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culture et histoire - Page 686

  • ANNÉES 30, LA MARCHE À LA GUERRE

    Datée de 1946, l’édition originale des souvenirs d’André François-Poncet, ambassadeur de France à Berlin de 1931 à 1938, se trouve sans difficulté chez les bouquinistes. Son papier de mauvaise qualité, aujourd’hui jauni, typique des livres imprimés après-guerre, tout comme l’absence de notes, risquent toutefois de décourager le lecteur. Pour qui s’intéresse à cette période, il s’agit pourtant d’un document capital. C’est pourquoi il faut féliciter les éditions Perrin d’avoir réédité ce classique de la littérature diplomatique, avec une préface et un appareil critique confiés à Jean-Paul Bled, spécialiste incontesté de l’histoire allemande et austro-hongroise.
    André François-Poncet, successivement professeur agrégé d’allemand, journaliste, chef des services de renseignement économique en Allemagne au temps de l’occupation de la Ruhr par les troupes françaises et belges, député de centre-droit et sous-secrétaire d’Etat à l’Economie, est un ambassadeur atypique lorsqu’il est nommé à Berlin, en 1931, parce qu’il n’est pas issu du Quai d’Orsay. C’est en raison de sa connaissance de l’Allemagne et de ses compétences en économie qu’on lui attribue ce poste hautement stratégique, le gouvernement français suivant avec attention la situation de la république de Weimar. Le diplomate va avoir en réalité à en dresser l’acte de décès. Après l’accession de Hitler au pouvoir, il observe les règlements de comptes de la Nuit des longs couteaux, la mainmise du parti hitlérien sur la société allemande, le réarmement du Reich, ses avancées sur la scène européenne, jusqu’aux crises de 1938 – Anschluss, crise des Sudètes et conférence de Munich -, prélude à la guerre. Fin 1938, François-Poncet est nommé à Rome, où il tentera en vain, jusqu’en 1940, d’éloigner Mussolini du Führer. Les souvenirs de son ambassade à Berlin seront rédigés après 1945, sans recours à ses papiers, brûlés avec une partie des archives du Quai avant l’entrée des Allemands dans Paris. Ils valent surtout par les portraits des dirigeants allemands que l’auteur a rencontrés, à commencer par Hitler, par l’analyse lucide de l’idéologie nazie, et par l’évocation de l’enchaînement d’aveuglements et de lâchetés qui ont amené la catastrophe.

    Jean Sévillia

    Souvenirs d’une ambassade à Berlin, 1931-1938, d’André François-Poncet, Perrin, 510 p., 24 €.

    Sources :  (Edition du  vendredi 11 mars 2016)

    https://www.jeansevillia.com/2016/04/05/annees-30-marche-a-guerre/

  • A Toulon, on a exalté le riche héritage de la Vendée provençale...

    Le samedi 28 septembre, la section de Toulon organisait sa réunion de rentrée.

    Pour l'occasion, elle m'a demandé d'évoquer le royalisme en Provence : voici l'audio de cette intervention sur la Provence royaliste, l'autre Vendée...

    Il s'agissait de regarder derrière nous, pour voir qui nous étions et d'où nous venions, afin de reprendre des forces pour continuer de l'avant, menant le seul combat qui vaille : une action "étant réellement d'opposition, c'est-à-dire prêchant ouvertement la subversion du régime..." (Léon Daudet)

    J'ai donc évoqué "la Vendée provençale", depuis ses origines, c'est-à-dire depuis le premier jour de la révolution; raconté (trop) rapidement comment les Conventionnels eux-même nous ont appelé, nous Provençaux, "une autre Vendée"; évoqué le baron de Vitrolles, l'un de ceux qui - Jacques Bainville l'atteste - a permis la Restauration, et aussi Alban de Villeneuve Bargemon, précurseur du magnifique mouvement des royalistes sociaux au XIXème siècle : "Je voudrais avoir autant de Bargemon qu'il y a de départements : j'en ferais 86 préfets !" disait Louis XVIII...

    Puis rappelé la "touche provençale" et son apport immense au royalisme français : Mistral, Daudet, Maurras, bien sûr, mais aussi les grands Rassemblements royalistes, ceux de l'avant guerre - Barbentane, Roquemartine... - puis ceux de Montmajour et des Baux; les présidences du Commandant Dromard, de Pierre Chauvet et de Jean Arnaud, trois personnes dont je voulais symboliquement que les noms fussent prononcés, même et surtout devant des jeunes qui ne les avaient pas connus...

    Rappelé aussi comment, après une sorte de premier essai avec Je suis Français (dont j'assurais une ou deux pages d'échos et, avec Pierre Builly, une grande série d'entretien avec une bonne trentaine de personnalités) j'avais fondé, en 2007, lafautearousseau, le premier quotidien - certes bien plus modeste qu'elle... - dont l'Action française disposa depuis la scandaleuse et ignoble Epuration de 45, qui ne fut qu'une vulgaire re-Terreur...

    De nombreuses et intelligentes questions du public, lui aussi nombreux, et jeune, m'ont permis de terminer cet exposé par un dialogue fructueux et enrichissant...

    Merci à mes amis Toulonnais de m'avoir permis, une fois de plus, d'exercer mon (beau) métier de professeur; et de m'avoir donné l'occasion, une fois de plus, de me retrouver, militant, au milieu de mes amis et frères militants... 

    François Davin

    http://lafautearousseau.hautetfort.com/

  • LA REVUE "LIVR'ARBITRES" SERA PRÉSENTE LORS DU RENDEZ-VOUS "BLEU BLANC ROUGE" DE SYNTHÈSE NATIONALE LES 12 ET 13 OCTOBRE À RUNGIS (94)

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  • Faire fructifier le capital historique

    6a00d8341c715453ef0240a4dca347200b-320wi.jpgAu moins pour le principe, on se doit d'applaudir aux succès de la 36e édition des journées européennes du patrimoine des 21 et 22 septembre. Cette intelligente invention française, remontant à 1984 et au passage remarqué de Jack Lang au ministère de la Culture, fonctionne 2 jours par an sur 365. Elle pourrait en elle-même susciter, toutefois, en tant que concept, diverses réserves.

    Pas de patrimoine durable en effet sans conception claire des droits de propriété et de leur fonction sociale. Dans un pays où le désir d'enfant, posé comme un besoin de marchandise, est supposé tout permettre, soulignons le fait qu'une église, un vieux cloître ou un château n'a été construit qu'en vertu d'un certain fonctionnement.

    On doit tout de même agréer, en règle générale, les rares exercices d'admiration pour les legs de nos aïeux, dès lors qu'ils ne s'accompagnent, par définition, ni d'un dénigrement du passé, ni, pire encore d'une entreprise de souillure.

    Dans un monde où l'on confond laideur et beauté, où l'on encourage les tags présentés comme art de la rue, où l'on assimile la destruction à la créativité, cette démarche devrait être plus intelligemment encouragée.

    Visiter la Farnesina à Rome, régulièrement pleine, c'est quand même mieux que d'arpenter un local vide du parti socialiste.

    Car, point essentiel, tout ne se vaut pas. La fête de la Musique, invention de la même Mitterandie, assimile allègrement, dans la nuit du solstice de juin, les concertos brandebourgeois et le rap, dans le même sac transformé ipso facto en sac-poubelle. Une visite à la FIAC, même espacée tous les 20 ans, pourrait, elle aussi, suffire à nous édifier quant à la déliquescence culturelle de l'art contemporain. L'anti-art de Marcel Duchamp n'est jamais bien loin.

    À l'inverse, avant de quitter Athènes, j'ai eu le bonheur de pouvoir découvrir le musée de l'Acropole inauguré il y a 10 ans en 2009. Les années passent vite, pour la vie humaine, et en l'occurrence, dans l'existence d'un peuple, les siècles s'écoulent, les uns sombres et les autres lumineux : c'est un aspect fascinant de l'Histoire grecque que d'en mesurer les cycles, de destruction par les envahisseurs, puis de reconstruction.

