Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

économie et finance - Page 257

  • La domination capitaliste, le communisme, les communaux et l’émancipation ontologique de l’être de l’homme… par Gustave LEFRANÇAIS

    « Lorsque l’humanité commença à acheter et à vendre, elle perdit son authenticité; et les hommes commencèrent alors à s’opprimer les uns les autres et à contrevenir à  la nature humaine. »

    Plate-forme de Gerrard Winstanley, Manifeste des paysans anglais de 1652 pour la défense des communaux.

    « Les conceptions théoriques des communistes ne reposent nullement sur des idées, des principes inventés ou découverts par tel ou tel réformateur universel.

    Elles ne font qu’exprimer, en termes généraux, les conditions réelles d’une lutte de classes qui existe, d’un mouvement historique qui se dé-roule sous nos yeux. »

    Marx, Le Manifeste communiste.

    Chaque fois qu’émerge contre la puissance despotique de l’argent un mouvement de critique radicale qui en dé-voile les impostures, le despotisme de cette puissance – pour mieux torpiller et dé-tourner ce qui le met en cause – se pare des langages, expressions et modes d’apparaître de ce qui le conteste afin de mieux en neutraliser la substance par la construction d’un faire semblant qui a d’abord pour objet d’invertir et transmuter la pensée d’in-soumission en mentalité d’assujettissement.

    Pendant que dans les pays à l’économie la plus développée, les sociaux-libéraux-démocrates de toutes sectes s’employaient à égarer le mouvement ouvrier sur le terrain dévoyant de la fabrique démocratique du consentement consommatoire, les bolchéviks de tous acabits qui avaient pris le pouvoir sur l’économie des pays les moins développés, s’appliquaient, eux, à transporter et fourvoyer la contestation prolétaire dans les pièges du messianisme concentrationnaire.

    Avec le temps, l’unification mondiale de la marchandise a fait tomber le mur qui séparait l’archaïsme des capitalismes d’État de l’Est et la modernité des capitalismes anonymes de l’Ouest pour les fondre enfin dans le grand totalitarisme cosmopolite de l’hébétement mondialiste prévu par Marx.

    L’auteur du Capital, des millions de fois cité à tort et à travers par des gens qui ne l’ont jamais lu ou seulement très partiellement feuilleté est aux antipodes de ce qu’en dit le spectacle du mensonge dominant puisque la domination mensongère par laquelle règne le marché des choses présuppose justement que tout soit ré-écrit à l’envers et d’abord cet auteur qui a su dénoncer à la source les falsifications de l’envers du décors.

    En septembre 1843, Marx, alors âgé de 25 ans, écrit : « Depuis longtemps, le monde possède le rêve d’une chose dont il lui suffirait de prendre conscience pour la posséder réellement. On s’apercevra qu’il ne s’agit pas de tirer un trait suspensif entre le passé et l’avenir, mais d’accomplir les idées du passé. On verra enfin que l’humanité ne commence pas une nouvelle tâche, mais réalise son œuvre ancienne avec conscience et pleine connaissance de cause ».

    Cette phrase est décisive car elle situe clairement  le point de départ à partir duquel Marx pose et positionne la critique radicale de l’empire de la marchandise qu’il ne récuse point – d’un point de vue constructiviste – pour mieux la faire fonctionner mais qu’il conteste  – d’un point de vue ontologique – afin de rappeler que la communauté humaine de l’être ensemble qui est synonyme du communisme (la Gemeinwesen) implique l’éradication de la dictature de l’avoir tel que matérialisé par l’économie politique de l’argent et de l’État.

    César dans La Guerre des Gaules, Tacite dans La Germanie, nous rappellent fort justement que les Germains primitifs ignoraient la propriété privée du sol et que la communauté de l’être ensemble qui ne dissociait pas alors le cosmos et l’histoire, le je et le nous, faisait fi des aliénations appropriatives. Contrairement à ce qu’une vision sommaire des peuples indo-européens laisse entendre, la tri-fonctionalité dumézilienne n’exprime pas la genèse historique des origines indo-européennes mais bien le processus de décadence qui voit les fonctions guerrières et religieuses s’autonomiser des fonctions de production et ainsi permettre la dislocation de l’unité primordiale.

    Au commencement, comme le démontre Engels dans L’origine de la famille de la propriété privée et de l’État, le Germain est un guerrier-paysan et il le restera longtemps alors même que Celtes et Grecs seront déjà entrés dans la dialectique civilisationnelle qui scissionne l’homme, transforme le produire nécessaire en travail en même temps qu’asservissement à la division de l’espace entre villes et campagnes. Les paysans-soldats serbes des confins et les communautés cosaques illustrèrent longtemps par leur survivance de longue durée cette matérialité historique.

    Ainsi, et en premier lieu, le communisme est l’être de l’organisation anti-politique et anti-économique de la communauté humaine primitive non-séparée d’elle-même en l’immanence du vivre ensemble, sans argent et sans État. Mais comme ce communisme dit primitif est d’horizon limité au localisme du groupe, il ne peut que progressivement se dissoudre à mesure que par le troc et l’échange entre communautés diverses, un re-jaillissement échangiste dé-compose progressivement chaque groupe jusqu’à faire apparaître antagoniquement castes et classes.

    Les communaux ou prés communaux qui désignaient autrefois en France les territoires considérées comme le bien commun de l’être ensemble et que l’on nommait biens communaux (commons pour les Anglais) constituaient une surface encore partagée entre les habitants d’un ou de plusieurs bourgs ou villages et qui témoignait là des restes encore bien vivants du communisme antérieur.

    Chacun selon une pratique coutumière reliée à l’histoire de la communauté et évoluant selon les lieux et les époques pouvait y chercher et couper du bois ainsi que mener au pacage, en vaine pâture, ses divers bétails.

    Le mouvement des enclosures en tant que mouvement de désintégration sociale marquant le déploiement affirmé du capitalisme s’est accompli en Angleterre au XVIe siècle en concrétisant ainsi les transformations marchandes apparues dés le XIIe siècle. Les champs ouverts et les pâturages communs cultivés par la communauté, ont été alors dans la violencele sang et les larmes convertis en pâturages pour les troupeaux de moutons afin que puisse se développer le commerce de la laine alors en pleine expansion industrielle. Il en résulta alors un immense appauvrissement de la population rurale de l’époque qui entraîna souvent des mouvements de contestation et de vive rébellion comme celui des Midlands en 1607.

    Le temps des frénésies enfermantes de l’enclôture était venu, c’est-à-dire celui de la tyrannie de l’appropriation forcée et brutale du bien commun par la propriété privée laquelle fut consacrée par l’absolutisme de la révolution bourgeoise de 1789. Désormais, le temps du marché a fait quasiment disparaître les prés communaux mais il en existe encore quelques-uns en Europe, en particulier dans les zones éloignées de montagne, et le pacage sur des terres communautaires se pratique encore sous d’autres noms et diverses modalités dans de nombreuses sociétés encore pour partie traditionnelles.

    Toutefois, la disparition de ces survivances communistes ne s’est pas faite toute seule. À la fin des années 1640, en Angleterre, un mouvement social important autour des niveleurs (les levellers) et des bêcheux (les diggers) a notamment tenté une forme de réveiller communautaire basé sur l’usage collectif d’une jouissance partagée des espaces de vie que le pouvoir en place n’a bien sûr pas supporté longuement et qu’il a vaincu tantôt de manière brutale, tantôt par la manigance.

    Ailleurs et plus tard, les Landais se révolteront contre la Loi d’assainissement et de mise en culture des Landes de Gascogne de 1857 instituée par Napoléon III à la demande de la bourgeoisie d’Aquitaine qui voulait remplacer le système agro-pastoral d’autosubsistance communautaire par la culture de pins. Cette loi imposa à une centaine de communes de vendre progressivement aux enchères leurs communaux. Les communautés de bergers spoliés furent alors nombreuses à incendier les nouvelles plantations, mais la forêt de pins de la modernité capitalistique l’emportera finalement après une trentaine d’années de malaise, d’explosives tensions sociales, de répression et d’exode rural.

    La Guerre des Demoiselles qui, elle, eut lieu aussi en France est un soulèvement d’ampleur qui s’est répandu en Ariège sur les années 1830 et qui a persisté jusqu’après 1870. Elle était due au vote en 1827 d’une nouvelle réglementation du code forestier qui imposait un usage totalement différent des forêts, en particulier pour ce qui concernait le ramassage du bois, les coupes et surtout le pâturage désormais mis en défens (autrement dit en interdit), le droit de marronnage, et les droits de chasse, de pêche et de cueillette.

    Cette Guerre des Demoiselles doit son nom au fait que les paysans se déguisaient en femmes avec de longues chemises blanches ou des peaux de moutons, des foulards ou des perruques, le visage noirci ou caché pour attaquer spécialement la nuit, les grands propriétaires, les gendarmes, les gardes forestiers, les maîtres de forges et les charbonniers.

