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entretiens et videos - Page 872

  • La France est en guerre et personne ne veut le dire

    L'écrivain engagé Renaud Camus dit clairement que la France est en guerre et que ce que les médias appellent actes de violences ou incivilités sont en fait des actes de guerre menés contre la France et sa civilisation.

    Où voyez-vous des actes de guerre en France qui rappellent le début de la guerre d'Algérie ?

    Ce qui rappelle le début de la guerre d’Algérie c'est l’extrême euphémisation du discours imposé par le complexe médiatico-politique. On disait « les évènements », on dit « les affrontements ». Le caractère de conflit territorial est totalement nié.

    Pourquoi êtes-vous en colère contre les médias ?

    Parce qu’ils imposent (presque) unanimement un système de lecture du monde qui est une formidable machine à ne pas voir, à ne pas dire, à ne pas comprendre. L’antiracisme, car c’est de lui qu’il s'agit, depuis qu’il a cessé d’être une morale pour se transformer en idéologie, en endoctrinement, en instrument de pouvoir et de répression, est devenu ce que j’ai appelé, empruntant l’expression à Alain Finkielkraut, Le Communisme du XXIe siècle (éditions Xénia). Il sert, menaces à l’appui, à dissimuler ce qui survient : à savoir le changement de peuple, le Grand Remplacement, la contre-colonisation.

    Pourquoi avoir fondé un parti politique ?

    Parce qu’il n’en existait aucun qui répondît à l’urgence de la situation et nommât ce qui arrive, la conquête du territoire. Il y avait bien le Front national, qui au moins paraissait conscient de la réalité des choses, mais la présence à sa tête de Jean-Marie Le Pen, à l’époque, empêchait de s'en rapprocher, a fortiori d’y adhérer.

    Pourquoi vos maisons d'édition ont arrêté votre contrat ?

    Ça, c’est plutôt à elles qu’il faut le demander…

    Est-ce que la France est une terre d'immigration depuis des siècles ?

    Absolument pas. C’est l'une des plus cyniques inventions de l’historiographie collaborationniste, au service du parti dévot. Entre le VIe et le XXe siècle, la France a eu une population aux composantes stables. Une première vague d'immigration se manifeste à partir de la fin du XIXe siècle, mais c’est encore une immigration d'individus, et facilement assimilables en une ou deux générations parce que de même civilisation, chrétienne et européenne : Belges, Italiens, Polonais. L’immigration de masse ne commence qu’avec le dernier tiers du XXe siècle et très vite il n’est plus question d’intégration car si la France a toujours su et pu intégrer des individus, elle ne peut pas intégrer des peuples, surtout s’ils appartiennent à des civilisations totalement étrangères à la nôtre et souvent hostiles. Faut-il créer comme sous le modèle de De Gaulle un gouvernement des Forces françaises libres? Nous n’en sommes pas là. De vastes parties du territoire sont encore sous le contrôle du gouvernement national. Le problème est qu’il est lui-même largement entre les mains d'inconscients ou de cyniques, qui s’accommodent très bien de la colonisation en cours ou qui la favorisent.

    Assistons-nous à la réécriture de l'Histoire de France ?

    Ah ça, totalement. Elle est grandement favorisée par la Grande Déculturation, l’effondrement du système d'éducation, l’enseignement de l’oubli, l’industrie de l’hébétude.

    Pourquoi les populations maghrébines veulent à tout prix venir en France alors qu'elles ont chassé la France de leurs pays ?

    Quand les Russes ont chassé les Français de Russie, en 1812, ils les ont poursuivis jusqu’à Paris. Mais ils ne sont restés que deux ou trois ans. Et ils n’étaient qu’une armée, pas un peuple.

    Est-ce que la France est comme le Kosovo avec des zones musulmanes, africaines et chrétiennes ?

    La France moderne s’ingénie à devenir ce que la France classique s’est évertuée des siècles durant à ne pas être, une ex-Yougoslavie, des Balkans, un autre Liban, un panier de crabes.

    Puisque nous parlons de populations différentes. Parlez-nous du traitement des statistiques sur la démographie !

