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entretiens et videos - Page 853

  • Ernst Jünger et la révolution conservatrice

    Pauline Lecomte : Vous avez publié naguère une biographie intellectuelle consacrée à Ernst Jünger, figure énigmatique et capitale du XXe siècle en Europe. Avant de se faire connaître par ses livres, dont on sait le rayonnement, cet écrivain majeur fut un très jeune et très héroïque combattant de la Grande Guerre, puis une figure importante de la "révolution conservatrice". Comment avez-vous découvert l’œuvre d'Ernst Jünger ?

    Dominique Venner : C'est une longue histoire. Voici longtemps, quand j'écrivais la première version de mon livre Baltikum, consacré à l'aventure des corps-francs allemands, pour moi les braises de l'époque précédente étaient encore chaudes. Les passions nées de la guerre d'Algérie, les années dangereuses et les rêves fous, tout cela bougeait encore. En ce temps-là, un autre écrivain allemand parlait à mon imagination mieux que Jünger. C'était Ernst von Salomon. Il me semblait une sorte de frère aîné. Traqué par la police, j'avais lu ses Réprouvés tout en imaginant des projets téméraires. Ce fut une révélation. Ce qu'exprimait ce livre de révolte et de fureur, je le vivais : les armes, les espérances, les complots ratés, la prison... Ersnt Jünger n'avait pas connu de telles aventures. Jeune officier héroïque de la Grande Guerre, quatorze fois blessé, grande figure intellectuelle de la "révolution conservatrice", assez vite opposé à Hitler, il avait adopté ensuite une posture contemplative. Il ne fut jamais un rebelle à la façon d'Ernst von Salomon. Il a lui-même reconnu dans son Journal, qu'il n'avait aucune disposition pour un tel rôle, ajoutant très lucidement que le soldat le plus courageux - il parlait de lui - tremble dans sa culotte quand il sort des règles établies, faisant le plus souvent un piètre révolutionnaire. Le courage militaire, légitimé et honoré par la société, n'a rien de commun avec le courage politique d'un opposant radical. Celui-ci doit s'armer moralement contre la réprobation générale, trouver en lui seul ses propres justifications, supporter d'un cœur ferme les pires avanies, la répression, l'isolement. Tout cela je l'avais connu à mon heure. Cette expérience, assortie du spectacle de grandes infamies, a contribué à ma formation d'historien. A l'époque, j'avais pourtant commencé de lire certains livres de Jünger, attiré par la beauté de leur style métallique et phosphorescent. Par la suite, à mesure que je m'écartais des aventures politiques, je me suis éloigné d'Ernst von Salomon, me rapprochant de Jünger. Il répondait mieux à mes nouvelles attentes. J'ai donc entrepris de le lire attentivement, et j'ai commencé de correspondre avec lui. Cette correspondance n'a plus cessé jusqu'à sa mort.

    P. L. : Vous avez montré qu'Ernst Jünger fut l'une des figures principales du courant d'idées de la "révolution conservatrice". Existe-t-il des affinités entre celle-ci et les "non conformistes français des années trente" ?

    D. V. : En France, on connaît mal les idées pourtant extraordinairement riches de la Konservative Revolution (KR), mouvement politique et intellectuel qui connut sa plus grande intensité entre les années vingt et trente, avant d'être éliminé par l'arrivée Hitler au pouvoir en 1933. Ernst Jünger en fut la figure majeure dans la période la plus problématique, face au nazisme. Autour du couple nationalisme et socialisme, une formule qui n'est pas de Jünger résume assez bien l'esprit de la KR allemande : "Le nationalisme sera vécu comme un devoir altruiste envers le Reich, et le socialisme comme un devoir altruiste envers le peuple tout entier".
     
         Pour répondre à votre question des différences avec la pensée française des "non conformistes", il faut d'abord se souvenir que les deux nations ont hérité d'histoires politiques et culturelles très différentes. L'une était sortie victorieuse de la Grande Guerre, au moins en apparence, alors que l'autre avait été vaincue. Pourtant, quand on compare les écrits du jeune Jünger et ceux de Drieu la Rochelle à la même époque, on a le sentiment que le premier est le vainqueur, tandis que le second est le vaincu.
     
         On ne peut pas résumer des courants d'idées en trois mots. Pourtant, il est assez frappant qu'en France, dans les différentes formes de personnalisme, domine généralement le "je", alors qu'en Allemagne on pense toujours par rapport au "nous". La France est d'abord politique, alors que l'Allemagne est plus souvent philosophique, avec une prescience forte du destin, notion métaphysique, qui échappe aux causalités rationnelles. Dans son essais sur Rivarol, Jünger a comparé la clarté de l'esprit français et la profondeur de l'esprit allemand. Un mot du philosophe Hamman, dit-il, "Les vérités sont des métaux qui croissent sous terre", Rivarol n'aurait pas pu le dire. "Il lui manquait pour cela la force aveugle, séminale."

    P. L. : Pouvez-vous préciser ce qu'était la Weltanschauung du jeune Jünger ?

    D. V. : Il suffit de se reporter à son essai Le Travailleur, dont le titre était d'ailleurs mal choisi. Les premières pages dressent l'un des plus violents réquisitoires jamais dirigés contre la démocratie bourgeoise, dont l'Allemagne, selon Jünger, avait été préservée : "La domination du tiers-état n'a jamais pu toucher en Allemagne à ce noyau le plus intime qui détermine la richesse, la puissance et la plénitude d'une vie. Jetant un regard rétrospectif sur plus d'un siècle d'histoire allemande, nous pouvons avouer avec fierté que nous avons été de mauvais bourgeois". Ce n'était déjà pas mal, mais attendez la suite, et admirez l'art de l'écrivain : "Non, l'Allemand n'était pas un bon bourgeois, et c'est quand il était le plus fort qu'il l'était le moins. Dans tous les endroits où l'on a pensé avec le plus de profondeur et d'audace, senti avec le plus de vivacité, combattu avec le plus d'acharnement, il est impossible de méconnaître la révolte contre les valeurs que la grande déclaration d'indépendance de la raison a hissées sur le pavois." Difficile de lui donner tort. Nulle part sinon en Allemagne, déjà avec Herder, ou en Angleterre avec Burke, la critique du rationalisme français n'a été aussi forte. Avec un langage bien à lui, Jünger insiste sur ce qui a préservé sa patrie : "Ce pays n'a pas l'usage d'un concept de la liberté qui, telle une mesure fixée une fois pour toutes est privée de contenu". Autrement dit, il refuse de voir dans la liberté une idée métaphysique. Jünger ne croit pas à la liberté en soi, mais à la liberté comme fonction, par exemple la liberté d'une force : "Notre liberté se manifeste avec le maximum de puissance partout où elle est portée par la conscience d'avoir été attribuée en fief." Cette idée de la liberté active "attribuée en fief", les Français, dans un passé révolu, la partagèrent avec leurs cousins d'outre-Rhin. Mais leur histoire nationale évolué d'une telle façon que furent déracinées les anciennes libertés féodales, les anciennes libertés de la noblesse, ainsi que Tocqueville, Taine, Renan et nombre d'historiens après eux l'ont montré. A lire Jünger on comprend qu'à ses yeux, à l'époque où il écrit, c'est en Allemagne et en Allemagne seulement que les conditions idéales étaient réunies pour couper le "vieux cordon ombilical" du monde bourgeois. Il radicalise les thèmes dominants de la KR, opposant la paix pétrifiée du monde bourgeois à la lutte éternelle, comprise comme "expérience intérieure". C'est sa vision de l'année 1932. Avec sa sensibilité aux changements d'époque, Jünger s'en détournera ensuite pour un temps, un temps seulement. Durant la période où un fossé d'hostilité mutuelle avec Hitler et son parti ne cessait de se creuser.

    Dominique Venner, Le choc de l'histoire  http://euro-synergies.hautetfort.com/
  • Ludovine de la Rochère : Nous sommes entrés en résistance !

    Ancienne responsable des relations médias et des campagnes de communication de la Conférence des évêques de France, Ludovine de la Rochère est aujourd’hui présidente de la Manif pour tous. Tentatives de récupération politique, rapports avec les pouvoirs publics, actions en justice, elle revient pour Politique magazine sur huit mois de mobilisation et détaille les actions qui vont être menées par son association dans les mois qui viennent.

    Comment est née la Manif pour tous ?
    Plusieurs associations défendant la famille et l’enfant se sont rencontrées l’année dernière lorsque François Hollande a annoncé son programme où figuraient les projets de loi contre la Famille. Nous avons alors écrit à tous les candidats aux législatives pour les alerter. à la rentrée, une rencontre a été organisée, réunissant associations et spécialistes de l’enfance. Frigide Barjot, qui avait fondé le collectif pour l’humanité durable, Albéric Dumont, organisateur de la marche pour la vie, et moi souhaitions organiser le plus rapidement possible une manifestation qui ne soit ni politique, ni confessionnelle afin de l’ouvrir au plus grand nombre. Le nom Manif pour tous s’est donc imposé naturellement. La manifestation du 17 novembre à Paris n’a été qu’une première étape. Par la suite, d’autres événements ont eu lieu dans toute la France, notamment à Lyon, une ville qui s’est très vite mobilisée.

    Aujourd’hui que la loi est passée, l’essoufflement se fait-il sentir ? [...]
    La suite sur Politique Magazine
    http://www.actionfrancaise.net

  • Robert Steuckers Entretien accordé à Manuel Quesada

    Monsieur Steuckers, vous avez passé de nombreuses années à circuler dans l’espace défini comme “identitaire” voire “nationaliste” ou “néo-nationaliste”, de tendance “nouvelle droite”. Nous avons un ami commun, le Britannique Troy Southgate. Qu’est-ce qui vous a incité à choisir cet espace culturel et politique?

    Au départ, rien, mais absolument rien, ne me prédestinait à aller circuler dans ce milieu, qui a précédé puis fondé l’espace politico-culturel de la “nouvelle droite”. Aucune tradition familiale ne m’a incité à aller chercher du sens dans un tel espace: en effet, les agitations politiciennes relevaient, pour mon père, issu du paysannat limbourgeois-hesbignon, de la “folie des villes”. Sa devise était: “pour vivre heureux, vivons caché” et il la citait volontiers en français, qui n’était pas sa langue maternelle. Quant à ma mère, elle était issue d’une famille qui entendait vivre en parfaite autarcie par rapport à une société que mon grand-père, ancien combattant de 14-18, méprisait, quelles qu’en aient été les facettes. Quand on évoquait des grands problèmes sociaux, irrésolus, ma mère disait, en flamand: “’t is ver van mijn bed!” (“C’est loin de mon lit!”), sous-entendu, “je n’ai pas à m’en occuper”. Mon père a travaillé de 1938 à 1944, et de 1952 à 1978 pour le Comte Guillaume de Hemricourt de Grünne, l’oncle de Rodolphe de Hemricourt de Grünne, le héros de l’aviation franquiste pendant la guerre d’Espagne, où ce jeune et fringant aristocrate, issu du Collège Saint-Louis de Bruxelles, s’était porté volontaire pour s’affranchir d’une vie de dandy qui ne le satisfaisait plus. Les frères de Guillaume de Grünne, Eugène et Xavier, étaient eux aussi des héros militaires. Eugène, chantre du sacrifice du soldat chrétien (catholique), a d’ailleurs été tué à la guerre, aux côtés du beau-frère de mon père, à Maldegem, en mai 1940, fidèle aux préceptes qu’il énonçait, volontaire de guerre en première ligne à 57 ans! Xavier, alpiniste chevronné, puis sénateur rexiste, puis adversaire de Degrelle, puis fondateur d’une “Phalange belge” hostile tant aux Anglais qu’aux Allemands, mourra en déportation à Mauthausen, fidèle à la neutralité belge jusqu’à son dernier souffle, en dépit de tous les rapports de force! Un idéalisme d’une pureté inouïe qui s’est fracassé contre le “granit du pragmatisme”, comme aurait dit le regretté Dominique Venner!
    Mais l’option catholique intransigeante, qui n’avait plus aucune représentation politique en Belgique dans les années 50, 60 et 70, était totalement refoulée, à l’époque bénie de mon enfance, sous l’impact du consumérisme, de la modernité, des modes un peu canailles (existentialisme sartrien, hédonisme à la Françoise Sagan, Beatles anglais, hippies, etc.). On ne parlait plus de politique. On cherchait d’autres choses, sans les trouver vraiment ou alors très furtivement, car ces “choses” étaient démodées déjà avant qu’on ne les ait comprises, tant dans leur aspect subversif que dans leur aspect superficiel de pure fabrication médiatique. Bref les adages que répétaient mes parents, à satiété, semblaient parfaitement de mise: mieux vaut ne pas s’occuper des folies modernes, mieux vaut s’occuper de ses propres affaires, gérer sa vie selon les principes immémoriaux (ma mère: “Ne t’occupe pas du chapeau de la gamine, pousse ta voiture!”), bref selon une forme modeste de “mos majorum”. Je ne me suis pas révolté contre cette limitation volontaire: je l’ai acceptée. Je n’avais pas le loisir de me payer le luxe d’une révolte fracassante comme les gamins des bourgeois nantis. Les modes et les chansonnettes m’horripilaient et j’aime toujours à regarder cette planche désopilante de Franquin, le créateur de “Gaston Lagaffe”, où le chef de bureau Prunelle, excédé par la niaiserie des paroles chantées, canarde à la carabine de chasse, suite à une maladresse technique de l’inénarrable gaffeur, les disques virevoltants qui reproduisaient bruyamment les chansonnettes ineptes et qui appartenaient à la vieille Tante Hortense de Lagaffe: c’est ce sentiment de Prunelle excédé que je partageais quand les filles passaient de tels disques lors de mes vacances franc-comtoises. Mais j’ai estimé, dès l’âge de quatorze ans, qu’on ne pouvait pas toujours vivre caché et qu’il y avait bien des choses passionnantes loin de mon lit...
    En fait, vous me demandez un travail d’anamnèse un peu harassant: quels ont été chez moi les déclics qui, cumulés, ont provoqué le rejet du pandémonium dominant? D’abord, oui, cet univers cucu-la-praline des chansonettes des années 60, aussi navrantes que celles des années 30 (dont se rappelait ma mère, qui les écoutait en français à Bruxelles, sa ville natale); ensuite, le basculement du catholicisme sociologique vers des choses qui me paraissaient tout-à-fait inintéressantes; ce nouveau catholicisme abandonnait ce que la religion dominante avait auparavant d’exaltant: art, cathédrales somptueuses (qui, avec leurs rosaces, me fascinent toujours, me rappellent un culte michaélien et zoroastrien du soleil et de la lumière), esprit de croisade, etc. Nous vivions dans un porte-à-faux permanent en ce milieu belge du catholicisme sociologique dans les années 60, en pleine mutation, en plein passage d’un virilisme latin à la liquéfaction para-hippy. Certains instituteurs exaltaient le passé médiéval et bourguignon de la Belgique. D’autres n’avaient aucune vision historique. Un jour, quand une formidable bataille s’était déclenchée à la cour de récréation de mon école primaire, et que les élèves encourageaient les combattants comme autour d’un ring de boxe, le vicaire-aumônier B., pourtant haut en couleurs, est arrivé, en criant et en levant les bras au ciel: “Mais enfin, les enfants, est-il chrétien de se battre comme ça?”. J’ai répondu: “Et les croisés, monsieur l’Abbé?”. Le vicaire B. est resté sans voix et a tourné les talons. Deux ans plus tard, quand, pour rire et pour faire les malins devant les filles, nous nous bagarrions comme de vrais sauvageons dans l’autobus qui nous ramenait du prieuré où nous avions fait retraite quelques jours avant notre communion solenelle, le successeur du vicaire B., le frêle et triste abbé G., tentait de nous ramener à la raison, en posant la même question. J’ai eu exactement la même réponse. J’ai fait ma communion solenelle avec le front maquillé, enduit de fond de teint, car il était d’un bleu violacé, tout en laideur: un condisciple, Yves M., m’avait atteint le front d’un maître coup de catapulte tiré quasi à bout portant, alors que je donnais l’assaut à sa position, perché qu’il était au sommet d’une cage à poules. Ces joyeusetés étaient devenues tout-à-coup tabou. Interdites. On nous pressait de rentrer dans un moule étriqué, dans un monde aseptisé, sans joie, sans couleurs, tout de retenue, avec pour consolation, on allait le voir, des musiques et des glapissements fabriqués aux Etats-Unis et, avec mai 68, un an plus tard, une “libération sexuelle” sérialisée, sans danger ni piment dans la mesure où veillaient la pilule et la capote anglaise
    Même glissement dans le mouvement scout. J’étais louveteau, selon les rituels de Baden-Powell, à huit ans sous l’autorité d’un Akéla extraordinaire, le fils de la famille Biswall des chocolats Côte-d’Or. On s’amusait comme des petits fous. On arpentaient les sentiers de la Forêt de Soignes. On se distribuait, dans la joie et sans rancune, moults horions et maîtres coups de bâton. Akéla-Biswall est parti à l’université, pour y étudier le droit, et a été remplacé par le fils compassé d’un gargotier du quartier, prolo mental, style démo-crétin, totalement coincé, qui a interdit tous les jeux collectifs un peu vigoureux, a supprimé les sorties dans la Forêt de Soignes. Un emmerdeur, pire, un emmerdeur compassé, car les tenants de l’idéologie dominante sont finalement tous des emmerdeurs. Il nous fallait, tout un après-midi, alors que le soleil était là, qu’une belle hêtraie verdoyante était à 300 m, mimer, à l’intérieur du local sans lumière, le vol de la petite abeille Maya. Je me suis enfui. Plus tard, grâce à une émission de la VRT ou de la RTBF, j’ai appris que l’animal qui avait voulu rendre le mouvement scout “politiquement correct” —ante litteram— n’était autre que le futur premier ministre Jean-Luc Dehaene, le patapouf qui a ruiné la Belgique, contracté des dettes pharamineuses, mis par terre la banque Dexia, endetté le pays et ses familles pour de nombreuses générations. Non seulement ces gens sont des emmerdeurs mais ils sont aussi des incapables.
    Réflexion faite, je pense toutefois que c’est l’immersion dans l’univers héroïque du “De Viris Illustribus” simplifié que nous utilisions en deuxième année de latin en 1968-69 qui m’a conduit sur la voie d’une adhésion aux tréfonds de la culture européenne. J’ai racheté, il y a deux ou trois ans, un exemplaire quasi neuf de cette vieille méthode d’enseignement du latin, jetée bien sûr aux orties par les nouveaux pédagogues qui croient avoir trouvé la clef qui ouvrira aux élèves tous les secrets de l’univers. J’ai été stupéfait de constater combien de phrases, de règles, de schémas, d’exercices me revenaient à l’esprit en feuilletant cette méthode du Prof. Van Rijckevorsel. Il y avait là les Horaces et les Curiaces, l’enlèvement des Sabines, les oies du Capitole, Mucius Scaevola (mon préféré!) et surtout Cincinnatus, qui sauvait les “res publicae” et retournait tranquillement à sa charrue. La maturation politique, qui germait dans l’intériorité du pré-adolescent que j’étais, venait incontestablement de ces modèles: on ne pouvait être homme, “vir”, on ne pouvait faire de la politique, oeuvrer dans la Cité, que si l’on prenait ces héros de la Rome antique comme exemples! Après venaient les quelques copains —une toute petite minorité— qui, eux aussi, rejetaient et les niaiseries à la mode des années 60 —les stupides chansonnettes françaises prisées par la “Tante Hortense”— et l’esprit de la revue branchée “Salut les copains” que nous abominions au profit, bien sûr, tradition locale oblige, du journal “Tintin”, parce qu’il y avait notamment, dans ses pages, l’univers antique d’Alix, avec la Reine Adréa de Sparte et le sage commandant de sa “Garde Noire”, Astyanax... Les “modes” ne nous intéressaient pas, nous les détestions et dans le mot “mode”, il y a la racine du terme “moderne”. Est “moderne” au départ, celui qui ne prête plus attention aux fondements (politiques, religieux, philosophiques, ethnologiques, anthropologiques), ceux des “Anciens”, et s’entiche des dernières créations en vogue, toujours artificielles, toujours éphémères et vite remplacées par de nouveaux engouements: pérenniser cette succession ininterrompue d’historiettes et de radotages bricolés, dépourvus de fondements, est l’objectif de la modernité, est le noyau même de la démarche moderne qui fait de la disparition des fondements, des assises de toute civilisation, un “progrès”, accompagné du relativisme et des “petits récits” sans continuité de la postmodernité (qui n’a pas su prendre révolutionnairement le relais de la modernité libérale).
    A notre pré-adolescence, donc, il fallait, nous semblait-il, penser en termes de fondements donc cultiver la “longue mémoire”, procéder par la méthode “généalogique” ou “archéologique”, qu’une lecture assez rapide de Nietzsche, vers quinze ans, aller conforter: certes, cette lecture peut s’avérer dangereuse et destructrice pour un jeune esprit, faire de lui un être hostile à la religion en général —à toute religion— ou un être dépourvu de tout sens moral ou éthique, s’estimant autorisé à commettre sans scrupules les actes les plus répréhensibles. On a pu relever, quelques fois, des dérapages dus à une lecture mal digérée de textes ou de citations de Nietzsche, non pas tant dans un quelconque espace politisé mais dans des bandes “à la mode” (encore!) qui se donnaient un style agressif, avec des oripeaux ou des coiffures de grande laideur, destinés à faire peur ou à se démarquer de toute bienséance, se marginalisant du même coup, rendant impossible la transposition de leurs quelques vagues idées “nietzschéennes” dans la réalité concrète des citoyens actifs de la Cité, ceux qui, avec abnégation et persévérence, affrontent en permanence les défis qui se présentent, dans toute leur concrétude. Les “sub-cultures”, qu’elles soient de gauche ou de droite, qu’elles se donnent des allures soft, comme les hippies, ou hard, comme les “blousons noirs” ou les “skinheads”, participent du système qui génère les modes parce que les modes font oublier les fondements de notre culture européenne (et japonaise au Japon, chinoise en Chine, etc.) et aussi et surtout parce qu’elles permettent, adroitement, de marginaliser les contestations puis de les récupérer ou de les diaboliser, justement parce qu’elles ont été “montées en spectacle”, visibilisées sous les feux de rampe médiatiques, par ce système aliénant moderne que Guy Debord, le situationniste, nommait la “société du spectacle”.
    Cela nous ramène à l’actualité, quand l’historienne américaine des idées Susan Jacoby publie en 2008 son ouvrage de référence indispensable à assimiler pour bien gérer le combat métapolitique de la mouvance identitaire européenne actuelle, “The Age of American Unreason – Dumbing Down and the Future of Democracy” (Old Street Publishing, London, 2ème éd.). Dans ce livre, Susan Jacoby dénonce la culture populaire actuellement dominante, issue des fabriques à ahurir basées aux Etats-Unis. C’est une culture de la déraison totale, de la non-raison, que proposent paradoxalement une société et une superpuissance qui prétendent que leurs racines résident dans les “Lumières” du 18ème siècle, dans le savoir rationnel et pragmatique que ces “Lumières” ont induit pour contrecarrer les effets permanents et anciens d’une “tradition” (tout à la fois aristotélicienne et religieuse), tradition qu’elles posaient derechef comme irrationnelle et obscurantiste. Or, en bout de course, la superpuissance-guide de l’Occident “éclairé” générait chez elle et exportait partout dans le monde un “junk thought”, une “pensée-détritus” qui ne tenait plus compte de la pondération, de la rationalité, du bon sens, pour produire, via les médias, via le fondamentalisme religieux le plus stupide et via l’enseignement américain à la dérive, via, aussi, la crédulité entretenue du grand public, une sous-culture de l’“infotainment” (des loisirs via l’information médiatisée), qui ne mobilisait plus du tout l’esprit critique, nécessaire en permanence pour ne pas s’enliser dans les répétitions, pour être apte à répondre à tous les défis qui pourraient se présenter. Ce “junk thought” a-critique n’est pas vraiment assimilable aux irrationalismes d’antan ou aux formes philosophiques d’anti-intellectualisme ou d’anti-rationalisme: la “non-raison” qu’il répand à grande échelle engendre un déclin bien perceptible, d’abord dans l’enseignement et la transmission (devenue, sous toutes ses formes, “politiquement incorrecte” et sabotée par les pédagogues officiels, fonctionnaires des ministères); ensuite, cette “non-raison” s’infiltre dans le vaste public, toujours plus ignorant des tenants et aboutissants réels du monde passé et présent, un public devenu “reality-denier”, “négateur du réel”, et répétant des banalités sans fondements dans un langage codé par les médias. Susan Jacoby constate l’impasse dans laquelle les “Lumières” se sont fourvoyées en pariant, non pas, à terme, sur le despotisme éclairé des monarques politiques, mais sur le “moderne” (donc sur les “modes” inventées puis oubliées et remplacées). Il fallait qu’au nom d’une “liberté” faussement comprise, il débouche immanquablement sur le “junk thought”.
    En 1975, je découvre le livre de Pierre Chassard, “La philosophie de l’histoire dans la philosophie de Nietzsche”, publié par le GRECE à Paris. J’ai passé l’été 1975 à lire non seulement ce livre mais à me référer à toutes les oeuvres de Nietzsche lui-même, citées dans les pages de Chassard. C’est ainsi que j’ai reçu ma formation nietzschéenne. Au même moment, Bernard Garcet, qui avait été cadre de “Jeune Europe” à l’Université de Louvain au début des années 60 avait réanimé, chez lui, une “école des cadres”, cette fois non politisée, et très “sciences po” dans ses exigences: il m’a forcé à lire Burke, Mannheim, Rougier et à structurer mes notes de lecture, à les couler dans un exposé cohérent. Etonnant personnage que ce Garcet, professeur de religion catholique, agréé par le vicariat diocésain, tout en se réclamant d’un catholicisme irlando-écossais du haut moyen âge en rupture de ban avec les dogmes habituels de l’Eglise et avec Vatican II sans adhérer au lefébvrisme, percevant le christianisme de Scot Erigène comme la continuation du druidisme païen... Un Garcet qui parlait d’Orwell dans son cours... Un Garcet qui sera aussi un redoutable professeur de “Thaï Boxing”, célèbre à Schaerbeek et environs. Un Garcet quinquagénaire qu’on avait muté dans une école de sages jeunes filles pour terminer sa carrière car il avait secoué un élève violent... le directeur avait ri sous cape...
    Sur cette note un peu nostalgique, je termine tout de même ma réponse à votre question: c’est l’école primaire, puis l’école secondaire et l’université qui m’ont formé. C’est toujours dans leur cadre que j’ai appris les fondamentaux qui font aujourd’hui ma vision du monde. Si j’ai eu entre les mains le livre de Chassard et si j’ai fréquenté l’“école des cadres” de Garcet, c’est parce que des professeurs m’avaient mis sur la voie: comment ne pas évoquer avec tendresse le patriotisme bourguignon de l’instituteur M., très sévère et fils d’un résistant royaliste ardennais, et les cours de littérature allemande d’Albert D. (dont je narrerai un jour l’époustouflante biographie... qui fera jaser les “Vigilants”...).

