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culture et histoire - Page 2007

  • Que faire ? disent-ils… – Par Dominique Venner

    Pour respirer un peu loin des miasmes ridicules de la petite politique, je vais parler d’un message que m’adresse un lecteur de La Nouvelle Revue d’Histoire. Un lecteur mécontent, je le précise. Il a 21 ans, des études scientifiques. Il vit en grande banlieue. Il a réagi à la lecture de notre dossier récent « Les droites radicales en Europe ». Il me reproche, dans mon éditorial, de ne pas répondre à la question du « Que faire ? ». Il relève mes distances à l’égard de l’action politique, note que je parle de « solution spirituelle », me disant en substance : « c’est bien beau, mais cela ne me dit pas comment réagir face à la décadence européenne ». Je ne vais trahir aucun secret en reproduisant ma réponse qui résume en profondeur ma façon de voir. Voici :

     

    « N’attendez pas de moi des recettes pour l’action. Attendez de moi que je dise ce qu’est la vocation de votre génération. Si vous éprouvez le désir d’une action politique, engagez-vous, mais en sachant que la politique a ses propres règles qui ne sont pas celles de l’éthique. Quelle que soit votre action et tout simplement votre existence, il est vital de cultiver en vous, chaque jour, comme une invocation inaugurale, ce qui doit devenir, par répétition, une foi indestructible. Une foi indestructible dans le devenir européen au-delà de la période présente.

    « Je songe souvent au désespoir de Symmaque, appelé « le dernier Romain », l’un de nos ancêtres spirituels. J’ai évoqué ce personnage bien connu dans Histoire et tradition des Européens (p. 39-41). Symmaque, grand aristocrate romain, vivait à la fin du IVe siècle, époque sinistre entre toutes. Il est mort en témoin désespéré de la fin de l’ancienne romanité. Il ignorait que l’esprit de la romanité, héritier lui-même de l’hellénisme, renaîtrait par la suite perpétuellement sous des formes nouvelles. Il ignorait que l’âme européenne, autrement dit l’esprit de l’Iliade, est éternel à l’échelle humaine (qui n’est pas celle de la physique astrale).

    « Nous qui connaissons l’histoire sur quelques milliers d’années et l’explorons avec le regard interrogateur qui pouvait être celui de Symmaque, nous savons ce qu’il ne savait pas. Nous savons qu’individuellement nous sommes mortels, mais que l’esprit de notre esprit est indestructible, comme celui de tous les grands peuples et de toutes les grandes civilisations. Pour les raisons que j’ai souvent expliquées (conséquences du Siècle de 1914), ce n’est pas seulement l’Europe de la puissance qui est en sommeil. C’est avant tout l’âme européenne qui est en dormition. Quand viendra le grand réveil ? Je l’ignore et certainement je ne le verrai pas. Mais de ce réveil je ne doute pas une seconde. L’esprit de l’Iliade est comme une rivière souterraine toujours renaissante et intarissable. Parce que cela est vrai, mais invisible, il faut se le répéter soir et matin. Et ce secret (l’éternité de l’esprit de l’Iliade), personne ne pourra jamais nous le voler. »

    Dominique Venner http://fr.novopress.info

    Source : le site internet de Dominique Venner.

  • Déclin français et « argentinisation » : et si l'on parlait de la responsabilité des institutions de la Ve République ! (arch 2003)

    À partir du livre de Nicolas Baverez, un débat s'est ouvert sur le déclin français. Notion à la fois discutable (la France reste compétitive sur les marchés extérieurs et forte dans les industries de puissance comme l'aéronautique, l'espace ou le nucléaire) et incontestable au vu de l'état de ses finances publiques. L'ampleur des déficits, l'absence de maîtrise des dépenses publiques, l'incapacité à réformer l'Etat font en effet de la France l'homme malade de l'Europe, voire un pays en voie d' « argentinisation ».

    Or l'explication par la « médiocrité » ou la « lâcheté » de la classe politique est un peu courte, car les hommes politiques sont choisis par les électeurs dans le cadre d'une sélection organisée par les institutions : c'est donc à l'analyse critique de celles-ci qu'il faut s'attacher. Élaborées dans le souci de remédier à l'instabilité des régimes parlementaires telle qu'elle ressortait des expériences des 3ème et 4ème Républiques et de la République de Weimar, les institutions de la Vème République furent construites en 1958/1962 autour de 3 piliers :
    L'élection au suffrage universel direct du président de la République pour rendre le chef de l'exécutif indépendant des parlementaires ;
    Le scrutin majoritaire pour dégager des majorités claires et monolithiques ;
    L'abaissement du Parlement ;

    Un demi-siècle plus tard les inconvénients d'un tel système sont patents.

    1 – Le chef de l'exécutif – et les candidats à cette fonction - sont certes relativement indépendants des parlementaires et des partis ; mais ils sont placés sous une tutelle infiniment plus sévère et moins démocratique : celle des journaux et des télévisions ; et ce sont ces organes qui décident de qui est « présidentiable » ou non. Bien entendu cela conduit les hommes politiques à se formater pour plaire aux médias, or ceux-ci, à la différence des parlementaires ne sont pas représentatifs des électeurs. Il y a là une différence majeure avec les systèmes britannique ou allemand où le chef de chaque camp est choisi par les siens selon des voies démocratiques.

    2 – Malgré l'éclatement de l'opinion - la montée du Front National d'un côté, de l'extrême gauche de l'autre ainsi que la progression de l'abstention - le système électoral dégage des larges majorités tantôt à dominante socialiste, tantôt à dominante RPR ou UMP mais ce sont des majorités parlementaires… très minoritaires dans l'opinion : il n'en va pas de même dans la quasi-totalité des autres pays européens où le système électoral proportionnel rend nécessaire des coalitions complexes ; avec un inconvénient bien sûr – des marchandages pas toujours clairs – mais aussi un fort avantage : des gouvernements bénéficiant d'une large assise dans l'opinion et où des forces concurrentes, sinon opposées, peuvent s'entendre pour effectuer les réformes nécessaires ; ce n'est donc pas un hasard si tous les autres pays européens ont pu engager des réformes de leurs systèmes de retraite plus tôt et plus profondément que la France.

    3 – L'abaissement du Parlement français où la minorité ne pèse pas et où la majorité soutient le gouvernement, l'a privé de sa fonction de contrôle et notamment de contrôle des dépenses. Résultat les politiques ministérielles ne sont plus surveillées par les élus mais par les représentants des syndicats des administrations adeptes du « toujours plus » d'où l'explosion des charges et des déficits.

    Il y a là aussi une différence majeure avec les autres grandes démocraties européennes mais aussi américaine : le Congrès des Etats-Unis jouant lui un rôle majeur dans le contrôle des dépenses publiques.

    Il est donc clair que le système institutionnel français est un élément explicatif du déclin. Or ce qui est paradoxal c'est que la mise en cause des institutions françaises est jugée « tabou » : les constitutionnalistes et les politologues restent en effet dans leur immense majorité attachés aux dogmes fondateurs des institutions de 1958 faites pour régler les problèmes des années 50, voire des années 30, et conçues à une époque où la pouvoir médiatique n'existait pas. « L' « argentinisation » de la France est donc la double conséquence de l'archaïsme et du conformisme.

    Jean-Yves Ménébrez http://www.polemia.com
    30/09/2003

  • L’erreur de Darwin sur l’adaptation d’espèces invasives

    Une équipe de chercheurs australiens s’est intéressée au devenir des espèces introduites dans un milieu par l’homme, afin de bien comprendre les succès de ces expériences dans un contexte écologiste marqué par le souci de la biodiversité (Tingley et al. The American Naturalist, 177, 382-388, (2011)). Mais cette étude menée sur les amphibiens répond aussi aux interrogations scientifiques des évolutionnistes, permettant de trancher entre deux hypothèses sur l’aptitude d’une espèce à s’intégrer dans un milieu. La première de ces hypothèses fut formulée par Darwin, génial savant, inventeur d’une théorie de l’évolution bien ficelée, mais aussi fin observateur ayant émis bien des hypothèses qui souvent, ont été confirmées par la suite. Sauf quelques unes dont cette thèse assez centrale sur les succès dans l’introduction d’une espèce par l’homme. Selon Darwin, une espèce aura quelques difficultés à se développer dans un milieu si celui-ci est occupé par une espèce concurrente très proche selon les critères taxinomiques. A l’inverse, une autre hypothèse énonce carrément le contraire. Une espèce introduite dans un milieu aura de bonnes chances de prospérer si elle co-existe avec une espèce très proche. Cette solution alternative est connue comme hypothèse pré-adaptative. Ainsi, une étroite parenté de traits physiques et physiologiques entre l’espèce nouvelle et son homologue autochtone permettra à l’envahisseur de trouver facilement sa place. Soulignons ce détail. Darwin a proposé son hypothèse en observant les végétaux qui, s’ils sont introduits dans un milieu où une espèce parente est présente, peinent à s’insérer et se disséminer, alors qu’un végétal n’ayant pas d’étroite parenté avec les espèces du biotope pourra trouver matière à se développer et prospérer. La raison invoquée étant facile à comprendre. Une espèce très différente ne sera pas en compétition vitale avec les espèces présentes et trouvera ainsi plus aisément les substances et autres conditions pour s’étendre et occuper sa place. Les quelques tests menés sur des cas d’implantation de végétaux ont fourni des résultats contrastés, preuve s’il en est qu’il est difficile de trancher en faveur de l’hypothèse axée sur la concurrence face à celle supposant la préadaptation, reconnue aussi comme plausible par Darwin.

    Bien évidemment, cette alternative risque bien de livrer des conclusions distinctes si l’on étudie des cas d’introduction d’espèces animales, celles-ci ayant d’autres degrés de liberté pour s’adapter, se déplaçant notamment. Peu d’études ont été réalisées, sauf sur une les poissons, mentionnée par ces chercheurs australiens qui livrent leurs conclusions après avoir étudié, aux quatre coins du monde, plus de 500 cas d’introduction d’amphibiens entre 1700 et nos jours. Les grenouilles et salamandres introduites dans des milieux déjà occupés par des congénères voient leur développement facilité car elles disposent d’une compatibilité forte avec le milieu. Ce constat serait le premier permettant d’invalider la thèse darwinienne sur les espèces invasives censées être contrariées en rencontrant des proches congénères. C’est donc la thèse de la préadaptation qui explique le devenir des espèces invasives qui, dotés des mécanismes vitaux adéquats, montrent une aisance à se déployer dans un milieu déjà occupé par des espèces dotées de mécanismes similaires.

    Cette expérience est d’une grande importance pour la théorie de l’évolution puisqu’elle permet de penser à un rôle limité de la sélection naturelle, comme le pensait le naturaliste Lucien Cuénot, oublié des livres d’histoire de la biologie, et pourtant auteur de propos très savants renversant en quelque sorte les hiérarchies causales héritées de Darwin et un peu trop facilement acceptées par la communauté des évolutionnistes. Selon Cuénot mais aussi Bateson, la sélection naturelle n’explique pas la genèse des propriétés vitales des espèces et c’est plutôt l’inverse, une espèce bien formatée et dotée en mécanismes vitaux sera plus apte à s’adapter (H.C.D. de Wit. Histoire du développement de la biologie, p. 274, 1993). C’est ce sillon que j’ai du reste suivi dans mon essai où j’explique qu’il faut penser la sélection naturelle et l’adaptation réussie à partir des propriétés vitales de l’espèce et non l’inverse. Le vivant doit expliquer l’évolution et la sélection et non pas l’inverse (Dugué, le sacre du vivant, ouvrage en quête d’éditeur)

    Ainsi, hormis l’intérêt pratique de ces résultats dans un contexte de politique de biodiversité, nous avons dans ces constats de précieux éléments pour réfléchir à cette équivoque pour ne pas dire cet impensé de la théorie de l’évolution. Quel est le rôle exact de la sélection naturelle ? Une expérience de pensée fut réalisée par Darwin pour envisager le sort d’une espèce lorsqu’elle est introduite dans un milieu. Si elle rencontre une espèce très proche, cette dernière sera dotée des mécanismes vitaux adéquats et efficaces, car acquis dans un milieu sélectif. D’où les chances réduites d’adaptations pour les « envahisseurs ». Or, Tingley et ses confrères ont constaté que ce n’est pas le cas en étudiant 500 cas concernant l’introduction d’amphibiens. Une préadaptation permet ainsi à une espèce de vivre avec succès dans un milieu où elle rencontre un proche compétiteur censé être « mieux sélectionné ». Ces résultats vont donc dans le sens d’un découplage entre la pression sélective et la « logique du vivant », rejoignant ainsi, avec des liens lointains mais avérés, le propos de Motoo Kimura sur le découplage entre fixation des allèles et pression sélective.