    Après cette usurpation méthodique et continue  des communaux  qui devait se poursuivre méticuleusement au long des siècles, la masse des ruraux ainsi jetée sur les routes et dans la misère de l’exode rural, constitua la manne fondamentale de main d’œuvre captive nécessaire à l’industrie capitaliste naissante.

    Les auteurs du Mémoire statistique sur la Moselle (an IX) expriment ainsi clairement les choses : « Les droits de parcours, de vaine pâture sont des obstacles au progrès de l’industrie parce qu’ils fournissent aux prolétaires les moyens d’élever et d’entretenir du bétail, dont ils obtiennent une partie de leur nourriture et de leurs vêtements, sans que le besoin les contraigne d’y pourvoir par le travail. » C’était là souhaiter ouvertement une évolution capitaliste du monde rural à l’anglaise où, la campagne entière se partageant en importantes propriétés enfin closes, le prolétaire serait immanquablement poussé vers les dépendances de la domesticité, d’abord aux champs et puis bientôt à l’usine.

    On comprend ici dans ce texte, que le sens du mot « travail » se réfère au seul travail salarié, le mot n’ayant pas encore de manière vicieuse glissé de sens pour désigner – ce qu’il caractérise dans notre société actuelle, prisonnière de l’illusoire accès à l’insignifiance des loisirs – toutes les activités productrices, y compris l’auto-production naturelle qui justement ignorait le travail. Travailler (terme issu de tripalium qui signifie la souffrance du joug) ne signifie en effet rien d’autre qu’avoir une activité productrice salariée, c’est à dire commandée – non pas pour les besoins humains réels – mais en fonction des besoins solvables de la dictature du profit.

    Par delà l’élément détonateur de la conscription de mars 1793, l’insurrection vendéenne comme celle des Chouans expriment bien  la structure traditionnelle et communautaire de la structure paroissiale et de ses curés locaux laquelle spécialement bien implantée dans l’Ouest, refuse de se soumettre à la dictature marchande et à la mainmise des patauds – qui au nom de la république bourgeoise – entendent re-dessiner confiscatoirement l’horizon de la vie campagnarde.

    Ainsi, évidemment, immédiatement et partout, la dissolution de la communauté première ne se fait pas sans résistance et conflits car d’emblée, tout ce qui fait éclore la circulation de l’argent et du pouvoir crispe et exaspère simultanément le vouloir demeurer ensemble sur le terrain existentiel de l’être commun.

    De la sorte, le communisme est aussi le mouvement qui traverse toute l’histoire mondiale et qui exprime le refus instinctif, inconscient et aussi parfois conscient  des êtres humains d’être dépossédés de l’humanité générique de leur être et qui tout en même temps annonce la nécessité pour vivre vraiment la vie de faire émerger une communauté humaine mondiale.

    Cette communauté en tant que révolution réalisée (revolutio-onis)  est bien le retour au commencement mais en tant que re-commencement accompli de sa signification historique étant donné que l’on ne revient pas aux limites bornés d’un communautaire étriqué (qui portait en ses contradictions tout le devenir historique de l’ad-venir de la logique capitaliste !) attendu que l’on accède à l’universalité d’un être communautaire d’authentique richesse humaine lequel est aux antipodes de la mondialisation indifférenciante et quantitative de l’homme sans qualité, devenu simple monade nomade hors sol du marché planétaire de la non-vie.

    Marx est non seulement l’anti-Lénine le plus achevé mais il est aussi l’anti-Attali le plus complet et ce n’est certes pas un hasard si l’homme de banque a signé l’ouvrage Karl Marx ou l’esprit du monde lequel a pour spécificité essentielle de systématiquement contre-faire tout ce qui fut le faire de Marx contre l’esprit du monde de la marchandise que celui-ci résumait d’ailleurs lui-même, en une formule lapidaire comme étant exclusivement le triomphe absolu « de la merde » la plus intégrale.

    Le communisme se détermine ainsi comme la trajectoire objective  de l’arc historique qui va du communisme primitif à la crise finale de la marchandise en tant que mouvement qui tend à réaliser la communauté de l’être humain, une détermination dont le capitalisme crée, contradictoirement – par sa décadence –  les conditions de réalisation objective. Comme le dit Marx : «  Le communisme n’est  ni un état de choses qu’il convient d’établir, ni un idéal auquel la réalité devra se conformer. Nous appelons communisme le mouvement réel qui abolit l’état actuel des choses. Les conditions de ce mouvement résultent des données préalables telles qu’elles existent présentement. »

    Toute l’histoire des luttes radicales qui ont fini par positionner la nécessité du subversif conscient sont nées sur le terrain pagano-christianiste des ancestrales communautés paysannes dont est sorti ultérieurement le prolétariat européen, dans la tradition primordiale du souci de l’être et du refus de sa réduction en avoir calculé.

    Des insurrections paysannes de l’An Mil au soulèvement quarante-huitard des ouvriers parisiens contre la république de la marchandise, en passant par les soulèvement des Flagellants, des Jacques, des Maillotins, des Croquants et autres Nu-pieds, la longue histoire sociale des insurrections de la conscience critique, n’a pas cessé de dire que l’éveil de l’homme à lui-même est irréductible tant aux logiques financières du posséder qu’à celles des raisons politiques de l’État.

    La boucherie industrielle des Colonnes infernales en Vendée n’a rien inventé, elle n’a fait qu’accomplir la longue série des massacres d’Ancien Régime qui, de jacquerie balayée en jacquerie décimée, ne cessa de ponctuer le long travail de prise de pouvoir des puissances marchandes sur la société… et qui irait jusqu’aux hécatombes démocratiques de 1848 et de 1871 quand le fétichisme marchand extermina des milliers de prolétaires qui refusaient les camps de la concentration usinière…

    Comme l’ont souligné Marx et Engels, la radicalité critique qui fonde le possible de tout vrai re-saisir humain est une tradition révolutionnaire ancienne héritière de la rencontre anti-marchande entre l’âme des protestations chrétiennes contre les mondes du temps fermé et la naturalité des anciens cultes païens qui donna lieu, dans la symbolique tellurique du culte des saints, à la continuation cosmique du culte agraire et festif des vieux dieux familiers de la communauté de l’être.

    Ainsi, c’est à partir de cette tendance à vouloir maintenir à toute force une vie communautaire réfractaire à l’artificielle abondance de la marchandise illimitée que le spectacle de l’argent comme glaciation de l’histoire et de la conscience n’a cessé d’être contesté alors même qu’il soumettait la campagne à la ville mais que par cela-même, il faisait passer l’aspiration à l’être d’un temps rural désormais révolu au temps urbain tentaculaire des supermarchés de l’avoir où il enfermait l’humanité salariée dans la prison de la valeur d’échange.

    De la sorte, les révoltes sociales de la paysannerie millénariste et de ses multiples développements ultérieurs, à mesure qu’elles s’éteignaient, ont simultanément passé le flambeau de l’insurrection critique au prolétariat qui a conscientisé historiquement la réalisation terrestre du paradis pour la sortir des irrationalités religieuses du passé et lui donner sa rationalité de seul futur possible en tant que conscience historique distincte d’une histoire distinctement consciente.

    C’est en se référant à cet esprit de synthèse dialectique entre le christianisme originel  et les modes d’être antiques et médiévaux des communautés paysannes de la vieille Europe que Marx pouvait soutenir que là était née spécifiquement la conscience que l’homme en tant qu’homme du Logos critique peut accéder distinctement à la rationalité de l’histoire en tant que mouvement historique de la rationalité distincte.

    En effet, seule l’histoire européenne a pu produire distinctement le questionnement rationnel sur l’histoire de l’être ensemble car seule elle a pu sortir des récitations mythologiques et religieuses qui consignent l’homme dans une « histoire en-fermée et en-fermante ».

    Les révoltes qu’ont pu, au fil du temps, connaître l’Asie et l’Afrique anciennes n’ont jamais altéré l’immuabilité de l’inconscient social historique qui y prévaut puisqu’elles ne furent jamais que des réécritures superficielles  de l’immobilisme social des imaginaires de la soumission.

    L’Amérique moderne dés lors qu’elle eut transformé ses émigrants européens et qu’elle en eut fait de bons américains n’a jamais connu autre chose que des conflits subordonnés à la réécriture de la langue de l’argent par elle-même.

    On comprend donc là que l’immigration soit là pour la marchandise une armée de réserve stratégique clef car les populations en question étant par définition issues de temporalités non-critiques par l’essence même de leurs « histoires immobiles », il est en quelque sorte relativement commode de les intégrer à la liberté du commerce de l’aliénation généralisée puisque l’archaïsme de leur relation au monde trouve son répondant moderne dans le culte de la passivité marchande et dans l’enfermement consommatoire de l’homme abstrait, unifié dans un nouveau temps arrêté par l’éternel présent du fétichisme de la possession.