    Vous défendez l’idée eurasienne. Pouvez-vous nous expliquer ce qu’elle est, ce qui en tient lieu de fondement, pour vous? Quelles sont de votre point de vue les racines de l’eurasisme contemporain?

    J’ai toujours souligné, surtout dans l’introduction que j’ai rédigée pour le livre du géopolitologue croate Jure Vujic, que ma perspective “eurasienne” (et donc “eurasiste”), provient d’une lecture ancienne, celles des atlas historiques du Britannique Colin McEvedy. Cet historien, géographe et cartographe avait écrit de nombreux atlas historiques pour les écoles du Royaume-Uni. Dans son introduction au premier de ces précieux volumes, McEvedy ne réduit pas l’histoire proto-historique et antique d’un point de vue exclusivement européen actuel, donc euro-centrique au mauvais sens du terme, dans la mesure où il serait limité aux seuls pays européens actuels: pour lui, l’espace de déploiement des peuples européens (indo-européens) englobe certes l’ensemble du sous-continent européen mais aussi l’espace nord-africain, parce Rome s’y est imposé suite aux guerres puniques, le Levant jusqu’à la Mésopotamie, parce que les Empereurs romains y ont mené leurs légions. McEvedy va même plus loin: l’espace des peuples européens s’étend jusqu’aux montagnes du Pamir, là où ont buté les peuples cavaliers de souche européenne au seizième siècle avant l’ère chrétienne. Il inclut également l’Ouest de l’Iran actuel, là où les cavaliers indo-européens venus soit des hauts plateaux de l’Iran soit de l’aire mésopotamienne ont rencontré les peuples élamo-dravidiens. Je rappelle notamment que Dominique Venner, dans “Histoire et tradition des Européens – 30.000 ans d’identité” estimait que l’identité de nos peuples trouve ses racines dans ce lointain passé, dans ces quelques vingt-huit millénaires de proto-histoire et de haute antiquité. McEvedy dans la première édition de son Atlas historique du monde antique posait l’hypothèse d’une origine des peuples européens dans l’espace dit de la “culture swiderienne”, une culture préhistorique, datant de 12 ou 13 millénaires avant l’ère chrétienne. Cet espace se situait en lisière de la banquise glaciaire de l’époque, sur une bande territoriale d’une profondeur maximale de 250 km, située approximativement entre le Sud de la Finlande et la Thuringe. A partir de ce territoire matriciel, les pré-Européens auraient essaimé vers l’Est et l’Ouest, de l’Irlande au Pamir et de l’Espagne à l’Indus.
    L’épopée des peuples cavaliers, de souche européenne, fait partie intégrante de notre héritage le plus ancien. Le chercheur ukrainien Iaroslav Lebedynsky publie la plupart de ses ouvrages en français à Paris, où il enseigne à l’“Institut national des langues et civilisations orientales”: on lui doit de remarquables monographies sur les Scythes, les Sarmates, les Saces, les Cimmériens, les Iazyges et les Roxolans, les Alains, etc. qui nous procurent un regard absolument inédit sur l’aventure extraordinaire de ces peuples de souche européenne sur un espace que l’on qualifie un peu vite d’ “asiatique” dans les atlas d’écoles primaires. Il n’y a pas de frontières naturelles entre l’Europe orientale et l’Asie sibérienne, expliquait le Général Heinrich Jordis von Lohausen dans son fameux traité de géopolitique de l’année 1979, que j’allais résumer dans le tout premier numéro des revues parues sous ma houlette. Les Monts Ourals ont une hauteur maximale de 1600 m, pas davantage que le Chasseral dans le Jura suisse. De la plaine hongroise, la Puszta, à la Mandchourie, il n’y a pas d’obstacles majeurs, si l’on évite les massifs montagneux du Pamir et de l’Altaï, du Danube pannonien au Don, de celui-ci à la Caspienne et de celle-ci à la Mer d’Aral et au Lac Balkach. C’est la future route de la soie menant d’Europe en Chine. Jusqu’à l’irruption des Huns, sur le Don face aux Goths, puis dans la plaine hongroise puis jusqu’aux Champs Catalauniques de Champagne, cet immense espace a été déterminé par des cultures de souche européenne, comme le prouvent aussi les momies du Tarim, découvertes par des archéologues il y a une trentaine d’années.
    L’histoire européenne depuis les Champs Catalauniques est l’histoire d’un long et gigantesque combat pour reprendre l’initiative. Le Prof. Lebedynsky, suite sans doute aux ouvrages du professeur français René Gousset, le rappelle dans son dernier volume sur les peuples cavaliers de souche européenne, consacré aux Cosaques. Ce sont eux qui ont repris le contrôle de la Sibérie et empêché la réémergence de coalitions irrésistibles de cavaliers turco-mongols dans cet espace nomade. En Méditerranée, la flotte de Don Juan à Lépante en 1571, les armées de hussards ailés du Roi Jean III Sobieski en 1683 et les techniques militaires du Prince Eugène de Savoie-Carignan jusqu’en 1718 ont contenu définitivement les Ottomans, comme nous l’a très bien expliqué, dans plusieurs livres clairs, l’historien français, ancien officier de la Légion étrangère, Dominique Farale. A partir de ce moment-là seulement, quand les Ottomans étaient contenus en Méditerranée et dans les Balkans, et que les Cosaques surveillaient le territoire initial des Mongols en lisière de la Mandchourie, l’Europe a pu maîtriser le monde. La question qui se pose aujourd’hui est la suivante: vit-on à nouveau un ressac de la puissance européenne? Plusieurs historiens en vue dans le monde anglo-saxon, dont notamment John Darwin, auteur de “After Tamerlan” (2007), estiment d’ailleurs que la suprématie européenne de ces deux ou trois cents dernières années pourrait bien être une anomalie passagère de l’histoire, l’Inde et la Chine ayant constitué plus de 35% du commerce mondial dans la seconde moitié du 18ème siècle. Un autre historien britannique, Ian Morris, pense lui, au contraire, que la suprématie européenne, qui a certes connu des hauts et des bas, est un fait historique inscrit dans une assez longue durée et qu’elle explique la survie de la culture européenne, capable de réagir vite, même au bord du gouffre (cf. Ian Morris, “Why the West Rules – For Now – The Patterns of History and What They Reveal about the Future”, Profile Books, London, 2010-2011). Le débat est ouvert...
    Dès les victoires autrichiennes du Prince Eugène et de ses successeurs contre les Ottomans dans les Balkans, l’Europe pense, avec la Russie désormais maîtresse de la Sibérie jusqu’aux côtes pacifiques, à avoir une frontière commune, favorisant les échanges directs, avec l’autre môle d’impérialité sur la masse continentale eurasienne, la Chine. Le philosophe, diplomate et mathématicien allemand Leibniz raisonnera en de tels termes et couchera sur le papier des réflexions géopolitiques qui conservent, en leur noyau, fraîcheur et actualité. Un peu plus tard, au 18ème siècle, nous avons une alliance tacite, eurasienne avant la lettre et assez conforme aux vues de Leibniz, entre la France de Louis XVI (réconcilié avec l’Autriche par son mariage avec Marie-Antoinette de Habsbourg-Lorraine), l’Autriche de Marie-Thérèse puis de Joseph II et la Russie de Catherine II la Grande. Cette alliance tacite, étayée par les meilleurs diplomates (Vergennes par exemple), offrait un espace stratégique de la Bretagne atlantique, voire de l’Espagne des Bourbons éclairés notamment sous le règne de Carlos III, jusqu’aux confins pacifiques de la Sibérie orientale. Cette alliance eurasienne a permis, entre l’avènement de Louis XVI en 1774 et la révolution française, d’esquisser une unité géostratégique entre les trois principales puissances continentales européennes (où la France avait acquis une supériorité navale dans l’Atlantique Nord suite à la guerre d’indépendance des Etats-Unis).
    En 1815, la Sainte-Alliance a voulu répéter cette unité, en y ajoutant l’Angleterre et la Prusse protestantes. La Prusse jouera le jeu jusqu’à l’éviction de Bismarck, qui rendra caduque l’alliance Berlin-Pétersbourg. L’Angleterre —en détachant progressivement la France de cette Sainte-Alliance, une France qui ne s’était pas vraiment guérie de son fondamentalisme jacobin et de ses folies révolutionnaires— fera émerger l’exception occidentale dès la guerre de Crimée, comme le constatera avec pertinence Dostoïevski dans son “Journal d’un écrivain”. L’espace stratégique eurasien s’étendra désormais du Rhin au Pacifique et non plus de l’Atlantique au Pacifique. L’Union des Trois Empereurs (Russie, Allemagne, Autriche) prendra le relais de la Sainte-Alliance, dont la puissance potentielle, et la présence sur le continent américain, en Alaska (jusqu’en 1867) et dans les Caraïbes (à Cuba jusqu’en 1898), avait contraint le Président américain Monroe à proclamer sa célèbre doctrine de “l’Amérique aux Américains”, visant d’abord à chasser l’Espagne du Nouveau Monde, pour être sûr que, dans son sillage, et au nom d’une unité “eurasienne”, les autres puissances européennes, unies dans leurs visées stratégiques, n’interviennent en Amérique, au départ d’une quelconque possession espagnole ou au départ de l’Alaska, russe à l’époque. Cette logique géopolitique nord-américaine a été tout de suite dénoncée par le ministre autrichien Hülsemann, qui a vu, avant tout le monde, émerger, sur l’autre rive de l’Atlantique, une puissance négatrice de l’excellence européenne, une “puissance-antipode”. D’autres verront également clair: le diplomate allemand Constantin Frantz constate, après la guerre de Crimée, que la Sainte-Alliance a péri et que l’Occident anglo-français est tout prêt à importer en Europe des querelles nées bien loin en dehors du sous-continent, matrice géographique des peuples européens. Ces querelles risquent de susciter des guerres en Europe pour des raisons étrangères à l’indispensable équilibre de l’Europe. Sans cet équilibre, l’Europe risque l’implosion. Et, privée de cet équilibre, elle a effectivement implosé dès 1914.
    La Doctrine de Monroe, par la pression constante qu’elle a exercée, a conduit à l’effondrement définitif de l’Espagne impériale en 1898 et à la crise morale qui s’en est suivie. L’Espagne est, en ce sens, la première victime européenne de la Doctrine de Monroe. Tarabustée par une “légende noire” fort tenace, inventée par les fondamentalistes protestants hollandais et par l’Angleterre élizabéthaine, puis reprise par les Français de Richelieu, l’Espagne a été paralysée, depuis la fin du 16ème jusqu’à nos jours, par une légende négative, colportée ad infinitum: c’est là une technique de déstabilisation de l’adversaire, qu’ont utilisé les propagandistes protestants hier, les tenants de la “correction politique” et des vérités médiatiques aujourd’hui; cette technique propagandiste sera reprise et affinée pour éliminer et affaiblir en permanence l’Allemagne, suite aux deux guerres mondiales du 20ème siècle, tant et si bien que l’hebdomadaire britannique “The Economist” pouvait sortir un dossier récent (début juin 2013), consacré à l’Allemagne d’Angela Merkel; ce dossier, assez copieux, campait la superpuissance économique germanique en plein milieu de notre Europe comme un nain politique, à cause de son incapacité à surmonter sa propre “leyenda negra”. La Russie, à son tour, même après le communisme, est victime d’une autre “légende noire”, colportée et amplifiée depuis les diatribes du Marquis de Custines et la propagande anglaise lors de la Guerre de Crimée. Il conviendrait donc de réfléchir à annuler les effets de toutes les “leyendas negras”, par des efforts coordonnées, à l’échelle globale, dans tous les Etats européens, en Iran, au sein de toutes les puissances du BRICS.
    L’eurasisme, à mon sens, doit être la reprise actualisée de l’alliance austro-franco-russe du 18ème, de la Sainte-Alliance (surtout telle qu’elle fut envisagée par Hülsemann) et de l’Union des Trois Empereurs, voire une résurrection des projets d’alliance franco-germano-austro-russe de Gabriel Hanotaux (1853-1944), avant 1914. On ne parle pas assez de ce Gabriel Hanotaux, qui deviendra ministre des affaires étrangères en France en 1894. Nationaliste de coeur, il a soutenu le programme de colonisation française en Afrique, en Algérie et à Madagascar, tout en s’opposant à la pénétration britannique au Soudan, où il a été un partisan de la fermeté au moment de la fameuse affaire de Fachoda en 1898, quand des forces françaises et britanniques s’étaient affrontées pour le contrôle du Nil soudanais. Selon certaines sources, qu’aimait citer l’eurasiste européiste Jean Parvulesco, malheureusement décédé en 2010, Hanotaux ne souhaitait pas l’alliance britannique, préférait à coup sûr l’alliance russe et aurait envisagé une réconciliation franco-allemande.

