie et de l’appropriation par nos concitoyens de leur destin. Malheureusement, cette irruption soudaine d’informations et d’avis sur un sujet complexe ne va pas sans soubresauts, anomalies et contresens souvent attisés par l’idéologie. C’est aujourd’hui, très typiquement, le cas dans la Droite « de conviction » en France. Le présent article donne de ce phénomène quelques illustrations et esquisse une autre approche.

     

    Une certaine aversion aristocratique, augmentée par l’ignorance, pour la chose économique par les élites traditionnelles de ce pays est une donnée traditionnelle. Elle est loin d’avoir disparu malgré le boom économique des « Trente Glorieuses » (1950 – 1973), les difficultés vénielles des « Trente Piteuses » (1974 – 2008), et la course vers l’abîme des trois dernières années. Dans la Droite de conviction, peuplée surtout de philosophes, de littéraires romantiques, d’avocats ou de fonctionnaires, cette constatation vaut de manière renforcée : on y hésite perpétuellement entre évitement prudent ou dédaigneux, pragmatisme plus ou moins inspiré, et anti-capitalisme primaire prenant parfois un tour d’imprécations post-bibliques, néo-marxistes ou simplement démagogiques. Les sujets abordés sont divers et varient avec les modes : hier, l’incongruité de la Zone euro naissante eu égard à la théorie des « zones monétaires optimales », concept économique pour intellectuels jamais rencontré dans la vie réelle, d’origine américaine, inventé pour affaiblir l’Europe et saboter l’euro dans l’œuf. Aujourd’hui, dénonciation de la calamité qu’aurait été l’interdiction faite aux banques centrales de financer sans intérêts, sans bruit et sans douleurs leurs trésors publics respectifs, ou préconisation magique d’une séparation entre banques de dépôts et banques d’investissement qui nous sauverait de tous nos maux.

     

    Quelques exemples : Éléments pour la civilisation européenne, n° 141 d’octobre – décembre 2011 préconisait sous la signature d’Alain de Benoist le retour à la monnaie commune, sur les décombres bénis de la monnaie unique, une monstruosité bureaucratique inconnue intitulée dédoublement des taux d’intérêt, le retour à une banque centrale aux ordres manipulant discrètement la planche à billets (guillotine des retraités et des faibles), la nationalisation (comme dans l’éponyme Programme commun de la Gauche, mais sans indemnité, comme chez Lénine) des banques et d’autres secteurs-clés de l’économie, et même, couronnement suprême, la création de tribunaux pénaux anti-pillage, comme en 93, au bon temps du Père Duchesne. Bref, on glisse progressivement, presque caricaturalement, du registre de l’indignation, de la dénonciation, à celui de la récrimination, de l’agressivité gaucharde et jacobine, de la révolte des gogos suiveurs qui seraient les premiers arroseurs arrosés.

     

    Autre exemple : le programme du Front National admet comme une évidence que la suppression en 1973 en France, puis dans toute l’Europe par le traité de Maastricht, de l’accès direct des trésors nationaux aux largesses « gratuites » de la Banque centrale, non seulement a eu pour effet de, mais a été conçue pour, mettre les États entre les mains de la Banque Rothschild, de Goldman Sachs et des ignobles marchés et a in fine provoqué le désastre auquel nous sommes aujourd’hui confrontés. Une nouvelle causalité diabolique a surgi. Même si on peut admettre que débat il peut et doit y avoir sur ce point, on retiendra de cette attitude une appétence extraordinaire pour la théorie du complot et un simplisme ravageur, profondément négateur de l’intelligence et des valeurs de Droite.

     

    On pourrait multiplier les exemples. La Droite de conviction, souvent incompétente en économie, tend à s’aligner purement et simplement sur les passions basses et haineuses d’une extrême gauche qui n’est anticapitaliste que par surenchère matérialiste. Un homme de Droite ne saurait s’abaisser à cela.

     

    Je voudrais esquisser ici le tracé d’un chemin plus ambitieux : « Remettre l’économie à sa place ». Le point de départ est le suivant : l’économie est importante et ne saurait certes être ignorée, mais reste du domaine des moyens et non des fins ou du destin. Maximiser ses revenus ne suffit pas à rendre un individu ou un peuple heureux. La marque de l’homme de droite est de ne point chercher le salut dans les basses catégories de la politique ou de l’économie, de préférer la réforme intellectuelle et morale de monsieur Taine à la révolution communiste de monsieur Marx, de chercher à se réformer personnellement en profondeur avant de songer à réformer la société, et de faire revivre dans la société européenne d’aujourd’hui une certaine dose du vieil éloignement aristocratique envers l’argent. Ceci passe, on le voit, par un changement profond d’hommes et de mentalité.

     

    Le bon système n’existe pas dans l’absolu, mais se définit pragmatiquement comme celui qui, issu de l’histoire et de la culture du peuple, assure la dignité matérielle, la cohésion, la puissance et l’avenir à long terme de celui-ci, et accessoirement des individus le composant. Le capitalisme et le marché sont des outils neutres qu’il faut, non détruire, mais maîtriser et mettre au service d’une vision du monde, à condition bien sûr d’en avoir une. Là est la tâche de la Droite de conviction. Une base pragmatique raisonnable dans le cadre d’une telle approche est dans l’Europe d’aujourd’hui ce qu’on peut appeler l’ordo-libéralisme, ou l’économie rhénane des années 70, celle qui a disparu des écrans-radars sous l’offensive du capitalisme anglo-saxon. Dans le cadre d’une telle approche, il s’agit moins de détruire le système que de le réglementer sans démagogie et sans faiblesse, essentiellement à l’échelon européen. Cet effort est en cours : mise en place prudente des nouvelles règles prudentielles de « Bâle 3 » ou de « Solvency 2 », réglementation sévère des C.D.S. « en blanc » et des hedge funds, limitation des paradis fiscaux, séparation ou distinction plus nette des banques de dépôt et des banques d’investissement, étude et mise en place concertée d’une « taxe Tobin » sur les mouvements de capitaux, etc.

