Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

culture et histoire - Page 1999

  • Fabrication de « preuves » ? Opération clandestine israélienne en Syrie pour « suivre l'arsenal chimique »

    Israël mène une opération clandestine transfrontalière contre le gouvernement syrien, en liaison avec l'OTAN et le Pentagone.

    Après avoir cherché des preuves probantes (un « revolver fumant ») en Iran plus tôt cette année les forces spéciales israéliennes « suivent » maintenant les « réserves d'armes chimiques et biologiques », selon le Sunday Times :

    « L'opération transfrontalière fait partie d'une guerre secrète visant à suivre les armes syriennes non conventionnelles et à saboter leur développement. "Nous connaissons l'emplacement exact des munitions chimiques et biologiques de la Syrie depuis des années" a affirmé une source israélienne en faisant référence aux satellites d'espionnage et aux drones du pays. "Mais cette semaine des signes nous ont indiqué un déplacement de munitions vers un nouvel endroit" » (Uzi Mahnaimi et Lucy Fisher Israel tracks Syria's chemical arsenal, The Sunday Times 9 décembre 2012.)

    Tout le monde se rappelle de l'hyper médiatisation des armes de destruction massive (ADM) avant le lancement de la guerre en Irak. La menace des ADM irakiennes s'est révélée être une pure fabrication.

    Ceux qui étaient derrière ce subterfuge appliquent désormais leurs compétences à la fabrication de preuves impliquant des ADM afin d'intervenir en Syrie. Selon un reportage du Jaffee Center for Strategic Studies de l'Université de Tel-Aviv, les Israéliens ont « mal interprété la menace irakienne ». En 2003, la BBC a publié un reportage sur les conclusions du rapport :

    Les services de renseignement israéliens ont mal évalué la menace posée par Saddam Hussein [...] Cela a contribué au « faux » portrait brossé par les services de renseignement étasuniens et britanniques [...]

    « Le renseignement israélien était un partenaire à part entière des États-Unis et de la Grande-Bretagne en contribuant à la fausse représentation de la capacité des armes de destruction massive de Saddam Hussein », a déclaré l'auteur du rapport, le brigadier-général Shlomo Brom.

    Israel Radio a cité le parlementaire gauchiste Yossi Sarid : « Le renseignement a sérieusement surestimé la menace irakienne pour Israël et renforcé la croyance des États-Unis et de la Grande-Bretagne en l'existence de ces armes. Dorénavant lorsque nous présenterons des données importantes concernant d'autres pays, comme l'Iran par exemple, qui nous prendra au sérieux? » (Israelis 'misread' Iraqi threat, BBC, 5 décembre 2003.)

    À la fin mars 2012, le The Sunday Times rapportait qu'« Israël utilise une base permanente au Kurdistan irakien pour lancer des missions de renseignement transfrontalières dans le but de trouver "des preuves irréfutables" que l'Iran développe une ogive nucléaire. » (Israeli spies scour Iran in nuclear hunt, The Sunday Times, 25 mars 2012.)

    Il n'existe aucune preuve que l'Iran possède des armes nucléaires, même les agences de renseignement étasuniennes l'admettent. Mondialisation.ca a publié un article sur l'opération clandestine visant potentiellement à fabriquer des preuves d'ADM relatives à l'Iran. Ce qui se déroule actuellement avec la Syrie est une reprise des tentatives précédentes de faire passer des preuves fabriquées dans le réseau médiatique :

    Des sources occidentales ont dit au Times qu'Israël surveillait « la radioactivité et la magnitude de tests d'explosifs [et que] des forces spéciales utilisaient des hélicoptères Black Hawkpour transporter des commandos déguisés en membres de l'armée iranienne et utilisant des véhicules militaires iraniens sur le terrain ». Les sources croient que les « Iraniens tentent de cacher des preuves révélant des tests d'ogive afin de préparer une possible visite de l'AIEA [Agence internationale de l'énergie atomique] ». (Cité dans Report: Israeli soldiers scour Iran for nukes, Ynet, 25 mars 2012.)

    Selon cet article, le nombre de missions du renseignement israélien à la base militaire de Parchin en Iran s'est accru dans les derniers mois. Durant cette période, Téhéran négociait avec l'AIEA, qui avait demandé de visiter Parchin. Selon le représentant permanent iranien de l'AIEA, Ali Asghar Soltanieh, les deux parties s'étaient entendues au début de février pour que la visite ait lieu en mars. (Gareth Porter, Details of Talks with IAEA Belie Charge Iran Refused Cooperation, IPS, 21 mars 2012.)

    L'AIEA a demandé de visiter Parchin à la fin janvier ainsi qu'à la fin février, après avoir accepté une visite en mars. L'Agence a donc demandé à voir le complexe militaire au moment même où Israël intensifiait ses opérations secrètes dont le but présumé est de chercher une preuve, un « pistolet fumant » (smoking gun). (Julie Lévesque, Fabricating a "Smoking Gun" to Attack Iran? Israeli Spies Disguised as Iranian Soldiers on Mission Inside Iran Global Research,March 27, 2012)

    L'opération clandestine d'Israël en Syrie fait partie d'un long programme du renseignement contre le gouvernement de Damas. Selon intelNews :

    [...] Les activités clandestines d'Israël contre l'arsenal chimique et biologiques du gouvernement syrien ont débuté il y a presque 30 ans. Certaines de ces activités récentes pourraient avoir eu pour cibles des scientifiques russes, croit-on.

    Bien que la Russie le nie régulièrement, on estime que l'arsenal syrien non conventionnel s'est significativement accru à la fin des années 1980 et au début des années 1990 grâce au général russe à la retraite Anatoliy Kuntsevich [...]

    Fait intéressant, Kuntsevich est mort soudainement en 2003 à bord d'un vol de la capitale syrienne en direction de Moscou. À l'époque, on supposait que le Mossad, l'agence des services secrets d'Israël, pourrait avoir joué un rôle dans la mort soudaine du général russe. En 2010, un autre général à la retraite, Yuri Ivanov, ancien directeur adjoint de la GRU, l'agence du renseignement militaire russe est mort dans des circonstances nébuleuses [...]

    Selon les reportages parus dans la presse israélienne, l'ancien représentant de la GRU était en route pour une réunion avec des agents du renseignement syrien lorsqu'il est disparu. Israël n'a jamais admis avoir joué un rôle dans la mort d'Ivanov, toutefois nombreux sont ceux qui suspectent que Tel-Aviv ciblait les deux Russes depuis très longtemps. (Joseph Fitsanakis Israel special forces conducting cross-border operations in Syria, intelNews.org, 10 décembre 2012.)

    Cette interprétation des événements est plausible puisque des assassinats ciblés de scientifiques étrangers par les services secrets israéliens ont déjà été admis par le passé :

    Selon les représentants, [la diminution des opérations clandestines d'Israël en Iran] touche un vaste éventail d'opérations, non seulement les missions très en vue comme les assassinats et les explosions sur des bases iraniennes de lancement de missiles, mais aussi la collecte de renseignement sur le terrain et le recrutement d'espions au sein du programme iranien. (Karl Vick, Mossad Cutting Back on Covert Operations Inside Iran, Officials Say, 30 mars 2012, cité dans Julie Lévesque, «À court de cibles», les services secrets israéliens «diminuent les assassinats» en Iran, Mondialisation.ca, 17 avril 2012.)

    Alors qu'il est concevable que l'opération secrète d'Israël en Syrie vise des scientifiques russes, il faut comprendre que le but ultime est d'intensifier la campagne de propagande concernant l'arsenal chimique syrien. Il se peut que cette fuite dans le Sunday Times relève de l'opération psychologique continue contre la Syrie et vise à forger un prétexte pour mener une guerre préemptive contre la Syrie.