    On regrettera qu’il n’y ait pas plus d’études de ce type. L’imposante hégémonie de la génétique, adossée au mythe de l’ADN, a laissé en friche la biologie naturaliste qui, en se dotant d’un appareil conceptuel adéquat, aurait encore beaucoup de choses à découvrir en observant finement les espèces vivantes. Une piste de réflexion découle de ces observations sur l’introduction d’une espèce potentiellement concurrente pour les ressources naturelles dans un milieu. Si cette espèce peut se développer, c’est que sans doute, ses concurrents autochtones sont loin d’avoir proliféré au point d’épuiser les ressources en maximisant leur prolifération. Cela étant, le degré d’évolution d’une espèce peut certainement jouer et il n’est pas sûr que chez les insectes, on trouve ce souci inné et mystérieux (qui lèvera le mystère ?) de ne pas proliférer jusqu’aux limites de l’épuisement naturel. Vaste méditation sur une « sagesse innée » des espèces évoluées et sur cette folie de l’humain qui lui, a transgressé les « lois naturelles » pour un pari assez fou, celui de conquérir la planète, sans se mettre des bornes démographiques, quitte à épuiser les ressources naturelles. Mais bien avant la modernité et le néolithique, l’homo sapiens a peut-être déjà transgressé les lois naturelles en éliminant un compétiteur, l’homme de Neandertal, chose impensable pour une espèce animale. Cette remarque anthropologique effectuée, on ne peut que louer à nouveau l’intérêt de ces études menées sur des populations introduites dans un milieu. L’équivoque sur la sélection naturelle et l’adaptation mérite largement la réalisation de ces observations écologiques comme celle récemment publiée par Tingley. L’ouverture vers une nouvelle compréhension du vivant et des forces vitales se confirme. Evolution et dévolution sont sans doute présentes en filigrane dans le propos théorique surplombant ces observations. par Bernard Dugué    http://www.agoravox.fr

  • Mondialisation et guerre économique vues par Gustave Le Bon

    Les écrits de Gustave Le Bon, dans son livre Psychologie du socialisme, paru en 1898, il y a 111 ans, se révèlent d’une singulière actualité. Psychologie du socialisme, dans la version de sa 3e édition de 1902, est téléchargeable en format P.D.F. depuis le site de la B.N.F. : http://gallica2.bnf.fr.

    Gustave Le Bon
    Gustave Le Bon.

    Extraits des pages 200 à 207 de l’édition numérisée :

    « Le problème que nous allons aborder dans ce chapitre [...] nous montrera une fois de plus combien sont superficielles et irréalisables les solutions de bonheur universel proposées par les socialistes.

    Ce problème, [...] est celui de la lutte économique qui se dessine plus nettement chaque jour entre l’Orient et l’Occident. Le rapprochement des distances par la vapeur, et l’évolution de l’industrie, ont eu pour conséquence de mettre l’Orient à nos portes et de transformer ses habitants en concurrents de l’Occident. Ces concurrents, auxquels nous exportions jadis nos produits, se sont mis à les fabriquer dès qu’ils ont possédé nos machines. Et, au lieu de nous acheter, ils nous vendent maintenant. Ils y réussissent d’autant plus facilement qu’étant, par leurs habitudes séculaires, à peu près sans besoins, les prix de revient des objets fabriqués par eux sont très inférieurs à ceux des mêmes objets fabriqués en Europe. La plupart des ouvriers orientaux vivent avec moins de dix sous par jour, alors que l’ouvrier européen ne vit guère avec moins de quatre à cinq francs. Le prix du travail réglant toujours celui des marchandises, et la valeur de ces dernières sur un marché quelconque étant toujours déterminée par leur valeur sur le marché où elles peuvent être livrées au plus bas prix, il s’ensuit que nos fabricants européens voient toutes leurs industries menacées par des rivaux produisant les mêmes objets à des prix 10 fois moindres. L’Inde, le Japon, et bientôt la Chine, sont entrés dans la phase que nous prédisions jadis, et ils y progressent rapidement. Les produits étrangers affluent de plus en plus en Europe, et les produits fabriqués en sortent de moins en moins.

    Pendant longtemps la concurrence est restée localisée sur le terrain des produits agricoles, et, par ses conséquences, nous pouvons pressentir ce qui arrivera lorsqu’elle se sera étendue aux objets fabriqués.

    Les premiers résultats de la concurrence ont été, comme l’a fait remarquer monsieur Méline, à la Chambre des députés, de faire baisser de moitié en 20 ans la valeur des produits agricoles (…). Beaucoup d’économistes, et je suis du nombre, considèrent ces baisses comme avantageuses, puisque c’est en définitive le public, c’est-à-dire le plus grand nombre qui en profite. Mais il est facile de se placer à des points de vue où l’on puisse contester que de telles baisses soient avantageuses. Leur plus grave inconvénient est de mettre l’agriculture dans une situation précaire et d’obliger quelques pays à y renoncer, ce qui à certains moments pourraient avoir des conséquences graves.

    Cette hypothèse de contrées obligées de renoncer à l’agriculture n’a rien de chimérique puisqu’elle se réalise de plus en plus aujourd’hui pour l’Angleterre. Ayant à lutter à la fois contre les blés de l’Inde et contre ceux de l’Amérique, elle a renoncé progressivement à en cultiver, malgré la perfection des méthodes anglaises [...].

    Bornée d’abord aux matières premières et aux produits agricoles, la lutte entre l’Orient et l’Occident s’est étendue progressivement aux produits industriels. Dans les pays d’Extrême-Orient, l’Inde et le Japon par exemple, le salaire des ouvriers d’usine ne dépasse guère 10 sous (0 fr. 50) par jour, et leurs chefs n’en reçoivent pas beaucoup plus. Monsieur de Mandat-Grancey cite une usine, près de Calcutta, occupant plus de 1.500 ouvriers, et dont le sous-directeur indigène reçoit un traitement de moins de 20 frs. par mois. Avec des prix de revient aussi faibles, les exportations de l’Inde ont passé en dix ans de 712 millions à plus de 4 milliards. (…) Les Orientaux se sont mis à fabriquer successivement tous les produits européens, et toujours dans des conditions de bon marché rendant toute lutte impossible. Horlogerie, faïence, papier, parfumerie, et jusqu’à l’article dit de Paris, se fabriquent maintenant au Japon. [...] En 1890, les Japonais vendaient pour 700frs. d’ombrelles et de parapluies, ils en vendaient pour 1.300.000 francs 5 ans après, et de même pour tous les produits qu’ils se mettent à fabriquer. [...] la Chine n’est pas encore entrée dans le mouvement industriel, mais nous voyons venir le moment où elle va s’y lancer. On peut alors prévoir qu’avec son immense population sans besoins, ses colossales réserves en charbon, elle sera en peu d’années le premier centre commercial du monde, le régulateur des marchés, et que ce sera la Bourse de Pékin qui déterminera le prix des marchandises dans le reste de l’univers. On peut déjà apprécier la puissance de cette concurrence en se souvenant que les Américains, se reconnaissant incapables de lutter contre elle, n’ont trouvé d’autre procédé que d’interdire aux Chinois l’accès de leur territoire. [...]

    Il est de toute évidence que l’Europe est destinée à perdre [...] la clientèle de l’Extrême-Orient [...]. Non seulement elle la perdra, mais elle sera de plus, condamnée [...] à acheter à ses anciens clients sans pouvoir rien leur vendre. [...]

    Les luttes entre l’Orient et l’Occident, dont nous venons de tracer la genèse, ne font que commencer, et nous ne pouvons qu’en soupçonner l’issue.

    Les rêveurs de paix perpétuelle et de désarmement universel, s’imaginent que les luttes guerrières sont les plus désastreuses. Elles font périr en bloc, en effet, un grand nombre d’individus mais il semble bien probable que les luttes industrielles et commerciales qui s’apprêtent seront plus meurtrières et accumuleront plus de désastres et de ruines que n’en firent jamais les guerres les plus sanglantes. Elles détruiront entièrement peut-être de grandes nations ce que n’ont jamais pu réaliser les armées les plus nombreuses. [...]

    Le socialisme ne se préoccupe guère de tels problèmes. [...] Ce sera pour les nations où il [le socialisme] aura pris le plus de développement, que la lutte commerciale avec l’Orient sera le plus difficile et l’écrasement du vaincu le plus rapide. [...] Ce n’est pas le collectivisme, avec son idéal de basse égalité dans le travail et les salaires, qui pourra fournir aux ouvriers les moyens de lutter contre l’invasion des produits de l’Orient. Où prendra-t-il les fonds nécessaires pour payer les travailleurs quand les produits n’auront plus d’acheteurs, que les usines se seront progressivement fermées, et que tous les capitaux auront émigré vers des pays où ils trouveront une rétribution facile et un accueil bienveillant au lieu de persécutions incessantes ? »

    Le Post  http://histoire.fdesouche.com

  • Holodomor

    Alors que les contours d’une catastrophe, aussi imminente qu’inéluctable, se dessinent, tout se passe comme si, à l’abri d’un écran protecteur, aussi invisible qu’impénétrable, le chaos à venir se mettait en place, dramatiquement – chaos dont ne pouvons pour l’instant saisir que des fragments en ordre dispersés, inintelligibles parce que sa terrifiante cohérence intérieure se trouve occultée, rigoureusement maintenue en dehors de toute attention étrangère au secret central des choses qui s’y font et s’y défont et qui décident du sort de ce monde dans une obscurité extrême.

    Les forces régressives et désertificatrices à l’œuvre, suractivées, engagées en avant avec les glissements politiques négatifs opérés par le pouvoir en place, et qui imposent ainsi, dans les termes même de la terreur mondialiste régnante, leur loi de renversement et de prise de possession négative, satanique. Car tel est le signe de haute provocation qui sont les nôtres, l’obligation devant laquelle on se trouve tenu d’utiliser ce terme aux résonances bien anciennes, étrangères à nos actuelles habitudes de discours.

    Désormais, seul l’inconcevable doit nous commander. Et l’inconcevable, en l’occurrence, c’est l’action du petit nombre de ceux qui, ayant réussi à franchir, pour eux-mêmes, pour leur propre compte, clandestinement, la ligne de passage entre l’être et le non-être, et qui se trouvent en état d’assumer la tâche de veiller sur un nouveau retour, d’un nouveau recommencement révolutionnaire – recommencement se situant déjà au-delà de la fin de l’Histoire.

    Dans ce contexte, deux articles de Dedefensa.org, publiés ces derniers jours, nous semblent absolument indispensables – raison pour laquelle nous en reproduisons de larges extraits.

    Mecanopolis

    Holodomor aux USA

    Le mot Holodomor (“extermination par famine”) est employé pour la Grande Famine d’Ukraine, des années 1930, qui reste une des plus terribles périodes du stalinisme, avec un bilan qui se compte en millions de morts. Comme on a vu par ailleurs (notre F&C du 26 novembre 2012), un chercheur et historien russe, également économiste et démographe, Boris Borisov, développa une thèse, en 2008, traçant un parallèle entre cet événement tragique de la Grande Famine d’Ukraine et celui de la Grande Dépression aux USA, du point de vue des pertes humaines attribuées aux pressions de la situation économique (Borisov recense 7,5 millions de morts aux USA, entre 1932 et 1937, qu’il attribue à la crise économique).