    Statistiques et sociologie sont au parti dévot ce que la biologie de Lyssenko était au stalinisme.

    Avez-vous lu « Les Yeux grands fermés » de Michèle Tribalat? Votre avis ?

    Une des rares voix clamant dans le désert, comme celle de Richard Millet en littérature.

    Les immigrés disent être plus français que les Français et nomment les Français «souchiens ou sous-chiens». Cela vous choque ?

    C’est peut-être vrai de quelques milliers d’entre eux, qui aiment plus la France que ne l’aiment ses indigènes déculturés. De la part des autres, ce n'est qu'une revendication territoriale — cela ne fait que me confirmer dans ce que je pense : qu'une conquête est en cours, par colonisation de peuplement.

    Que pensez-vous du rôle des organisations humanitaires qui comme le Mrap interdisent de parler des faits ?

    Qu’elles sont les auxiliaires intéressées du Grand Remplacement.

    Le fait que Poutine interdise de telles organisations en Russie est donc une bonne idée ?

    Il n’est pas nécessaire de les interdire. Il suffit de ne pas les subventionner.

    Renaud Camus La voix de la Russie
    Propos recueillis par Olivier Renault
    20/08/2012

  • « Présenter un autre Bainville »

    Docteur en histoire, journaliste à Canal Académie, Christophe Dickès publie un troisième ouvrage consacré à Jacques Bainville : un recueil où l'on retrouve les analyses de politique étrangère du chroniqueur de L'AF, mais où l'on découvre aussi ses contes et ses récits de voyage.
    o L'Action Française 2000 – Vous venez de publier un troisième ouvrage sur Jacques Bainville. Pourquoi cet intérêt ?
    o Christophe Dickès – Il y a deux raisons à cela. D'abord le rôle joué par mon père : quand j'étais adolescent, il m'a dit que Jacques Bainville avait prédit la Seconde Guerre mondiale ; c'est entré dans une oreille et ça n'est jamais ressorti. Ensuite, à l'occasion de ma deuxième année de faculté d'histoire, j'ai travaillé sur les relations internationales avec le Pr Soutou. Et dans la liste de livres à lire absolument à la Sorbonne figuraient Les Conséquences politiques de la Paix de Jacques Bainville. J'ai commencé à collectionner ses livres, séduit par la pertinence des analyses. Il y a deux ou trois interprétations des causes de la Seconde Guerre mondiale. Il y a la cause unique : Hitler seul responsable. Mais en Angleterre, dans les années soixante-dix et quatre-vingt, Taylor a développé une thèse soulignant la faiblesse des démocraties, reprenant en partie les idées de Bainville.
    o Dans l'anthologie que vous consacrez à Bainville, le lecteur peut être surpris de ne pas voir son Histoire de France ou son Napoléon...
    o L'Histoire de France et le Napoléon sont constamment republiés. Je voulais, sous le conseil de mon éditeur, présenter un Bainville autre mais classique par ailleurs. L'Histoire de France reste une oeuvre de commande. En revanche, l'Histoire de deux peuples ou Les Conséquences politiques de la paix sont le fruit d'une longue réflexion quotidienne. Je voulais mettre en avant le chroniqueur de politique étrangère. Mais à côté de cela, j'ai voulu convaincre l'éditeur de la valeur littéraire de Bainville et de ses contes, proprement délicieux dans le style et souvent méconnus. Ils sont de la même veine que les oeuvres historiques pour le talent littéraire, l'ironie en plus. Ils font penser à Voltaire ou à Patrick Süskind aujourd'hui. On y trouve des réflexions acérées sur la nature humaine. Tous les contes connus figurent dans ce recueil. J'y ai ajouté tous les voyages, notamment son rapport diplomatique et ses articles sur la Russie, visitée en 1916 à la veille de la révolution.
    o On note des déceptions de voyage ; là où Charles Maurras s'était enthousiasmé, Jacques Bainville est plus sceptique...