    Depuis le début de l'insurrection armée en mars 2011, les États-Unis et leurs alliés, au même titre que les médias dominants occidentaux, accusent le gouvernement syrien d'avoir commis des atrocités à l'endroit des civils, dont le massacre de Houla. D'après les reportages des médias indépendants et les témoignages recueillis sur le terrain, ces atrocités ont été commises par les forces d'opposition parrainées par les États-Unis et l'OTAN.

    Le gouvernement syrien a été diabolisé à tel point par les médias mainstream qu'advenant une attaque, l'opinion publique pourrait facilement être portée à croire, sans preuves à l'appui, que le gouvernement syrien est responsable de crimes contre son propre peuple.

    Un tel contexte est parfait pour une opération sous faux pavillon ou une propagande intensive impliquant des armes chimiques. Ces allégations fondées sur de fausses preuves d'ADM contre le gouvernement syrien pourraient à nouveau être employées pour faire pression sur le Conseil de sécurité de l'ONU afin qu'il donne à l'OTAN un « mandat légal » pour intervenir en Syrie en vertu de la doctrine de la « responsabilité de protéger ».

    CNN rapportait récemment que les États-Unis et « certains alliés européens emploient des sous-traitants du domaine de la défense pour entraîner les rebelles syriens à sécuriser les réserves d'armes chimiques en Syrie ». Le gouvernement syrien a exprimé ses inquiétudes dans une lettre à l'ONU :

    Cette nouvelle que font circuler les médias suscite des inquiétudes. Nous craignons sérieusement que certains des pays appuyant le terrorisme et les terroristes fournissent des armes chimiques aux groupes terroristes armés et affirment que c'est le gouvernement syrien qui les a utilisées [...] (Quoted in John Glaser, US Defense Contractors Training Syrian Rebels to Handle Chemical Weapons, Antiwar.com, 10 décembre 2012.)

     

    Julie Lévesque
    Global Research http://fr.sott.net/

  • Polémia a dix ans ! (entretien avec Jean-Yves Le Gallou)

    En décembre 2002, Jean-Yves Le Gallou créait l’association loi 1901 pour une Fondation Polémia afin d’investir un domaine souvent laissé en jachère, celui des idées et de la métapolitique. Très vite, l’association s’est dotée d’un médium remarquable, Polémia (www.polemia.com) qui fait partie des sites de l’Hexagone les plus consultés.

     

    Europe Maxima revient avec son président – fondateur sur cette première décennie riche en activités variées.

     

    Europe Maxima : Polémia a dix ans. Pouvez-vous nous rappeler les raisons de sa création ?

     

    Jean-Yves Le Gallou : À l’aube du XXIe siècle, nous avons été quelques-uns à penser qu’il fallait engager de nouvelles formes d’action et de réflexion. Avec une idée-force : occuper l’espace Internet. Ce que Polémia fait pleinement aujourd’hui sur le terrain de la réflexion et de la réinformation. L’idée était de contourner les médias classiques

    Nous avions une seconde intuition : que de nouvelles lignes de fractures idéologiques et politiques allaient apparaître et qu’il fallait anticiper ce mouvement. Cette intuition s’est avérée juste : il est clair, par exemple, que nous avons des convergences avec des laïcs et des protectionnistes venus de la gauche. Et que les plus lucides – ou les plus courageux – de ces hommes et de ces femmes-là acceptent et assument ces convergences. De même que nous reconnaissons qu’il peut y avoir des choses justes dans certaines intuitions économiques et sociales de la gauche. Pour notre part, tout ce qui est dissident est nôtre ! Il est dans la vocation de Polémia de réhabiliter la fructueuse opposition des contraires.

     

    E.M. : Lors de la fondation de Polémia, vous souhaitiez vous adresser aux « jeunes guerriers économiques ». Ont-ils répondu à votre appel ?

     

    J.-Y.L.G. : Je sens percer une pointe d’ironie dans votre question ! Bien à tort ! La guerre économique fait partie des réalités de ce monde. Et les jeunes guerriers économiques ont nourri notre réflexion sur l’utilisation d’Internet, sur le patriotisme économique, sur le protectionnisme raisonnable, notamment.

    Ceci étant, c’est vrai que, s’ils ne sont pas « à leur compte », à la tête de P.M.E., plus ou moins grandes, les jeunes guerriers économiques risquent de devenir la chair à canons du Grand Capital.

     

    E.M. : En dix ans, Polémia se caractérise par un formidable activisme culturel (« Journées de la réinformation », soirées annuelles des « Bobards d’Or », Observatoire des journalistes et de l’information, conférences informelles et irrégulières, le mardi soir, avec un spécialiste, parution en ligne et en format – papier de fascicules, théorisation du « gramscisme technologique », etc.) qui vous vaut des articles et des reportages de la part de la « grosse presse » officielle. Quel premier bilan en tirez-vous ?

     

    J.-Y.L.G. : Polémia remplit trois fonctions : incubateur d’idées, encyclopédie politiquement incorrecte, et avant-garde combattante

    Comme incubateurs d’idées, nous avons été parmi les premiers à tracer les contours de ce qu’il faut bien appeler l’islamisation; les premiers aussi à tirer la sonnette d’alarme sur le halal; nous avons propagé la critique de la super-classe mondiale. Notre travail sur la novlangue s’est largement diffusé. Et le concept de réinformation, popularisé sur Radio Courtoisie, est un outil de travail pour de nombreux blogues.

    Comme encyclopédie politiquement incorrecte, notre site met plusieurs milliers de textes à la disposition de qui le veut : hommes politiques, journalistes, étudiants, blogueurs, hommes de pensée. Nos textes – créations originales de Polémia ou repris sur la toile – sont toujours bien référencés et offrent des analyses dissidentes en économie, politique, géopolitique ou sociologie.

    Comme avant-garde combattante, nous avons théorisé et mis en pratique la critique des médias. Jusqu’ici, ils étaient intouchables. Tout le monde les ménageait en cédant à leur chantage : « si vous nous critiquez, nous ne parlerons plus de vous ». À Polémia, pas de langue de bois, ni de langue de coton sur les médias. Mais le dur langage de la vérité et de la radicalité. Pour nous, les médias sont le premier pouvoir, le pouvoir sur les esprits. Il faut donc les attaquer. La fleur au fusil mais … sans gants blancs.

     

    E.M. : Le Monde du 20 juillet 2012 évoque les « mécènes » de Terra Nova, ce « laboratoire d’idées » mondialiste de feu Olivier Ferrand, proche du P.S. On y trouve Areva, Air France, Microsoft, la S.N.C.F. Sont-ils aussi les généreux donateurs de Polémia ?

     

    J.-Y.L.G. : Ne confondons pas les prostitués intellectuels, mercenaires de l’oligarchie mondiale et les forces européennes libres. Nous ne recevons pas un sou des grandes entreprises, ni de personnes fortunées.

    Notre modèle économique n’est pas marchand, c’est celui de la gratuité et de la générosité. Gratuité pour les travaux de nos contributeurs intellectuels, tous bénévoles comme notre webmestre. Générosité de nos donateurs qui financent nos manifestations publiques, selon leurs moyens, à hauteur de 30, 50, 100 ou 300 €. Un compte Paypal est ouvert sur notre site.

     

    E.M. : Quand on écoute vos détracteurs, on a l’impression qu’en dépit de moyens financiers assez faibles, Polémia serait devenue le navire-amiral de la « fachosphère » ou de la « réacosphère » qu’il serait plus approprié d’appeler la « réinfosphère ». Seriez-vous donc le chef d’orchestre d’une « Toile sombre » ?

