Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

divers - Page 370

  • Eric Fiorile - Conseil National de Transition (CNT) - France coup d'Etat et référendum

  • Chronique de livre : Richard Dawkins, Le gène égoïste

    3339374364.jpgÀ l'occasion de la sortie de l’édition anniversaire fêtant les 40 ans du livre Le Gène égoïste, le Cercle Non Conforme souhaite vous présenter un des ouvrages de biologie les plus controversés/commentés, trônant parmi les volumes scientifiques les plus vendus de tous les temps. Celui-ci traite de l’évolution des êtres vivants et s’inscrit dans la lignée du néo-darwinisme. Son auteur, Richard Dawkins est devenu célèbre en grande partie grâce à ce succès de vente. Anglais d’origine, ce biologiste et éthologue à l’accent mélodique, a passé une partie de sa carrière à la prestigieuse université d’Oxford et a reçu de nombreux prix internationaux pour ses travaux. L’adjectif « vulgarisateur » qui lui est souvent accolé ne lui est pas usurpé, il faut lui reconnaître un véritable talent pour promouvoir ses idées1.

    Richard Dawkins s’est aussi illustré dans l’athéisme militant, participant notamment à des émissions télévisuelles contre des religieux, dans la réalisation de documentaires2, ou encore en étant à la tête de sa propre fondation. Il a écrit Pour en finir avec Dieu (en anglais : « The God Delusion ») qui mériterait que l'on se penche dessus dans une autre chronique pour son côté « SJW de l’athéisme » et sa résonance mondiale. En outre, l’auteur nous gratine de ces réflexions libérales3 (au sens anglo-saxon) que je perçois arrogantes sur la société et la politique en général. L’exemple récent, assez révélateur, est sa réaction à l’élection de Donald Trump et au BREXIT4, parlant de « bigoterie redneck » et d’électeurs « sans éducation » et « anti-intellectuels ». La science étant désormais associée directement à la vérité, on n’hésite pas à dire n’importe quoi en l’utilisant comme bouclier de nos jours. Je lui donne raison sur un point, les mauvais électeurs sont anti-intellectuels. L’intellectuel de gauche (pléonasme) ne passe plus son temps qu’à accompagner le mouvement du capital globalisé et à reformater les temps de cerveaux disponibles selon la ligne du Parti informe au nom de la lutte contre – insérez la bête immonde adéquate. Il s’est coupé du peuple pour délirer dans le concept et mieux lui cracher dessus ; le déclassé de la mondialisation ne peut pas aimer un VRP des plus zélés du système qui le détruit. En lisant cela, certains internautes pourraient rebrousser chemin. Je vous rassure, Dawkins traîne, certes, des facéties critiquables, il n’en demeure point un crétin et ne s’étend que peu sur les thèmes susnommés dans la présente œuvre chroniquée.

    Avant de poursuivre, soyons clair, l’auteur de ces lignes n’est pas un expert en biologie et n’a pour arme qu'un peu d’esprit critique et d’intérêt pour les domaines de la connaissance en général. Mon but ici n’est pas de confirmer/infirmer la théorie du gène égoïste, de vous donner une réponse définitive sur le sujet mais plutôt de piquer votre curiosité. Je crois fermement qu’il subsiste des sujets qui ne peuvent être explorés dans un texte de 1.000-1.500 mots. Je me tiendrai ici à exposer les lignes de force qui structurent Le Gène égoïste et mes points d’étonnement. Pour le reste, vous y travaillerez.

    Le Gène égoïste est une tentative de réponse à une question fondamentale qui traverse le darwinisme : « Quelle est l’unité de la sélection naturelle ? ». Pour notre scientifique favori, ce n’est ni l’espèce, ni le groupe, ni l’individu mais le gène. Il demeure l’unité de sélection du vivant parce qu’il réussit à combiner trois caractéristiques : longévité, fécondité, fidélité de duplication. Mais qu’est-ce qu’un gène me dirait vous ? Ici, si vous avez entrepris des études de S.V.T. au lycée, oubliez la définition scolaire ; on y emploie souvent le gène indistinctement du cistron, morceau d’ADN codant une protéine particulière. Ici c’est un bout d’ADN de taille variable, se situant entre le chromosome et le cistron. Plus il est grand, plus il a de chances d’être détruit à la prochaine méiose à cause de la redistribution génétique.