     

    Mais l’essentiel n’est pas là : il s’agit surtout d’instiller dans la société un petit nombre de valeurs, règles et attitudes individuelles et collectives qui dépassent, surplombent, conditionnent et si nécessaire limitent le champ économique.

     

    Exemple : l’introduction, contre toutes les règles de la bien-pensance droits-de-l’hommiste, d’une préférence européenne systématique en matière d’emploi, d’accès aux services publics et de prestations sociales aurait probablement des effets plus radicaux que bien des réformes « anti-capitalistes » pompeusement conçues dans les milieux intellectuels de gauche.

     

    Allons plus loin : l’introduction non de la morale, mais de l’honneur comme valeur et norme dans le champ économique et social serait une révolution autrement plus ambitieuse et profonde que toutes les révolutions néo-marxistes du monde, qui ne sont in fine que juridiques, toujours vaines et contre-productives. Vaste programme, direz-vous. Certes. Mais la crise qui ne fait que commencer peut provoquer à terme de très profonds changements, revirements et reclassements, elle peut remettre l’Europe sur les rails de sa très longue histoire. Une vision haute de la vie ne fut pas seulement l’apanage des sociétés holistes de l’Antiquité européenne, des Croisades et de l’Ancien Régime, mais aussi celle d’au moins une large fraction de l’Europe de la Guerre de Trente Ans (1914 – 1945), peuplée d’hommes volontaires, agissant en totale contradiction avec leurs intérêts et au péril de leur vie, mobilisés avec enthousiasme et force qui pour Dieu, qui pour la Patrie, qui pour le Peuple, qui pour le Destin. Cette mentalité héroïque reste en nous, même si elle est en dormition, selon le mot de Dominique Venner. Elle constitue un potentiel sacré pour l’avenir. C’est la mission de la Droite que de l’entretenir pour servir demain.

     

    Dans un autre article, nous développerons cette approche en nous aidant de trois livres importants publiés ces dernières années :

     

    • Le premier est un livre du professeur Paul H. Dembinski, animateur de l’« Observatoire de la Finance » de l’Université de Fribourg en Suisse, intitulé Finance servante ou finance trompeuse ?. Ce livre publié en 2008, au tout début de la crise des subprimes, fait une critique dépassionnée, profonde, impitoyable et documentée des dérives du capitalisme financier. Ce livre d’universitaire sans esbroufe vise non à dénoncer paresseusement le capitalisme, mais à remédier en profondeur aux défauts et tares du système, dans un esprit de réformisme inspiré et moral.

     

    • Le second est un petit livre essentiel de Pascal Bruckner, un homme réputé « de gauche » dont l’approche est décapante et haute. L’auteur est celui du Sanglot de l’homme blanc et du récent Fanatisme de l’Apocalypse – Sauver la Terre, punir l’Homme, qui est une charge brillante et pertinente contre une certaine pensée écologique. Le livre auquel je me réfère en l’espèce est intitulé Misère de la prospérité. La religion marchande et ses ennemis (Livre de poche, 2004). Ce livre décapant ne propose aucune solution, mais appelle un chat un chat, dénonce les révolutionnaires de papier, et donc indirectement la « droite de gauche », et appelle à un dépassement par le haut de l’économisme.

     

    • Le troisième est le dernier livre d’Alain de Benoist intitulé Au bord du gouffre. La faillite annoncée du système de l’argent. Celui-ci replace le système dans la longue durée et nous réapprend les voies d’une distance aristocratique.

     

    Jacques Georges http://www.europemaxima.com

     

    • D’abord mis en ligne le 7 février 2012 sur Novopress – France.

  • Le concept de pause stratégique : l’exemple allemand (1918-1939)