    Nous aimerions que vous nous révéliez vos idées sur l’éventuelle résolution des facteurs raciaux au sein de l’Eurasie, car celles-ci contient effectivement des peuples ethniquement et racialement très différents...

    Mon concept d’Eurasie est synonyme d’une confédération solidaire de peuples de souche européenne qui devront, éventuellement, occuper des territoires où vivent d’autres peuples, pour des raisons essentiellement stratégiques. J’ai oublié de dire, en répondant à votre deuxième question, que l’idée eurasienne provient également du géopolitologue allemand Karl Haushofer, pour qui les puissances d’Europe et le Japon devaient unir leurs forces pour organiser en parallèle, selon des “corridors Nord-Sud” —des corridors eurafricain, russo-irano-indien, nippo-micronésien, sino-indochinois, tous bien délimités— la masse continentale entre Atlantique et Pacifique: il appelait cela la troïka germano-russo-japonaise, puis, après la consolidation en 1938 de l’Axe Rome-Berlin, le quadrige germano-italo-russo-japonais. Mis à part le Japon —qui devait se développer de préférence en direction du Sud et dans l’espace pacifique (après avoir hérité à Versailles de la Micronésie jadis espagnole puis devenue allemande), sans meurtrir la Chine— les autres puissances de la troïka ou du quadrige étaient européennes dans leur esprit, dérivé de Rome ou de la Troisième Rome byzantine (que représente la Russie). La vision ethno-différentialiste postule que les peuples non européens ne soient pas obligés de singer les Européens, de modifier leurs substrats naturels, que ce soit par fusion, par mixage ou par aliénation culturelle. Il me semble que l’URSS de Brejnev, dans sa constitution modifiée de 1977, ait quelque peu répondu à votre question, sans que nous ne soyons obligés, à l’heure actuelle, de reprendre en compte les archaïsmes et les schématismes communistes que cette constitution soviétique véhiculait.
    La pensée des “autres Lumières” (celles que ne sont plus jugées “politiquement correctes” par la pensée dominante actuelle), notamment les “Lumières” qui ont promu la vision ethno-différentialiste de Herder, a donné le mouvement slavophile des “narodniki” en Russie, que le communiste n’a jamais pu éradiquer, tant et si bien, que, dès les années soixante, la culture soviétique, contrairement à l’Occident, retourne timidement, et parfois plus audacieusement, vers le passé slavophile. On a pu parler, fin des années 70, avec le dissident occidentaliste Yanov, réfugié en Californie, d’une “nouvelle droite” soviétique, bien ancrée dans les cercles académiques de l’URSS, déjà en phase d’implosion. Cet esprit herdérien a permis, même sous Staline (mutatis mutandis) de créer des républiques ethniques, parfois, hélas, avec des tracés aberrants. Généralement, les républiques ethniques finno-ougriennes et indo-européennes (comme les Ossètes), sont restées fidèles à l’URSS, puis à la Fédération de Russie. Certaines républiques turcophones ou tatars (ouralo-altaïques) aussi. On sait que la Doctrine Brzezinski visait à soulever tout le ventre mou de l’URSS, dès 1978, quand l’Afghanistan officiel avait opté pour une alliance afghano-soviétique. Pour soulever ce “ventre mou”, il fallait utiliser un levier: le seul levier possible était l’islam fondamentaliste, lequel pouvait évidemment bénéficier de la manne financière saoudienne.
    Toutefois, cette stratégie a échoué, comme l’avoue Brzezinski lui-même dans son dernier ouvrage de mars 2012, intitulé “Strategic Vision”. Pour le théoricien de la conquête de la “Route de la Soie” (“Silk Road”) et de l’inclusion de l’Ukraine dans l’OTAN, pour l’homme qui a suggéré l’armement des talibans contre les Soviétiques en Afghanistan, toutes ces strtatégies, qu’il a préconisées, ont échoué. Selon le regard nouveau qu’il propose de jeter sur l’échiquier international, il ne faut donc plus fragmenter la Russie à l’infini mais s’allier à elle, dans une sorte de grande alliance de l’hémisphère Nord, avec l’Amérique du Nord, l’Europe (Turquie comprise) et la Russie! Au soir de sa vie, à 84 ans, cet homme avoue sans état d’âme, sans s’effondrer mentalement, que ses projets n’ont pas abouti! Et propose exactement ce que propose un théoricien néo-droitiste français, tout à fait inclassable, comme Guillaume Faye! Ou que proposent aussi beaucoup de théoriciens nationalistes américains, partisans d’une “unité du monde blanc”! Brzezinski est devenu “Amereurasiste”! Apparemment, il n’est guère écouté Outre-Atantique, où l’“Administration Obama” poursuit les guerres de Bush et le contrôle des esprits dissidents ou contestataires aux Etats-Unis mêmes, avec une acribie encore plus frénétique.
    Personnellement, pour moi, il faudrait que l’Amérique du Nord revienne à une pensée aristotélicienne, renaissanciste (au sens où l’ntendait Julien Freund), débarrassée de tous les résidus de ce puritanisme échevelé, de cette pseudo-théologie fanatique où aucun esprit d’équilibre, de pondération et d’harmonie ne souffle, pour envisager une alliance avec les puissances du Vieux Monde. Le biblisme nord-américain s’exporte en Amérique ibérique, disloquant souvent les sociétés ibéro-améridiennes de ce continent. Cette propension à s’exporter vient de la nature messianique de cette pseudo-théologie, parfois laïcisée et transformée en une vulgate médiatique particulièrement nocive. Le Vieux Monde comprend trois ou quatre pôles civilisationnels: l’Europe (Russie comprise), car je ne retiens pas, pour l’Europe, le clivage entre, d’une part, un Occident catholico-protestant (où règnerait d’office la “bonne gouvernance”) et, d’autre part, une zone russo-byzantino-orthodoxe (où se maintiendraient des résidus d’autoritarisme) comme le faisait Samuel Huntington dans son “Choc des civilisations”; l’Inde et la Chine (ou le complexe sino-nippon bouddhisto-confucéano-taoisto-shintoïste). Ian Morris en voit deux, nés dès la fameuse période axiale de l’histoire, selon Karl Jaspers et Karen Armstrong: l’espace européen, ultérieurement marqué par Rome qui l’a unifié “impérialement”, et la Chine, unifiée et transformée en empire dès les Qing. Pour moi, aujourd’hui, il y en a quatre voire cinq: l’Europe, héritière de Rome et de la germanisation, par Prétoriens et Foederati interposés, dès le Bas Empire et pendant le haut moyen-âge (en Espagne, on peut parler de la “wisigothisation”); l’Iran post-avestique, pré-islamique, zoroastrien et islamisé selon un mode très différent de l’espace arabophone ou turcophone, avec une composante mystique et nationale; l’Inde, qui a retrouvé son identité grâce au mouvement métapolitique du RSS, né sous le “Raj” britannique en tant que mouvement contestataire de la colonisation et de l’exploitation sauvage du sous-continent indien; la Chine, monde en soi, rejetant tout messianisme, tout esprit de conversion et toute forme d’immixtion dans les affaires intérieures d’entités politiques tierces; le Japon, cinquième pôle, animé par la spiritualité shintoïste, également non messianique car intransmissible aux non Japonais. Ces entités ne constituent pas une menace pour l’Europe car elles ne sont pas animées par le messianisme américano-bibliste ou par l’effervescence wahhabite-salafiste, qu’elles considèrent comme de dangereuses aberrations, bouleversant équilibres et harmonies.
    Il y a d’ailleurs alliance implicite du messianisme nord-américain bibliste et du messianisme saoudien, wahhabitico-salafiste. Ces anomalies dangereuses doivent être contrées par l’idée équilibrante et harmonieuse de l’auto-centrage des aires civilisationnelles.

    Ne serait-il pas plus correct de procéder à une extension du fait politique européen sur l’échiquier eurasiatique, en englobant la “Russie blanche” dans un ensemble européen homogène, plutôt que de parler d’Eurasie?

    De toutes les façons, dans un cas comme dans l’autre, la Russie actuelle, la Fédération de Russie, présidée par Poutine ou Medvedev, est pour l’essentiel, de souche européenne: les autres ethnies, minoritaires, sont neutralisées par l’idéologie herdérienne, post-narodnikiste. Y compris les Tatars du Tatarstan et les Bachkirs du Bachkirtostan, dont les imams se sont farouchement opposés aux menées wahhabites, virulentes du temps où Brzezinski espérait encore disloquer la Russie en utilisant le levier wahhabite et saoudien. La seule exception semble être le Nord-Caucase tchétchène et daghestanais, travaillé par la propagande wahhabite. Nous avons là le seul front “chaud”, résidu de l’ancienne stratégie Brzezinski. Par ailleurs, le Président kazak Nazarbaïev n’a pas succombé aux tentations, auxquelles les Américains auraient bien voulu qu’il succombe: ni au fondamentalisme wahhabite ni aux sirènes du panturquisme/pantouranisme du temps du premier ministre turc Türgüt Özal. La géopolitique kazak actuelle est la négation même du “brzezinskisme”, la preuve vivante de sa faillite, la preuve que le tronçon central de la “Route de la Soie” n’est pas assimilable à la géostratégie offensive et disloquante de Washington sur l’échiquier eurasiatique. Et la preuve aussi qu’une géopolitique, portée par un peuple turcophone, asiatique et non européen, peut s’harmoniser parfaitement avec l’idée d’une troïka ou d’un quadrige haushoférien —et, partant, européen et euro-nippon— réactualisé.

    Quel est votre opinion sur l’Europe des ethnies?

    Il y a deux visions de l’Europe des ethnies: celle qui veut la fragmentation du continent ad infinitum, de manière à le rendre aussi “invertébré” que l’Espagne après 1898, phénomène de dissolution dénoncé par Ortega y Gasset dans son fameux ouvrage “España invertebrada”, livre de chevet de Jean Thiriart, en même temps que “La révolte des masses”. Cette vision “invertébrée” ne retient pas l’idée impériale, pourtant respectueuse des diversités qui composent les grands ensembles transnationaux ou transethniques. La Suisse et l’Allemagne fédérale, tout comme l’Autriche, sont des entités fédérales, respectueuses des diversités régionales, sans que personne, au sein de ces Etats fédéraux, ne songe à ruiner l’unité. A côté des “ethnistes fragmenteurs”, il y a ce que je nommerais les “ethnistes impériaux”, qui couplent l’idée impériale-européenne au souci herdérien de l’enracinement des peuples dans leur propre culture. Quand on prend en compte les oeuvres politiques des mouvements ethnistes, on doit pouvoir distinguer entre, d’une part, les “fragmenteurs”, qui commettent un “politicide” dans la mesure où ils participent à la balkanisation de notre sous-continent au bénéfice des superpuissances hégémoniques et où ils prennent le relais des “petits-nationalismes” étriqués qui ont précipité l’Europe dans les guerres fratricides qui l’ont ruinée; et, d’autre part, les “impériaux” qui cherchent à unir les hommes réels, de chair et de sang, dans un vaste projet commun, où les réalités charnelles ne seront ni gommées ni oblitérées.
    Certains mouvements ethnistes peuvent contribuer à ruiner des polities ou des républiques qui ont tendance, systématiquement, à se replier sur elles-mêmes et à se placer en position antagoniste, contre le reste du continent, contre leur propre aire civilisationnelle, au nom d’un égoïsme à courte vue ou d’un messianisme laïque complètement ridicule. C’est, au fond, l’opposition du 16ème siècle entre Charles-Quint, Impérial et soucieux du destin de l’Europe face au danger ottoman, et François I, qui s’allie à ces derniers pour satisfaire des appétits égoïstes, hostiles à l’harmonie de notre aire civilisationnelle. Dans cette même optique, toute velléité ethniste, dans un pays européen quelconque, qui vise à se détacher d’une forme ou l’autre d’Etat, dont l’existence est en contradiction avec le “testament de Charles-Quint” et qui aurait annexé des territoires ayant un jour fait partie, ou ayant un jour voulu faire partie, de la “Grande Alianza” (Bourgogne + Habsbourg + Castille-Aragon), est bien évidemment légitime: un peuple, ou un fragment de peuple, qui souhaite revenir dans le giron de la “Grande Alianza”, après en avoir été détaché par la force ou la contrainte, pose là une démarche “impériale” et non une démarche “fragmenteuse”. Je rappelle ici que Sud-Néerlandais, Autrichiens, Hongrois, Croates, Allemands, Espagnols, Italiens du Nord ne sont “vertébrés” politiquement, au sens où l’entendait José Ortega y Gasset, que s’ils gardent en tête le “testament de Charles-Quint”, base inamovible de toute véritable démarche européenne. S’ils n’ont pas ce “Testament” en tête, ils sont vecteurs de folie, de dissensus, de conflits civils, ils participent à la ruine de notre civilisation.

    Dans un entretien que vous avez naguère accordé aux animateurs du “Mouvement International Eurasiste” (“International Eurasian Movement”), vous évoquez la vision d’un monde multipolaire. Y a-t-il une possibilité réelle de faire émerger un tel monde, alors que la globalisation a déjà tout envahi? Cette multipolarité ne serait alors que le cache-sexe d’une globalisation parachevée, où le monde entier serait soumis aux intérêts de la haute finance...

    Après l’effondrement de l’Union Soviétique suite à la perestroïka de Gorbatchev, que le dissident et philosophe Alexandre Zinoviev nommait la “catastroïka”, le monde semblait basculer vers l’unipolarité, centrée sur la seule “américanosphère”. Le penseur nippo-américain Francis Fukuyama annonçait la fin de l’histoire et l’entrée du monde dans l’ère de la parousie néo-libérale. Pour lui, avec l’avènement d’Eltsine suite à un putsch paléo-communiste avorté qui entendait chasser Gorbatchev du pouvoir, l’ex-URSS allait se fondre à son tour dans la “Globalia” néo-libérale. Eltsine plonge alors la Russie dans le marasme, Poutine l’en sortira. Moralité: les prévisions de Fukuyama se sont avérées fausses. L’histoire est revenue, d’abord avec les néo-conservateurs américains, trotskistes recyclés qui ont remplacé la “révolution permanente” théorisée par leur maître initial par la “guerre permanente” que doivent mener les Etats-Unis, instance étatique élue par Dieu (?) pour faire triompher le Bien sur la Terre, contre le reste du monde, y compris contre leurs propres alliés qu’ils espionnent avec ECHELON et, très récemment, avec le système d’écoute “Prism” de la NSA ou “Tempora” de leurs homologues britanniques. Les théoriciens néo-conservateurs comme Robert Kagan ont annoncé “le retour de l’histoire” et non pas son terminus, et, surtout, “la fin des rêves” (cf. R. Kagan, “The Return of History and the End of Dreams”, 2008). Evidemment, pour Kagan, seuls les Etats-Unis sont autorisés à retourner au chantier de l’histoire, à quitter le monde onirique des idéologies iréniques. Ils doivent combattre les môles de puissance irréductibles que sont la Russie, la Chine et l’Iran, tout en se méfiant de l’Inde. Ils considèrent l’Europe comme un espace neutralisé, gouverné par des pitres sans envergure (seul Poutine est considéré comme un “chien dangereux” selon les documents révélés par Assange lors de l’affaire “Wikileaks”), un espace émasculé que l’on peut piller à qui mieux-mieux via les systèmes d’espionnage satellitaires. Dans un ouvrage plus récent, un autre néo-conservateur américain, Robert D. Kaplan, rappelle qu’un empire —en l’occurrence, pour lui, l’empire américain— doit en permanence se souvenir des impératifs de la géographie (cf. R. D. Kaplan, “The Revenge of Geography – What the Map Tells Us about Coming Conflicts and the Battle Against Fate”, Random House, New York, 2012) quand il façonne ses stratégies. Dans cet ouvrage qui réhabilite complètement les démarches géopolitiques et passe en revue les fondements géographiques de chaque puissance eurasienne, avouant implicitement qu’il y a, de facto, une multipolarité, mais une multipolarité que les Américains, selon Kagan ou Kaplan, doivent affronter, dont ils doivent réduire les môles de puissance, contenir leurs éventuelles expansions.
    Kaplan est également l’auteur d’un ouvrage de géopolitique capital pour comprendre le monde d’aujourd’hui et les intentions de l’hyperpuissance américaine: ce livre est consacré à l’Océan du Milieu, en d’autres termes, l’Océan Indien. Il s’intitule “”Monsoon – The Indian Ocean and the Future of American Power” (Random House, 2010, 2nd ed., 2011). Kaplan rejette la projection géographique usuelle aux Etats-Unis, où l’hémisphère occidental, c’est-à-dire les deux Amériques, est placé au centre des cartes, escamotant du même coup l’Océan Indien, alors que cet espace océanique est véritablement central, qu’il offre à qui le contrôle la domination sur le “rimland” asiatique des moussons. Cette “Asie des moussons” a donné aux Britanniques la puissance la plus déterminante sur l’échiquier européen et mondial, dès la seconde moitié du 18ème siècle. Au 21ème siècle, il en sera de même, il faudra, pour détenir l’hyperpuissance sur la planète, contrôler l’espace de l’Océan des Moussons: les Etats-Unis, pour Kaplan, ont intérêt à contrôler ou à contenir rapidement les puissances, petites ou moyennes, de l’arc de l’Asie des moussons, soit l’Inde, le Pakistan, la Chine, l’Indonésie, la Birmanie/Myanmar, Oman, le Sri Lanka, le Bengla Desh et la Tanzanie. Car c’est là, précise Kaplan, dans cet espace fragmenté, bigarré, sans homogénéité raciale ou culturelle, vaguement rassemblé dans une “Association des pays riverains de l’Océan Indien pour une coopération régionale” (IOR-ARC), que la lutte planétaire pour la “démocratie” (évidemment!), pour l’indépendance énergétique (américaine) et pour la “liberté religieuse” (?) sera gagné ou perdu. La diplomatie américaine doit concentrer tous ses efforts sur cette partie du monde si Washington veut continuer à garder un certain hégémonisme sur la Terre. Les pères fondateurs de la géopolitique, Mackinder et Haushofer ne disaient rien d’autre... L’Océan Indien baigne un espace à pôles multiples: il est l’espace même d’une multipolarité divergente.
    La mondialisation/globalisation procède certes par le truchement d’un mode de société toujours plus consumériste. Les Chinois commencent à consommer avec la même frénésie que les Américains et les Européens. La délocalisation de bon nombre d’industries manufacturières, qui ont quitté l’Amérique du Nord et l’Europe pour l’Asie et surtout pour la Chine, provoquant un chômage endémique dans nos pays, sanctionne finalement une “division du travail”, générant plus de problèmes qu’elle n’en résout. Il n’empêche que cette fusion apparente dans le creuset d’une globalisation économique laisse intacte les desseins géopolitiques et géostratégiques des “pôles” de la multipolarité.
    Les sphères émergentes contestent l’hégémonisme américain, contestent aussi l’idéologie que cet hégémonisme véhicule. Le point commun de tous les pôles, sauf l’Europe, totalement neutralisée, est de refuser l’immixtion permanente des Etats-Unis, notamment par le biais de l’idéologie dite des “droits-de-l’homme”, inventée, ou plutôt ré-inventée, à l’époque de la Présidence de Jimmy Carter, pour subvertir l’Iran du Shah et l’URSS de Brejnev (à l’époque, la Chine maoïste était exemptée de tout immixtionnisme américain puisqu’elle venait de sceller une alliance anti-soviétique avec Washington). Les cibles demeurent les mêmes: l’Iran, la Russie, la Chine qui retrouve le rôle négatif qu’on lui avait attribué dans les années 50 et 60. L’Inde —qui, explique Kaplan dans “Monsoon” (op. cit.), cherche à s’étendre “horizontalement” (vers l’Est et vers l’Ouest) et non pas “verticalement” (du Nord vers le Sud) comme le fait au contraire la Chine qui, en outre, cherche à devenir une puissance bi-océanique, d’où la condamnation de ses stratégies par Washington aujourd’hui— est tantôt ménagée, parce qu’elle doit participer à l’endiguement (“containment”) de la Chine, tantôt fustigée, quand elle affirme son caractère hindou (avec le BJP) ou qu’elle conserve ses liens étroits avec la Russie. L’Inde se définit comme “un pont entre différents mondes”, sans se reconnaître dans aucun groupe d’Etats (sous-entendu, elle garde ses distances avec le fameux “Groupe de Shanghai”). Malgré le poids de leur hyperpuissance militaire, les Etats-Unis seront toujours incapables d’absorber et de neutraliser les pôles asiatiques ou eurasiatiques comme ils ont brisé l’Europe, en détruisant l’Allemagne d’abord, en contrôlant totalement l’UE ensuite, par l’importation d’un néo-libéralisme qui a empêché l’Europe de consolider ses velléités d’autarcie, d’ordo-libéralisme (de capitalisme patrimonial rhénan ou, au Japon, “samourai”) ou de socialisme bien conçu, disons de facture bismarcko-keynesienne, comme le voulaient ses pères fondateurs ou encore un Jacques Delors. L’Europe, que nous espérions voir devenir un pôle à part entière dans un monde recomposé et enfin sorti du bipolarisme figé du temps de la Guerre Froide, enfin émancipé complètement de la tutelle américaine, est, aujourd’hui plus que jamais, un espace neutralisé, au tissu industriel mité, aux sociétés disloquées par toutes sortes de facteurs au départ exogènes, un espace d’amnésie historique, un espace totalement “invertébré”, un espace qui vénère benoîtement la “norme” sans oser se doter de force (Zaki Laïdi); ces dernières semaines de juin 2013 nous apportent une preuve éloquente de cette déliquescence de tout un continent potentiellement puissant mais paralysé, quand la Commissaire à la justice Viviane Reding, qui avait capitulé sans condition devant les Américains et les Britanniques qui espionnent, avec les systèmes d’écoute “Prism” et “Tempora”, les autres Européens, au mépris des règles diplomatiques et internationales les mieux établies, tout en promettant, la pauvre bougresse, de prendre des “mesures”, qui ne viendront évidemment jamais ou resteront au stade de voeu pieux...
    L’Europe-croupion, que nous avons devant les yeux, est une victime consentante de la globalisation voulue par l’hegemon américain. Les autres pôles ne le sont pas. Ils ont encore tous une pensée “vertébrée”, des traditions orthodoxes, hindouistes ou confucéennes intactes. En ce sens, l’Europe actuelle, sans “épine dorsale”, est effectivement soumise aux diktats de la haute finance internationale. Comme l’avait réclamé dans son recueil “Von rechts gesehen” (“Vu de droite”), Armin Mohler, théoricien de la “révolution conservatrice” allemande et ancien secrétaire de l’écrivain Ernst Jünger, écrivait que, pour se dégager des tutelles exogènes, l’Allemagne devait opter pour une alliance avec la France gaullienne —à l’époque une réalité, aujourd’hui disparue sous l’effet délétère des politiques aberrantes de Sarközy et de Hollande— et ne jamais hésiter à entretenir des relations avec les Etats que la propagande américaine nommait déjà les “Rogue States”. Armin Mohler et Jean Thiriart étaient au fond sur la même longueur d’onde. L’actualisation de leurs injonctions politiques postule évidemment, pour nous, de privilégier les rapports euro-BRICS ou euro-Shanghaï, de façon à nous dégager des étaux de la propagande médiatique américaine et du banksterisme de Wall Street, dans lesquels nous étouffons. La multipolarité pourrait nous donner l’occasion de rejouer une carte contestatrice à la Mohler et à la Thiriart en matières de politique extérieure.