    Voici un musée d'un nouveau type, un lieu intelligemment dédié à la culture. On doit la construction du bâtiment à la direction de l'architecte franco-suisse Bernard Tschumi, assisté de son confrère grec Photiadis. Cette institution possède une âme. Le visiteur a la faculté d'y admirer un nombre assez impressionnant de chefs-d’œuvre, sculptures de marbre, métopes, monnaies, couronnes, vases ou amphores, voire même à l'entrée de la visite deux sublimes terres cuites retrouvées intactes, mais aussi de prendre connaissance d'explications bien faites les situant dans leur perspective historique.

    Et l'on peut y comprendre comment la colline sacrée d'une ville a pu traverser les millénaires survivant à la destruction perse, à la conquête romaine, à la transformation chrétienne, à la stérilisation ottomane, rebondissant toujours.

    Certes on pourra s'étonner que l'administration locale fasse dépendre cette institution d'un ministère gérant à la fois la "Culture" et les Sports. Quand on se représente le rôle d'abrutissement, et, disons-le, d'Inculture, associé au sport spectacle, au "sport" devant un écran de télévision, on peut s'inquiéter.

    Mais après tout le sanctuaire de Delphes ne contredit pas celui d'Olympie. Et n'est-ce pas aux Jeux olympiques d'Athènes de 1896 qu'un certain Maurras prit conscience de ce qui allait être la doctrine de sa vie, non pas le chauvinisme de masse, mais ce qui se voulait au contraire une défense de la civilisation classique.

    Nous le savons bien : la plus belle des créatures risquera toujours d'être prostituée. À nous de propulser les vraies valeurs vers le futur.

    Mais alors, nous autres Européens, sommes-nous destinés à n'être jamais plus, penseront avec dédain les orgueilleux inutiles, "que" des gardiens de musée ?

    À la vérité, ce serait déjà bien que nous soyons "au moins" les protecteurs de nos chefs-d’œuvre, en attendant de redevenir les acteurs de notre histoire. Ne perdons pas de vue que dans le développement inéluctable, finalement salubre si elle est gérée de manière pertinente, de l'industrie touristique le supplément culturel devient un atout pour le peuple sachant faire fructifier le capital historique. Une infinité de métiers et d'entreprises, d'intérêts économiques et d'opportunités humaines se trouvent attachés à ce secteur de services.

    C'est un très beau titre professionnel que celui de "conservateur", un très beau parcours universitaire que celui de l'archiviste paléographe.

    L'École des Chartes c'est autrement plus utile à la France que son école d'administration.

    JG Malliarakis  
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    Une réunion des Amis de l'Insolent

    Jeudi 17 octobre  JG Malliarakis donnera une conférence suivie d'un débat sur le thème "Les Sociétés de pensée et la Révolution" de 18 h à 20 h Brasserie du Pont Neuf 14 quai du Louvre Paris 1er

    Une publicité de bon goût pour les livres du Trident

    6a00d8341c715453ef0240a4b54a99200d-120wi.jpgFrançois-René de Chateaubriand : "Le Moment Conservateur ".

    Au gré de ces textes, choisis et présentés par JG Malliarakis, on découvre en Chateaubriand, au-delà de son génie littéraire inégalé, un penseur politique méconnu. Dans un contexte de reconstruction du pays, 15 ans avant que les Anglais s'emparent du mot conservateur, 20 ans avant La Démocratie en Amérique de Tocqueville, il définissait les bases d'un régime représentatif durable dans le cadre de la monarchie parlementaire.
    ••• Un livre de 104 pages au prix de 15 euros.
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  • L’ÉPOPÉE DES CROISADES

    Naguère célébrées comme un grand moment de l’histoire de France, aujourd’hui dénigrées au nom du multiculturalisme, les croisades ne sont plus au goût du jour. Refusant la légende dorée comme la légende noire, les historiens nous aident à comprendre cette grande aventure collective.

    « Le bilan des croisades est mince », affirme, dans un article critique, un récent Dictionnaire de l’histoire de France (Larousse, 2006). A l’inverse, l’Histoire de France publiée avant 1914 sous la direction d’Ernest Lavisse consacrait vingt-cinq pages aux croisades. En dépit de ses réserves sur l’action du pape et des seigneurs, « l’instituteur national » de la IIIe République, selon l’expression de Pierre Nora, ne craignait pas d’intégrer cet épisode aux gloires nationales : « La première croisade, c’est la France en marche ; il faut la suivre jusqu’en Orient ».

    Quel contraste avec aujourd’hui ! Sur fond de multiculturalisme et de mauvaise conscience européenne, les croisades sont souvent dépeintes comme une agression perpétrée par des Occidentaux violents et cupides à l’encontre d’un islam tolérant et raffiné… La vision d’autrefois, simplificatrice à l’excès, entretenait un mythe qui ne rendait pas compte de la réalité. Mais la repentance actuelle, érigée en système, ne constitue pas un meilleur guide historique. Les croisades forment un mouvement qui s’est étalé sur plusieurs siècles et qui a recouvert des épisodes contradictoires. Pour être comprises dans toute leur complexité, elles doivent par conséquent être abordées sans idées préconçues.

    Le 27 novembre 1095, au concile de Clermont, le pape Urbain II lance un appel à la chrétienté. En Terre sainte, explique-t-il, de nombreux chrétiens « ont été réduits en esclavage », tandis que les Turcs détruisent leurs églises. Evêques et abbés réunis autour du souverain pontife doivent alors exhorter « chevaliers ou piétons, riches ou pauvres, à se rendre au secours des chrétiens et à repousser ce peuple néfaste [les Turcs]. » A Limoges, Angers, Tours, Poitiers, Saintes, Bordeaux, Toulouse et Carcassonne, Urbain II, qui est issu de la noblesse champenoise, renouvelle son appel à l’intention des « Francs », leur promettant, en récompense de leur engagement, « la rémission de leurs péchés ». Que s’était-il passé ?

    Au VIIe siècle, les cavaliers musulmans s’emparent de Jérusalem et de territoires qui étaient le berceau du christianisme. Au gré des circonstances et des souverains en place, les chrétiens de la région, réduits au statut de dhimmis, voient leur condition évoluer dans un sens tantôt défavorable, tantôt favorable. Au IXe siècle, les califes abbassides, plutôt tolérants, concèdent à Charlemagne la tutelle morale sur les Lieux saints. Le pèlerinage en Terre sainte, pratique prisée des chrétiens d’Europe, en est facilité. En 1078, cependant, les Turcs seldjoukides, récemment convertis à l’islam et vainqueurs des armées byzantines à Manzikert (1071), chassent de Jérusalem les Fatimides qui s’y étaient installés un siècle plus tôt. Devenus dangereux, les pèlerinages à Jérusalem s’interrompent. En 1073, l’avancée des Turcs jusqu’au Bosphore avait déjà incité l’empereur byzantin Michel VII à appeler au secours le pape Grégoire VII. En 1095, par Alexis Ier Comnène renouvelle cette demande auprès d’Urbain II.

    C’est dans ce contexte qu’il faut interpréter l’appel lancé à Clermont par le pape. Ce dernier espère une réconciliation avec l’Eglise d’Orient, en rupture avec Rome depuis l’excommunication du patriarche de Constantinople en 1054.

    Le terme de croisade que nous employons pour désigner l’épopée qui va suivre est anachronique : le mot apparait épisodiquement vers 1700 et s’imposera dans les manuels scolaires des dernières années du XIXe siècle. Ceux que nous appelons les croisés qualifient en réalité leur expédition de pèlerinage, de passage, de voyage outre-mer. L’historien Jacques Heers montre en outre que le pèlerinage n’est pas « guerre sainte » prêchée à toute la chrétienté, car la papauté est alors une puissance incertaine, en conflit avec l’empereur d’Occident et le roi de France.

    Le pape a fixé le départ au 15 août 1096. Avant cette date, des bandes partent du nord de la France et de l’Allemagne en suivant des prédicateurs improvisés tel Pierre l’Ermite. Le 1er août 1096, ils sont à Constantinople. Maintenue hors la ville, la colonne franchit le Bosphore. Dès le 10 août, cette troupe mal armée se fait massacrer par les Turcs. Les survivants ne reprendront leur marche qu’à la suite de la croisade des barons.

