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culture et histoire - Page 2010

  • 17 avril 1975 Les Khmers rouges vident Phnom Penh de ses habitants

    Le 17 avril 1975, Phnom Penh, capitale du Cambodge, est envahie par de longues cohortes d'adolescents maigres et hagards, tout de noir vêtus et lourdement armés.

    Il s'agit de l'armée des communistes cambodgiens. Surnommés quelques années plus tôt «Khmers rouges» par le roi Norodom Sihanouk, ils ont vaincu les partisans pro-américains du général et Premier ministre Lon Nol au terme d'une guerre civile de cinq ans.

    Le soir même, l'«Angkar» (l'Organisation) - le Parti communiste du Kampuchea (nouveau nom du pays) - décide de vider la ville de tous ses habitants.

    C'est le début d'une orgie de massacres qui va se solder par la mort violente de 1.500.000 à 2.200.000 personnes en 44 mois, jusqu'à la chute du régime, le 7 janvier 1979. En d'autres termes, 20% à 30% des 7.500.000 Cambodgiens auront été victimes de la folie meurtrière des Khmers rouges.

    Il faudra attendre 1997 pour que l'ONU y voit officiellement des «actes de génocide». Le secrétaire général du parti communiste, Pol Pot, mourra l'année suivante, avant d'avoir été jugé. Douch, directeur de la sinistre prison de Tuol Sleng, a été jugé en 2010 et condamné à 30 ans de prison. Khieu Samphan, ancien chef de l'État, attend d'être jugé en 2011…

    Un pays fait pour le bonheur…

    Héritier d'une très riche histoire dont témoignent les ruines d'Angkor, le Cambodge a échappé à l'annexion par l'un ou l'autre de ses redoutables voisins, le Siam et le Viêt-nam, grâce au protectorat français. Le 9 novembre 1953, il obtient tranquillement son indépendance avec pour roi constitutionnel le très souriant Norodom Sihanouk.

    Mais le pays est très vite gangréné par la guerre qui s'installe dans le Viêt-nam voisin et met aux prises les Nord-Vietnamiens communistes et leurs alliés vietcongs d'un côté, les Sud-Vietnamiens pro-américains de l'autre.

    Une poignée d'intellectuels cambodgiens issus de la bourgeoisie découvre le marxisme lors de ses études en France, dans les années 1950.

    Parmi eux, un certain Saloth Sar, né en 1928. Fils d'un riche propriétaire foncier, il est élevé près du palais par une cousine de son père membre du ballet royal avant de recevoir une bourse d'études pour la France.

    De retour dans son pays natal, il enseigne le français et communique à ses élèves sa passion pour Verlaine avant de rejoindre les maquis communistes. Se faisant désormais appelé Pol Pot, il deviendra secrétaire général du Parti («Frère Numéro 1») et Premier ministre du futur Kampuchea. À ce titre, il présidera à la mise en oeuvre du génocide !

    Dans les années 60, le gouvernement cambodgien fait la chasse aux communistes, en lesquels il voit non sans raison des fauteurs de troubles et des complices de l'ennemi héréditaire vietnamien. Les communistes se réfugient dans la jungle du nord-est où ils installent des maquis inexpugnables en s'appuyant sur la misérable paysannerie du cru. Ils restent toutefois très peu nombreux, à peine 4.000 au total.

    À la faveur d'un voyage en Chine populaire, en 1965, à la veille de la Révolution culturelle, Pol Pot, secrétaire général du Parti communiste ou Parti du peuple khmer (Prachéachon), se renforce dans sa haine de l'Occident et de la culture moderne et urbaine. Comme Mao Zedong, il voit dans la paysannerie pauvre le fer de lance de la révolution socialiste.

    … et rattrapé par le malheur

    Le sort du Cambodge bascule en 1969. Jusque-là, affichant sa neutralité, le prince Sihanouk avait tenté de maintenir son pays en-dehors du conflit voisin. Mais il ne pouvait empêcher les Nord-Vietnamiens et les vietcongs de transférer armes et munitions vers les maquis communistes du Sud-Vietnam en empruntant le port cambodgien de Sihanoukville et les pistes frontalières du nord-est.

    Le 14 août 1969, sous la pression américaine, le prince appelle au poste de Premier ministre le général Lon Nol, favorable à la guerre contre les communistes… et sensible à la promesse d'une aide massive de Washington. Pressé d'en découdre, Lon Nol profite d'un déplacement de Sihanouk en Chine pour le déposer le 18 mars 1970. Il instaure la République et s'en proclame président.

    Faute de mieux, Norodom Sihanouk prend à Pékin la tête d'un gouvernement de coalition en exil, avec les Khmers rouges. Dans le même temps, les Américains entament le bombardement des zones frontalières du Cambodge avec l'aval de Lon Nol.

    De 1970 à 1973, sous la présidence de Richard Nixon, l'US Air Force va déverser sur le Cambodge plus de bombes que sur aucun autre pays au monde. Au total plusieurs centaines de milliers de tonnes. Les bombardements redoublent même d'intensité en février-avril 1973, alors que les Vietnamiens se sont retirés du jeu après les accords de Paris.

    Ces bombardements indiscriminés, comme plus tôt au Viêt-nam, comme aujourd'hui en Afghanistan, font d'innombrables victimes parmi les populations civiles. Celles-ci, remplies de haine pour l'agresseur, se détournent du camp gouvernemental et rallient les communistes.

    Très vite, les troupes gouvernementales, en dépit de leur armement sophistiqué, cèdent du terrain face aux Khmers rouges. Lon Nol n'attend pas le gong final pour s'enfuir et abandonner ses partisans. C'est ainsi que Phnom Penh tombe le 17 avril 1975, deux semaines avant Saigon.

    L'horreur

    Les dirigeants des Khmers rouges, au nombre de quelques dizaines seulement, n'ont connu pendant dix à quinze ans que les camps de la jungle. Ils ressentent aussi beaucoup de méfiance à l'égard des communistes vietnamiens qu'ils suspectent de vouloir annexer les provinces orientales du Cambodge, peuplées de colons vietnamiens.

    Ils ont pu constater aussi combien le pouvoir était fragile en 1965, lors du massacre par le général Suharto de plusieurs centaines de milliers de communistes indonésiens. Ils ressentent cette fragilité avec d'autant plus d'acuité qu'ils sont très peu nombreux et craignent d'être submergés par les cadres de l'ancien régime qui viendraient à se rallier à eux.

    C'est ainsi qu'ils prennent la décision folle de faire table rase. Opposant l'«ancien peuple» (les paysans khmers pauvres) au «nouveau peuple» (les habitants des villes et les cadres pro-occidentaux), ils décident de rééduquer ces derniers et si besoin de les exterminer.

    Dans les heures qui suivent leur entrée à Phnom Penh, la capitale est vidée de ses habitants et des innombrables réfugiés qui avaient fui les bombardements des années précédentes. Au total 2 millions de personnes de tous âges. Il en va de même des autres villes du pays.

    Les déportés sont dirigés vers des camps de travail et de rééducation et astreints à des tâches dures et humiliantes. La nourriture est souvent réduite à deux louches d'eau de cuisson de riz par personne et par jour. La mortalité dans les camps atteint très vite des sommets.

    Les rebelles et les suspects sont jetés en prison et contraints à des aveux qui leur valent une exécution rapide, généralement d'un coup de pioche sur le crâne, car il n'est pas question de gaspiller des balles.

    Dans son très remarquable ouvrage, Le siècle des génocides, l'historien Bernard Bruneteau souligne que les meurtres ciblent des catégories précises. Ainsi, 4 magistrats sur un total de 550 survivront au génocide. Sont anéantis les deux tiers des fonctionnaires et policiers, les quatre cinquièmes des officiers, la moitié des diplômés du supérieur etc. Globalement, les populations citadines sont exterminées à 40% et les populations des régions les plus rurales à 10 ou 15% «seulement»

    Le doute

    La plupart des Occidentaux observent le drame avec incompréhension et beaucoup d'intellectuels manifestent une jubilation dont ils se repentiront plus tard.

    Il est vrai qu'au même moment, la victoire des communistes au Sud-Vietnam entraîne un autre drame, moins meurtrier mais plus spectaculaire, celui des «boat-people», réfugiés sino-vietnamiens prêts à affronter les tempêtes et les pirates sur des bateaux de fortune pour échapper au nouveau régime…

    En 1978, les Vietnamiens invoquent des raisons humanitaires pour envahir le Cambodge. Le 7 janvier 1979, ils entrent à Phnom Penh cependant que Pol Pot et les Khmers rouges reprennent le chemin de la clandestinité et des maquis. Le nouveau gouvernement cambodgien, vassal du Viêt-nam, compte dans ses rangs de nombreux Khmers rouges qui ont su retourner leur veste à temps.

    Pour cette raison, les Vietnamiens n'ont pas envie d'en rajouter dans la dénonciation des horreurs commises par les Khmers rouges. Les Chinois, méfiants à l'égard du Viêt-nam réunifié, trop puissant à leur goût, veulent ménager les Khmers rouges qui continuent de se battre dans la jungle. Même chose pour les Occidentaux.

    Il faut attendre le retrait unilatéral des forces vietnamiennes en 1989 pour que s'amorce une prise de conscience du génocide. Le 12 décembre 1997, l'Assemblée générale des Nations Unies fait enfin explicitement référence à des «actes de génocide» dans une résolution sur le Cambodge. La décision est importante : pour l'historien Bernard Bruneteau, elle signifie clairement que le concept de génocide n'est pas limité à une approche raciale ou religieuse. Il peut inclure comme au Cambodge ou pourquoi pas ? L'URSS une approche sociale.