    Aujourd’hui, 10% de la population vivant en Europe est musulmane et à ces 10% il faut ajouter l’installation en Europe de toute une série d’autres populations non indigènes; sans entrer dans les détails, je ne citerai qu’un exemple: la population européenne (de souche, toutes nationalités confondues) ne totalise qu’un tiers de la population de Londres aujourd’hui, elle est donc en état d’infériorité numérique par rapport aux autres “races” qui, de plus, ont un taux de natalité bien supérieur, le triple de la moyenne européenne. A quel phénomène faisons-nous face? Et comment le résoudre?

    Vous savez bien qu’il est interdit de parler sereinement de ces phénomènes, surtout en France ou en Belgique où la liberté d’expression n’existe plus en ce domaine bien particulier. Vous pouvez blasphémer à qui mieux-mieux contre les religions autochtones, surtout le catholicisme lorsque des “femens” déchaînées et camées s’attaquent à Bruxelles à un archevêque qui, très timidement, veut ramener un tout petit peu de bon sens dans une église à la dérive depuis un demi siècle, vous pouvez vous moquer avec la plus extrême des méchancetés de toutes les traditions européennes, religieuses ou culinaires, historiques ou littéraires, artistiques ou philosophiques, vous pouvez fabriquer la pornographie la plus outrancière et la plus perverse, mais vous ne pouvez souffler mot sur le phénomène que certains polémistes français comme Renaud Camus appellent le “grand remplacement”. Depuis les émeutes de Paris et des grandes villes françaises en novembre 2005, depuis les émeutes de grande ampleur à Londres en août 2011, depuis les récentes émeutes de Suède en mai 2013, on sait que la situation va devenir très difficilement gérable dans la décennie à venir, surtout sur fond de crise économique et financière car la gestion de ces populations, précarisées du fait de leur non intégration, va coûter de plus en plus cher et l’argent n’est plus là, tout simplement. Ces installations irréfléchies de populations hétéroclites dans les grands centres urbains de l’Europe va, à terme, provoquer l’effondrement du système de sécurité sociale, laborieusement mis en place pendant les “Trente Glorieuses” et maintenu vaille que vaille durant les “Trente Piteuses”, effondrement dont pâtiront et les autochtones les plus précarisés et les migrants intégrés ou non, sans distinction.
    Ce n’est évidemment pas ce seul phénomène “migratoire” qui va faire s’effondrer le système, bon dans ses principes organisationnels et dans ses intentions premières, mais malheureusement bâti sur du sable et non sur le réalisme politique et économique de la tradition aristotélicienne, bâti, hélas, sur le sable mouvant des “nuisances idéologiques” (Raymond Ruyer), qui sont nuisances justement parce qu’elles ignorent tout principe d’harmonie et d’équilibre, toute limite et toute pondération; parmi elles, il y a surtout l’emballement que provoque la forme dominante du néo-libéralisme, imposé depuis l’ère Thatcher & Reagan, depuis les années 1979 à 1982. Le néo-libéralisme en place est principalement une forme de capitalisme financier, et non industriel et patrimonial, qui a misé sur le court terme, la spéculation, la titrisation, la dollarisation, plutôt que sur les investissements, la recherche et le développement, le long terme, la consolidation lente et précise des acquis, etc. La crise de l’automne 2008 et la période de ressac que nous connaissons tous depuis lors, surtout dans les pays méditerranéens, en Grèce et en Espagne, sont l’aboutissement d’une idéologie fumeuse, inapplicable car irréelle, que mes amis et moi-même dénonçons depuis le moment même de son avènement: nous avons été des “voces clamantes in deserto”.
    Cette crise va fragiliser les phénomènes connexes à cette globalisation néo-libérale, dont l’immigration-peuplement, surtout qu’il y a eu, en plus, “délocalisation” du tissu industriel donc perte massive d’emplois pour travailleurs peu qualifiés. Bon nombre d’auteurs, même en dehors du microcosme dit “identitaire”, ont pourtant tiré la sonnette d’alarme.
    Je pense notamment au Français Jean-Paul Gourévitch qui, en 2007, énumérait quatre défis majeurs auxquels les pays accueillant de fortes minorités immigrées allaient être confrontés:
    1) le vieillissement de la population européenne, observable déjà depuis les années 60, notamment par un historien comme Pierre Chaunu (père de l’“histoire sérielle”), est un phénomène très préoccupant d’implosion et de ressac qui n’a jamais été contré par une politique nataliste et volontariste, semblable à celle que Poutine tente de mettre en place en Russie; le recul des naissances, dans la logique d’une société de consommation, où le quantitatif prime le qualitatif, oblige à faire appel à des migrations comme palliatifs, des migrations d’abord bien encadrées, quand la bonne conjoncture des “Trente Glorieuses” le permettait encore, puis déversées dans nos villes de manière anarchique et incontrôlée;
    2) la lutte difficile contre les inévitables discriminations, lutte amorcée en vue de faciliter l’intégration; ces difficultés sont dues, notamment, entre beaucoup d’autres pierres d’achoppement, à l’impossibilité d’étendre à l’infini le marché public du logement social, lequel se compose, notamment en France, d’appartements de quatre pièces, insuffisants pour abriter des familles extrêmement nombreuses, parfois polygames; le parc immobilier, mis à la disposition des plus démunis, exige des frais d’entretien énormes que les municipalités ne peuvent plus financer; les volontés de “mixité” sociale, exprimées par les pouvoirs publics, se heurtent tout à la fois à l’hostilité des autochtones, qui quittent les villes pour les périphéries, et des immigrés qui veulent rester entre eux, sans immixtion constante de fonctionnaires municipaux, dénués de raison vitale et adeptes de toutes les niaiseries idéologiques; les discriminations à l’emploi continuent à frapper les immigrés, en dépit de plus de deux décennies de propagande massive en faveur de l’intégration; on doit donc en conclure que les politiques d’intégration ont partout fait faillitte car elles ne sont acceptées ni des autochtones, qui restent silencieux et fuient les villes pour constituer une nouvelle catégorie démographique, celle des “néo-ruraux”, ni des immigrés, qui manifestent parfois bruyamment leur mécontentement, quand les subsides qui leur sont pourtant généreusement alloués leur semblent trop chiches (voir les récents événements de Suède).
    3) Les Etats hôtes d’Europe occidentale n’ont pas pu maîtriser l’immigration clandestine qui, par le flux ininterrompu qu’elle représente, précarise, bien au-delà du simple regroupement familial préconisé depuis la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, les strates immigrées déjà présentes ou anciennes; elles rendent encore plus hétéroclites les masses non intégrées, créant de la sorte, en ce début de 21ème siècle, la situation aberrante que narre le mythe biblique de la “Tour de Babel”, où tous finissent pas fuir parce que s’instaure la confusion générale. Les flux hétérogènes, différents des premières vagues migratoires légales vers l’Europe, génèrent, de par leur illégalité, une exploitation cruelle, assimilable à une forme d’esclavage, n’épargnant pas les mineurs d’âge (50% des nouveaux esclaves!) et basculant largement dans une prostitution incontrôlable. A laquelle s’ajoutent aussi les trafics d’organes. Cette “économie” parallèle contribue à corrompre les services de police et de justice. Autre horreur: la réapparition de “murs” (après la disparition de celui de Berlin) le long de la frontière américano-mexicaine, en lisière des villes espagnoles de Ceuta et Melilla, et de murs “virtuels” sous forme de radars et de détecteurs en Mer du Nord et en Méditerranée, dispositifs chimiques pour détecter l’émission des gaz carboniques émis par les corps humains dissimulés, etc. Toutes ces infrastructures de dissuasion coûtent fort cher et mobilisent des budgets qui rognent sur ceux, utiles, de la sécurité sociale, de la recherche et du développement, du réarmement de l’Europe, de l’enseignement, etc. Ils contribuent ainsi à l’affaiblissement généralisé de l’Europe, citadelle aujourd’hui assiégée de toutes parts. Tous ces problèmes horribles, inouïs, et le sort cruel des exploités, des enfants réduits à une prostitution incontrôlée, les pauvres hères à qui on achète les organes, les travailleurs sans protection qu’on oblige à prester des travaux dangereux ne font pas sourciller les faux humanistes, qui se donnent bonne conscience en défendant les “sans papiers” mais qui sont, par là même, les complices évidents des mafieux —également “sans papiers” pour échapper à toute poursuite et à toute localisation. Ceux-ci peuvent ainsi tranquillement poursuivre leurs activités lucratives: en tant qu’“idiots utiles”, les humanistes à faux nez sont complices et donc coupables, co-auteurs, des crimes commis contre ces pauvres déracinés sans protection et que ne protègeront pas, bien entendu, les fameux “papiers” qu’on réclame pour eux. Nos angélistes aux discours tout de mièvrerie sont donc complices des forfaits commis, au même titre que les proxénètes, les négriers et les trafiquants. Sans la mobilisation des “bonnes consciences”, ces derniers ne pourraient pas aussi aisément poursuivre leurs menées criminelles.
    4) Le quatrième défi, mis en évidence par Gourévitch, est celui de l’économie informelle, phénomène antérieur aux flux migratoires, mais que ceux-ci ont amplifiés, tout en alimentant la fraction, de plus en plus nombreuse, des populations migrantes qui ne parviennent pas à s’insérer dans le tissu social, en dépit des dispositifs d’intégration mis en place depuis trois bonnes décennies. La France a beau avoir mis en place la DILTI (“Délégation Interministérielle à la Lutte contre le Travail Illégal”), l’OCDE a eu tout aussi beau jeu de tirer à son tour la sonnette d’alarme, l’ethnic business et l’économie souterraine, les recels et les locations de taudis insalubres, bref la totalité de l’économie informelle aurait brassé, selon l’enquête menée par Gourevitch en 2007 à plus de 300 milliards d’euro, soit 17 à 18% du PIB français. L’ampleur de cette économie informelle et l’opacité du milieu qui la génère rend les services de police et la justice totalement impuissants.
    Nous faisons donc face à cette économie informelle, qui génère des “sociétés parallèles” (qu’appuie un certain Erdogan en Europe centrale, avec tout le poids de la diplomatie turque...) et à la démultiplication quasi à l’infini des frais sociaux, prévus par l’Etat-Providence. Cette démultiplication va entraîner très vite, dans les cinq à dix ans à venir, l’assèchement des caisses municipales (et autres...) et à l’impossibilité de lever de nouveaux impôts sur une classe moyenne considérablement appauvrie par la crise. La démesure babelienne que les intellos écervelés et les “croyeux” naïfs ont prise pour du “progressisme”, à grand renfort de propagande médiatique, va se muer en un bel éventail de facteurs non niables de “régressisme”, de régression sociale, de détricotage de tous les acquis sociaux et syndicaux. Selon l’adage: qui veut faire l’ange, fait la bête... Les négateurs de balises et de limites, qui voulaient tout bousculer au nom du “progrès” (qu’ils imaginaient au-delà de tout empirisme), vont provoquer une crise qui rendra leurs rêves totalement impossibles pour au moins une dizaine de générations, sauf si nous connaîtrons l’implosion totale et définitive... Quant aux solutions que nous pourrions apporter, eh bien, elles sont nulles car le système a bétonné toute critique: il voulait poursuivre sa logique, sans accepter le moindre correctif démocratique, en croyant que tout trouverait une solution. Ce calcul s’est avéré faux. Archi-faux. Donc tout va s’effondrer. Devant notre lucidité. Nous rirons de la déconfiture de nos adversaires mais nous pleurerons amèrement sur les malheurs de nos peuples.

    Si nous prenons en considération l’avancée profonde du matérialisme et de l’individualisme dans les pays occidentaux, ne devons-nous pas craindre d’être poussé vers une perte totale de spiritualité?