    Les gènes sont immortels bien qu’ils ne survivent que quelques semaines dans leurs cellules. Ses fidèles copies de lui-même lui donnent l’occasion de transcender sa mortalité. En tant qu’individus, nous ne sommes que temporaires ; les populations peuvent se mélanger, les gènes demeurent. Le rôle des êtres vivants pour le gène n’est que celui de véhicule.

    N’entendez pas, par ailleurs, le terme égoïste dans son sens classique. Il est opposé à celui d’altruiste : est considéré égoïste ce qui augmente ses chances de survie aux dépens des autres ; est considéré comme altruiste l’inverse. Dans le cas du gène, il favorise sa copie au détriment des autres. Cet égoïsme du gène transparaît à tous les niveaux des êtres vivants notamment avec la notion de stratégies évolutivement stables (SES), la théorie du jeu appliquée à l’évolution. Au vu de l’importance de la théorie du jeu pour la pensée économique libérale et le contexte politique de la sortie du Gène Égoïste (arrivée au pouvoir de Thatcher et Reagan dans les années 70), on comprend pourquoi le livre a été taxé de porte-parole du darwinisme social et de l’ultra-libéralisme. Le livre, pourtant, ne donne pas l’occasion de statuer sur ces questions humaines. Il s’attache juste à mathématiser les choix des gènes pour, par exemple, mieux expliquer l’altruisme chez les individus qui partagent un patrimoine génétique très proche (théorie de la sélection des parentèles). Cette mathématisation ne doit pas choquer, après tout comme l’expliquer Dawkins, qu’elle soit consciente ou non, elle est présente, il suffit de regarder la forme en spirale d’une coquille d’escargot5.

    Le chapitre nommé « la bataille des sexes » est passionnant. Il étaye entre autres l’émergence du sexe mâle et femelle. N’en déplaise à « Jean Bourdieu », étudiant moyen en fac de sociologie, la différenciation sexuelle est une réalité factuelle, lui qui nous assomme de sa vulgate en mode automatique : « La nature, cette sale construction sociale des classes dominantes blanches hétérosexuelles cisgenres qui oppressent les oppressés du capital ». Tel qu’il est, le livre ne cherche pas à résoudre la question : « Nature ou culture ?». Les gènes sont juste un paramètre dans l’équation de l’être humain, pas l’unique déterminant de ses comportements.

    Parlons-en de cette influence. Les gènes dirigent leurs hôtes indirectement. Ils leur fournissent les outils et des règles générales basiques à suivre afin de survivre dans des environnements imprévisibles. Ces instructions peuvent prendre cette forme : « Si quelque chose a un goût sucré, manges-en, c’est bon pour toi ». Bien sûr, le code n’est pas écrit dans un langage humain comme ici et peut être contourné : la surabondance nocive du sucre dans nos sociétés n’était pas prévue dans le plan.

    D’autre part, il est à noter qu’un gène n’a de sens qu’en relation avec d’autres gènes. Ainsi, un gène codant des dents effilées et tranchantes est peut-être un bon gène pour un carnivore, mais est inadapté pour un herbivore qui a besoin de dents plates. Cette notion de complémentarité peut sembler paradoxale avec celle d’égoïsme. Le volume regorge d’exemples de cette lutte de forces contradictoires dans la nature.