    On l’a déjà écrit, dans notre texte référencé, combien cette thèse de Borisov constitue une affirmation extrêmement audacieuse, sinon sacrilège par rapport aux conceptions économiques et historiques, par rapport à l’approche idéologique exigée dans l’historiographie du bloc BAO. Le passage auquel nous faisons allusion, portant à la fois sur cet aspect “sacrilège” d’une telle comparaison pour l’historiographie conforme du bloc BAO, et d’autre part sur l’actualité indirecte de cette comparaison par rapport à la situation économique, sociale, humaine et aussi idéologique présente est celui-ci :

    «Il y a toute une école, qu’on qualifierait de complotiste pour faire bref mais sans nécessairement de nuance péjorative dans cette occurrence, pour estimer que le Système, sous la forme de l’une ou l’autre officine ou organisation globaliste du genre, prépare, ou réalise déjà, une forme de génocide, notamment par l’alimentation restreinte ou hors de prix et la forme de l’alimentation, pour diminuer radicalement la population et ainsi ne mettre aucunement en péril grave la marche de la doctrine économique dominante. On comprend combien cette comparaison entre la Grande Dépression et la Grande Famine d’Ukraine des années 1930 constitue pour ce genre de thèses un argument de premier choix. D’autre part, cette même comparaison constitue évidemment, pour la bonne réputation du Système une idée monstrueuse, abominable, sacrilège, etc. Par ailleurs, il faut observer que la logique et les développements de Borisov laissent en général une grande impression de sérieux. Le fait que l’économiste et démographe russe et sa thèse aient pratiquement disparu des références (notamment, référence-Système dites sérieuses) lorsqu’on consulte Google, avec ce qu’on sait de Google et de ses liens avec le Système, n’est pas particulièrement rassurant. On sait que le silence est la meilleure arme du Système lorsqu’il s’agit d’écarter une forme de pensée gênante.»

    Il faut également préciser que la thèse de Borisov est apparue alors que la polémique centrale à propos de la Grande Famine d’Ukraine était née et faisait rage. Cette polémique porte moins sur le crime lui-même que sur la cause et l’objet du crime. L’Ukraine estime que la Grande Famine, événement favorisé et même organisé par l’OGPU (ex-Tchéka), était destinée à détruire la nation ukrainienne, tandis que le courant général officiel en Russie est de nier cette dimension génocidaire spécifique : selon ce second point de vue, la Grande Famine d’Ukraine s’inscrit dans le vaste mouvement de “dékoulakisation”, ou “industrialisation forcée”, entrepris par Staline à la fin des années vingt, et qui conduisit effectivement à des victimes par millions, dont ceux de la Grande Famine. (Voir, par exemple, Russia Today du 12 décembre 2008, sur ce sujet de la polémique. Sur le sujet de la “dékoulakisation” incluant la Grande Famine d’Ukraine selon la thèse russe, avec un total de pertes humaines de 8,5 millions pour l’ensemble, voir l’analyse de l’historien Krill Alexandrov, le 22 novembre 2008.)

    Cette polémique n’est certes pas le centre de notre propos, mais elle confirme combien ces famines “artificielles” ont en grande partie à voir avec une conception et une doctrine économique, ce qui rend encore plus pertinente l’initiative de Borisov de faire un parallèle avec la Grande Dépression. Il est évident qu’il y avait, du côté des forces capitalistes et idéologiques US, une attaque contre la population déshéritée et pauvre, notamment au nom de conceptions suprématistes et social-darwinistes, qui a largement alimenté les terribles conditions faites à cette population, et les pertes humaines allant avec. Le climat à cet égard était très extrémiste dans les années 1920 et 1930 aux USA. L’intérêt du propos est bien entendu que l’on retrouve aujourd’hui cette même tendance, dans les mêmes USA (avec extension dans le monde, comme cadeau pour la modernité), avec l’opposition fameuse des “1% versus les 99%”.

    Dans cette perspective, il nous paraît intéressant de mettre en ligne ce qui semble être le texte original de Boris Borisov, en date du 4 avril 2008. Il s’agit ici de l’édition par Russia Today, le 15 octobre 2012. Les détails donnés par Borisov, notamment les efforts faits par les autorités diverses aux USA pour masquer les disparités importantes dans les décès, – tout cela rappelle les élections démocratiques aux USA, – contribuent à renforcer l’idée qu’on doit avoir de la complète virtualisation, ou “potemkinisation” des USA, pour cette période comme pour toutes les autres. Les USA ne sont pas pour rien l’“empire de la communication”. Le texte de Borisov, qui est présenté par Russia Today sous la seule responsabilité de l’auteur, permet, à notre sens, d’explorer plusieurs domaines à la fois historiques, sinon métahistoriques, et à la fois d’une complète actualité, – simplement en considérant le fait, selon nous tout à fait acceptable, de la validité de la thèse présentée.

    • La puissance que peut éventuellement prendre l’entreprise faussaire générale des USA, et, d’une façon plus générale, de la modernité& et du Système. A partir de là, on doit pouvoir mesurer l’extraordinaire puissance éventuelle, et même assurée à notre sens, des falsifications de l’histoire courante, notamment et essentiellement sous l’empire du Système, c’est-à-dire depuis le phénomène du “déchaînement de la Matière.

    • La capacité de destruction, de déstructuration et de dissolution, qui caractérisent les doctrines économiques et, d’une façon plus générale, ce qu’on pourrait nommer l’“économisme”, en tant que tendance à tout considérer d’un point de vue économique et à tout faire évoluer selon le point de vue économique. Dans le cas envisagé, nous sommes avec deux doctrines économiques qui se font face, qui sont toutes les deux quasiment d’essence religieuse, ou plutôt de pseudo-essence religieuse, avec tous les vices possibles des religions (passion, aveuglement, intolérance, etc.), mais bien sûr sans leurs vertus fondamentales. Et voilà que ces deux doctrines se retrouveraient à agir exactement de même, dans la façon de faire évoluer les choses par l’élimination et l’extermination. Effectivement, le cas historique devient très actuel…

    Lire la suite de cet article sur Dedefensa.org

    La disette, stade ultime de la crise-Système

    L’évolution de la crise générale et d’effondrement du Système doit être prise dans sa globalité, c’est-à-dire touchant tous les domaines, même les plus primitifs, qu’on jugerait à première vue les plus inattendus. Il est absurde, sinon intellectuellement pervers, ou bien fait dans une intention tactique faussaire évidente, de “réduire” cette crise à ses composants divers en les étudiant séparément, avec le résultat d’occulter complètement la signification fondamentale de la crise.

    Il est essentiel d’envisager les phénomènes qui nous importent dans leur appartenance à la globalité et dans leur intégration dans la situation générale. Il importe donc de bien comprendre ceci que ces précision sur “la crise nutritionnelle” au Royaume-Uni, sujet de ce F&C, fournissent en fait un exemple de plus de l’extrémité dissolvante et entropique de la crise. Notre texte F&C du 23 novembre 2012 proposant l’idée que nous entrons, par analogie avec la Révolution, dans l’époque de la Terreur (1793), est largement conforté par ce que nous découvrons aujourd’hui de la situation de la nutrition, – la situation de la faim, ou de la disette potentielle, – dans un pays si complètement symbolique de la modernité, si conscient et si fer de l’être, qu’est le Royaume-Uni.

    • Le 18 novembre 2012, le Guardian annonçait, sous l’expression extraordinairement bureaucratique développée pour masquer la réalité tragique, que le Royaume-Uni se trouve dans une situation de “récession nutritionnelle”, selon le principe des vases communicants bien connu de nos doctrinaires entre le développement inégal des revenus et la catastrophe civilisationnelle que nous voyons s’étendre chaque jour, – «…nutrition recession as food prices rise and incomes shrink». («Austerity Britain is experiencing a nutritional recession, with rising food prices and shrinking incomes driving up consumption of fatty foods, reducing the amount of fruit and vegetables we buy, and condeming people on the lowest incomes to an increasingly unhealthy diet.»

    • Le 23 novembre 2012, toujours dans le Guardian, Ian Jack trouvait “choquant” (“shocking, indeed”) cette “crise nutritionnelle” et, surtout, le fait que le gouffre entre les riches et les pauvres, du point de vue de la nutrition, est pire aujourd’hui que dans les années 1930 (temps de la Grande Dépression), lorsque George Orwell écrivait The Road to Wigan Pier, où il dénonçait cette situation.

    (…)

    Il s’agit évidemment d’un aspect extrêmement peu abordé des crises économiques en général, dont l’appréciation est en général laissée dans le bloc BAO au seul domaine des économistes. Le coût humain des crises du à un affaiblissement fondamental de tous les facteurs de la subsistance est toujours perçu, – et d’ailleurs implicitement présenté dans ce sens, – comme extrêmement indirect jusqu’à ne plus guère avoir de lien avec les crises et, comme tel, tendant à être classé dans une catégorie démographique générale de l’évolution sociale où l’on ne signale aucune responsabilité particulière du Système… Le rapport de cause à effet, – dans ce cas, entre la crise fondamentale du Système, et par conséquent du capitalisme, et les problèmes humanitaires de nourriture de la population, – est toujours dilué dans la dialectique pseudo-scientifique des statistiques, allant du PIB au chômage. Cela permet d’éviter des polémiques désagréables pour la bonne tenue de la doctrine et de la religion capitalistes.

    Justement, voici une de ces polémiques oubliées… Nous avons retrouvé dans nos diverses archives une thèse particulièrement intéressante. Il y a quelques années, un peu avant la grande crise de l’automne 2008 et alors que les signes de crise se multipliaient, un chercheur russe, économiste et démographe, Boris Borisov, publia un article sur les pertes humaines durant la Grande Dépression aux USA, dues selon lui à la malnutrition, voire à la disette dans certaines parties du pays. La publication de la thèse engendra une polémique intéressante, d’après ce qu’il est suggéré. (Nous n’avons, de notre côté, aucune indication donnant une appréciation impérative à ce propos, mais le sérieux, le détail et la documentation des explications de Borisov sont remarquables.)

    Parmi d’autres, nous indiquons un article de l’époque qui en rend compte, ainsi, bien sûr, que des chiffres déterminés par le chercheur de 7 millions de personnes mortes aux USA des suites directes et indirectes de la Grande Dépression. L’article a paru sur le site Prava.ru, le 19 mai 2008.

    Les conséquences de notre système capitaliste conduisent d’ailleurs à une destruction de la population également par des voies supplémentaires, complétant la grossière disette, qui fait parfois désordre. Ces voies supplémentaires, plus modernistes, se situent dans l’accélération exponentielle de la consommation des aliments sordides de toxicité et totalement destructeurs de la santé que l’industrie alimentaire du Système développe avec un appétit proche de l’avidité. Il s’agit d’une autre méthode, plus moderne, plus sophistiquée, dont on connaît les ravages.

    (…)

    La Terreur continuée

    Quoi qu’il soit, les diverses considérations évoquées plus haut, d’ailleurs à partir des faits bien réels et statistiques au Royaume-Uni, renforcent bien entendu l’image de Terreur que le Système tend de plus en plus à prendre dans la phase terminale de sa crise. (Image d’un Système dispensateur d’une activité historique de mêmes fondements déstructurants et dissolvants que ceux de la Terreur, selon les référence de la Révolution française, comme on l’a proposé le 23 novembre 2012.)

    Comme il doit être bien entendu, ces divers problèmes d’alimentation pouvant déboucher sur une crise majeure, avec les termes de “génocide“ et d’“holocauste“ proposés, sont provoqués non par des questions de disposition des matières nécessaires à la nutrition, mais par des processus, des procédés et des comportements subversifs et déstructurants-dissolvant propres au Système : inégalité des revenues, spéculations, gangstérisme pur et simple (crime organisé) dans certains cas, gestion des flots de nourritures selon les seuls intérêts des producteurs, au mépris des besoins même urgents de la population.

    Il est vrai que les méthodes de l’OGPU entre 1932 et 1937, suscitant et accélérant la Grande Famine d’Ukraine, n’étaient guère différentes. Les intérêts économiques étaient aussi présents, ainsi que les diverses illégalités comme le gangstérisme. Quant à l’aspect idéologique, il était évidemment très visible en URSS, mais il n’est pas sûr qu’il ne soit pas aussi importants dans nombre de groupes extrémistes de l’idéologie du Système aux moyens d’action puissants dans notre Système. On ajoutera, toujours en ce qui concerne notre Système, l’ignominie des aliments produits industriellement, aux capacités nocives et toxiques dévastatrices, qui rendent compte directement, eux, d’une idéologie, consciente ou inconsciente c’est selon, d’entropisation de la personne humaine qui est sans précédent. (Situation qui rappelle certaines évocations d’auteurs de science-ficvtion, dont celle du fameux Soleil vert.)

    Il ne reste plus qu’à faire son choix, pour considérer l’hypothèse d’une destruction de la population par cette sorte de moyens. Sans qu’il nous faille nécessairement considérer un “plan” (“complot”), on peut bien envisager qu’il y a dans le chef de cette mécanique monstrueuse que constitue le Système une des ces “fatalités” d’anéantissement, qui est aussi un but logique, effectivement conçu mécaniquement comme tel, puisque  toutes les idées du Système tendent à la dissolution, à l’entropisation, donc à l’anéantissement.