    Nous avons déjà perdu toute spiritualité. Les traditionalistes, qui s’inspirent de Guénon et d’Evola, évoquent une ère de “Kali Yuga”, d’âge sombre, telle que l’entrevoit la tradition hindoue. C’est bien l’époque que nous vivons car Evola a signalé qu’en fin de cycle, les phénomènes de dégénérescence et de déclin vont en s’accélérant, plongeant les Empires et les Etats dans la déliquescence totale. En Europe, où nous n’avons même plus un Kagan ou un Kaplan pour nous rappeler quelques recettes élémentaires pour tenir un Empire, même à une époque de ressac. Le “Kali Yuga” est donc bien palpable de nos jours: la France, depuis Sarközy et Hollande (dit “Holl’andouille”) n’est plus que la caricature d’elle-même, et la négation de sa propre originalité politico-diplomatique gaullienne; l’Allemagne se cramponne à des idées fixes et n’ose pas s’affirmer, sous le règne d’une Angela Merkel qui n’a bien entendu ni le tonus ni la clairvoyance de ses prédécesseurs socialistes, d’un Schroeder ou d’un Schmitt. Votre question, si j’y répondais de manière exhaustive, exigerait la rédaction d’un livre tout entier. Je ne peux dire en quelques lignes ce qu’Evola, Schuon, Guénon ou d’autres traditionalistes ont dit en plusieurs dizaines de volumes, car, souvent, il n’y a pas grand chose à ajouter à leurs diagnostics, si ce n’est les traduire en un langage plus quotidien.
    L’histoire de mon pays, la Belgique, nous fait entrevoir le désastre, rien que dans l’involution de la famille politique catholique, puis “démocrate-chrétienne”. Notre histoire politique montre donc que l’exigence morale des tenants de la “Jeune Droite” de Henry Carton de Wiart au début du 20ème siècle, puis des militants de l’ACJB (“Action Catholique de la Jeunesse Belge”), quelles qu’aient été leurs options ultérieures après l’émergence du rexisme de Léon Degrelle, que le souci éthique que le Prof. Marcel Decorte avait encore voulu réveiller dans les années 50, se sont bien vite évanouis au profit d’un technocratisme sans épaisseur éthique, importé par Paul Van Zeeland avant-guerre et poursuivi par toute une série de politiciens sans envergure ou sans scrupules après 1945 ou au profit d’un démocratisme du “je-ne-sais-quoi” et du “presque-rien” qui a débouché sur la mascarade puante d’un parti dirigé par des festivistes écervelés qui se donnent désormais l’étiquette d’“humanistes”. On se demande en quoi leurs salades sont “humanistes”: Erasme, qui était hypocondriaque mais un véritable humaniste renaissanciste, doit galoper plein tube vers un bassinet pour y vômir sa soupe aux légumes quand, du haut de son empyrée céleste, il jette un regard sur le spectacle que nous donne en permanence cette brochette de connards et de connasses qui ont galvaudé le terme même d’humanisme puis transformé, par leurs sottises, la principale force politique de la Belgique, en un parti estropié et minoritaire, à la remorque des socialistes, qui titubent d’une corruption à l’autre, pour chavirer ensuite dans une autre perversité. En Flandre, les excès de technocratisme, tourné en “plomberie” du temps de Dehaene, ont également ruiné le pôle démocrate-chrétien au profit d’une forme de pseudo-nationalisme, centré sur la vacuité et la vanité d’un gros bonhomme qui a maigri pour faire jacasser les médias, une formation idéologiquement filandreuse à relents festivistes, avec laquelle personne ne veut gouverner. Bref, l’absence d’éthique dans le pôle politique qui, précisément, entendait l’incarner, du moins jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale, a provoqué l’implosion du pays. L’Europe et le reste du monde occidental présentent la même implosion, parfois en moins ridicule mais toujours sur un mode aussi navrant, aussi impolitique, aussi incapable de sortir notre aire civilisationnelle de l’ornière où elle s’est enlisée.
    La disparition de toute épine dorsale éthique dans le monde occidental, le plus touché par la décadence, entraîne toute une série de maladies psycho-sociales, dont quelques universitaires dressent la cartographie, tout en étant complètement ignorés des “décideurs” politiques qui, comme on le sait, préfèrent la politique de l’autruche. Parmi ces universitaires, je ne citerai que le Flamand Dirk De Wachter, professeur à la KUL de Louvain, et l’Allemand Manfred Spitzer, directeur de la clinique psychiatrique de l’Université d’Ulm (cf. Dirk De Wachter, “Borderline Times – Het einde van de normaliteit”, Lannoo Campus, Tielt, 2012; Manfred Spitzer, “Digitale Demenz – Wie wir uns und unsere Kinder um den Verstand bringen”, Droemer, München, 2012).
    Le Prof. De Wachter voit disparaître toute forme de “normalité” et glisser nos populations vers ce qu’il appelle, en jargon de psychiatrie, le “borderline”, la “limite” acceptable pour tout comportement social intégré, une “borderline” que de plus en plus de citoyens franchissent malheureusement pour basculer dans une forme plus ou moins douce, plus ou moins dangereuse, de folie: en Belgique, 25% de la population est en “traitement”, 10% ingurgitent des anti-dépresseurs, de 2005 à 2009 le nombre d’enfants et d’adolescents contraints de prendre de la rilatine a doublé rien qu’en Flandre (de 15.000 à 30.000...); en 2007, la Flandre est le deuxième pays sur la liste en Europe quant au nombre de suicides par million d’habitants (161/un million). C’est là, on en conviendra, une brillante réussite de la politique régimiste! Bilan désastreux pour nos “progressistes” qui croyaient avoir trouvé toutes les formules pour faire le bonheur des masses! Pour le Prof. De Wachter, la solution réside dans un renouveau culturel, littéraire et artistique, basé sur des principes radicalement différents de ceux appliqués aujourd’hui dans les établissements d’enseignement: l’effondrement du niveau, où le prof doit se mettre au niveau des élèves et capter leur attention “no matter what” et la négligence des branches littéraires, artistiques et musicales, qui permettent à l’enfant de tenir compte d’autrui, font basculer les nouvelles générations dans une déshumanisation problématique, constate le Prof. De Wachter, en se réclamant du philosophe conservateur britannique Roger Scruton et de la “communautariste” américaine Martha Nussbaum, vigoureuse avocate du retour aux humanités classiques, à nos racines grecques et aristotéliciennes. Guérir notre société malade passe donc par une révolution culturelle, soit par un retour, par un “revolvere” aux fondements sûrs de notre civilisation, aux humanités classiques et aux bases identitaires. Sans identité, sans tradition, sans “centre” intérieur (Frithjof Schuon), on devient fou: tel est notre constat, schématisé ici de manière certes un peu abrupte, et il est corroboré par l’une des plus grandes sommités de la médecine psychiatrique de la célèbre université de Louvain. Ceux qui nous contrarient au nom de leurs chimères et de leurs délires, sont, par voie de conséquence, sans trop solliciter les faits, des fous qui veulent précipiter leurs contemporains au-delà de la “borderline”, où on ne survit qu’à grands renforts d’anti-dépresseurs ou d’euphorisants, à moins de passer dans la catégorie des 161 infortunés sur un million d’habitants qui recourent au suicide.
    Quant à ce spécialiste des recherches sur le fonctionnement du cerveau qu’est le Prof. Manfred Spitzer, il s’est penché tout spécialement, dans son dernier livre (op. cit.) sur la “démence digitale”, où il dénonce l’utilisation abusive de médias digitalisés dans l’enseignement. Son ouvrage est une riposte à une dangereuse élucubration de la “Commission d’enquête” du Bundestag allemand, qui avait prévu d’offrir un “notebook” à tous les écoliers et de promouvoir la “pédagogie par jeux informatiques”: il paraît d’après ces délirants germaniques que cette bimbeloterie high tech et cette pédagogie de cornecul vont offrir “un meilleur avenir pour nos enfants” (gnagnagna...). Pour le Prof. Spitzer, nobelisable, ce délire témoigne d’une méconnaissance totale du fonctionnement du cerveau humain (surtout au stade de l’enfance et de l’adolescence) et d’un commercialisme sans scrupules (car les marchands d’ordinateurs et de logiciels ont sûrement graissé la patte des politicards et des pédagogogues). Pourtant, bon nombre d’études scientifiques ont prouvé que les médias digitalisés ne donnaient que de piètres résultats sur le plan pédagogique. Pire, ils endommagent les corps et les cerveaux, dans la mesure où la mémoire et la concentration en pâtissent. On entraîne ainsi les nouvelles générations dans la superficialité, dans l’a-socialité (les amis virtuels de “Facebook” ou de “Twitter” ne sont pas des amis de chair et de sang), dans la dépression (cf. De Wachter), due notamment à l’absence de sommeil cumulée sur des mois voire des années. Et dans les pages 276 à 281 de son livre, Spitzer pointe du doigt les coupables: les politiciens, tous partis confondus; citation: “Lors de conférences et de débats, on m’a souvent demandé d’aller parler aux hommes politiques. Je l’ai fait, à plusieurs reprises, notamment, il y a quelques années, lors d’un audit d’experts mandé par la Commission de la jeunesse du Bundestag. Cet audit a duré deux fois plus de temps que prévu et les députés ont trouvé formidable tout ce que nous leur disions. Après environ six semaines, on a pondu un long protocole qui concluait... qu’il n’y avait aucune raison d’agir... Le lobby médiatique, entretemps, n’avait pas perdu son temps”. Mieux: “Le sort des enfants n’est pas pris au sérieux par les responsables politiques. Ils les perçoivent plutôt comme du bétail et non pas comme des êtres en pleine croissance, comme de petits diamants que l’on doit traiter raisonnablement et avec respect”. Voilà donc l’avis de deux experts, issus de facultés de médecine prestigieuses, un avis que les politiciens ignorent... Et peuvent ignorer en toute tranquillité parce qu’il n’y a pas de structures de combat métapolitique dans nos quartiers pour contrer leurs agissements criminels et anti-sociaux dans nos assemblées municipales, dans nos écoles, dans nos comités de voisinage, etc. Il y a des dizaines de savants irréprochables, comme De Wachter et Spitzer, qui ne peuvent pas faire entendre leur voix parce qu’ils n’ont aucun relais dans la société civile, aucune association métapolitique pour leur venir en aide et faire triompher, dans chaque quartier, dans chaque bourg, leurs idées justes et bonnes.

    Quelles est votre opinion sur la montée ou sur les avatars des partis dits “nationalistes” en Europe aujourd’hui ?

    A partir de la perestroïka de Gorbatchev, au moment de la chute du Mur de Berlin, au début des années 90 du 20ème siècle, tous les espoirs étaient quasi permis: le communisme disparaissait en tant que partie prenante du duopole de Yalta. Sa fonction de croquemitaine pour imposer le libéralisme manchestérien à l’Europe occidentale s’évanouissait. On pouvait envisager ce que nous appellions, à l’ère du duopole, une “troisième voie” (Jean-Gilles Malliarakis à Paris) ou un “solidarisme” (Lothar Penz et Ulrich Behrenz à Hambourg). Rien n’est arrivé. Nos espoirs ont été totalement déçus. Les partis dits “nationalistes” sont apparus à la même époque: Le Pen prend son envol, grâce aux efforts de Stirbois à Dreux, dès 1984, un an avant l’accession de Gorbatchev au pouvoir. D’autres partis sortent de la marginalité ailleurs en Europe: le bilan de cette effervescence nouvelle à l’époque, je l’ai dressé, encore assez enthousiaste, avec le regretté Roland Gaucher, dans un numéro spécial sur les “nouveaux nationalistes” du célèbre mensuel parisien “Le Crapouillot” en 1994. C’était là une enquête minutieuse que j’avais pu mener allègrement, grâce, surtout, à la formidable documentation qu’avaient compilée Peter Dehoust, Heinz-Dieter Hansen et Wolfgang Strauss en Allemagne dans les colonnes de revues ou de bulletins comme “Nation Europa”, “DESG-Inform” ou “Staatsbriefe” (du Dr. Hans-Dieter Sander). Deux écueils expliquent la stagnation actuelle de toutes ces formations politiques, stagnation assortie par d’interminables querelles entre personnes: 1) le mirage du néo-libéralisme, dont ces formations ne se sont pas assez démarquées au profit d’un solidarisme nouveau, c’est-à-dire d’un socialisme comme aux temps héroïques, comme au temps de Georges Sorel ou de Roberto Michels, d’un socialisme débarrassé de toutes corruptions mais demeurant inébranlablement au service du peuple, ce qui n’est plus le cas d’un socialisme “diroupetté” ou “hollandouillé”; 2) l’incapacité à s’unir dans le domaine de la politique étrangère; on a vu certains partis faire l’apologie de Bush et du néo-conservatisme new-yorkais, au nom d’une islamophobie qui confondait l’islam avec les dérapages inacceptables du wahhabisme saoudien ou du salafisme nord-africain. Position aussi imbécile que celles des socialistes (corrompus) des vieilles sociales-démocraties usées d’Europe qui croyaient qu’Obama allait nous apporter une ère de paix diamétralement différente du bellicisme néo-conservateur! Alors qu’Obama poursuit, opiniâtre, le programme guerrier et pétrolier du père et du fils Bush!
    Seule la FPÖ autrichienne offre, dans sa presse, des articles anti-impérialistes bien argumentés et documentés, dus à la plume d’un véritable héros contemporain de l’européisme sainement conçu, un héros modeste et effacé, le Dr. Bernhard Tomaschitz, que j’ai le vif plaisir de traduire assez souvent. En Italie, le quotidien de la “Lega Nord”, “La Padania”, offrait aussi de fructueuses analyses en politique étrangère et je me souviens, avec nostalgie, de ma coopération avec Archimede Bontempi, lors de la guerre de l’OTAN contre la Serbie. En dehors des partis représentés dans les hémicycles, le quotidien romain “Rinascita”, organe d’une “gauche nationale” offre chaque jour, grâce à un excellent réseau de correspondants dispersés dans le monde entier, des analyses de politique internationale qui devraient servir d’exemples à tous et faire honte à tous les cancres qui ne s’en inspirent pas...
    En tant qu’admirateur de la clarté conceptuelle de Jean Thiriart, j’ai donc été déçu de ne pas voir les analyses de Tomaschitz, de Bontempi (et de ses amis) et de la formidable équipe de “Rinascita” être traduites en un militantisme offensif, tous azimuts, mobilisant les universités (si c’est encore possible, à l’heure de la démence digitalisée stigmatisée par le Prof. Spitzer...), les cercles culturels, para-politiques et métapolitiques, les débats parlementaires en commission des affaires étrangères, de manière à s’opposer systématiquement aux diktats de l’hegemon, non pas par une politique frontale, car nous n’en avons pas (encore) les moyens, mais par une stratégie des petits coups d’épingle constants et incessants, une stratégie dont les partis dits “nationalistes” auraient dû se faire le fer de lance, faute d’autres combattants représentatifs et à cause des scléroses mentales des formations d’extrême-gauche, pourtant plus férues de politique étrangère... Beaucoup n’ont pas opté pour ce combat constant et nécessaire... En attendant, l’Europe des tartuffes constate qu’elle est espionnée, que l’Oncle Sam a des yeux et des oreilles partout, jusque dans les chiottes du Parlement européen (pour parler comme Poutine...), grâce au système Prism et que John Bull fait de même, avec “Tempora”. Les cocus magnifiques... Nous n’avons pas attendu un tel scandale ni les révélations de Julian Assange ou d’Edward Snowden pour réagir, pour organiser un mini-pôle de rétivité. Une fois de plus, nous avons eu raison, mille fois raisons. Notre politique de refus de l’américanisme était la bonne. La seule qui soit politiquement rationnelle face à un hegemon malhonnête.

    Pour terminer cet entretien, je voudrais que vous expliquiez aux néophytes que nous sommes ce qu’a été le rôle de “Synergies Européennes” ?

    Vous pourrez consulter l’entretien que j’ai accordé au site scandinave “Oskorei” pour comprendre ce qu’a été “Synergies Européennes”. L’objectif était de faire travailler ensemble des Européens lucides et enracinés dans leur culture par des colloques, conférences et universités d’été communes et par une politique de traduction tous azimuts. Lors de mon intervention sur les ondes de la radio libre “Méridien Zéro” en juin 2012, l’animateur de service ce jour-là m’a bien avoué qu’il manque aujourd’hui en Europe une association “baldaquin” du genre que celle que j’ai animée jusqu’en 2004, avant de passer au virtuel comme tout le monde —ce qui n’est pas la même chose, hélas, que les rapports directs et personnels entre confrères— sur les sites http://euro-synergies.hautetfort.com puis http://vouloir.hautetfort.com et http://archiveseroe.eu . Mes textes personnels se trouvent sur http://robertsteuckers.blogspot.com . Si d’aucuns estiment opportune la renaissance d’une telle structure souple et ouverte, d’un tel baldaquin, que les volontaires se présentent au bureau de recrutement, avec leurs références, prouvant qu’ils savent travailler dans la constance et la détermination. Et tout redémarrera comme au premier jour.

    Merci d’ajouter les quelques mots de la fin pour nos lecteurs...

    Méditez l’adage tiré de la fable de Lafontaine, “Le laboureur et ses enfants”: “Travaillez, prenez de la peine, c’est le fond qui manque le moins”.

    Forest-Flotzenberg, juin-juillet 2013.http://robertsteuckers.blogspot.fr/

  • Entretien avec les Jeunesses Nationalistes de la section Moselle, par Pierre PETRUS

    Pierre Petrus : Bonjour et merci de m’accorder cet entretien. Pouvez-vous présenter votre mouvement “Jeunesses Nationalistes” au niveau national ainsi que votre section présente en Moselle ?
    Jeunesses Nationalistes Moselle :
    Bonjour Pierre, merci à vous de nous avoir convié à cet entretien.

    À l’échelle nationale, les Jeunesses Nationalistes ont été fondées en octobre 2011 par Alexandre Gabriac, conseiller régional Rhône-Alpes, lors du XIVème Forum de la Nation, à Lyon. Nous avons comme objectif de rassembler tous les jeunes nationalistes désireux de se regrouper et de s’investir dans une structure à la doctrine solide, cohérente, claire, saine, et intransigeante sur les principes.

    Nous pouvons dire sans mentir que notre mouvement s’est bâti sur les ruines du Front National mariniste, devenu un parti se rabaissant à traquer ses propres militants, afin d’en exclure les plus intelligents et déterminés. En ces deux années d’existence, nous avons vu rejoindre en notre sein des centaines d’orphelins, non pas de doctrine mais de socle intellectuel capable de les accueillir et de les former comme il se doit.

    Aux Jeunesses Nationalistes, nous défendons la véritable France, celle qui est éternelle. Rien ni personne ne pourra jamais entraver notre inébranlable désir de reconstruction nationale. Nous subissons depuis 1789 l’immonde perfidie d’une Engeance de mort, qu’elle sache que nous ne voulons pas de son monde, celui de la déraison et du chaos. Les Français ne seront bientôt plus traités comme des étrangers sur leur propre sol, ils ne seront plus jamais de simples consommateurs serviles et interchangeables, nous en faisons le serment. Rebâtir une nation fondée sur un ordre nouveau, sur des valeurs immuables, voilà notre but suprême. La révolution nationale salvatrice que nous appelons vise à la sauvegarde de notre grande civilisation ancestrale, qui, une fois rétablie, donnera enfin à notre peuple la dignité qui lui est due. Le bien commun supplantera à tout jamais l’intérêt particulier, seul fondateur d’avenir millénaire. Les lois d’airain de la nature, si bafouées en ces temps modernes, verront alors leur résurrection !

    Cela va sans dire, créer un État nationaliste entraînera inéluctablement l’anéantissement total de la démocratie. Moteur de destruction civilisationnelle, cette abomination satanique sans précédent n’a que trop vécu. Si elle persiste encore quelques décennies, notre disparition pourrait être plus proche qu’on ne le pense. Il faut agir, et vite.

    Venons-en à la Moselle, notre section. Nous étions au départ deux militants, nous nous sommes rencontrés sur internet et notre idéal commun, notre foi viscérale en nos convictions et notre indéfectible détermination en l’avenir nous ont menés à vouloir participer au Salut de la France, notre France. Nous avons créé cette structure militante le 16 décembre 2012 après l’approbation d’Yvan Benedetti et d’Alexandre Gabriac, qui sont venus nous rencontrer à Metz. Aujourd’hui, 7 mois plus tard, notre section a grandi et a vu naître des militants de qualité, tous plus motivés les uns que les autres pour reprendre notre région et notre pays en main. Vers l’avenir, fidèles au passé, nous nous inscrivons comme le maillon d’une longue chaîne historique, et allions la fougue et le dynamisme de la jeunesse, à la sagesse, la rigueur doctrinale et l’expérience des militants nous ayant précédés.

    Chloroformés par des années de propagande démocratique anti-naturelle des plus exécrables, les masses n’ont plus aucune aspiration à la vie, elles se retrouvent amorphes et sans destinée. Notre objectif à l’échelle locale comme nationale est d’enflammer les esprits et de révolutionner les âmes. L’œuvre qui nous incombe est en même temps le plus sain des devoirs : former une minorité inaccessible au découragement, capable d’aller jusqu’au bout pour leur Patrie !

    P.P. : Quels sont les évènements et les références qui vous ont poussés à vous intéresser à la cause nationale ?
    JN Moselle :
    Il n’y a pas vraiment eu d’événements spécifiques, ni de déclic, cela s’est fait naturellement par un processus d’éveillement et de compréhension du monde. Ce qui nous a poussés dans ce combat, c’est la constatation que notre pays n’est plus aux mains de Français authentiques. Il nous est apparu évident de constater cette politique létale visant directement à notre élimination en tant que race et nation. Le fait de voir des masses allogènes en constante augmentation, amenées sur notre sol par un judaïsme politique toujours plus puissant visant au remplacement de notre population, nous force à ouvrir les yeux. L’observation de nos contemporains, l’abrutissement et la décadence dans laquelle les jeunes sont plongés et encouragés à y rester, ne peuvent que pousser les esprits sains vers le combat nationaliste.

    En effet, lorsque l’on comprend la situation catastrophique dans laquelle se trouve notre pays, cela ne peut déboucher que sur un engagement politique. Il en est fini de se complaire dans la médiocrité, nous tiendrons debout malgré la répression que nous subissons, malgré les gardes à vue et les procès ! Si nous ne le faisons pas, qui d’autre le fera ?

    Nous encourageons quiconque à s’investir sur le terrain et à se former intellectuellement par la lecture, l’un n’allant pas sans l’autre. Les livres permettant d’évoluer sont nombreux, nous n’allons pas faire de liste par peur d’en oublier. D’excellents journaux sont également à disposition pour se former comme il se doit, tels Militant et RIVAROL.

    P.P. : Le département mosellan, autrefois rayonnant économiquement dans les périodes où le secteur secondaire ne s’était pas encore trop frotté avec la concurrence mondialiste inéquitable, est en chute libre. La désindustrialisation massive et la paupérisation généralisée s’inscrivent dans un contexte social déprimant, aussi bien au niveau régional que national. Êtes-vous de ceux qui pensent que ces symptômes déprimants sont le fruit d’un système à bout de souffle en voie d’extinction à court terme, ou croyez-vous qu’il s’agit de dérèglements temporaires que le système pourra résorber pour repousser son futur effondrement ?

    JN Moselle : Les récents événements de notre région à ArcelorMittal nous ont permis de constater la politique désastreuse d’un gouvernement conduisant nos industries au bord du gouffre. Ce sont les conséquences d’un monde sans frontières, d’un monde où le libre-échange est un dogme imposé par la grande finance apatride. Liberté de circulation des hommes, des marchandises, des moyens de production et des capitaux ; cette paupérisation de nos régions est due aux politiques mortifères de nos élites, partisanes du projet mondialiste, dans le but de causer notre effondrement social.