     

    J.-Y.L.G. : Ne tombez pas dans une vision conspirationniste et ne reprenez pas à votre compte la terminologie des médias de l’oligarchie ! En fait, tout ce qui est politiquement incorrect est nôtre. Polémia n’a pas d’ennemis chez ceux qui portent la pensée dissidente. Notre démarche est nexialiste : nous travaillons à faire se rencontrer tous les hommes de bonne volonté à condition qu’ils pensent autrement que les oligarchies dominantes.

     

    E.M. : Réfléchir & Agir (n° 31, hiver 2009) vous qualifie de « plus talentueux de la mouvance des “ nationaux-libéraux ” ». Entre la liberté et l’identité, laquelle est à vos yeux la plus importante ?

     

    J.-Y.L.G. : Liberté et identité sont indissociables. Un peuple qui perd sa liberté perd son identité. La preuve : la folle immigration des années Pompidou a vu le vote de la loi « antiraciste » Pleven (1972), précisément pour interdire tout débat sur l’immigration et l’identité française. Et quand la situation s’est aggravée les partis au pouvoir ont multiplié les lois liberticides : Fabius – Gayssot (1990), Toubon (1994), Taubira (2001). Le préalable à la reconquête de notre identité, c’est l’abrogation de toutes ces lois scélérates.

     

    E.M. : D’après nos renseignements, le premier trimestre 2013 verrait la parution sous votre signature de La tyrannie médiatique (Les assassins de l’information). S’agit-il d’une compilation des brochures éditées par Polémia et de textes mis en ligne ou d’un nouvel essai inédit ?

     

    J.-Y.L.G. : La tyrannie médiatique (Les assassins de l’information) paraîtra en février 2013. C’est un essai nourri de faits précis bien sûr rassembles dans les travaux de Polémia. C’est aussi et surtout une théorie sur les médias qui fonctionnent sur l’alliance du Grand Capital et du gauchisme de salle de rédaction.

    J’y démontre que journaux, radios, télévisions ne sont ni indépendants, ni libres. Car ils subissent la loi d’airain des banques et des financiers. Ils sont tenus en laisse par la publicité. Ils sont prisonniers des préjugés de la caste journalistique.

    « Tout ce qui est politiquement correct est nôtre » : telle est l’idéologie du pouvoir médiatique. Un cocktail de capitalisme triomphant et d’esprit de mai 1968. Vous mélangez le laisser-fairisme libre-échangiste du Financial Times et la rupture sociétale façon Libération et vous atteignez le point G de l’extase médiatique : ouverture des frontières, rupture des traditions, « antiracisme » et « mariage gay », voilà le credo.

    Les médias n’informent pas : ils éduquent, ils rééduquent, ils conditionnent. La désinformation, la novlangue, la censure, la diabolisation et le bobard sont leurs instruments.

    Le livre trace aussi les voies du renversement de cette tyrannie des temps modernes.

     

    E.M. : N’est-ce pas paradoxal que l’auteur du Défi gaulois soit édité par un fervent admirateur de Rome ?

     

    J.-Y.L.G. : Mon cœur bat à Brocéliande mais aussi à Delphes et sur le Forum romain. Et il y a de bien belles choses au musée du Vatican et à la chapelle Sixtine. Tout l’héritage européen est mien.

    D’un point de vue plus pragmatique, je suis reconnaissant à Benoît Mancheron, de Via Romana, d’avoir fait un vrai travail d’éditeur et de m’avoir poussé à écrire ce nouveau livre.

     

    E.M. : En attendant de célébrer les vingt ans de Polémia en 2022, quels sont vos projets pour la décennie qui commence ?

     

    J.-Y.L.G. : Contribuer à la chute du mur de la désinformation préalable à tout changement. Et continuer à nourrir la pensée alternative.

    Propos recueillis par Georges Feltin-Tracol. http://www.europemaxima.com/

  • Carl Schmitt toujours plus actuel par Georges FELTIN-TRACOL

    « Une métamorphose de la notion d’espace est aujourd’hui en marche, en profondeur, sur un large front, dans tous les domaines de la pensée et de l’action humaines (p. 198) », relève en observateur avisé Carl Schmitt en 1941. Lancée par la Première Guerre mondiale, accélérée par la Seconde, amplifiée par la Décolonisation, la Guerre froide et la construction européenne, puis d’autres ensembles régionaux (A.S.E.A.N., Mercosur, Union africaine…), cette mutation majeure arrive à sa plénitude dans la première décennie du XXIe siècle.

    Les deux textes de Carl Schmitt, « Le tournant vers le concept discriminatoire de la guerre » et « Le droit des peuples réglé selon le grand espace proscrivant l’intervention de puissances extérieures. Une contribution au concept d’empire en droit international », qu’éditent en un seul volume les Éditions Krisis, agrémentés d’une préface de Danilo Zolo, d’un appareil rigoureux de notes et d’explications réalisé par Günter Maschke et assortis en appendices de deux articles hostiles d’un juriste S.S., Werner Best, apportent une nouvelle fois une puissante confirmation au cours du monde. À l’heure où l’Occident bombarde la Libye, sanctionne la Syrie et l’Iran, intervient au Kossovo, en Irak, en Afghanistan, en Côte d’Ivoire ou au Congo ex-Zaïre, les pertinences de l’auteur de la Théorie de la Constitution apparaissent visionnaires.

    En dépit d’approches apparentes dissemblables, ces deux écrits sont en réalité complémentaires. En juriste classique, Schmitt considère que « le droit international, jus gentium, donc droit des gens ou des peuples, est un ordre concret, que détermine d’abord l’appartenance des personnes à un peuple et à un État (p. 144) ». Or les traités de paix de 1919 et la fondation de la Société des nations (S.D.N.) explicitement responsable du maintien de la paix entre les États, modifient le cadre juridique traditionnel. Le S.D.N., organisme supranational et embryon d’une direction politique mondiale, réhabilite les notions de « guerre juste » et de « guerres injustes », ce qui est une véritable révolution. Jusqu’en 1914, « le droit international est bel et bien un “ droit de la guerre et de la paix ”, jus belli ac pacis, et le restera tant qu’il sera un droit des peuples autonomes, organisés dans un cadre étatique, c’est-à-dire : tant que la guerre entre États, et non une guerre civile internationale (p. 41) ». Avec la nouvelle donne, Schmitt remarque que « la problématique du droit de la S.D.N. […] a très clairement mis en évidence qu’il n’agit plus, et ce depuis longtemps, de normes nouvelles, mais d’ordres nouveaux auxquels de très concrètes puissances s’efforcent de donner forme concrète (p. 47) ». Émanant du trio occidental États-Unis – France – Grande-Bretagne, une soi-disant « communauté internationale » (qui ignore la Chine, l’Inde, le Brésil, la Russie) cherche à s’imposer avec la ferme intention d’exercer un droit de regard total sur les autres souverainetés étatiques. La S.D.N. semblait prêt à susciter un tel ensemble constitutionnel planétaire flou dont la loi fondamentale deviendrait un droit international supérieur au droit des États. Dans cette perspective, « tout individu est donc en même temps citoyen du monde (au plein sens juridique du terme) et citoyen d’un État (p. 59) ».