    André Larané http://www.herodote.net

  • Petite histoire des campagnes de diabolisation (arch 2010)

    La « diabolisation » est une technique de manipulation des esprits. Elle vise à interdire la description des faits ou l’expression de certaines idées en disqualifiant celui qui les rapporte, en l’accusant d’ « extrémisme », de « dérapage » ou de « provocation ». La diabolisation est l’arme majeure du terrorisme intellectuel. Arme régulièrement utilisée en France depuis quarante ans mais qui a aussi été employée avec succès ailleurs.

    Petit rappel historique en forme d’explications :

    1968 : Enoch Powell

    Helléniste, latiniste, poète anglais, ancien de Cambridge, le député conservateur Enoch Powell était promis aux plus hautes destinées britanniques. Mais, élu d’une banlieue de Birmingham, il jugea de son devoir de s’inquiéter de l’immigration massive qui affectait alors sa circonscription. Son discours du 20 avril 1968 reste prophétique. Mais une campagne de diabolisation s’abattit sur lui. Pour évoquer les risques des sociétés multiculturelles il avait cité un vers de Virgile : celui évoquant la vision de la sibylle décrivant le « Tibre tout écumant de sang ». Le peuple britannique apporta son soutien à Enoch Powell mais les médias ne retinrent de son discours qu’une expression, celle des « fleuves de sang ». Enoch Powell fut brisé par le Système qui lui préféra le pâle Edward Heath. Plus tard, la leçon fut retenue par Margaret Thatcher : pour conserver le pouvoir et imposer des réformes libérales, la « Dame de fer » sut mobiliser l’esprit national pour reconquérir les Malouines mais laissa des pans entiers du Royaume-Uni s’islamiser et s’africaniser.
    http://www.youtube.com/watch?v=7wGtcloE0i8&feature=related

    1979 : la campagne de presse contre la « Nouvelle Droite »

    Durant l’été 1979, les grands médias lancèrent une campagne de presse massive visant à disqualifier des clubs de réflexion (GRECE et Club de l’Horloge) et un journal en plein essor, le Figaro Magazine, tout en « compromettant » le RPR et l’UDF. Sans qu’il y ait eu une seule phrase à reprocher aux mis en cause, l’objectif était de frapper d’interdit certaines idées : celles qui valorisaient les origines européennes de la civilisation française, celles qui prenaient en compte la diversité et l’originalité des cultures, celles qui relativisaient le rôle de l’acquis par rapport à l’inné. Toutes idées jugées non « correctes » tant par les tenants d’un marxisme finissant que par les partisans de la nouvelle idéologie des droits de l’homme en train de se constituer autour de Bernard-Henri Lévy.
    http://www.polemia.com/article.php?id=2737

    1980 : l’attentat contre la synagogue de la rue Copernic

    Le 3 octobre 1980, une bombe explosa devant la synagogue de la rue Copernic à Paris. Immédiatement « l’extrême droite » fut accusée. Et le président de la LICRA, Jean Pierre-Bloch affirma : « Les assassins, ce sont aussi ceux qui ont créé le climat » ; il visait là les journalistes du Figaro Magazine, ciblés aussi par BHL. Quant au pouvoir exécutif de Giscard, Barre et Bonnet (ministre de l’Intérieur), il fut accusé de complaisance avec l’ « extrême droite ». On sut très vite pourtant que l’attentat était d’origine proche-orientale mais l’effet politique des accusations mensongères fut redoutablement efficace : la direction du Figaro Magazine fut épurée et Valéry Giscard d’Estaing battu à l’élection présidentielle de mai 1981.
    http://www.polemia.com/article.php?id=2735

    1980 : le parti communiste et le bulldozer de Vitry

    Le 24 décembre 1980, la municipalité de Vitry, conduite par son maire, bloque au bulldozer la construction d'un foyer de travailleurs immigrés devant abriter 300 travailleurs maliens. Le maire Paul Mercieca est soutenu par Georges Marchais puis par une résolution du Comité central du parti. Georges Marchais affirme alors qu’ « il faut stopper l’immigration officielle et clandestine ».

    Une campagne médiatique se déclenche alors contre le parti communiste. Etre allié de l’Union soviétique et défendre le goulag ne l’empêchait pas du tout de disposer d’un accueil favorable dans les médias ; en revanche, refuser l’immigration l’expose à la diabolisation. Pour y échapper, et malgré le soutien des populations locales, le parti communiste plie et se soumet aux dogmes de « l’antiracisme ». Il y perdra progressivement la totalité de son électorat populaire aujourd’hui partiellement remplacé par l’électorat immigré.
    http://www.dailymotion.com/video/xctabd_le-communisme-a-la-papa_news

    1983 : Dreux et le Front national

    Aux élections municipales de 1983, le thème de l’immigration, abandonné par le parti communiste, revient sur le devant de la scène, notamment dans le XXe arrondissement de Paris où Jean-Marie Le Pen est candidat et à Dreux où Jean-Pierre Stirbois conduit la liste du Front national. La socialiste Françoise Gaspard ayant fraudé pour être réélue en mars 1983, les élections de Dreux sont annulées ; de nouvelles élections ont lieu en septembre : pour emporter la ville, la liste RPR/UDF fusionne au deuxième tour avec celle de Jean-Pierre Stirbois. La gauche lance alors une campagne de diabolisation du Front national et reçoit pour la circonstance le soutien de Simone Veil que ce choix isole au sein du RPR et de l’UDF.

    1986 : la mort de Malik Oussekine et le sida mental

    En 1986, le gouvernement Chirac cherche à réintroduire la sélection à l’université et à réformer le code de la nationalité. La gauche et les organisations antiracistes subventionnées organisent alors des manifestations violentes de protestation.

    Dans le Figaro Magazine du 6 décembre, Louis Pauwels dénonce « le monôme des zombies » : « Ce sont les enfants du rock débile, les écoliers de la vulgarité pédagogique, les béats nourris de soupe infra-idéologique cuite au show-biz, ahuris par les saturnales de “Touche pas à mon pote”. (…) L’ensemble des mesures que prend la société pour ne pas achever de se dissoudre : sélection, promotion de l’effort personnel et de la responsabilité individuelle, code de la nationalité, lutte contre la drogue, etc., les hérisse. (…) C’est une jeunesse atteinte d’un sida mental. »

    Le même 6 décembre, à l’issue de la destruction d’une barricade par la police, un immigré sous dialyse rénale, Malik Oussekine, trouve la mort. Une puissante campagne de sidération de l’opinion s’engage et débouche finalement sur le retrait des lois sur l’université et la nationalité. Formule choc qui illustre bien la baisse des capacités immunitaires et de défense de la société, le « sida mental » est au cœur du scandale médiatique. Mais l’enchaînement des événements montre sa réalité. Aujourd’hui encore c’est le « sida mental » qui rend impossible la répression des émeutes ethniques dans les banlieues de l’immigration.

    1987 : le « détail » de Jean-Marie Le Pen

    Le « détail » de Jean-Marie Le Pen est souvent considéré – par ses partisans comme par ses adversaires – comme l’explication majeure de la diabolisation du Front national (le mot « détail » a lui-même été diabolisé !). Ce point de vue mérite d’être fortement nuancé voire corrigé :

    • - d’abord, parce que l’affaire du « détail » ne fut qu’une opération de diabolisation parmi beaucoup d’autres ; il est d’ailleurs intéressant de constater que la campagne de presse contre le « détail » de Jean-Marie Le Pen ne se déclencha pas immédiatement après l’émission « RTL/Le Monde » mais… 48 heures plus tard ; émotion et indignation ne furent pas instantanées mais programmées ;
    • - ensuite, le « détail » survenu en septembre 1987 n’empêcha pas Jean-Marie Le Pen d’obtenir les 500 parrainages de maire nécessaires à sa candidature à l’élection présidentielle, ni de rassembler, au 1er tour, 14,5% des suffrages, doublant quasiment le nombre de ses voix par rapport aux élections législatives précédentes.

    1990 : la profanation de Carpentras

    Il y a chaque année – ce qui est déplorable – plusieurs centaines de profanations de cimetières. Dans plus de 90% des cas il s’agit de cimetières catholiques et cela n’émeut personne dans la classe politico-médiatique. Il n’en va pas de même lorsqu’il s’agit de profanations de sites musulmans ou juifs.

    A l’origine, la profanation du cimetière de Carpentras ne fit l’objet que d’une simple dépêche de quelques lignes sur l’AFP ; puis elle fut mise en scène par le ministre de l’Intérieur, Pierre Joxe, et devint un événement national de première ampleur. L’ensemble fut couronné par une grande manifestation PS/RPR/PC/UDF/LCR/SOS-Racisme/LICRA conduite par François Mitterrand.

    L’ancien directeur des RG, Yves Bertrand, a décrit l’affaire dans un livre de mémoires, n’hésitant pas à la qualifier de manipulation médiatique, sans se prononcer sur l’origine de l’acte lui-même si ce n’est sur la parfaite innocence du Front national. Parfaite innocence qui n’empêcha pas que soit brisée l’ascension du Front national qui venait pourtant d’obtenir l’élection d’un député au scrutin majoritaire (Marie-France Stirbois).