    Seul l’avenir nous dira ce qu’il adviendra de cette politique subversive. Pour le moment, nous espérons de toutes nos forces qu’une crise hors du commun survienne, car il nous faut toucher le fond afin d’espérer avoir l’impulsion nécessaire pour pouvoir remonter. Nous contemplerons dès lors le premier symptôme d’une longue liste, d’un système à bout de souffle. Il ne pourra plus repousser sa fin indéfiniment, l’autodestruction certaine de cet état moribond sera bientôt inévitable, et la révolution des âmes et des cœurs éclatera.

    Pour l’instant une chose est sûre, tant que le peuple de France aura le réfrigérateur plein à craquer, tant que les supermarchés seront remplis, tant que la télévision remplira la vie de cette masse endormie, il y aura peu de chance qu’un État nationaliste prenne place. C’est pourtant la seule solution, car lui seul propose de défendre le peuple face à la violence du libéralisme destructeur et de la tentative hégémonique du mondialisme comme plan politique.

    P.P. : Autrefois islamophile et tolérant à outrance façon SOS Racisme, le judaïsme militant s’est revêtu d’un habit nouveau, nettement plus à droite depuis la seconde Intifada des années 2000. En effet, les mêmes qui nous expliquaient qu’il fallait favoriser l’insertion, l’intégration et l’assimilation des allogènes retournent leurs vestes pour dénoncer l’islam politique, sans jamais évoquer la source de ce problème. Je veux bien sûr parler du danger de l’immigration-invasion et du rôle prépondérant des élites juives dans la planification massive de cette dernière. Le but inavoué et à long terme est d’amener les Français à tolérer (voire apprécier) l’immigration extra-européenne, à condition que les candidats prennent leurs distances avec ces barbus qui causent tant de tracas à l’entité sioniste, tout en faisant fi de la centrale question raciale. Malheureusement, ce stratège – fort bien huilé – de nos ennemis semble avoir contaminé bon nombre de nos camarades. Comment expliquez-vous ce triste succès ?
    JN Moselle :
    Il ne faut pas s’y tromper, le judaïsme politique n’est en aucun cas une doctrine suivant rigoureusement une quelconque ligne idéologique. Pas plus à droite qu’à gauche, cette Engeance est opportuniste. Les limites de son “magnifique” projet de paix mondial ne sont pas déterminés par les moyens, seul le résultat leur est important. C’est pourquoi nous retrouvons ce mode de pensée dans tous les courants politiques, et se présente comme la racine de tous les maux de notre civilisation : communisme, libéralisme, capitalisme…

    Comme d’innombrables autres mesures se voulant universelles, telles l’avortement, l’homosexualité ou le métissage, l’immigration-invasion a en effet toute sa place dans notre disparition programmée. Faire passer l’inacceptable, voilà l’objectif primordial. Comment cette oligarchie procède-t-elle ? Par de la propagande omniprésente conditionnant totalement ses victimes. Elle ne s’arrêtera que lors de l’achèvement de sa quête messianique, qui signifiera bien entendu notre mort.

    Pour faire accepter une mesure inacceptable, il suffit de l’appliquer progressivement. C’est de cette façon que les conditions socio-économiques d’aujourd’hui sont imposées sur la durée, elles provoqueraient une révolution si elles étaient appliqués brutalement.

    Force est de constater l’emprise effroyable détenue par cette élite ! Les conséquences de leurs succès sont le principal vecteur de notre déchéance, elles doivent être combattues impitoyablement. Cependant, chacune d’entre elles ne pourraient constituer l’alpha et l’oméga du combat nationaliste, comme le font par exemple certains mouvements à l’égard de l’Islam, par erreur de jugement. À l’inverse, nous ne devons pas exercer la politique “du moins pire”, et pactiser avec l’entité prenant place dans notre pays afin de se réconcilier et de lutter avec main dans la main contre l’ennemi consanguin, cela va de soi.

    P.P. : Outre votre présence dans la sphère intellectuelle et la formation de vos membres, vous affirmez aussi votre force – et c’est tout à votre honneur – sur le terrain. Je crois d’ailleurs que vous participerez à un prometteur camp nationaliste sous peu. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet et aussi indiquer aux internautes comment vous contacter et rejoindre votre mouvement ?
    JN Moselle :
    En effet, nous organisons régulièrement des rencontres et des journées militantes. Nous participons également dès que nous le pouvons aux sorties nationales, la prochaine étant comme vous dites le camp de Jeune Nation, qui se déroulera du 10 au 14 juillet. Pour entrer en contact avec notre mouvement, il suffit de contacter notre secrétariat au numéro suivant : 07.62.84.04.35. Pour notre section (Moselle) vous pouvez directement nous envoyer un message privée sur notre profil facebook : www.facebook.com/JNmoselle ou par e-mail : JNmoselle@live.fr.

    Afin que notre idéal puisse voir le jour, chaque Français non-renié se doit de participer avec ses propres moyens au combat. Nous vous exhortons à sortir de vos caves (comme disait le Maréchal Pétain) et à rejoindre la section des Jeunesses Nationalistes la plus proche de chez vous. Notre militantisme politique est la seule résistance possible aujourd’hui à ce système, d’ailleurs il ne s’y trompe pas : il veut nous dissoudre !

    Pierre Petrus
    http://pierrepetrus.wordpress.com/

    http://www.propagandes.info

  • Panorama du Moyen-Orient

    George Corm, économiste libanais, est un des éminents spécialistes du Moyen-Orient et de la Méditerranée. Outre son statut de consultant économique et financier international, il est professeur depuis 2001 à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, dans le cursus des sciences politiques. Ses ouvrages les plus célèbres sont L’Europe et l’Orient (La Découverte) ; Orient-Occident, la fracture imaginaire (La Découverte) ; La question religieuse au XXIè siècle (La Découverte) ; Le nouveau gouvernement du monde, idéologie, structures, contre-pouvoirs (La Découverte) ; Pour une lecture profane des conflits (La Découverte) ; Le Proche-Orient éclaté 1956-2012, 2 volumes (Folio/histoire). Ils sont traduits en plusieurs langues.

    Le Moyen-Orient est en pleine recomposition. Comment expliquez-vous cette évolution ? Etait-elle en germe, et depuis quand ?
    Il y a beaucoup d’observateurs qui pensent en effet que nous sommes dans l’ère de la fin des accords franco-britanniques dits Sykes-Picot (1916) qui ont balkanisé ce qu’on appelait, au début du siècle passé, les provinces arabes de l’Empire ottoman. Ou d’autres qui parlent de période de transition de régimes autoritaires vers des régimes de type démocratique. Je pense que dans les deux cas, nous sommes loin de tels scénarios. En effet, la remise en cause des Etats existants paraît quand même assez difficile, sauf à généraliser des situations de chaos partout. Si nous prenons le modèle syrien, ou éventuellement le modèle libyen où il y a emploi massif d’armes venues de l’extérieur, à la limite on peut dire qu’il y a des zones d’influences qui se mettent en place sous l’égide des grands acteurs régionaux et internationaux. Mais enfin je ne vois pas d’Etats disparaître de la carte et de nouveaux Etats être créés et reconnus, comme cela a pu être le cas avec l’ex-Yougoslavie. Probablement si nous étions en contact géographique direct avec l’Europe, ceci aurait pu arriver, mais sur l’autre rive de la Méditerranée cela paraît quand même nettement plus difficile. D’un autre côté, pour ce qui est de la transition vers la démocratie, le problème qui se pose aujourd’hui est essentiellement celui de la nature des mouvances islamiques sur lesquelles les milieux européens et américains ont misé depuis bien des années. Ces mouvances, trop souvent idéalisées, ont désormais montré leur vrai visage, celui d’un autoritarisme et d’un désir de contrôle des libertés individuelles.
    Nous avons donc un problème aigu, important, qui va déterminer l’avenir : est-ce que les mouvances de type modernistes, laïques ou attachées aux libertés individuelles et qui refusent le référent religieux dans le fonctionnement d’un système politique vont pouvoir s’affirmer face aux mouvances islamiques ? On peut être inquiet si l’on prend en compte le fait que ces dernières jouissent jusqu’ici de l’appui total de l’Occident et qu’elles bénéficient en outre de très importants financements en pétrodollars, en provenance des royautés et émirats pétroliers alliés des Etats-Unis et de l’Europe. Ce sera donc une très longue bataille, très intéressante. C’est cette bataille qui va décider du sort du monde arabe et de la possibilité pour ces pays arabes d’établir non seulement de véritables règles démocratiques, mais aussi une véritable indépendance par rapport aux forces régionales et internationales.

    Concernant la crise syrienne, de nombreux acteurs sont impliqués (Qatar, Arabie Saoudite, Turquie, Israël). Pourquoi ?
    Mais vous avez oublié dans cette liste la France, l’Angleterre, les Etats-Unis ! J’ai eu l’occasion d’expliquer dans diverses interviews que dès le départ, il y a une différence fondamentale entre la révolte syrienne et ce qui s’est passé en Tunisie, en Egypte et au Yémen. En Syrie, vous aviez un malaise rural important depuis 2007, du fait d’une série d’années de sècheresse, puis du fait que le gouvernement a voulu faire plaisir au Fonds Monétaire International et aux pays occidentaux, et qui s’est mis à supprimer pas mal des subventions dont jouissait l’agriculture. Les observateurs de terrain en Syrie savaient que le monde rural, autrefois très privilégié par le régime et qui avait longtemps constitué sa base essentielle, commençait vraiment à connaître un état de mécontentement grandissant.
    Quand vous regardez où ont eu lieu les manifestations en Syrie, quelle était la composition sociale des manifestants et quel était leur nombre, on voit bien qu’ils étaient des ruraux pauvres dans des régions rurales pauvres périphériques, situées aux frontières avec la Jordanie et la Turquie. Les images parlaient d’ailleurs d’elles-mêmes. Elles contrastaient avec les grandioses manifestations de masse, tunisiennes, yéménites ou égyptiennes, où tous les groupes sociaux et toutes les classes d’âge étaient au rendez-vous. On a très vite assisté à l’arrivée d’armes aux mains des groupes d’opposants qui se sont constitués sur le terrain. De plus, il y a eu le déchaînement d’une guerre médiatique absolument spectaculaire contre le régime syrien. Or, les manifestations de masse en Syrie ont eu lieu en faveur du régime et contre l’opposition armée ; dans ces manifestations on a vu toutes les classes sociales, tous les groupes d’âge et de très nombreuses femmes…
    C’est donc une différence absolument fondamentale par rapport aux autres situations de révoltes dans le monde arabe. Par ailleurs, l’armée ne s’est nullement effondrée et elle a fait face avec de plus en plus de détermination et de violence à l’arrivée, de l’international, de combattants qu’on appelle à tort Djihadistes, parce que lorsque des musulmans tuent d’autres musulmans, cela n’est pas un djihad. On a donc eu en Syrie un scénario qui s’est mis en place qui est en train d’aboutir à une destruction systématique de la société syrienne et de sa richesse matérielle (infrastructures, habitations, potentiel industriel). C’est une répétition de ce que la communauté internationale a fait subir à l’Irak et demain nous verrons – comme cela s’est passé en Irak ou auparavant au Liban – que sous prétexte de reconstruction, le pays sera pillé par des grosses entreprises de BTP arabes ou turques ou internationales. On a déjà vu cela au Liban où, au sortir des quinze ans de violence entre 1975 et 1990, le pays a été enfoncé dans une dette invraisemblable et où après vingt-deux ans de reconstruction il n’y a toujours pas d’eau ou d’électricité courantes ! Et en Irak, malgré son énorme richesse pétrolière, les grandes infrastructures d’eau et d’électricité ne sont toujours pas complètement reconstruites. Il faut donc s’attendre à un même scénario en Syrie.
    Par ailleurs, il faut bien voir que les données internes syriennes sont tout à fait secondaires dans le conflit, car la Syrie est devenue un champ d’affrontement colossal entre, d’un côté les deux grandes puissances montantes, la Chine et la Russie, ainsi que l’Iran, et de l’autre les pays occidentaux, l’OTAN… dont le but est très clairement de faire sauter les derniers verrous anti-israéliens de la région, ces derniers verrous étant essentiellement constitués de l’axe Iran-Syrie-Hezbollah qu’on appelle, pour le dénigrer et pour donner dans le sensationnel, « l’arc chiite ». Beaucoup d’analyses se font à base de sensationnel communautaire qui est instrumentalisé pour faire croire que le conflit est entre chiites et sunnites à l’échelle régionale, alors qu’il s’agit d’un problème de géopolitique très profane. Il y a aussi des considérations pétrolières et gazières qui entrent en jeu.

    Pensez-vous qu’un embrasement régional pourrait avoir lieu dans le contexte de la crise syrienne, notamment au Liban ?
    Déjà en 2007, dans la revue Futurible, j’avais évoqué un scénario de troisième guerre mondiale éventuelle, déclenchée autour la question du développement de la capacité nucléaire iranienne. Car les passions anti-iraniennes étaient déjà d’une virulence peu commune qui n’a pas baissé de registre. Le reproche fait à l’Iran étant sa rhétorique anti-israélienne et surtout son aide au Hezbollah libanais passant par la Syrie. Aussi, l’axe Iran, Syrie, Hezbollah est-il considéré depuis des années comme à abattre dans les milieux de l’OTAN. Or, il faut bien voir que même si cet axe est réduit ou affaibli ou disparaît, il rebondira ou sera reconstitué différemment, et ceci tant que l’Etat israélien continuera de se comporter comme il se comporte vis-à-vis des Palestiniens qui continuent d’être dépossédés de ce qu’il leur reste de terre, mais aussi vis-à-vis des Libanais qu’ils ont énormément fait souffrir entre 1968 (date du premier bombardement contre le pays) et 2000, lorsque l’armée israélienne est forcée de se retirer du pays après 22 ans d’occupation, puis tente en 2006 de supprimer le Hezbollah par une série de bombardements massifs qui durent 33 jours.
    On a déjà assisté, à plusieurs reprises, à l’espoir d’avoir « débarrassé » le Moyen-Orient des forces hostiles à la domination israélo-américaine de la région. Ils ont tous été déçus. Cela a été le cas lors de la seconde invasion du Liban par Israël en 1982, qui a abouti à l’exil de l’OLP en Tunisie et dans d’autres pays loin des frontières israéliennes. Puis, cela a été le cas avec la conférence de Madrid et les accords israélo-palestiniens d’Oslo en 1993. Enfin cela a recommencé avec l’invasion de l’Irak en 2003 qui a fait penser que le Moyen-Orient serait en paix grâce à l’élimination de Saddam Hussein. C’est pour cela que je parle des « passions » américaines et européennes en faveur d’Israël, qui empêchent toute possibilité raisonnable de rendre aux Palestiniens leurs droits. Tant que cette situation n’est pas réglée conformément aux lois internationales, et non pas par la force, le Moyen-Orient va rester en ébullition avec tous ces risques d’affrontements dont nous parlons, et qui peuvent effectivement s’embraser.
    Ceci dit, il faut bien voir que dans ces passions, la folie n’est pas totale, c’est-à-dire que les Etats-Unis, après des déploiements militaires qui leur ont coûté énormément (Afghanistan et Irak) et où curieusement ils ne sont pas venus à bout de Al Qaïda, n’ont plus envie d’aventures militaires extérieures. Ce qui est une bonne chose. Maintenant, ils ont trouvé des relais régionaux qui sont notamment la Turquie, qui avait l’air prête à se battre jusqu’au bout contre la Syrie, quatre ans seulement après avoir signé des accords de coopérations, d’amitiés, de fraternité, de libre échange avec ce pays. Ils ont trouvé également les pétrodollars qui financent les armées de combattants venus de l’extérieur.
    L’on s’attendait, dans ces Etats intervenants extérieurs, à ce que l’armée syrienne s’effondre rapidement et tout le régime avec. Mais cela n’est pas arrivé, à la surprise générale de tous ceux qui connaissaient très mal le contexte syrien. Et aujourd’hui, l’armée semble reprendre le dessus militairement. Toutefois, tant que le gouvernement syrien ne pourra pas contrôler ses frontières, qui sont très longues avec la Turquie, l’Irak, la Jordanie et le Liban, les combats et la destruction de la Syrie vont continuer. Quant à ce projet de conférence à Genève, ce n’est qu’un mauvais théâtre. Il me rappelle celui d’il y a quarante ans, lorsque les soviétiques réclamaient une conférence internationale sur la Palestine à laquelle ils se seraient associés. Or, il n’y a eu qu’une seule séance orpheline d’apparat, les Américains et les Israéliens ne souhaitant pas accorder de l’influence à l’URSS dans ce conflit. Donc je suis très sceptique face à ce projet de conférence. Jusqu’ici, nous voyons des rencontres américano-russes sur la Syrie pour organiser une conférence entre les parties au conflit, mais sitôt la réunion terminée, les déclarations des parties au conflit contredisent la volonté d’apaisement.
    Concernant les retombées sur le Liban, elles sont très intéressantes. Le gouvernement libanais a prétendu sagement vouloir rester neutre dans le conflit syrien. Ceci en application du slogan qui existe depuis des années : « le Liban d’abord ». Il s’agit d’ailleurs d’un slogan que même l’OLP avait adopté après sa sortie de Beyrouth en 1982 en vertu duquel « la Palestine d’abord ». On le trouve aussi en Irak après l’invasion américaine et on l’entend dans les milieux de l’opposition syrienne. Or, l’on a vu combien ce slogan a abouti à affaiblir les dirigeants de l’OLP qui sont impuissants devant la colonisation, mais à affaiblir aussi l’Irak.
    Au Liban, ceux qui ont porté ce slogan ne l’appliquent pas, puisqu’ils sont les premiers à s’impliquer militairement par l’envoi de combattants dans la situation syrienne, de même que le Hezbollah le fait, l’arrivée de son armement dépendant largement de la survie du régime syrien, et donc aussi à terme sa propre survie. C’est pourquoi je pense que l’insécurité va demeurer sur toutes les zones géographiques libanaises limitrophes à la Syrie, puisque les combattants vont et viennent. Tout cela alors que l’armée israélienne est toujours surpuissante et a vraisemblablement des velléités d’intervenir à nouveau au Liban dans l’espoir de réussir à faire disparaître le Hezbollah. Cependant, je ne pense pas que l’insécurité va se propager sur tout le territoire. Certes, il y a à Saïda ce cheikh salafiste, radical et anti-Hezbollah qui veut faire le coup de feu contre ce parti. Il est brusquement apparu sur la scène libanaise depuis un an, vraisemblablement financé par les pétrodollars saoudien ou Qatari. La ville de Saïda connaît donc une période troublée, mais dans l’ensemble, la population de la ville est calme, à l’inverse de la ville de Tripoli, qui peut se laisser gagner par le radicalisme islamique. Par contre, plus inquiétant est le délitement des institutions de l’Etat. Mais le Liban sait s’autogérer.

    Que pensez-vous de la situation du pouvoir hachémite en Jordanie ?
    Je crois que les Israéliens doivent continuer à se gratter la tête : faut-il essayer de faire un Etat palestinien en Transjordanie, ce qui est un vieille idée d’Ariel Sharon pour régler le problème palestinien, et ce qui permettrait du même coup d’expulser les Palestiniens restés dans ce qui est devenu le territoire d’Israël. Ou bien faut-il mieux conserver cet allié fidèle des Etats-Unis qu’est la monarchie jordanienne, qui garantit la sécurité de la frontière avec Israël. Mais comme je ne suis pas dans le secret de la pensée stratégique israélienne, je n’ai pas de réponse.