    o Il est déçu par la Grèce. On peut dire qu'il était plus Romain que Grec. Ces vieilles pierres éparses devaient susciter une capacité d'imagination qu'il ne déployait pas. Il met en avant la cité de Thèbes. Or, Thèbes pouvait avoir la puissance et ne l'a pas eue. On retrouve là son pessimisme. Maurras s'était enthousiasmé devant Athènes. Pas Bainville. Il y à là une nuance importante.
    o L'obsession de l'Allemagne marque l'oeuvre de Bainville, entre fascination et répulsion. N'est-ce pas ce qu'il y a de plus daté chez lui ?
    o Il est bien sûr l'homme de son temps. À la fin des années 1890, il croit en une réconciliation franco-allemande. Avant la rencontre avec Maurras, il est séduit par l'Allemagne impériale, sa grandeur et sa jeunesse. Comme Maurras le fit par la Grèce, il se convertit à la monarchie par l'Allemagne et ensuite, paradoxalement, il devient anti-allemand, mais sans être germanophobe. J'ai commencé à l'étudier par les relations internationales des années vingt et trente. Mais on ne peut pas le comprendre sans revenir à 14-18, à la cathédrale de Reims bombardée, aux mines du Nord inondées, au traumatisme de l'occupation allemande. Bainville ne croit plus du tout dès lors à la réconciliation franco-allemande. Maurras l'avait déjà à demi convaincu, 14-18 fait le reste. Parallèlement, ou en retour, dans les années 1904-1905, tandis que Maurras présente l'Angleterre comme un danger, Bainville le persuade de la nécessaire alliance avec elle pour préserver un équilibre des puissances.
    o On ne sent pas chez Bainville l'attrait pour l'enseignement, l'université et la chaire. Comment expliquer cette absence ?
    o Ce qui l'intéressait par-dessus tout, c'était l'écriture. Tout comme l'AF, il ne supportait pas les mandarins de la Sorbonne de l'époque. Une contre-culture s'est mise en place et Bainville appartenait à cette résistance anti-universitaire dont l'Académie française pouvait être un des bastions. Bainville a rencontré Barrès, puis Maurras et ces deux auteurs ont tracé une partie du sillage bainvillien. Je publie, après Deschodt qui l'avait déjà insérée dans Cher Maître, la lettre pleine d'angoisse remise à Maurras deux ans après leur rencontre au café de Flore en 1900 : « Je songe et non par caprice à cesser d'écrire et à ne pas prendre l'état d'auteur. Je n'ai aucune confiance en moi-même. Imagination nulle. Intelligence médiocre. Peu brillant au jeu des idées. » Bainville a vingt-trois ans et Maurras lui répond en confirmant sa carrière et le choix des Lettres.
    o Le royalisme de Jacques Bainville a-t-il été constant, fluctuant, vacillant ?
    o Bainville croit au retour de la monarchie avec une sincérité fondée sur une analyse rationnelle. Il lui semble possible à partir du moment où la république vit une grave crise. La chance de la république, c'est de trouver toujours des sauveurs. Mais un jour, pense Bainville, il n'y aura pas de sauveur. Pendant la Première Guerre mondiale, il y croit. Il pense même que le roi Albert de Belgique est une solution. Aussi étonnant que cela puisse paraître aujourd'hui, le roi Albert était un héros, un mythe vivant et possédait une vraie popularité en France. Bainville était pragmatique et savait qu'il y avait eu plusieurs dynasties en France... Il se fâche d'ailleurs avec Vaugeois à ce sujet. Pour Bainville, ce qui doit être soutenu, c'est le principe monarchique. On veut aujourd'hui faire de lui une sorte de libéral qui se serait finalement rallié à une monarchie de type constitutionnel. Or je soutiens que Bainville n'est pas un libéral, même si en économie il a défendu le libéralisme. Il n'est pas démocrate, fustigeant « ce pauvre souverain d'un jour ». Il défend jusqu'au bout une monarchie forte, je ne dirais pas de droit divin car il n'était pas catholique, mais héréditaire. Une diplomatie et des ministres qui dépendent du roi et non de la volonté populaire, voilà ce que veut Bainville.