    Le projet d’un monde communiste en tant que claire auto-émergence de l’humanité est l’ombre ennemie de l’histoire de l’aliénation et il est inscrit dans les entrailles marchandes du spectacle de la marchandise qu’il accompagne d’ailleurs tout du long comme son double hostile jusqu’à la crise finale des finalités de la valeur.

    En 1865 déjà, Marx déclarait – en totale opposition avec ce qui deviendrait plus tard les frères ennemis (sociaux-démocrates, bolchéviks et libéraux-sociaux) des foutaises de la réforme salariale qu’au lieu de perpétuer le mot d’ordre conservateur d’« un salaire équitable pour une journée de travail équitable », il convenait d’adopter exclusivement le mot d’ordre révolutionnaire : « Abolition du salariat ».

    Dans ce contexte, il faut relire radicalement l’œuvre de Marx, c’est à dire tout d’abord prolonger – à la racine –  le projet de critique de l’économie politique, c’est-à-dire de mise en question révolutionnaire des catégories économiques de l’aliénation que sont la marchandise et la monnaie, le capital et le salariat, le profit, la rente et l’État, non pour les amender mais pour les détruire, en pleine adéquation avec le mouvement réel du vouloir vivre humain qui est le fondement et le devenir de toute ontologie de l’être.

    Marx comprit toujours que la critique de la dictature de l’argent était indissociable du vieux rêve communautaire de l’humanité et que la crise finale des contradictions de la marchandise n’avait de sens qu’en tant qu’elle faisait surgir l’impossible reproduction réciproque de l’homme aliéné et du capital.

    Au crépuscule de sa vie, il fut sollicité par la socialiste russe Véra Zassoulitch, du groupe Partage Noir. Le 16 février 1881, celle-ci lui écrivait pour l’interroger sur les problèmes agraires se posant alors en Russie : « … Ou bien la commune rurale, affranchie des exigences démesurées du fisc, […] est capable de se développer dans la voie socialiste, c’est-à-dire d’organiser peu à peu sa production et sa distribution sur des bases collectives. Dans ce cas le socialisme révolutionnaire doit sacrifier toutes ses forces à l’affranchissement de la commune et à son développement. » Ou la commune est destinée à périr et il reste aux socialistes : « À faire de la propagande uniquement parmi les travailleurs des villes qui seront noyés dans la masse des paysans abandonnés par les socialistes et jetés sur le pavé des grandes villes à la recherche du salaire. »

    Véra Zassoulitch désapprouvait les marxistes russes qui prétendaient que la commune rurale était  une forme sociale fossile qu’il n’y avait plus lieu de considérer comme importante : « Vous comprenez donc, écrit-elle à Marx, à quel point votre opinion sur cette question nous intéresse et quel grand service vous nous auriez rendu en exposant vos idées sur la destinée possible de notre commune rurale et sur la nécessité historique pour tous les pays du monde de passer par toutes les phases de la production capitaliste. »

    Marx qui avait alors 63 ans et qui était gravement malade, répondit à Véra Zassoulitch le 8 mars 1881. Il commença par faire référence à ce qu’il a écrit dans Le Capital : « Au fond du système capitaliste, il y a la séparation radicale du producteur d’avec les moyens de production… La base de toute cette évolution, c’est l’expropriation des cultivateurs. Elle ne s’est accomplie d’une manière radicale qu’en Angleterre… Mais tous les pays d’Europe occidentale parcourent le même mouvement. » Et il concluait : « L’analyse donnée dans Le Capital n’offre donc pas de raisons ni pour ni contre la vitalité de la commune rurale, mais l’étude spéciale que j’en ai faite, et dont j’ai cherché les matériaux dans les sources originales, m’a convaincu que cette commune est le point d’appui de la régénération sociale en Russie, mais, afin qu’elle puisse fonctionner comme tel, il faudrait d’abord éliminer les influences délétères qui l’assaillent de tous les côtés et ensuite lui assurer les conditions normales d’un développement spontané. »

    La lettre de Véra Zassoulitch n’a pas pris Marx au dépourvu. En effet, il étudiait à cette époque plus spécifiquement le problème du communisme primitif et de ses traces et vestiges modernes. Si sa réponse à Véra Zassoulitch tient en une page, Marx a rédigé quinze pages de brouillon, profondément riches de sens, tel ce passage à propos de la dissolution du capitalisme qui se fera « dans une crise qui finira par son élimination, par un retour des sociétés modernes à une forme supérieure d’un type “ archaïque ” de la propriété et de la production collective ». Ce qui indique que le communisme à venir sera bien une reviviscence historique  mais sous une forme supérieure de l’être ensemble des vieilles communautés qui comme chez les Germains affirmaient toujours la prévalence ontologique de la richesse humaine qui ne saurait avoir de prix.

    Si le prolétariat industriel né sur la terre de la conscience subversive du vieux communisme européen est  devenu le seul négatif en acte du capital, il convient simultanément de dire, au travers de la vie sauvage des vieux Germains, Celtes et Grecs étudiés par Marx et Engels ou de la communauté rurale défendue par Véra Zassoulitch, que c’est exclusivement la qualité communiste de l’organisation sociale de l’être ensemble qui détermine la qualité ontologique des rapports de production d’un monde humain. Marx en cette correspondance, établissait un lien théorique et pratique qui, passant par dessus le capitalisme à abattre, réunissait dialectiquement l’organisation communiste ancienne de l’humanité à la contemporanéité du communisme à faire émerger ici et maintenant.

    Le 21 janvier 1882, quelques courts mois avant sa mort, dans sa préface à l’édition russe du Manifeste du parti communiste (le dernier texte publié de son vivant… en quelque sorte son testament…) Marx, revient une dernière fois sur cette question : « Dès lors la question se pose : la commune russe, forme de l’archaïque propriété du sol, pourra-t-elle, alors qu’elle est déjà fortement ébranlée, passer directement à la forme supérieure, à la forme communiste de la propriété privée collective ? ou bien devra-t-elle, au contraire, parcourir auparavant le même processus de dissolution qui caractérise le développement de l’Occident ? Voici la seule réponse que l’on peut faire présentement à cette question : si la révolution russe donne le signal d’une révolution prolétarienne en occident, et que toutes les deux se complètent, l’actuelle propriété collective de Russie pourra servir de point de départ pour la révolution communiste. »

    Après 1917, les communes paysannes russes furent définitivement désagrégées et  l’accumulation primitive du capital mise en œuvre par la classe capitaliste bolchévik détruisit dans la terreur illimitée toute la positivité sociale que Marx y avait mis en évidence en même temps qu’elle extermina tous les groupes ouvriers radicaux qui savaient bien que Lénine et la finance américaine constituaient deux faces d’une seule et même médaille mystifiante. Ce que montre là superbement cette correspondance avec Véra Zassoulitch, c’est que pour Marx le communisme ne consiste pas en une redistribution des biens aliénants de la consommation marchande, mais dans la qualité ontologique de nos rapports humains réels sur l’espace communautaire de l’être ensemble, enfin débarrassé de tout faire valoir.

    Le vieux Marx est – sur le fond du regard au monde – rigoureusement identique au  jeune Marx, il ne fait qu’en fortifier et en systématiser la cohérence révolutionnaire. Le jeune Marx expliquait que l’on ne pouvait concevoir l’avenir de l’humanité que comme la réalisation d’un rêve ancien qui renvoyait au communisme primordial. Le vieux Marx précise ici  la nature historique de ce rêve : par delà la crise finale de la marchandise, la réalisation présente nécessaire, dans une forme enfin accomplie et universelle d’une organisation sociale archaïque qui était demeurée limitée et partielle.

    Cette forme nouvelle qui passe par la dictature anti-étatique du prolétariat où le prolétariat s’abolit lui-même en tant que prolétariat afin d’anéantir le spectacle mondial du despotisme marchand, c’est le fil du temps subversif des hommes qui refusent de devenir des marchandises et qui comme le Jean Cottereau de la bataille d’Entrammes ou l’Eugène Varlin de la Commune de Paris, signalent – par delà toutes leurs différences – l’impérieuse nécessité de (re)venir à la vraie vie, c’est-à-dire à la communauté des seuls besoins de l’être.

    Finalement, le positionnement critique de Marx aboutit à poser les seules questions qui vaillent la peine d’être mise en mouvement : Qu’est-ce qui est intemporellement humain dans le fait historique humain par delà toutes les temporalités rencontrées ? Qu’est-ce qui constitue l’invariant essentiel de l’humanité par rapport aux autres espèces ? Que devons-nous défendre et imposer pour rester humains dans le monde de l’avoir et de l’image qui est justement la négation de l’existence de notre vérité ?