    L’affaire de Carpentras reste dans les mémoires car c’est la plus forte opération de sidération des esprits des quarante dernières années. Sidération qui s’opéra donc sur la base, sinon d’un mensonge, du moins d’un fait fantasmé et qui permit, quelques semaines plus tard, le vote de la loi mémorielle qui porte le nom du député communiste Jean-Claude Gayssot : loi liberticide qui crée le délit d’opinion historique. http://www.polemia.com/article.php?id=1573

    2004 : l’affaire Vanneste, la diabolisation au nom de l’homophobie

    Le député UMP Christian Vanneste a déclaré, le 26 janvier 2005, dans des interviews à La Voix du Nord et à Nord Eclair : « L’homosexualité est une menace pour la survie de l’humanité […]. Je n’ai pas dit que l’homosexualité était dangereuse. J’ai dit qu’elle était inférieure à l’hétérosexualité. Si on la poussait à l’universel, ce serait dangereux pour l’humanité […]. Pour moi leur comportement est un comportement sectaire. Je critique les comportements, je dis qu’ils sont inférieurs moralement […]. »

    Propos normaux pour un député conservateur et un philosophe catholique mais qui valurent à Christian Vanneste une puissante campagne de diabolisation. Il fut d’ailleurs poursuivi devant les tribunaux pour « homophobie », un délit créé sur le modèle des précédentes lois liberticides à la suite d’un montage médiatique. Un homme agressé avait médiatisé les coups dont il avait été victime en prétendant que ses agresseurs l’avaient frappé en raison de son orientation sexuelle. En fait, son agression était le fait de son « compagnon ». Mais l’émotion suscitée par le montage médiatique permit la création par la loi du 31 décembre 2004 du délit d’ « homophobie ».
    http://fr.wikipedia.org/wiki/Christian_Vanneste

    2006/2009 : la diabolisation de Benoît XVI

    Il n’y a pas que les hommes politiques ou les intellectuels qui soient exposés à la diabolisation. Les hommes de Dieu aussi. Lorsque Jean-Paul II mourut, les médias mondiaux dressèrent le portrait robot du futur pape idéal : un Sud-Américain ou un Africain, progressiste, tourné vers les médias et attaché à une expression émotionnelle de la foi. Le Sacré Collège élut un cardinal allemand, intellectuel et philosophe, attaché à la raison et à la tradition. A partir de là toutes les occasions furent bonnes pour diaboliser le « pape allemand » :

    • - son discours de Ratisbonne, où il s’interrogeait sur la religion et la raison (et soulignait les différences entre le catholicisme et l’islam) ;
    • - ses propos africains sur le préservatif dont l’Eglise catholique peut pourtant difficilement… recommander l’usage.

    Dans ces deux cas la technique de diabolisation fut la même : la mise en exergue d’une phrase sortie de son contexte. La même technique que celle utilisée en 1968 contre Enoch Powell.

    Enfin la reductio ad Hitlerum fut aussi utilisée lors du rapprochement de Rome avec les évêques traditionalistes, l’un d’entre eux, Monseigneur Williamson, ayant tenu des propos révisionnistes, propos, certes, condamnables au regard du droit français (mais non du droit britannique) mais propos ne relevant en rien du droit canon (à moins de changer les dogmes de l’Eglise catholique).

    Bien entendu ces campagnes médiatiques ne sont que des prétextes utilisés par l’oligarchie médiatique dominante pour s’opposer à toute forme de retour vers la tradition catholique dont l’Eglise s’est éloignée à la suite de Vatican II. http://www.polemia.com/article.php?id=2002

    Les diabolisés : les nouveaux dissidents

    Les diabolisateurs sont les hommes d’influence qui tiennent le « manche ». Ce sont des hommes de pouvoir médiatique, politique ou financier, souvent défenseurs de groupes de pression communautaristes.

    Les diabolisés sont, eux, très divers : on y trouve des intellectuels, des hommes politiques, des hommes d’Eglise. Par-delà leurs différences, on trouve quelques points communs : souvent une grande culture, un attachement à des traditions, toujours du courage et de la lucidité et des convictions fermes qui les amènent à s’opposer au « politiquement correct », au « moralement correct », à « l’historiquement correct ».

    Le club des « diabolisés » fait penser aux clubs des dissidents des régimes totalitaires, ces régimes si bien décrits par George Orwell dans 1984. Des dissidents que le pouvoir soviétique qualifiait de « hooligans » !

    Ce qui prouve qu’être diabolisé, c’est plus qu’honorable, même si cela peut coûter cher : Louis Pauwels n’entra pas à l’Académie française, Enoch Powell se vit barrer la route de Downing street, Christian Vanneste ne deviendra jamais ministre et Benoît XVI aura toujours du mal à être aimé des grands médias !

    Comment combattre la diabolisation ?

    Une précision d’abord : la diabolisation ne s’évite pas, sauf par le silence, la repentance et le reniement de convictions non conformes. Il ne sert à rien, non plus, de « hurler avec les loups » et de tenter de dénoncer ceux qui seraient encore plus diabolisables que soi. Là aussi c’est aller contre l’honneur et contre ses propres intérêts car cela revient à s’inscrire dans la logique des diabolisateurs.

    Alors, quand on refuse de suivre la pente dominante – à quelque niveau que l’on se trouve – il faut s’apprêter à faire face à la diabolisation.

    Avec lucidité et courage. Il n’est pas toutefois interdit d’être habile : défendre des idées non conformistes c’est comme une course d’arêtes, cela implique de ne tomber ni d’un côté ni de l’autre ; il ne faut céder ni à la facilité ni à l’excès.

    Mais il faut aussi faire face aux diabolisateurs : dévoiler leurs arrière-pensées et les intérêts qu’ils servent ; effectuer les rappels historiques nécessaires ; et se poser une bonne question : Qui dans l’histoire a laissé sa marque sans avoir, à un moment ou à un autre, été diabolisé par les intérêts du moment ?

    Polémia
    20/12/2010

  • « Le Pen, une histoire française » de Philippe Cohen et Pierre Péan : Réhabilitation ou réquisitoire ?

    Ni hagiographie, ni pamphlet, Le Pen, une histoire française a déclenché une belle polémique. Ses auteurs, Pierre Péan et Philippe Cohen, s’écartent de la doxa officielle. Pour eux, la diabolisation du Front national est moins due aux « dérapages » de son président qu’aux manœuvres machiavéliques de François Mitterrand créant SOS Racisme en même temps qu’il rétablissait la proportionnelle et se prêtait avec Pierre Joxe à la manipulation de Carpentras. Le Pen, une histoire française est un livre où les auteurs ne prennent pas vraiment parti mais accumulent des faits, des témoignages étayés, parfois des ragots, et exposent, sur chaque sujet, les différentes thèses en présence. Il leur arrive d’être sévères avec le président honoraire du Front national, notamment dans la description de ses rapports avec son parti et surtout avec l’argent, sans parler de leur hypothèse sensationnaliste sur une éventuelle expérience homosexuelle, bien dans l’air du temps il est vrai, qui a conduit Jean-Marie Le Pen à annoncer des poursuites en diffamation. Observatrice affutée de la scène nationale, Camille Galic présente pour nos lecteurs le livre de Péan et Cohen.
    Polémia

     

    Après celle qui suivit l’accession de Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle 2002, la France a connu une nouvelle « quinzaine de la haine », celle qui, dès la mi-novembre, s’est déchaînée dans la presse française contre les auteurs de Le Pen, une histoire française. Mais cette cabale ne repose-t-elle pas sur un malentendu ? En dépit – ou en raison – de son objectivité affichée, ce livre ambigu, en rupture avec les thèses établies depuis des décennies, est aussi, en effet, un SCUD contre le président honoraire du Front national.

     

    Matraquage contre Cohen-Péan

     

    C’est Nicolas Poincaré qui attaqua le premier sur Europe 1 : comment Philippe Cohen et Pierre Péan ont-ils pu aborder « sans haine » (sic) le président honoraire du Front national ? Sur la même antenne, propriété d’Arnaud Lagardère et désormais aussi de l’émir du Katar Alexandre Kara, nouveau chef du service politique d’Europe 1, et Benjamin Bonneau renchérissent : « Le Pen doit attendre ce livre avec le sourire, [car] les deux journalistes d’investigation se livrent en effet à une véritable entreprise de dédiabolisation, voire de banalisation, de l’homme qui a réinventé l’extrême droite française. »

     

    Pensez donc (c’est toujours Alexandre Kara et Benjamin Bonneau qui parlent) : « Concernant la guerre d’Algérie, un pan obscur de la carrière de Jean-Marie Le Pen, les auteurs en arrivent en effet à cette conclusion : “Si Le Pen a sans doute brutalisé des Algériens, il n’a pas pratiqué la torture institutionnelle telle qu’elle a été employée pendant le conflit”… » et les auteurs osent le définir « non comme un Mussolini français mais plutôt comme le fils de Céline et de Séguéla ».

     

    L’offensive continue sur France Inter où, malgré sa répugnance à parler de « mauvais livres » (mais il faut en parler « justement par respect pour les bons »), Patrick Cohen éructe dans sa tranche matutinale contre son homonyme Philippe et contre Pierre Péan, qui « banalisent » Le Pen et, traitant de l’affaire du « détail » (1987), omettent d’y voir la preuve irréfutable que Le Pen, « ce jour-là patraque », est un antisémite invétéré.

     

    Si l’on ajoute à ces charges celles, tout aussi virulentes, de Maurice Szafran, directeur de Marianne (dont, pourtant, Philippe Cohen est toujours rédacteur après en avoir été l’un des cofondateurs), et de Serge Ulisky qui, sur le site Mediapart dirigé par Edwy Plenel, s’indigne de voir « un Le Pen réhabilité, sorti du purgatoire par la grande porte… celle qui mène au paradis, à la droite du Père », il faut bien admettre que l’on a assisté à une fameuse démonstration de « Cohen-Péan bashing ».