    En Europe, quatre armées se sont formées. Flamands, Lorrains et Allemands ont suivi Godefroy de Bouillon. Les Provençaux, terme qualifiant les seigneurs de tous les pays d’oc, sont entraînés par Raymond de Saint-Gilles, comte de Toulouse. Normands et seigneurs du nord de la Loire sont regroupés derrière Robert Courteheuse, duc de Normandie, et son beau-frère, Etienne de Blois. Quant aux Normands de Sicile, ils sont guidés par Bohémond de Tarente et son neveu Tancrède. En tout 30 000 hommes, réunis à Constantinople en mai 1097. Ils ne parlent pas la même langue mais, les Francs étant nombreux parmi eux, les croisés seront désignés ainsi. Après avoir pris Nicée et Antioche, ils progressent lentement en raison de la résistance de leurs adversaires et des rivalités entre les chefs. En juin 1099, le siège est mis devant Jérusalem, que les Egyptiens ont arraché aux Turcs l’année précédente. Le 15 juillet, la cité tombe aux mains des chrétiens.

    En entrant dans la ville, les barons chrétiens pillent et tuent. La légende noire des croisades y voit la preuve de leur injustifiable violence. C’est oublier que les croisés se sont conduits comme tous les guerriers d’alors : les Turcs, le 10 août 1096, ont massacré 12 000 pèlerins de la croisade populaire, tout comme les Egyptiens, le 26 août 1098, ont anéanti les défenseurs de Jérusalem.

    S’agit-il d’un conflit entre chrétiens et musulmans ? Cela peut être interprété ainsi a posteriori, mais dans les textes de l’époque, les mots « musulman », « islam » ou « Mahomet » n’apparaissent nulle part. Les croisés ne savent rien de la religion de leurs adversaires qu’ils qualifient de « païens », d’« infidèles » ou de « mécréants ». « L’idée de l’islam, c’est-à-dire d’un ensemble à la fois politique et religieux, observe Jean Richard, grand spécialiste des croisades, était étrangère à la pensée occidentale d’alors ».

    Après la prise de Jérusalem, un royaume latin est institué. Godefroy de Bouillon en prend la tête avec le titre d’« avoué du Saint-Sépulcre » ; quand il meurt, quelques mois plus tard, son frère Baudouin le remplace. D’autres Etats chrétiens sont créés : la principauté d’Antioche, le comté d’Edesse, le comté de Tripoli. Or leur fondation ne figurait pas dans les plans primitifs du pape. Dès la prise de Jérusalem, les croisés sont retournés massivement en Europe. Ceux qui sont restés sont isolés, car jamais les établissements francs ne seront des colonies de peuplement. Aussi le but de toutes les croisades postérieures à celle de 1096 – on en distingue traditionnellement sept autres, de 1147 à 1270, mais ce n’est qu’un classement rétrospectif et incomplet – ne sera-t-il jamais que de secourir les Etats latins implantés en Orient. Dorénavant, des enjeux temporels sont en cause. Après l’élan mystique, une autre logique s’enclenche : elle est politique, elle est militaire.

    Les Etats latins d’outre-mer n’ont pas survécu après 1291, date de la chute aux mains des Egyptiens de Saint-Jean d’Acre, la dernière citadelle chrétienne du Levant. Les croisades ont englouti de nombreuses vies humaines et de grandes richesses. Sauf pour les villes marchandes d’Italie (Venise et Gênes), leur apport économique a été faible. Du point de vue de l’histoire longue, les croisades s’inscrivent dans le prolongement d’un conflit entre l’Europe et l’Asie, conflit apparu entre Grecs et Perses à l’époque de l’hellénisme classique, repris entre l’Empire romain et les Parthes, poursuivi entre Byzance et les musulmans. Si elles ont profondément divisé le monde chrétien après la première croisade et surtout la prise de Constantinople en 1204, elles ont offert à l’Empire romain d’Orient, comme le soulignait le grand historien René Grousset, un répit de trois siècles et demi face à la menace turque, et apporté un certain allègement du péril barbaresque dans la Méditerranée occidentale. Les croisades, quoi qu’on en pense, illustrent le dynamisme européen à l’époque médiévale. Une autre conséquence de leur échec final aura été de reporter vers l’ouest et le sud l’effort des Occidentaux, bloqués au Moyen Orient par la résistance des pays musulmans : la Reconquista espagnole annoncera l’expansion européenne vers l’Amérique, les Indes et même le Japon.

    A côté de ces considérations géopolitiques, il reste l’exigence religieuse des croisades, que Jean Richard définit comme « des entreprises d’une étonnante ampleur, sources de sacrifices, d’épreuves, mais aussi d’un enrichissement spirituel difficilement mesurable, et qui demeurent l’un des épisodes majeurs de l’histoire européenne ». De cette magnifique aventure, en dépit de ses ombres, il n’y a donc pas à rougir.

    Jean Sévillia

    Pour en savoir plus sur les croisades :

    René Grousset, Histoire des croisades, 3 vol. sous coffret, Tempus, 2006 ; et L’épopée des croisades, Tempus, 2002.

    Jacques Heers, La première croisade. Libérer Jérusalem, 1095-1107, Tempus, 2002 ; et Histoire des croisades, Perrin, 2014.

    Xavier Hélary, La dernière croisade, Perrin, 2016.

    Jean Richard, Histoire des croisades, Pluriel, 2010 ; et L’esprit de croisade, Biblis, 2012.

    Sources :  (Edition du  vendredi 12 août 2016)

    https://www.jeansevillia.com/2016/09/05/lepopee-des-croisades/

  • Le fonctionnement des communautés villageoises sous l’Ancien Régime expliqué par Marion Sigaut

    L’historienne Marion Sigaut répond à quelques questions de l’équipe des Gilets Jaunes Constituants au sujet du fonctionnement des communautés villageoises avant la République. De quoi donner quelques idées à l’approche des élections municipales de mars 2020.

    https://www.medias-presse.info/le-fonctionnement-des-communautes-villageoises-sous-lancien-regime-explique-par-marion-sigaut/112942/

     

  • AU TEMPS DES CHEVALIERS

    Dans les spectacles historiques, les films ou dans les romans, ils font rêver toutes les générations. Mais qui étaient vraiment les chevaliers ? Depuis une vingtaine d’années, les historiens ont beaucoup travaillé sur la question. Révisant nombre d’idées reçues.

    Par Jean Sévillia

    Cet été, comme tous les ans, « la Légende des chevaliers », spectacle joué dans le cadre des Médiévales de Provins, fait le plein de spectateurs, tout comme « les Chevaliers de la Table ronde » et « Le Secret de la lance » au Puy du Fou ou « le Tournoi de chevalerie » de Sedan. Dans les familles, on reverra en DVD Excalibur de John Boorman (1981) ou Kingdom of Heaven de Ridley Scott (2005), ce qui n’empêchera pas l’aïeule de se remémorer Les Aventures de Robin des Bois (1938), film dans lequel Errol Flynn était si beau… Les plus jeunes préféreront Kaamelott, d’Alexandre Astier (2005), série dont l’esprit rappellera à leurs parents Monty Python, Sacré Graal, de Terry Gilliam, chef d’œuvre satirique de leur jeunesse (1975). Pour ceux pour qui ne jurent que par un bon livre, Lancelot du LacPerceval ou Ivanhoé sont des romans qui traversent les générations.

    Inusable chevalerie : cinq ou six siècles après sa disparition, elle fait toujours rêver. Elle occupe aussi les historiens. Depuis une vingtaine d’années, les travaux se multiplient à son sujet, révisant nombre d’idées reçues, à commencer par les plus répandues. Qui sait, par exemple, que les chevaliers du Moyen Age n’étaient pas toujours des nobles ? Pour comprendre cette institution qui a tant marqué l’imaginaire européen, il faut remonter aux origines.