    Dawkins est un écrivain virtuose, il mélange avec habileté : un détachement scientifique, une passion rare et une pincée d’imagination. Je me suis montré sévère avec Dawkins au début de l’article, parce que le livre est un vrai bijou et il me peine de voir une personne aussi talentueuse gaspiller parfois son énergie. Il communique ses idées et celles de ses confrères brillamment : il laisse beaucoup de places à tous ces chercheurs inconnus du grand public qui ont façonné sa pensée. Malheureusement, aussi génial qu’il soit en tant qu’auteur, je doute qu’il puisse nous expliquer clairement le fonctionnement du système administratif français. Il reste des choses seulement accessibles à Dieu6

    Il est impossible de parler de l’intégralité du livre dans une chronique, je conseille donc le livre à tous les curieux. Je le recommande particulièrement aussi à tous ceux qui défendent des positions créationnistes/antiévolutionnistes. Des positions qu’on ne voit bizarrement (ou pas) que chez les islamistes, la « dissidônce » et les catholiques intégristes. Pour moi cela revient à défendre l’idée que la terre est plate. Malheureusement, la parure d’antitout et l’œcuménisme sont à la mode. Ces comportements expliquent en partie l’athéisme militant de Dawkins. Il est dommage qu’il ne s'en prenne pas à l’obscurantisme progressiste qui nie les réalités biologiques (manque de courage ?). Quelle que soit sa formation originelle, son milieu, toute personne doit éviter de s’échapper du réel, le principe de réalité doit être préféré. Si quelque chose contredit le modèle, il nous impose de le modifier, plus difficile à dire qu’à faire.

    Valentin / C.N.C.

    Notes :

    1 Le terme « promouvoir » peut sembler péjoratif. Je ne cherche pas à donner de jugements sur la véracité des idées ici, je reconnais uniquement son talent à les diffuser dans le réseau humain.

    2 Tout ce qu’il a fait à la télévision n’était pas que dans le but de promouvoir l’athéisme.

    3 Ce qui entraîne des contradictions chez lui, mais j’y reviendrai si j’ai le temps dans une autre chronique.

    4 https://www.scientificamerican.com/article/richard-dawkins-and-other-prominent-scientists-react-to-trump-rsquo-s-win/?wt.mc=SA_Twitter-Share

    5 Pour les snobs marxiens superficiellement contre le monde de la quantité, la baisse tendancielle du taux de profit de Karl Marx, ce sont des maths ou pas .

    6 Dawkins n’approuve pas cette blague.

    Bonus : Laurent Obertone sur le gène égoïste


    http://cerclenonconforme.hautetfort.com/le-cercle-non-conforme/

  • Le numéro 70 de la revue de Terre et Peuple vient de paraitre.

    2023248152.jpg

    Le dossier central évoque la fracture installée au coeur de l'Europe...

    Dans ce dossier Russie Ukraine, nous avons voulu évoquer un conflit tragique qui se déroule au cœur de l’Europe. Tragique par ce que c’est du sang d’hommes blancs qui coule.

    Nous avons voulu, à travers l’article d’Alain Cagnat, montrer la chronologie des évènements récents et bien plus anciens.

    A travers celui de Robert Dragan, nous évoquerons l’Holodomor, ce génocide alimentaire qui toucha les Ukrainiens, notamment. Expliquant partiellement l’origine de la méfiance envers les Russes, même s’ils ne sont plus communistes.

    Nous avions donné la parole à des identitaires Ukrainiens, mais malheureusement, pour diverses raisons cela n’a pu aboutir. Il était important pour nous que la résistance Ukrainienne puisse s’exprimer aussi. Cela n’a pas pu se faire et s’est bien dommage pour l’équilibre du dossier. Qu’il soit bien clair que ce n’est pas de notre fait si cela n’a pu se faire, la main était tendue…

    Pierre Koenig et Jean Patrick Artault situeront ce conflit dans une perspective de durée récente et d’enjeux géopolitiques.

    Enfin fidèles à nous-mêmes nous avons aussi regardé cela sous un angle économique. Petrus Agricola évoquera l’embargo européen envers la Russie, et les conséquences tant sur l’agriculture Française que sur celle de la Russie.

    Thierry Thodinor mettra en évidence le pillage économique qui a résulté de la récente mainmise libérale sur l’Ukraine. Les chiffres font peur.

