La psychologie au sens premier est la connaissance de l'âme ; on dit maintenant la science du psychisme. La psychologie fait peur car les hommes ont peur d'être dévoilés aussi bien aux autres qu'à eux-mêmes.
Le « Connais-toi toi-même » grec est difficile à assumer. Le mystère est plus rassurant. Les hommes plus que les femmes affichent une hostilité ou un mépris face à ce « savoir ». Les femmes ont-elles plus la fibre psychologique ?
Il suffit d'observer les amphithéâtres où l'on enseigne cette matière pour découvrir un public essentiellement féminin, la population masculine étant quasi-inexistante. Kant déjà donnait une importance mineure à cette matière car elle n'était pas mathématisable. Le doute sur la scientificité de la psychologie subsiste encore de nos jours pour certains. On fait encore la distinction entre sciences dures et sciences molles. Même si ces critiques sont essentiellement masculines, les fondateurs de la « science » psychologique ont été des hommes.
Wundt et l'introspection
L'introspection est l'analyse par soi-même de ce qui se passe en nous-mêmes. Kant la critiquait car pour lui on ne peut s'observer soi-même.
On ne peut à la fois être celui qui analyse et celui qui est analysé. Pourtant elle a été développée par le psychologue allemand Wundt. L'intérêt au-delà des critiques est la description par exemple des conflits intérieurs.
Le fait de se connaître permet aussi de mieux connaître autrui. L'introspection pour un freudien ne peut accéder à l'inconscient. L'intériorité est aussi difficile à exprimer par le langage.
L'analyse de notre introspection est liée à notre intelligence, intuition, perspicacité et culture donc très subjective ainsi que de nos jugements moraux et sociaux.
Pour la phénoménologie de Husserl « Toute conscience est conscience de quelque chose » donc tournée vers le monde extérieur et non vers soi-même.
L'introspection a donc ses limites pour la connaissance de soi-même. On peut par exemple aussi se découvrir par nos actes.
Le behaviorisme
C'est la psychologie du comportement ou de la réaction liée à l'environnement. On l'associe à John Watson qu'on résume ainsi à « stimulus-réponse ». Certains l'appliquèrent pour l'apprentissage comme Thorndike.
Le psychologue ne tient pas compte de la conscience.
Les psychologues de la réaction les plus connus furent Bechterew et Pavlov. Le behavioriste ne tient pas compte des états mentaux.
L'étude du « réflexe conditionné » de Pavlov est bien connue (le chien de Pavlov).
La philosophie du behaviorisme est de ne se tenir qu'à l'observable et au mesurable. On étudie la réponse à des stimuli :
S -------► R ou S-------► 1------- ► R
S : Stimuli I : Individu R : Réponse
Le cognitivisme
Le cognitivisme va se déterminer en opposition au behaviorisme. Cette remise en cause a commencé avec un article de George Miller. La capacité humaine ne pouvait estimer ou mémoriser des stimuli au-delà de sept.
On se mit à étudier la structure interne de l'esprit. Von Neumann fera un parallèle entre l'ordinateur et le cerveau.
Le cognitivisme, né au milieu du XXeme, siècle devient un processus de traitement de l'information.
Piaget
Après une formation de biologiste le savant suisse s'intéressera aux processus cognitifs de l'enfance.
Pour le psychologue, les catégories fondamentales de la connaissance (espace, temps, ...) ne sont pas données mais construites ce qui le différencie de Kant. Piaget est aussi un structuraliste. Il a, à partir de l'observation de ses enfants, beaucoup étudié le développement intellectuel et cognitif de l'enfance. Il définira l'assimilation (les éléments du monde entrent dans la structure cognitive de l'enfance) et l'accommodation (on modifie sa structure cognitive). On arrive ainsi à « l'équilibration ».
Piaget distinguera plusieurs stades de l'intelligence :
l'intelligence senso-motrice jusqu'à un an et demi,
l'intelligence opératoire jusqu'à 11/12, et ensuite le stade des opérations formelles (adolescence).
Avec Piaget, la psychologie de l'enfance s'est très développée.
John Bowlby
Le psychologue anglais a étudié les souffrances enfantines. La « carence des soins maternels » peut aboutir à de graves conséquences.
Bowlby étudiera l'attachement d'un enfant à sa mère et l'angoisse de la séparation.
Plus que la sexualité, Bowlby mettre l'accent sur l'affectif: « la propension des êtres humains à établir des liens affectifs puissants avec des personnes particulières ».
Jung et la psychologie analytique
La psychologie analytique se distingue de la psychanalyse freudienne puisque Jung s'est séparé de son maître. Elle s'appuie sur des concepts jungiens dont les plus caractéristiques sont :
- l’archétype « forme instinctive de représentation mentale » présente chez tout individu. Ces archétypes conditionnent les comportements ;
- l’inconscient collectif. Jung se différencie de Freud qui n'analysait que l'inconscient personnel ;
- l’introversion et l’extraversion ;
- la synchronicité, ....
La psychologie sociale
L'individu agit dans une société et on ne peut séparer les deux. Serge Moscovici (père du ministre de l'Economie) définit la psychologie sociale comme la science du conflit entre l'individu et la société. Il donne plusieurs exemples comme la résistance aux pressions conformistes, le conflit entre un leader et son groupe ...
Les domaines d'étude de la psychologie sociale sont vastes comme la conformité et l'obéissance, le suivisme, la conversion ...
En tout cas, on retrouve dans cette discipline la vieille opposition entre l'individu et le collectif. Il y a interconnexion entre la psychologie et la sociologie, ne serait-ce que l'homme ne se comporte pas de la même façon en groupe.
Conclusion
À côté de la psychologie « savante », chacun a une fibre psychologique propre qui lui permet de juger et reconnaître certains traits de caractère à partir de son propre vécu. On se fie souvent plus à son jugement qu'à celui d'un professionnel qui est un avis parmi d'autres. Il faut aussi parler de la psychologie clinique dont le but est de soigner les souffrances psychiques. Il existe une concurrence entre les psychologues et les psychiatres, ces derniers ayant l'avantage d'avoir leur consultation remboursée par la sécu, tout au moins en France, ce qui pour le public est un gage de véracité ! Le soin psychologique peut aussi être pharmaceutique. La psychologie nous apprend que l'homme n'est pas uniquement un être rationnel. Elle permet aussi de différencier les individus qui nous entourent et nous protège en les identifiant par exemple les pervers narcissiques ou les psychopathes.
Patrice GROS-SUAUDEAU
culture et histoire - Page 2007
-
La psychologie
-
Conférence à Paris le 14 décembre
-
André Gandillon : « N'ayons pas peur de défendre la vérité du christianisme ! »
Philosophe, historien et économiste, André Gandillon, qui est aussi rédacteur en chef de la revue nationaliste Militant depuis 2003, est l'auteur de quatre ouvrages : Les fondements du XXe siècle (2 volumes, Roudil, 1992), Nouvelles considérations sur la raison (François-Xavier de Guibert, 1997), Solutions nationales à la crise (Ed. Dualpha, 2010) et Grandeur du christianisme (448 pages, 30 euros, François-Xavier de Guibert, 10 rue Mercœur, 75011 Paris. Tél. : 01-40-46-54-47. Site : < www.fxdeguibert.com >, ce dernier livre d'apologétique est préfacé par l'abbé Claude Barthe. Il nous a paru intéressant d'interroger André Gandillon sur ce dernier ouvrage en cette veille de Pâques.
RIVAROL : Qu'est-ce qui vous a donné l'idée d'écrire ce livre dressant l'apologie de la religion chrétienne, vous qui êtes un laïc, marié et père de quatre enfants, engagé dans le combat politique depuis plusieurs décennies car on se serait plutôt attendu à ce que cet ouvrage soit le fait d'un ecclésiastique ?
André Gandillon : D'abord tout baptisé catholique se doit de défendre sa religion. Cette mission n'est pas l'apanage exclusif des clercs. Si j'ai écrit ce livre, c'est à la suite des contacts, d'ailleurs très courtois, que j'ai eus dans les années 1990, à l'occasion de la publication de mon premier livre Les Fondements du XXe siècle, avec des néo-païens. Je me suis rendu compte que tous les arguments que je leur donnais en faveur du christianisme ne les convainquaient pas.