    Avant l’an mil, les termes latins milites et militia, traduits ultérieurement par « chevaliers » et « chevalerie », désignent les soldats et le service armé qu’ils exercent. La cavalerie, alors, n’existe pas en tant que corps : les cavaliers sont en réalité des fantassins qui se déplacent à cheval et descendent de leur monture sur le champ de bataille. C’est au XIe siècle que l’art du combat à cheval, qui avait existé dans l’Antiquité, est redécouvert en Occident, en recourant à une race équine robuste, vraisemblablement venue d’Asie au VIIe siècle. Les premiers chevaliers sont donc des cavaliers d’élite qui se mettent au service des princes et des seigneurs féodaux qui les emploient.

    Ces hommes de guerre sont équipés d’armes défensives : un écu, un haubert (une cotte de mailles à manches et à coiffe, qui pèse jusqu’à 12 kilos), un heaume (un grand casque oblong enveloppant d’abord le sommet du crâne et le nez, puis toute la tête et le visage). Et d’armes offensives : l’épée, qui mesure moins d’un mètre, et la lance. Lourde et longue, cette dernière se tient à l’horizontale, calée sous le bras. Son usage inaugure une nouvelle technique : lors des charges collectives, désarçonner son vis-à-vis afin de disloquer les lignes adverses. La puissance du coup, souligne le médiéviste Jean Flori, dépend de la vitesse et de la cohésion du projectile que constitue l’ensemble formé par la lance, le cheval et le chevalier.

    L’introduction du cheval comme instrument de combat a entrainé l’invention des étriers, destinés à assurer la stabilité du cavalier, de même que les progrès de la selle. Avec le temps, le duo formé par le chevalier et sa monture seront conduits à renforcer leur protection. A partir des XIIIe et XIVe siècles, une armure métallique articulée, d’un poids de 20 à 25 kilos, enveloppe le cavalier. Son destrier est lui-même caparaçonné, la tête recouverte. Le cinéma ou la bande dessinée aiment l’image spectaculaire du chevalier harnaché, revêtu d’une tunique colorée ornée de son blason, mais cette représentation est le plus souvent anachronique car elle correspond en réalité à l’époque où la chevalerie a entamé son déclin.

    Au XIIe siècle, l’affrontement à cheval se généralise et devient l’apanage de guerriers qui ont choisi cette forme de combat. Mais au début, le groupe social qui s’appelle la chevalerie est encore issu de tous les milieux : certains chevaliers sont fils de paysans. Accompagnant le seigneur dans ses déplacements ou gardant ses forteresses au sein desquelles ils habitent et sont nourris, les chevaliers deviennent les vassaux de leur maître, obtiennent des terres, parfois un château. Les cadets, fréquemment, mènent une vie errante, courant les tournois, vendant leurs services.

    Tout puissant seigneur possède une école de chevalerie qui a pour fonction de conforter sa clientèle. C’est dans ce cercle que le postulant à la chevalerie, au cours d’un apprentissage de trois à neuf ans, s’initie à l’équitation et au maniement des armes, au milieu de garçons de son âge comme de combattants expérimentés. Ce compagnonnage prépare le jeune homme à sa vie future. Le chevalier, contrairement à une idée fausse, ne se bat pas en solitaire : sa vocation, même dans les tournois, est de combattre en groupe contre d’autre groupes. Lors de sa période de formation, le postulant apprend également la civilité, la courtoisie – au sens littéral, l’art de vivre dans une cour -, s’appropriant l’ensemble des principes qui se sont peu à peu affirmés pour fonder l’éthique chevaleresque : le service de Dieu, la protection des plus faibles.

    Lorsqu’il est prêt, le jeune homme est adoubé chevalier au cours d’une cérémonie où il reçoit ses attributs symboliques – l’épée, le baudrier, les éperons – et où, afin d’éprouver sa résistance, un coup lui est asséné sur la nuque (la colée). Au XIIIe siècle se prend l’habitude de faire précéder l’adoubement d’une veillée de prière, comme de faire bénir le nouveau chevalier, un prêtre faisant un sermon.

    L’historien Jacques Le Goff a montré que l’Eglise médiévale a longtemps manifesté son opposition à la guerre, tentant de contenir celle-ci par la Paix de Dieu – édictée au concile de Charroux en 989 – qui interdisait aux troupes féodales de porter atteinte aux clercs et aux pauvres, puis par la Trêve de Dieu, apparue vers 1040, qui prononçait l’interdiction de combattre pendant les périodes de pénitence, ainsi le carême, et du jeudi au dimanche, afin de respecter le jour du Seigneur.

    À ses débuts, la chevalerie n’inspire donc que méfiance à l’Eglise. Saint Bernard, au prix d’un jeu de mots, vilipendera la militia (la chevalerie) qui n’était rien d’autre que malitia, « péché », « crime ». Il restera des traces de cette méfiance dans l’appel que le pape Urbain II lancera à Clermont, en 1095, invitant les hommes de guerre à secourir leurs frères chrétiens d’Orient et à délivrer les Lieux saints : la croisade (terme qui date du XVe siècle, plus de deux siècles après la fin des croisades) est conçue en premier lieu comme un voyage pénitentiel, les chevaliers étant invités à renoncer à leurs pratiques violentes en Europe et à accomplir leur devoir guerrier en Terre sainte.

    Voués à la défense des Etats latins d’Orient, les premiers ordres de chevalerie naissent dans la foulée des croisades : l’ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem (ancêtre de l’actuel ordre de Malte), l’ordre du Saint-Sépulcre, l’ordre du Temple, l’ordre Teutonique. Ce sont des ordres monastiques. Dans la seconde moitié du XIIe siècle, l’Eglise achève en effet de se rallier à l’idéal chevaleresque. Pour l’Eglise, le chevalier est miles Christi, le soldat (ou le chevalier) du Christ, dont l’épée est au service de la cité terrestre, antichambre de la cité céleste. Parallèlement, l’idéal chevaleresque est adopté par la noblesse aux yeux de qui le chevalier est un maillon de la société féodale : vassal, il doit respecter ses obligations vis-à-vis de son maître (son suzerain) ; seigneur, il est tenu à la justice et à la charité envers ses vassaux.

    Hardiesse, courage, loyauté, largesse (le chevalier méprise l’argent mais est encouragé à l’utiliser avec générosité), courtoisie (notamment avec la dame de ses pensées), finesse d’esprit (le chevalier idéal est un lettré, qui maîtrise le latin, qui lit), telles sont les objectifs visés par ces hommes de guerre. Un comportement exalté par la littérature lyrique et romanesque de l’époque qui trouve son apothéose dans les œuvres de Chrétien de Troyes (LancelotPerceval), poète qui christianise la légende arthurienne en faisant du Graal le calice qui a recueilli le sang de Jésus sur la croix.

    Paradoxalement, c’est au moment où triomphe l’idéal chevaleresque que le nombre de chevaliers diminue. La multiplication des forteresses et des opérations de siège valorise d’autres types de combattants (fantassins, archers, servants de machines de guerre). Le coût croissant de l’équipement des chevaliers ainsi que des cérémonies d’adoubement, de plus en plus fastueuses, éloigne les impécunieux de cet état. Au XIIIe siècle, a fortiori au XIVe siècle, au moins dans les royaumes de France et d’Angleterre, la chevalerie est non en droit mais en fait réservée à la noblesse. Tous les nobles ne sont pas chevaliers, certes, mais tous les chevaliers sont nobles, ce qui introduit dans la chevalerie le facteur héréditaire, et renforce la cohésion sociale de la noblesse.

    Cette évolution exerce une conséquence sur les tournois, qui étaient à l’origine un spectacle collectif confrontant deux camps. Peu à peu, ce modèle cède la place à des joutes individuelles. Condamnés par les papes et les conciles, interdits par Saint Louis en 1260, les tournois reviennent à la mode aux XIVe et XVe siècles parce qu’ils constituent une fête pour les nobles qui y participent et pour le peuple qui y assiste.

    Le prestige de la chevalerie étant à son sommet, les rois et les princes créent à leur tour des ordres de chevalerie, destinés à récompenser les meilleurs serviteurs du trône et à rassembler la noblesse autour du souverain : l’ordre de la Jarretière fondé par en Angleterre par Edouard III en 1348, l’ordre de l’Etoile créé par le roi de France Jean II le Bon en 1351, l’ordre de la Toison d’or institué par le duc de Bourgogne Philippe le Bon en 1429, l’ordre de Saint-Michel fondé par Louis XI en 1469.