    Pierre Koenig enfin montrera le tout récent « rejet » par la Russie du libéralisme économique.

    Il nous a semblé important d’évoquer cette nouvelle fracture au cœur de l’Europe. Le seul constat que nous en faisons, au regard de notre grille de lecture identitaire et racialiste, est qu’une fois encore, certains ont agité afin de réveiller ce qui sommeillait. Diviser pour empêcher l’union des peuples blancs d’Europe.

    Mais plus que tout il était important de relativiser ce qui arrive là-bas, car en aucun cas nous n’avons prise sur les évènements qui s’y déroulent.

    Le combat pour notre survie se déroule ici et maintenant. Pas là-bas. Tentons d’influer sur ce qui est à notre portée, et ce sera déjà beaucoup.

    Terre et peuple cliquez ici

    http://synthesenationale.hautetfort.com/archive/2016/12/28/le-numero-70-de-la-revue-de-terre-et-peuple-vient-de-paraitr-5892005.html

  • Herbert Marcuse, philosophe néo-marxiste de mai 68

    En 1979 mourrait Herbert Marcuse, le penseur utopiste de la Nouvelle Gauche soixante-huitarde. Werner Olles, ancien agitateur des barricades allemandes à la fin des années 60, fait le point vingt ans après cette date et rappelle l’engouement de sa génération pour Éros et civilisation et L’Homme unidimensionnel.

    ***

    Marcuse nous disait : « Je pense qu’il existe pour les minorités opprimées et dominées un droit naturel à la résistance, à utiliser des moyens extra-légaux dès que les moyens légaux s’avèrent insuffisants. La loi et l’ordre sont toujours et partout la loi et l’ordre de ceux que protègent les hiérarchies établies. Il me paraît insensé d’en appeler à l’autorité absolue de cette loi et de cet ordre face à ceux qui souffrent sous cette loi et cet ordre et les combattent, non pas pour en tirer des avantages personnels ou pour assouvir une vengeance personnelle, mais tout simplement parce qu’ils veulent être des hommes. Il n’y a pas d’autre juge au-dessus d’eux sauf les autorités établies, la police et leur propre conscience. Lorsqu’ils font usage de la violence, ils n’amorcent pas un nouvel enchaînement d’actes violents, mais brisent les institutions établies. Comme on pourra les frapper, ils connaissent les risques qu’ils prennent, et quand ils ont la volonté de se révolter, aucun tiers n’est en droit de leur prêcher la modération, encore moins les éducateurs et les intellectuels ».

    Ces quelques phrases sur la « tolérance répressive », tirées de sa Critique de la tolérance pure ont eu un impact considérable et durable sur le mouvement étudiant de 1968. Dès mai 1966, Herbert Marcuse, professeur de philosophie sociale à l’Université de Californie à San Diego, avait prononcé la conférence principale lors d’un congrès sur la guerre du Vietnam tenu à l’Université de Francfort à l’invitation du SDS (le mouvement des étudiants gauchistes allemands de l’époque). Devant 2.200 personnes, Marcuse constatait que « toutes les dimensions de l’existence humaine, qu’elles soient privées ou publiques étaient livrées aux forces sociales dominantes » et que le système ne connaissait plus aucun « facteurs extérieurs » :

    « La politique intérieure, dont la continuation est la politique extérieure, mobilise et contrôle l’intériorité de l’homme, sa structure pulsionnelle, sa pensée et ses sentiments ; elle contrôle la spontanéité elle-même et, corollaire de cette nature globale et totale du système, l’opposition n’est plus d’abord politique, idéologique, socialiste (…). Ce qui domine, c’est le refus spontané de la jeunesse d’opposition de participer, de jouer le jeu, c’est son dégoût pour le style de vie de la “société du superflu” (…). Seule cette négation pourra s’articuler, seul cet élément négatif sera la base de la solidarité et non pas son but : il est la négation de la négativité totale qui compénètre la “société du superflu” ».