Est-ce parce que je ne savais pas leur en parler ? Parce que mes idées n'étaient pas suffisamment claires ? Je me suis interrogé : comment se faisait-il que ce qui me paraissait évident ne l'était pas pour eux qui semblaient sincères dans leur scepticisme ? J'ai donc entrepris de mettre mes idées à plat, de réfléchir à la manière de savoir comment l'on peut penser, ce qui m'a conduit à écrire le livre Nouvelles considérations sur la raison et, dans le prolongement de cette réflexion, à rédiger un autre ouvrage afin de démontrer que le christianisme est la seule et vraie religion. Le christianisme est authentique car c'est une religion qui s'inscrit dans l'histoire et qui s'exprime sous forme de preuves expérimentales, à savoir le prophétisme hébreu, lequel s'est réalisé dans la venue du Christ.
Il s'agissait également de démontrer que le christianisme est la seule religion qui n'entre pas en contradiction avec les demandes de l'intelligence humaine, autrement dit qu'elle ne contient aucune contradiction rationnelle telle que peuvent en connaître les religions matérialistes, païennes ou les religions orientales asiatiques.
Il s'agissait enfin de prouver la vérité du christianisme par les fruits nombreux qu'il a pu apporter à l'homme, notamment le développement économique et industriel, tout en le mettant en garde sur le fait que, sans le respect de la morale chrétienne, ce développement transforme les hommes en apprentis sorciers et est vecteur de destructions.
R. : Vous appuyez-vous sur les fameuses cinq voies de saint Thomas d'Aquin pour prouver l'existence de Dieu ?
A.G. : Non, car lorsque je les ai citées à des néo-païens, ceux-ci ont toujours trouvé des réfutations assez convaincantes. Dans Nouvelles considérations sur la raison, je consacre d'ailleurs un chapitre aux cinq voies de saint Thomas en montrant leurs limites pour les hommes d'aujourd'hui. Ce qui m'a conduit à chercher une preuve réaliste, matérielle, c'est-à-dire une preuve par l'expérience, par le prophétisme hébreu réalisé par la venue du Christ lui-même, par sa vie, par ses miracles, par sa résurrection qui est attestée par nombre de témoins et qui est même vérifiée aujourd'hui par ce que certains appellent un cinquième Evangile, à savoir le Saint Suaire de Turin. Car, n'oublions pas que, comme l'écrit saint Paul : « Si le Christ n'est pas ressuscité, vaine est notre foi. »
R. : En quoi les autres religions sont-elles selon vous déficientes et donc fausses ?
A. G. : Au contraire du christianisme, les autres religions considèrent que les principes créés et incréés sont confondus l'un dans l'autre. Précisons que ce que l'on appelle le principe incréé est le principe éternel d'existence des choses, lequel a toujours existé et existera toujours. En revanche, le principe créé, c'est quelque chose qui a son commencement et qui nécessairement aura une fin. Or, dans le christianisme, on distingue bien le principe incréé, c'est-à-dire l'Esprit créateur qui existe de toute éternité et qui existera à jamais et le principe créé qui est la matière, laquelle a un commencement et une fin, chose que l'on peut d'ailleurs observer actuellement dans l'univers.
À l'inverse, les matérialistes pensent que c'est la matière elle-même qui est éternelle, qu'elle n'a ni commencement, ni fin. Or, comment organiser la matière à partir d' elle-même s'il n'y a pas un Esprit qui informe la matière et qui lui permette de s'organiser ? Dans cette perspective, on en arrive alors aux théories d'Epicure qui parlait du hasard, de la déclinaison des atomes, en utilisant un nom savant, le clinamen, lequel fait que les atomes providentiellement s'agencent par eux-mêmes et que le monde prend sa forme par une organisation qui lui est propre. C'est l'une des raisons pour lesquelles le darwinisme a aujourd'hui tant de succès car, finalement, il s'accorde assez bien avec cette vision matérialiste des choses qui fait l'économie du principe incréé, c'est-à-dire en vérité de Dieu lui-même.
Quant aux religions asiatiques comme l'hindouisme, elles considèrent que ce que nous vivons n'est qu'illusion, que la réalité n'existe pas en elle-même mais que c'est simplement la représentation que nous nous en faisons. Or, nous nous rendons bien compte par l'expérience qu'un morceau de bois, c'est bel et bien un morceau de bois que l'on peut toucher, qu'une montagne n'est pas une simple illusion mais bien une montagne, etc.
De plus, ces religions font intervenir des phénomènes extraordinaires pour expliquer l'origine du monde, tel un démiurge sortant de la matière chaotique pour l'organiser. Alors que le christianisme, lui, apporte une intention rationnelle en nous disant qu'il y a un esprit, une intention originelle qui organise le monde tout en laissant à l'homme la liberté d'agir pour contribuer à former ce que Berdiaev appelait « le huitième jour de la Création ».
R. : Quel est le principal apport du christianisme ?
A. G. : Le christianisme a eu cet immense mérite de dédiviniser l'univers. Les Pères grecs que les néo-païens ont critiqués ultérieurement, ont démontré que les étoiles, les astres n'étaient pas des dieux mais simplement des corps créés qui avaient un commencement et une fin, qui faisaient partie de la Création, qu'ils étaient des corps matériels. Et à partir de là, on a commencé à pouvoir analyser le monde, non pas comme une simple manifestation d'objets divins, mais comme une combinaison d'objets qui avaient une loi propre d'existence.
Le christianisme a permis d'étudier la matière pour elle-même et, parallèlement, en donnant une loi de vie à l'homme, c'est-à-dire une loi morale fondée sur le Décalogue mais aussi sur le sens de l'existence qui va d'un commencement imparfait à une fin perfectible en union avec Dieu, il a incité les hommes à se perfectionner, à donner le meilleur d'eux-mêmes, à corriger leurs défauts pour s'élever au-dessus de leur quotidien, selon une loi propre qui est la loi révélée par Dieu, laquelle leur permet de découvrir progressivement un certain nombre de lois, de comportements qui les a amenés à sortir de la stagnation dans tous les domaines : intellectuel, artistique, technique, spirituel. Mais il ne faut jamais oublier de dire que le christianisme n'a pu arriver à féconder de manière si admirable la pensée humaine que parce qu'il était tombé sur un terrain extrêmement fertile, la pensée grecque.
R. : En quoi le christianisme a-t-il favorisé l'éclosion des arts et le développement des techniques ?
A. G. : Disons d'abord que la pensée grecque pouvait s'accorder facilement avec le christianisme car, déjà chez Aristote, il est question d'un premier moteur, d'un principe organisateur du monde. Mais évidemment, à l'époque, Aristote ne connaissant pas la Révélation, il ne pouvait qu'émettre une hypothèse. Mais toute la philosophie était en place. Les Grecs avaient ainsi déjà commencé à étudier l'univers car cet étonnement devant ses merveilles les poussait à penser que le monde avait un ordre et qu'il pouvait être compris. Tandis que dans d'autres civilisations comme les civilisations orientales ou éthiopienne où le christianisme est arrivé également très tôt -, l'on faisait sienne une vision contemplative du monde en pensant que l'homme était soumis à un ordre mais ne pourrait pas intervenir à l'intérieur de cet ordre.
La pensée grecque, avec la logique d'Aristote, a permis à l'homme d'expliciter, de comprendre, d'approfondir l'enseignement du Christ, de le structurer et de le porter à un niveau élevé de compréhension de l'homme conduisant ce dernier à mener des recherches en accord avec les préceptes du christianisme. Aux XIIe-XIIIe siècles, face à l'irruption de philosophies venues de l'islam comme l'averroïsme, dans lesquelles on retrouve des systèmes de pensée orientaux qui nient l'individualité de l'homme en considérant qu'il n'y a qu'une âme unique de l'univers à laquelle l'homme lui-même se trouve soumis, saint Thomas d'Aquin et la Sorbonne ont immédiatement réagi. En condamnant les propositions d'Averroes et les propositions d'Aristote qui pouvaient servir de caution. On a alors édicté des interdictions qui ont orienté la pensée des théologiens, de ce qu'on n'appelait pas encore des scientifiques, dans des voies qui finalement ont fécondé la pensée, notamment en mathématiques.
À l'inverse, dans toutes les autres civilisations, y compris dans la civilisation grecque antique, lorsque certaines trouvailles techniques avaient été utilisées, leur fécondité était rapidement épuisée, on n'arrivait plus à les renouveler. Si l'on prend aussi bien la civilisation chinoise que les civilisations hindoues, on s'aperçoit qu'après un ou deux siècles de progrès, elles stagnent indéfiniment à travers les siècles tandis que le christianisme, lui, a apporté à l'Europe un accroissement permanent de savoirs, de développements, de découvertes. Par exemple, il y a eu d'abord l'art roman, puis le gothique, puis le baroque. Ultérieurement, nous avons pu construire de grands ouvrages d'arts inconnus par ailleurs et avec un renouvellement permanent des techniques qui permettaient à l'homme d'accroître sa puissance et son pouvoir.