     

    Boulevard à ragots

     

    La chose est d’autant plus surprenante que le livre, d’ailleurs souvent fondé sur des sources anonymes et entaché d’erreurs (François Brigneau y est confondu sur une photo avec Hubert Massol, Jean Mabire assimilé page 156 à Bernard Antony comme chef des catho-tradis, etc. sans parler des confusions de prénoms), est sans doute le réquisitoire le plus dommageable – du point de vue, essentiel, celui du militant de base – jamais écrit sur l’homme Le Pen. Péan et Cohen le présentent comme un opportuniste politique, taxé d’homosexualité avec le feu député-maire de Pau André Labarrère, accusé d’avoir été un mauvais père et un président de parti peu scrupuleux. A l’évidence, ces auteurs ne ressentent visiblement aucune empathie pour lui, au contraire de leurs confrères de Libération Gilles Bresson et Christian Lionet, auteurs de la première biographie (1) consacrée au président du Front national car ces gauchistes ne pouvaient en effet se défendre d’une certaine fascination pour le turbulent et inclassable Le Pen. L’intéressé ne s’y est d’ailleurs pas trompé qui, qualifiant le livre de Cohen et Péan de « boulevard à ragots », s’estimait « calomnié » et annonçait le 29 novembre son intention de porter plainte.

     

    Malentendu

     

    Comment expliquer ce malentendu ? Sans doute, parmi les plumitifs qui ont dénigré Le Pen, une histoire française dès sa parution, bien peu en avaient lu chacune des 540 pages. Mais la principale raison de leur vindicte est celle avancée par Patrick Cohen sur France Inter : « Ce qu'il y a de plus insupportable dans [c]e Le Pen, c'est la façon dont les auteurs font la leçon à tous ceux qui les ont précédés », y compris lui-même, qui avait commis au printemps 2003 un livre à charge (2).

     

    En effet, si Péan et Cohen ne ménagent pas le Le Pen intime, caractérisé selon eux par « un narcissisme exacerbé et un égocentrisme de tous les instants » ainsi que par « une propension à tout détruire » et « une relation trouble à l’argent », ils font litière des accusations justifiant la « légende noire » entretenue à plaisir depuis près de trente ans par des journalistes aussi suivistes que négligents dans la recherche des preuves. Ils jugent ainsi, on l’a vu, invraisemblable que le jeune député engagé au 1er REP ait torturé en Algérie (qui imagine d’ailleurs l’armée confiant une pareille tâche à un civil, de surcroît député, fût-il provisoirement enrôlé dans la Légion ?). Ils reconnaissent aussi que les témoins FLN convoqués aux différents procès intentés par Le Pen à Michel Rocard et au Monde notamment (diffamateurs relaxés en raison de leur « bonne foi ») étaient de faux témoins et que la très tardive exhibition d’un « poignard SS » avec lequel le jeune député aurait soumis ses supposées victimes à la question relève du montage. De même, s’ils soulignent sa fidélité aux « vaincus de l’histoire », ils n’y voient pas la preuve d’un antisémitisme viscéral et primaire (qui, ainsi que son racisme tant de fois incriminé, « relève de la provocation plus que de l’intime conviction »). Enfin, ils exonèrent aussi celui qui était alors le président du Front national de toute responsabilité dans la profanation de Carpentras ainsi que dans la rixe qui se produisit en 1995 en marge d’un défilé du FN et à l’issue de laquelle le Marocain Bouarram, jeté, ou tombé, dans la Seine, s’y noya. En revanche, ils sont très sévères pour la gauche en général et François Mitterrand en particulier qui, tout en instituant la proportionnelle qui devait mécaniquement amener le Front national à la Chambre, instrumentalisait simultanément SOS Racisme pour sataniser Le Pen et interdire ainsi toute entente entre les « fascistes » et la « droite républicaine » dont François Léotard, l’une des têtes d’affiche, était l’un des parrains de SOS Racisme. Cette stratégie, ou plutôt cette tactique réussit parfaitement puisque ses effets perdurent aujourd’hui encore.

     

    Le boomerang de la diabolisation

     

    En somme, Péan et Cohen prennent sur les plans historique et politique l’exact contrepied des confrères qui ont si longtemps, et qui pour la plupart persévèrent, à colporter des contre-vérités, avec pour seul résultat de « congeler » autour de Jean-Marie Le Pen ceux de ses compatriotes qui refusent la bien-pensance, et donc de « faire de lui une sorte d’épicentre de la vie politique récente ».

     

    Ce cruel constat de son aveuglement sectaire et de son propre échec, c’est bien ce que notre moutonnière mais arrogante gent journalistique reproche le plus aux auteurs de Le Pen, une histoire française, même si leur livre est un mauvais coup porté au Front national et plus largement au mouvement national.

     

    Camille Galic http://www.polemia.com
    3/12/2012

     

    Philippe Cohen et Pierre Péan : Le Pen, une histoire française, éd. Robert Laffont 2012, 540 pages.

     

    Notes :

     

    (1) Patrick Cohen avec Jean-Marc Salmon, 21 avril 2002 : Contre-enquête sur le choc Le Pen, Denoël 2003, 356 p.
    (2) Gilles Bresson et Christian Lionet, Le Pen, biographie, Ed. du Seuil 1994.

  • Afghanistan : comme un arrière-goût de Vietnam (arch 2011)

    Ils doivent être quelques dizaines de milliers d'anciens combattants jadis rapatriés de Saigon dans les fourgons de l'amertume à trouver que l' "afghanisation" de la guerre, dont on nous chante maintenant les louanges, ressemble de plus en plus à la "vietnamisation" du conflit qu'ils ont connue voici une quarantaine d'années - les rizières en moins, les montagnes en plus. Même cynisme de la Maison Blanche, même gesticulations politiciennes, même soumission des galonnés. Et nous devons être encore quelques poignées dans les salles de rédaction, aux États-Unis, en France ou ailleurs, à nous souvenir plus que jamais de ces terribles années de repli psychologique, sentimental, militaire qui se frayèrent un chemin à travers l'abandon d'une mission, des négociations bâclées, un retour de vaincus jusqu'à l'oubli des braves et la paix des cimetières. Curieux comme de loin toutes les guerres se ressemblent : sans doute cette féroce odeur de cendre qui recouvre tout, qui pénètre partout, qui est la même sur toutes les terres remuées avec leurs fantômes sortis du même moule. Bien sûr, Obama n'est pas Nixon. Le rustique tribalisme de la société afghane se trouve à l'opposé du subtil cloisonnement des classes vietnamiennes ; le président Karzai n'a rien de commun avec le président Thieu ; aucun trait ne pourrait rapprocher les gueux traîneurs de Kalachnikov dans d'impériaux défilés rocheux et les souples maraudeurs asiates des mystérieuses plaines inondées ; enfin, qui oserait mettre en parallèle les Talibans et le Viêt-Cong ? D'ailleurs, l'essentiel n'est pas là. Si toutes les guerres ne se ressemblent que de loin, de près, certaines, étrangement, se rejoignent. Depuis quelques jours, le spectre du Vietnam recouvre l'Afghanistan.
    Il est vrai qu'Obama se surprend à rejoindre Nixon lorsque celui-ci, aux tout premiers mois de 1970, décida de retirer de l'embrasement vietnamien les grandes et lourdes unités que le Pentagone avait mises en place au cours du dernier tiers des années soixante. Il s'agissait à l'époque de centaines de milliers de soldats dotés d'un matériel considérable sur lesquels s'était brisée l'offensive nordiste du Têt en 1968. Appuyé par ses conseillers, Nixon estima alors que son allié local contre l'expansionnisme communiste avait réalisé suffisamment de progrès dans beaucoup de domaines (entraînement, tactique, équipement) pour autoriser, sans trop de risques apparents, la puissance protectrice à lui passer le relais des opérations. Et ainsi permettre aux États-Unis de relâcher leur pression sur l'ennemi commun avant de décrocher.   Décision capitale qui reposait sur trois éléments : l'analyse lucide des événements qui concluait qu'un conflit de ce type serait interminable, donc ingérable sur le long terme pour Washington ; la certitude que la victoire militaire autant qu'idéologique d'Hanoi n'irait pas au-delà de la réunification du pays et donc n'entraînerait pas la chute d'autres "dominos". La convergence de ces deux éléments devait forcément aboutir à un troisième qui en était comme la traduction factuelle : la remise de l'outil guerrier entre les mains des autochtones chargés ainsi de défendre leur terre, s'imposait comme la solution la plus logique, la plus populaire et la plus élégante. Mais, au moment où cette décision tomba comme un couperet, les voix officielles se gardèrent bien d'ajouter que la solution retenue était également la plus impraticable.
    Les calculs entourant la "vietnamisation" de la guerre eurent leur part d'hypocrisie comme ceux qui entourent maintenant l'"afghanisation" des escarmouches cernées d'un côté par les plaines arides de l'Iran, de l'autre par les ravins lunaires du Pakistan. La passation de pouvoir entre deux armées ne se résume pas à une cérémonie ultra-médiatisée avec échange de drapeaux et roulement de tambours. Il y a bien autre chose dans cette passation : un univers qui bascule, des cartes redistribuées, un nouveau visage de l'affrontement. Mais ce que l'image n'arrivera jamais à restituer dans ce genre de gesticulation festive, c'est le supplément de mensonge qui s'y loge. Nixon savait très bien que les Vietnamiens laissés seuls n'auraient ni le métier, ni la volonté, ni l'obstination de contenir les poussées de leurs envahisseurs. Obama réalise que les Afghans, privés bientôt de 33 000 soldats américains, ne seront pas prêts à assurer la relève pour les trois mêmes raisons qui handicapèrent leurs lointains prédécesseurs. Dans cette double tragédie, personne en haut lieu ne fut dupe, ou n'est dupe, de sa propre tactique adaptée aux circonstances. Le retrait était à ce prix ; il l'est toujours. On le savait dans le Washington de 1970 ; on le sait dans celui de 2011. Même bagarre politicienne, même manipulation des faits, même flatterie de l'opinion. (cf. Présent du 2 juillet) Et puis la capacité d'une armée encore dans les limbes de résister à un ennemi ouvre des débats infinis. La glose triomphe là où le flou persiste. Personne ne dispose des vraies réponses aux vraies questions parce que les scénarios-vérité ne peuvent être mis en place. Cette immense plage inconnue fut la précieuse marge de manœuvre de Nixon. Elle est désormais celle d'Obama.
    À qui l'incertain locataire de la Maison-Blanche devait-il "vendre" son calendrier de repli ? Pas à l'immense masse des Américains, dont l'ignorance chronique des subtilités de la géostratégie se satisfait de sondages périodiques dans lesquels elle se donne l'illusion d'un jugement et l'occasion d'une résistance. Pour ces électeurs, la lassitude l'emporte : précieux ingrédient qu'il faudra exploiter à fond au bon moment. À qui d'autre Obama devait-il "vendre" son retour aux chaumières ? Pas aux membres des institutions politiques dont la soumission aux méandreux courants du conformisme tient lieu de doctrine parfais à peine écorchée par d'imprévisibles sursauts d'opportunisme. Pour ces fidèles du système, une sortie de bourbier peut valoir 50 000 voix : atout inespéré qu'il convient d'utiliser comme tir de barrage. Qui restait-il à convaincre ? Devant quel public Obama allait-il devoir se montrer persuasif ? La société militaire. Ce fut un échec. La preuve par le général David Petraeus. Quatre étoiles, quinze rangées de décorations, une servilité pleine d'affectation, pimentée quand il le faut d'une raideur mondaine, le patron des 150 000 soldats multinationaux expédiés en Afghanistan s'est carrément opposé à l'initiative  présidentielle. Devant le sénat, il a martelé : c'est trop d'hommes retirés à une période critique, trop de handicaps accumulés pour des gains incertains - c'est une politique aventuriste qui cadre mal avec les réalités du terrain. Jamais la déception contenue de Petraeus n'avait à ce point dépassé les bornes. Pas d'éclat mais une froide fermeté. Le New York Times n'en est pas encore revenu.
    Lorsqu'Obama entama fin mai avec ses plus proches conseillers les conciliabules qui allaient générer ce revirement tactique, il demanda, bien sûr, son avis à Petraeus, mais en spécifiant que cette démarche n'était que consultative. Le général consentit à un reflux de ses troupes et le préconisa à un niveau qui se situait au tiers à peine de celui imposé maintenant par la Maison Blanche. Ce fut pour lui une sorte de camouflet et pour éviter toute fâcheuse bavure, Obama lui offrit immédiatement de quitter son poste pour prendre la direction de la CIA. Étonnant changement de trajectoire qui place Petraeus dans une situation inconfortable parce que scellée par un paradoxe. Voilà un bon théoricien de la guerre subversive - il l'a prouvé en Irak - et un défenseur de ses exigences stratégiques, qui articula tous ses efforts dans les vallées afghanes sur un quadrillage minutieux et systématique des zones infestées par les Talibans. Or, un quadrillage à l'échelle de quatre régions dans un pays qui n'est pas le Luxembourg implique la présence d'unités se comptant en divisions et non en régiments. Petraeus eut un cruel besoin des 30 000 soldats envoyés en renfort par Obama il y a dix-huit mois. Bientôt, son successeur les verra partir. Mais ce vide, par un curieux ricochet, affectera également Petraeus dans ses nouvelles fonctions. À la tête de la CIA, il ne dirigera plus, certes, comme naguère, des bêtes de guerre chargées d'empêcher tout contact entre l'ennemi et la population, mais des spécialistes du renseignement focalisés sur le démantèlement de l'appareil subversif. Cependant, les deux objectifs se rejoignent et chacun réclame beaucoup d'hommes sur un terrain où déjà soldats et espions se confondent. Petraeus sait que ces hommes, il ne les aura pas plus à la CIA qu'il ne les aurait eus dans l'armée. Le chantre du quadrillage massif butera sur le même problème, qui l'a finalement rattrapé.
    Christian Daisug Présent du 9 juillet 2011