    Carl Schmitt devine déjà le déclin de l’État-nation, d’autant que celui-ci se retrouve sous la menace permanente de rétorsion, car, dans cette nouvelle configuration, « pour défendre la vie et la liberté des individus, même ressortissants de l’État en question, les autres gouvernements, et tout particulièrement la S.D.N., possèdent en droit international la compétence de l’intervention […]. L’intervention devient une institution juridique normale, centrale dans ce système (p. 59) ». Il en résulte un incroyable changement de paradigme dans les relations inter-étatiques. « Dès lors par conséquent qu’un ordre de droit international distingue, en vertu d’une autorité supra-étatique reconnue par les États tiers, entre guerres justifiées et injustifiées (entre deux États), l’opération armée n’est autre, du côté justifié, que mise en œuvre du droit, exécution, sanction, justice ou police internationale; du côté injustifiée, elle n’est que résistance à une action légitime, rébellion ou crime, autre chose en tous cas que l’institution juridique connue sous le nom de “ guerre ” (pp. 86 – 87). » Ces propos présentent une tonalité particulièrement actuelle avec l’existence du T.P.I.Y. (Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie) ou de la C.P.I. (Cour pénale internationale).

    Ne nous étonnons pas ensuite que les pouvoirs occidentaux violent leurs propres constitutions. De même qu’en 1939, contre la Serbie en 1999, puis contre la Libye en 2011, les organes législatifs états-unien, britannique ou français n’ont jamais voté la moindre déclaration de guerre. Ils ne font qu’entériner a posteriori la décision belliciste de leurs exécutifs. Il ne s’agit pas, pour ces derniers, de combattre un ennemi; il s’agit plutôt d’extirper une manifestation du Mal sur Terre. Par ailleurs, les opinions manipulées n’aiment pas le mot « guerre ». En revanche, les expressions « maintien de la paix », « défense des populations civiles », « lutte contre la dictature sanguinaire et pour la démocratie et les droits de l’homme » permettent l’adhésion facile des masses aux buts de guerre de l’hyper-classe oligarchique.

    Bien avant George W. Bush et ses « États-voyous », Carl Schmitt parle d’« État-brigand (p. 91) ». Mieux, dès 1937, il décrit la présente époque : « lorsqu’on exerce des sanctions ou des mesures punitives de portée supra-étatique, la “ dénationalisation ” de la guerre entraîne habituellement une différenciation interne à l’État et au peuple, dont l’unité et la cohésion subissent un clivage discriminatoire imposé de l’extérieur, du fait que les mesures coercitives internationales, à ce qu’on prétend du moins, ne sont pas dirigées contre le peuple, mais seulement contre les personnes se trouvant exercer le pouvoir et leurs partisans, qui cessent par lui-même de représenter leur État ou leur peuple. Les gouvernants deviennent, en d’autres termes, des “ criminels de guerre ”, des “ pirates ” ou – du nom de l’espèce moderne et mégalopolitaine du pirate – des “ gangsters ”. Et ce ne sont pas là des expressions convenues d’une propagande survoltée : c’est la conséquence logique, en droit, de la dénationalisation de la guerre, déjà contenue dans la discrimination (p. 90) ». On croirait que Schmitt commente les événements survenus à Belgrade, à Bagdad ou à Tripoli !

    La distinction entre le peuple et ses dirigeants tend même à s’effacer. Pressentant l’hégémonie du tout-anglais simplifié, Carl Schmitt remarque : « lorsqu’un grand peuple fixe de sa propre autorité la manière de parler et même de penser des autres peuples, le vocabulaire, la terminologie et les concepts, c’est là un signe de puissance politique incontestable (note 53, p. 169) ». Et on n’était alors qu’aux balbutiements de la radio, du cinéma et de la télévision ! L’intervention n’est pas que militaire; elle comporte aussi des facettes économiques et culturelles indéniables. Plus que les dirigeants, les idéologies ou les États, ce sont les peuples que le nouveau droit international entend éliminer. Jugeant que « l’individualisme et l’universalisme sont les deux pôles entre lesquels se meut ce système de droit international (p. 57) », Carl Schmitt prévoit qu’« avant de supprimer le concept de guerre et de passer de la guerre des États à la guerre civile internationale, il faut supprimer l’organisation étatique des peuples (p. 93) ». En outre, il importe d’exclure dans ce nouveau contexte la notion de neutralité qui amoindrirait toute intervention militaire internationale.

    En partant du fait que « tout ensemble ordonné de peuples sédentaires, vivant côte à côte en bonne intelligence et dans le respect réciproque, relève, outre les déterminations personnelles, de l’espace ordonné d’un territoire concret (p. 144) », Carl Schmitt préconise le recours au grand espace et à l’empire. « Les mots de “ grand espace ” expriment pour nous la métamorphose des représentations de l’espace terrestre et de ses dimensions qui dicte son cours à la politique internationale d’aujourd’hui […]. Le “ grand espace ” est pour nous une notion d’actualité, concrète, historico-politique (p. 145) ». Par maintes références, Schmitt montre qu’il a lu les écrits de Karl Haushofer et qu’il suit avec un intérêt certain les nombreux travaux des géographes allemands. Dès cette époque, il nourrit sa réflexion des apports du droit et de la géopolitique.

    Admirateur de l’État-nation, en particulier dans ses formulations française et espagnole, l’auteur n’abandonne pas le concept. Il considère seulement que tous les peuples n’ont pas à avoir leur propre État parce qu’« il faut aujourd’hui, pour un nouvel ordre planétaire, pour être apte à devenir un sujet de premier plan du droit international, un potentiel énorme, non seulement de qualités “ naturelles ”, données telles quelles par la nature, mais aussi de discipline consciente, d’organisation poussée, et la capacité de créer par ses propres forces et de gouverner d’une main sûre l’appareil d’une collectivité moderne, qui mobilise un maximum d’intelligence humaine (p. 185) ». L’empire s’impose donc dès lors.

    On ne doit pas croire pour autant que « l’empire est plus qu’un État agrandi (p. 192) ». L’empire dépasse, transcende les souverainetés étatiques, nationales, par sa souveraineté spatiale. « L’ordre du grand espace appartient à la notion d’empire, grandeur spécifique du droit international. […] Sont “ empires ” […] les puissances dirigeantes porteuses d’une idée politique rayonnant dans un grand espace déterminé, d’où elles excluent par principe les interventions de puissances étrangères. Le grand espace n’est certes pas identique à l’empire, au sens où l’empire serait lui-même le grand espace qu’il protège des interventions […]. Mais il est certain que tout empire possède un grand espace où rayonne son idée politique, et qui doit être préservé de l’intervention étrangère. La corrélation de l’empire, du  grand espace et du principe de non-intervention est fondamentale (pp. 175 – 176). » Carl Schmitt aimerait que l’empire et le grand espace soient l’alternative à la fallacieuse « communauté internationale ».

    On sait que l’auteur a élaboré la théorie du grand espace à partir du précédent étatsunien avec la doctrine Monroe (« L’Amérique aux Américains »). Au cours d’un discours devant le Congrès en 1823, le président James Monroe (1817 – 1825) apporte son soutien à l’émancipation des colonies espagnoles d’Amérique et dénie à la Sainte-Alliance qu’il pense fomentée depuis Londres (1) le droit d’intervenir et de rétablir l’ordre colonial. Tout au long du XIXe siècle, l’hémisphère occidental, l’ensemble continental américain, du détroit de Béring au Cap Horn, va se transformer progressivement en un espace privilégié de l’influence, directe ou non, des Étatsuniens, leur « jardin », leur « arrière-cour ». Cette doctrine n’empêchera toutefois pas la guerre de l’Espagne contre le Pérou de 1864 à 1866. Napoléon III tentera, lui aussi, de contrecarrer cette logique de domination spatiale par son action militaire au Mexique entre 1861 et 1867. Longtemps tellurocratique avec la guerre contre le Mexique (1846 – 1848) et la « conquête de l’Ouest », les États-Unis prennent une nette orientation thalassocratique après la Guerre de Sécession (1861 – 1865) (2). Ils achètent à la Russie l’Alaska en 1867, annexent les îles Hawaï en 1898, battent l’Espagne la même année, imposent un protectorat à Cuba et aux Philippines, s’emparent de Porto Rico et d’une partie des îles Vierges dans les Antilles, fomentent la sécession du Panama contre la Colombie en 1903 et achèvent le creusement du canal transocéanique. Cette politique s’accomplit vraiment sous la présidence de Theodore Roosevelt (1901 – 1909) avec des interventions militaires répétées en Amérique centrale et la médiation de paix entre la Russie et le Japon en 1905. Toutes ces actions démontrent l’intention de Washington de surveiller le continent américain en l’encadrant par le contrôle des marges maritimes et océaniques. Dès la fin des années Trente, Schmitt comprend que la Mer est « un “ espace ” de domination humaine et de déploiement effectif de la puissance (p. 190) ».