Si l'on s'intéresse à la musique, l'on voit pareillement de très grandes différences. La musique chinoise, les musiques arabes et hindoues ont connu une évolution pendant un siècle ou deux, puis elles ont stagné : depuis deux millénaires pour la musique chinoise, depuis plus de mille ans pour la musique arabe, depuis plus de deux mille ans pour la musique hindoue. On n'observe aucun renouvellement, on tourne toujours autour des mêmes thèmes musicaux, on n'innove absolument en rien, on n'a enrichi en rien la musique. Alors que chez nous on est parti du chant grégorien pour réussir à développer la polyphonie, le contrepoint, l'harmonie qui nous a donné les magnifiques constructions musicales d'un Jean-Sébastien Bach, d'un Haydn, d'un Beethoven ou d'un Mozart. Je parle notamment de la musique religieuse car c'est certainement dans ce domaine que les progrès se sont réalisés le mieux dans toute leur complexité et leur beauté.
R. : Pourquoi alors y a-t-il eu déclin du christianisme ?
A.G. : Dans la société européenne il y a toujours eu des gens et des mouvements opposés au christianisme. Si ont été écrits les livres de réfutation de saint Thomas d'Aquin, sa Somme contre les gentils, c'est que déjà à l'époque il fallait répondre aux courants qui critiquaient le christianisme. À cette différence près que l'Église tenait alors suffisamment bien la pensée pour pouvoir réfuter amplement toutes les oppositions. Aux XVe et XVIe siècles, avec la redécouverte du monde païen antique et des philosophies matérialistes comme celle d'Epicure, ou celles des stoïciens ou des platoniciens et néoplatoniciens comme Plotin, on a flatté l'ego de l'homme, une certaine facilité de vie et beaucoup ont alors préféré s'intéresser à la vie courante plutôt qu'à leur salut éternel. Face au développement des États modernes, à la sécularisation de la société, l'Église a perdu progressivement son emprise sur les intelligences et sur les âmes. Après la Réforme qui a développé des idées très anciennes et, contrairement à ce que disent d'aucuns, bien plus orientales et sémitiques qu'européennes dans la mesure où elles se caractérisent par une soumission aveugle à Dieu, comme on la retrouve d'ailleurs dans l'islam voire dans le premier judaïsme, l'homme s'est détourné graduellement de la saine morale qui lui permettait de s'élever de l'imperfection à la perfection.
De plus, au XVIIIe siècle l'Église n'a pas été en mesure de répondre immédiatement aux nouvelles découvertes scientifiques. Rappelons toutefois que l'Église n'a pas condamné Galilée parce qu'il refusait d'admettre que la terre tournait autour du soleil comme on le répète encore aujourd'hui mais parce qu'il avait falsifié des documents en essayant d'obtenir l'aval du clergé pour des théories qui, à l'époque, en toute bonne foi, n'étaient pas totalement prouvées. L'Église a été l'objet d'attaques violentes, notamment à partir des pays protestants, et elle n'a pas toujours su trouver la manière d'y répondre, sinon en condamnant plutôt qu'en apportant des solutions positives.
Et aujourd'hui, l'homme, se dégageant de plus en plus de toute référence divine, de tout sens du sacré, de toute transcendance, en vient à utiliser les progrès techniques que le christianisme lui a permis d'atteindre puisque tout le développement de la science n'est que la conséquence des déblocages métaphysiques apportés par la religion chrétienne - pour assouvir ses propres envies, ses pulsions, ses instincts, fussent-ils de destruction. De sorte que la société déchristianisée dans laquelle nous évoluons est une société totalement déboussolée, désorientée, démente. Chesterton avait bien vu les choses, lui qui disait que la société moderne était fondée sur des idées chrétiennes devenues folles, autrement dit des idées vidées de leur sens et de leur substance.
C'est à un christianisme offensif, intégral, sans compromission avec l'esprit du monde, intérieurement vécu, loin de toute forme de repentance, qu'il faut revenir si l'on veut sauver la civilisation, rétablir l'ordre moral et renouer avec la grandeur des siècles passés.
Propos recueillis par Jérôme BOURBON. Rivarol du 2 avril 2010Lien permanent Catégories : actualité, culture et histoire, entretiens et videos, religion, tradition 0 commentaire -
AFGHANISTAN : L'héroïne complice du terrorisme (arch 2009)
L'Afghanistan produit 93 % de l'opium mondial. Cette manne vénéneuse génère quatre milliards de dollars par an, dont le quart au moins est raflé par les taliban. La drogue prospère sur la corruption, l'arrogance des trafiquants, la désunion des Occidentaux et les réticences face aux cultures de substitution.
Mélange explosif en Afghanistan : une "démocratie" s'est glissée dans les hardes du plus gros producteur d'héroïne. Les deux ne pourront coexister longtemps. Malgré les Américains et les troupes de l'OTAN, tôt ou tard, soit le nouveau régime, soit la poudre blanche l'emportera. Le combat a commencé dès la chute des taliban en 2002. Pour l'instant, l'avantage est à la drogue.
Narco-state
L'Afghanistan produit 93 % de l'opium mondial, d'où est extraite la morphine, puis l'héroïne. Cette manne vénéneuse engendre 4 milliards de dollars par an, dont le quart au moins est raflé par les taliban. Chiffres d'autant plus inquiétants que plus de 100 000 hectares de terres sont toujours couverts de pavot, jolies fleurs blanches bordées de rose d'où, après une incision, s'échappe une substance noirâtre et gluante.
L'Afghanistan est devenu un narco-state. Dans les coulisses de la diplomatie, l'étiquette infamante circule de plus en plus... C'est que l'héroïne finance le terrorisme, la subversion, la guerre tribale. À terme, elle menace le pays, son gouvernement, son économie, les intérêts de l'Europe et des États-Unis.
Mais pour le rugueux et madré paysan afghan, l'opium, c'est d'abord un moyen d'échapper à la misère. Lorsqu'il cultive du blé, de l'orge ou des légumes, il arrive à gagner péniblement, en afghanis, la monnaie locale, l'équivalent de 800 dollars par an ; lorsqu'il se met à cultiver du pavot sur la même superficie, il peut espérer empocher plus de 3 000 dollars. Un expert de l'ONU basé à Kaboul était récemment de passage à Washington. Il y raconta l'histoire d'Abdul, trente ans, un paysan dont le village se trouve à une centaine de kilomètres au sud de la capitale. Le grand-père et, après lui, le père d'Abdul ont toujours cultivé du blé et de l'orge sur leur lopin de terre. La famille (quatorze personnes) était pauvre comme beaucoup d'autres. À la mort de son père, Abdul s'endette : il achète une pompe d'irrigation, fait réparer la toiture et bâtir un hangar. Si bien que lorsqu'un inconnu lui apporta un jour une poignée de graines de pavot en affirmant qu'une seule récolte lui permettrait de rembourser tous ses créanciers, Abdul ne réfléchit pas longtemps.
Les paysans comme Abdul se comptant par dizaines de milliers. Le défi lancé par l'héroïne n'est pas près d'être relevé. Thomas Schweich fut pendant deux ans, à l'ambassade américaine à Kaboul, le grand patron de la lutte antidrogue. Pour lui, ce défi consiste, avant de s'attaquer aux gros cartels locaux, à neutraliser quatre obstacles : la corruption des rouages gouvernementaux, l'arrogance des trafiquants locaux, la désunion des Occidentaux et les réticences face aux cultures de substitution. L'obstacle de la corruption au sommet apparaît le plus sérieux.
Invulnérables
Détail révélateur : le frère du président Hamid Karzai maintient à Kandahar, non sans un cynisme très oriental, des liens étroits avec les fournisseurs d'opium - malgré les pressions de Washington pour qu'il soit arrêté. Quant aux ministres en exercice et aux hauts fonctionnaires, ceux qui n'ont jamais touché à l'argent sale de la drogue doivent se compter sur les doigts d'une main. Une liste d'une centaine de noms circule à Kaboul : des responsables à des fonctions clés qui ferment les yeux sur les circuits de l'héroïne et protègent les caïds. Jusqu'à présent, aucun n'a été inquiété.