  • 24 avril 1915 Le génocide arménien

    Le samedi 24 avril 1915, à Constantinople (*), capitale de l'empire ottoman, 600 notables arméniens sont assassinés sur ordre du gouvernement. C'est le début d'un génocide, le premier du XXe siècle.

    Il va faire environ 1,2 million de victimes dans la population arménienne de l'empire turc. Sur les horreurs de ces massacres, voir la vidéo ci-contre de l'INA (1982).

    André Larané
     
    La République turque et le génocide

    La République turque, qui a succédé en 1923 à l'empire ottoman, ne nie pas la réalité des massacres mais en conteste la responsabilité et surtout rejette le qualificatif de génocide.

    Les Turcs les plus accommodants attribuent la responsabilité des massacres à un régime disparu, le sultanat, ou aux aléas de la guerre. Le gouvernement d'Istamboul, allié de l'Allemagne contre la Russie, la France et l'Angleterre, pouvait craindre une alliance entre les Russes et les Arméniens de l'intérieur, chrétiens comme eux.

    Ils font aussi valoir que ces massacres n'étaient pas motivés par une idéologie raciale. Ils ne visaient pas à l'extermination systématique du peuple arménien. Ainsi, les Arméniens de Jérusalem et de Syrie, alors possessions ottomanes, n'ont pas été affectés par les massacres. Beaucoup de jeunes filles ont aussi pu sauver leur vie en se convertissant à l'islam et en épousant un Turc, une «chance» dont n'ont pas bénéficié les Juives victimes des nazis... Pour les mêmes raisons, certains historiens occidentaux contestent également le qualificatif de génocide.

    Un empire composite

    Aux premiers siècles de son existence, l'empire ottoman comptait une majorité de chrétiens (Slaves, Grecs, Arméniens, Caucasiens, Assyriens....). Ils jouaient un grand rôle dans le commerce et l'administration, et leur influence s'étendait au Sérail, le palais du sultan. Ces «protégés» (dhimmis en arabe coranique) n'en étaient pas moins soumis à de lourds impôts et avaient l'interdiction de porter les armes.

    Les premiers sultans, souvent nés d'une mère chrétienne, témoignaient d'une relative bienveillance à l'égard des Grecs orthodoxes et des Arméniens monophysites.

    Ces derniers étaient surtout établis dans l'ancien royaume d'Arménie, au pied du Caucase, premier royaume de l'Histoire à s'être rallié au christianisme ! Ils étaient majoritaires aussi en Cilicie, une province du sud de l'Asie mineure que l'on appelait parfois «Petite Arménie». On en retrouvait à Istamboul ainsi que dans les villes libanaises et à Jérusalem.

    L'empire ottoman comptait environ 2 millions d'Arméniens à la fin du XIXe siècle sur une population totale de 36 millions d'habitants.

    Ébauche de génocide

    Après une tentative de modernisation par le haut, dans la période du Tanzimat, entre 1839 et 1876, l'empire ottoman entre dans une décadence accélérée. Le sultan Abdul-Hamid II attise sans vergogne les haines religieuses pour consolider son pouvoir (les derniers tsars de Russie font de même dans leur empire).

    Entre 1894 et 1896, comme les Arméniens réclament des réformes et une modernisation des institutions, le sultan en fait massacrer 200.000 à 250.000 avec le concours diligent des montagnards kurdes. À Constantinople même, la violence se déchaîne contre les Arméniens du grand bazar, tués à coups de gourdin.

    Un million d'Arméniens sont dépouillés de leurs biens et quelques milliers convertis de force. Des centaines d'églises sont brûlées ou transformées en mosquées... Rien qu'en juin 1896, dans la région de Van, au coeur de l'Arménie historique, pas moins de 350 villages sont rayés de la carte.

    Ces massacres planifiés ont déjà un avant-goût de génocide. L'Américain George Hepworth enquêtant sur les lieux deux ans après les faits, écrit : «Pendant mes déplacements en Arménie, j'ai été de jour en jour plus profondément convaincu que l'avenir des Arméniens est excessivement sombre. Il se peut que la main des Turcs soit retenue dans la crainte de l'Europe mais je suis sûr que leur objectif est l'extermination et qu'ils poursuivront cet objectif jusqu'au bout si l'occasion s'en présente. Ils sont déjà tout près de l'avoir atteint» (*).

    Les Occidentaux se contentent de plates protestations. Il est vrai que le «Sultan rouge» fait le maximum pour dissimuler son forfait et même paie la presse européenne pour qu'elle fasse silence sur les massacres.

    Abdul-Hamid II joue par ailleurs la carte de chef spirituel de tous les musulmans en sa qualité de calife. Il fait construire le chemin de fer du Hedjaz pour faciliter les pèlerinages à La Mecque. Il se rapproche aussi de l'Allemagne de Guillaume II. Mais ces initiatives lui valent d'être déposé en 1909 par le mouvement des «Jeunes-Turcs». 

    À l'origine du sentiment national turc, ces derniers lui reprochent de livrer l'empire aux appétits étrangers et de montrer trop de complaisance pour les Arabes.

    Les «Jeunes-Turcs» veulent se démarquer des «Vieux-Turcs» qui, au début du XIXe siècle, s'opposèrent à la modernisation de l'empire.

    Ils installent au pouvoir un Comité Union et Progrès (CUP, en turc Ittihad) dirigé par Enver pacha (27 ans), sous l'égide d'un nouveau sultan, Mohamed V.