    De ce point de vue différent du précédent (celui de notre F&C du 23 novembre 2012), qui était de type chronologique essentiellement, on retrouve la Terreur selon un autre point de vue qui est celui effectivement des hypothèses d’anéantissement. Chaque hypothèse, chaque spéculation, chaque observation considérées dans le cadre générale de la crise terminale du Système conduisent effectivement à cette évolution vers la Terreur totale et absolue, qui n’a strictement rien à voir avec les idées de “terreur” que dispense le Système (“guerre contre la Terreur”, terrorisme, etc.), qui constituent, elles, des faux nez et des camouflages complètement invertis pour tenter de nous dissimuler la vraie et profonde nature du Système. Tout, absolument tout chez lui, chez le Système, concourt à rejoindre l’idée qu’il constitue une entité activant la complète opérationnalité du Mal.

     Lire l’intégralité de cet article sur Dedefensa.org

    http://www.mondialisation.ca

  • Syrie: les événements s’accélèrent…

    Les événements s’accélèrent en Syrie, et pas dans le bon sens, bien au contraire! La guerre est donc proche, et le risque est que d’ici Noël, le gouvernement syrien tombe! J’attends personnellement des confirmations et de quoi recouper les informations pour appuyer les articles qui suivent.

    Le dernier pays de l’UE évacue ses diplomates de Damas

    венгрия флаг венгрия

     © Flickr.com/Tracy Russo/cc-by-nc-sa 3.0

    Le 5 décembre le gouvernement de Hongrie a annoncé l’évacuation totale du personnel de son ambassade à Damas, communique Reuters. La décision a été prise face à la « situation critique » dans la capitale syrienne.

    La Hongrie demeurait l’unique pays de l’UE dont l’ambassade fonctionnait dans la capitale de Syrie.

    Deux jours plus tôt, la mission locale de l’ONU avait décidé d’évacuer son personnel technique.
    Ces dernières semaines la situation à Damas et dans les alentours s’est sensiblement détériorée : des opérations militaires sont menées presque quotidiennement par les rebelles et les forces gouvernementales ont du mal à contrôler le centre de la ville.

    La Russie déploie ses missiles « Iskandar », en Syrie !

    La Russie déploie ses missiles "Iskandar", en Syrie !    IRIB- Pour Elyas Ebrahim, expert des questions régionales, la Russie a déployé les missiles « Iskandar » (Alexandre), en Syrie, pour contrer la menace des « Patriot » turcs.

    « Les missiles « Eskandar » sont plus puissants que les « Patriot » et leur déploiement est une réaction à la décision de la Coalition de l’OTAN d’utiliser le sol turc, pour le déploiement de ses « Patriot »". « Ce sont des missiles sol-sol qui pourront être utilisés pour des cibles aériennes et leur ogive a une capacité destructrice plus prononcée que celle des « Patriot »". Selon cet expert, ces missiles ont été livrés à la Syrie, par des navires russes, accostés à Tartous.

    Source: french.irib.ir

    L’Allemagne prête à envoyer 400 soldats à la frontière turco-syrienne

    Le gouvernement allemand a approuvé jeudi un projet de mandat pour le Parlement pour la mise en place de batteries de missiles Patriot de l’armée allemande en Turquie, le long de la frontière syrienne, qui prévoit également le déploiement de 400 soldats maximum

    « L’Otan a décidé le 4 décembre de renforcer la défense aérienne intégrée de l’Alliance avec le stationnement de batterie de Patriot en Turquie. Dans ce cadre, jusqu’à 400 soldats et soldates de la Bundeswehr pourront être déployés », a annoncé le ministère de la Défense dans un communiqué.

    Le conseil des ministre allemand a tenu une réunion exceptionnelle pour valider ce projet de mandat, courant jusqu’au 31 janvier 2014, et qui reste soumis l’approbation des députés de la chambre basse du Parlement allemand, le Bundestag.

    En Allemagne, l’armée est sous contrôle du Parlement qui doit se prononcer sur tous ses engagements à l’étranger. En l’occurence, le gouvernement allemand espère un feu vert entre le 12 et le 14 décembre, selon le communiqué.

    L’intervention allemande, dans le cadre de l’Otan, « n’a qu’un but exclusivement défensif » et de « dissuasion militaire pour éviter que le conflit interne en Syrie ne s’étende à la Turquie » voisine, a une nouvelle fois souligné le ministère dans son communiqué.

    Des sources militaires à l’Otan avaient indiqué mardi à l’AFP, qu’un total 300 à 400 soldats pourraient être stationnés en Turquie afin de faire fonctionner les quatre à six batteries qui pourraient être déployées à Malatya, Diyarbakir et Sanliurfa, selon des sources militaires.

    Les Patriot sont notamment capables en quelques secondes de détruire en vol d’éventuels missiles en provenance de la Syrie voisine.

    Mais ils ne pourront « en aucun cas servir à l’instauration ou à la surveillance d’une zone d’exclusion aérienne au-dessus du territoire syrien ou à d’autres actions de type offensif », a souligné le ministère allemand de la Défense.

    Selon une ONG syrienne, plus de 41.000 morts, en majorité des civils, ont été recensés depuis le début de la contestation contre le régime de Bachar el-Assad il y a plus de 20 mois.

    Source: L’orient le jour

    http://lesmoutonsenrages.fr

     

     

     

  • Nos adversaires ne font pas de cadeaux: aide-toi peuple Français, le ciel t’aidera !

    Dans beaucoup de régions de la vieille Europe, le cycle de Noël commence aujourd’hui, ce 6 décembre, jour de la saint Nicolas, pour se terminer le 6 janvier, jour de Rois. Un saint Nicolas très populaire en Flandre, en Wallonie, en Champagne, en Lorraine, en Picardie, en Rhénanie…Naguère,  les enfants attendaient sa visite le 5 décembre en plaçant un soulier dans la cheminée, pour y découvrir le lendemain le cadeau apporté lors de sa tournée des chaumières par le bon vieillard. Un saint « laïcisé » dans la figure du Père Noël, lequel fut popularisé à l’échelle mondiale et à des fins commerciales au début du XXème siècle par une firme comme Coca Cola notamment, qui imposa ses attributs vestimentaires…

    Il n’en reste pas moins que Saint-Nicolas, qui représente sans doute la christianisation d’une très ancienne coutume, et/ou son transfuge en « Père Noël » incarne(nt) pleinement pour les peuples de notre continent la magie de Noël. Une magie à laquelle sont sensibles les croyants comme les non croyants et qui plonge ses racines au plus profond de l’âme des européens.

    Fête de la nativité, de la naissance du Sauveur pour les chrétiens du monde entier, Noël a une résonance toute particulière, supplémentaire peut être pour les Européens de notre continent. Le très peu chrétien Jean Mabire le notait « Vieille fête du solstice d’hiver christianisé, fête de l’enfance et du devenir, fête du combat contre les ténèbres et fête des graines invisibles, Noël appartient à ceux qui luttent dans le silence, l’ombre et la solitude, Noël est la fête de l’invisible espérance. »

    Aussi, s’attaquer directement ou indirectement au(x) symbole(s) de Noël n’est jamais anodin -nous relationsà ce sujet  l’attitude de la municipalité d’Amiens le 30 novembre sur ce blog. Autant dire que la vive réaction des parents d’une école maternelle de Montargis ( Loiret) dont les médias se sont fait l’écho hier est totalement compréhensible.

    Selon Le Parisien, la directrice de cette école a décidé d’annuler la venue du Père Noël avançant comme explication des motifs financiers. Une justification rejetée catégoriquement par les parents d’élèves qui, sans langue de bois, ont dénoncé une « islamisation » de l’école. Dans ce quotidien, une mère de famille indique : « Je suis allée voir la directrice pour comprendre cette annulation. Elle m’a expliqué qu’elle ne voulait pas se faire taper sur les doigts par certaines familles de musulmans ».

     Une version confirmée, selon RTL, par l’adjoint au maire de Montargis, pour qui ce problème ne date pas d’hier. Avec le courage et la franchise qui la caractérise toujours, l’inspection académique a tenté d’éteindre l’incendie en affirmant qu’il s’agissait d’une méprise que la raison de cette annulation était bien financière…tout le monde y croit…

    La directrice de l’école qui se serait bien passée de cette médiatisation a été assaillie de coups de fils d’indignation. Elle a confié à La République du Centre son intention de porter plainte: « On vit un enfer » dit-elle. Enfer qui comme chacun le sait, est souvent pavé de pieuses intentions « antiracistes » au nom du « vivre ensemble »…

    Hier toujours, le site contre-info expliquait que jeudi dernier 8500 portions de mousses au chocolat a destination des écoles du Havre (Seine-Maritime) ont été jetées à la poubelle sur décision de la municipalité. Le motif ?  «La présence de gélatine de porc dans leur composition »

    « Le jour même, on nous a expliqué qu’il était question de sécurité alimentaire, d’un produit qui n’était pas conforme , témoigne le directeur d’une école havraise, sous couvert d’anonymat. Mais certains personnels de cuisine bien informés ont fini par apprendre la raison officieuse. Depuis, ça circule pas mal, et ça énerve !   Les gens sont choqués observe-t-il.»

     « Choqués », les Français ont des raisons de l’être au vu des conséquences terriblement dramatiques des politiques migratoires menées par l’UMPS depuis 35 ans. Maire de Montfermeil, membre depuis 2009 du parti chrétien démocrate (associé à l’UMP) mais néanmoins très lucide et courageux sur cette question, Xavier Lemoine, déclarait le 2 novembre à l’antenne de Radio Courtoisie : « En Ile-de France, les populations, par déménagements successifs, migrent pour constituer des unités homogènes qui ont leurs propres règles. Nous assistons à une partition de la société française. »

     « Nous sommes sur des bascules démographiques sur un certain nombre de territoires poursuivait-il. Certaines populations seront majoritaires et dans une homogénéité culturelle qui fera qu’elles tenteront par tous les moyens d’obtenir le pouvoir. Les islamistes m’ont averti : En 2014, vous passerez encore mais en 2020, nous serons majoritaires ». « Majoritaires » et tolérants ?

     « Choqués », les Français le sont aussi par la chanson Nique la France, du rappeur Saïdou et du sociologue Saïd Bouamama. Nos deux « po(è)tes urbains et de la diversité » ont été mis en examen suite à une action en justice de l‘Alliance Générale contre le Racisme et pour le respect de l’Identité Française et chrétienne (Agrif) de Bernard Antony.

    Bien sûr, le magazine conformiste pour bobos Les Inrocks a lancé une pétition pour soutenir les deux lascars, au nom du « devoir d’insolence » (sic), de la lutte « contre le racisme »,en faveur de nos deux pauvres victimes de la vindicte de méchants Gaulois qui ont la tête trop près du bonnet.