    Le déclin militaire de l’institution se poursuit pourtant. Quand les fantassins et les archers l’emportent sur les cavaliers, comme à Crécy (1346) ou Azincourt (1415), les jours de la chevalerie sont comptés. A la fin de la guerre de Cent ans, le sentiment national est en germe, et l’Etat royal pose les bases d’une organisation militaire qui n’est plus celle du monde féodal. Au XVIe siècle, la chevalerie est morte. Au tout début du XVIIe siècle, Cervantès lui dresse un superbe tombeau avec son Don Quichotte. Demeurera un mythe éternel, et le titre de chevalier, utilisé jusqu’à nos jours pour désigner de nobles engagements ou récompenser de vrais mérites, mais aussi, malheureusement, pour qualifier des chevaliers de fantaisie qui n’ont rien de héros. Dans notre société matérialiste, l’authentique esprit chevaleresque se fait rare.

    Jean Sévillia

    Sources

    Martin Aurell, Le Chevalier lettré. Savoir et conduite de l’aristocratie aux XIIe et XIIIe siècles, Fayard, 2011.

    Dominique Barthélemy, La Chevalerie, Tempus, 2012.

    Jean Flori, Chevalerie et chevaliers au Moyen Age, Hachette, 1998.

    Jacques Le Goff et Jean-Claude Schmitt, Dictionnaire raisonné de l’Occident médiéval, Fayard, 1999.

    Sylvain Gouguenheim, Le Moyen Age en questions, Texto, 2012.

    Sources :  (Edition du  vendredi 11 août 2017)

    https://www.jeansevillia.com/2017/08/22/au-temps-des-chevaliers/

  • DANS "PRÉSENT" D'AUJOURD'HUI : UN GRAND ENTRETIEN AVEC ROLAND HÉLIE AU SUJET DU RENDEZ-VOUS BLEU BLANC ROUGE DE SYNTHÈSE NATIONALE DES 12 ET 13 OCTOBRE

    3827888103.jpgRoland Hélie, directeur de Synthèse nationale, présente le rendez-vous Bleu Blanc Rouge (13e Journées nationalistes et identitaires) des 12 et 13 octobre prochains à Rungis (propos recueillis par Fabrice Dutilleul).

    Entretien publié dans les colonnes du quotidien Présent.

    Samedi 12 et dimanche 13 octobre prochains, votre revue Synthèse nationale organise à Rungis ses 13e Journées annuelles. Comment cela va-t-il se passer ?

    Pour la 13e année consécutive, Synthèse nationale organise ses journées nationalistes et identitaires. Mais cette année, il y a du nouveau. Tout d’abord, vu le succès grandissant des précédentes éditions, nous avons décidé de les tenir sur deux jours, le samedi et le dimanche. De plus, en accord avec le président Jean-Marie Le Pen, détenteur du titre et qui sera d’ailleurs présent dimanche 13 octobre, nous les avons intitulées « Le grand rendez-vous Bleu Blanc Rouge », ce qui, n’en doutons pas, évoquera bien des souvenirs aux patriotes et donnera un nouvel élan à ce rassemblement annuel des Français attachés à la défense de la France française et de la civilisation européenne…

    Dans le contexte actuel, il y a beaucoup à faire, ne croyez-vous pas, pour maintenir face au mondialisme triomphant, la volonté nationale et européenne ?

    Tout d’abord, il convient de bien faire la part des choses. Si la « mondialisation », à l’heure des voyages et transports rapides et de l’internet, est un fait, le « mondialisme » destructeur des nations et des identités, lui, est un dogme. Et c’est ce type de dogme que nous combattons.

    Il se trouve que nous sommes français et européens et que nous entendons le rester. Je dis cela sans aucun mépris pour quiconque, mais je pense que notre pays ne doit pas disparaître dans le magma nationicide et ethnocide que veulent nous imposer les promoteurs du monde globalisé dans lequel seuls les profits et la finance seraient les gagnants. Cela aux dépens des peuples qui en paieront très cher les conséquences bien sûr…

    Comment cela se caractérise-t-il ?

    Par le formatage systématique, à l’école comme dans les médias, des cerveaux. Par le grand brassage des populations avec toutes les conséquences néfastes que l’on observe de plus en plus. Par la destruction volontaire des repères, familiaux, sociétaux, historiques, géographiques… En fait, les mondialistes n’ont qu’une ambition, celle de réduire les humains à l’état de consommateurs dociles et bien gavés juste bons à enrichir les multinationales apatrides…

    Que proposez-vous face à cela ?

    Pour nous, il ne peut pas y avoir d’avenir radieux pour notre peuple sans une rupture totale avec le dogme mondialiste. Il faut que la France et l’Europe retrouvent leur liberté et leur identité. Seule une mobilisation unitaire des forces nationales et nationalistes pourra mettre à bas les prétentions de la classe politico-affairiste. Notre devoir à tous est de redonner par tous les moyens à nos compatriotes une conscience nationale et identitaire. C’est dans cet esprit que, depuis la création de la revue Synthèse nationale, en 2016, nous nous battons.

    Revenons au « Rendez-vous Bleu Blanc Rouge » des 12 et 13 octobre…

    Nous essayons de faire en sorte que toute la famille nationale, tout du moins ses composantes qui le veulent bien, se retrouve afin de montrer que, pour nous, les mots « nations » et « civilisations » ont encore un sens. Nous ne demandons pas aux gens de forcément s’unir, nous leur proposons simplement de travailler pour la même cause. Chacun a ses particularités, mais tous ont un dénominateur commun (le plus petit peut-être, mais pas le moindre à nos yeux), celui de l’amour de la France et de l’Europe. Voilà pourquoi, durant ses deux jours, une trentaine d’intervenants, aux sensibilités différentes et parfois même opposées, se succéderont lors des forums ou du meeting final.

    Notre but est de prouver, grâce à ces journées, que le courant national non renié, au sens large du terme, a plus que jamais toute sa place dans le paysage politique et culturel français…

    Dernièrement s’est déroulée à Paris une « convention de la droite » qui a beaucoup fait parler d’elle. N’est-ce pas une sorte de concurrence pour vous ?

    Absolument pas. Il faut que cent fleurs s’épanouissent. Cette convention, comme toutes les initiatives similaires, montre que le curseur se déplace de plus en plus vers « la droite » (employons ce terme pour faire simple) et je m’en réjouis. Nous n’avons pas la prétention d’agir seuls. Si d’autres nous emboitent le pas, c’est tant mieux… Nous, c’est-à-dire l’ensemble des mouvements et associations présents à nos journées, nous sommes le pôle précurseur.

    La situation se détériore de jour en jour. Nous n’avons plus le temps ni les moyens de nous offrir le luxe d’entretenir des querelles stériles. Il est regrettable que certains ne l’aient pas compris et continuent à lancer des anathèmes stériles internes à notre famille de pensée. Bientôt, il sera trop tard si rien n’est fait… C’est aussi pour instaurer un nouvel état d’esprit que nous agissons… Mais, je le rappelle, Synthèse nationale n’est ni un parti ni un mouvement. C’est simplement une revue qui propose… Après, les organisations compétentes disposent.

    Concrètement, comment cela se déroulera-t-il ?

    Ouverture des portes samedi 12 octobre à partir de 14h00. Plus de 70 stands politiques, associatifs, culturels et mêmes commerciaux seront là pour vous accueillir. Trois forums dans l’après-midi : un sur la liberté d’expression animé par Hugues Bouchu, délégué francilien des Amis de SN, avec des victimes récentes de la répression d’État comme Yvan Benedetti, Jérôme Bourbon (Rivarol), Daniel Conversano, Caroline-Christa Bernard, les responsables du Bastion social dissout en mai dernier… Un deuxième sur l’Europe, animé par Gabriele Adinolfi de l’institut Polaris avec l’écrivain Thomas Ferrier et des amis venus de Grèce, d’Italie, d’Espagne, de Belgique et d’ailleurs… Un troisième sur la culture autour de Philippe Randa (EuroLibertés et collaborateur de Présent) avec Anne Brassié, Thierry Bouclier, Pierre Gillieth (Réfléchir et Agir)… De nombreuses autres personnalités participeront à ces forums.