    Toutefois, Carl Schmitt ne souhaite pas généraliser son raisonnement. Il insiste sur l’inadéquation des perceptions géostratégiques étatsuniennes et britanniques. Le grand espace étatsunien va à l’encontre de la stratégie de Londres qui « ne porte pas sur un espace déterminé et cohérent, ni sur son aménagement interne, mais d’abord et avant tout sur la sauvegarde des liaisons entre les parties dispersées de l’empire. Le juriste, surtout de droit international, d’un tel empire universel tendra donc à penser, plutôt qu’en espaces, en routes et voies de communication (pp. 163 – 164) ». En effet, « l’intérêt vital des routes maritimes, des lignes aériennes (air-lines), des oléoducs (pipe-lines) est incontestable dans l’empire disséminé des Britanniques. Disparité et opposition, en droit international, entre pensée spatiale et pensée des voies et des routes, loin d’être abolies ou dépassées, ne font que se confirmer (p. 164) ». Au zonisme continental, Schmitt met donc en évidence le linéairisme ou le fluxisme du dessein britannique et surtout anglais depuis John Dee et le XVIe siècle (3). Il en ressort que « le mode de pensée juridique qui va de pair avec un empire sans cohérence géographique, dispersé sur toute la planète, tend de lui-même aux arguments universalistes (p. 163) ». Parce que les Britanniques entendent s’assurer de la sécurité de leurs voies de communication afin de garantir le commerce maritime et la sûreté de navigation, Londres pense le monde en archipels épars alors que Monroe et ses successeurs le voient en continents.

    Devenue puissance mondiale au cours du XXe siècle, les États-Unis adoptent à leur tour la vision britannique au grand dam des « paléo-conservateurs » et pour le plus grand plaisir des néo-conservateurs ! Avant de connaître la passation définitive du sceptre de Neptune de Londres à Washington, Carl Schmitt explique que « la “ liberté ” n’est […] rien d’autre, dans les crises de la politique, qu’une périphrase de l’intérêt, aussi particulier que compréhensible, de l’empire britannique pour les grandes voies de circulation du monde (p. 168) ». Cela implique la dissolution de toute structure ferme et l’avènement d’un brouillard conceptuel perceptible dans la formulation du droit. « Aujourd’hui, la vraie question n’est donc plus : guerre juste ou injuste, autorisée ou non autorisée ? Mais : guerre ou non-guerre ? Quant au concept de neutralité, on est déjà rendu à l’alternative : y a-t-il encore neutralité ou n’y en a-t-il plus ? (p. 85) »

    Contre cette tendance lourde, Carl Schmitt propose le grand espace et l’empire comme concepts ordonnateurs et vecteurs du nouvel ordre de la Terre garant de la pluralité des groupes politiques humains enchâssés sur leurs terrains, leurs sites, leurs terroirs parce que « tout ordre concret, toute communauté concrète ont des contenus locaux et spatiaux spécifiques (p. 205) ». De fort belles réflexions à lire d’urgence et à méditer longuement ! Gageons enfin que cette parution déplaira à Yves Charles Zarka. On s’en réjouit d’avance !
    Georges Feltin-Tracol  http://www.europemaxima.com

    Notes :
    1 : Cette hostilité envers la Grande-Bretagne n’est pas surprenante. La Seconde Guerre d’Indépendance américaine entre 1812 et 1815 était encore dans toutes les mémoires avec l’incendie en 1814 de la Maison Blanche de la Maison Blanche. L’apaisement définitif entre Londres et Washington se produira vers 1850.
    2 : On peut néanmoins déceler des velléités thalassocratiques bien avant 1865. La Quasi-Guerre (1798 – 1800) contre la France est uniquement un conflit naval et économique. En août 1815, la marine de guerre étasunienne intervient en Méditerranée contre les pirateries d’Alger, de Tunis et de Tripoli (qui avait déclaré la guerre à la jeune République états-unienne entre 1803 et 1805). En 1816, Washington négocia auprès du royaume des Deux-Siciles une base militaire et économique sur l’île de Lampedusa. Les États-Unis durent renoncer à ce projet devant le mécontentement de Londres.
    3 : cf. Philippe Forget, « Liens de lutte et réseaux de guerre », dans Krisis, n° 33, « La guerre ? », avril 2010, en particulier pp. 149 – 153.

    • Carl Schmitt, Guerre discriminatoire et logique des grands espaces, Paris, Éditions Krisis (5, rue Carrière-Mainguet, 75011 Paris), 2011, 289 p., 25 €, préface de Danilo Zolo, notes et commentaires de Günter Maschke, traduction de François Poncet.

  • Témoignage d’un prof de français : « Le niveau baisse inexorablement »

    Loys Bonod, 37 ans, est professeur de français, certifié de lettres classiques. Il enseigne depuis quatorze ans, dont huit ans dans plusieurs collèges de ZEP, des Mureaux à Sarcelles. Répondant à l’interview d’une blogueuse, son jugement est sans appel. Extraits :

    « Ces derniers [les élèves] ont besoin de cadres clairs et rassurants« .

    « L’orthographe et la grammaire sont aujourd’hui réduites à la portion congrue. Et pourtant, ce qui se conçoit bien s’énonce clairement… A ce sujet, les élèves ne font que trop peu d’exercices répétitifs, pourtant nécessaires car structurants« .

    « Evidemment, face à la baisse inexorable du niveau, il a fallu diminuer considérablement les exigences (sujets simplifiés, consignes de notation complaisantes…). Résultats : on est obligé aujourd’hui de fournir des formations de français à des étudiants ou des salariés qui savent à peine lire ou écrire« .

    « Autre constat : la diminution dramatique des horaires en français. [...] Sur l’ensemble d’une scolarité, on a ainsi perdu trois ou quatre années de français. Un élève de troisième a maintenant le niveau d’un élève de CM2 des années 70 ou 80 ! Les dictées du brevet correspondent à un niveau de primaire« .

    « En rejetant tout ce qui pouvait présenter trop de difficultés, on a privilégié la notion de plaisir dans les nouveaux programmes. Cela a pu sembler une bonne idée sur le papier. Mais l’enfer est pavé de bonnes intentions. Au collège, on invite à étudier des œuvres de jeunesse, assez pauvres au niveau littéraire. Résultat : les élèves ne sont plus familiarisés avec les textes classiques, leur syntaxe élaborée et leur vocabulaire riche et nuancé« .

    Hé oui, en relâchant les exigences de la langue française, on ne met plus à la disposition des élèves les outils pour penser. Faute de syntaxe, les jeunes français ne savent plus structurer ni organiser leur pensée. Faute de vocabulaire, ils ne savent plus l’expliciter et peinent à l’exprimer…

    http://www.contre-info.com/

  • L'ecole laïque, source d' abrutissement, de perversion et de désordre social.