    Après le deuxième mandat de Barack Obama, voit-on un repositionnement de la politique américaine concernant le Moyen-Orient ?
    Non, quand on regarde les Etats-Unis et qu’on cherche à déterminer leurs objectifs principaux, on constate ceci : un, la sécurité d’Israël, et donc qu’Israël puisse continuer de coloniser comme elle le fait depuis 1967. Deux, empêcher l’Iran d’avoir l’armement nucléaire. Dans le sillage évidemment, démanteler l’axe Iran-Syrie-Hezbollah, et ce toujours pour la sécurité d’Israël. Et puis, le contrôle des routes d’approvisionnement pétrolier, et le maintien de l’hégémonie que l’Europe a eu puis que les Etats-Unis ont de concert avec l’Europe sur toute cette zone hautement stratégique pour l’économie et la géopolitique mondiales. C’est très simple à décrypter. Quand Barack Obama a fait son célèbre discours au Caire en 2009, il était dans la droite ligne de la politique américaine traditionnelle, il n’en a pas bougé d’un iota. Ce n’est pas le fait d’inclure la citation de deux versets du Coran dans le texte du discours qui exprime un changement de politique, ce que peut être certains ont naïvement pensé ! Mais simplement les Etats-Unis, comme je disais, sont aujourd’hui beaucoup plus prudents, et cet Etat n’a pas envie de nouvelles aventures militaires extérieures, ce qui est le facteur qui calme le jeu. En tous cas, entre la politique du président George W. Bush et celle de Barack Obama, les mêmes constantes sont affirmées. Lors de son récent voyage en Israël, ce dernier a prononcé des paroles inconditionnellement favorables à l’Etat d’Israël et à sa politique, comme l’ont fait tous les présidents successifs, à l’exception d’Eisenhower et plus accessoirement George Bush père et son ministre des Affaires étrangères, James Baker, qui a protesté énergiquement contre la continuation de la colonisation et a même annulé des aides américaines à l’Etat d’Israël.
    George Corm et Sixtine de Thé http://www.voxnr.com

  • Le fondateur de SOS-Racisme craint une défaite idéologique

    Julien Dray est un homme clé de l’idéologie dominante.
    Trostkyste, ancien de la Ligue communiste révolutionnaire, fondateur de SOS-Racisme, il a construit l’idéologie antiraciste dans les années 1980. Dans un entretien au Monde il fait part de son inquiétude face à une possible défaite idéologique de son camp, qui doit faire face à « des rapprochements liés à des angoisses, à des inquiétudes, à la volonté de défendre cette identité white face à “cette France qui fout le camp”, ce sentiment qu’”on n’est plus chez nous” ». Un document brut pour aider à comprendre le grand désarroi du camp cosmopolite face aux mouvements de fond de la société française.
    Polémia.

    Membre du Parti socialiste depuis 1981, député de l’Essonne de 1988 à 2012, Julien Dray est vice-président du conseil régional d’Ile-de-France, chargé de la culture. Il a participé à la fondation de SOS-Racisme, avec Harlem Désir, l’actuel premier secrétaire du PS. Pour lui, « le défi qui est posé à la gauche, c’est de promouvoir un modèle de société » qui défende « un monde libre, métissé, mais rassurant, car adossé à un combat pour un ordre social juste. »

    Division de la gauche, scandale Cahuzac, absence de résultats économiques… Les raisons avancées par les socialistes quant à la défaite lors de la législative partielle de Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne) vous semblent-elles satisfaisantes ?
    Une explication est exacte : si la gauche éliminée au premier tour n’avait pas appelé à faire barrage au candidat du FN, il aurait été élu. Mais c’est insuffisant.
    Ce que démontrent les partielles et les processus politiques en cours, c’est qu’il y a une dynamique de rassemblement de l’électorat de la droite et du FN qui dépasse les frontières territoriales des partis. C’est pourquoi le PS doit maintenant analyser ces processus, et ce qui s’est notamment passé cette année à travers la mobilisation contre le mariage pour tous.

    Ce mouvement aurait donc cristallisé encore un peu plus la fusion des électorats ?
    Dans la rue, les barrières sont tombées, des gens ont défilé côte à côte, de nouvelles générations ont appris à vivre ensemble dans ces manifestations. Cela crée des solidarités, des réciprocités. Toutes les préventions qui existaient auparavant s’effacent devant ce « combat commun ». Marion Maréchal-Le Pen, par exemple, était très à l’aise dans ces manifestations, nombre de jeunes la considérant comme partie prenante du mouvement, à l’inverse de sa tante Marine Le Pen, plus distante.
    Il y a aujourd’hui des rapprochements liés à des angoisses, à des inquiétudes, à la volonté de défendre cette identité white face à « cette France qui fout le camp », ce sentiment qu’« on n’est plus chez nous » et qu’il est temps de réaffirmer quelque chose. C’est là que la différence entre droite et extrême droite s’estompe.

    Ce phénomène est-il vraiment nouveau ? Le plus significatif, n’est-ce pas l’installation du FN au second tour ?
    Avant, on regardait l’extrême droite comme dangereuse pour la démocratie. Cette idée l’emportait sur ce sentiment d’abandon moral, économique et social. Ce n’est plus le cas. Un rapprochement identitaire s’effectue, qui dépasse appareils et personnalités politiques.
    La manière dont Patrick Buisson met en avant l’idée, pour la première fois, d’un mouvement social catholique ou le score du courant de la Droite forte, à l’UMP, sont révélateurs de cela. La campagne improvisée de Nicolas Sarkozy en 2012, qui fut une fuite en avant pour rattraper une partie de l’électorat d’extrême droite, a brisé toutes les frontières. Et la continuité de cela, c’est le fameux « ni-ni » de M. Copé.

    Ces électeurs de gauche qui ont voté FN au second tour vous inquiètent-ils ?
    Cela existe de manière marginale, chez des électeurs qui ont une relation plus distante avec la gauche. Mais cela reste encore très minoritaire. Le cœur du processus se situe dans la fusion qui s’opère entre les électorats de droite et d’extrême droite. Et là, comme toujours, la force va à la force. Surtout quand la résignation abstentionniste s’installe dans l’électorat de gauche.

    La réponse des socialistes vous semble-t-elle à la hauteur ?
    Il ne faut pas abandonner l’argumentation selon laquelle le FN constitue un danger pour la démocratie, un parti d’apartheid social. Mais si l’on est uniquement défensif, si l’on en reste à l’incantation d’un discours républicain qui donne aujourd’hui le sentiment de n’être plus opératoire, si l’on se contente du point Godwin, nous risquons une grave défaite. Nous sommes dans une bataille idéologique, une bataille d’identité. Ce mouvement est fort, mais il n’est pas majoritaire, loin de là, dans la société. Or, s’il n’y a rien en face, il va le devenir, car il va attirer les franges les moins politisées de l’électorat de gauche, qui sont davantage dans le vote protestataire, et moins dans le réflexe de fidélité à la gauche.

    Mais alors comment, précisément, constituer un pôle de résistance à cette dynamique
    Le défi qui est posé à la gauche, c’est de promouvoir un modèle de société qui réponde à ces questions existentielles : est-ce que la France existe encore ? N’est-elle pas devenue une « sous-nation » ? La politique peut-elle encore quelque chose ? La gauche actuelle, si elle veut encore avoir un rôle positif, doit relever ce défi. Défendre un monde libre, métissé, mais rassurant, car adossé à un combat pour un ordre social juste. La première réponse à la montée du FN, en 1984, c’étaient les manifestations antifascistes. Mais c’est dans un phénomène culturel, Touche pas à mon pote, qu’on a gagné la bataille. SOS-Racisme portait un projet de société : le vivre-ensemble.

    N’y a-t-il pas une forme de déni, dans la majorité et l’exécutif, devant ce qui ressemble de plus en plus à une irrésistible ascension du FN ?
    Il y a certainement une angoisse face à cette réalité, car elle va impliquer de profondes réflexions et remises en cause de certaines politiques actuelles en France et en Europe. Mais il y a aussi une leçon rafraîchissante : sans unité de la gauche, pas d’avenir. Aucun. On ne s’en sortira pas si une partie de la gauche continue à faire le procès de l’autre partie. Le processus de substitution d’une gauche à une autre, auquel certains ont cru, ne marchera pas.
    Propos recueillis par David Revault d’Allones
    Le Monde
    http://www.lemonde.fr/politique/article/2013/07/01/julien-dray-le-rapprochement-de-la-droite-et-du-fn-depasse-les-partis_3439387_823448.html
    1/07/2013

    http://www.polemia.com/

  • “Les autres enfants traitaient ma fille de sale fille de Blanche”, un témoignage exclusif et effrayant

     

    <i>“Les autres enfants traitaient ma fille de sale fille de Blanche”</i>, un témoignage exclusif et effrayant

    Bien que la justice ait refusé de le reconnaître, Madame Leterme a été victime en 2010 d’une persécution raciste. Son avocat, Me Stéphane Maitre, s’est indigné sur le site Atlantico de l’indifférence des médias face à cette injustice, qui aurait à coup sûr reçu un tout autre traitement si la victime de cette persécution raciste n’avait pas été… blanche ! Madame Leterme a accepté de raconter son histoire à « Minute ».

     

    Minute : Mme Leterme, à la fin du mois de mai 2013, le tribunal de Melun s’est prononcé sur une plainte que vous aviez déposée à la suite d’événements survenus le 30 juin 2010 à Savigny-le-Temple. Pouvez-vous rappeler ce qu’il s’était passé à l’époque ? Votre fille et vous étiez confrontés à une situation conflictuelle avec les jeunes du quartier où vous viviez…
    Madame Leterme : Oui, ça du­rait de­­puis le mois de mars. Venant d’Angers, je m’étais installée à Sa­vigny-le-Temple pour des raisons professionnelles et j’y avais acheté en 2009 un appartement dans ce quartier, que l’on m’avait décrit comme calme et tranquille. Il était très majoritairement peuplé de Ma­ghrébins, mais je n’avais aucune ré­ticence à y habiter car je n’avais au­cun a priori défavorable à leur égard. Mes deux enfants et moi (car j’étais séparée de mon ex-mari) nous y sommes installés le 9 mai 2009 ; or un an après, le 30 juin 2010, nous avons été con­traints de déménager.

    Que s’était-il passé entre-temps ?
    Tout est allé à peu près bien, tant que les autres enfants, Maghrébins, ont cru que ma fille de 10 ans était une bâtarde. Comme elle est brune et qu’elle a le teint mat, ils pensaient qu’elle était de mère blanche et de père musulman. On l’appelait « la bâtarde », mais elle était tolérée et les autres jouaient avec elle. Jusqu’au jour où ils ont appris qu’il n’en était rien et que son père aussi était blanc.
    Du jour au lendemain, elle a été rejetée, insultée, et le conflit a vite pris des proportions énormes, à tel point que j’ai fini par ne plus la laisser sortir dans le jardin clos, commun aux résidents du rez-de-chaussée. Les autres enfants la traitaient de sale fille de Blanche, de sale Française, lui disaient que sa mère était une sale pute, qu’elle n’avait rien à faire là, qu’elle n’était même pas une bâtarde…

    Lynché à coups de bâtons devant sa femme et sa fille

    Vous n’avez pas demandé à leurs parents et à leurs aînés de calmer le jeu ?
    Mon ex-mari est allé frapper à leur porte, en pensant que tout ça se réglerait en quelques minutes, mais ils lui ont claqué la porte au nez en lui disant que si nous n’étions pas con­tents, nous n’avions qu’à rentrer chez nous !

    Chez vous ? Vous étiez pourtant bien en France…
    C’est un territoire qui n’appartient plus à la France. Ce qui est sûr, en tout cas, c’est que nous n’y étions pas chez nous. Ensuite l’hiver est ar­rivé et mes enfants ne sortant plus, les choses se sont momentanément tas­sées. Jusqu’au retour du printemps.
    Au mois de mars, comme mes enfants recommençaient à sortir, nous avons reçu des menaces et des lettres nous incitant à partir, sous pei­ne d’être égorgés. Les agresseurs se sont aperçus que je vivais seule, ce qui les a rendus encore plus hostiles, et le fait que je ne les craignais pas n’a pas non plus joué en ma faveur.

    Je me suis rendue au commissariat pour déposer deux mains courantes, qui n’ont jamais rien donné. La situation est restée aussi tendue, les enfants d’une dizaine d’années venant jusqu’à mon portillon pour nous insulter, nous traiter de sales putes et de sales Blanches, jusqu’à ce soir du 30 juin, où, après une nouvelle altercation, des adultes sont intervenus pour effrayer ma fille, en lui disant qu’elle n’avait pas à se mélanger avec leurs enfants, qu’ici ils étaient chez eux et qu’ils allaient nous faire la peau.
    Nous sommes des provinciaux et mes enfants n’ont pas l’habitude d’entendre de tels discours de hai­ne. Terrorisée, elle s’est réfugiée chez nous. Mon ex-mari et un autre ami, venus fêter mon anniversaire, sont sor­tis pour discuter et se sont alors fait lyncher par sept individus, à coups de bâtons, de planches de bois et de casque. Mon ex-mari a eu un traumatisme crânien, le cuir chevelu ouvert et de multiples contusions, et notre ami une fracture ouverte à deux doigts. Ma fille et moi assistions à la scène.

    Jusqu’alors, je prenais leurs me­naces pour des paroles en l’air, je croyais leur hostilité due à la jalousie, parce que nous avions une vie agréable. C’est seulement ce jour-là que j’ai réalisé que ce n’était pas le cas et qu’il s’agissait vraiment d’une haine raciste. J’ai alors décidé de partir et je suis aujourd’hui persuadée d’avoir fait le bon choix, même si j’ai tout perdu et que de­puis, je galère.

    « On va te trancher la gorge, sale Blanche »

    L’intervention de la police vous a libérés…
    Oui, les policiers m’ont protégée. Mes enfants étaient enfermés dans mon appartement et j’étais sortie pour accompagner les pompiers, qui prenaient en charge mon ex-mari et notre ami pour les em­mener au CHU de Melun.
    C’était la cohue, la jubilation to­tale, tout le monde trouvait normal que nous partions. Nos agresseurs m’insultaient et me menaçaient de mort devant les policiers, sans au­cune gêne ni crainte : ils m’ont dit qu’ils nous trancheraient la gorge, à ma fille et à moi : « Ne t’inquiète pas, on va te retrouver, tu ne seras pas toujours protégée, on va te trancher la gorge, sale Blanche, tu n’avais rien à faire ici… »

    Une dizaine de policiers m’entouraient. Ils m’ont laissé quinze min­­utes pour prendre le maximum d’affaires, on a tout balancé dans ma voiture, et je suis partie avec mes deux enfants. Le lendemain, nous sommes revenus pour déménager, escortés par les policiers.

    Vous avez pu revendre votre appartement ?
    Oui, je l’ai mis en vente le lendemain du déménagement. Je n’y ai jamais remis les pieds, l’agent immobilier s’est occupé de tout. J’ai démissionné de mon poste d’assistante d’éducation dans l’Education nationale – je ne pouvais pas faire de demande de mutation – et je me suis rapprochée de l’endroit où ha­bite mon ex-mari – ma fille avait be­soin de se rapprocher de lui après ce qui s’était passé. Depuis, j’enchaîne les CDD.

    Comment se sont passés l’enquête et le procès ?
    Notre dossier s’est trimbalé de commissaire en commissaire. Ces po­liciers, quoique compréhensifs, ne disposaient pas de tous les éléments et ne comprenaient pas tout.
    Ils n’ont pas les moyens d’agir comme il le faudrait et ne servent pas à grand-chose.
    Après l’agression, j’avais de­mandé que ma fille soit entendue et l’on m’avait répondu qu’elle était trop jeune. J’avais renoncé, mais on m’a rappelé un an plus tard en me disant qu’elle devait être interrogée.
    Cette affaire l’avait traumatisée, elle avait dû être suivie par un psy pendant un an : il ne fallait pas la replonger dans cette histoire et j’ai refusé, ce qui m’a été reproché au tribunal.
    Ce n’est pas un an après des faits traumatisants que l’on interroge une enfant de onze ans : si les ma­gistrats ne sont pas capables de le comprendre, tant pis.

    La justice laisse les lyncheurs en liberté !

    Quel est le résultat du procès ?
    Sur les sept hommes qui avaient lynché mon ex-mari et notre ami, trois seulement ont été interpellés et traduits en justice. Un seul s’est présenté à l’audience, où il est arrivé tranquille avec sa mère ou sa tan­te, en rigolant et les mains dans les poches : le plus chétif, et ça a joué en notre défaveur. En voyant mon ex-mari et notre ami, qui me­surent tous deux 1,90 m, ceux qui n’avaient pas vécu la scène ne pouvaient pas imaginer que sept petits merdeux comme ça leur soient tom­bés dessus pour les lyncher.
    Mais les autres étaient beaucoup moins chétifs…
    En dépit de casiers judiciaires chargés, ils ont été condamnés à des peines avec sursis, ou de moins de deux ans de prison fermes : ils ne seront donc pas emprisonnés.
    La justice ne leur donne pas raison, mais pas tort non plus… Finalement, ils font ce qu’ils veulent.

    Comment expliquez-vous que le tribunal n’ait pas retenu l’accusation de racisme, puisqu’un procès-verbal de police atteste de ces propos ?
    Je l’ignore. Les juges se sont retirés, puis ont rendu leur verdict. Le procureur, qui était une femme, est parti du principe que dans une ba­garre, les deux parties ont forcément une responsabilité. Mais il n’y a pas eu bagarre, il y a eu lyncha­ge.

    Mon ex-mari est très pacifique et ne s’est jamais battu de sa vie, pourtant on lui a reproché d’avoir porté un coup, ce qui n’a pas été dé­montré.
    Le procureur d’ailleurs dit lui-même que le certificat médical produit par l’agresseur est suspect et que lors de la confrontation organisée deux jours après les faits, les policiers n’ont constaté aucune trace de coup sur lui.
    Et pourtant, cette femme a de­mandé la con­damnation de mon ex-mari à une amende, en expliquant qu’elle ne voulait pas envenimer les choses après trois ans et qu’elle était là pour calmer les esprits. Ce n’est pas comme ça qu’elle les calmera !
    Où je vis aujourd’hui, je côtoie des musulmans complètement fran­­cisés, qui ont honte de ce qui s’est passé pour moi et ma famille ; mais à mon avis, ils restent une mi­norité.

    Propos recueillis par Pierre-Jean Rivière

    Article de l’hebdomadaire “Minute” du 26 juin 2013 reproduit avec son aimable autorisation. Minute disponible en kiosque ou sur Internet.

    Crédit photo : DR.

    "Les autres enfants traitaient ma fille de sale fille de Blanche", un témoignage exclusif et effrayant

    http://fr.novopress.info

  • JEAN BOURDIER « Le combat culturel est pour nous une guerre de libération »

    Journaliste et écrivain, de formation maurrassienne, membre fondateur du Front National, jean Bourdier a été rédacteur en chef de « Minute », de « NationalHebdo » - dont il a été aussi éditorialiste - et membre fondateur du défunt mensuel « Le Choc du mois ». Nous l'avons rencontré pour nous entretenir avec lui de l'importance du combat culturel dans la prise du pouvoir politique.

    Le "politique d'abord" cher à Maurras ne s'oppose-t-il pas au nécessaire combat culturel ?
    J.B.: Je pense que, si le « politique d’abord » garde toute sa valeur et tout son sens, le combat culturel est inclus dans le combat politique. Maurras et L'Action française ont toujours d'ailleurs agi conformément à ce principe, ainsi qu'en témoignent, entre autres, leurs campagnes pour la reconquête de l'Université française et pour un enseignement de l'histoire plus conforme à la vérité que celui emprunté à Michelet par les « hussards noirs de la République ». Or, si l'on part du principe que le combat culturel représente une des formes obligées du combat politique, la question de la primauté cesse de se poser. Elle est simplement à remplacer par la question de la "priorité" et là, la réponse ne peut être dictée que par les circonstances ; on ne parle plus stratégie, mais tactique. Une remarque s'impose quand même : le monde culturel est beaucoup plus gangrené qu'il ne l'était avant la deuxième guerre mondiale - on voit, par exemple, des remises en cause qui n'auraient pu être envisagées dans les années vingt ou trente et l'on assiste souvent, de la part de prétendues élites politiques ou littéraires, à une capitulation en rase campagne consistant à accepter les postulats mis en place par les adversaires de la société et de la civilisation françaises. Cela suffit à nous confirmer que la bataille culturelle est un combat de première ligne.