    Fiche au chef d’état-major des armées, juillet 2008
    A la suite du traité de Versailles, l’Allemagne ne dispose plus que de forces armées réduites à leur plus simple expression. La Reichswehr ne doit pas dépasser 100 000 hommes, tous professionnels, et les matériels lourds, jusqu’aux mitrailleuses sur trépieds, lui sont interdits. Toute l’aéronautique a été livrée ou détruite et il est interdit de la reconstituer. La Reichsmarine ne doit pas dépasser 15 000 marins pour servir une flotte dont le tonnage total ne peut pas dépasser 100 000 tonnes, avec des restrictions très précises sur chaque type de navire. Sous-marins et porte-avions sont interdits. Pourtant, à peine plus de vingt ans plus tard, l’Allemagne est parvenue à conquérir la majeure partie de l’Europe continentale.
    Le secret de cette spectaculaire remontée en puissance est à chercher en premier lieu dans la manière dont l’état-major général allemand, avec le général Hans von Seeckt à sa tête (qui cumule les fonctions de CEMA et de ministre de la guerre), est parvenu à placer la Reichswher et la Reichsmarine en situation de « seuil stratégique », c’est-à-dire en capacité de passer en quelques années d’une situation d’extrême faiblesse à celle de première organisation militaire du continent.
    La préservation des savoir-faire militaires
    Le premier axe d’effort a consisté à transformer cette petite armée en armée de cadres. Les engagés sont particulièrement bien choisis (avec un taux de sélection de 10 pour 1) et formés pour non seulement maîtriser leur fonction mais aussi celle des deux échelons supérieurs. Cette armée d’active est en contact étroit avec les organisations paramilitaires (la « Reichswehr noire »), comme les « Casques d’acier », et les aide discrètement à dispenser une formation militaire à leurs membres.
    L’état-major général a également des accords avec la société de transport aérien Lufthansa pour la formation de pilotes et favorise la création d’écoles civiles de pilotage. Les écoles de vol à voile, sport aérien autorisé, se multiplient et la plus grande d’entre elles, la Deutscher Luftsportverband, compte 50 000 membres  en 1930.
    La préservation des compétences industrielles
    Interdites sur le sol allemand, les recherches se développent clandestinement à l’étranger. Des accords secrets sont passés avec l’URSS et des ingénieurs allemands travaillent en collaboration avec les Soviétiques en particulier au camp de Kama, près de Kazan. Entre 1926 et 1932, plusieurs firmes allemandes créent ainsi des prototypes de chars d'assaut baptisés de noms anodins (Grosstraktor et Leichte traktor) et testés sur le sol russe. Des avions sont conçus à Lipetsk, qui sert également de base d’entraînement à de nombreux pilotes et des prototypes de sous-marins sont construits en Espagne, Finlande et Pays-Bas. On s’efforce également de concevoir des équipements « duaux », c’est-à-dire à usage civil au départ mais facilement convertibles pour un usage militaire. C’est le cas du Junkers 52, qui forme les trois quarts de la flotte de la Lufthansa au début des années trente.
    Une troisième possibilité consiste à développer des matériels très performants, tout en respectant les termes du traité de Versailles. C’est le cas des excellentes mitrailleuses légères MG-34 mais surtout des nouveaux bâtiments de la Reichsmarine. Celle-ci fait construire des croiseurs légers à capacité océanique et trois cuirassés dits « de poche » (Deutschland, Admiral Scheer, Admiral Graf Spee) qui respectent (plus ou moins) le tonnage imposé par le traité tout en disposant d’un armement redoutable (6 pièces de 280 mm) et d’une vitesse remarquable.
    Une dernière voie explore des matériels complètement inédits et échappant de ce fait au traité de Versailles. En 1929 est créé le Bureau des engins balistiques spéciaux, confié au capitaine Walter Dornberger, futur directeur de Peenemünde et qui, en 1932, engage un jeune chercheur civil : Wernher von Braun.
    Un laboratoire tactique
    Le troisième axe d’effort pour atteindre la position de « seuil » est la réflexion doctrinale. Pour cela, la Reichswher reprend à son compte l’esprit de l’armée prussienne de Moltke en recréant une structure de science expérimentale. La Première Guerre mondiale est scrupuleusement analysée et il est décidé d’organiser la nouvelle armée sur le modèle des divisions d’assaut de 1918, en leur adjoignant moteurs et moyens de transmission.
    La Reichswehr devient le laboratoire de cette guerre mobile que l’on prône. La cavalerie forme un tiers des  troupes et le reste est doté de bicyclettes, motocyclettes ou, mieux encore, de camions et d’automitrailleuses. Les chars, interdits, sont simulés par les tankattrappen, voitures bâchées de bois et de tissus dont se gaussent les observateurs étrangers.
    La Reichswehr multiplie les exercices les plus réalistes possibles en Russie ou en Allemagne et les exploite comme de véritables expériences scientifiques. Cet esprit expérimental rigoureux est conservé pendant la période hitlérienne avec l’engagement de la Légion condor en Espagne, l’occupation de l’Autriche puis des Sudètes. Chaque opération est toujours suivie d’une étude précise et de corrections. Pendant la drôle de guerre encore, les Allemands s’entraînent durement à partir des enseignements de la campagne de Pologne alors que les Français, qui ont eu pourtant des éléments précis sur les combats, ne font rien ou presque.
    Le réarmement
    Tout ce travail préalable permet à Hitler de dénoncer en 1933 le traité de Versailles et de réarmer massivement, sans réaction militaire de la France et du Royaume-Uni. Hitler fait également voter des lois qui réorganisent l’économie et qui facilitent la reconversion d’une partie de l’industrie allemande dans l’armement. Ce réarmement est aidé par les sociétés Ford et General Motors qui investissent massivement en Allemagne et assurent la majeure partie de la construction de camions militaires et de half-tracks. A la fin de 1938, les Allemands prennent également le contrôle de la filière tchèque de production de chars.
    En 1935, prenant prétexte de l’allongement de la durée de la conscription en France (pour des raisons démographiques), la Reichswehr est dissoute et le service militaire est rétabli. La Luftwaffe est recréée. Une armée de terre de 12 corps d’armée et 36 divisions est mise sur pied. La construction de croiseurs de 26 000 tonnes et de sous-marins est lancée dans le cadre du plan Z. En 1935, un premier sous-marin sort des chantiers navals tandis que la 1ère Panzerdivision fait son apparition. En mars 1936, la Rhénanie démilitarisée est réoccupée sans réaction française autre que verbale. En 1938 au moment de la crise des Sudètes, cinq ans à peine après le début du réarmement, les experts français estiment que le rapport de forces est désormais nettement en faveur des Allemands.
    Les combats de 1939 et 1940 semblent leur donner raison mais pour les Allemands la guerre a commencé trop tôt. Hitler estimait être prêt militairement pour 1942, soit neuf ans après le début du réarmement, et le conflit s’engage alors que les Allemands ont encore des lacunes dans les domaines qui demandent des investissements à long terme comme la flotte océanique ou les bombardiers à long rayon d’action.
    Enseignements
    Par principe, une France placée en situation de « pause » ne pourra réarmer qu’en réaction à une menace et donc avec retard. L’URSS réarme la première en 1928, puis, par « effet domino », l’Allemagne en 1933, la France en 1936, le Royaume-Uni en 1937-38 et les Etats-Unis en 1939-40. Les dictatures (et a priori on voit mal la France s’engager contre un Etat démocratique moderne) ont de plus l’avantage de ne pas avoir à tenir compte de leur opinion publique. Elles peuvent donc réarmer plus facilement et plus massivement. Ce décalage initial peut d’ailleurs inciter la puissance menaçante à agir au plus vite, d’autant plus que, là encore, il lui est plus facile d’initier un conflit que pour une démocratie.
    Inversement, le temps de combler le retard, la France et ses alliés, si elles n’ont pas pris soin de conserver une force d’intervention, même réduite, sont condamnés à une posture défensive le temps de combler leur retard. C’est tout le sens de la stratégie attentiste française de 1939 qui n’aurait pas eu de raison d’être si on avait disposé de la force blindée professionnelle que proposait le colonel de Gaulle en 1934. Ce fer de lance aurait également pu servir de référence à une armée française qui n’a pas su conserver ses compétences de guerre.
    Cet exemple montre en effet l’importance du choix de modèle d’armée qui est fait dans une posture d’attente. Après 1918, les Allemands ont transformé leur armée en école militaire, les Britanniques en ont fait une police impériale et les Français un cadre de mobilisation. Les premiers ont été, et de loin, les mieux préparés à la guerre mondiale face à des Britanniques absorbés par les missions extérieures et des Français englués par les tâches administratives.
    Pour ne pas laisser l’initiative industrielle à un adversaire potentiel, il est indispensable de pouvoir réarmer en un temps très bref, ce qui interdit bien sûr toute improvisation mais impose aussi d’innover. Le réarmement américain pendant la Seconde Guerre mondiale, fondé sur des méthodes modernes de management, est à cet égard un modèle surtout si on le compare à l’inertie du « complexe militaro-industriel » français des années 1930.
    L’exemple allemand témoigne aussi de la nécessité de ne pas couper la petite armée d’active du reste de la société (ce qui est en partie le cas des Britanniques) mais au contraire de tisser une multitude de liens qui seront, le jour venu, autant de sources de régénération.
    Cette politique de long terme, faite d’un suivi rigoureux et d’un cap maintenu fermement, impose une certaine longévité à leurs postes des responsables militaires, surtout si l’environnement politique et économique est instable.
    Les exemples allemands et soviétiques (mais aussi celui du Corps des marines américains à la même  période) prouvent qu’il est possible voire facile d’imaginer des concepts doctrinaux originaux lorsque son armée n’est plus équipée. Inversement, si les démocraties occidentales disposent encore d’un capital matériel hérité de la Grande guerre, celui-ci arrive a obsolescence à la fin des années 1930, tout en ayant, par sa simple existence, fortement orienté jusque là la doctrine. Il faut néanmoins rappeler que cette liberté de pensée doctrinale soviétique et surtout allemande a été payée d’une grande vulnérabilité pendant de longues années. Il y a donc un arbitrage à faire entre liberté et vulnérabilité.