    Mais il sait que ce n'est plus possible dans les années vingt et trente. Il écrit alors Symmaque, un conte dont le personnage éponyme est l'un des derniers patriciens romains, au temps de la décadence du grand empire. Symmaque, c'est Bainville, et Symmaque dit qu'il n'y croit plus mais qu'il va mourir dans la foi de sa jeunesse. Cela agace l'AF parce qu'on le réduit à un abandon. Bainville est resté profondément monarchiste mais il voyait que le temps jouait contre la monarchie. Surtout, il ne souscrivait plus au dogme maurrassien selon lequel tout désespoir en politique est une sottise absolue. Mon ami Guillaume de Tanoüarn a raison de dire que Bainville meurt jeune parce qu'il est peut-être miné intérieurement par ce constat. Il est difficile de percer le coeur d'un homme et Bainville était pudique. J'ai mis dix ans à me familiariser avec lui. Je ne peux que vous conseiller de lire, outre Symmaque, son Journal de guerre, publié chez Bartillat, et les dernières pages du volume que je publie, composées d'un carnet intime où l'on trouve le fond de sa pensée. Il se montre même très sévère à l'égard de Maurras. Même si, à son élection à l'Académie française en 1935, il répète devant lui : « Je vous dois tout sauf la vie. » Bainville avait tout à perdre à rester à l'AF, mais la plus grande des vertus était pour lui celle de l'amitié et de la fidélité. Reste que dans son for intérieur, Bainville pensait que Maurras connaissait mal son histoire. Pourtant théoricien de l'empirisme organisateur, il était selon lui plus poète que véritable politique pragmatique.
    o On sent bien que, par-delà votre propre livre, il se dessine une redécouverte de Bainville. Des journalistes à succès ainsi qu'un Premier ministre l'on cité, on le republie... Êtes-vous conscient de cet engouement ?
    o Absolument. D'abord, il est toujours intéressant de lire de grands historiens et Bainville en fait partie. Avec Bainville vous allez réfléchir beaucoup sur le XIXe siècle et quoi de plus normal ? Nous-mêmes nous intéressons beaucoup aux années De Gaulle, Pompidou, Giscard, Mitterrand. La génération de Bainville, elle, s'intéressait à Mac Mahon, à Gambetta et à 1870. Mais je voudrais mettre en avant, à travers mon recueil des oeuvres bainvilliennes, les différents talents dont était pourvu le chroniqueur de la politique étrangère de L'AF. Lisez l'article intitulé « Le Naufrage » daté de 1912 et qui traite, à travers le drame du Titanic, de la notion de progrès. Bainville avait une très belle écriture qui lui vaudra légitimement son élection à l'Académie française. Lisez les contes. Mais vous pouvez tout aussi bien retrouver son oeuvre historique jamais narrative, toujours explicative, ce qui la rend précieuse.
    L'empirisme organisateur hérité de Maurras a toute sa place mais Bainville ne néglige pas non plus la capacité d'oubli de l'homme, les constantes mais aussi les hasard de l'histoire. Ce qu'il appelle les lois de l'humanité. Le présent peut toujours prendre plusieurs directions. Maurras disait que « la politique est l'art du possible » ; Bainville aurait pu dire que « c'est l'art des possibles ». Le pessimisme de Bainville n'est donc pas un fatalisme, malgré des moments de déclin et de doutes. Il reste un personnage complexe.
    Propos recueillis par Marc Savina L’ACTION FRANÇAISE 2000 Du 7 au 20 juillet 2011
    ✓ Jacques Bainville, La monarchie des lettres – Histoire, politique et littérature, éd. établie et préfacée
    par Christophe Dickès, Robert Laffont, coll. Bouquins, 1152 p., 30 €.
    ✓ Christophe Dickès, Jacques Bainville - Les lois de la politique étrangère, Bernard Giovanangeli Éditeur, 319 p. 23 €.