Le deuxième obstacle - celui des trafiquants locaux - apparaît comme la conséquence du premier. Ces trafiquants, on les connaît presque tous. Ils sont une douzaine avec des milices, des fiefs, des réseaux. Leur immense richesse et leurs appuis politiques les rendent invulnérables. « Pour les anéantir, souligne Schweich, il faudrait monter de vastes opérations à l'échelle nationale, coincer leurs complices le long de la frontière pakistanaise, détruire une à une les mailles de leur système. Les dirigeants afghans traînent les pieds et les alliés ne parviennent pas à s'entendre. »
Carte de la drogue
Cette désunion est le troisième obstacle. Les Américains souhaiteraient que l'offensive antidrogue soit menée avec un maximum d'agressivité. Or, l'Allemagne, la Pologne, l'Italie et l'Espagne renâclent, craignant des procès qui, chez eux, pourraient les mettre en cause si leurs soldats tuaient des non-combattants - même si ceux-ci ne sont que des "fourmis" de l'héroïne.
Le quatrième et ultime obstacle - les résistances à l'éradication du pavot - est celui qui semble s'éroder un peu, permettant de timides espoirs. À Kaboul, les rapports des agents du Narcotic Bureau affirment que sur les trente-quatre provinces afghanes, vingt se sont débarrassées en 2008 des fleurs blanches à collerette rose pour les remplacer par du safran ou de la pomme de terre. Le pavot se maintient dans les provinces méridionales où les taliban sont rois. Désormais, la carte militaire se confondra avec la carte de la drogue.
De notre correspondant aux États-Unis
PHILIPPE MAINE L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 19 mars au 1er avril 2009Lien permanent Catégories : actualité, culture et histoire, géopolitique, international 0 commentaire -
La Vendée, la nation et la liberté
Commençons aujourd'hui par une considération toute personnelle. Le travail d’éditeur de votre chroniqueur préféré (?) s'est investi ces derniers temps mois autour de deux œuvres historiques. (1)⇓ Contemporaines l'une de l'autre, elles ont été écrites dans les années 1840.
Il s'agissait d'une part du fameux roman "Coningsby" de Disraëli.
Beaucoup plus cruciale, d'autre part, du moins pour la droite française, et beaucoup plus volumineuse pour le maquettiste, "L'Histoire de la Vendée Militaire" de Jacques Crétineau-Joly mérite par ailleurs le petit rapport d'étape d'aujourd'hui.
Il faut en effet revenir sur la naissance du parti conservateur britannique. Depuis la publication de notre chronique du 19 septembre (2)⇓ l'actualité politique hexagonale a confirmé notre observation. Elle nous a malheureusement montré combien la transformation du panier de crabes, qui nous tient actuellement lieu de droite, en organisation durable et crédible, peut recevoir des leçons de nos amis d'outre-Manche.
Certains pourront éventuellement tenir son livre pour "conspirationniste" (3)⇓. Mais ce fut bien Disraëli qui en jeta les bases dans ses écrits, dans ce qu'on présentait à l'époque comme "le roman de la Jeune Angleterre" (4)⇓. L'auteur s'employait alors, à partir de 1837, au renouvellement du vieux parti tory, apparu au XVIIe siècle. Il réconciliera, au temps heureux de la reine Victoria, les héritiers de la gentilhommerie rurale anglaise et les industriels, il institutionnalisera notamment, plus tard, l'empire britannique et stabilisera harmonieusement la société par d'audacieuses avancées.
Parallèlement en France, c'est hélas le mouvement inverse qui s'effectua, à partir des règnes funestes de Louis-Philippe et Napoléon III. Le roman "Coningsby" l'explique aussi quand il souligne les liens d'amitié tissés entre l'ancienne génération des conservateurs anglais, représentée par le grand père du héros, et nos légitimistes.
De ce côté-ci de la Manche, en effet, les acquéreurs de biens nationaux de la période révolutionnaire et leurs descendants vont s'acharner à la construction d'une "mémoire fausse". C'est à ces gens que s'en prend Beau de Loménie dans ses "Responsabilités des Dynasties bourgeoises". Leur héritage moral mensonger est aujourd'hui encore instrumentalisé par les "grands habiles" du centre gauche. Leur prétendu "modèle français" fait, depuis cette époque, reculer le pays, de décennies en décennies. Et cette décadence séculaire n'a laissé depuis lors que quelques années de répits, de sursauts illusoires et de rémissions transitoires.
La clef du déclin français, si constant depuis deux siècles, se montre largement tributaire de tous ces faux-semblants.
Car une question lancinante que pose Crétineau-Joly est celle de l'attitude de "l'Angleterre", clairement perçue comme "l"ennemi héréditaire" vis-à-vis de la Révolution française.
Le lecteur de "Coningsby" ne peut pas s'y tromper : il est évident qu'une partie des "whigs" se montrait favorable aux jacobins. Depuis 1714 la Couronne est liée aux "whigs". Mais dès 1792 un rapport de la délégation jacobine qui se rend à Londres [publié dans le Tome III à paraître début février] permet de comprendre que le gouvernement anglais n'approuve absolument pas ce soutien, qui s'exprime à la chambre des Communes par la voix de Charles Fox (1749-1806). Le retour des "tories" ne s'effectuera cependant que sur une longue période. Celle-ci commence précisément avec la lutte de William Pitt "le Jeune" contre la Révolution française. On doit souligner que ce très grand serviteur de son pays est considéré aujourd'hui comme un "tory", y compris sur le site officiel du 10 Downing Street, mais que, de son vivant, il ne se déclara jamais comme tel ! Le déclic décisif, l'entrée en guerre, intervint au lendemain de la mort de Louis XVI, perçue comme un acte de barbarie. Mais elle n'impliquait au fond aucune sympathie rétrospective pour la France bourbonnienne.
Nul ne peut douter, par ailleurs, que la "faction d'Orléans" joue un grand rôle manipulateur dans l'intermédiation entre le cabinet britannique et les contre-révolutionnaires français. Un chapitre très important du Tome II de l'Histoire de la Vendée Militaire est ainsi consacré au moment où les réseaux d'intrigues orléanistes, en la personne de Dumouriez cherchèrent à circonvenir le chevalier Charette. Nous laissons ici aux lecteurs le soin de découvrir la belle réponse du chef vendéen. Mais comme disait Kipling, "ceci est une autre histoire".
Ainsi, l'œuvre de Jacques Crétineau-Joly (1803-1875) représente un apport décisif au travail nécessaire de correction, de cette "mémoire" falsificatrice. Elle procède de son exact contraire : la recherche de la vérité historique.
On peut citer la lettre adressée à l'auteur par la marquise de La Rochejaquelein, veuve de Lescure : "Personne n’écrira l’Histoire de la Vendée après vous, Monsieur ! Vous êtes notre Homère ; vos récits valent les siens et les surpassent, puisque votre merveilleux est puisé dans la plus exacte vérité."
Oui, on peut penser à Homère, à bien des égards, certes, tant l'aventure vendéenne est envoûtante.
On peut y voir aussi une sorte de Thucydide français. Il retrace et explique le grand combat fratricide, le Mahabharata de la Gaule. Celui-ci finalement se révèle plus destructeur que la Guerre du Péloponnèse. Cette catastrophe resta limitée à la Grèce des cités, et, moins d'un siècle après l'effondrement de celle-ci apparut la figure d'Alexandre le Grand qui portera pour de nombreux siècles la civilisation grecque aux limites du monde connu.
Or, avec le recul de l'Histoire on est amené à poser la question suivante : est-il vraiment sorti, deux siècles après la mort de Cadoudal et celle du duc d'Enghien l'ombre d'un phénomène comparable. Vous avez dit "Louis-Philippe" ? Vous avez dit "Armand Fallières" ? Vous avez dit "François Hollande" ?
Bien entendu, d'autres historiens ou essayistes sont venus après lui, développer diverses dimensions de son travail. Aucun ne l'a dépassé ou démenti.
Cette "Histoire de la Vendée Militaire" (5)⇓ est appuyée sur les témoignages de survivants, recueillis auprès des deux camps, sur une recherche d'archives extrêmement complète, et, aussi, et sur un incontestable talent d'écriture.
Ceci en fait une somme inégalée, d'une lecture passionnante et foisonnante, comme le furent les diverses formes des insurrections de l'Ouest, entre 1790 et 1811.
Dans les 30 dernières années, on doit rendre hommage aux divers auteurs qui ont contribué, non seulement à maintenir la flamme de cette recherche, mais qui lui ont apporté l'éclairage de leur talent.
Reynald Sécher, brillant et courageux historien, né en 1955, a sacrifié à cette cause sa carrière universitaire. Il a publié dès 1985 son "Génocide franco-français, la Vendée-Vengé" (publié aux Presses Universitaires de France) qui osait mettre en parallèle la politique d'extermination (On consultera à ce sujet à ce sujet le chapitre XI du Tome Ier et les chapitre II et III du tome II du Crétineau-Joly) et le concept contemporain de "génocide". Il ajoute une notion non négligeable : celle de "mémoricide", dans lequel hélas la France patauge.