    Outre qu’elle dispose par principe de l’initiative du réarmement, la puissance menaçante, si elle conduite par un régime autoritaire, peut également, et plus facilement qu’en démocratie, imposer des concepts novateurs à un corps militaire par essence plutôt conservateur. C’est le cas de l’Etat nazi qui accélère le développement des corps blindés, des parachutistes, de l’appui air-sol, etc. C’est un nouvel handicap à anticiper pour une démocratie « en réaction ».

    http://lavoiedelepee.blogspot.fr/

  • Quand la Patrie est trahie par la république – par Jean Raspail

    J’ai tourné autour de ce thème comme un maître-chien mis en présence d’un colis piégé. Difficile de l’aborder de front sans qu’il vous explose à la figure. Il y a péril de mort civile. C’est pourtant l’interrogation capitale. J’ai hésité.
    D’autant plus qu’en 1973, en publiant « Le Camp des saints », j’ai déjà à peu près tout dit là-dessus. Je n’ai pas grand-chose à ajouter, sinon que je crois que les carottes sont cuites. Car je suis persuadé que notre destin de Français est scellé, parce qu’« ils sont chez eux chez moi » (Mitterrand), au sein d’une « Europe dont les racines sont autant musulmanes que chrétiennes » (Chirac), parce que la situation est irréversible jusqu’au basculement définitif des années 2050 qui verra les « Français de souche » se compter seulement la moitié - la plus âgée - de la population du pays, le reste étant composé d’Africains, Maghrébins ou Noirs et d’Asiatiques de toutes provenances issus du réservoir inépuisable du tiers monde, avec forte dominante de l’islam, djihadistes et fondamentalistes compris, cette danse-là ne faisant que commencer.
    TOUTE L’EUROPE MARCHE À LA MORT
    La France n’est pas seule concernée. Toute l’Europe marche à la mort. Les avertissements ne manquent pas - rapport de l’ONU (qui s’en réjouit), travaux incontournables de Jean-Claude Chesnais et Jacques Dupâquier, notamment -, mais ils sont systématiquement occultés et l’Ined pousse à la désinformation. Le silence quasi sépulcral des médias, des gouvernements et des institutions communautaires sur le krach démographique de l’Europe des Quinze est l’un des phénomènes les plus sidérants de notre époque.
    Quand il y a une naissance dans ma famille ou chez mes amis, je ne puis regarder ce bébé de chez nous sans songer à ce qui se prépare pour lui dans l’incurie des « gouvernances » et qu’il lui faudra affronter dans son âge d’homme. Sans compter que les « Français de souche », matraqués par le tam-tam lancinant des droits de l’homme, de « l’accueil à l’autre », du « partage » cher à nos évêques, etc., encadrés par tout un arsenal répressif de lois dites « antiracistes », conditionnés dès la petite enfance au « métissage » culturel et comportemental, aux impératifs de la « France plurielle » et à toutes les dérives de l’antique charité chrétienne, n’auront plus d’autre ressource que de baisser les bras et de se fondre sans moufter dans le nouveau moule « citoyen » du Français de 2050.
    LA PREMIÈRE HYPOTHÈSE : LES ISOLATS RÉSISTANTS
    Ne désespérons tout de même pas. Assurément, il subsistera ce qu’on appelle en ethnologie des isolats, de puissantes minorités, peut-être une quinzaine de millions de Français - et pas nécessairement tous de race blanche - qui parleront encore notre langue dans son intégrité à peu près sauvée et s’obstineront à rester imprégnés de notre culture et de notre histoire telles qu’elles nous ont été transmises de génération en génération.
    Cela ne leur sera pas facile.
    Face aux différentes « communautés » qu’on voit se former dès aujourd’hui sur les ruines de l’intégration (ou plutôt sur son inversion progressive : c’est nous qu’on intègre à « l’autre », à présent, et plus le contraire) et qui en 2050 seront définitivement et sans doute institutionnellement installées, il s’agira en quelque sorte - je cherche un terme approprié - d’une communauté de la pérennité française.
    Celle-ci s’appuiera sur ses familles, sa natalité, son endogamie de survie, ses écoles, ses réseaux parallèles de solidarité, peut-être même ses zones géographiques, ses portions de territoire, ses quartiers, voire ses places de sûreté et, pourquoi pas, sa foi chrétienne, et catholique avec un peu de chance si ce ciment-là tient encore.
    Cela ne plaira pas.
    Le clash surviendra un moment ou l’autre. Quelque chose comme l’élimination des koulaks par des moyens légaux appropriés.
    Et ensuite ?
    Ensuite la France ne sera plus peuplée, toutes origines confondues, que par des bernard-l’ermite qui vivront dans des coquilles abandonnées par les représentants d’une espèce à jamais disparue qui s’appelait l’espèce française et n’annonçait en rien, par on ne sait quelle métamorphose génétique, celle qui dans la seconde moitié de ce siècle se sera affublée de ce nom.
    Ce processus est déjà amorcé.
    LA SECONDE HYPOTHÈSE : LA « RECONQUISTA »
    Il existe une seconde hypothèse que je ne saurais formuler autrement qu’en privé et qui nécessiterait auparavant que je consultasse mon avocat, c’est que les derniers isolats résistent jusqu’à s’engager dans une sorte de « Reconquista » (lire «De la Reconquête Française» - de Marc Noé) sans doute différente de l’espagnole mais s’inspirant des mêmes motifs. Il y aurait un roman périlleux à écrire là-dessus.
    Ce n’est pas moi qui m’en chargerai, j’ai déjà donné.
    Son auteur n’est probablement pas encore né, mais ce livre verra le jour à point nommé, j’en suis sûr.
    Ce que je ne parviens pas à comprendre et qui me plonge dans un abîme de perplexité navrée, c’est pourquoi et comment tant de Français avertis et tant d’hommes politiques français concourent sciemment, méthodiquement, je n’ose dire cyniquement, à l’immolation d’une certaine France (évitons le qualificatif d’«éternelle» qui révulse les belles consciences) sur l’autel de l’humanisme utopique exacerbé.
    Je me pose la même question à propos de toutes ces associations omniprésentes de droits à ceci, de droits à cela, et toutes ces ligues, ces sociétés de pensée, ces officines subventionnées, ces réseaux de manipulateurs infiltrés dans tous les rouages de l’État (éducation, magistrature, partis politiques, syndicats, etc.), ces pétitionnaires innombrables, ces médias correctement consensuels et tous ces « intelligents » qui jour après jour et impunément inoculent leur substance anesthésiante dans l’organisme encore sain de la nation française.
    LES RENÉGATS DE LA FRANCE
    Même si je peux, à la limite, les créditer d’une part de sincérité, il m’arrive d’avoir de la peine à admettre que ce sont mes compatriotes. Je sens poindre le mot « renégat », mais il y a une autre explication : ils confondent la France avec la République.
    Les « valeurs républicaines » se déclinent à l’infini, on le sait jusqu’à la satiété, mais sans jamais de référence à la France. Or la France est d’abord une patrie charnelle. En revanche, la République, qui n’est qu’une forme de gouvernement, est synonyme pour eux d’idéologie, idéologie avec un grand « I », l’idéologie majeure.
    Il me semble, en quelque sorte, qu’ils trahissent la première pour la seconde. Parmi le flot de références que j’accumule en épais dossiers à l’appui de ce bilan, en voici une qui sous des dehors bon enfant éclaire bien l’étendue des dégâts. Elle est extraite d’un discours de Laurent Fabius au congrès socialiste de Dijon, le 17 mai 2003 : « Quand la Marianne de nos mairies prendra le beau visage d’une jeune Française issue de l’immigration, ce jour-là la France aura franchi un pas en faisant vivre pleinement les valeurs de la République. »
    Puisque nous en sommes aux citations, en voici deux, pour conclure: « Aucun nombre de bombes atomiques ne pourra endiguer le raz de marée constitué par les millions d’êtres humains qui partiront un jour de la partie méridionale et pauvre du monde, pour faire irruption dans les espaces relativement ouverts du riche hémisphère septentrional, en quête de survie. » (Président Boumediene, mars 1974.)