  • (Communisme) « Il ne peut y avoir de prescription morale » (arch 1998)

    Un entretien avec Bernard Antony

    Vous avez été le premier en France à demander l'équivalent d'un « Procès de Nuremberg » contre le communisme. Pour quelles raisons ?
    Au moment où toute la classe politico-médiatique se répand sur le devoir de mémoire, concernant les crimes passés du national-socialisme, il serait étrange que le communisme échappe à toute mise en accusation. Ainsi que l'affirmait Soljénitsyne : « le communisme tuait avant que le nazisme ne tue, il tuait pendant que le nazisme tuait, il continue de tuer quand le nazisme ne tue plus ». 100 millions de morts, 200 millions ? Quel que soit le nombre retenu, le bilan est accablant.
    Mais le procès que je demande n'est pas la répétition de celui de Nuremberg qui avait jugé les dirigeants nationaux-socialistes. D'une part, à Nuremberg, figuraient parmi les juges, des bourreaux, les représentants de l'Union soviétique, de l'autre, nous ne voulons pas une procédure pénale, mais un procès moral.
    Si la prescription juridique doit constituer un principe intangible du droit, pour les crimes contre l'humanité, il ne peut y avoir de prescription morale.

    Sept ans après la chute de l'Empire soviétique, un tel procès est-il toujours d'actualité ?
    Plus que jamais ! Pour deux raisons. D'abord nous avons un devoir de mémoire à l'égard des dizaines de millions de victimes du communisme.
    Ensuite, si le communisme s'est retiré de la Russie et de l'Europe de l'Est, laissant derrière lui un champ de ruines, il sévit encore en Chine, en Indochine, en Corée du Nord, à Cuba. En Europe même, la nomenklatura communiste revient au pouvoir, reconvertie dans des partis sociaux-démocrates, prônant la même idéologie mondialiste que notre classe politique.
    En France même, nous avons des ministres communistes, avec lesquels Jospin est «fier» de gouverner ! Si le communisme était frappé d'indignité morale, ses partisans n'occuperaient pas les positions dominantes qu'ils ont aujourd'hui.

    Qu'est-ce qui empêche la tenue de ce procès?
    Justement la puissance du parti communiste, qui impose un véritable terrorisme intellectuel, voire physique. L'accueil haineux qui a été fait dans les grands médias au « Livre noir du communisme » illustre cette triste réalité.
    Les arguments des défenseurs du communisme sont dérisoires. Non, Staline n'est pas le responsable de la dérive sanglante d'une idéologie généreuse, mais le successeur de Lénine qui déclarait : « Si pour arriver à nos fins, nous devons éliminer 80 % de la population, nous ne devons pas hésiter un seul instant ». De même, il est vrai que le parti communiste français n'a pas autant de sang sur les mains que ses homologues russe, chinois, vietnamien, cambodgien. Mais s'il avait pris le pouvoir dans notre pays, n'aurait-il pas accompli les mêmes atrocités ? Le PC français, émanation de l'URSS, n'a cessé de soutenir celle-ci jusqu'à son écroulement.

    En quoi la figure de Boudarel est-elle symbolique du combat que vous menez ?
    Boudarel, communiste français, a dans un des camps du Viêt-minh, le camp 113, torturé moralement ses compatriotes, prisonniers des,communistes vietnamiens, à qui une seule alternative était offerte : la récitation de l'idéologie marxiste ou la mort.
    Cet homme s'est jusqu'ici refusé à exprimer tout repentir.

    Vous avez, le 9 novembre dernier, organisé de votre propre chef un premier procès à Paris, qui a rassemblé plusieurs milliers de personnes et des témoins de premier plan. Qu'envisagez-vous pour la suite ?
    « Chrétienté-Solidarité » a été en effet la première organisation à dresser un procès moral du communisme, à l'occasion du quatre-vingtième anniversaire de la révolution bolchevique, accueillant des témoins aussi prestigieux que le colonel Clostermann ou Alain Griotteray, des anciens du camp 113 comme M. Jantelot, ambassadeur de France, des personnalités étrangères, victimes du communisme (vietnamiennes, laotiennes, lituaniennes ... ). Ce que nous voulons maintenant ? Que partout dans le monde, soient constitués des tribunaux qui jugeront des crimes contre l'humanité, perpétrés dans leurs pays par le communisme. En France nous entendons, avec l'ensemble du mouvement national, combattre cette idéologie, où qu'elle trouve refuge ..