    Ainsi, l’identité ontologique du devenir humain c’est le communisme en tant qu’être générique de l’homme, c’est la réfutation de la liberté du marché qui est l’asservissement de l’homme à ce qui est le plus inhumain. C’est cette détermination d’insuffisance et d’incomplétude – tant que l’être de l’homme n’a pas re-joint l’homme de l’être – qui nous émancipe de l’univers répétitif du monde animal et nous situe dans la proximité sacrale du divin qui n’est pas autre chose que la lumière immanente de l’auto-mouvement du vivre infini. C’est dans cet inachèvement, à dé-limiter, à comprendre et à conduire jusqu’à son parachever, et rien que dans cette situation-là, que se trouve notre spécificité humaine.

    Partout où l’homme est salarié, privé de lui-même, avili et abaissé jusqu’à ne plus être que le contraire de l’être, partout où l’espace de l’agir est réquisitionné par la dictature démocratique de l’inintelligence du bénéfice et où la communication des hommes est inter-rompue par l’illusion et le mensonge de l’accaparer, partout où l’activité est une chose de faux plaisir mais de vraie oppression au lieu d’être une pratique de vraie jouissance, partout où les droits de l’homme affairé aux affaires cherchent à maintenir la vie dans les prisons du théâtre de la monnaie, notre existence reste à affirmer dans sa substance de passion : la communauté révolutionnaire de l’être.

    On comprendra dés lors aisément la phrase de Marx sur la fin de sa vie : « Tout ce que je sais, c’est que moi je ne suis pas marxiste ». Elle vient là marquer que face à l’oligarchie social-démocrate alors en opulence et face à la mafia bolchévik qui en découlerait, la théorie qui démasquait la mystification idéologique de tous les pouvoirs avait été investie et ré-écrite par le pouvoir idéologique de la mystification, c’est à dire en nouvelle justification doctrinale d’un asservissement salarial rénové.

    En 1968, c’est la gauche syndicalo-politique et ses larbins gauchistes qui – en dénaturant, fardant, maquillant, mutilant et truquant Marx à l’infini – n’ont pas arrêté de s’évertuer à faire croire que la libération des mœurs était autre chose que le simple stade suprême de l’impérialisme de l’avoir et du faux, l’étape supérieure de la colonisation du sexe par la libre circulation fétichiste de l’échange et du vide. Ensemble bien qu’en concurrence, gauche molle et gauche dure n’ont ici pas cessé de s’employer à vouloir casser et enfermer les luttes dans une simple modernisation de la prison marchande.

    En 2008, c’est toujours la même chose, Besancenot, petit télégraphiste du MEDEF, et porteur d’eau faussement détracteur des boutiques de la rue de Solférino et de la place du colonel Fabien est bien à l’avant-garde spectaculaire du combat pour la régularisation des sans-papiers afin d’offrir à la classe capitaliste l’armée de réserve soumise et bon marché dont celle-ci a besoin à mesure qu’elle entend se débarrasser des vieilles contestations ouvrières européennes.

    Bref, les héritiers des héritiers de tous les gangs qui parlèrent invariablement d’un Marx allégorique pour mieux cacher la parole radicale du Marx réel demeurent  toujours parfaitement égaux à eux-mêmes. Hier, aujourd’hui et demain, ils sont par essence des organes cohérents de modernisation du spectacle de l’ordre marchand et ils ne visent qu’à encadrer et à saboter tout ce qui pourrait surgir contre les mensonges fondateurs et re-fondateurs de ce qui fait l’abondance tyrannique de la non vie triomphante.

    Contre tous les appareils économico-politiques qui, de l’extrême droite à l’extrême gauche du Capital, ne cessent de faire passer solidairement et complémentairement d’une main à une autre la mécanique de l’en-chaînement des hommes au marché de l’in-humain, le communisme la brisera en les brisant, et en dé-chaînant enfin l’infinie aspiration à la vie communautaire de l’être.

    Comme le mis constamment en évidence Marx, l’être humain est bien la véritable Gemeinwesen (communauté) de l’homme puisque le communisme en tant que vérité de l’être de l’humanité est le seul possible humain pour être ensemble des humains.

    En conclusion et avant tout, le communisme est le mouvement historique, présent au sein même du capitalisme qui continuellement le repousse et l’étouffe, par lequel l’activité humaine devient son être vrai en brisant ses entraves et pour enfin s’épanouir comme sens et essence réalisée d’elle-même.

    Gustave Lefrançais

    http://www.europemaxima.com/la-domination-capitaliste-le-communisme-les-communaux-et-l%e2%80%99emancipation-ontologique-de-l%e2%80%99etre-de-l%e2%80%99homme%e2%80%a6-par-gustave-lefrancais/

  • Fraude fiscale : les données des contribuables bientôt collectées « en masse » par le fisc sur les réseaux sociaux ?

    Dans son projet de loi de finances pour 2020, qui vient d’être déposé au Parlement vendredi, le gouvernement souhaite mettre en place un « aspirateur géant à données personnelles et publiques » dans le cadre de la lute contre la fraude fiscale. En effet, l’article 57 dudit projet doit «autoriser l’administration à collecter en masse» des informations sur les réseaux sociaux, comme Facebook et Twitter, mais aussi sur des sites de vente en ligne comme Le Bon Coin. L’administration traiterait ensuite ces information grâce à un algorithme destiné à améliorer le ciblage des contrôles fiscaux. L’objectif de cette mesure serait notamment de lutter contre les commerçants en ligne non déclarés.

    De son côté, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) se montre réservée sur de telles méthodes dans le cadre de la lutte contre la fraude fiscale.

    Le Figaro

    https://www.tvlibertes.com/actus/reseaux-sociaux-les-donnees-des-contribuables-bientot-collectees-en-masse-par-le-fisc

  • « L’euro est-il en danger se demande Europe 1 ? » L’édito de Charles SANNAT

    euro-coule-naufrage-menace-951x675.jpg

    Mes chères impertinentes, mes chers impertinents,
    « Crise ouverte à la Banque Centrale Européenne : l’euro est-il en danger ? » c’est le titre du dernier édito économique d’Axel de Tarlé sur Europe 1
    Voilà. Nous sommes en 2019. Nous avons créé le MES le mécanisme de stabilité Européen, nous voulions créer un FME un fonds monétaire européen.
    Nous avons fait une « union bancaire »…. avec tout cela vous deviez voir ce que vous alliez voir…
    Sauf que nous sommes en 2019 et que nous y sommes depuis 2009… et depuis 2009 en réalité rien.

    Rien de rien…

    Il ne s’est rien passé.
    Il ne s’est tellement rien passé que Moscovici qui va prochainement quitter ses fonctions de camarade commissaire politique à Bruxelles, nous explique qu’il faut « que la prochaine Commission européenne effectue « un sérieux toilettage » du pacte de stabilité et de croissance, pour permettre à la fois de réduire l’endettement des Etats et favoriser la croissance ». Source AFP ici.
    « Crise ouverte à la Banque Centrale Européenne, les Pays du Nord ne supportent plus la politique de taux négatifs menée par la BCE ».
    Axel de Tarlé part de cette histoire de démission de Sabine LautenSchlager (représentante de l’Allemagne à la Banque Centrale Européenne) et précise qu’il est même très surpris car « le gouverneur de la Banque de France s’est rangé du côté des pays nordiques car cette politique de taux négatifs fragilise nos banques. Dans les banques, il y a beaucoup d’argent, il y a l’épargne des Français. Or, l’argent est taxé avec les taux négatifs ».
    Il faut peut-être dire à notre Axel national que le gouverneur de la Banque de France, n’est autre que l’ancien patron et grand mamamouchi mamamouchant de la BNP Paribas, la plus grande banque française et LE poids lourd européen de la banque !
    Alors les banques il connaît. Il connaît bien le gouverneur.
    Et Axel de Tarlé de conclure « en tous les cas, c’est une vraie crise ouverte au sein de la Banque Centrale Européenne. Les Pays-Bas et l’Autriche sont également vent debout contre les taux négatifs.
    C’est donc un vrai défi pour Christine Lagarde qui va prendre la présidence de la BCE dans un mois. Ça risque de faire des étincelles car elle s’est déjà clairement prononcée en faveur de ces taux négatifs »….« Le risque, si la crise persiste, c’est que se pose à nouveau la question de la pérennité de l’Euro.
    Peut-on avoir la même monnaie avec des pays du nord qui aiment épargner et des pays du sud qui aiment s’endetter ? »
    Et oui mes amis… c’est la quadrature du cercle.
    Rien n’est réglé, car rien n’a été réglé.
    Nous avons fait semblant, les autorités européennes ont fait essentiellement du vent et de la communication.
    Ce qui a permis de maîtriser la situation et de faire croire en la solidité de l’euro, c’est seulement Mario Draghi, c’est uniquement Mario Draghi.
    Quand Mario Draghi dit « l’euro est irréversible, je ferai tout ce qu’il faudra et croyez moi ce sera assez », il dit aux marchés qu’il fera marcher les rotatives quoi qu’il en coûte et que cela plaise ou non à l’Allemagne…
    Depuis nous vivons sur cet acquis.
    Nous vivons sur cette affirmation de Mario Draghi, une affirmation qui a trouvé une matérialisation dans les QE (les rachats d’obligations pour faire baisser les taux) et dans les taux directeurs négatifs.
    Pour tout le reste ?
    Rien.
    Rien n’a changé en Europe.