    Dutschke défendait l’attitude de l’intellectuel

    En juillet 1967, Marcuse, devant 3.000 personnes entassées dans les auditoires bourrés de la Freie Universität de Berlin-Ouest, prononçait sa série de conférences en quatre volets, « La fin de l’Utopie ». Sans cesse interrompu par les applaudissements des étudiants, le penseur dissident du néo-marxisme explicitait une fois de plus ses positions sur le « problème de la violence dans l’opposition ». Lors de la troisième soirée, une discussion a eu lieu sous la direction du philosophe et théologien Jacob Taubes : y participaient plusieurs membres du SDS, dont Hans-Jürgen Krahl, Rudi Dutschke, Peter Furth et Wolfgang Lefèvre, ainsi que les professeur d’université sociaux-démocrates Richard Löwenthal et Alexander Schwan. Ils engagèrent tous un débat avec Marcuse sur le thème : « Morale et politique dans la société d’abondance ». Lors de la quatrième soirée, Marcuse, Dutschke, Peter Gäng, Bahman Nirumand et Klaus Meschkat ont discuté du « Vietnam : le tiers-monde et l’opposition dans les métropoles ». Ce fut surtout Marcuse qui tenta de donner une explication de cette question en parlant du rôle que pouvaient jouer les intellectuels dans le processus d’éclosion et de consolidation des mouvements de libération dans les métropoles. Pour Marcuse, le rôle des intellectuels consiste à éclairer les masses en révolte en « reliant la théorie et la pratique politique ». Il proclama également la constitution « d’une anti-politique dirigée contre la politique dominante ».

    Mais un an plus tard, toujours dans le grand auditoire de l’Université Libre de Berlin, il essuie le refus concentré des étudiants, lorsqu’il prononce sa conférence sur « l’histoire, la transcendance et la mutation sociale » ; il dit clairement aux activistes de la Nouvelle Gauche qu’il ne songe nullement à donner sans détour des conseils pour organiser la révolution ni a y participer. Plus tard, Rudi Dutschke a dit qu’il comprenait l’attitude de Marcuse à l’époque. Il l’a défendu âprement face aux critiques acerbes des étudiants les plus radicaux qui voulaient infléchir le processus révolutionnaire dans une seule dimension, celle, exagérée, de la guerre civile.

    Herbert Marcuse, mélange génial de Marx, Freud et Isaïe, penseur éclectique, subjectiviste et néo-marxiste, figure du père dans la révolution culturelle de 68, est né le 19 juillet 1898 dans une famille de la grande bourgeoisie juive de Berlin. Devenu membre de la SPD sociale-démocrate, il appartenait aux courants vitalistes des jeunes socialistes, proche du mouvement de jeunesse. Après l’assassinat de Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg, il quitte la SPD et adhère à l’USPD (les socialistes indépendants plus radicaux et révolutionnaires). En 1918, il est membre d’un conseil de soldat à Berlin-Reinickendorf. Ensuite, il s’en va étudier à Berlin et à Fribourg, où il passe son doctorat en rédigeant une thèse sur Schiller. À Fribourg, il a été pendant un certain temps l’assistant de Heidegger. Mais les éléments nettement conservateurs de la pensée de Marcuse ne lui viennent pas directement de Heidegger mais d’une lecture très attentive de Hans Freyer, dont l’ouvrage Theorie des gegenwärtigen Zeitalters (Théorie du temps présent) a fortement imprégné les thèses exposées plus tard dans L’Homme unidimensionnel. Pedro Domo démontre dans Herrschaft und Geschichte : Zur Gesellschaftstheorie Freyers und Marcuses (Domination et histoire : À propos de la théorie de la société chez Freyer et Marcuse) que l’influence de Freyer s’est exercée sur Marcuse tout au long de sa vie. Même affirmation chez un autre analyste, Wolfgang Trautmann (in : Gegenwart und Zukunft der Industriegesellschaft : Ein Vergleich der soziologischen Theorien Hans Freyers und Herbert Marcuses ; Présent et avenir de la société industrielle : Comparaison des théories sociologiques de Hans Freyer et de Herbert Marcuse). À cette influence de Freyer dans la composante conservatrice de Marcuse, il faut ajouter le véritable culte qu’il vouait à Schiller, héritage de la vénération que lui vouait le mouvement de jeunesse socialiste au tournant du siècle. Ce culte de Schiller a très vraisemblablement entraîné le mépris quasi féodal de Marcuse pour les sciences, la technique et la démocratie. Kolakowski l’a d’ailleurs décrit comme « le prophète d’un anarchisme romantique sous une forme hyper-irrationnelle ».