    Des réformes que veut mettre en œuvre Vincent Peillon, le grand public retient surtout, parce que les gros médias y mettent l’accent, qu’elles portent sur les « rythmes scolaires » ; que les parents, pas plus que les professeurs, ne les acceptent en l’état ; et qu’il va lui falloir négocier dur pour parvenir à imposer ses vues d’ici à 2012. Mais tout cela reste du domaine matériel et de l’organisation, même si le caractère monolithique des changements envisagés est bien symptomatique de l’un des grands maux de l’Education nationale : le refus de laisser le choix aux parents de choisir un établissement, des méthodes, des rythmes qui conviennent le mieux à leurs convictions et à ces enfants de chair et d’os qui sont les siens.

    Mais le plus grave est ailleurs. Le ministre de l’Education, grand connaisseur de Jean Jaurès et de Ferdinand Buisson, grand promoteur de la laïcité, a multiplié ces derniers jours les initiatives et discours montrant le rôle idéologique qu’il veut confier à « son » école, outil de propagande et d’endoctrinement.

    Ainsi a-t-il promis de faire entrer l’enseignement de l’Economie sociale et solidaire. C’était jeudi, lors du Salon de l’Education co-organisé avec la Ligue de l’Enseignement, que flanqué de Benoît Hamon, il annonçait un « accord-cadre » en voie de signature avec l’association ESPER (association Economie sociale partenaire de l’Ecole de la République) qui entend jouer un rôle « dans les enseignements de la maternelle à l’université ». Vincent Peillon s’en est réjoui « au nom des valeurs humanistes qui sont les siennes », parce que cela va ajouter les « valeurs » de l’ESS à l’économie.

    Et si les enfants apprenaient d’abord à lire et à écrire ? Si on leur apprenait qu’un chef d’entreprise qui réussit peut faire autant et plus pour la société, dans son ordre, qu’une association – financée par des fonds publics de préférence pris sur la richesse créée – qui sous-paye ses employés et dont la « valeur » est toujours fonction de ses objectifs et de la manière de les atteindre (ou non) ?

    Lire et écrire ? Sans doute. Mais Vincent Peillon veut d’abord que les enfants du CP apprennent une langue étrangère, ce sera « obligatoire », a-t-il annoncé, aux termes de la loi cadre qui sera votée début 2012. Foi de polyglotte, il n’y a rien de pire que d’apprendre une langue étrangère de manière scolaire à cet âge-là, avec des professeurs médiocres et alors qu’on ne maîtrise pas la lecture et l’écriture de sa propre langue. Ce n’est pas la bonne « fenêtre ». A moins que ce soit en immersion totale dans une classe de petits Anglais, par exemple. Remarquez, on pourrait imaginer l’immersion d’un petit Français de souche dans une classe arabophone et voir s’il maîtrise l’arabe en fin d’année… mais je m’égare.

    Economie solidaire à la sauce socialiste, la confusion des langues dès le CP, cela ne suffit évidemment pas à vous créer une société certifiée conforme aux rêves de Vincent Peillon. Avec Aurélie Filipetti, ministre de la Culture, il a également annoncé la semaine dernière la mise en place dès la prochaine rentrée d’un « parcours d’éducation artistique et culturelle » tout au long de la vie scolaire, dans le temps pré-scolaire, scolaire, para-scolaire et de préférence en impliquant toutes les générations pour « permettre à tous les jeunes, sur tous les territoires, d’accéder à l’art et à la culture de la petite enfance à l’université ».

    Louable objectif. A lire les textes ministériels de part et d’autres, on se trouve confronté à des textes lourds et vides de sens, multipliant les mots creux et les poncifs, sans comprendre rien de ce qui sera concrètement inculqué aux enfants. C’est une « démarche partenariale », rassurez-vous, avec les « collectivités locales », qui saura privilégier les « zones urbaines sensibles et les zones rurales ».

    On peut suppléer aisément au manque de précision des promesses de Vincent Peillon et d’Aurélie Filipetti en regardant ce qui se fait déjà : la promotion d’une littérature enfantine désespérante et le choix quasi systématique de l’« art contemporain », puisque le ministère de la Culture en fait bien ses priorités.

    On notera d’ailleurs que le comité de pilotage de la consultation nationale sur l’éducation artistique et culturelle, installé la semaine dernière par Mme Filipetti, aura à sa tête Marie Desplechin. Que souhaite celle-ci pour l’école ? Qu’on en finisse avec l’enseignement de l’orthographe et de la grammaire – la structure et l’intelligence de la langue – pour laisser place à la créativité… Les autres membres du comité ne sont pas précisément des « réactionnaires ».

    On en oublierait presque la « morale laïque », qui fera pourtant son entrée dans les écoles en 2015. Dimanche, Peillon a jugé « inacceptable » que des enfants refusent l’enseignement de « théories scientifiques » au nom de la religion. L’évolution, donc, mais aussi l’idéologie du genre et l’incitation à la débauche qui est à la base de « l’éducation sexuelle », et demain, l’égale valeur et dignité du mariage « hétéro » et du « mariage » homo. 