    Ils donnent au pays une Constitution... ainsi qu'une devise empruntée à la France: «Liberté, Égalité, Fraternité».

    Ils laissent espérer un sort meilleur aux minorités de l'empire, sur des bases laïques. Mais leur idéologie emprunte au nationalisme le plus étroit.

    Confrontés à un lent démembrement de l'empire multinational et à sa transformation en puissance asiatique (l'empire ne possède plus en Europe que la région de Constantinople), ils se font les champions du «touranisme». Cette idéologie prône l'union de tous les peuples de langue turque ou assimilée, de la mer Égée aux confins de la Chine (Anatolie, Azerbaïdjan, Kazakhstan, etc) (*).

    Dès leur prise de pouvoir en 1909, les Jeunes-Turcs, soucieux de créer une nation turque racialement homogène, multiplient les exactions contre les Arméniens d'Asie mineure. On compte ainsi 20.000 à 30.000 morts à Adana le 1er avril 1909...

    Ils lancent des campagnes de boycott des commerces tenus par des Grecs, des Juifs ou des Arméniens, en s'appuyant sur le ressentiment et la haine des musulmans turcs refoulés des Balkans.

    Ils réécrivent l'Histoire en occultant la période ottomane, trop peu turque à leur goût, et en rattachant la race turque aux Mongols de Gengis Khan, aux Huns d'Attila, voire aux Hittites de la haute Antiquité. Ce nationalisme outrancier ne les empêche pas de perdre les deux guerres balkaniques de 1912 et 1913.

    La Turquie dans la guerre de 1914-1918

    Le 8 février 1914, la Russie impose au gouvernement turc une commission internationale destinée à veiller aux bonnes relations entre les populations ottomanes. Les Jeunes-Turcs ravalent leur humiliation mais lorsque la Grande Guerre éclate, en août de la même année, ils poussent le sultan Mahomet V à entrer dans le conflit, aux côtés des Puissances centrales (Allemagne et Autriche), contre la Russie et les Occidentaux.

    Le sultan déclare la guerre le 1er novembre 1914. Les Turcs tentent de soulever en leur faveur les Arméniens de Russie. Mal leur en prend... Bien qu'en nombre supérieur, ils sont défaits par les Russes à Sarikamish le 29 décembre 1914.

    L'empire ottoman est envahi. L'armée turque perd 100.000 hommes. Elle bat en retraite et, exaspérée, multiplie les violences à l'égard des Arméniens dans les territoires qu'elle traverse. Les Russes, à leur tour, retournent en leur faveur les Arméniens de Turquie. Le 7 avril 1915, la ville de Van, à l'est de la Turquie, se soulève et proclame un gouvernement arménien autonome.

    Dans le même temps, à l'initiative du Lord britannique de l'Amirauté, un certain Winston Churchill, les Français et les Britanniques préparent un débarquement dans le détroit des Dardanelles pour se saisir de Constantinople.

    Le génocide

    Les Jeunes-Turcs profitent de l'occasion pour accomplir leur dessein d'éliminer la totalité des Arméniens de l'Asie mineure, une région qu'ils considèrent comme le foyer national exclusif du peuple turc. Ils procèdent avec méthode et brutalité.

    L'un de leurs chefs, le ministre de l'Intérieur Talaat Pacha, ordonne l'assassinat des élites arméniennes de la capitale puis des Arméniens de l'armée, bien que ces derniers aient fait la preuve de leur loyauté (on a ainsi compté moins de désertions chez les soldats arméniens que chez leurs homologues turcs). C'est ensuite le tour des nombreuses populations arméniennes des sept provinces orientales (les Arméniens des provinces arabophones du Liban et de Jérusalem ne seront jamais inquiétés).

    Voici le texte d'un télégramme transmis par le ministre à la direction des Jeunes-Turcs de la préfecture d'Alep : «Le gouvernement a décidé de détruire tous les Arméniens résidant en Turquie. Il faut mettre fin à leur existence, aussi criminelles que soient les mesures à prendre. Il ne faut tenir compte ni de l'âge, ni du sexe. Les scrupules de conscience n'ont pas leur place ici».

    Le gouvernement destitue les fonctionnaires locaux qui font preuve de tiédeur, ainsi que le rapporte l'historien britannique Arnold Toynbee, qui enquêta sur place.

    Dans un premier temps, les agents du gouvernement rassemblent les hommes de moins de 20 ans et de plus de 45 ans et les éloignent de leur région natale pour leur faire accomplir des travaux épuisants. Beaucoup d'hommes sont aussi tués sur place.

    La «Loi provisoire de déportation» du 27 mai 1915 fixe le cadre réglementaire de la déportation des survivants ainsi que de la spoliation des victimes.

    Dans les villages qui ont été quelques semaines plus tôt privés de leurs notables et de leurs jeunes gens, militaires et gendarmes ont toute facilité à réunir les femmes et les enfants. Ces malheureux sont réunis en longs convois et déportés vers le sud, vers Alep, une ville de la Syrie ottomane.

    Les marches se déroulent sous le soleil de l'été, dans des conditions épouvantables, sans vivres et sans eau, sous la menace constante des montagnards kurdes, trop heureux de pouvoir librement exterminer leurs voisins et rivaux. Elles débouchent en général sur une mort rapide.

    Survivent toutefois beaucoup de jeunes femmes ou d'adolescentes (parmi les plus jolies) ; celles-là sont enlevées par les Turcs ou les Kurdes pour être vendues comme esclaves ou converties de force à l'islam et mariées à des familiers (en ce début du XXIe siècle, beaucoup de Turcs sont troublés de découvrir qu'ils descendent ainsi d'une jeune chrétienne d'Arménie arrachée à sa famille et à sa culture).

    En septembre, après les habitants des provinces orientales, vient le tour d'autres Arméniens de l'empire. Ceux-là sont convoyés vers Alep dans des wagons à bestiaux puis transférés dans des camps de concentration en zone désertique où ils ne tardent pas à succomber à leur tour, loin des regards indiscrets.

    Au total disparaissent pendant l'été 1915 les deux tiers de la population arménienne sous souveraineté ottomane.

    Les Européens et le génocide

    En Occident, les informations sur le génocide émeuvent l'opinion mais le sultan se justifie en arguant de la nécessité de déplacer les populations pour des raisons militaires !

    Le gouvernement allemand, allié de la Turquie, censure les informations sur le génocide. L'Allemagne entretient en Turquie, pendant le conflit, une mission militaire très importante (jusqu'à 12.000 hommes). Et après la guerre, c'est en Allemagne que se réfugient les responsables du génocide, y compris Talaat Pacha.

    Ce dernier est assassiné à Berlin le 16 mars 1921 par un jeune Arménien, Soghomon Tehlirian. Mais l'assassin sera acquitté par la justice allemande, preuve si besoin est d'une réelle démocratisation de la vie allemande sous le régime républicain issu de Weimar !

    Le traité de Sèvres signé le 10 août 1920 entre les Alliés et le nouveau gouvernement de l'empire ottoman prévoit la mise en jugement des responsables du génocide. Mais le sursaut nationaliste du général Moustafa Kémal bouscule ces bonnes résolutions. 

    D'abord favorable à ce que soient punis les responsables de la défaite et du génocide, Moustafa Kémal se ravise car il a besoin de ressouder la nation turque face aux Grecs et aux Occidentaux qui menacent sa souveraineté. Il décrète une amnistie générale, le 31 mars 1923.

    La même année, le général parachève la «turcisation» de la Turquie en expulsant les Grecs qui y vivaient depuis la haute Antiquité. Istamboul, ville aux deux-tiers chrétienne en 1914, devient dès lors exclusivement turque et musulmane.

    Les nazis tireront les leçons du premier génocide de l'Histoire et de cette occasion perdue de juger les coupables... «Qui se souvient encore de l'extermination des Arméniens ?» aurait lancé Hitler en 1939, à la veille de massacrer les handicapés de son pays (l'extermination des Juifs viendra deux ans plus tard).

    À la vérité, c'est seulement dans les années 1980 que l'opinion publique occidentale a retrouvé le souvenir de ce génocide, à l'investigation de l'Église arménienne et des jeunes militants de la troisième génération, dont certains n'ont pas hésité à recourir à des attentats contre les intérêts turcs.

    Les historiens multiplient depuis lors les enquêtes et les témoignages sur ce génocide, le premier du siècle. Le cinéaste français d'origine arménienne Henri Verneuil a évoqué dans un film émouvant, Mayrig, en 1991, l'histoire de sa famille qui a vécu ce drame dans sa chair. On trouvera par ailleurs dans Le siècle des génocides (Bernard Bruneteau, Armand Colin, 2004) une très claire et très complète enquête sur ce génocide (et les autres), avec sources et références à l'appui.

    http://www.herodote.net

  • Miloš Jovanović : “Légitimité et légitimation du recours à la force dans l’après guerre-froide”

     

    Thèse de doctorat de Miloš Jovanović : “Légitimité et légitimation du recours à la force dans l’après guerre-froide. Étude de cas : l’intervention militaire de l’OTAN contre la République Fédérale de Yougoslavie (1999)”

    Miloš Jovanović : “Légitimité et légitimation du recours à la force dans l’après guerre-froide”. Étude de cas : l’intervention militaire de l’OTAN contre la République Fédérale de Yougoslavie (1999)

    La fin de la guerre a engendré des croyances nouvelles quant à la nature du système international émergent. Le récit dominant du monde post-bipolaire reposait sur l’affirmation selon laquelle les relations entre États étaient désormais fondées sur le respect de la justice et du droit international et corrélativement, sur l’abandon de la politique de puissance. En ce sens, la rupture post-bipolaire a été qualifiée de rupture morale. Démocratie, droits de l’homme, interventions humanitaires et justice pénale internationale, tels furent les maîtres-mots de la fin du XXème siècle, mots qui aujourd’hui encore imprègnent la scène internationale et le discours sur les relations internationales.