    Et celle-là, tirée du XXe chant de l’Apocalypse : « Le temps des mille ans s’achève. Voilà que sortent les nations qui sont aux quatre coins de la terre et qui égalent en nombre le sable de la mer. Elles partiront en expédition sur la surface de la terre, elles investiront le camp des saints et la ville bien-aimée. »

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  • Arthur Koestler : Une orgueilleuse et lucide solitude

    Ils ne sont pas tellement nombreux les écrivains qui auront marqué notre siècle, à la fois acteurs et témoins. Puis, le moment venu, observateurs et philosophes. Dans leur grande recherche de l'absolu, leur hantise fut, selon la formule de Drieu La Rochelle, d'unir le rêve et l'action.
    Arthur Koestler sut rester lui-même, tout en scindant sa vie en deux attitudes complémentaires : l'activisme d'abord et la réflexion ensuite. Agitateur politique dans sa jeunesse, il devait tenter par la suite une approche scientifique des secrets de la condition humaine.
    Il fut étroitement mêlé à quelques-unes des grandes querelles de notre temps, engagé comme peu le furent dans le sionisme, le communisme, la guerre d'Espagne et la brutale rupture avec le stalinisme dès 1940.
    Grâce à lui, personne ne pouvait ignorer, dès le lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l'intrinsèque perversité du régime bolchevique. Et il aura fallu un demi-siècle pour que les bonnes consciences soviétophiles osent dire : « On ne pouvait pas savoir ce qui se passait en URSS ! »
    Le plus célèbre de ses romans, Le zéro et l'infini avait pourtant été vendu en France à plus d'un million d'exemplaires et traduit en une trentaine de langues étrangères.
    Un esprit d'une si totale, liberté et d'une si grande exigence dérangeait tous les conformismes politiques et religieux. Cet ancien agitateur marxiste devait même rejoindre le comité de patronage de la revue Nouvelle Ecole. Quel itinéraire !