    JEANNE SMITS

  • CHRÉTIENS D'ISLAM Au risque du martyre

    Dans un monde musulman déstabilisé, les chrétiens, assimilés à l'ennemi occidental, sont redevenus les cibles privilégiées du fanatisme haineux, comme le prouve l'actualité des derniers mois. Mais le phénomène est ancien, et récurrent.
    La philosophie de l'histoire qui prévaut dans nos sociétés occidentales, imprégnée du dogme du progrès, du respect des droits de l'homme, du modèle démocratique et libéral, apparaît, s'agissant des minorités chrétiennes en pays musulmans, battue en brèche par la réalité ; l'intervention américaine en Irak, les mouvements insurrectionnels, loin d'améliorer le sort des chrétientés locales, ont marqué le début d'un calvaire dont elles désespèrent de voir le bout. Pour prendre la mesure du phénomène, il faut se référer à l'ouvrage de Claude Lorieux, Chrétiens d'Orient en terres d'islam, paru en 2001, avant la tragédie du 11 Septembre et ce qui s'ensuivit. Constat accablant.
    Synthèse remarquable
    Spécialiste du Proche-Orient, Lorieux avait eu de nombreuses occasions de visiter les Églises de Turquie, Irak, Syrie, Liban, Jordanie, Israël, Palestine, Iran, Égypte, Soudan, et même les communautés réduites à la clandestinité de la péninsule arabique. Si l'on excepte le drame des chrétiens de Khartoum, qui devrait trouver un dénouement heureux du fait de la partition du pays, la situation, partout ailleurs, loin de s'améliorer, n'a cessé de se dégrader tandis que les mouvements islamistes, favorisés par la chute des dictatures laïques, prenaient de l'ampleur. Le cas irakien en donne l'exemplaire démonstration puisque des communautés, protégées par Saddam Hussein, se sont, depuis la chute du régime, retrouvées exposées à la vindicte de leurs concitoyens musulmans, acculées à la fuite ou à la mort. Par ces aspects liés à l'actualité, le travail de Lorieux a vieilli, mais reste, outre un instantané de l'état des chrétientés d'Orient avant 2001 qui a pris valeur historique, l'une des plus claires et remarquables synthèses tentées sur le passé de ces communautés, leurs espoirs, leurs rêves, leurs malheurs. Ce qui en fait un ouvrage de référence indispensable.
    Récent, celui de Jean-Michel Cadiot, Les Chrétiens d'Orient, ne saurait ni l'égaler, ni le remplacer. Certes, il fait le point sur cent millions de catholiques, orthodoxes, nestoriens, coptes, maronites, syriaques, chaldéens, protestants, invraisemblablement regardés, tant par leurs compatriotes que par la communauté internationale, comme convertis à la foi de l'Europe, eux qui demeurèrent fidèles à leur religion ancestrale quand leurs voisins passaient à celle du conquérant arabe ou turc. Certes, il y a là des points de vue intéressants. Hélas, tout cela apparaît embrouillé dans des pages où se mêlent considérations historiques trop vastes, jugements désolés sur l'incapacité chrétienne à se fondre dans un oecuménisme fraternel, et impuissance à cerner le sujet, de sorte que l'on ne sait plus ni où ni quand commencent et finissent ces chrétientés d'Orient.
    Épuration ethnique
    Si l'on se souvient des massacres d'Arméniens orchestrés, dès 1896, par Abdul Hamid, puis, en 1915, par les Jeunes Turcs désireux d'en finir avec une communauté soupçonnée de tendre la main aux Alliés, l'épuration ethnique de la Cilicie, en 1909, prise entre ces bains de sang, a sombré dans l'oubli. La réédition des reportages de la journaliste arménienne Zabel Essayan, Dans les ruines, remet en pleine lumière ces massacres d'Adana. Il demeure malaisé de comprendre les raisons de la sauvage flambée de violence qui tua trente mille Arméniens, souvent rescapés des tueries de 1896 réfugiés dans la paisible Cilicie. Arrivée sur les lieux deux mois après ce déchaînement d'atrocités, Zabel Essayan, intellectuelle francophone pénétrée d'idéologies des lumières, constata, ramenée brutalement à ses origines, ce dont la barbarie humaine est capable. Son récit est un témoignage halluciné, incantatoire : tueries, tortures, enfants et adolescentes convertis de force, abjurations de désespérés que l'apostasie ne sauva pas toujours, détresse des survivants, héroïsme d'hommes qui firent tête aux égorgeurs et réussirent parfois à couvrir la fuite des leurs, avant de succomber sous le nombre, ou d'être pendus pour rébellion... Tout cela emblématique de la tragédie arménienne, du cortège de souffrances d'un peuple qui paya cher l'honneur d'avoir été le premier royaume chrétien du monde, mais d'une telle force, d'une telle violence que ce texte terrifiant devient hymne poignant à la mémoire de toutes les victimes de toutes les tueries d'une Histoire définitivement tragique.
    Aux massacres d'Arméniens succéda l'exode des Grecs, achevé en 1955, de sorte qu'il ne demeure dans ce qui fut l'Empire byzantin qu'une poignée de chrétiens dispersés, en but aux persécutions d'un État décidé à éradiquer ce qu'il considère comme des minorités allogènes potentiellement hostiles. Cette réalité, occultée à l'heure où l'on cherche à nous convaincre de l'intérêt d'une adhésion de la Turquie à la Communauté européenne, contrebalance rêveries et sympathies engendrées par la lecture de Loti ou Farrère... Sébastien de Courtois connaît cette attristante ambivalence et cherche à la comprendre à travers un Périple en Turquie chrétienne aux accents de requiem. Il y a cette haine qui ne désarme pas, absurde, sanglante, illustrée par l'assassinat annoncé d'un journaliste arménien coupable de rappeler certains faits, dire certaines choses, que les poursuites judiciaires n'avaient pas fait taire. Les chrétiens assassinés en Turquie ne sont pas rares ; cela explique la prudence des autres. Ces expropriations qui privent les Églises de leurs biens et favorisent leur disparition. Entre un présent inquiétant et un passé grandiose dont les traces deviennent indiscernables dans un pays qui ne favorise pas la restauration de monuments chrétiens, la promenade, documentée, passionnante, jamais hostile ni partisane, invite à se poser nombre de questions, d'une brûlante actualité.
    Voyage en Palestine
    Qui s'est rendu à Bethléem voilà trente ans se souvient de l'accueil chaleureux réservé aux pèlerins par les Palestiniens chrétiens, majoritaires. Ils ne représentent plus aujourd'hui que 10 % d'une population arabe prise au piège de l'Intifada et de l'occupation israélienne. Les autres ont eu le choix entre l'exil et la conversion à l'islam qui leur rendait une identité malmenée de toutes parts. Telle est l'une des réalités de ces Chrétiens en Terre Sainte dont les médias ne parlent que pour moquer leurs divisions et leurs querelles autour du Saint Sépulcre. Le mérite de Catherine Dupeyron est d'aller plus loin, de souligner qu'au-delà d'une diminution évidente de leur nombre, nous assistons à une redistribution des cartes. Tandis que disparaissent les Églises orientales, surgissent des mouvements évangélistes apocalyptiques venus chercher dans la vallée de Josaphat les signes des derniers temps... Tout cela éclaire un aspect intéressant d'une certaine politique américaine au Proche-Orient. Il n'y a pas de quoi être rassuré.
    Le triomphe mérité du film de Xavier Beauvois, Des hommes et des dieux, a popularisé la quête mystique et fraternelle du prieuré trappiste Notre-Dame de l'Atlas. Donné envie, aussi, de mieux connaître ces moines qui avaient choisi de rester dans une Algérie déchirée au risque d'en mourir. Force est cependant d'admettre que les ouvrages remis en vente à cette occasion se révèlent décevants. Passion pour l'Algérie de l'Américain John Kiser a servi de référence durant le tournage. Cela s'admet si l'on considère le soin mis à retracer le parcours, le quotidien, les motivations, la vie des sept frères martyrs. Cette recherche est unique, énorme, précieuse. Mais Kiser est américain. Il pense, analyse, commente en Américain dont l'ignorance profonde, quasi-invincible des façons d'être et de l'histoire du reste du monde n'entame pas l'arrogance et la prétentieuse bonne conscience. Peu importe qu'il ne saisisse rien à ce que furent les rapports franco-algériens. Il s'est fait sa vision des événements, anticolonialiste et sereine. Il explique, péremptoire, que, face à un FLN bon et héroïque, l'armée française et l'OAS ont multiplié les crimes, avant de pousser leurs compatriotes à fuir le pays indépendant et fraternel qui allait naître. C'est odieux. Reste la possibilité de sauter les premiers chapitres. Si le coeur vous en dit.
    L'Église en Algérie
    Publié à l'origine sous le titre Une espérance à perte de vie, le reportage que Jean-Luc Barré consacra à l'été 1996 à l'état de l'Église en Algérie ressort sous le label Tibhirine. Or, il n'est presque jamais question des moines dans ce texte qui met en évidence les désillusions de prêtres, religieux, prélats jadis acquis à la cause FLN, par idéalisme chrétien sincère, semble-t-il, pour qui le réveil fut amer et sanglant. C'est finalement à un musulman, Kebir Ammi, que l'on doit le livre le plus fraternel, le plus consolant sur les relations entre les deux fois et les deux cultures. Sur les pas de saint Augustin est un périple attachant, d'un bord à l'autre de la Méditerranée, à la recherche de l'enfant de Thagaste, avec les Confessions pour guide. Écrit dans une langue délicieuse, ce texte donne l'indicible regret de ce qui aurait pu, de ce qui aurait dû être...
    Anne Bernet L’ACTION FRANÇAISE 2000 – Du 17 mars au 6 avril 2011
    ✓ Claude Lorieux : Chrétiens d'Orient en terres d'islam, Perrin , 370 p., 21,19 €.
    ✓ Jean-Michel Cadiot : Les Chrétiens d'Orient, Salvator, 335 p., 22,50 €.
    ✓ Zabel Essayan : Dans les ruines, Phébus, 302 p., 23 €.
    ✓ Sébastien de Courtois : Périple en Turquie chrétienne, Presses de la Renaissance, 270 p., 18,50 €.
    ✓ Catherine Dupeyron : Chrétiens en Terre Sainte, Albin Michel, 285 p., 19 €.
    ✓ John Kiser : Passion pour l'Algérie, les moines de Tibhirine, Nouvelle Cité, 480 p., 24 €.
    ✓ Jean-Luc Barré : Tibhirine, une espérance à perte de vie, Fayard, 165 p., 12 €.
    ✓ Kebir Ammi : Sur les pas de saint Augustin, Presses de la Renaissance, 155 p., 8 €.