    Les fragilités et les incohérences économiques de la zone euro sont toujours les mêmes.

    Si demain la BCE cesse de colmater les brèches d’une monnaie unique qui prend l’eau de toute part, le roi européen apparaîtra pour ce qu’il est à savoir nu !
    Axel de Tarlé pose donc une question que nous n’aurions jamais du cesser de poser sur la viabilité de l’euro entre des économies totalement hétérogènes.
    Sans union de transfert, c’est-à-dire si les « riches » ne payent pas pour les pauvres alors, il ne peut pas y avoir d’euro viable.
    Si l’euro ne peut pas être viable et que les pays européens ne sont pas capables de se mettre d’accord sur les moyens de le rendre viable alors l’euro cessera d’exister.
    Il est d’ailleurs assez remarquable de constater qu’à partir du moment où la situation économique commence à nouveau à se tendre, le sujet de l’euro revient sur le devant de la scène.
    L’euro est tellement fragile qu’il sera systématiquement remis en question à chaque crise, récession, ou difficulté économique.
    C’est donc 10 ans après toujours le même sujet… soit plus d’Europe et le grand saut fédéral soit plus d’Europe du tout et le retour aux monnaies nationales.


    Il est déjà trop tard, mais tout n’est pas perdu. Préparez-vous !
    Charles SANNAT
    http://by-jipp.blogspot.com/2019/10/leuro-est-il-en-danger-se-demande.html
  • L’Allemagne fabrique une génération de pauvres

    Les causes sont multiples et diffèrent en fonction des pays, mais la disparition progressive des classes moyennes dans les économies ultralibérales au profit d’armées de pauvres et de quelques « très fortunés », s’accélèrent. Si des politiques de gauche réclament un « revenu universel » afin d’assurer au peuple quelques subsides,  c’est également une idée défendue par beaucoup de libéraux – notamment américains – qui espèrent en contrepartie supprimer des aides sociales, baisser les salaires et empêcher des révoltes.

    Trouvé sur la Tribune de Genève : « Les bas salaires progressent fortement en Allemagne. Plus d’un retraité sur cinq vivra sous le seuil de pauvreté dans 20 ans.

    Malgré la pauvreté qui augmente chez les personnes âgées, l’Allemagne n’a toujours pas engagé une réforme de fond de son système de retraite par répartition. Plus les années passent, plus le nombre de retraités qui vivent dans la précarité progresse. Selon le dernier rapport de l’Institut de conjoncture à Berlin (DIW), plus d’un retraité sur cinq (21,6%) vivra sous le seuil de pauvreté dans vingt ans, contre 16% aujourd’hui.

    Ces chiffres sont d’autant plus alarmants qu’ils sont calculés avec l’hypothèse d’une économie évoluant «positivement». «Le fond du problème n’a pas été réglé», constate Johannes Geyer, l’auteur de l’étude. «Les ajustements, comme une meilleure prise en compte du congé maternité ou la retraite à 63 ans à partir de quarante-cinq ans de cotisations, n’apportent rien de significatif sur le fond. Ce ne sont que des réformes cosmétiques», poursuit l’expert du DIW.

    Glaner pour survivre

    «Les retraités glanent aujourd’hui des bouteilles consignées pour arrondir leurs fins de mois. Ils n’ont plus honte», déplore Sabine Werth, directrice de la soupe populaire de Berlin. «Le développement du secteur des bas salaires décidé par le gouvernement social-démocrate de Gerhard Schröder (ndlr: dans les années 2000) a été une catastrophe. Les retraités sont de plus en plus nombreux à venir chez nous», insiste la bénévole.

    Selon le DIW, l’Allemagne compte 6,5 millions de contrats en «minijob», qui permettent une dispense partielle des cotisations sociales. Or, 4,5 millions de ces derniers sont considérés comme l’emploi principal des gens concernés, et non pas, comme le voulait l’idée de départ, un job d’appoint. «Tous ces gens seront dans des situations de précarité quand ils arriveront à la retraite», prévient Sabine Werth.

    «Les retraités d’aujourd’hui ont également une biographie complètement différente de leurs aînés. Ils n’ont pas accumulé autant de trimestres – ou points – parce que le marché du travail s’est transformé. Ils comptent plus de périodes de rupture (chômage, formation, etc.) et ont moins cotisé», ajoute Johannes Geyer.

    La grande coalition d’Angela Merkel, une alliance entre conservateurs (CSU/CDU) et sociaux-démocrates (SPD), a tenté une réforme des retraites pour anticiper cette pauvreté de masse. L’objectif est la stabilisation d’ici à 2045 du niveau des pensions à 46% des revenus nets (contre 48% aujourd’hui) et un financement des déficits par l’impôt (4,5 milliards d’euros à partir de 2030 et 8 milliards en 2040). L’âge légal de la retraite va passer progressivement de 65 à 67 ans. Cette réforme a prévu aussi des cotisations retraites obligatoires pour les travailleurs indépendants.

    En 2018, 100 actifs en Allemagne finançaient les retraites de 31 personnes de plus de 67 ans. Avec l’arrivée des «baby-boomers» (pic de natalité de la fin des années 60), ce sera en 2038 pratiquement deux actifs pour un retraité (100 pour 47).

    Cotisations trop faibles

    L’introduction en 2015 du salaire minimum (8 euros 50 de l’heure) n’a pas réglé le problème. Les cotisations restent trop faibles. «Il faudrait être payé au moins 14 euros de l’heure. Un tiers de la population active est en dessous de ce barème», remarque Ulrich Schneider, président de l’Union des associations caritatives d’Allemagne.

    Pour freiner les effets pervers du système, le gouvernement prépare un projet de loi sur une retraite minimum accordée à ceux qui ont cotisé au moins trente-cinq ans. «Mais elle concernera surtout les classes moyennes. Elle ne permettra pas de lutter contre la pauvreté. Ceux qui n’ont pas cotisé cette durée resteront à l’aide sociale, qui est très faible, comme les chômeurs de longue durée, les travailleurs indépendants, qui n’ont pas d’obligation de cotiser, et les étrangers qui sont arrivés tard dans le pays», poursuit l’expert.

    Le phénomène devrait s’amplifier avec l’arrivée à l’âge de la retraite des chômeurs de longue durée est-allemands qui n’ont jamais retrouvé de travail après la réunification. «Aucune catégorie de la population n’est autant concernée par la précarité», estime Ulrich Schneider. «Avec eux, la pauvreté des retraités va exploser dans les vingt prochaines années», ajoute-t-il. C’est également la conclusion du rapport du DIW. »

    http://www.contre-info.com/lallemagne-fabrique-une-generation-de-pauvres#more-59511

  • Dans une plongée au cœur de la gabegie, Jean-Baptiste Léon dresse un inventaire hallucinant des pires gaspillages payés par l’argent des Français.

    Des trains sans voyageurs, des musées sans visiteurs, des routes qui ne mènent nulle part…
    Jean-Baptiste Leon, directeur des publications de Contribuables Associés, édite Le livre noir des gaspillages 2019.
    Un ouvrage pour dénoncer les records français en termes de dépenses publiques, une gabegie financée par une fiscalité confiscatoire et depuis trop longtemps.
    Retrouvez cet enquêteur sur le plateau de TV Libertés.
     
    Voici la présentation du livre par Contribuables associés : La France bat des records en termes de dépenses publiques.
    Nos impôts, qui les financent, atteignent des taux confiscatoires car l’argent public est trop souvent jeté par les fenêtres.
    Trains sans voyageurs, musées sans visiteurs, « oeuvres d’art » ineptes sur les ronds-points, ponts ou routes qui ne mènent nulle part, bâtiments surdimensionnés, privilèges exorbitants des hauts fonctionnaires ou des anciens présidents de la République.
    Effectifs pléthoriques, sinécures dans l’administration et les collectivités locales, ou encore projets pharaoniques qui font flop…
    Ce Livre noir dresse le tableau de 100 gaspillages emblématiques.
    Ils ont coûté des milliards d’euros aux Français.
    Vous apprendrez notamment que les agents de l’Assemblée nationale sont mieux payés que les députés, que les ministères adorent les logiciels fous au coût sidérant, que beaucoup de fonctionnaires font moins de 35 heures sans réelle justification.
    Vous constaterez que le Conseil économique, social et environnemental est un excellent fromage où se réfugient recasés de la politique et du syndicalisme.
    Vous découvrirez qu’un Conseil régional finance la réinsertion d’anciens guérilleros colombiens.
    Et bien d’autres scandales encore…
    Ces gaspillages petits ou grands, du coin de la rue ou des palais de la République, tiennent pour certains du pittoresque, mais ils sont tous révoltants.
    Enquête au coeur de la gabegie, du clientélisme et de l’incompétence.