    Est-ce bien surprenant également, parmi les signataires de celle-ci, nous retrouvons Houria Bouteldja, porte-parole du parti des Indigènes de la République, connue pour son amour des « souschiens », Marwan Muhamad porte-parole du Collectif Contre l’Islamophobie en France, ou encore Rokhaya Diallo, présidente des Indivisibles. Mme Diallo, fut la récente bénéficiaire d’un séjour tout frais payé offert par l’ambassade américaine, au nom de sa politique d’ingérence dans nos banlieues, visant à repérer (recruter) les talents pluriels de demain…

    C’était cette même Mme Diallo qui affirmait sur France Ô ,le 11 octobre 2011, que « lorsqu’un pays s’interroge autant sur ce qu’il a été, c’est qu’il sent qu’il est en train de changer et que le rapport de force est en train de s’infléchir ». Nous sommes bien sûr invités, nous les peigne-culs de Gaulois et assimilés, à nous en féliciter chaudement…

    Alors, constate Bruno Gollnisch, en ce début de siècle et de millénaire, en cette période de Noël, moment particulier pour tous les Français, pour tous les Européens qui ne veulent pas abdiquer les racines helléno-chrétiennes de notre civilisation, l’heure est aussi à la reconquête de notre identité. Nos adversaires ne font pas de cadeaux mais  la victoire des ténèbres mondialistes n’est pas inéluctable,  et c’est ce message là que le Front National continuera de porter. Aide-toi peuple Français, le ciel t’aidera !

    http://www.gollnisch.com

  • Alain Griotteray est mort : Il incarnait la « droite de convictions » (archive 2008)

    Il a été dans la Résistance. Il a défendu l'Algérie française. Il était un gaulliste convaincu. Il a milité pour l'union de toutes les droites. Il a appartenu toute sa vie à une espèce en voie de disparition : la droite de conviction. Alain Griotteray n'est plus. Il s'est éteint le 30 août à l'âge de 85 ans.
    Nous sommes le 16 septembre 1981. La gauche la plus arrogante du monde est au pouvoir depuis quatre mois. À l'Assemblée nationale, elle doit faire face à la première motion de censure de l'opposition de droite. Censurer la gauche ? Quelle effronterie ! Pierre Mauroy, alors premier ministre de François Mitterrand, se lance dans le seul domaine dans lequel la gauche excelle : les leçons de morale. Toisant les députés de l'opposition, il leur lance : « Vous savez quels sont ceux qui, dans les heures sombres où le pays roulait vers le gouffre, se sont rassemblés pour que la France retrouve un jour sa dignité et sa liberté ? » Il insiste : « Vous savez qu'une certaine grande bourgeoisie et ceux qui défendent les plus gros intérêts ont choisi de suivre le gouvernement de Vichy pour prendre leur revanche ! »
    Résistant pour de vrai à 18 ans
    Pour inexacte qu'elle soit, cette antienne n'en est pas moins ancienne : la gauche a résisté, la droite a collaboré ! La première peut donc parader, la seconde doit se taire. Pour un ancien résistant qui, en 1940, n'avait que 18 ans, la suffisance du maire de Lille est une insulte. Il va en faire un livre : 1940 : la droite était au rendez-vous. Qui furent les premiers résistants ? (Robert Laffont, 1985). Car en 1940, les premiers résistants sont légitimistes, maurrassiens ou nationalistes. Honoré d'Estienne d'Orves. Maurice Duclos. Le colonel Rémy. Le colonel Passy. Georges Loustanau-Lacan. Pierre de Bénouville. Charles Vallin. Tant d'autres encore. Ils viennent tous des rangs d'une droite nourrie de la pensée de Barrès el de Péguy. La gauche, elle, à l'image de Marcel Déat, de Jacques Doriot ou de Paul Marion, a choisi la collaboration.
    Ce résistant, piqué au vif, qui ne supporte pas l'insulte faite à ses camarades de combat, sait de quoi il parle. Il s'agit d'Alain Griotteray. Le 11 novembre 1940, il a tout juste 18 ans. Cela ne l'empêche pas de participer à la première manifestation parisienne organisée contre l'occupant allemand. En fin d'après-midi, à l'appel de Jean-Ebstein-Langevin, qui appartient à l'Action française, des centaines d'étudiants se retrouvent pour déposer une gerbe sur la tombe du soldat inconnu. La police militaire intervient. Le sang ne coule pas, mais les jeunes gens arrêtés passent de trois semaines à six mois en prison au Cherche-Midi.
    Le combat d'Alain Griotteray pour la libération du sol de la patrie occupée commence, Il participe à la création du réseau Orion, du nom d'un village béarnais se trouvant sur la ligne de démarcation et choisi comme point de passage entre les deux zones. Ses camarades se nomment notamment Pascal Arrighi, qui sera en 1986 député du Front national ; Jean-Baptiste Biaggi, avocat talentueux et ami de Jean-Marie Le Pen ; Yves de Kermoal, l'auteur du Chant des Commandos de France ; Noël Leclercq, au nationalisme intransigeant.
    Par l'entremise d'Henri d'Astier de la Vigerie, le réseau Orion, en tant que réseau de renseignement, est impliqué dans la préparation du débarquement d'Afrique du Nord du 8 novembre 1942. En octobre 1943, Alain Griotteray rédige, avec l'abbé Cordier, les statuts des Commandos de France. La libération arrive. Griotteray a été un vrai résistant. Il ne fait donc pas partie de ceux qui exhibent celle qualité à tout bout de champ.
    Aux côtés de Malaud et de Junot
    En 1947, il rejoint le RPF fondé par De Gaulle. Gaulliste, il le sera toute sa vie, même si, partisan de l'Algérie française, il n'approuve pas la politique de l'homme du 18 juin. Son attachement à l'empire colonial lui vaut de voir son nom cité, en 1957, dans l'affaire du bazooka. Le 16 janvier de cette année, un obus de bazooka pulvérise à Alger le quartier général des forces armées. Le général Raoul Salan était visé. Absent, il est épargné, mais son adjoint, le commandant Rodier, est tué. Les partisans de De Gaulle, au premier rang desquels figure Michel Debré, sont suspectés d'avoir voulu tuer Salan pour provoquer le retour aux affaires du général. Dans ses Mémoires (éditions du Rocher/De Fallois, 2004), Alain Griotteray tentera, dans des pages trop brèves, de blanchir Debré en chargeant Mitterrand, accusé d'avoir voulu à l'époque, en tant que garde des Sceaux, mouiller Michel Debré. Le mystère sur cette affaire reste entier.
    En 1962, un hebdomadaire insolent voit le jour. Il s'agit de « Minute ». Un an plus tard/Alain Griotteray acquiert 240 actions de la société éditrice du journal par le biais de la Société d'études techniques et de publicité dont il est le co-fondateur. Son beau-frère, Bernard Leclerc, entre au conseil d'administration de la société qui édite « Minute », Son aventure dans la presse ne s' arrêtera pas là. En 1978, il fonde avec Louis Pauwels « Le Figaro Magazine ». Celui de la grande époque. Celui des articles politiques indépendants. Avant que les pages glamour n'envahissent les colonnes du journal.
    Après avoir rejoint les Républicains indépendants de Valéry Giscard d'Estaing, il devient membre du Parti républicain. Il sera plusieurs fois député et maire de Charenton-le-pont de 1973 à 2001. Optimiste (ou pessimiste actif), en 1984, il écrit un livre, Nous ne serons plus jamais socialistes (éditions Albatros). Quatre ans plus tard, François Mitterrand est réélu face à Jacques Chirac. La droite la plus bête du monde s'est suicidée. Contrairement au vœu d'Alain Griotteray, elle a refusé toute entente avec le Front national. Elle le refusera toujours. Avec toujours plus d'aveuglement.
    Alain Griotteray, lui, militera toujours pour l'union de toutes les droites. Il le montrera encore en 2007 en apportant son soutien à Marine Le Pen, qui vient de rendre hommage « à un grand homme dont les différentes étapes de la vie ont toutes été marquées par l'amour de la nation ». Dans le domaine de l'immigration, il ne s'est pas trompé. Son livre, Immigration : le choc, paru en 1985 (Plon) mérite de figurer aux côtés du Camp des saints de Jean Raspail Aussi tristement prophétique.
    Philippe Malaud est parti.
    Michel Junot s'en est allé. Alain Griotteray les a rejoints. La droite de convictions est une nouvelle fois en deuil. Le champ est presque désert. N'y demeurera bientôt que la droite de pacotille.
    Thierry Normand Minute 3 septembre 2008

  • Adieu au Professeur Piet Tommissen

    Adieu au Professeur Piet Tommissen (1925-2011)
     
    Quelques jours après avoir lu l’hommage publié par “Junge Freiheit” suite au décès du Professeur Helmut Quaritsch, l’ancien éditeur de la revue “Der Staat” (Berlin), j’apprenais, jeudi 1 septembre, en feuilletant sur le comptoir même du marchand de journaux mon “’t Pallieterke” hebdomadaire, dont je venais de prendre livraison, la mort du Professeur Piet Tommissen, qu’évoque avec une belle émotion le journal satirique anversois. Deux géants mondiaux des sciences politiques viennent donc de disparaître cet été, nous laissant encore plus orphelins depuis les disparitions successives de Panayotis Kondylis, de Julien Freund, de Gianfranco Miglio ou d’Armin Mohler.
     

    A la recherche de Pareto et Schmitt

    J’avais appris, tout au début de mon itinéraire personnel, où, forcément, les tâtonnements dominaient, qu’un certain Professeur Tommissen avait publié des ouvrages sur Vilfredo Pareto et Carl Schmitt. Nous savions confusément que ces auteurs étaient extrêmement importants pour tous ceux qui, comme nous, refusaient la pente de la décadence que l’Occident avait empruntée dès les années 60, immédiatement après les “technomanies” et les américanismes des années 50. Nous voulions une sociologie et, partant, une politologie offensives, constructrices de sociétés ayant réagi vigoureusement, “quiritairement” contre l’éventail d’injustices, de dysfonctionnements, d’enlisements, de déliquescences que le complexe bourgeoisisme/économicisme/libéralisme/parlementarisme avait induit depuis la moitié du 19ème siècle. Pareto démontrait (et Roberto Michels plus sûrement encore après lui...) quelles étaient les étapes de l’ascension et du déclin des élites politiques, destinées au bout de trois ou quatre générations à vasouiller ou à se “bonzifier” (Michels). Nous voulions être une nouvelle élite ascendante. Nous voulions bousculer les “bonzes”, leur indiquer la porte de sortie. Naïveté de jeunesse: ils sont toujours là; pire, ils ont coopté les laquais de leur laquais. Nous connaissions moins bien Schmitt à l’époque mais nous devinions que sa définition du “politique” impliquait d’aller à l’essentiel et permettait de trier le bon grain de l’ivraie dans le kaléidoscope des agitations politiques et politiciennes du 20ème siècle: que ce soit sous la république de Weimar, dans le marais politicard de la pauvre Belgique de l’entre-deux-guerres (le “gâchis des années 30” dira le Prof. Jean Vanwelkenhuyzen), dans les turpitudes des Troisième et Quatrième Républiques en France auxquelles De Gaulle, formé par René Capitant, disciple de Carl Schmitt, tentera de mettre en terme à partir de 1958.
     

    Première rencontre avec Piet Tommissen dans la rue du Marais à Bruxelles

    Il y avait donc sur la place de Bruxelles, un professeur d’université qui s’occupait assidûment de ces deux géants de la pensée politique européenne du 20ème siècle. Il fallait donc se procurer ses ouvrages et les lire. J’avais vu une photo du Professeur Tommissen dans un numéro d’ “Eléments” ou dans une autre publication du “Groupe de Recherches et d’Etudes sur la Civilisation Européenne”. Ce visage rond et serein m’avait frappé. J’avais retenu ces traits lisses et doux et voilà qu’en février ou en mars 1975, en sortant des bâtiments réservés aux romanistes et germanistes des Facultés Universitaires Saint-Louis, rue du Marais à Bruxelles, je vois tout à coup le Prof. Piet Tommissen, campé devant l’entrée du 113, à l’époque occupé par la “Sint-Aloysius Handelhogeschool”, où il dispensait ses cours. Il était impressionnant, non seulement par la taille mais aussi, faut-il le dire, par le joyeux embonpoint qu’il affichait, lui qui fut aussi un très fin gourmet et un bon amateur de ripailles estudiantines, ponctuées de force hanaps de blonde cervoise. Je suis allé vers lui et lui ai demandé, sans doute un peu emprunté: “Bent u Prof. Tommissen?”. Une certaine appréhension me tourmentait: allait-il envoyer sur les roses le freluquet que j’étais? Que nenni! Le visage rond et lisse de la photo, ancrée dans le recoin d’une de mes circonvolutions cérébrales, s’est aussitôt illuminée d’un sourire inoubliable, effet d’une sérénité intérieure, d’une modestie et d’une bonté naturelles (et sans pareilles...). Cette amabilité contrastait avec l’arrogance qu’affichaient jadis trop d’universitaires, souvent à fort mauvais escient. Le Prof. Tommissen était à l’évidence heureux qu’un quidam cherchait à se procurer ses ouvrages sur Pareto et Schmitt. Il m’a indiqué comment les obtenir et je les ai achetés.
     