  • Anne KLING : RÉVOLUTIONNAIRES JUIFS

    Auteur de La France LICRAtisée, l'Alsacienne Anne Kling avait lu avec grand intérêt le maître-livre d'Alexandre Soljenitsyne, Deux siècles ensemble, sur la coexistence souvent difficile et parfois tragique (pour les deux communautés) entre juifs et Russes. Elle s'est donc attelée à un « Who's Who » de la Révolution d'Octobre et de ses "filiales", et le résultat est édifiant. Qu'il s'agisse des promoteurs, des financiers, des idéologues, des acteurs, des exécutants des tyrannies communistes qui, en 70 ans, firent plus de cent millions de morts - et ce n'est pas fini puisque cette idéologie subsiste avec des variantes en Corée du Nord, au Vietnam ou au Zimbabwe, - la part déterminante prise par le peuple élu est proprement stupéfiante. Certes, on connaissait depuis longtemps le rôle moteur des banquiers Schiff, Lehman ou Warburg, de Lev Trotski, de Kaganovitch (organisateur de la famine en Ukraine - 6 à 7 millions de morts), de Beria, etc., mais l'accumulation est accablante.
    Anne Kling a classé ces révolutionnaires par catégories - « ceux qui ont ouvert la voie », « les moteurs de la révolution », « les espions », « les militaires », « les intellectuels », etc. Cela nous vaut de terribles portraits de Iakov Salomon dit Sverdlov, l'assassin de la famille impériale, de Grigori Moissevitch Mairanovski, « le Mengele bolchevique » qui continua jusqu'en 1945 ses expérimentations sur les prisonniers du Goulag, d'Alexander Orlov, l'épurateur des anarchistes espagnols, de Manfred Stern, « l'inspirateur ès-exterminations » de Mao, du "barde" Ilya Ehrenbourg, etc.
    Dans son énumération, l'auteur n'oublie pas les femelles de l'espèce, souvent plus cruelles encore que les mâles, telle Ana Pauker, la "normalisatrice'" de la Roumanie, ni les voisins comme le frénétique Bela Kun, l'organisateur de la terreur rouge en Hongrie.
    Le communisme s'est effondré â la fin du XXe siècle, les éradicateurs se transformant souvent alors en prédateurs - les fameux oligarques - milliardaires. Toutefois, recyclé et relancé par les mêmes, il pourrait resurgir à la faveur du krach mondial qui risque d'ébranler toutes les économies et de susciter de très graves mouvements sociaux. C'est pourquoi Révolutionnaires juifs garde toute son actualité.
    J. L. Écrits de Paris février 2009

  • Andrea PERRONE : Poutine relance l’idée d’une Union Eurasiatique (arch 2011)

    Dans un article publié dans le quotidien Izvestia, Poutine, nouveau candidat au Kremlin, souligne la nécessité de créer un espace économique commun de l’Atlantique au Pacifique
    L’Eurasie, c’est l’avenir, a dit le premier ministre russe Vladimir Poutine, qui vient de relancer son projet d’une “Union Eurasiatique”, c’est-à-dire d’une union de toutes les anciennes républiques soviétiques en un espace économique unique et commun.
    Il a annoncé ce projet dans un article intitulé “Projet d’intégration pour la nouvelle Eurasie : le futur en train de naître aujourd’hui”, et publié dans le quotidien de langue russe Izvestia. Le nouveau candidat à la présidence russe prévoit également, dans cet article, l’entrée possible du Kirghizistan et du Tadjikistan dans l’Union douanière existant déjà entre la Russie, la Biélorussie et la Kazakstan. Cette union recevrait pour nom “Communauté économique eurasiatique” et prendrait effet dès le 1 janvier prochain : elle se développera graduellement pour devenir un espace économique commun qui abolira toutes les barrières encore en place aujourd’hui. Dans son article, Poutine souligne que la Communauté aura une législation uniformisée et autorisera la libre circulation des citoyens de tous les pays qui en feront partie. Le nouveau candidat au Kremlin explique ensuite en détail quelles seront les perspectives que cette union rendra possibles, et déplore qu’en Occident on la stigmatise déjà comme un retour au passé. Poutine déclare alors que cette interprétation occidentale est “ingénue”. “Nous proposons un modèle d’union supranationale puissante capable de devenir l’un des pôles du monde moderne et de déployer un rôle efficace”. Cette union, ensuite, constituera un pont “entre l’Europe et la dynamique région de l’Asie-Pacifique”, le tout en une époque de globalisation accélérée. Depuis le 1 juillet 2011, a rappelé le premier ministre russe, “tout contrôle a été aboli sur la circulation des marchandises aux frontières intérieures de nos trois pays”. Cette mesure a permis de parachever un système douanier unique, dont les perspectives sont claires et permettront rapidement de réaliser de plus vastes initiatives commerciales. Et, ajoute Poutine, au départ de cette union douanière, “nous ferons un pas en avant vers un espace économique commun; nous sommes en train de créer un marché colossal, avec plus de 165 millions de consommateurs, avec une législation uniforme et une libre circulation des capitaux, des services et des forces de travail”.
    C’est là un projet, précise Poutine, qui trouve ses racines dans l’actuelle union douanière entre la Russie, la Biélorussie et le Kazakstan : “La création d’une union douanière et d’espaces économiques communs ouvrent la porte à l’émergence, dans l’avenir, d’une union économique eurasiatique”. Grâce à cela, poursuit Poutine, “entrer dans cette Union Eurasiatique apportera des bénéfices économiques mais permettra aussi à tous les pays qui en feront partie, de s’intégrer à l’Europe plus rapidement, en partant d’une position de force”.
    Poutine : “Le parcours pour en arriver à ce point fondamental a commencé il y a vingt ans, lorsque, après l’effondrement de l’Union Soviétique, on a créé la “Communauté des Etats Indépendants”. En règle général, nous pouvons dire que nous avions trouvé là un modèle qui a contribué à sauver une myriade de liens spirituels, de liens de civilisation, qui avaient uni nos peuples. Aujourd’hui nous agissons pour sauver la production, l’économie et les autres rapports, sans lesquels notre vie serait inconcevable”, a conclu le premier ministre russe.
    Le projet soutenu avec force par Poutine existe déjà dans les faits : il a été amorcé par l’Union douanière entre la Russie, la Biélorussie et la Kazakstan, qui, a affirmé Poutine, sera déjà complètement formalisée en 2012; une intégration plus ample verra ensuite le jour un an plus tard, en 2013. Telle qu’elle est conçue par le nouveau candidat au Kremlin, l’Union Eurasiatique est destinée à faire de sérieux bonds en avant à partir du 1 janvier prochain, par la création d’une énorme marché à trois, avec plus de 165 millions d’habitants, où citoyens et entreprises pourront se mouvoir librement pour asseoir la modernisation d’un vaste espace économique capable d’entrer en compétition avec l’UE mais aussi de dialoguer avec le Vieux Continent pour favoriser les échanges commerciaux et le rapprochement, tant sur le plan politique que sur le plan économique.
    Andrea PERRONE
    ( a.perrone@rinascita.eu )
    (article paru dans “Rinascita”, Rome, 5 octobre 2011, http://www.rinascita.eu ).
    par R. Steuckers