Un Henri Servien, de son côté par sa "Petite histoire des guerres de Vendée", agréablement illustrée par René Follet, plusieurs fois réimprimée depuis 1995 (aux Éditions de Chiré) a permis à des milliers de jeunes Français de mesurer l'importance de cette "guerre de géants".
Dernier en date, mais non de moindre importance : Philippe de Villiers avec son "Roman de Charette" qui vient de sortir. Il touchera certainement un très large public. Outre la personnalité de l'auteur, la figure du chevalier Charette de la Contrie avait tout pour plaire aux Français, notamment le panache. Elle avait déjà séduit beaucoup d'autres auteurs, tel un Michel de Saint-Pierre.
J'ajouterais personnellement d'autres chefs. Tout en éprouvant beaucoup d'admiration pour le prince d'Elbée, une grande tendresse pour la noble figure de La Rochejaquelein, assassiné par le républicain auquel il venait de faire grâce, ou pour celle de Bonchamps, j'incline surtout pour Georges Cadoudal, ou plutôt "Georges", admirablement dépeint par La Varende (cf. son romanesque Cadoudal édité par les Nouvelles Éditions latines en 1970) et, d'un point de vue sans doute un peu moins littéraire et plus strictement historique par Jean-François Chiappe ("Georges Cadoudal ou la Liberté" publié en 1971 à la Librairie Académique Perrin).
Or, n'hésitons pas à le remarquer : tous ces auteurs procèdent du travail quasi encyclopédique accompli par Crétineau-Joly.
De celui-ci les deux premiers tomes sont consacrés à la Vendée proprement dite, entre Anjou et Poitou, Cette insurrection se divise en
- une "Grande guerre" commencé en mars 1793, et terminée en décembre par le désastre de Savenay [Tome Ier] ;
- et une lutte plus étale face à la Terreur, qui en mars 1796 prend un coup terrible lors de la disparition de Charette et de Stofflet, mais qui ne se termina que par le Concordat napoléonien de 1801. [Tome II]À partir du troisième tome, notre auteur envisage les "chouanneries", de Bretagne, du Maine, et de la Normandie, et les divers combats des royalistes français contre la Révolution.
Ces conflits de nature un peu différente, accordent un caractère central à la liberté religieuse, violée par la constitution civile du clergé de 1790, et à la question des propriétés spoliées, y compris les "droits féodaux des vassaux", les pauvres tombant sous le joug d'une nouvelle classe de possédants illégitimes, ci-devant margoulins.
Si en effet la mort du roi, si la captivité du Dauphin en qui ils reconnaîtront Louis XVII, cristallisent l'émotion de ces combattants on doit comprendre qu'à leurs yeux la fidélité monarchique ne fait littéralement que couronner leur engagement.
Au bout du compte, cette lutte était celle de la liberté politique tout court, face à la Terreur jacobine.
Car la Révolution d'hier, "libertolâtre" en paroles, liberticide dans les faits, se revendiquait sur le papier d'une liberté qu'elle assassinait par la guillotine comme ses successeurs d'aujourd'hui l'étouffent par la fiscalité.
JG Malliarakis http://www.insolent.fr/
Apostilles
- Ce travail minutieux imposait par exemple de considérer diverses évolutions du langage et de la typographie depuis le XIXe siècle. Commençons par des points mineurs, mais qui ont occasionné une recherche méthodique non négligeable. Certains mots ne s'écrivent plus de la même manière : on lit alors couramment "Nanci" pour la ville des ducs de Lorraine, "Chollet" avec deux l, des noms de famille comme "La Haye Saint-Hilaire" encore orthographiés "La Haie". Broutilles, mais il faut les corriger. À l'inverse on a maintenu l'usage encore hésitant de la particule supposée "nobiliaire" avant le nom de terre. Il fallait surtout respecter le jeu de majuscules entre le Tiers État la Noblesse, le Clergé (leurs assemblées) et le tiers état, la noblesse ou le clergé (la catégorie sociale). Plus intéressante est la présentation des Royalistes et des Républicains, eux aussi, avec des majuscules comme s'il s'agissait de deux nationalités distinctes. Beaucoup plus inattendue pour un lecteur d'aujourd'hui : le mot "Patriotes", écrit avec un grand P comme synonyme de Républicain, de Jacobin, de Révolutionnaire : il ne s'agit pas alors de gens qui "aiment leur pays." Il s'agit de ceux qui noient, avec Carrier, les Nantais dans la Loire… Dans ce contexte, il n'est pas mauvais de réapprendre ce que fut le prétendu "patriotisme républicain". De même la "Nation" c'est tout simplement cette petite minorité qui, gouvernant à Paris, persécute la Vendée, exproprie les ci-devant, pille et assassine.⇑
- cf. Aux sources du parti conservateur.⇑
- cf. l'intéressant article de "Lectures françaises" de novembre 2012 : "Le personnage de Nathan Rothschild expliqué par Disraëli".⇑
- dont la figure centrale correspond à celle de son ami George Smythe. La "Jeune Angleterre" se divisa définitivement en 1846. Cette année-là Smythe entra dans le gouvernement de Robert Peel. Mais la scission intervint à propos des catholiques irlandais, véritable pomme de discorde dans toute l'Histoire de la Droite anglaise.⇑
- cf. sur le site des Éditions du Trident.⇑
-
Ecoracialisme (1)
Avec cet article, Polémia commence la publication d’une série d'extraits du livre Ecoracialisme, non encore paru aujourd’hui. Son auteur, Frédéric Malaval contributeur régulier de Polémia, veut montrer que des évolutions irrépressibles vont obliger les différentes races humaines à vivre dans leurs écosystèmes d’origine.
L'introduction de ce livre dévoile l'argumentaire de cette vision iconoclaste.
PolémiaIntroduction
Ce livre a comme thème central l'écoracialisme. C'est le terme choisi pour désigner la politique consistant à favoriser la cohérence race/écosystème. Sa conclusion est que l'écoracialisme est le préalable à une politique écologique soucieuse de limiter à son strict nécessaire l'artificialisation des écosystèmes.
En effet, habiter durablement dans un écosystème étranger n’est possible qu’au prix d’une surartificialisation à l’origine d’impacts environnementaux importants, donc de la crise écologique actuelle. La climatisation de l’habitat par les Européens dans les zones équatoriales est un exemple parmi d’autres d’une surartificialisation écologiquement néfaste.
La thèse exposée dans ces lignes prend résolument le contre-pied de la doxa dominante. Celle-ci envisage un monde unifié alors qu'une approche écologique postule que cela n'est pas possible. La diversité est la clé du succès adaptatif et donc de la pérennité des lignées constitutives de la biosphère. Cet axiome est le fondement de l'Ecologie, science de synthèse, dont les développements sont déterminants pour relever les défis actuels. C'est le fil conducteur de ce livre construit en trois parties.
Dans la première, un balayage général du monde d'aujourd'hui aboutit à la conclusion que la Modernité, envisagée comme l’idéologie dominante, est réalisée par une bourgeoisie mondialisée sous tutelle américaine. Son mérite incontestable est que nous vivons un Age d'or. Mais des menaces obèrent l'avenir. La crise écologique en est une. L’artificialisation de la planète en est à l’origine. Limiter la surartificialisation de l’écosphère est dès lors impératif.
La deuxième partie résume les apports de l'Ecologie, discipline scientifique intégrative que la Sociobiologie et la Thermodynamique alimentent. Deux idées-clés vont alors participer à la vision du futur : le conservatisme des gènes, l'efficience énergétique.
La troisième partie envisage l’Ecoracialisme comme une des issues pour surmonter les défis à venir. Une des conséquences de l’artificialisation de l’écosphère est que les pressions écologiques vont susciter un retour des différentes races humaines dispersées sur la Terre dans des écosystèmes où ils sont biologiquement adaptés. Pour nous Européens, ce sont donc des dizaines de millions d’individus qu’il faut se préparer à accueillir alors que dans le même temps partiront au plus les 20 à 30 millions (?) d’éco-immigrés de l’Europe. Il s'agit donc désormais d'envisager le futur à partir des phénomènes majeurs de ces dernières décennies.
Parler des mouvements de populations humaines dans l'écosphère est un sujet éminemment transgressif. Dans une approche écosystémique, il est impossible d'éluder la question raciale. Or, celle-ci est taboue depuis la deuxième moitié du XXe siècle ap.JC. Aussi quelques précautions sont-elles nécessaires pour l'aborder.