    Le samedi soir, à partir de 19h30, se déroulera un grand banquet patriotique et festif (concert de Dr Merlin et des Feux follets, groupe de folk traditionnel européen, auquel nous vous invitons à participer nombreux (30 euros par personne).

    Le dimanche, ouverture à 11h00 avec un forum sur l’avenir de notre nation et de notre civilisation auquel participeront entre autres Jean-François Touzé, Serge Ayoub, Vincent Vauclin (la Dissidence française) et aussi l’économiste Bernard Monot. Après le déjeuner (restauration et bar sur place), le concert très attendu de nos chères Brigandes (14h30) puis, à partir de 16 h, le meeting final avec Pierre Vial (Terre et peuple), Richard Roudier (Ligue du Midi), Pierre Cassen (Riposte laïque), Alain Escada (Civitas), Thomas Joly (Parti de la France), Martin Peltier (journaliste et écrivain), Roger Holeindre sur lequel nous venons d’éditer un livre-entretien, des amis européens, et, comme je vous l’indiquais, Jean-Marie Le Pen qui nous parlera du deuxième tome de ses Mémoires qui vient de paraître. Je conclurai pour ma part ces journées vers 18h00.

    Ajoutez à tout cela de nombreuses animations ludiques et musicales, les dessinateurs Ignace et Pinatel, des auteurs indépendants et non-conformistes… Bref, vous ne regretterez certainement pas d’être venu. Le programme complet est disponible sur notre site cliquez là

    Un nouveau succès pour Synthèse nationale en perspective ?

    Qui y sera verra…

    Rendez-vous Bleu Blanc Rouge, 13e Journées de Synthèse nationale, samedi 12 (à partir de 14 h 00) et dimanche 13 octobre (à partir de 11 h 00), Espace Jean Monnet 43 rue des Solets à Rungis (94), entrée (pour deux jours) : 10,00 euros. Facile d’accès par RER ou par métro et tram. Parking assuré.

    http://synthesenationale.hautetfort.com/archive/2019/10/09/dans-present-d-aujourd-hui-un-grand-entretien-avec-roland-he-6181462.html

  • HISTOIRE DE FRANCE : ARRÊTONS LES MENSONGES

    Faut-il débaptiser les lycées Colbert ou réhabiliter les « fusillés pour l’exemple » de 14-18 ? Il n’est pas de mois où l’actualité ne ramène une controverse suscitée par la volonté de certains de réécrire l’histoire de France selon leurs critères politiques et idéologiques. Face à la manipulation du passé par le politiquement correct, défendre l’histoire véridique est un impératif vital.

    Par Jean Sévillia

    Que s’est-il passé, et quand ? Tous ceux qui connaissent l’histoire de l’histoire, ce qu’en langage savant on nomme l’historiographie, savent qu’il a toujours existé des courants différents chez les historiens, déterminant des interprétations divergentes du passé, spécialement du passé de la France. Histoire laïque contre histoire chrétienne, histoire républicaine contre histoire royaliste, histoire marxiste contre histoire nationale, ce sont des débats qui agitaient déjà la Sorbonne dans les années 1900. Ou ne l’agitaient pas quand certaines pages noires étaient ignorées de l’université, comme les tragiques guerres de Vendée de 1793-1794, longtemps occultées parce que cette révolte populaire contredit la légende dorée de la Révolution française. Cependant le phénomène s’est amplifié et même durci, au cours des récentes décennies, sous l’influence de plusieurs facteurs.

    En premier lieu, toute une évolution politique et culturelle, observée à gauche comme à droite, a conduit, sous l’effet de la construction européenne comme du mécanisme de la mondialisation, à considérer le cadre national comme obsolète, voire dangereux, et en conséquence à délégitimer l’histoire de France en tant que telle, à caricaturer en « roman national » le récit de la naissance de la France et de sa destinée millénaire, comme si l’existence d’une communauté nationale française relevait de la fiction, d’une opinion subjective.

    Corrélativement, même si la recherche historique a fait progresser les connaissances dans maints domaines, si bien qu’il n’est plus possible, par exemple, d’évoquer les Gaulois comme le faisaient les manuels de la IIIe République, cette dévalorisation du cadre national a modifié la manière de raconter l’histoire, notamment en milieu scolaire, puisque là où l’école d’autrefois parlait patriotisme et assimilation, celle d’aujourd’hui parle multiculturalisme, ouverture, droit à la différence. Contester cette pédagogie manifesterait, accusent d’aucuns, une coupable « passion identitaire » attentatoire au « vivre ensemble ». Parue en janvier de cette année, l’Histoire mondiale de la France, publiée sous la direction de Patrick Boucheron (Seuil), se flatte d’offrir ainsi une histoire « globale » et « connectée », remplie de bonne conscience progressiste, et qui en vient, comme l’a souligné Pierre Nora, au prétexte de rendre compte de la pluralité des racines de la France, à noyer la spécificité française.

    En second lieu, la succession des lois mémorielles, dans les années 1990 et 2000, a engendré non seulement des revendications particulières ou communautaires dans la lecture de l’histoire, mais aussi des réflexes de judiciarisation des différends, au point qu’en 2005, déjà, une pétition d’historiens de toutes tendances avait demandé l’abolition ou la modification de ces lois devenues, dans certaines mains, des armes incontrôlables. L’appel avait été lancé quelque temps après que les pouvoirs publics eurent renoncé à commémorer le deux-centième anniversaire de la bataille d’Austerlitz, par crainte des foudres de ceux qui ne voient dans Napoléon que l’homme qui avait rétabli l’esclavage à la Guadeloupe…

    En troisième lieu, la démultiplication des moyens de communication, dans notre société high tech, offre une immense caisse de résonance à cette manipulation de l’histoire par le politiquement correct. Car ce ne sont plus seulement les revues spécialisées ou la presse grand public, comme avant-hier, ou le cinéma, la radio et la télévision, comme hier, mais Internet et les réseaux sociaux, de Facebook à Tweeter, qui répercutent les débats historiques, pour le meilleur ou pour le pire, jusque sur les petits écrans que les gens lisent au café ou dans le métro. Or quelle est la valeur d’un avis lapidaire en 280 signes sur un sujet qui a demandé une vie de travail à d’authentiques érudits ?

    Oui, le monde a changé. Oui, notre société a changé. Mais ce n’est pas une raison pour travestir ou réécrire le passé à l’aune des critères politiques, sociaux, psychologiques et mentaux d’aujourd’hui. Que cela plaise ou non, la science historique et ses méthodes de rigueur demeurent irremplaçables. Quant aux historiens qui ne sont pas des idéologues, ils poursuivent leur mission : faire comprendre le passé afin d’expliquer le présent et en tirer quelques lueurs pour l’avenir.

    Les cathares n’étaient pas des saints

    Le dimanche 16 octobre 2016, l’évêque de Pamiers, dans l’Ariège, présidait une « démarche de pardon » dans le village de Montségur où, en 1244, deux cents cathares avaient péri sur le bûcher. En cause, l’intolérance de l’Eglise du Moyen Age qui avait persécuté « des chrétiens pas tout à fait comme les autres » Pas tout à fait comme les autres ? Surprenante litote. Les cathares opposaient dans un dualisme absolu le principe du bien, qui avait enfanté l’esprit, et le principe du mal, qui était à l’origine de la matière. Pour eux, ce n’était pas Dieu qui avait créé l’univers, mais Satan, et Jésus était un ange dont la vie terrestre n’avait été qu’une illusion. L’antinomie avec le christianisme était totale. La religion des cathares, d’autre part, distinguait les croyants, qui conservaient leurs habitudes extérieures, et les parfaits qui vivaient en communauté, observant toutes sortes de rites initiatiques et la plus stricte continence alimentaire et sexuelle.