    Quand on évoque Arthur Koestler, il est révélateur de se reporter au fort haineux portrait qu'en trace Simone de Beauvoir dans Les Mandarins :
    « Ce visage triangulaire aux pommettes saillantes, aux yeux vifs et durs, à la bouche mince et presque féminine, ce n'était pas un visage français ; l'URSS était pour lui un pays ennemi, il n'aimait pas l'Amérique : pas un endroit sur terre où il se sentit chez lui. »
    Enfant unique, il naît à Budapest le 5 septembre 1905, fils de deux émigrés juifs, l'un russe et l'autre tchèque : Henri Köstler et Adela Jeiteles, qui se fait appeler Hitzig.
    Plus tard devenu écrivain, Arthur transformera son nom patronymique de Köstler en Koestler, car sa machine à écrire ne possède pas de tréma.
    La famille multiplie les allers et retours entre la Hongrie et l'Autriche pendant la Grande Guerre, avant de s'installer définitivement à Vienne. A dix-sept ans, Arthur entame des études d'ingénieur à l'école polytechnique. Mais il est aussi - et d'abord - préoccupé de politique. Encore étudiant, il rejoint les activistes sionistes de Jabotinski, que certains considèrent comme des « fascistes juifs » et qui donneront naissance à des formations de combat : Betar, Irgoun ou groupe Stern. Abandonnant ses études, Arthur part pour la Palestine à vingt et un ans, en 1926. Il ne restera guère dans le kibboutz qui l'accueille.
    Secrétaire général du mouvement international révisionniste (sionistes d'extrême droite), il devient aussi chroniqueur scientifique, ce qui le conduira à survoler le Pôle en dirigeable.
    Il adhère au parti communiste allemand et part en URSS en 1932 comme recrue de la section "Agit-Prop" du Komintern, devenant sous le nom d'Ivan Steinberg, un des hommes de l'appareil international clandestin.
    Il se partage ensuite entre Paris et Berlin, tour à tour dandy et clochard, espion et journaliste et aussi romancier qui se lance dans une grande fresque historique sur la révolte des esclaves de l'Antiquité romaine : Spartacus.
    La guerre d'Espagne le verra correspondant de presse dans les deux camps, puis jeté en prison par les franquistes après la prise de Malaga, tout en devenant suspect aux staliniens pour ses sympathies envers les anarchistes et les trotskystes.
    Finalement libéré après avoir vu la mort de très près, il tire de son expérience tragique un récit impressionnant : Testament espagnol. Il choisit désormais de s'exprimer en anglais plutôt qu'en allemand.
    Les procès de Moscou achèvent de le détourner du stalinisme et il commence à écrire, dès la fin de l'année 1938, ce qui va devenir son grand livre de rupture avec le communisme.
    Koestler n'est pas au bout des péripéties de sa vie aventureuse : un séjour dans le camp de concentration du Vernet où se retrouvent en 1939 les suspects de toutes les nationalités (La lie de la terre), un bref engagement dans la Légion étrangère en 1940, la fuite en Angleterre par Lisbonne, le volontariat dans les unités de pionniers chargés de la Défense passive pendant le "blitz" et enfin un poste officiel de propagandiste au ministère britannique de l'Information.
    Paru outre-Manche au début de l'année 1941 (avant que l'URSS ne devienne la grande alliée de la « croisade des démocraties ») Le zéro et l'infini est publié en France, chez Calmann-Lévy, en 1945.
    C'est l'histoire d'un vieux et célèbre militant bolchevique de la vieille garde de Lénine, Roubachof, qui est jeté en prison parce qu'il n'est plus « dans la ligne » et finit, après trois terribles interrogatoires, par avouer publiquement sa trahison et les crimes divers qu'il n'a pas commis.
    Le scandale est à la hauteur du succès : considérable. Ce n'était certes alors pas la mode de s'en prendre à la glorieuse Union soviétique, grande puissance victorieuse et codominatrice de l'Europe depuis les accords de Yalta.
    Arthur Koestler va être traité de tous les noms par les communistes et par leurs compagnons de route : « mouchard »,« agent des trusts », « Judas » et bien entendu « vipère lubrique »...
    Après le communisme, il lui reste à régler ses comptes avec le sionisme. Certes, La tour d'Ezra est une apologie du nouvel Etat d'Israël. Mais, devenu citoyen britannique en 1948, Koestler estime désormais qu'il n'y a pour les Juifs du monde entier que deux attitudes possibles : ou le départ pour la Terre Promise ou l'assimilation totale. Il renie toute double fidélité. Ce qui conduira la presse communautaire à lui reprocher d'incarner désormais : « la conscience juive au degré zéro ».
    Le Koestler militant est mort ; le Koestler romancier engagé aussi. Il surgit désormais un autre Koestler qui, pendant une trentaine d'années, va multiplier les écrits philosophiques et scientifiques.
    Il déplore dans Les somnambules en 1959, le divorce entre la science et la spiritualité. Il se passionne pour la microphysique ou la neuropsychologie, s'engage contre « le réductionniste », récuse ; en termes définitifs, ses plus célèbres coreligionnaires, à qui il reproche leur « dialectique talmudique »: « Marx, Lorelei à grande barbe, posté sur les récifs d'Utopie pour attirer le voyageur ; Freud, qui réduit les aspirations spirituelles à ses sécrétions sexuelles ; et Einstein, vénéré dans l'ardent espoir que la Science va répondre à toutes les questions, expliquer les fins dernières et le sens de la vie. »
    Et il conclut : « Après leur crépuscule, [ces divinités] ont laissé un vide immense. »
    Homme de contradictions et par conséquent de dialogue, il devient un vieux sage, une sorte d'oracle qui aime avoir, selon l'expression de sa troisième femme, qui se suicidera avec lui le 1er mars 1983, « la tête dans les nuages avec les pieds solidement placés sur terre ».
    Alain de Benoist, dont il patronna la revue Nouvelle Ecole et qui venait souvent le visiter à Londres, le qualifie d'un mot : « Un homme supérieur. »
    J.M. National Hebdo du 24 au 30 décembre 1998