    Commandez Le Livre noir des gaspillages de l’argent public sur notre boutique en ligne sécurisée – 100 pages en couleur, infographies et dessins de Miège et Trez – 15 euros frais de port offerts en cliquant ici.
    Photos DR et CC via Flickr de Peter Linke
    juin 27, 2019 la-france-rebelle

  • La droite et le libéralisme par Pierre LE VIGAN

    Maurras rappelle une réticence classique des droites vis-à-vis du libéralisme quand il énonce : « la liberté de qui ? la liberté de quoi ? c’est la question qui est posée depuis cent cinquante ans au libéralisme. Il n’a jamais pu y répondre » (Maurras, Dictionnaire politique et critique, 1938). Pour comprendre cette réticence, il faut remonter aux origines de la droite.

    Août – septembre 1789 : à l’occasion du débat constitutionnel, les partisans du veto absolu (et non suspensif) du roi se situent à droite de l’assemblée. À gauche se placent les partisans d’un pouvoir royal faible. Dans le même temps, une partie des droites se prononce en faveur d’une constitution à l’anglaise fondée sur le bicaméralisme. De quoi s’agit-il ? Exactement de deux rapports très différents au libéralisme, et qui concernent dés l’origine les familles politiques qui se situent « à droite ». Être partisan d’un veto royal absolu signifie refuser l’autorité venue « d’en bas », c’est-à-dire du Parlement. C’est, d’emblée, défendre une conception transcendante du pouvoir, et considérer, avec Joseph de Maistre, qu’on ne peut « fonder l’État sur le décompte des volontés individuelles ». À l’inverse, être partisan du bicaméralisme signifie se méfier du peuple tout autant que du pouvoir. Tout en ayant comme point commun l’opposition à la toute-puissance de l’Assemblée constituante, ce sont là deux façons très différentes d’être « à droite ». Le paysage se complique plus encore en prenant en compte les arrière-pensées de chaque position.

    Si le bicaméralisme est l’expression constitutionnelle assez claire d’un souci d’alliance ou de compromis entre la bourgeoisie montante et l’aristocratie déclinante, par contre, la revendication d’un pouvoir royal fort peut – et c’est une constante de l’histoire des familles politiques de droite – se faire en fonction de préoccupations non seulement différentes mais contradictoires : s’agit-il de donner au roi les moyens de liquider au profit de la bourgeoisie les pouvoirs nobiliaires qui s’incarnaient dans les anciens parlements, ou au contraire s’agit-il de pousser le roi à s’arc-bouter sur la défense de ces privilèges nobiliaires, ou bien encore de nouer une nouvelle alliance entre roi et  peuple contre la montée de la bourgeoisie ? De même, le bicaméralisme a pour préoccupation d’affaiblir le camp des « patriotes » (c’est-à-dire de la gauche), et rencontre donc des soutiens « à droite ». Pour autant, est-il « de droite » dans la mesure où il relève d’une  méfiance devant tout principe d’autorité ? En tant que moyen d’empêcher la toute-puissance de l’Assemblée constituante, ne relève-t-il pas indiscutablement du libéralisme, c’est-à-dire d’une attitude moderne qu’exècrent une grande partie des droites ?

    Cette attitude moderne a ses racines, comme l’a bien vu Benjamin Constant, dans un sens différent de la liberté chez les Anciens et les Modernes. Le bonheur étant passé dans le domaine privé, et étant, sous cette forme, devenu « une idée neuve en Europe » (Saint-Just), la politique moderne consiste à ne pas tout attendre de l’action collective. La souveraineté doit ainsi être limitée, ce qui va plus loin que la simple séparation des pouvoirs. « Vous avez beau diviser les pouvoirs : si la somme totale du pouvoir est illimitée, les pouvoirs divisés n’ont qu’à former une coalition et le despotisme est sans remède » (Benjamin Constant). Tel est le principe de fond du libéralisme : la séparation tranchée des sphères privées et publiques. Conséquence : la crainte du pouvoir en soi. Car dans le même temps, la désacralisation du monde aboutit à ce que chacun estime – comme l’avait vu Tocqueville, avoir « un droit absolu sur lui-même », par déficit de sentiment de  participation à la totalité du monde. En sorte que la volonté souveraine ne peut sortir que de « l’union des volontés de tous ». La réunion des conditions d’une telle unanimité étant à l’évidence difficile, – ou dangereuse – le libéralisme y supplée en affirmant le caractère « naturel » – et par là indécidable – de toute une sphère de la vie sociale : la sphère économique, celle de la production et reproduction des conditions de la vie matérielle. Rien de moins.

    Un tel point de vue par rapport à l’économie et aux rapports de travail dans la société n’est caractéristique que de l’une des droites – une droite qui n’est pas « née » à droite mais qui a évolué vers le freinage d’un mouvement qu’elle avait elle-même contribué à engendrer. C’est en quelque sorte la droite selon le « droit du sol » contre la droite selon le « droit du sang ». Relève de la première l’homme politique et historien François Guizot, valorisant la marche vers le libéralisme avant 1789, mais cherchant à l’arrêter à cette date. C’est la droite orléaniste. Les autres droites, celles qui le sont par principe – et parce qu’elles croient aux principes  – prônent l’intervention dans le domaine économique et social. « Quant à l’économie, on ne saurait trop souligner combien le développement d’une pensée sociale en France doit à la droite, remarque François Ewald. […] Il ne faut pas oublier que les premiers critiques de l’économie bourgeoise et des méfaits du capitalisme ont été des figures de droite (Villeneuve de Barjemont, Sismonde de Sismondi) (1). »

    Cette critique des sociétés libérales par certaines droites n’est pas de circonstance. Elle s’effectue au nom d’une autre vision  de l’homme et de la société que celle des libéraux. « Il y a une sociologie de droite, précise encore François Ewald, peut-être occultée par la tradition durkheimienne, dont Frédéric Le Play est sans doute avec Gabriel de Tarde le représentant le plus intéressant ». La pensée anti-libérale de droite est, de fait, jalonnée par un certain nombre d’acteurs et de penseurs importants. Joseph de Maistre et Louis de Bonald voient dans l’irréligion, le libéralisme, la démocratie des produits de l’individualisme. Le catholique Bûchez (1796 – 1865), pour sa part,  défend les idées de l’association ouvrière par le biais du journal L’Atelier. Le Play, de son côté, critique « les faux dogmes de 1789 » : la perfection originelle de l’homme (qui devrait donc être restaurée), sa liberté systématique, l’aspiration à l’égalité comme droit perpétuel à la révolte. La Tour du Pin, disciple de Le Play, critique la séparation (le « partage ») du pouvoir, considérant que celui-ci doit s’incarner dans un prince, mais propose la limitation du pouvoir et la consultation de la société (civile) notamment par la représentation corporative : le refus du libéralisme n’équivaut pas à une adhésion automatique à l’autoritarisme.

    Par contre, le refus d’une société réduite à des atomes individuels est une constante de la pensée de droite, de l’école contre-révolutionnaire aux divers traditionalismes. Maurras a défendu l’idée, dans ses Réflexions sur la révolution de 1789, que la loi Le Chapelier interdisant l’organisation des travailleurs était un des actes les plus néfastes de la Révolution. Il établit un lien entre celle-ci et le libéralisme pour, tous les deux, les condamner. « L’histoire des travailleurs au XIXe siècle, écrit Maurras, se caractérise par une ardente réaction du travailleur en tant que personne à l’encontre de son isolement en tant qu’« individu », isolement imposé par la Révolution et maintenu par le libéralisme (2). » Thierry Maulnier résumait de son côté l’opinion d’une Jeune Droite composante essentielle des « non-conformistes de années Trente » en écrivant : « Il devait être réservé à la société de structure libérale d’imposer à une catégorie d’individus un mode de dépendance qui tendait, non à les attacher à la société, mais à les en exclure (3) ».

    L’Espagnol José Antonio Primo de Rivera formulait un point de vue largement répandu dans la droite française extra-parlementaire quand il évoquait, en 1933, la signification du libéralisme économique. « L’État libéral est venu nous offrir l’esclavage économique, en disant aux ouvriers : vous êtes libres de travailler; personne ne vous oblige à accepter telle ou telle condition. Puisque nous sommes les riches, nous vous offrons les conditions qui nous conviennent; en tant que citoyens libres, vous n’êtes pas obligés de les accepter; mais en tant que citoyens pauvres, si vous ne les acceptez pas, vous mourrez de faim, entourés, bien sûr, de la plus haute dignité libérale. »

    Les critiques à l’égard du libéralisme énoncées par une partie des droites sont parallèles à celles énoncées d’un point de vue catholique par Louis Veuillot, puis par René de La Tour du Pin et Albert de Mun, promoteurs des Cercles catholiques d’ouvriers, qui furent confortés par l’encyclique Rerum Novarum (1891), mais dont les positions annonçaient avec cinquante ans d’avance celles de Divini Redemptoris (1937). C’est à ce moment que se met en forme, à droite (avec Thierry Maulnier, Jean-Pierre Maxence, Robert Francis, etc.), une critique du productivisme complémentaire de la critique du libéralisme. La Jeune Droite rejoignait sur ce point la critique d’auteurs plus inclassables (Drieu La Rochelle, Robert Aron, Arnaud Dandieu, …).