Il n'y a pas de jugement de valeur ni de hiérarchie en Ecologie. Une manifestation du vivant, quelle qu'elle soit, n'est que la résultante d'un processus adaptatif confronté à des contraintes irrépressibles. Or, cette idée de hiérarchie est omniprésente dans toutes les idéologies de la Modernité : (…), le Romain sur le Germain, le Chrétien sur le Païen, le Noble sur le Roturier, (…), le Bourgeois sur le Prolétaire ou le Prolétaire sur le Bourgeois, l'Européen sur l’Africain, (…), etc. L'approche de la Nature procède du même esprit en distinguant les espèces utiles des espèces nuisibles, les plantes comestibles des mauvaises herbes, etc. L'approche écologique postule la consubstantialité de toutes les composantes d'un écosystème, même si ces entités sont en concurrence, voire en rapports de prédation. Il n'y a pas d'idée de supériorité en Ecologie, seulement des structures de complexité diverses, associées à des espaces écologiques dont l'intégration à d'autres couplages espèce/espace aboutit à un écosystème. Envisager la question raciale sous l'éclairage de l'Ecologie impose par conséquent de distinguer le racialisme du racisme.
Le racialiste admet l'existence des races humaines comme la conséquence d'un processus adaptatif. Le raciste va postuler une supériorité de l'une vis-à-vis des autres. Cela étant dit, aborder la question raciale au sein du genre humain ne devrait pas soulever plus de difficulté que de traiter des spécificités des différents types d'ours ou de macaques, par exemple.
Il est vrai que les sensibilités épidermiques sur ce sujet obligent parfois à privilégier le terme « ethnie » au détriment de celui de « race ». On parle alors d’ethnodifférentialisme. Pour qualifier l’approche écologique qui structure ce texte, il aurait fallu parler de… éco-ethno-différentialisme. Un peu lourd, peut-être ? Si l’on trouve un joli mot qui ne choque personne, on fera un « Rechercher/Remplacer par », puis « Remplacer tout » pour changer le mot « race » de ce texte. Promis. Cela ne changera rien au contenu.
L’idée qui anime ce livre est simple. Les pressions écologiques vont amener les différentes races humaines ou ethnies – comme on voudra – à vivre dans les écosystèmes adaptés à leur nature, ceci pour limiter l’artificialisation de l’écosphère. Admettre que cette adéquation est une nécessité écosystémique sera alors perçu comme un facteur de paix entre humains dès lors que l’on admettra que s’installer en dehors de son écosystème d’origine est écologiquement néfaste. A contre-pied de la doxa d’aujourd’hui, accepter la race comme une réalité biologique, conséquence d’un processus adaptatif, favorisera une paix durable entre humains dans une artisphère à son « climax ».
Pourquoi et comment cela va-t-il arriver ? Envisageons les réponses sans tabou.
Frédéric Malaval http://www.polemia.com
Ecoracialisme - Introduction (1)
29/11/2012
-
Clash Frigide Barjot / Caroline Fourest sur Paris Première (Cactus) Mars 2009
-
Capitalisme : Le triomphe de l’argent roi
Extrait de “Les sept plaies du capitalisme” par Henri Bodinat, paru aux éditions Léo Scheer
Dans les pays démocratiques et développés, l’argent est devenu la seule balise. Après avoir été méprisés ou honnis jusqu’à la fin des années 1970 – une Rolls était alors le sommet de la ringardise –, le « fric » et ses attributs clinquants se sont imposés en force depuis les années 1990. Une caste étroite a vu son patrimoine et ses revenus grimper à des sommets inédits, pendant que se développait simultanément une grande classe pauvre de chômeurs, d’immigrants, d’employés saisonniers ou temporaires.
Comme l’avait remarqué Adam Smith, au-delà d’un toit et d’une nourriture suffisante, l’argent n’a plus d’utilité en soi. L’accumulation monomaniaque d’argent n’a pas pour objet d’acheter produits ou services indispensables mais simplement de susciter l’admiration ou, mieux, l’envie. La richesse permet de paraître riche. L’argent, comme une épidémie, est sorti du cadre occidental pour contaminer les pays émergents et tous les anciens pays communistes, et spécialement la Russie et la Chine. En Russie, une clique de kleptocrates a confisqué l’économie jusqu’ici étatique, et, devenue instantanément milliardaire, a déversé son surplus autour d’elle, créant une tribu de minioligarques gonflés de roubles. En Chine, les dirigeants du PCC ont ouvert les vannes à une caste d’ex-cadres du parti reconvertis dans la finance ou l’industrie, rapidement enrichis, acheteurs frénétiques de produits tape-à-l’oeil.
Ces fortunes colossales et très visibles, accumulées par des financiers, des industriels ou des hommes politiques, ont redéfini le système de valeurs. La véritable hiérarchie est devenue celle de l’argent : autour de lui s’est réorganisée la structure sociale, quand le niveau d’éducation ou la profession étaient, autrefois, des critères de classement. Plus on « vaut », plus on vaut. Achetant pêle-mêle clubs de foot, chalets à Courchevel, maisons à Londres, yachts géants, chacun pour plusieurs dizaines de millions d’euros, glamourisés dans tous les journaux people, les milliardaires ont remplacé les « best et brightest » au sommet de la pyramide sociale : cette pyramide est désormais celle de l’argent.
Constatant qu’il était possible de devenir milliardaire non seulement en entreprenant avec audace et compétence, mais aussi par le biais du pouvoir d’État, des réseaux ou de la corruption pure, et qu’une fois acquises, les fortunes, petites ou grandes, lavaient les délits ou les crimes commis pour les obtenir, la classe moyenne et supérieure mondiale a intériorisé un rapport cynique à l’argent, devenu le critère dominant du succès – peu importe le moyen de l’obtenir. Une fois acquis, il blanchit les âmes les plus noires. La seule morale consiste à se remplir les poches.
Dans le monde entier, les salaires des dirigeants d’entreprise ont augmenté à une vitesse fulgurante, passant de quelques centaines de milliers de francs à des millions d’euros. Il y a trente ans, un PDG avait de quoi bien vivre. Aujourd’hui, il fait fortune. La feuille de paie du PDG de Peugeot, Calvet, à 2 millions de francs, choquait sous Giscard. Son successeur gagne dix fois plus. Michel Bon, PDG de France Télécom dans les années 1990, gagnait 120 000 euros par an. Aujourd’hui, les PDG des grandes entreprises françaises gagnent en moyenne 4 millions d’euros par an, soit 250 fois le Smic. Au États-Unis, les PDG gagnent en moyenne 400 fois plus que leurs employés de base : en un jour, ils reçoivent plus qu’eux en un an. Le salaire d’un PDG est lié à un statut et non à une performance. Le PDG de Goldman Sachs en déroute a gagné 60 millions de dollars en 2008. Aucun chiffre ne choque plus. Les dirigeants du Crédit mutuel de Bretagne se sont augmentés de plus de 50 % en 2011, contre une augmentation de moins de 2 % accordée à leurs employés. Après avoir été sauvé en 2008 par l’injection de 6 milliards d’euros de fonds publics, Dexia a consenti des bonus de plusieurs dizaines de millions d’euros à ses dirigeants en 2009 et 2010, avant de faire faillite en 2011.
Le culte de l’argent a contaminé les politiques. Les dictatures ont ouvert le bal : depuis 1980, s’enrichir rapidement tout en restant à n’importe quel prix au pouvoir est devenu le principal passe-temps des despotes. La fortune de Kadhafi était estimée à plus de 25 milliards de dollars, à égalité avec Bill Gates. Pas mal, pour un pays de 6 millions d’habitants. Au Gabon, la famille Bongo a détourné plus de 5 milliards d’euros des caisses de l’État et de son peuple, ce qui a permis à Ali Bongo de racheter un hôtel particulier à Paris pour 100 millions d’euros. Laurent Bagbo, en sept ans, aurait détourné 5 milliards d’euros, ce qui devrait lui assurer une retraite agréable quand il sortira de prison. Bachar el-Assad, sa famille et sa clique ont accumulé quelques milliards de dollars. Les gardiens de la révolution iranienne, autrefois troupes d’élite, aujourd’hui affairistes d’État, ont accumulé quelques milliards de dollars, tout comme les généraux algériens. Un dictateur, fût-ce d’un pays marginal, qui a accumulé moins de 1 milliard d’euros est aujourd’hui un loser. Même certaines démocraties ont été touchées : en Italie, Berlusconi a utilisé sa fortune, amassée grâce à la politique, pour accéder au pouvoir, et le pouvoir pour arrondir sa fortune.