  • Pour le roi de Prusse

    Matrice de l'Allemagne moderne, responsable de deux guerres mondiales et des atrocités du IIIe Reich, la Prusse fut éliminée de la carte par les vainqueurs en 1945.
    Il s'est avéré plus difficile de l'effacer des mémoires.
    To u t c o m m e n c e a u XIIIe siècle, quand les chevaliers teutoniques partent évangéliser le glaive au poing le monde balte, dernier territoire européen ancré dans le paganisme. Cette zone entre Vistule et Niémen, on l'appelle Porussen, "à côté des Russes", mot qui donnera leur nom à la Poméranie et à la Prusse. Les Teutoniques la germanisent en y attirant des colons venus d'Allemagne.
    Conflits en germe
    Les conflits de l'avenir sont en germe dans la projection de cette enclave allemande en pays slave. Au début de la Réforme, le grand maître teutonique, Albert de Hohenzollern, converti au protestantisme, obtient du roi de Pologne, contre serment de vassalité, le titre de duc de Prusse. Titre qui passe, en 1603, à son cousin, le Margrave de Brandebourg. Désormais, les Hohenzollern, maîtres de domaines sans continuité territoriale, travailleront à les réunir, et s'en donneront les moyens en renforçant de génération en génération leur puissance militaire, économique et diplomatique, jusqu'à s'ériger en souverains en 1701 et s'imposer en État dominant. Jean-Paul Bled, l'un des meilleurs spécialistes français de l'histoire germanique, après avoir consacré de nombreux ouvrages à l'Autriche et aux Habsbourg, s'intéresse au rival prussien dont les efforts sapèrent peu à peu le vieil empire catholique. Son Histoire de la Prusse constitue une synthèse didactique claire, intelligente, argumentée, documentée, jamais lassante ni ennuyeuse, qui va à l'essentiel sans perdre le lecteur dans le dédale des intrigues, querelles et conflits. D'une extrême honnêteté intellectuelle, ce travail qui n'ignore pas les aspects culturels, sociaux, économiques, religieux, met en évidence la continuité d'une oeuvre, d'une pensée, d'une volonté, exercées à travers des personnalités contrastées mais toutes habitées d'un même amour et d'un même sens de la grandeur de leur pays. Cela ne rend pas les Hohenzollern plus aimables, mais il faut admettre qu'ils donnèrent pendant près de cinq siècles une extraordinaire démonstration des bienfaits de la monarchie et de la continuité dynastique. Maurras avait raison de vouloir le roi chez nous et la république chez les autres...
    Comparer ce livre à l'Histoire de la Prusse de l'Australien Christopher Clark est révélateur du fossé séparant historiographies européenne et anglo-saxonne. Clark peut avoir vécu en Allemagne, s'y être marié, enseigner à Cambridge, il n'en reste pas moins foncièrement étranger à l'univers dont il se fait censeur et juge plutôt qu'analyste. Les lectures, les connaissances emmagasinées n'y changent rien : ces monarchies, ces racines catholiques, ces usages, ces façons d'être et d'agir, ces codes d'honneur d'un autre temps lui échappent. Il ne cherche pas à les comprendre et les condamne en bloc comme aux antipodes du modèle démocratique et libéral en vigueur. Étrange démarche historique mais qui a les faveurs d'un public, surtout américain, rassuré dans son sentiment de supériorité.
    Un État artificiel
    Que la Prusse, État artificiel sans frontières naturelles, soit le lent et patient produit d'une famille royale échappe à Clark. C'est pourquoi son Histoire donne une sensation de désordre. Ayant choisi de se centrer sur le Brandebourg, au détriment de la Prusse orientale, il se condamne, et condamne son lecteur, à ne pas saisir grand-chose aux événements. Les électeurs, rois, princes, hommes politiques, il les exécute d'une sentence lapidaire, facile à retenir, d'une épithète en général peu flatteuse, « ivrogne, demeuré »... Ce qui l'attire, ce sont les groupes, les idées, les mouvements de foule, les changements économiques. Cela donne quelques chapitres intéressants sur le piétisme, la bureaucratie, l'antisémitisme, perdus dans une somme aussi gigantesque qu'incohérente et prétentieuse. Ses à-peu-près caricaturaux s'agissant de la France, chaque fois qu'il faut parler de ses rapports avec la Prusse, inquiètent quant au sérieux de l'ensemble. C'est ainsi que l'on voit « la vieille Europe » depuis Sydney ou Washington, et cela explique bien des choses... Pour ne pas figer Frédéric-Guillaume Ier en maniaque de l'armée, Frédéric II en homosexuel, les autres à l'avenant, vous vous référerez à l'étude serrée de Henry Bogdan, Les Hohenzollern, la dynastie qui a fait l'Allemagne. Elle suit, branche par branche, l'étonnant parcours de ces hobereaux de la Souabe dont la fidélité avait plu aux Hohenstaufen qui leur confièrent des postes de burgraves ; ce marchepied les mena, relativement vite, à fonder des maisons souveraines. Ici, l'histoire de la Prusse se lit à travers eux, unique façon de faire. Loin des clichés, ils apparaissent ouverts au progrès, aux arts, aux Lettres et passablement éloignés de la brute épaisse.
    Grâce à Voltaire qui, après leur brouille, lui tailla cependant des croupières, Frédéric II reste le mieux connu et le moins honni des souverains prussiens. Ce francophile enragé fut pourtant le premier à nous chercher noise, à cause du renversement d'alliances qui aligna la France au côté de l'Autriche à l'heure où la Prusse comptait sur la faiblesse de la jeune impératrice Marie-Thérèse pour s'imposer. Cela nous valut l'humiliante défaite de Rossbach. Et à Frédéric, qui avait pris des risques insensés, et failli tout perdre, son surnom de Grand. Jean-Paul Bled lui consacre une belle biographie, sensible et profonde, qui débarrasse le personnage des légendes tenaces et resitue la terrible querelle qui l'opposa à son père, "le roi soldat", dans sa véritable dimension : celle des angoisses d'un souverain redoutant de laisser son royaume aux mains d'un successeur qui ne saurait pas faire fructifier les efforts ancestraux. Il se trompait : pour être d'un tempérament différent et user d'autres méthodes, Frédéric n'en continua pas moins l'oeuvre familiale et l'amena à maturité. Le "vieux Fritz" meurt en 1786. Vingt ans plus tard, Iéna semble sonner le glas d'une Prusse sortie mal à propos de la neutralité qu'elle observait vis-à-vis de la France révolutionnaire depuis 1795.
    Une figure à part
    Louise de Mecklembourg-Strelitz est une figure à part, seule femme à émerger d'une dynastie guerrière. Mariée à dix-sept ans au futur Frédéric-Guillaume III, désespérément velléitaire, elle cherche à lui faire partager son horreur du phénomène révolutionnaire, n'y parvient pas, le regarde, impuissante, prendre à contre-courant les décisions engageant l'avenir du royaume. La défaite laisse la Prusse anéantie, ses souverains réfugiés près d'Alexandre Ier ; l'amitié amoureuse qui lie le Tsar à la reine, sentiment platonique que la presse française exploite honteusement pour discréditer Louise, n'empêche pas la Russie de sacrifier les intérêts prussiens à Tilsitt. La souveraine tente en vain d'émouvoir Napoléon. Mais le courage inutile de Louise galvanise la Prusse et conduit au redressement de 1813. Elle ne le verra pas. Elle meurt en 1810, usée par les épreuves, à trente-quatre ans. Jean-Paul Bled ne s'arrête pas à la pieuse légende entourant la mémoire de la reine , personnalité complexe. Peu instruite, d'une intelligence limitée, Louise, héroïne romantique, belle, touchante, admirable, malheureuse, demeure l'égérie de sa nation. Son fils cadet, Guillaume Ier, n'oubliera pas les avanies infligées par la France à sa mère. Il les fit payer en 1870... Les premiers souverains prussiens cherchaient la continuité territoriale et l'abaissement de l'Autriche. Les traités de 1815, qui amènent la Prusse sur le Rhin, changent les visées des Hohenzollern. Leur but sera désormais l'unification de l'Allemagne et l'expulsion des Habsbourg du monde germanique. Ils y parviendront, grâce à Bismarck. Ce nom hérisse le public français qui l'associe à de très mauvais souvenirs. Impossible, malgré tout, d'ignorer le chancelier de fer dont Jean- Paul Bled publie une biographie mesurée qui humanise un peu le personnage.
    Habile et audacieux
    Surnommé "le réactionnaire rouge", Otto Von Bismarck ne se réduit pas à un Junker borné et belliqueux, pas plus que sa politique à la formule provocatrice "par le fer et le sang". Habile et audacieux, osant des alliances contre-nature momentanées pour toucher au but, il contre le péril révolutionnaire, triomphe de l'Autriche à Sadowa en 1866, victoire dont l'ampleur change définitivement le visage de l'Europe, abuse Napoléon III sur ses intentions, ce qui conduit, après Sedan, au double désastre de la perte de l'Alsace-Lorraine et de l'unification allemande, péril que les Capétiens avaient toujours su éviter. Le conflit ouvert avec l'Église à l'occasion du Kulturkampf marquera son seul échec, qu'il saura négocier car il était capable d'une souplesse proportionnelle à sa grande intelligence...
    Ces qualités manquaient à Guillaume II dont le premier souci, monté sur le trône en 1888, fut de se débarrasser de Bismarck avant de liquider méthodiquement son oeuvre jusqu'à l'ultime catastrophe de 1918 et la chute des Hohenzollern. Christian Baechler essaie de comprendre cet homme tourmenté, affligé d'un handicap physique qu'il s'acharnait douloureusement à surmonter, rongé par ses relations conflictuelles avec sa mère anglaise. Guillaume Ier avait craint de voir l'Allemagne dévorer la Prusse. Ses craintes étaient fondées : son petit- fils s'identifia trop à cette nation arrogante et conduisit à l'effondrement de l'édifice entier...
    Anne Bernet L’ACTION FRANÇAISE 2000 Du 3 au 16 mars 2011
    ✓ Jean-Paul Bled : Histoire de la Prusse, Fayard 480 p., 26 €.
    ✓ Christopher Clark : Histoire de la Prusse, Perrin, 800 p., 29,50 €.
    ✓ Henry Bogdan : Les Hohenzollern, Perrin,405 p., 25 €.
    ✓ Jean-Paul Bled : Frédéric le Grand, Fayard ; 640 p., 26 € ; La Reine Louise de Prusse, Fayard, 280 p., 22 € ; Bismarck, Perrin, 325 p., 23 €.
    ✓ Christian Baechler : Guillaume II d'Allemagne, Fayard, 530 p., 25 €.