    Si l’anti-productivisme, comme l’anti-économisme (celui par exemple de la « Nouvelle Droite » du dernier quart du XXe siècle) apparaissent par éclipse à droite, la condamnation du libéralisme est le noyau commun de la pensée de droite. Caractéristique dans sa banalité droitière même est le propos de Pierre Chateau-Jobert : « Le libéralisme, écrit-il, […] a pris la liberté pour seule règle. Mais pratiquement, c’est le plus fort, ou le moins scrupuleux, ou le plus riche, qui est le plus “ libre ”, puisqu’il a le plus de moyens (4) ». Droitiste d’une envergure plus considérable, Maurice Bardèche ira jusqu’à déclarer que, comme Jean-Paul Sartre, il « préfère la justice à la liberté ».

    Cette conception de la liberté comme toujours subordonnée à d’autres impératifs explique que la droite soit à l’origine de nombreuses propositions sociales. En 1882, Mgr Freppel demande la création de retraites ouvrières. En 1886, Albert de Mun propose la limitation de la journée de travail à dix heures et, en 1891, demande la limitation du travail des femmes et des enfants. En 1895, le même de Mun demande que soit reconnue aux syndicats la possibilité de posséder de biens à usage collectif. En 1913, Jean Lerolle réclame l’instauration d’un salaire minimum pour les ouvrières à domicile (5).

    Les projets de réorganisation des rapports sociaux de Vichy (la Charte du travail soutenue par nombre de syndicalistes) comportent  de même des aspects socialement protecteurs. Enfin, la difficulté de réaliser des transformations sociales qu’a montré l’expérience de gauche de 1981 à 1983 permet de réévaluer les projets de participation et de « troisième voie » du Général de Gaulle et de certains de ses soutiens venus de la droite radicale comme Jacques Debu-Bridel, d’ailleurs anciens du Faisceau de Georges Valois.

    La critique du libéralisme par la droite – hormis le courant orléaniste -, concerne tout autant l’économie que le politique. Le parlementarisme, expression concrète du libéralisme politique selon la droite est, jusqu’à l’avènement de la Ve République, accusé de fragmenter l’expression de la souveraineté nationale, et de la soumettre aux groupes de pression. Pour Barrès, « le parlementarisme aboutit en fait à la constitution d’une oligarchie élective qui confisque la souveraineté de la nation ». D’où sa préférence pour le plébiscite comme « idée centrale constitutive » : « le plébiscite reconstitue cette souveraineté parce qu’il lui donne un mode d’expression simple, le seul dont elle puisse s’accompagner ».

    De son côté, Déroulède précise : « Vouloir arracher la République au joug des parlementaires, ce n’est pas vouloir la renverser, c’est vouloir tout au contraire instaurer la démocratie véritable ». Péguy, pour sa part, dénonce en 1902 le parlementarisme comme une « maladie ». Trente années plus tard, André Tardieu (1876 – 1945), chef d’une droite modernisatrice de 1929 à 1936, créateur des assurances sociales, député de Belfort (ville se dotant souvent de députés originaux), auteur de La révolution à refaire voit dans le parlementarisme « l’ennemi de la France éternelle ». Dans un contexte singulièrement aggravé, et énonçant le point de vue de la « Révolution nationale », Charles-Emmanuel Dufourcq, dans Les redressements français (6) concentre aussi ses attaques contre le parlementarisme et l’autorité « venue d’en-bas » comme causes, tout au long de l’histoire de France, des affaiblissements dont le pays n’est sorti que par le recours à l’autorité indiscutée d’un roi, d’un Napoléon ou d’un Pétain. Il manifestait ainsi une remarquable continuité – ou une étonnante absence d’imagination selon le point de vue – avec les tendances théocratiques de la Contre-Révolution.

    En revanche, plus marginaux sont les secteurs de la droite qui se sont sentis concernés par la critique du parlementarisme effectuée par le juriste Carré de Malberg, qui inspirera René Capitant et les rédacteurs de la Constitution de 1958.  Dès le XIXe siècle, aussi bien la droite dans ses composantes non-orléanistes que la gauche des démocrates et des socialistes – de Ledru-Rollin à Proudhon – sont en porte à faux par rapports aux mythes fondateurs de la modernité française. « L’objectif de 1789 […] consiste, indique Pierre Rosanvallon, à démocratiser, “ politiquement ”, le système politique, qui est d’essence absolutiste, et à libéraliser, “ sociologiquement ”, la structure sociale, qui est d’essence féodale (7) ».

    La difficulté du processus tient dans sa simultanéité (et c’est la différence avec l’Angleterre). D’un côté, la gauche socialiste veut « républicaniser la propriété » (Jules Guesde), de l’autre, une certaine droite met en cause « les responsabilités des dynasties bourgeoises » (Emmanuel Beau de Loménie) et le libéralisme qui les a laissé prendre tant de place. Rien d’étonnant à ce que des convergences apparaissent parfois (le Cercle Proudhon avant 1914, les planistes et « non-conformistes des années Trente », le groupe Patrie et Progrès au début de la Ve République, …).

    En effet, pour toute la période qui va du milieu du XIXe siècle à nos jours, la distinction proposée par René Rémond en 1954 entre trois droites, légitimiste, orléaniste, bonapartiste, apparaît peu adaptée. D’une part, l’appartenance du bonapartisme à la droite est très problématique : c’est un centrisme césarien. D’autre part, l’orléanisme est écartelé dès son origine entre conservatisme et libéralisme : conservatisme dont François Guizot est une figure centrale, qualifiée par Francis-Paul Benoît de « conservateur immobile, donc non libéral (8) », le libéralisme étant représenté, plus que par les économistes « classiques », par les saint-simoniens modernistes ralliés à Napoléon III.

    À partir de 1870, le clivage qui s’établit, « à droite », oppose, plutôt que les trois droites de la typologie de René Rémond, une droite radicale (radicalement de droite, et non conjoncturellement radicalisée), voire une « droite révolutionnaire » (Zeev Sternhell) en gestation, et une droite libérale-conservatrice. L’organisation d’une « droite » libérale au plan économique, conservatrice au plan politique est en effet ce qui permet après le Second Empire le passage, sinon sans heurts, du moins sans révolutions de la France dans l’univers bourgeois et capitaliste. C’est à l’évidence à cette droite que pensait un jour François Mitterrand disant : « la droite n’a pas d’idées, elle n’a que des intérêts ». C’est la droite comme la désigne désormais le sens commun.

    Entre la droite révolutionnaire (forme extrême de la droite radicale) et la droite libérale (qui n’est conservatrice que dans la mesure où un certain conservatisme, notamment moral, est le moyen de faire accepter le libéralisme), la vision de la politique est toute différente. Du point de vue libéral, dans la mesure où la souveraineté ne peut venir que du consensus, le champ de la « naturalité » économique et sociale doit être étendu le plus possible. À la suite des penseurs libéraux français comme Bastiat, Hayek affirme que « le contrôle conscient n’est possible que dans les domaines où il est vraiment possible de se mettre d’accord » (ils ne sont évidemment pas très nombreux).

    Tout autre est l’attitude du radicalisme de droite (appelé souvent « extrême droite » avec de forts risques de contresens). Jean-François Sirinelli, coordinateur d’une Histoire des droites en France (9), remarque que « l’extrême droite aspire rien moins qu’à un état fusionnel de la politique ». Certes. En d’autres termes, elle aspire à retrouver – ou à inventer – un critère d’indiscutabilité du principe d’autorité, et du lien social lui-même. Conséquence : cette droite radicale tend à ne pas décliner son identité comme celle d’une droite, s’affirmant « ni de droite, ni de gauche » (Barrès, Valois, Bertrand de Jouvenel, Doriot, les hommes des Équipes d’Uriage, le Jean-Gilles Malliarakis des années 80, …), ou encore « simultanément de droite et de gauche » (la « Nouvelle Droite »).