    En effet, Marcuse propageait un « socialisme des oisifs ». Dans leur recherche d’un sujet révolutionnaire après la fin du marxisme et du progrès, les intellectuels de la classe moyenne aisée et les franges politisées du Lumpenproletariat ont fini par rencontrer cet idéologue de l’obscurantisme, qui constituait une symbiose entre Marx et Freud. En bout de piste, cela a donné l’utopie de la Nouvelle Gauche. Marcuse interprétait toutefois Marx à l’aide de critères pré-marxistes ; il voyait en lui un sociologue et non un économiste scientifique. Ensuite, il voyait en Freud un « adepte sceptique des Lumières ». Ce mélange a produit finalement cette idéologie de 68, caractérisée par le non sérieux relatif de la vie de l’éternel étudiant.

    Cohn-Bendit a diffamé Marcuse en l’accusant d’être un agent de la CIA

    Herbert Marcuse a quitté l’Allemagne sous la République de Weimar, en 1932, quand les nationaux-socialistes n’avaient pas encore pris le pouvoir. Il émigre aux États-Unis. Il y devint conseiller en guerre psychologique à l’Office of Strategic Services (OSS), une organisation militaire qui a préfiguré la CIA. C’est de cette époque que datent les études que l’on appelle “analyse de l’ennemi”. Le passé de Marcuse à l’OSS a induit Daniel Cohn-Bendit, un jour, à diffamer Marcuse, qu’il a accusé à Rome d’être un agent de la CIA, ce qui est objectivement faux.

    Plus tard, Marcuse a enseigné la philosophie à l’Université d’État en Californie à San Diego. En ce temps-là, il vivait à La Jolla en Californie. À l’âge de 81 ans, le 29 juillet 1979, il meurt à Starnberg en Allemagne, à la suite d’une thrombose. Aujourd’hui, notre intention ne saurait être de récupérer et de redécouvrir Marcuse dans un sens “conservateur-révolutionnaire”. La pensée de ce néo-marxiste a été beaucoup trop influencée par la mystification de la révolution mondiale, même s’il ne plaçait plus aucun espoir dans la classe ouvrière, mais, au contraire, dans les groupes marginalisés de la société, refusant toujours davantage le système.

    Ensuite, autre volet de la pensée de Marcuse : il concevait la « société technologique » de plus en plus comme un moyen d’asservir le prolétariat ; celui-ci était de toute façon lié au système capitaliste de la satisfaction et de l’élargissement des besoins. Dans un tel contexte, la position du prolétariat est purement défensive. L’économie, pour Marcuse, est toujours une économie politique qui ne produit jamais une « économie psychologique ». L’économie dominante gère les besoins que réclame le système, jusqu’aux pulsions les plus élémentaires.