    Au rebours de cette vision dominante de l’ère post-bipolaire, l’hypothèse principale du présent travail de recherche soutient que la caractéristique fondamentale de la période de l’après-guerre froide réside dans l’émergence d’un nouveau cadre idéologique qui facilite la légitimation d’agissements étatiques fort constants, c’est-à-dire fondés sur la politique de puissance et la loi du plus fort. L’hypothèse principale est démontrée à partir d’un cas d’étude précis : l’intervention militaire de l’OTAN contre la RFY en 1999.

    Cette intervention militaire, connue sous le nom de “guerre du Kosovo”, apparaît à travers une reconstruction historique de la crise du Kosovo et un examen minutieux des faits, comme ayant été foncièrement illégitime. Derrière la façade idéologique de bonnes intentions proclamées, “la guerre du Kosovo” ne fut au final qu’une manifestation supplémentaire de la politique de la canonnière dont abonde la longue et riche histoire des relations internationales.

    Acheter sur www.diffusiontheses.fr

    Ancien enseignant (allocataire-moniteur) au Département de Science Politique de la Sorbonne, Université de Paris I, Miloš Jovanović est assistant à la Faculté de droit de l’Université de Belgrade où il est notamment en charge des enseignements en Relations internationales. http://www.actionfrancaise.net

    Revoir les interventions de Miloš Jovanović pour Realpolitik.tv : 1ère partie /2ème partie

    RealPolitikTV

  • Bashar el Assad : dernier bastion contre le néo-ottomanisme d’Ankara

    Le projet du Premier Ministre turc Erdogan de faire de la Syrie aussi une “démocratie” islamo-modérée a échoué: Damas a dit “non”!
    L’arabisme contre l’ottomanisme : tel est l’enjeu aujourd’hui au centre des débats au Proche Orient. Le défi est le suivant: pour être au diapason du grand projet occidental, il faudra forger une aire proche-orientale totalement rénovée et ravalée, avec partout des pays alliés à Washington, souples à l’égard d’Israël, qui, de surcroît, ne seraient plus que des réservoirs énergétiques, prompts à satisfaire les exigences de l’économie globale. Après les révolutions d’Afrique du Nord — qui ont été habilement déviées et orientées vers des objectifs fort différents de ceux qu’espéraient voir se réaliser les protagonistes premiers de ces effervescences révolutionnaires et populaires — la pièce maîtresse qui devait rapidement tomber, pour faire triompher le projet occidental, était la Syrie. Cependant, il s’est vite avéré impossible de renverser El Assad par une simple révolte populaire téléguidée : une bonne partie des Syriens continue à appuyer le gouvernement, surtout quand on s’aperçoit, à l’évidence, que les “manifestations pacifiques” contre le régime ne sont en réalité et dans la plupart des cas que des actes terroristes de facture islamiste perpétrés contre les autorités du pays. Damas résiste donc à toutes les tentatives de déstabilisation intérieure comme à toutes les menaces extérieures. Et Damas résiste surtout aux pressions qui voudraient faire perdre au régime ses dimensions laïques pour faire du pays une nouvelle pièce dans la mosaïque d’Etats islamistes modérés, qui devraient tous devenir les meilleures alliés de l’américanosphère occidentale. Le modèle que l’on suggère aux Syriens est le modèle turc et c’est justement Ankara qui s’est mis en tête de gérer cette “islamisation modérée” que l’on peut parfaitement définir comme un “néo-ottomanisme”.
    Il y a quelques semaines, le premier Ministre turc Erdogan s’est rendu dans les pays du “printemps arabe”, l’Egypte, la Tunisie et la Libye. Cette tournée diplomatique a été célébrée par les médias turcs comme une volonté d’amorcer de nouvelles relations avec les gouvernements issus de cette “révolution”, dans l’optique de réaménager les équilibres au Proche Orient. Au même moment, Erdogan a changé de ton vis-à-vis de la Syrie et, quelques jours plus tard, en marge de l’Assemblée Générale des Nations Unies à New York, il a, lors d’un entretien avec Obama, officialisé le “changement de front”, en annonçant “qu’il avait bloqué les pourparlers entamés avec Damas” et qu’il était désormais prêt à participer aux sanctions que l’on imposerait à la Syrie. Mais ce ne sont pas les violences présumées que l’on attribue au régime syrien qui ont poussé Erdogan à se ranger contre un ancien allié de la Turquie, posé désormais comme ennemi. Il s’agit bien plutôt du “non” catégorique qu’a opposé Bashar El Assad au projet turc de subvertir subrepticement le caractère laïque de la république arabe syrienne. C’est au cours du mois de juin 2011 que la rupture réelle a eu lieu, quand “le premier Ministre turc Recep Tayyip Erdogan a proposé au Président syrien Bashar El Assad de réserver un quart voire un tiers des postes de ministre dans son gouvernement aux Frères Musulmans et d’user alors de toute son influence pour mettre un terme à la rébellion, si Assad s’exécutait”. Erdogan a essuyé un refus clair et net. C’est ce qu’a révélé un diplomate occidental à l’AFP, du moins d’après ce que rapportait, vendredi 30 septembre, le quotidien libanais en langue anglaise, The Daily Star.
    Cette nouvelle a été confirmée par un autre diplomate européen, qui a, lui aussi, préféré garder l’anonymat : “Les Turcs, dans un premier temps, proposèrent que les Frères Musulmans occupassent quatre ministères importants, en arguant que les Frères sont une partie importante du paysage politique syrien”. Les Frères Musulmans, en réalité, ont été mis hors la loi en Syrie dès 1980, à la suite d’une campagne terroriste particulièremet sanglante que leurs affidés avaient menée à cette époque-là; aujourd’hui, ils font partie de ceux qui, ouvertement de l’extérieur et clandestinement depuis la Syrie elle-même, sèment la terreur dans toutes les régions du pays. Le 9 août 2011, le Ministre turc des affaires étrangères, Ahmet Davutoglu a indirectement confirmé l’alliance de facto entre les Frères et les néo-ottomans turcs en confiant au Président syrien un message écrit par le Président turc Abdullah Gül, dans lequel ce dernier explique qu’avant de former le parti pour la Justice et le Développement, actuellement au pouvoir à Ankara, il avait appartenu à une organisation proche des Frères Musulmans. Dans un débat face à face avec le Président syrien, Davutoglu a, une fois de plus, “réclamé le retour des Frères Musulmans en Syrie”. El Assad a répondu "qu’à titre individuel, certains Frères pourraient récupérer leur citoyenneté syrienne mais ne pourraient pas se constituer en parti politique parce qu’un tel parti serait basé sur des principes religieux incompatibles avec le caractère laïque de la Syrie”.
    Revenu en Turquie, dès son débarquement à l’aéroport d’Ankara, Ahmet Davutoglu, bien loin de révéler le contenu de ses discussions avec El Assad, a lancé un ultime message à Damas : “Nous espérons que certaines mesures seront prises dans les prochains jours pour mettre fin aux effusions de sang et pour ouvrir la voie à un processus de réformes politiques”. Vingt jours plus tard, le 28 août 2011, le Président turc Gül affirmait qu’Ankara avait “perdu confiance” en la Syrie. Peu de temps auparavant, lors d’une rencontre avec une délégations des associations chrétiennes du Moyen Orient, El Assad avait déclaré — et ses déclarations avaient été répercutées par de nombreux médias — “qu’il avait refusé que l’ottomanisme se substitue à l’arabisme et qu’Ankara redevienne le centre majeur de décision pour le monde arabe”. El Assad répétait ainsi son opposition à toute participation des partis religieux dans la politique syrienne, parce que “cela permettrait aux Frères Musulmans, qui ont un siège à Ankara, de contrôler toute la région”. Toutes les démarches qui ont suivi vont dans le sens d’un rejet par l’alliance américano-turque de ce laïcisme arabiste : les sanctions prises par la Turquie contre Damas ; la Syrie devenue un pays ennemi de l’Occident car trop laïque pour s’insérer dans le nouveau Moyen Orient islamo-modéré voulu par Washington et les projets atlantistes.
    Alessia LAI. ( a.lai@rinascita.eu ). (article paru dans “Rinascita”, Rome, 1 & 2 octobre 2011 – http://www.rinascita.eu ).
    par R.Steuckers

  • Piero San Giorgio : Survivre à l’effondrement économique

    De nombreux lecteurs connaissent Piero San Giorgio et partagent son opinion sur le constat qu’il dresse économiquement, monétairement et financièrement de notre monde. Il estime que l’effondrement économique est pour bientôt « et que ses conséquences sociales seront telles que la meilleure solution sera de développer une Base Autonome Durable (BAD) ».