L’entrée de l’Inde, du Brésil, de la Russie et surtout de la Chine dans l’hypercapitalisme a mondialisé le culte de l’argent. Dans tous les pays du monde, est apparue une nouvelle classe ultrariche, au mieux, d’entrepreneurs, au pire, de profiteurs capitalisant sur leurs connections politiques. En creusant massivement les inégalités, ce phénomène fracture les sociétés. Mais le pire a été le renversement universel des valeurs. Un pauvre est devenu un nul, un riche, un génie. Un financier enrichi sans créer de valeur regarde de haut un grand chercheur, fût-il prix Nobel, aux revenus modestes.
L’argent est devenu une fin en soi, puisque au-delà de ce qu’il permet d’acquérir, il est la clé du positionnement social. Il n’y a plus de héros. Il y a des riches. Armstrong n’est plus un sportif, mais une marque. Tapie s’est fait remettre indûment 300 millions d’euros par l’État français : joli coup ! Comme le remarquait finement l’ancêtre bronzé de la publicité, Jacques Séguéla, dans sa phrase désormais tristement célèbre : « Si, à cinquante ans, on n’a pas une Rolex, on a quand même raté sa vie. » Ou Lord Mandelson, ministre du gouvernement « travailliste » de Blair : « Je n’ai rien contre les gens qui sont ignoblement riches ! »
La religion de l’argent roi rend les dirigeants politiques et les chefs d’entreprise cyniques et égoïstes, et surtout indifférents aux drames sociaux, sanitaires ou économiques que ce culte induit. Les dirigeants d’entreprise se focalisent sur le profit maximum : c’est la mission que leur ont donnée leurs actionnaires, et leur propre « valeur » monétaire, en salaire et intéressement, en dépend. Les dommages collatéraux de cette quête éperdue de la marge bénéficiaire, comme le stress ou le licenciement des employés, les délocalisations massives et sauvages, l’appauvrissement des clients, les drames écologiques ou sanitaires, sont considérés comme secondaires. L’argent étouffe les autres valeurs.
Ces dirigeants ne sont pas méchants ou malsains : ils fonctionnent logiquement, dans le système de valeur dominant qui s’impose à eux comme l’air qu’ils respirent. Les dirigeants des grands groupes de distribution ont ainsi une responsabilité écrasante dans la création de friches agricoles ou industrielles. Pour gagner quelques centimes de marge, ils n’hésitent pas à remplacer les tomates goûteuses de maraîchers locaux par les tomates hors sol insipides d’usines agroalimentaires les font transporter par des norias de camions. Ils n’hésitent pas à abuser de leur position dominante pour faire baisser leur prix d’achat aux producteurs de fruits et légumes audessous du prix de revient. Ils n’hésitent pas, comme Walmart (Wal-Mart Stores), à déplacer massivement et rapide ment leurs achats de jouets, d’outils, de matériel électronique ou de textiles vers l’Asie.
Prisonniers de la loi d’airain du profit à court terme, ils commettent des déprédations massives, en toute bonne conscience. Le président polytechnicien d’un grand groupe de télécommunication n’a pas compris que pousser à la productivité à outrance conduirait ses employés au suicide. L’intègre président d’une grande banque ne peut comprendre que l’obsession pour le profit de sa filiale de crédit à la consommation pousse au surendettement et au drame personnel des millions de ménages pauvres. Le dirigeant d’un grand groupe pétrolier ne peut accepter la responsabilité d’une pollution majeure. Ils ne sont que les gardiens du camp, ils n’édictent ni ne font les règles qui emprisonnent.
La priorité absolue donnée à l’argent transforme des hommes honnêtes en kapos involontaires. Pour l’argent, des entreprises pharmaceutiques ont sorti, en s’appuyant sur des chercheurs ou des régulateurs complices, des produits sans valeur thérapeutique mais aux effets secondaires meurtriers. Des entreprises ont licencié des ouvriers à l’expérience et au talent unique pour augmenter d’un ou deux points leur marge, causant à la fois un désastre social et une impasse industrielle. Le surendettement massif des consommateurs et la délocalisation forcenée vers l’Asie résultent d’une volonté psychotique d’augmenter à tout prix les profits et les bonus à court terme.
Le profit n’est plus la mesure du succès de l’entreprise, de sa contribution à la société. Il est devenu une fin en soi.
-
Les Grecs, l'Europe et l'Islam
Le Figaro Magazine - 12/09/2009
Au printemps 2008, Sylvain Gouguenheim, qui enseigne l'histoire médiévale à l'Ecole normale supérieure de Lyon, publiait Aristote au Mont-Saint-Michel (1). Il y montrait que l'Occident, au Moyen Age, n'avait jamais été coupé de ses sources philosophiques helléniques, que ce soit à travers les liens entretenus entre le monde latin et Byzance, ou à travers l'oeuvre des traducteurs européens qui n'ont cessé de se confronter aux textes originaux. Sans minimiser l'apport des commentateurs musulmans, d'Avicenne à Averroès, l'historien soulignait donc que les pays d'islam ne peuvent être considérés comme l'unique canal de la transmission du savoir antique.
À peine paru, ce livre savant déclenchait une polémique qui, traversant la presse et l'université, allait durer plusieurs mois. Pendant que des historiens prenaient la défense de son auteur (Jacques Le Goff, Rémi Brague, Jacques Heers), d'autres l'incriminaient d'«islamophobie». Une accusation reprise aujourd'hui par un livre collectif signé d'une dizaine d'universitaires (2). Rédigé sur un ton extrêmement offensif, ce volume met en cause, pêle-mêle, « la philosophie de l'histoire sarkoziste», les «racines chrétiennes de l'Europe», Benoît XVI et Sylvain Gouguenheim... Nous donnons la parole à ce dernier : la controverse continue.
J.S.
1) Seuil.
2) Les Grecs, les Arabes et nous, essai sur l'islamophobie savante, sous la direction de Philippe Büttgen, Alain de Libera, Marwan Rashed et Irène Rosier-Catach, Fayard.
Le Figaro Magazine - La polémique suscitée par votre livre était-elle de nature scientifique ou de nature idéologique ?
Sylvain Gouguneheim - Mes détracteurs me reprochent d'avoir inventé l'idée selon laquelle notre univers culturel majore le rôle de l'islam médiéval dans la transmission des savoirs antiques, mais c'est pourtant bien la thèse qu'ils assènent, en la parant d'atours scientifiques, niant ou minorant le rôle des chrétiens d'Orient, ou exposant le rapport des Européens du Moyen Age à la culture de façon caricaturale, moqueuse ou sarcastique. Cette vision de l'histoire est idéologique.
Que vaut l'accusation d'islamophobie ?
Le terme n'est pas scientifique. Il a été forgé pour discréditer celui à qui on colle cette étiquette : l'islamophobe, saisi d'une peur irrationnelle devant ce tout qui est musulman, n'aurait pas toute sa raison, et serait habité par des arrière-pensées racistes. Comme si l'islam était une race, et non une religion… Dès lors que l'accusation est lancée, il n'y a plus de débat possible. L'expression est donc une arme d'intimidation massive.
Comme historien, quelle lecture faites-vous de l'ouvrage qui paraît contre vous ?
À l'exception de deux contributions qui restent dans le registre de la discussion savante - celle de Christian Förstel sur « les Grecs sans Byzance » et celle Marwan Rashed sur « les Débuts de la philosophie moderne » -, les auteurs semblent avoir perdu le sens de la mesure, recourant à un ton, au mieux, moqueur, au pire, agressif, violent ou même haineux. Ce procédé est indigne. L'article « Avicenne à Ratisbonne » (!) part en guerre contre Benoît XVI, ce qui est manifestement hors-sujet. Les attaques contre l'historien Fernand Braudel - incriminé de racisme et d'islamophobie - sont dérisoires. Une universitaire ose écrire (p. 278) qu' « il est plus que discutable d'utiliser le Nouveau Testament pour documenter (sic) la vie du Christ, ou le Coran pour retracer la vie de Muhammad ». Et avec quoi pourrait-on écrire, en historien, la vie du Christ en dehors du Nouveau Testament ? L'ouvrage a dû être relu et corrigé, avant parution, par des avocats. Moi, j'écris des livres d'histoire, et mon éditeur n'a pas besoin d'avocats pour me relire.