    La difficulté de caractériser la droite par des idées à amener certains analystes comme Alain-Gérard Slama à essayer de la définir par un tempérament. Celui-ci consisterait, selon Slama, dans la recherche du compromis. Cette hypothèse ne fait que souligner l’existence de deux droites, une droite libérale, et la droite radicale, que presque tout oppose. Si la première recherche effectivement les accommodements, la droite radicale se caractérise plutôt par la recherche d’un dépassement synthétique des contradictions du monde moderne. À divers égards, sous des formes et à des niveaux très différents, c’est ce qui rassemble Le Play, Péguy, Bernanos, Drieu la Rochelle, Charles de Gaulle. Dépassement des contradictions de la modernité : vaste programme… que ces hommes – pas toujours « à droite », mais sans doute « de droite » – n’ont jamais envisagé de mettre en œuvre par des moyens par principe libéraux.

    Pierre Le Vigan

    Notes

    1 : François Ewald, Le Magazine littéraire, « La droite. Idéologies et littérature », décembre 1992.

    2 : cité dans Thomas Molnar, La Contre-Révolution, La Table Ronde, 1981.

    3 : Thierry Maulnier, Au-delà du nationalisme, Gallimard, 1938, p. 153.

    4 : Pierre Chateau-Jobert, Manifeste politique et social, Diffusion de la pensée française, 1973.

    5 : Cf. Charles Berrias et Michel Toda, Enquête sur l’histoire, n° 6, 1992, p. 13.

    6 : Charles-Emmanuel Dufourcq, Les redressements français, Lardanchet, 1943.

    7 : François Furet, Jacques Julliard, Pierre Rosanvallon, La République du centre. La fin de l’exception française, Calmann-Lévy, 1988.

    8 : Francis-Paul Benoît, Les idéologies politiques modernes. Le temps de Hegel, P.U.F., 1980, p. 314.

    9 : cf. Histoire des droites en France, Gallimard, trois volumes, 1992.

    • Le présent article, remanié pour Europe Maxima, est paru dans Arnaud Guyot-Jeannin (sous la direction de), Aux sources de la droite, L’Âge d’Homme, 2000.

    http://www.europemaxima.com/la-droite-et-le-liberalisme-par-pierre-le-vigan/

  • La Russie dit adieu au dollar ? – Politique-Eco avec O. Delamarche et P. Béchade

    Olivier Delamarche et Philippe Béchade du think-tank « Les Econoclastes » étaient les invités de l’association Dialogue franco-russe pour donner une conférence intitulée « Dédollarisation : Jusqu’où la Russie peut-elle se passer de l’actif le plus liquide au monde ? ». Ils ont répondu aux questions de Pierre Bergerault.

    https://www.tvlibertes.com/la-russie-dit-adieu-au-dollar-politique-eco-avec-o-delamarche-et-p-bechade

  • Épargne retraite, factures, gaz, ascenseurs obligatoires: Tout ce qui change au 1er octobre

    tas-de-différents-euro-billets-de-banque-48672794.jpgAu 1er octobre, les tarifs réglementés du gaz baissent de 2,4%. Quatre millions de foyers sont concernés. Trois nouveaux produits d'épargne retraite sont lancés. Les ascenseurs seront obligatoires dans les immeubles neufs de plus de trois étages.

    Voici quelques changements qui vont intervenir dans la vie des Français à partir du 1er octobre.

    https://www.peupledefrance.com/2019/09/tout-ce-qui-change-1er-octobre.html#more

  • Économie : pour le Système, tout va très bien, mais ça va très mal finir !

    800px-wall_street_sign-800x475.jpg

    Une crise des liquidités tout à fait semblable à celle de 2008 sur un marché monétaire interbancaire bloqué, suite à la crise des crédits hypothécaires subprime, est apparue pour la première fois, le mardi 17 septembre 2019, à Wall Street. La Fed, qui se veut rassurante et invoque des raisons techniques, a dû injecter, en quatre jours, 278 milliards de dollars pour rassurer les marchés et faire retomber le taux d’intérêt, qui était monté jusqu’à 10 %. Selon certaines rumeurs, la Fed pourrait être amenée à augmenter de nouveau la taille de son bilan de 400 milliards de dollars.

    Mais le plus préoccupant, c’est que, selon la BRI, des crédits très risqués (leveraged loans), pourris (junk), à des entreprises zombies atteignent aujourd’hui 1.200 milliards de dollars aux États-Unis et 200 milliards de dollars en Europe. Tout comme les crédits hypothécaires subprime aux particuliers avant 2007 avaient été découpés en tranches et intégrés dans des titres financiers « CDO » (collateralized debt obligations), les crédits très risqués aux entreprises ont été découpés en tranches et intégrés dans des titres financiers appelés « CLO » (collateralized loan obligations). Bref, rebelote, les crédits très risqués aux entreprises, en 2019, ont remplacé les crédits hypothécaires subprime très risqués aux particuliers, tandis que les titres financiers « CLO » de 2019 ont remplacé les titres financiers « CDO » de 2008.

    Un grand nombre de fonds (Stifel Financial) et quelques banques (Bank of California) possèdent, aujourd’hui, ces actifs illiquides et risqués pour des montants élevés dans leurs portefeuilles et se trouveront en difficulté si les investisseurs veulent retirer leur argent. Fitch Ratings, la BCE et la BRI ont reconnu le problème de ces crédits très risqués, tandis que la Fed se fait au contraire très discrète et noie le poisson, afin d’éviter la panique.

    La situation économique réelle des États-Unis ne correspond en rien à l’image médiatique répandue dans le monde. Le chômage est à un niveau minimum de 8-10 %, selon Béatrice Mathieu, la rédactrice en chef de L’Express, très loin du plein-emploi tant vanté. La dette globale de 72.000 milliards de dollars des États-Unis ne sera jamais remboursée car elle a été gaspillée dans des achats de biens de consommation et des rachats d’actions au lieu d’investissements réels dans les entreprises. La dette des particuliers américains (crédits hypothécaires, cartes de crédit, dépenses médicales, achat de voiture, crédits étudiants) s’élève à 13.500 milliards de dollars, soit 1.000 milliards de plus qu’en 2008. 54 % des États américains sont en quasi-faillite avec une classification D ou F, les dépenses pour les futures retraites n’étant pas provisionnées. Les fonds d’investissement, les assurances et les banques sont assis, aux États-Unis, sur une bombe à retardement.

    La BCE vit un psychodrame, les Allemands étant fous furieux des taux bas et de la relance à venir du « QE » par Draghi ! Sabine Lautenschläger, membre éminent du directoire de la BCE, a donné sa démission, le jeudi 26 septembre, deux ans avant l’expiration de son mandat. Les Allemands ont déjà connu les effets de la planche à billets en 1923, ne veulent pas entendre parler de la stupide théorie monétaire moderne et prétendent que la situation actuelle n’est pas supportable à long terme. Il n’y a, en fait, que trois pays sérieux, en zone euro : l’Autriche, les Pays-Bas et l’Allemagne.

    La France de Macron devient celle de Hollande. Elle ne taille pas dans les dépenses publiques, ne baisse pas les effectifs de la fonction publique, ne s’attaque pas au déficit structurel et s’endette car l’argent ne coûte plus rien, avec un taux de dette publique (2.400 milliards d’euros) de 99,5 % du PIB. Si les taux remontent, c’est la banqueroute immédiate.

    La volatilité augmente sur les Bourses avec des cours artificiellement gonflés par les taux d’intérêt au plus bas et les flux de liquidités des banques centrales, tandis qu’une lente et progressive euthanasie des épargnants avec des fonds en euros rémunérés d’une façon ridicule a déjà commencé dans l’assurance-vie (1.700 milliards d’euros, soit un peu moins que la dette française).

    Depuis 2011, les banques centrales ne vendent plus mais achètent de l’or (Chine et Russie, plus particulièrement) ; elles ont rétabli le métal jaune, le 29 mars 2019, comme un actif de classe 1 sans risque (« tier 1 »), sachant qu’il sera, à terme, le seul survivant.

    Marc Rousset

    https://www.bvoltaire.fr/economie-pour-le-systeme-tout-va-tres-bien-mais-ca-va-tres-mal-finir/

  • Emmanuel Macron pas étranger au scandale de la vente d’Alstom aux Américains

    7772680574_le-siege-d-alstom-a-levallois-perret-pres-de-paris-en-avril-2014.jpg

    La vente à l’Américain General Electric d’Alstom relève du scandale d’Etat. Tous les protagonistes se sont goinfrés. Il aura fallu le livre d’un cadre d’Alstom, Frédéric Pierrucci, littéralement pris en otage par la justice américaine et emprisonné dans des conditions dantesques, pour que le grand public comprenne que le PDG d’Alstom, Patrick Kron, avait bradé un fleuron industriel français pour s’épargner de fâcheux ennuis. Mais il n’était pas seul décisionnaire. Les personnages de ce vaudeville pathétique où la France a perdu gros ont tous la caractéristique d’y avoir largement gagné. Et d’avoir pu se féliciter des choix du ministre de l’Economie de l’époque, un certain… Emmanuel Macron. Et c’est ça qui nous gouverne aujourd’hui.

    L’hebdomadaire Marianne a enquêté. Edifiant.

    http://synthesenationale.hautetfort.com/