    Plus qu’une hérésie, le catharisme constituait par conséquent une remise en cause intégrale de la foi chrétienne, de l’Eglise, de la famille, de la propriété et du serment d’homme à homme, fondements de l’organisation féodale. Largement de quoi provoquer la contre-offensive d’une société où l’orthodoxie chrétienne était considérée comme le garant de l’ordre social.

    Pour réduire ce qui s’apparentait à une secte, un vaste effort missionnaire fut mené par saint Bernard de Clairvaux puis par les dominicains, ordre fondé à cette occasion. En 1208, Pierre de Castelnau, chargé par le pape Innocent III de combattre l’hérésie par la prédication, est assassiné, crime dont le comte de Toulouse, qui est favorable aux cathares, est soupçonné d’être le commanditaire. Constatant l’impuissance des méthodes pacifiques, le pape prêche la croisade contre les hérétiques. Puisque le roi Philippe Auguste refuse de mêler la couronne à l’affaire, l’intervention militaire commence en 1209 sous la direction de Simon de Montfort. Contrairement à une idée reçue, l’armée de ce seigneur d’Ile-de-France compte nombre de chevaliers du Languedoc.

    La guerre durera vingt ans, cruelle dans les deux camps : les croisés massacrent les habitants de Béziers en 1209, le comte de Toulouse en fait autant à Pujols en 1213. En 1241, douze ans après la fin de la croisade des Albigeois, conflit politico-religieux qui n’a pas éliminé le catharisme, le nouveau comte de Toulouse, hostile à l’hérésie, met en vain le siège sous Montségur, ultime sanctuaire des cathares. En 1244, c’est l’armée royale qui s’empare des lieux et condamne à mort 225 parfaits (chiffre incertain) qui refusent d’abjurer. Le castrum cathare sera détruit : l’actuel château de Montségur est en réalité une forteresse royale bâtie ultérieurement.

    Michel Roquebert, le grand spécialiste des cathares (1), convient que l’Eglise médiévale n’aurait pu combattre ceux-ci avec d’autres moyens que ceux qu’elle a progressivement mis en œuvre, de la persuasion à l’emploi de la force par le bras séculier.

    1. Michel Roquebert, L’épopée cathare, Tempus, 2007-2008.

    Faut-il brûler Colbert ?

    Au mois de septembre dernier, Louis-Georges Tin, le président du Conseil représentatif des associations noires (CRAN), et le philosophe Louis Sala-Molins publiaient dans Le Monde une tribune dans laquelle, faisant suite au débat lancé aux Etats-Unis par le démontage des statues du général Lee, ils appelaient à débaptiser en France les collèges et lycées portant le nom de Colbert, au motif que le ministre de Louis XIV serait coupable de crime contre l’humanité pour avoir légalisé l’esclavage en édictant le fameux Code noir. En l’espèce, les deux hommes poursuivaient un combat militant qu’ils mènent depuis longtemps.

    Outre ce qu’il y a d’absurde à réduire l’œuvre immense de Jean-Baptiste Colbert à l’ordonnance de mars 1685 « sur les esclaves des îles de l’Amérique », texte que ses services ont préparé mais qui a été mis au point après sa mort, en 1683, par son fils et successeur au secrétariat d’Etat à la Marine, le marquis de Seignelay, considérer le Code noir, expression qui désigne cette ordonnance à partir de la fin du XVIIIe siècle, avec les yeux d’aujourd’hui est un pur anachronisme. Vu en 2017, ce « recueil des règlements rendus concernant le gouvernement, l’administration de la justice, la police, la discipline et le commerce des nègres dans les colonies » est profondément choquant, puisqu’il inscrit l’esclavage dans le droit français. Vu dans son époque, il prend une autre valeur. Le Code noir est conçu alors que l’esclavage est pratiqué outre-mer par toutes les nations maritimes européennes, et au sein même de la société en Afrique et dans le monde arabo-musulman. Dans ce contexte, l’intervention de l’Etat français présente un mérite relatif : des règles sont posées afin d’adoucir le sort des esclaves, esclaves dont la condition servile a précédé le Code noir.

    Jean-François Niort, un universitaire qui enseigne à la Guadeloupe, a publié en 2015, sur cette ordonnance royale, un livre (1) qui lui vaudra d’être accusé de négationnisme parce qu’il contredisait Louis Sala-Molins qui, dans un ouvrage paru il y a trente ans (2), affirmait que le Code noir se fondait sur la négation de l’humanité de l’esclave. Niort montre au contraire que plusieurs prescriptions de ce texte, notamment en matière religieuse, supposaient que le travailleur servile soit considéré comme un homme, et non comme une chose ou un animal (les propriétaires d’esclaves étaient ainsi tenus de les faire baptiser). Jean-François Niort souligne par ailleurs que l’intervention de l’Etat royal, posant des bornes au pouvoir arbitraire des propriétaires, créait les conditions d’une possible évolution de la législation en faveur des esclaves. Il reste que ces derniers étaient apparentés à des biens meubles, un statut indigne que l’évolution des esprits, en Occident, conduira enfin à condamner et à abolir au cours du premier tiers du XIXe siècle. Le Code noir n’avait certes rien d’idyllique, mais encore faut-il le replacer dans son époque.

    1. Jean-François Niort, Le Code noir, Le Cavalier Bleu, 2015
    2. Louis Sala-Molins, Le Code noir ou le calvaire de Canaan, PUF, 1987.

    Marie-Antoinette, reine martyre et star mondiale

    Le 22 novembre dernier, Daniel Picouly, écrivain à succès et animateur de télévision, parlait de ses livres devant un public de lycéens de Nice à qui il expliquait que son roman l’Enfant léopard, prix Renaudot 1999, mettait en scène un garçon de dix ans, son double à l’âge où il était tombé amoureux de… Marie-Antoinette. Peu auparavant, une dépêche informait que la pop star américaine Katy Perry vient de tourner un clip de présentation de son nouveau single, clip dans lequel elle est déguisée en Marie-Antoinette. Une autre dépêche, au même moment, signalait que la pièce The final Hour of Marie-Antoinette’s life (« Marie Antoinette : la dernière heure »), de et avec l’actrice-réalisatrice française Bunny Godillot, fait salle pleine au théâtre The Cockpit à Londres.

    Marie-Antoinette, vedette mondiale : quel retournement du destin pour une femme qui, il y a un peu plus de deux siècles, a été exécutée au milieu des cris de joie de la foule !

    Arrivée en France à quatorze ans et demi afin d’épouser le futur Louis XVI, devenue reine quatre ans plus tard, elle était rapidement devenue impopulaire, pour partie parce que, élevée à la cour de Vienne où le style était beaucoup plus simple et familial, elle avait eu du mal à intégrer les codes de Versailles et s’était laissé emporter par la tentation du luxe et de la frivolité. Accusée d’être dépensière, ce qui était vrai, et de favoriser les intérêts de son Autriche natale, ce à quoi elle ne parvenait pas mais non faute d’avoir essayé, Marie-Antoinette fut détestée à partir de l’Affaire du collier, escroquerie dans laquelle elle n’était pourtant pas coupable.

    Au cours des années précédant la Révolution, ayant compris qu’elle avait nui à la monarchie, elle tenta de s’intéresser à la politique, mais avec maladresse. Conduite de force à Paris avec le roi, en octobre 1789, assignée à résidence, elle correspondit afin de trouver de l’aide, en France ou hors du royaume, échafauda un plan d’évasion avec la complicité du Suédois Fersen à qui la liait une amitié amoureuse, plongea dans le désespoir lors de l’échec de la fuite à Varennes.

    C’est après la prise des Tuileries et l’internement de la famille royale que Marie-Antoinette entama sa mue. Tandis que Louis XVI, lucide sur l’avenir, affichait une sérénité qui était le fruit de son élévation spirituelle, la reine apprit enfin à estimer son mari avec qui elle s’était associée dans l’épreuve, refusant de l’abandonner, fût-ce pour se mettre hors de danger avec ses enfants. Au Temple, la foi chrétienne et la vie de famille étaient dorénavant leur seul recours.