    Piet Tommissen et Marc. Eemans

    Ensuite, plus aucune nouvelle de Tommissen pendant au moins trois longues années. Je le retrouve plus tard dans le sillage de son ami Marc. Eemans, avec qui il avait édité de 1973 à 1976 la revue “Espaces”. Je rencontre Eemans, comme j’ai déjà eu plusieurs fois l’occasion de le rappeler, à l’automne 1978, sans imaginer que le peintre surréaliste et évolien était lié d’une amitié étroite avec le spécialiste insigne de Pareto et Schmitt. L’histoire de cette belle amitié, ancienne, profonde, intense, n’a pas encore été explorée, n’a pas (encore) fait l’objet d’une étude systématique. De tous les numéros d’ “Espaces”, je n’en possède qu’un seul, depuis quelques semaines seulement, trouvé chez l’excellent bouquiniste ixellois “La Borgne Agasse”: ce numéro, c’est celui qui a été consacré par le binôme Tommissen/Eemans à l’avant-gardiste flamand Paul Van Ostaijen, dont on connait l’influence déterminante sur l’évolution future de Marc. Eemans, celui-là même qui deviendra, comme l’a souligné Tommissen lui-même, “un surréaliste pas comme les autres”. A signaler aussi dans les colonnes d’ “Espaces”: une étude de Tommissen sur la figure littéraire et politique que fut l’étonnant Pierre Hubermont (auquel un étudiant de l’UCL a consacré naguère plusieurs pages d’analyses, surtout sur son itinéraire de communiste dissident et sur son socialisme particulier dans un mémoire de licence centré sur l’histoire du “Nouveau Journal”; cf. Maximilien Piérard, “Le Nouveau Journal 1940-1944 - Conservation révolutionnaire et historisme politique – Grandeur et décadence d’une métapolitique quotidienne”; promoteur: Prof. Michel Dumoulin; Louvain-la-Neuve, 2002).
     

    “De Tafelronde” et “Kultuurleven”

    Tommissen, comme Schmitt d’ailleurs, n’était pas exclusivement cantonné dans les sciences politiques ou l’économie: il était un fin connaisseur des avant-gardes littéraires et artistiques, s’intéressait avec passion et acribie aux figures les plus originales qui ont animé les marges enivrantes de notre paysage intellectuel, des années 30 aux années 70. On devine aussi la présence de Tommissen en coulisses dans l’aventure de la fascinante petite revue d’Eemans et de Gaillard, “Fantasmagie”. “Espaces” fut une aventure francophone de notre professeur flamand, par ailleurs très soucieux de maintenir et d’embellir la langue de Vondel. Mais ses initiatives et ses activités dans les milieux d’avant-gardes ne se sont pas limitées au seul aréopage réduit (par les circonstances de notre après-guerre) qui entourait Marc. Eemans. En Flandre, Tommissen fut l’une des chevilles ouvrières d’une revue du même type qu’ “Espaces”: “De Tafelronde”, à laquelle il a donné des articles sur Ernst Jünger, Jean-Paul Sartre, Stefan George, Apollinaire, Edgard Tijtgat, Alfred Kubin, etc. Parallèlement à “Espaces” et à “De Tafelronde”, Piet Tommissen collaborait à “Kultuurleven”, qui a accueilli bon nombre de ses articles de sciences politiques, avec des contributions consacrées à Henri De Man, Carl Schmitt, Vilfredo Pareto et des notules pertinentes sur Thom et sa théorie des catastrophes, sur René Girard, Rawls et Baudrillard, sans oublier Heidegger, Theodor Lessing et Otto Weininger.
     

    “Dietsland Europa”

     
    Tommissen n’avait pas peur de “se mouiller” dans des entreprises plus audacieuses sur le plan politique comme “Dietsland-Europa”, la revue du “flamingant de choc”, un coeur d’or sous une carapace bourrue, je veux parler du regretté Bert Van Boghout qui, souvent, par ses aboiements cinglants, ramenait les ouailles égarées vers le centre du village. On sait le rôle joué par des personnalités comme Karel Dillen, futur fondateur du “Vlaams Blok”, et par le Dr. Roeland Raes, dans le devenir de cette publication qui a tenu le coup pendant plus de quarante années sans faiblir. Tommissen et moi, nous nous sommes ainsi retrouvés un jour, en l’an de grâce 1985, au sein de la rédaction d’un numéro spécial de la revue de Van Boghout sur Julius Evola, dossier qui sera repris partiellement par la revue évolienne française “Totalité” de Georges Gondinet. C’était au temps béni du meilleur adjoint que Van Boghout ait jamais eu: l’étonnant, l’inoubliable Frank Goovaerts, qui pratiquait les arts martiaux japonais jusque dans l’archipel nippon, traversait chaque été la France en moto, jouait au bridge comme un lord anglais et était ouvrier sur les docks d’Anvers; il fut assassiné dans la rue par un dément en 1991. Dans les colonnes de “Dietsland-Europa”, Tommissen a évoqué son cher Carl Schmitt, qui le méritait bien, le livre de Bertram sur Nietzsche, Hans Freyer (dont on ne connait que trop peu de choses dans l’espace linguistique francophone), Pareto, les courants de droite sous la République de Weimar, la théorie schmittienne des grands espaces et la notion évolienne de décadence.
     

    L’appel de Carl Schmitt: devenir des “Gardiens des Sources”

     
    Au cours de cette période —j’ai alors entre 18 et 24 ans— j’apprends, sans doute de la bouche d’Eemans, que la Flandre, et plus particulièrement l’Université de Louvain, avait connu pendant l’entre-deux-guerres, à l’initiative du Prof. Victor Leemans, une “Politieke Academie”, dynamique think tank focalisé sur tous les thèmes de la sociologie et de la politologie qui nous intéressaient. Tommissen s’est toujours voulu incarnation de l’héritage, réduit à sa seule personne s’il le fallait et s’il n’y avait pas d’autres volontaires, de cette “Politieke Academie”. Il a oeuvré dans ce sens, en laissant un maximum de traces écrites car, on le sait, “les paroles s’envolent, les écrits restent”. C’est la raison pour laquelle il est resté un “octogénaire hyperactif”, comme le soulignait très récemment Peter Wim Logghe, rédacteur en chef de “Teksten , Kommentaren en Studies”. Pourquoi? Parce que, dans ses “Verfassungsrechtlichen Aufsätze” et plus particulièrement dans la 5ème subdivision de la 17ème partie de ce recueil, intitulée “Savigny als Paradigma der ersten Abstandnahme von der gesetzesstaatlichen Legalität”, Carl Schmitt a réclamé, non pas expressis verbis mais indirectement, l’avènement d’une sorte de centrale intellectuelle et spirituelle, qu’il évoquait sous le nom poétique de “Hüter der Quellen”, “les Gardiens des Sources”. Voilà ce que Tommissen a voulu être: un “Gardien des Sources”, dût-il se maintenir à son poste comme le soldat de Pompéi ou d’Herculanum, en dépit des flots de lave qui s’avançaient avec fureur face à lui. Quand la lave refroidit et se durcit, on peut en faire de bons pavés de porphyre, comme celui de Quenast. Avec la boue “enchimiquifiée” et les eaux résiduaires de la société de consommation, on tuera jusqu’à la plus indécrottable des chienlits. Petite méditation spenglerienne et pessimiste...
     

    La “Politieke Academie”

    Nous aussi, nous interprétions, sans encore connaître ce texte fondamental de Schmitt, notre démarche métapolitique, au dedans ou en dehors de la “nouvelle droite”, peu importait, comme une démarche de “gardien des sources”. Alors qu’avons nous fait? Nous avons entamé une recherche de textes émanant de cette “Politieke Academie” et de ce fascinant Prof. Leemans. Nous avons trouvé son Sombart, son Marx, son Kierkegaard, que nous comparions aux textes sombartiens édités par Claudio Mutti et Giorgio Freda en Italie, aux rares livres de Sombart encore édités en Allemagne, notamment chez DTV; nous cherchions à redéfinir les textes marxiens à la lumière des dissidents de la IIème et de la IIIème Internationales (Lassalle, Dühring, De Man,...). Mais la “Politieke Academie” avait des successeurs indirects: nous plongions dans les trois volumes de monographies didactiques sur la vie et l’oeuvre des grands sociologues contemporains que la célèbre collection “Aula” offrait à la curiosité des étudiants néerlandais et flamands (“Hoofdfiguren uit de sociologie”); seul germaniste dans le groupe, j’ajoutais les magnifiques ouvrages de Helmut Schoeck (dont: “Geschichte der Soziologie – Ursprung und Aufstieg der Wissenschaft von der menschlichen Gesellschaft”). Tout cela constituait un complexe de sociologie et de sciences politiques tonifiant; avec cela, nous étions à des années-lumière des petits exercices insipides de statistiques étriquées et de meccano “organisationnel” à l’américaine, nappé de la sauce vomitive du “politiquement correct”, qu’on propose aujourd’hui aux étudiants, en empêchant du même coup l’avènement d’une nouvelle élite, prête à amorcer un nouveau cycle sociologique parétien, en coupant l’herbe sous les pieds d’avant-gardistes qui sont tout à la fois révolutionnaires et “gardiens des sources”.
    A cette époque de grande effervescence intellectuelle et de maturation, nous avons rencontré le Professeur Tommissen à la tribune du “Centro Studi Evoliani” de Marc. Eemans, où il a animé une causerie sur Pareto et une autre sur Schmitt. Nous connaissions mieux Pareto grâce à l’excellent ouvrage de Julien Freund sur le sociologue et économiste italien, paru à l’époque chez Seghers. Notre rapport à Schmitt, à l’époque, était indirect: il passait invariablement par l’ouvrage de Freund: “Qu’est-ce que le politique?”. De Carl Schmitt lui-même, nous ne disposions que de “La notion du politique”, publié chez Calmann-Lévy, grâce à l’entremise de Julien Freund, sans que nous ne connaissions véritablement le contexte de l’oeuvre schmittienne. Celle-ci n’était accessible que via des travaux académiques allemands, difficilement trouvables à Bruxelles. Finalement, j’ai obtenu les références nécessaires pour aller commander les ouvrages-clefs du “solitaire de Plettenberg” chez ce cher librairie de la rue des Comédiens, au coeur de la vieille ville de Bruxelles. Résultat: une ardoise, alors considérable, de 5000 francs belges, que mon père est allé apurer, tout à la fois catastrophé et amusé. Une bêtise d’étudiant, à ses yeux... Nous étions au printemps de l’année 1980 et une partie de l’ardoise (il n’y avait pas seulement les 5000 francs résiduaires payés par mon géniteur...) avait été généreusement offerte par le Bureau de traduction de Mr. Singer, chez qui j’avais effectué mon stage pratique obligatoire de fin d’études. Singer, germanophone issu de la communauté israélite berlinoise, aimait les étudiants qui avaient choisi la langue allemande: il voulait toujours leur offrir des livres qui exprimaient la pensée nationale allemande, sinon des ouvrages qui communiquaient à leurs lecteurs l’esprit prussien de discipline. Quand je lui ai suggéré de me financer du Carl Schmitt, Singer, déjà octogénaire et toujours sur la brèche, était enchanté. Et voilà comment, de Tommissen à Singer, et de “Over en in zake Carl Schmitt” jusqu’à la pharamineuse commande au libraire de la rue des Comédiens, a commencé mon itinéraire personnel de schmittien en herbe. Inutile de préciser que cet itinéraire est loin d’être achevé...
     

    “Nouvelle école”: Tommissen à mon secours

    En 1981, très exactement à la date du 15 mars, je débarque avec mes parents et mes bagages à Paris, où me reçoivent les amis Gibelin et Garrabos. J’étais devenu le secrétaire de rédaction de “Nouvelle école”, la très belle revue de l’inénarrable et fantasque de Benoist. Celui-ci, avec l’insouciance et l’impéritie de l’autodidacte parisien prétentieux, avait décidé de me faire fabriquer des numéros de “Nouvelle école” sur Pareto et sur Heidegger. C’est évidemment de la candeur de journaliste. Comment peut-on demander à un galopin de tout juste 25 ans, qui n’a pas étudié les sciences politiques ou la philosophie, de fabriquer de tels dossiers en un tourne-main? Tout simplement parce qu’on est un farfelu. Mais, moi, on ne m’a jamais appris à discuter, d’ailleurs Schmitt abhorrait la discussion à l’instar de Donoso Cortès. Il fallait obéir aux ordres et aux consignes: il fallait agir et produire ce qu’il fallait produire. Donc il a bien fallu que je m’exécute, sans trop gaffer. Comment? Eh bien, en m’adressant aux deux seules personnes, que je connaissais, qui avaient pratiqué Pareto à niveau universitaire: Bernard Marchand et Piet Tommissen! Bernard Marchand avait rédigé un mémoire à l’UCL sur les néo-machiavéliens, tels que James Burnham les avait présentés. Il nous a livré, à titre d’introduction, une version adaptée et complétée de son mémoire. Tommissen est ensuite venu à mon secours et m’a confié des textes de lui-même et d’un certain Torrisi. Guillaume Faye, plus branché sur les sciences politiques, a commis un excellent texte sur la notion de doxanalyse qu’il avait tiré de sa lecture très attentive des oeuvres de Jules Monnerot. D’où: première mission accomplie! Réaction grognone de de Benoist, dans l’affreux bouge dégueulasse de restaurant, qui se trouvait à côté des bureaux du GRECE, rue Charles-Lecocq dans le 15ème, et où il avait l’habitude de se “restaurer”: “C’est la colonisation belge... Je vais finir par m’appeler Van Benoist et, toi, Guillaume, tu t’appelleras Van Faye...”. Il ne manquait plus que “Van Vial” et “Van Valla” au tableau... Après cette parenthèse parisienne, où les anecdotes truculentes et burlesques ne manquent pas, il fallait que j’accomplisse mon service militaire et que je mette la  dernière main à mon mémoire de fin d’études, commencé en 1980.
     