Un des axes de ce livre est de contester la notion de civilisation…
Nombre d'historiens, d'anthropologues et d'ethnologues ont réfléchi à cette notion. Il est possible d'hésiter sur les frontières qui délimitent une civilisation, ou de se demander quelles différences on peut établir entre civilisation et culture. Il reste que les civilisations sont des créations de l'espèce humaine à travers l'histoire. Si vous allez au Japon, vous voyez bien que vous n'êtes pas en Europe, et que ce n'est pas qu'une simple question de culture, de langue ou d'écriture : vous êtes confronté à des différences qui ne sont pas de l'ordre du quotidien, mais relèvent de phénomènes de très longue durée. Les civilisations échangent entre elles, mais parfois se ferment : une civilisation se marque par ses emprunts, mais aussi par ses refus. Je comprends que l'on discute sur la définition d'une civilisation, parce que ce n'est pas un être biologique et que sa définition est subtile, mais pas que l'on conteste cette notion en soi, qui est un fait.
Pourquoi, chez beaucoup d'intellectuels occidentaux, ce mépris de l'Occident ?
Mettons en avant, comme vertu, le fait d'être capables de nous critiquer nous-même, et d'examiner notre passé. On va cependant trop loin, au point de ne plus voir que des aspects négatifs dans notre histoire. Cette perspective est destructrice : à quoi bon l'avenir, si l'Occident ne produit que du mauvais ?
Est-ce que la liberté de recherche vous paraît compromise à l'Université ?
Quand on se souvient du déchaînement de Sartre contre Camus, dans les années 1950, ou de l'ostracisme qui frappa le sinologue Simon Leys, dans les années 1970, parce qu'il avait compris avant tout le monde ce qu'était le maoïsme, on constate que la chape de plomb n'est pas nouvelle. Ces gens qui prétendent défendre la liberté la menacent en réalité. Malheureusement, c'est une spécificité française : en Europe, l'accueil réservé à mon livre a été équilibré.
Propos recueillis par Jean Sévillia http://www.jeansevillia.com -
ALAIN DE BENOIST REVIENT SUR MAI 68
La commémoration de mai 68 revient tous les dix ans, avec la même marée de livres et d'articles. Nous sommes au quatrième épisode, et les barricadiés du « joli mois de mai » ont aujourd'hui l'âge d'être grands-pères. Quarante ans après, on discute toujours de savoir ce qui s'est exactement passé durant ces journées-là - et même s'il s'est passé quelque chose. Mai 68 a-t-il été un catalyseur, une cause ou une conséquence ? A-t-il inauguré ou simplement accéléré une évolution de la société qui se serait produite de toute façon ? Psychodrame ou mutation ?
La France a le secret des révolutions courtes. Mai 68 n'a pas échappé à la règle. La première « nuit des barricades » eut lieu le 10 mai. La grève générale se déclencha le 13 mai. Le 30 mai, le général de Gaulle prononçait la dissolution de l'Assemblée nationale, tandis qu'un million de ses partisans défilaient sur les Champs-Elysées. Dès le 5 juin, le travail reprenait dans les entreprises, et quelques semaines plus tard, aux élections législatives, les partis de droite remportaient une victoire en forme de soulagement.
Par rapport à ce qui se déroula à la même époque. ailleurs en Europe, on note tout de suite deux différences. La première, c'est qu'en France Mai 68 ne fut pas seulement une révolte étudiante. Ce fut aussi un mouvement social, à l'occasion duquel la France fut paralysée par près de 10 millions de grévistes, Déclenchée le 13 mai par les syndicats, on assista même à la plus grande grève générale jamais enregistrée en Europe.
L'autre différence, c'est l'absence de prolongement terroriste du mouvement. La France n' a pas connu de phénomènes comparables à ce qu'ont été en Allemagne la Fraction armée rouge (RAF) , ou en Italie les Brigades rouges. Les causes de cette « modération » ont fait l'objet de nombreux débats. Lucidité ou lâcheté ? Réalisme ou humanisme ? L' esprit petit-bourgeois qui dominait déjà la société est sans doute l'une des raisons pour lesquelles l'extrême gauche française n'a pas versé dans le « communisme combattant ».
Mais en fait, on ne peut rien comprendre à ce qui s' est passé en Mai 68 si l'on ne réalise pas qu'à l'occasion de ces journées deux types d' aspirations totalement différentes se sont exprimés. A l'origine mouvement de révolte contre l'autoritarisme politique, Mai 68 fut d'abord, indéniablement, une protestation contre la politique spectacle et le règne de la marchandise, un retour à l'esprit de la Commune, une mise en accusation radicale des valeurs bourgeoises. Cet aspect n'était pas antipathique, même s'il s'y mêlait beaucoup de références obsolètes et de naïveté juvénile.
La grande erreur a été de croire que c'est en s'attaquant aux valeurs traditionnelles qu'on pourrait le mieux lutter contre la logique du capital. C'était ne pas voir que ces valeurs, de même que ce qu'il restait encore de structures sociales organiques, constituaient le dernier obstacle à l'épanouissement planétaire de cette logique. Le sociologue Jacques Julliard a fait à ce propos une observation très juste lorsqu'il a écrit que les militants de Mai 68, quand ils dénonçaient les valeurs traditionnelles, « ne se sont pas avisés que ces valeurs (honneur, solidarité, héroïsme) étaient, aux étiquettes près, les mêmes que celles du socialisme, et qu'en les supprimant, ils ouvraient la voie au triomphe des valeurs bourgeoises: individualisme, calcul rationnel, efficacité ».
Mais il y eut aussi un autre Mai 68, d'inspiration strictement hédoniste et individualiste. Loin d'exalter une discipline révolutionnaire, ses partisans voulaient avant tout « interdire d'interdire » et « jouir sans entraves ». Or, ils ont très vite réalisé que ce n'est pas en faisant la révolution ni en se mettant « au service du peuple» qu'ils allaient satisfaire ces désirs. Ils ont au contraire rapidement compris que ceux-ci seraient plus sûrement satisfaits dans une société libérale permissive. Ils se sont donc tout naturellement ralliés au capitalisme libéral, ce qui n'est pas allé, pour nombre d'entre eux, sans avantages matériels et financiers.
Installés aujourd'hui dans les états-majors politiques, les grandes entreprises, les grands groupes éditoriaux et médiatiques, ils ont pratiquement tout renié, ne gardant de leur engagement de jeunesse qu'un sectarisme inaltéré. Ceux qui voulaient entamer une « longue marche à travers les institutions » ont fini par s'y installer confortablement. Ralliés à l'idéologie des droits de l'homme et à la société de marché, ce sont ces rénégats qui se déclarent aujourd'hui « anti-racistes » pour mieux faire oublier qu'ils n' ont plus rien à dire contre le capitalisme. C'est aussi grâce à eux que l'esprit "bo-bo" (bourgeois-bohême, c'est-à-dire liberal-libertaire) triomphe désormais partout, tandis que la pensée critique est plus que jamais marginalisée. En ce sens, il n'est pas exagéré de dire que c'est finalement la droite libérale qui a banalisé l'esprit « hédoniste » et « anti-autoritaire » de Mai 68. Par son style de vie, Nicolas Sarkozy apparaît d'ailleurs, le tout premier, comme un parfait soixante-huitard.
Simultanément, le monde a changé. Dans les années 1960, l'économie était florissante et le prolétariat découvrait la consommation de masse. Les étudiants ne connaissaient ni le sida ni la peur du chômage, et la question de l'immigration ne se posait pas. Tout semblait possible. Aujourd'hui, c'est l'avenir qui paraît fermé. Les jeunes ne rêvent plus de révolution. Ils veulent un travail, un logement et une famille comme tout le monde. Mais en même temps, ils vivent dans la précarité et se demandent surtout s'ils trouveront un emploi après leurs études.
En 1968, aucun étudiant ne portait de jeans et les slogans « révolutionnaires » qui fleurissaient sur les murs ne comportaient aucune faute d'orthographe ! Sur les barricades, on se réclamait de modèles vieillis (la Commune de 1871, les conseils ouvriers de 1917, la révolution espagnole de 1936) ou exotiques (la « révolution culturelle » maoïste), mais au moins militait-on pour autre chose que pour son confort personne. Aujourd'hui, les revendications sociales ont un caractère purement sectoriel : chaque catégorie se borne à réclamer de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail. « Deux, trois, plusieurs Vietnam ! », « Mettre le feu à la plaine », « Hasta la libertad, sempre ! » : cela ne fait évidemment plus battre les cœurs. Plus personne ne se bat pour la classe ouvrière dans son ensemble.
Le sociologue Albert O. Hirschman disait que l'histoire voit alterner les périodes où dominent les passions et celles où dominent les intérêts. L'histoire de Mai 68 fut celle d'une passion qui s'est dissoute dans le jeu des intérêts.
Alain de Benoist National Hebdo du 8 au 14 mai 2008
Ce texte, destiné au plus large public, est disponible sur Internet : voxnr.com,