    Pendant le procès de Louis XVI, puis son propre enfermement à la Conciergerie après la décapitation du roi et son procès, la reine, malade et prématurément vieillie, pressentait à son tour qu’elle n’échapperait pas au couperet d’une révolution devenue folle. Repoussant les accusations les plus ignobles (l’inceste avec son fils), condamnée à mort pour ce qu’elle était et non pour ce qu’elle avait fait, cette mère montera à l’échafaud, le 16 octobre 1793, en faisant preuve de la plus admirable dignité. Archiduchesse d’Autriche et reine de France, elle n’avait plus sa place dans un pays livré à la Terreur, et qui faisait la guerre aux rois.

    Deux siècles plus tard, cette sacrifiée est regardée comme innocente par les historiens, et comme une icône par le grand public. Ironie de l’Histoire.

    Ombres et lumières de l’Algérie française

    Même s’il s’est bien gardé de revenir sur le sujet lors de son voyage officiel en tant que Président, à Alger, début décembre, les propos d’Emmanuel Macron, en février 2017, qualifiant la colonisation française en Algérie de « crime contre l’humanité » ont déclenché une vive polémique, à la mesure de l’émotion ressentie par les Français originaires de « là-bas », cette communauté de blessés de l’Histoire. Oublier que le projet colonial a été une idée républicaine et laïque relève d’abord de l’amnésie. Mais dans le cas de l’Algérie, comment dépeindre sous les couleurs du crime contre l’humanité cent trente années d’administration d’un territoire français ?

    L’Algérie française, de 1830 à 1962, ne constitue pas un bloc. Schématiquement, son histoire se résume à trois phases. Première phase, jusqu’en 1847, voire jusqu’à la révolte de la Kabylie en 1871, la conquête. Une opération rude, conduite par des militaires qui avaient gagné leurs galons dans les armées révolutionnaires et napoléoniennes et dont ils appliquaient les méthodes. Cette guerre a fait de 250 000 à 300 000 victimes algériennes. Bugeaud ne faisait certes pas de cadeaux, mais les troupes d’Abd el-Kader ou les Kabyles qui ne faisaient pas de prisonniers menaient une guerre tout aussi féroce. A l’autre bout de la chaîne, la troisième phase, la guerre qui conduira à l’indépendance de l’Algérie, de 1954 à 1962, sera non moins cruelle, se soldant par 15 000 pertes militaires chez les Français et 150 000 du côté du FLN. A l’issue de ce sanglant affrontement, des Français d’Algérie seront victimes d’actes aujourd’hui constitutifs du crime contre l’humanité : environ 15 000 Européens ou musulmans fidèles à la France disparus avant et après le 19 mars 1962, et de 60 000 à 80 000 harkis massacrés.

    Mais entre ces deux phases du début et de la fin, il y a eu un long entre-deux de l’Algérie française. Cinquante ou soixante ans où la relation de domination entre le colonisateur et le colonisé a pu se transformer, se pacifier, jusqu’à engendrer, dans une large partie de la population indigène (mot d’époque), un sentiment d’attraction envers la France.

    L’Algérie française eut ses limites, car elle fut une société à deux vitesses où 900 000 Européens, citadins en majorité, pauvres pour beaucoup, jouissaient de tous les droits de la nationalité et de la citoyenneté, tandis que huit millions de musulmans à la démographie galopante, français depuis Napoléon III mais qui n’avaient obtenu la citoyenneté que par étapes tardives, étaient majoritairement des ruraux qui souffraient du sous-équipement. L’Algérie française, cependant, signifia aussi la création de milliers de routes, de ponts, de barrages et de ports. Ce fut une œuvre sanitaire (132 hôpitaux à la veille de l’indépendance) et une œuvre scolaire qui permettait, en 1960, à 75 % des garçons musulmans et 50 % des filles d’Alger de fréquenter l’école. L’Algérie française, ce fut encore ces gisements de pétrole et de gaz découverts en 1956-1957 et dont vit l’Algérie indépendante. Ce fut aussi une fraternité d’armes franco-musulmane nouée pendant les deux guerres mondiales et pendant la guerre d’Algérie où les supplétifs musulmans de l’armée française représentaient un effectif quatre fois supérieur à celui de l’ALN…

    Une part d’ombre, une part de lumière : rien qui n’autorise les jugements manichéens.

    Le mythe des fusillés pour l’exemple

    Le 11 novembre dernier, à côté des cérémonies à la mémoire des combattants de 1914-1918, se sont déroulées, dans une dizaine de départements, des manifestations d’hommage aux soldats fusillés pendant ce conflit. Depuis qu’en 1998, Lionel Jospin, alors Premier ministre, a réclamé, dans un discours prononcé à Craonne, la réintégration « dans notre mémoire nationale des soldats fusillés pour l’exemple », la revendication est récurrente.

    Fusillés pour l’exemple ? La formule entretient la confusion entre deux réalités différentes : d’une part les exécutions qui ont eu lieu sur le front, par décision de justice, pendant toute la durée de la Grande Guerre et d’autre part la répression des mouvements collectifs de désobéissance de 1917.

    Pour un total de 8 millions de Français mobilisés de 1914 à 1918, 2400 condamnations à mort ont été prononcées, dont 600 exécutées – chiffre à rapporter aux 1,4 million de tués au combat. Les motifs étaient divers : abandons de poste en présence de l’ennemi, mutilations volontaires, désertions, refus d’obéissance, outrages et voies de faits sur un supérieur, mais aussi crimes de droit commun (assassinats, viols). Selon André Bach (1), les deux tiers des condamnés ont été fusillés en 1914 et en 1915. Au cours des premiers mois de la guerre, des mesures sévères ont été prises afin d’enrayer les mouvements de panique dans la troupe, quelques exécutions sommaires ayant même eu lieu. A partir de 1915, la stabilisation du front et l’expérience acquise par les soldats conduisent à supprimer les cours martiales instituées en 1914, à faire bénéficier les inculpés, dans les accusations les plus graves, d’avocats civils, et à leur offrir des garanties : recours en révision, droit de grâce du président de la République.

    Les condamnés dont le recours en grâce a été rejeté n’ont donc pas été arbitrairement « fusillés pour l’exemple » : au regard du code de justice militaire, ils étaient coupables. Cela n’empêche pas, bien sûr, que des erreurs ont été commises. Les injustices flagrantes, une cinquantaine de cas, ont donné lieu, après-guerre, à des réhabilitations officielles, comme pour les sept fantassins du 298e RI exécutés pour abandon de poste, à Vingré, en 1914, alors qu’ils avaient battu en retraite en obéissant à un ordre. Ils seront réhabilités par la Cour de Cassation en 1921. Si cruels soient-ils, ces cas ne peuvent être isolés de leur contexte, celui d’un univers de boue et de sang où chaque jour des milliers d’hommes mouraient ou étaient atrocement blessés.

    Les refus d’obéissance de 1917 constituent un autre sujet. Improprement désignés comme des mutineries, ils résultaient d’une lassitude des combattants alors que la guerre durait depuis trois ans, sans résultat décisif, et de l’échec de l’offensive Nivelle (140 000 hommes tués, disparus, blessés ou prisonniers, entre le 16 et le 19 avril 1917, pour un gain de terrain nul). Selon Denis Rolland, 78 divisions ont été concernées par 161 mouvements de désobéissance de plus ou moins grande amplitude, qui ont touché entre 59 000 et 88 000 participants (2). Sur ces dizaines de milliers d’hommes, 629 ont été condamnés à mort entre juin et décembre 1917, mais seulement 49 des peines capitales ont été exécutées (à quoi s’ajoutent 2873 peines de prison).

    Sur un plan judiciaire, rouvrir ces dossiers alors que les témoins et souvent les pièces ont disparu n’aurait aucun sens. A quoi rime alors cet antimilitarisme rétrospectif ?

    1. Général André Bach, Fusillés pour l’exemple, 1914-1915, Tallandier, 2003.
    2. Denis Rolland, La Grève des tranchées. Les mutineries de 1917, Imago, 2005.

    Jean Sévillia

    Sources :  (Edition du  vendredi 29 décembre 2017)

    https://www.jeansevillia.com/2018/01/02/histoire-de-france-arretons-mensonges/

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