    La défense orale de mon mémoire: encore Tommissen à mon secours!

     
    Vu la maladie puis le départ à la retraite de mon promoteur de mémoire, Albert Defrance, je ne présente mon pensum au jury qu’en septembre 1983. Ce n’est pas un mémoire transcendant. Ecole de traduction oblige, il s’agit d’une modeste traduction, annotée, justifiée et explicitée dans son contexte. Mais elle entrait dans le cadre des sciences politiques, telles que nous les concevions. Au début, j’avais souhaité traduire un des ouvrages de Helmut Schoeck mais ceux-ci étaient tous trop volumineux pour un simple mémoire dit de “licence” (selon le vocabulaire belge, avant l’introduction du vocabulaire de Bologne). Finalement, le seul ouvrage court brossant un tableau intéressant des pistes sociologiques et politologiques que nous aimions explorer était celui d’Ernst Topitsch et de Kurt Salamun sur la notion d’idéologie. Mais problème: Defrance s’intéressait à la question mais il n’était plus là. Mon cher professeur de grammaire allemande, Robert Potelle, reprend le flambeau mais avoue, avec la trop grande modestie qui le caractérise, qu’il n’est pas habitué à manier le vocabulaire propre à ces disciplines. Frau Costa, notre professeur d’histoire allemande, fait preuve de la même modestie exagérée (“Wie haben Sie einen solchen Wortschatz meistern können?”), alors que son cours sur le passage de Weimar au national-socialisme, avec la fameuse “Ermächtigungsgesetz” fut une excellente introduction à une problématique abordée par Schmitt. Que faire? Comment trouver un universitaire germanophone spécialisé dans la thématique? C’est simple: appeler Tommissen pour qu’il soit l’un de mes lecteurs extérieurs. Rendez-vous est pris à Grimbergen, dans le foyer, antre et bibliothèque de notre professeur. Tommissen accepte: il aime la clarté et la concision de Topitsch et Salamun. Lors de la défense orale, Tommissen aiguille le débat sur une note, que j’avais ajoutée, sur la notion wébérienne de “Wertfreiheit”. Ce terme est intraduisible en français. Seul Julien Freund avait forgé une traduction acceptable: “neutralité axiologique”. En effet, si je suis “libre”, donc “frei” donc en état de “liberté”, de “Freiheit”, et si je suis dépourvu de tout “jugement impromptu de valeur”, donc si je suis “neutre”, quand j’observe une réalité sociologique ou politique, qui, elle, véhicule des valeurs, je suis en bout de course “libre de toute valeur”, donc “axiologiquement neutre”, chaque fois que je pose un regard scientifique sur un phénomène social ou politique. Weber plaçait aussi cette notion de “Wertfreiheit” dans le contexte de sa distinction entre “éthique de la responsabilité” (“Verantwortungsethik”) et “éthique de la conviction” (“Gesinnungsethik”). Ni l’une ni l’autre ne sont dépourvues de “valeur” mais la responsabilité implique un recul, un usage parcimonieux et raisonnable des ressources axiologiques tandis que la conviction peut, le cas échéant, déboucher sur des confrontations et des blocages, des paralysies ou des déchaînements, justement par absence de recul et de parcimonie comportementale.
    Voilà ce que j’ai pu répondre, en bon allemand, et ainsi obtenir une distinction. Je la dois indubitablement à l’ascendant de Tommissen et à sa manière habile de poser effectivement la question principale qu’il convenait de poser face à ce mémoire, modeste traduction.
     

    La bibliothèque de Grimbergen

    L’un des premiers textes de Piet Tommissen fut un récit de son voyage, avec son épouse Agnès, chez Carl Schmitt, à Plettenberg en Westphalie. Avec grande tendresse, Tommissen a décrit ce voyage, la réception profondément amicale que lui avait prodiguée Carl Schmitt. A mon tour de raconter aussi deux ou trois impressions de ma visite à Grimbergen, pendant l’été 1983: accueil chaleureux d’Agnès et Piet Tommissen, visite de la bibliothèque. Dans la pièce de séjour, il y avait ce fauteuil du maître des lieux, tout entouré d’étagères construites sur mesure, croulant sous le poids des livres du mois, potassés pour écrire le prochain article ou essai. Tout, dans la maison, était agencé pour faciliter la lecture. La bibliothèque de Grimbergen était fabuleuse: elle mérite bien la comparaison avec les autres grandes bibliothèques privées que j’ai eu l’occasion de visiter: celle d’Alain de Benoist évidemment; celle de Mohler, vue à Munich en plein été torride de 1984; celle, luxuriante et chaotique de Pierre-André Taguieff, véritable labyrinthe où évoluait un gros chat teigneux et espiègle; celle, somptueuse, dans la villa de Miglio, vue en mai 1995 à Côme et celle de Peter Bossdorf, la plus magnifiquement agencée, vue en automne 2010. Cette évocation des grandes bibliothèques est évidemment un clin d’oeil à Tommisen: celui-ci s’enquerrait toujours des livres achetés par ses hôtes et leur demandait d’évoquer leurs bibliothèques...
     

    Pierre-André Taguieff à Bruxelles

    Plus tard, début des années 90, quand Pierre-André Taguieff préparait son ouvrage “Sur la nouvelle droite”, paru en 1994 chez Descartes & Cie, il avait sollicité un rendez-vous avec Tommissen et avec moi-même: le soir de cette journée, nous avons dîné dans un restaurant minuscule, uniquement destiné aux gourmets, en compagnie de mon camarade Frédéric Beerens et d’un majestueux ami de Tommissen, affublé d’une énorme barbe rousse qui lui couvrait un poitrail de taureau. Discussion à bâtons rompus, surtout entre Taguieff et Tommissen sur la personnalité de Julien Freund. On reproche à Taguieff certains travaux jugés inquisitoriaux sur la “nouvelle droite” ou sur les mouvements populistes (l’ouvrage de Taguieff sur “L’illusion populiste” est d’ailleurs le plus faible de ses ouvrages: les chapitres concernant la Flandre et l’Autriche ne comportent aucune référence en langue néerlandaise ou allemande!). Mais il faut rendre hommage au philosophe qui a critiqué le “bougisme” contemporain et a assorti cette critique d’un appel à la résistance de toutes les forces politiques qui n’entendent pas s’aligner sur les poncifs dominants. Ensuite, l’oeuvre majeure de Pierre-André Taguieff, “L’effacement de l’avenir” deviendra indubitablement un grand classique: on y découvre un excellent constat de faillite du “progrès”, une critique extrêmement pointue du présentisme ainsi qu’une critique fort pertinente des nouvelles formes de fausse démocratie qui ne sont, explique Taguieff, que des “expertocraties”. On peut évoquer ici le “double langage” de Taguieff, non pas au sens orwellien du terme, où la “liberté” serait l’ “esclavage”, mais dans le sens où nous avons affaire à un théoricien en vue de la gauche mitterrandienne et post-mitterrandienne, obsédé par le joujou “racisme” comme il y avait un “joujou nationalisme” du temps de Rémy de Gourmont, un intellectuel post-mitterrandien qui a pondu une triclée de travaux sur cette notion-joujou qui n’a pas d’autre existence ou de statut que ceux de “bricolages médiatiques”; au fond: s’il existe à l’évidence des préjugés raciaux, cela n’empêchera nullement le pire des racistes de trouver un jour son bon “nègre”, son “bon arbi” ou son juif favori. Même le Troisième Reich recrutait Blancs, Blacks et Beurs, et Indiens bouddhistes, hindouistes, musulmans ou sikhs, pourvu qu’il s’agissait de lutter contre la ploutocratie britannique. Et le plus acharné des anti-racistes fulminera un jour contre un représentant quelconque d’une autre race que la sienne ou sera agité par un prurit antisémite; dans la vie quotidienne les exemples sont légion. Quant aux Blancs, ils sont tout aussi victimes de préjugés raciaux que les autres.
    Taguieff situe ses propres travaux sur le racisme et l’anti-racisme dans le cadre d’un axe de recherches inauguré par l’Américain Gordon W. Allport (“The Nature of Prejudice”, 1ère éd., 1954): le danger que recèle ce genre de démarche, qui est propre à un certain libéralisme totalitaire, est d’amorcer une critique des “préjugés” qui amènera à un rejet puis à un arasement des “valeurs”, posés derechef comme des “irrationalités” à gommer, des valeurs sans lesquelles aucune société ne peut toutefois fonctionner, sans lesquelles toute société devient, pour reprendre la terminologie du Prof. Marcel De Corte, principal collaborateur d’Eemans au temps de la revue “Hermès” (1933-1939), une “dissociété”. Taguieff est conscient de ce danger car son idéologie “républicaine” (certes plus nuancée que les insupportables vulgates que l’on entend ânonner à longueur de journées) n’est pas dépourvue de “valeurs”, notamment de “valeurs citoyennes”, qui risquent l’arasement au même titre que les valeurs catholiques, conservatrices ou “raciques” (dans la mesure où elles sont vernaculaires), pour le plus grand bénéfice de l’idéologie présentiste qui conçoit la société non pas comme une communauté de destin mais comme un supermarché. Taguieff est donc ce penseur post-mitterrandien, qui a partagé l’illusion de la grande foire multiraciale annoncée par les “saturnales de touche-pas-à-mon-pote” (dixit Louis Pauwels), et, simultanément, le penseur d’une “nouvelle révolution conservatrice” à la française, une “révolution conservatrice” qui critique de fond en comble la notion fétiche de progrès. C’est en ce sens que j’ai voulu présenter ses ouvrages lors d’une université d’été de “Synergies Européennes” en Basse-Saxe. Taguieff mérite maintenant plus que jamais ce titre de “théoricien révolutionnaire-conservateur” car il a oeuvré d’arrache-pied pour poursuivre, défendre et illustrer l’oeuvre de Julien Freund. Quant à la critique des préjugés, mieux vaut se plonger dans les écrits et les pamphlets de ceux qui luttent contre le festivisme (Philippe Muray), facteur d’un impolitisme total, ou contre les vrais préjugés et débilités du “politiquement correct” comme Elizabeth Lévy, Emmanuelle Duverger ou Robert Ménard. Ce sont là critiques bien plus tonifiantes.
    Après le dîner avec Tommissen et son ami barbu, Beerens et moi avons ramené notre bon Taguieff à son hôtel: n’ayant pas le coffre et l’estomac breugheliens comme les nôtres, il est revenu de nos agapes en état de franche ébriété; sur la banquette arrière de la petite Volkswagen de Beerens, il émettait de joyeuses remarques: “je suis un être dédoublé, ha ha ha, un bon joueur d’échecs, hi hi hi, je parle avec tout le monde, hu hu hu, et je roule tout le monde, ha ha ha!”. Enfin un intellectuel parisien qui se comportait comme nos joyeux professeurs qui manient allègrement la chope de bière, comme Tommissen ou l’angliciste Heiderscheidt, ou comme l’heideggerien Gadamer, qui participait, presque centenaire, aux canti de ses étudiants et tenait à respecter les règles des festivités estudiantines. Dommage que Taguieff ne soit pas resté longtemps ou ne soit jamais revenu: on en aurait fait un bon disciple de Bacchus et du Roi Gambrinus! En réalité, c’est vrai, il est un “être dédoublé”, in vino veritas, mais il ne “roule” pas tout le monde, il séduit tout le monde, tant les tenants de la gôôôche de toujours que les innovateurs qui puisent dans le vrai corpus de la “révolution conservatrice”!
     