    Puisque le capitalisme a absorbé le « potentiel révolutionnaire » et que l’ère révolutionnaire du prolétariat est définitivement passée, n’explique pas pourquoi la « théorie critique » et la « praxis politique » n’ont pas coïncidé partout. Pourtant Marcuse voyait dans l’indépendance nationale un facteur positif. Il soutenait la guérilla nationale-communiste au Vietnam, corollaire de sa définition des États-Unis comme « héritiers historiques du fascisme ». Aucun immigrant n’avait formulé auparavant une critique aussi acerbe contre la politique américaine. Mais Marcuse n’avalisait pas pour autant la politique soviétique, qui convergeait de plus en plus avec celle des États-Unis. Il la qualifia un jour de « honteuse », ce qui lui a valu la haine tenace des gauches fidèles à Moscou. Il était cependant assez réaliste pour reconnaître que la Nouvelle Gauche n’allait jamais devenir un mouvement de masse. Raison pour laquelle il a limité sa thématique aux perspectives pluri-dimensionnelles de la théorie dialectique, visant la suppression de la « société d’abondance », le prise de conscience psychologique et sensitive de la répression dans les métropoles occidentales et de l’oppression flagrante et impérialiste des peuples du tiers-monde.

    Par ailleurs, Marcuse prônait l’instauration d’un « pré-censure », qu’il nommait avec euphémisme un « idéal platonicien », et une dictature provisoire de la gauche, qu’il baptisait « éducation » (Erziehung), et qui devait préparer l’avènement d’une « société humaine ». Dans l’existence qui attendait les hommes au sein de cette « société humaine », le rois-philosophes d’inspiration platonicienne devaient veiller sans discontinuité à ce qu’il n’y ait plus jamais de guerre, de cruauté, d’agressivité, de stupidité, de brutalité et de racisme. Dès que cette hydre à têtes multiples se manifestait, les rois-philosophes devaient intervenir et sévir. Ainsi, l’utopie deviendrait possible, elle serait une société véritablement libre. Cette vision marcusienne contredit toutefois à terme son idéal libertaire d’inspiration nietzschéenne, héritée du mouvement de jeunesse. La “pré-censure” et “l’éducation” indiquent une contradiction majeure dans cette pensée subversive de gauche.

    Max Horkheimer a reproché à Marcuse de se retrancher derrière le concept « d’homme nouveau ». Horkheimer s’insurgeait avec véhémence contre la domination du principe de plaisir et contre l’idée naïve qu’une société de masse puisse vivre sans aucune contrainte. De la pensée de Marcuse, il restera donc cette dénonciation de la rationalité technologique comme expression de l’arbitraire, tendant vers le totalitarisme. Sa thèse disant que « la technologie livre la grande rationalisation pour la non-liberté de l’homme » est restée actuelle et réelle. Elle exprime clairement les sentiments d’un philosophe qui a vécu et pensé la crise de l’existence humaine comme une crise de la philosophie. Restent également sa critique de la « société unidimensionnelle », de la liberté illusoire (qui risque de chavirer dans « le déluge de scepticisme »). Unidimensionnalité et liberté illusoire ont conduit à des quiproquos philosophiques terribles dont souffrent encore nos sociétés de masses modernes.

    Le “grand refus” de Marcuse

    Le “grand refus” de Marcuse n’offrait toutefois pas de contre-modèle concret à l’unidimensionnalité du capitalisme tardif. Il n’a pas été capable de générer une conception de la vie, un “oïkos” alternatif, susceptible d’offrir à l’individu un éventail de possibilités afin d’échapper ou de résister à « la destruction totale et incessante des besoins de l’homme dans la conscience même de l’homme » (Hans-Jürgen Krahl). Telle a bien été la plus grande faiblesse de cet éclectique qui n’a pas pu se corriger, même dans la lutte collective pour l’émancipation menée par la Nouvelle Gauche (pour laquelle Marcuse a toujours témoigné sa sympathie). La raison de cet enlisement provient de ce que les contradictions quotidiennes du système capitaliste tardif ne se reflètent plus dans la conscience des masses. La subtilité des rapports de domination finit par conditionner la psychologie même des hommes.

    Ainsi, la répression assortie de l’accord tacite entre le facteur subjectif et le maintien tel quel de la réalité de classe, dans un système de pouvoir très complexe, anonyme et technocratique, a conduit à l’échec du mouvement de 68.

    ► Werner Olles, Nouvelles de Synergies Européennes n°41, 1999.

    (texte issu de Junge Freiheit n°31-32/1999)

    http://www.archiveseroe.eu/recent/22