    Voici une interview courte mais qui donne des éléments de réflexion utiles pour le monde de demain.

    http://liesidotorg.wordpress.com/

  • Bilderberg 2011 à la loupe

    Dans une étude très fouillée que l'on peut trouver sur son site Internet - danielestulin.com -, le Canadien Daniel Estulin, dont les réseaux, à l'intérieur des séminaires, sont innombrables, énuméra les grands thèmes traités au cours de la session 2011.
    IRAK : la plupart des délégués ne considèrent pas possible que les USA s'en aillent. Au mieux, afin de donner un os à ronger aux média, la responsabilité passera du Département d'État  (Gates)  au Ministère des Affaires Etrangères (Clinton). A ceux qui sont convaincus du retrait, Estulin rappelle que l'ambassade des États-Unis à Bagdad est une forteresse d'un milliard de dollars et que cette guerre a coûté aux USA des milliers de milliards de dollars, 5.000 soldats tués, un million de civils massacrés. Un engagement justifiant de tels sacrifices n'est pas de ceux dont on se retire aussi simplement.
    MOYEN-ORIENT. Les deux pays arabes qui en détiennent la clé sont le Bahreïn et l'Arabie Séoudite. Non seulement ils financent et soutiennent les contre-révolutions tranquilles qui reprennent la main dans tous les pays du « printemps arabe » en finançant l'accession au pouvoir de nouvelles oligarchies, mais ils laissent discrètement Goldman Sachs et le cartel pétrolier solidement implanté dans le Bilderberg manipuler le prix du pétrole. Les uns et les autres visant un baril entre 150 et 180 $. Estulin rejoint ici la position de Jim Tucker, de l'American Free Press, en considérant que ce « printemps arabe » débouchera sur un chaos généralisé entre Maghreb et Golfe Persique précédant dans cette région une guerre perpétuelle dont le détonateur est la Libye. Pour le plus grand profit d'Israël.
    CHINE. La colonisation accélérée de l'Afrique par la Chine inquiète les Bilderbergers. Pékin est en train de construire à Addis Abeba une gigantesque mégapole administrative qui pourrait devenir, sous sa domination, le Bruxelles de l'Afrique. Les manigances chinoises en Libye et dans les pays arabes "libérés", passent de moins en moins inaperçues. Selon les spécialistes qui sont intervenus, dans 5 ans la Chine, avec un PIB de 19 000 milliards de dollars, contre 11 200 milliards de dollars aujourd'hui, s'emparera de la première place économique mondiale. Ce sera la fin de l'hégémonie américaine. Le prochain président des États-Unis serait ainsi le dernier à diriger une Amérique dominatrice. Néanmoins, afin de contrebalancer la puissance chinoise, de plus en plus de pays asiatiques se placeront sous la protection des États-Unis avec tous les risques que cela comporte. Pour les conjurés de St Moritz le danger vient de ce que la Chine n'est pas infiltrée par le Bilderberg.
    EUROPE. Les congressistes ont été entretenus de la réalité de certains pays européens. Les banques irlandaises sont ruinées et le pays pourrait être dirigé par un gouvernement économique de fait. La Grèce a cessé d'exister et ne remboursera jamais les dettes qu'elle accumule. Comment dans de telles conditions imaginer un second renflouement auprès de créanciers qui savent qu'ils ne seront jamais remboursés ?
    PAKISTAN. Son meilleur allié est la Chine. Obama n'a jamais fait mystère de sa volonté d'en découdre avec Islamabad. Or la Chine a construit au Pakistan, à proximité du Détroit d'Ormuz le port de Gwadar. On la soupçonne de vouloir le transformer en base navale. Devant la menace, les Bilderbergers s'efforcent de provoquer un conflit Sino-Indien. La Russie serait la clé de la One World Company Limited, une fois éliminées les deux superpuissances asiatiques. Pour le Bilderberg et l'Amérique, entourée de missiles américains et de pays de l'OTAN ex-soviétiques, de surcroît de plus en plus minée et dépravée par la sous-culture occidentale, la Russie serait une proie facile pour le Nouvel Ordre Mondial. Resterait l'Amérique du Sud avec Chavez et ses alliés socialistes indigènes faciles à éliminer.
    L'ECONOMIE. Sauf que l'économie mondiale est à mi-chemin d'une seconde implosion économique et financière. L'Europe est au bord du gouffre. Estulin écrit : « Le rôle de la Banque Centrale Européenne, du FMI, de la Banque Mondiale, de la Banque des Règlements Internationaux, de la Réserve Fédérale et des autres agences de contrôle financier a été de s'assurer que les banquiers soient payés ». Ils l'ont été, mais à quel prix ! Les États-Unis avec une dette de 14 300 milliards de dollars et un déficit qui pour la troisième année consécutive atteint 3 000 milliards de dollars, voient les Chinois devenir les premiers vendeurs de bons du Trésor US. Signe avant coureur d'une bulle qui lorsqu'elle explosera laissera derrière elle toutes les crises que l'on a connues dans l'Histoire des hommes.
    « Le groupe de Bilderberg, conclut Estulin, n'est pas la fin mais le moyen d'accéder à la future One World Company Limited. Cette organisation est devenue l'instrument privilégié dans les prises de décision de l'élite. Le but ultime de ce cauchemar futur est de transformer la terre en une Planète/Prison en imposant un seul marché globalisé, contrôlé par une World Company, financièrement régulée par la Banque Mondiale, peuplée d'ahuris dont les besoins vitaux seront réduits au matérialisme et à la survie - travail, achats, sexe, sommeil -, le tout connecté à un ordinateur central qui surveillera chacun de nos gestes ».
    J. R. RIVAROL 24 JUIN 2011

  • 11 octobre 1973 : Consécration de l'éthologie (arch 2011)

    En étant décerné conjointement à Konrad Lorenz, Nikolaas Tinbergen et Karl von Frisch, le prix Nobel de médecine et de physiologie 1973 promeut cette science de la vie qu'est l'éthologie an rang majeur qu'elle mérite, en décryptant l'origine et la signification des comportements animaux et humains.
    Il a fallu du temps et beaucoup de travail pour en arriver là. Car, pendant longtemps, régnait la conviction que le comportement d'un être vivant était dû à ses réactions aux stimuli du milieu environnant. Une telle interprétation mécaniste aboutit au béhaviourisme (une conception typiquement américaine), qui exclut tout rôle de l'inné dans la façon de se comporter et en vient à considérer qu'on peut obtenir tel ou tel comportement en fonction d'un conditionnement adapté. D'où la négation de la fonction d'instinct.
    Au début du XXe siècle, des zoologues (Whitman, Heinroth, Huxley) mettent en évidence l'existence de pulsions instinctives et de schémas de comportement innés chez les animaux. Jacob von Uexküll, lui, démontre que te comportement d'un être vivant dépend de la perception qu'il a du monde. Konrad Lorenz va prolonger, d'une façon décisive, l'œuvre de ces pionniers en débouchant, par ses travaux, sur l'éthologie proprement dite, c'est à dire l'étude comparée des comportements.
    Ses premiers travaux portent sur les choucas et les oies cendrées, puis sur les chiens et les chats. Il ne veut pas entendre parler d'étude en laboratoire et il vit au milieu des animaux, qui s'ébattent librement dans leur milieu. Ce qui lui permet de jeter, entre 1935 et 1939, les bases de l'éthologie, affirmant qu'à l'origine de chaque comportement existe une détermination génétique, qui fournit une aptitude à agir en réponse aux stimuli (mais les pulsions fondamentales peuvent se déclencher sans intervention d'un stimulus ?).
    Lorenz montre que beaucoup de comportements innés sont soumis à un processus de ritualisation, souvent qualifié de "parade", qui peut s'exprimer chez l'homme par des formes symboliques complexes. En rupture avec ceux qui voulaient, d'une façon réductionniste, tout expliquer soit par l'inné soit par l'acquis, Lorenz montre que l'interaction entre l'inné et l'acquis est une dé indispensable pour comprendre les comportements. D'où le devenir permanent qui caractérise la nature humaine. L'apport décisif de Lorenz, dans la biologie du comportement, est d'avoir intégré dans un système d'interprétation cohérent et complet les observations de ses prédécesseurs, faisant de lui l'incontestable fondateur de l'éthologie comparée.
    Fort des conclusions scientifiques de ses travaux, Lorenz a voulu en tirer parti pour actionner un signal d'alarme au bénéfice d'une humanité contemporaine qui « est en péril ». Lorenz identifie quatre instincts fondamentaux : la faim, la peur, l'agressivité et la pulsion sexuelle. Dans son livre L'agression il montre que l'agressivité est une disposition normale dans toute espèce, chez tout organisme vivant, car liée à l'existence en tant que telle. L'agressivité nourrit des aspects essentiels du développement d'un être : apprendre, rechercher et découvrir, faire face aux défis multiples qui rythment le déroulement d'une vie. D'où, pour l'homme, la nécessité d'affronter « le combat auquel toute vie se ramène ».
    Lorenz, à la différence de tant d'autres savants, ne s'est pas enfermé dans sa spécialité, ses préoccupations embrassant un vaste espace de réflexion, comme, l'a démontré son ouvrage Les huit péchés capitaux de notre civilisation. Il y écrit : « L'humanité contemporaine est en péril. Elle court de nombreux dangers, que le naturaliste et le biologiste en premier heu sont seuls à apercevoir, alors qu'ils échappent au regard de la plupart des hommes ». Il dénonce ce qu'il appelle « la mortelle tiédeur », c'est à dire le refus ou l'incapacité à réaliser que la vie n'est pas « un long fleuve tranquille », la fuite des responsabilités, toute difficulté étant vécue comme une insupportable injustice.
    Lorenz dénonce l'imbécile tyrannie du « droit au bonheur », l'infantilisme qui en découle, la destruction des liens organiques et des hiérarchies au nom de l'égalitarisme, cette « escroquerie intellectuelle ». L'éthologie a marqué des points décisifs lorsqu'elle a touché le grand public, grâce à l'intelligente vulgarisation réalisée par des auteurs comme Robert Ardrey, dont les livres ont connu une grande diffusion. Dans Le territoire (Stock, 1967), il montre comment est déterminant, dans les sociétés animales et humaines, l'instinct de défense de son territoire, espace vital nécessaire à la survie de l'espèce.
    Pierre VIAL Rivarol octobre 2011