    La Foire du Livre à Francfort

     
    Mais où Tommissen était le plus présent, sans y être physiquement, c’était à la Foire du Livre de Francfort, que j’ai visitée de 1984 à 1999, ainsi qu’en 2003. Pour moi, la Foire du Livre de la métropole hessoise, a toujours été “maschkinocentrée”, c’est-à-dire centrée autour de la truculente personnalité de Günter Maschke, cet ancien révolutionnaire de mai 68, devenu schmittien, un des plus grands schmittiens de la Planète Terre au fil du temps. Et qui dit Günter Maschke, dit Carl Schmitt et tout l’univers des schmittiens. Après avoir arpenté pendant toute la journée les énormes halls de la Foire, nous nous retrouvions fourbus le soir chez Maschke, pour discuter de tout, mais pas dans une ambiance compassée, faite de sérieux papal: nous avons sorti les pires énormités, en riant comme des collégiens ou des soudards qui venaient d’achever une bataille. A la table, outre le grand expert militaire suisse Jean-Jacques Langendorf, et le Dr. Peter Weiss, directeur de la maison d’édition “Karolinger Verlag”, nous avions très souvent le bonheur d’accueillir le grand philosophe grec Panayotis Kondylis et l’écrivain allemand Martin Mosebach. Dans ces joyeuses retrouvailles annuelles, Maschke évoquait toujours Tommissen avec le plus grand respect. En effet, de 1988 à 2003, Piet Tommissen a publié ses miniatures sur Carl Schmitt dans la série “Schmittiana”, chez le prestigieux éditeur berlinois Duncker & Humblot, acquerrant la célébrité dans l’univers restreint des bons politologues, qui sont tous, évidemment, des schmittiens, où qu’ils vivent sur le globe! Le système Tommissen, celui de la note pertinente, y a fait merveille: en quoi consiste l’excellence de ce système? Eh bien, il aiguille le train de la recherche vers des voies souvent insoupçonnées. Schmitt a rencontré telle personnalité, lu tel livre, participé à tel colloque: Tommissen explicitait en peu de mots l’intérêt de cette rencontre, de cette lecture ou de cette participation pour le reste ou la suite de l’oeuvre et ouvrait simultanément des perspectives nouvelles et inédites sur la personnalité rencontrée, l’auteur du livre lu par Schmitt ou les organisateurs du colloque qui avait bénéficié de sa participation. La même méthode vaut bien entendu pour Eemans et le champs énorme que celui-ci a couvert en tant que peintre avant-gardiste, éditeur de revues originales, historien de l’art. On a pu se moquer de cette méthode: à première vue et pour un esprit borné, elle peut paraître désuète mais, à l’analyse, elle porte des fruits insoupçonnés. Enfin, en 1997, nous avons pu célébrer la parution de “In Sachen Carl Schmitt” auprès de “Karolinger Verlag”, avec une analyse des textes satiriques de Carl Schmitt et une autre sur la correspondance Schmitt/Michels.
     

    Alberto Buela et Horacio Cagni à Bruxelles

    J’ai eu aussi le bonheur de recevoir un jour à Bruxelles le Dr. Alberto Buela et le Dr. Horacio Cagni du CNRS argentin. Ils voulaient voir trois personnes: Tommissen, dont ils n’avaient pas l’adresse, Christopher Gérard, l’éditeur de la revue “Antaios”, et moi-même. Ce ne furent que joie et libations. D’abord en l’estaminet aujourd’hui disparu que fut “Le Père Faro” à Uccle, ensuite sur la terrasse de “chez Karim”, Place de l’Altitude Cent, où la faconde de Buela, philosophe, professeur d’université, sénateur et rancher argentin, fascinait les autres clients et même les passants qui s’arrêtaient et commandaient un verre de vin, pour avoir l’insigne plaisir de l’entendre discourir! Bref, comme me disait en juin dernier un animateur de la radio “Méridien Zéro” (Paris): la métapolitique par la joie ! “Metapolitik durch Freude”! Le lendemain: à quatre, Buela, Cagni, Gérard et moi, nous prenions le train vers Vilvorde, où nous attendait Tommissen pour nous véhiculer jusqu’à Grimbergen. Nouvelle visite de la bibliothèque où le maître des lieux me montre une collection complète de mes “Orientations”, magnifiquement reliée et placée dans la bibliothèque aux côtés d’autres revues du même acabit. Et toujours le fauteuil, entouré d’étagères sur mesure... Ensuite, libations dans une salle jouxtant l’Abbaye et la Collégiale Saint Servais de Grimbergen: les bières de l’Abbaye, généreusement offertes par Tommissen, ont coulé dans nos gosiers. Thème du fructueux débat entre Tommissen et Buela: Carl Schmitt et l’Amérique latine. On sait que Buela écrit inlassablement des articles philosophiques à dimensions véritablement politiques (au sens de Schmitt et de Freund),  et qui garde une mesure grecque, au départ d’auteurs hispaniques, marqués par la tradition espagnole et par l’antilibéralisme de Donoso Cortès, qui ont tant fasciné Carl Schmitt.
     

    Visite à Uccle

    Après la mort prématurée de son épouse Agnès, Tommissen, au fond, était inconsolable. La grande maison de Grimbergen était devenue bien vide, sans la bonne fée du foyer. Notre professeur a pris alors la décision de s’établir à Uccle, dans un complexe résidentiel pour seniors, où il s’est acheté un studio, dans lequel il a empilé la quintessence de sa bibliothèque. Là il rédigera ses “Buitenissigheden”, ses “Extravagances”, et sans doute les dernières livraisons de ses “Schmittiana”. Je lui ai rendu visite deux fois, d’abord avec ma future épouse Ana, ensuite avec mon fils. Lors de notre première visite, il m’a offert ses “Nieuwe Buitenissigheden”, avec de la matière à traiter fort bientôt car, en effet, ce petit volume aux apparences fort modestes, contient trois thématiques qui m’intéressent: Wies Moens comme avant-gardiste et “révolutionnaire conservateur” flamand et nationaliste. Un auteur qui fascinait également Eemans et a sans doute contribué à déterminer ses choix, quand il entra en dissidence définitive et orageuse par rapport au groupe surréaliste bruxellois, autour de Magritte, Mariën, Scutenaire et les autres. Il me reste à travailler cette matière “Moens” et à l’exposer un jour au public francophone. Deuxième thématique: la “Politieke Academie”, dont il s’agira de réactiver les projets jusqu’à la consommation des siècles. Troisième thématique: la théorie de Brück, qui fascinait les rois Albert I et Léopold III, et qui sous-tend une variante du “suprématisme” anglo-saxon. Mais, infatigable, et porté par la ferme volonté d’écrire jusqu’à son dernier souffle, pour témoigner, révéler, arracher à l’oubli ce que ne mérite pas de l’être, Tommissen avait également sorti en 2005, “Driemaal Spengler”, un recueil de trois maîtres articles sur Oswald Spengler, parmi lesquels une étude sur la réception de l’auteur du “Déclin de l’Occident” en Flandre. La réception, lors de cette première visite à l’appartement d’Uccle, fut joviale. Notre professeur était au mieux de sa forme.
     

    Juillet 2011: ultime visite

    Notre dernière visite, début juillet 2011, cinq semaines avant sa disparition et sous une chaleur caniculaire, avait pour objet premier de lui communiquer, entre autres documents, une copie d’un entretien que l’on m’avait demandé sur Marc. Eemans et le “Centro Studi Evoliani”. Cet entretien se référait souvent à la monographie que Tommissen avait consacrée au “surréaliste pas comme les autres”. Cet entretien a plu à beaucoup de monde, y compris au nationaliste révolutionnaire évolien Christian Bouchet et à l’inclassable post-communiste Alain Soral qui l’ont immédiatement affiché sur leurs sites respectifs. Pour définir les positions d’Eemans dans cet univers avant-gardiste et surréaliste, je ne pouvais pas trouver de meilleur inspirateur que Tommissen. J’ai trouvé notre Professeur assez fatigué mais il faut dire aussi que l’après-midi de notre visite était particulièrement chaud, lourd et malsain. La conversation s’est déroulée en trois volets: Eemans et les cercles politico-littéraires ou politico-philosophiques des années 30 en Belgique, avec surtout la présence à Pontigny de Raymond De Becker qui y évoqua le néo-socialisme de De Man et Déat, un thème récurrent dans les recherches de Tommissen; le cercle “Communauté” fondé par Henry Bauchau et De Becker; leur “académie” à laquelle participait Marcel De Corte, également collaborateur de la revue “Hermès” d’Eemans; l’évolution de Bauchau et De Becker vers la psychanalyse jungienne (et les retombées de cet engouement sur Hergé) et la participation de De Becker à la revue “Planète” de Louis Pauwels. Sans compter l’impasse dans laquelle s’est retrouvée l’intelligentsia “conservatrice” ou “révolutionnaire-conservatrice” ou “non-conformiste des années 30” en Belgique, à partir du moment où l’Action Française de Maurras est condamnée par le Vatican en 1926; pour remplacer l’idole Maurras, désormais à l’index, une partie de cette intelligentsia va changer de gourou et adopter Jacques Maritain. Les vicissitudes de cette transition, que n’a pas vécu l’intelligentsia flamande, expliquent sans doute le peu de rapports entre les intellectuels des deux communautés linguistiques, ou le caractère très ténu de leurs références communes. Enfin, l’étude de Tommissen sur le rapport entre Francis Parker Yockey et la chorégraphe flamande Elsa Darciel (cf. euro-synergies.hautetfort.com/ ). Au cours de l ‘entretien, mon fiston et moi-même fûmes gâtés: deux volumes autobiographiques de Tommissen (“Een leven vol buitenissigheden”) et un volume avec la bibliographie complète des oeuvres de notre professeur. Deuxième volet: Tommissen n’a cessé d’interroger mon fils sur les innovations à la KUL, sur l’état d’esprit qui y règne, sur les matières qui y sont enseignées, etc. Troisième volet, avec mon épouse; Tommissen n’importunait jamais les dames avec ses engouements politiques ou philosophiques, il passait aux thèmes de la vie quotidienne et de la famille. Il nous a dit: “Aimez-vous et profitez des bons côtés de la vie”. Ce fut notre dernière rencontre.
    Nous avions promis de nous revoir en septembre pour poursuivre nos conversations: cette année les voies du dépaysement estival nous ont menés tour à tour en Zélande, dans l’Eifel et les Fagnes, au Cap Blanc-Nez et sur la côte d’Opale, dans la Baie de la Somme, à Oslo, dans les Vosges et en Franche-Comté, sur le Chasseral suisse et sur les bords du Lac de Neuchâtel. Le 21 août, deux jours après notre retour de cette escapade dans le Jura, Piet Tommissen s’éteignait à Uccle. Une magnifique et émouvante cérémonie a eu lieu à Grimbergen le 26 août, ponctuée par le “Gebed aan ’t Vaderland”.
    Avec la disparition de Piet Tommissen, ce sont des pans entiers de souvenirs, de la mémoire intellectuelle de la Flandre, qui disparaissent. Mais, avec lui, une chose est sûre: nous savons ce que nous devons faire jusqu’à notre dernier souffle de vie. Nous devons témoigner, lire, recenser, repérer des anecdotes en apparence futiles mais qui expliquent les transitions, notamment les transitions qui partent de la gauche officielle à des gauches non conformistes comme celles que parcoururent Pierre Hubermont ou Walter Dauge en Wallonie, celles qu’empruntèrent Eemans ou Moens qui, tous deux, mêlent étroitement avant-gardes, militantisme flamand et engouements philosophiques traditionnels. Nous devons aussi rester des schmittiens, attentifs à tous les aspects de l’oeuvre du “catholique prussien du Sauerland”. Car il s’agit de demeurer, envers et contre toutes les déchéances, tous les impolitismes et tous les festivismes, des “Gardiens des sources”.
    En attendant, nous devons encore dire “Merci! Mille mercis!” à Piet Tommissen, pour sa gentillesse et pour son érudition.
    Rédigé, grande tristesse au coeur, à Forest-Flotzenberg, le 4 septembre 2011.