  • Idéologie du Genre à l’école : le FN réagit

     « Halte à ceux qui veulent déconstruire les enfants ! » s’insurge Françoise Grolet, conseiller régional de Lorraine, dans un communiqué.

    La Ligue de l’Enseignement, association gauchiste, met effectivement en place un projet national « Ecole et cinéma », qui mobilise 645 000 enfants par an pour un cycle de trois films. Voici comment le présente la fiche pédagogique : « Laure a 10 ans. Laure est un garçon manqué. Arrivée dans un nouveau quartier, elle fait croire à Lisa et sa bande qu’elle est un garçon. Action ou vérité ? Action. L’été devient un grand terrain de jeu et Laure devient Michael, un garçon comme les autres… suffisamment différent pour attirer l’attention de Lisa qui en tombe amoureuse. Laure profite de sa nouvelle identité comme si la fin de l’été n’allait jamais révéler son troublant secret ».

    Le conseiller FN condamne ce film qui « propage clairement l’idéologie du Genre, qui essaie de substituer, à une humanité composée d’hommes et de femmes, des individus dotés d’une « orientation sexuelle » interchangeable« . Françoise Grolet souligne que l’ »auteur, Céline Sciamma se revendique comme militante de la cause lesbienne, et a reçu à la Biennale de Berlin 2011 le « Teddy Awards » dédié aux films évoquant l’homosexualité« .

    « Cette séance de cinéma à l’école heurte gravement le droit des parents, premiers éducateurs« , dénonce le FN à travers l’ancien soutien de Bruno Gollnisch. « A force de vouloir détruire tout repère, toute identité, on crée une société qui déstabilise totalement un enfant » poursuit-elle.

    « Revendiquons pour nos enfants le droit à grandir paisiblement, pour autant que le monde actuel le leur permette. En tout état de cause, il appartient aux adultes de refuser la « subversion délicate » (bel oxymore du critique d’Arte…) de ces apprentis-sorciers saccageurs d’enfance » termine le communiqué.

    http://www.contre-info.com/