    Comment définissez-vous la notion de « pouvoir culturel » ?
    J.B.: Je n'aime pas beaucoup ce terme de "pouvoir culturel" qui a, pour moi, une déplaisante consonance totalitaire, hitlérienne ou stalinienne, ce qui à mes yeux revient strictement au même. Il ne faut pas oublier que, pour nous, le combat culturel est avant tout une guerre de libération. Nous devons débarrasser la France de toutes les charges piégées déposées par l'adversaire, éliminer le conformisme freudo-marxiste qui s'est imposé dans notre pays et permettre aux voix françaises de s'exprimer librement dans la presse comme dans l'édition, au cinéma comme à la radio et à la télévision. Mais il ne s'agit pas de remplacer une dictature intellectuelle par une autre ou même un confort intellectuel par un autre. S'il est un domaine où le principe "le moins d'Etat possible" est valable, c'est bien celui de la culture. Si, par le plus grand des hasards, on me créditait du pouvoir absolu en France, l'un de mes premiers soins serait de supprimer le ministère de la Culture avec son cortège d'arbitraire, de copinage, de gabegie et subventions abusives. Les seuls devoirs de l'Etat en ce domaine sont l'entretien du patrimoine national - ce qui est déjà une lourde tâche si on veut l'accomplir sérieusement - et la défense de notre langue et de notre civilisation dans les organismes d'enseignement ou d'information dépendant de lui. Ainsi, par exemple, l'Etat pourrait et devrait obliger les journalistes des chaînes de télévision qui lui appartiennent à parler français. En revanche, il n'a pas à financer des pièces ou des troupes de théâtre "d'avant-garde", à avancer de l'argent - jamais remboursé - à des producteurs de cinéma sans spectateurs ou à subventionner de pseudo-organisations antiracistes. Au lieu d'un ministère de la Culture, les Britanniques ont un secrétariat à l'Héritage, titre que je trouve assez joli mais je crois qu'un service du ministère de l'Education nationale ferait aussi bien l'affaire. La France n'a pas besoin d'un Dr Goebbels. Le "pouvoir culturel", si l'on doit employer cette expression, ne peut être que le résultat d'un consensus. Si l'on débarrassait simplement le terrain des farceurs et des agents de propagande, il ne tarderait pas, le bon sens des Français aidant, à exister.

    La prise du pouvoir politique peut donc se faire sans avoir préalablement repris le pouvoir culturel ?
    J.B.: Bien sûr, Hitler, dont il ne faut pas oublier qu'il est arrivé initialement au pouvoir à travers des élections, en est un exemple frappant. Le pouvoir culturel était totalement entre les mains de la République de Weimar, et cela n'a strictement rien empêché.

    Où en est notre camp dans la prise en compte du combat culturel ?
    J.B.: S'il y avait une recette miracle, je serais ravi de vous la donner. On ne peut, à cet égard, que prêcher les vertus classiques que sont le courage et la persévérance. Mais il faudrait aussi qu'au sein du camp auquel nous appartenons - ce camp qui est simplement celui de la France - plus de gens se rendent compte de l'importance de l'action culturelle et lui apportent un beaucoup plus grand soutien, entre autres financier. il faut des journaux, des maisons d'édition, des radios et des écoles et, pour cela, il faut de l'argent, beaucoup d'argent.

    On peut donc parler d'une guerre culturelle ?
    J.B. : II s'agit moins hélas d'une guerre culturelle que d'un terrorisme intellectuel. Le but de l'adversaire était de nous interdire l'accès aux moyens d'expression capables de toucher le grand public, et force est de reconnaître que, la lâcheté ambiante aidant, il y est largement parvenu.

    Comment va évoluer cette guerre culturelIe ?
    IB. : Elle ne peut que s'intensifier et prendre l'aspect d'une guerre totale. La guerre totale est ce qui se produit habituellement lorsque ce ne sont pas non seulement deux Etats qui s'affrontent, mais deux visions du monde. Or, c'est bien ce qui se produit actuellement. L'affrontement de la pensée nationaliste et de la pensée mondialiste, de la pensée traditionnelle et de la pensée pseudo-progressiste se traduit immédiatement en termes de guerre culturelle.

    Il n'y a donc aucune haine dans vos propos ? 
    J.B. : Bien sûr que non. Les autres cultures sont, au contraire, des alliées naturelles. Elles sont d'ailleurs comme la nôtre, menacées et en état de lutte pour leur survie. L'ennemi, ce ne sont pas les autres cultures, c'est ce qui tend à les détruire toutes, pour arriver à l'avènement d'un monde uniforme, sans relief, sans saveur et où l'on ne verra plus une idée dépasser.

    Comment voyez-vous évoluer la situation ?
    J.B. : Là encore, ce n'est pas l'Amérique qui est un adversaire. C'est une certaine mégalomanie dictatoriale américaine - et ce sont surtout les "américanolâtres" qui hantent nos vieux pays d'Europe, et voudraient nous transformer en caricature d'une société aux puissants moyens industriels mais à l'identité intellectuelle terriblement fragile. Sur le plan littéraire et artistique, par exemple, les Etats-Unis sont restés - avec des résultats parfois brillants une colonie anglaise jusqu'à l'orée du XXe siècle. ils ont ensuite connu un essor culturel qui leur était beaucoup plus propre. Puis, à partir des années soixante et soixante-dix, on a commencé à assister à une terrible régression traduite de façon frappante par une destruction du langage. il est amusant de constater que c'est au moment où des américanismes douteux, souvent relayés par des publicitaires analphabètes, menacent notre langue, que celle de notre agresseur est en passe de se dévoyer au point de disparaître. De même, c'est au moment où, de Bush à Clinton, les Etats-Unis tendent à se vouloir le gendarme du monde et l'incarnation du « nouvel ordre mondial » qu'ils se trouvent directement menacés de perdre leur identité nationale, après avoir perdu leur identité culturelle. L'Histoire a souvent de cruelles ironies.

    Propos recueillis par François Delancourt : Français d'abord! - 2' quinzaine mai 2000

  • Nationalisme : entretien avec le directeur du Renouveau français

    Vu sur le site du RF :

    « Notre directeur [Thibaut de Chassey] était interrogé dans le numéro 3099 de l’hebdomaire Rivarol, en date du 19 juin.
    Vous pouvez retrouver ci-dessous l’essentiel de cet entretien.

    Thèmes abordés : le Congrès nationaliste, l’affaire Méric, les menaces de dissolution, la mobilisation contre le « mariage » homo, le Printemps français, Frigide Barjot, le « Camp d’été nationaliste », etc.

    Rivarol : le 11 mai dernier vous avez organisé votre 5ème Congrès Nationaliste à Villepreux sur le thème : « Défendre la famille, socle de la nation ». Pouvez-vous nous tracer les grandes lignes de cet évènement désormais incontournable du paysage nationaliste français?

    Cet événement organisé par le Renouveau français (et qui n’est pas le congrès du RF) a été créé en 2008 pour répondre au désir, et même au besoin, qu’ont les nationalistes de se retrouver, surtout après la disparition des fameuses fêtes des BBR.
    Spécialement dans cette époque où notre courant est stigmatisé par l’Oligarchie et ses médias, alors que l’on peut parfois se sentir isolé au milieu de concitoyens moutonniers, il est important de se réunir autour de nos orateurs, de nos auteurs, de nos associations et journaux, de nos artistes, de se retrouver entre nationalistes. C’est utile et c’est important pour le moral.

    Le « Congrès nationaliste » propose des stands nombreux et variés, des conférences, des animations, des discours (chaque année sur un thème différent), parfois des tables rondes et projections de documentaires, des présentations de délégations étrangères. Une buvette ouverte toute la journée rend le cadre magnifique de Villepreux plus convivial et tout est mis en œuvre pour faciliter la venue des familles, avec une garderie gratuite.

    C’est un carrefour, un lieu de découverte, d’achats utiles, de discussions, de retrouvailles, d’amitié française ! On en ressort les batteries rechargées.

    Rivarol : quel est le bilan de cette dernière édition?

    Si cette année nous n’avons pas atteint le millier de participants, l’affluence était tout à fait satisfaisante au vu des difficiles conditions d’agenda. Le bilan est bon aussi et surtout en ce qui concerne la qualité des interventions, le banquet animé par l’excellent Choeur Montjoie Saint Denis et l’ambiance générale qui a régné sur cette journée.
    Nous avons différentes idées pour améliorer encore et renouveler un peu le concept lors du prochain « Congrès nationaliste ».

    Rivarol : la bonne surprise de cette année 2013 est sans conteste l’incroyable mobilisation contre la Loi Taubira et son pseudo « mariage » gay. Quelle est votre analyse politique de cet immense mouvement populaire français?

    Ces derniers mois ont montré que sous les cendres de la civilisation française, il y a encore des braises, qui ne demandent qu’à être ravivées. Une nouvelle génération de Français s’est levée face à un projet qui ne peut que révulser les consciences non déformées. Comment ne pas s’en réjouir ? Mais comment, simultanément, ne pas s’offusquer des tentatives de détournement dont a fait l’objet cette mobilisation ? Détournement politicien d’un côté avec le honteux et mensonger racolage de l’UMP, détournement moral de l’autre côté, avec l’apologie de la bougrerie ou la dissimulation du catholicisme de manifestants pourtant majoritairement de cette religion. Ce fut un cas d’école de canalisation et de déviation de la colère populaire, du fait d’une calamiteuse figure de proue médiatique, la mal prénommée mais bien nommée Frigide Barjot.
    Quoiqu’il en soit, ces derniers mois doivent nous rappeler qu’en politique, on n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise et que des brèches apparaissent régulièrement dans le rouleau compresseur mondialiste. A nous de les exploiter au mieux. En l’occurrence, il s’agit notamment de faire comprendre à un maximum d’indignés les véritables enjeux ainsi que les véritables origines politiques et philosophiques de cette évolution : l’idéologie égalitariste et libérale, qui ravage ce qu’il reste de notre société. Rivarol aussi a, naturellement, un rôle important à jouer dans ce domaine.
    La répression disproportionnée de Manuel « Gaz » a produit par ailleurs des effets bénéfiques auprès d’un certain public : les coups de matraque et les jets de gaz ont eu raison de sa torpeur et de sa complaisance envers un Système dont il n’y a rien à sauver, et qui justifie chaque jour davantage une saine révolution.

    De notre côté, au Renouveau français – dont de nombreux membres ont été en première ligne ces derniers mois, en général discrètement – , nous voyons arriver une nouvelle vague militante à la faveur de ces événements. C’est peut-être une maigre consolation mais c’est en tout cas un encouragement sensible à maintenir et développer le combat contre les forces de mort actuellement à l’œuvre.

    Rivarol : d’après Marine Le Pen, la Loi Taubira ne serait qu’un rideau de fumée pour masquer les mauvais chiffres du chômage. Partagez-vous cette analyse?

    Très partiellement : il est certain que la « gauche » étant incapable de résoudre les problèmes sociaux – bien au contraire -, elle se réfugie presque naturellement dans les combats sociétaux ; et c’est un fait qu’avec ces longs mois centrés sur le prétendu « mariage » entre invertis, le gouvernement a échappé à d’autres pénibles polémiques, dont il aurait eu grand peine à sortir populaire. Mais atténuer la gravité de l’enjeu de la loi Taubira, quoiqu’on pense de ses véritables motivations, est une lourde erreur – une faute même -, tant il s’agit d’un bouleversement civilisationnel (comme le reconnaissait Taubira elle-même) aux conséquences concrètes dramatiques pour cette génération et les prochaines.

    Rivarol : Mariton, Copé, Jacob ou même Frigide Barjot sont-ils légitimes pour représenter le vaste rassemblement de Français contre le mariage pour tous?

    Non, bien sûr : ces personnages relèvent de l’escroquerie, faisant tous partie du Système. L’absence de conviction est chez eux proportionnelle à la soif de passer dans les médias, sans trop s’y faire maltraiter si possible. Or les médias ne sont pas neutres mais irrémédiablement militants et ennemis de nos idées. Les personnalités qui choisissent de s’en faire les tributaires renoncent à leur liberté et à leurs convictions, pour autant qu’ils en aient eu à un moment – ce qui est peu probable. Mariton, Copé et Jacob sont là pour capter des voix et défendre ou reconquérir leurs prébendes. « Barjot », quant à elle, est en décalage (sur la forme et sur le fond) avec la plupart des manifestants, à qui elle a imposé ses insupportables et répugnantes apologies de l’homosexualité. Alors que le fond du problème, c’est tout de même que l’inversion des mœurs est quelque chose d’objectivement mauvais…

    Rivarol : que pensez-vous de Béatrice Bourges et de son « Printemps Français »?

    Une stratégie intéressante, moins de compromis que la « Manif pour tous », peu de fond mais c’est logique, un fonctionnement « en nébuleuse » avec ses avantages et ses limites. On peut supposer que cela ne durera pas longtemps, et espérer que cela aura donné le goût du militantisme à un certain nombre de jeunes qui feront là un premier pas dans la bonne direction, et qui « embraieront » sur un engagement politique sérieux et durable.

    Rivarol : quel regard portez-vous sur l’affaire Méric et sa scandaleuse récupération par le pouvoir politico-médiatique ?

    Clément Méric faisait partie d’une bande de voyous qui depuis deux-trois ans multipliaient les agressions contre tout ce qui était considéré comme patriote à Paris. Ces « antifas » attaquaient régulièrement – armés et en surnombre – les réunions, les gens isolés, les commerces… Qu’au bout d’un moment il y ait mort d’homme était logique, et la police, sachant tout cela, a volontairement laissé une large impunité à ces gauchistes belliqueux. Méric, loin d’être un étudiant pacifique, était une petite frappe animée d’une haine rabique. Il est dommage qu’il se soit laissé entraîner dans ce mouvement de bêtise et de haine. Ses camarades ont encore montré leur absence totale de dignité et d’honneur en se faisant passer pour d’innocentes victimes de la barbarie fasciste alors qu’ils étaient des agresseurs déterminés. La caste politico-médiatique a, elle, démontré une nouvelle fois son cynisme et son extraordinaire capacité à mentir et à manipuler. Aucune de ses personnalités n’a fait preuve du moindre sens moral, de la moindre honnêteté dans ce torrent d’affabulation. La connivence objective (et logique) entre le Système capitalo-mondialiste et la gauche extrême qui prétend le combattre apparaît de façon éclatante. Tout comme la nécessité de développer, dans notre camp, les moyens de réinformation afin de contrer au mieux les opérations comme celle qu’on vient de voir.

    Rivarol : craignez-vous la dissolution de votre organisation le Renouveau Français ?

    Nous n’en serions pas surpris, dans la mesure où l’Etat à la sauce hollandaise ne s’embarrasse plus de la loi ni d’apparences démocratiques. Je l’ai personnellement vérifié le 26 mai quand j’ai été, avec quelques camarades, arrêté « préventivement » et détenu sans motif légal pendant cinq heures, alors que je rejoignais simplement l’un des cortèges… Les derniers mois ont bien montré que nous avions affaire à un gouvernement de fanatiques et on peut s’attendre à des mesures arbitraires. Il y a dans l’air comme un plaisant parfum de fin de Régime, et il ne faut pas s’étonner qu’en commençant à vaciller, ce dernier devienne plus mauvais.

    Dissolution du mouvement ou pas, les hommes, les idéaux et la détermination sont là et sont hors de portée des nains qui nous oppriment actuellement. Le RF n’est qu’un outil, précieux mais remplaçable. Le combat continuera dans tous les cas.

    Rivarol : vous allez sortir ces prochains jours un nouveau numéro de la revue L’Héritage. Pouvez-vous nous en dévoiler le sommaire?

    Comme d’habitude le contenu sera varié : histoire de France et histoire nationaliste, politique, identité, philosophie (avec une présentation simple d’une querelle fondamentale), etc. Nous ferons bien sûr bonne place à la question de la dénaturation du mariage, tâchant de remonter aux véritables sources et d’élargir les perspectives. Informations sur www.lheritage.net ou au 06 21 22 16 32.

    Rivarol : vous organisez chaque année un camp d’été pour les jeunes de 15 à 35 ans. Pouvez-vous nous expliquer en quoi cela consiste et quelles sont les modalités pour s’y inscrire?

    Le « camp d’été nationaliste », organisé avec L’Héritage, est un temps fort dans la vie d’un jeune nationaliste, un moment exceptionnel en termes d’instruction et de camaraderie.
    Y est dispensée une formation politique, historique et technique (comment militer) de grande qualité, adaptée aux différents niveaux des participants. L’ambiance est certes studieuse mais on a le temps de rencontrer des camarades, d’échanger, de se défouler et se détendre, de rire, de chanter… Le RF a acquis une véritable expertise dans la tenue de ce type d’activité et il s’agit d’une opportunité à ne pas rater pour vous ou le cas échéant pour vos enfants ou petits-enfants ! Un sain climat catholique est garanti (et les non catholiques sont bienvenus). Le camp aura lieu cette année du 26 août au 1er septembre, dans le Loiret.
    Les détails pour s’inscrire sont ici. On peut aussi nous contacter au 06 21 22 16 32 ou à RF/ASMA BP 80308 75723 PARIS Cedex 15. »

    http://www.contre-info.com

  • La paupérisation des Blancs est également une réalité française

    PARIS (NOVOpress via le Bulletin de réinformation) - Un rapport britannique révèle le déclin scolaire des enfants blancs, en particulier ruraux, outre-Manche. En France aussi, la population ouvrière et rurale blanche est plus pauvre que la population immigrée. C’est ce qu’explique Guylain Chevrier dans un entretien avec le journal Atlantico.

    Comment se manifeste la paupérisation des Blancs ?
    En France, il s’agit surtout de la classe ouvrière, ou peu qualifiée, et des populations rurales. Ces Français de souche sont installés dans des zones avec un fort chômage, ou dans des enclaves en banlieue. Leurs enfants réussissent moins bien à l’école que ceux des immigrés, situés dans des zones plus urbaines. Cette population blanche pauvre souffre surtout de la mondialisation et du libéralisme à outrance, avec une main‑d’œuvre immigrée à bon marché qui réduit ses perspectives d’emploi. Et les Blancs ne comptent pas sur les trafics en tous genres pour fournir leurs revenus.

    La classe politique française ne parle pourtant pas de cette paupérisation blanche, préférant se concentrer sur la population immigrée…
    C’est ce qu’avance Guylain Chevrier. La classe politique préfère opposer Français de souche et population immigrée, et déverser des flots d’argent public sur les banlieues. Les autochtones pauvres reçoivent de fait moins d’aides sociales et moins d’aide au développement local. Pire, politiques et médias les rendent invisibles. Les ouvriers sont moins représentés à la télé que leur poids réel dans la démographie. Le Parti communiste les a abandonnés pour la défense de l’immigré. L’Education nationale met l’accent sur l’exploitation coloniale et les religions étrangères, marginalisant les Français d’en bas.

    Le gouvernement a-t-il annoncé des mesures pour remédier à cette situation ?
    C’est tout le contraire. Le Parti socialiste continue à défendre le droit de vote des étrangers aux élections locales. Harlem Désir souhaite qu’un projet de loi constitutionnelle en ce sens soit déposé après les municipales de 2014. Or, dans les municipalités à forte proportion étrangère, une telle mesure renforcerait la marginalisation des Blancs des classes populaires. Les élus et leurs relais associatifs subventionnés se tourneraient encore davantage vers la clientèle électorale immigrée.

    http://fr.novopress.info