    Français d'abord ! Numéro spécial- 2e quinzaine janvier 1998

  • « S'il n'y a pas de souveraineté politique, il n'y a pas de nation »

    Mai 68 vient d'avoir lieu. Michel Pinton, polytechnicien, rencontre Valéry Giscard d'Estaing. Le trentenaire voit en l'ancien ministre des Finances une « forme rajeunie du gaullisme » (1). En 1974, il sera de ceux qui le porteront à l'Elysée. A la création de l'UDF, en 1978, il en devient le secrétaire général. Michel Pinton, qui a aussi été député européen, est aujourd'hui maire de Felletin (Creuse). Ce conservateur souverainiste et catholique, qui n'est pas sans rappeler Jean Jaurès, se bat contre les effets de la mondialisation et contre « l'idéologie européiste » (2).

    ☟Le Choc du mois: A la suite de quels désaccords vous êtes-vous séparé de Valéry Giscard d'Estaing ?
    ☝ Michel Pinton : Ce qui a provoqué la rupture entre nous, c'est la différence croissante de nos visions du monde après la chute du mur de Berlin et la signature du traité de Maastricht. Pour vite résumer les choses, je dirais que Giscard a tiré de l'effondrement du communisme et de la marche vers la monnaie unique une idée principale, à savoir qu'il fallait que l'Europe s'unisse, et même, plus encore, qu'elle « s'approfondisse », comme on disait à l'époque. Il mettait toute sa foi dans une sorte de fusion entre la France et l'Allemagne et la création d'une fédération supranationale entre ces deux pays, ce qui me semblait une mauvaise analyse de la situation mondiale et européenne. Je pensais que la chute du mur de Berlin démontrait au contraire que cet élargissement de l'Europe devait aller de pair avec la diversité des choix, et que si l'on cherchait à mettre de force tous les peuples dans le même carcan, cela ne marcherait pas.
    Notre rupture pratique est donc venue au moment du traité de Maastricht et de nos divergences sur ce que devait être le devenir de l'Europe : il était naturellement un chaud partisan de l'euro, dans lequel il voyait un instrument essentiel pour faire de l'Europe une unité solide et prospère ; moi j'en avais une vision exactement inverse : celle d'un moule monétaire. Nous nous sommes donc séparés à ce moment-là, et en dépit d'une amitié qui demeure, sans aucun doute, vivace entre nous, nos avis sont désormais trop éloignés pour que nous puissions à nouveau travailler ensemble. L'âge qu'il a aujourd'hui, de toute façon, fait que cela n'a plus grande importance.

    « Le pouvoir est ailleurs que dans la volonté du peuple français »

    ☟ Pour quelles raisons êtes-vous si attaché à la souveraineté nationale ?
    ☝ La souveraineté nationale, pour moi, c'est une évidence : s'il n'y a pas de souveraineté politique, il n'y a pas de nation. La souveraineté a été le fondement de la politique française depuis plus de mille ans. Par conséquent, si elle disparaît, il n'y a plus de France, tout simplement. Or, on essaie précisément aujourd'hui de nous mener vers cette voie, consistant à partager notre souveraineté avec d'autres pays voisins. En réalité, on ne partage rien : on ne fait que donner le pouvoir à une technocratie irresponsable. Il ne faut pas s'étonner que cela ne soit pas populaire. Le peuple français voit bien, depuis quinze ans, que ses votes ne servent plus à grand-chose et que le pouvoir est ailleurs que dans sa propre volonté.

    ☟ Vous avez intimement connu Jacques Chirac. Quelles impressions vous a-t-il laissées ?
    ☝ Je l'ai connu en 1968, en même temps que Giscard. Nos rapports personnels ont été bons jusqu'à ce que, comme secrétaire général de l'UDF, je sois conduit à prendre parfois position contre le RPR, ce qui bien sûr ne lui a pas plu. C'est un homme qui a adopté avec l'âge des positions idéologiques qu'il n'avait pas quand il était plus jeune. Il était très sensible, à l'époque, à une certaine forme de réalisme politique, même si par ailleurs son opportunisme n'avait rien de méchant ou d'agressif. Il faisait avant tout ce qu'il fallait pour plaire à l'opinion et être élu. Je ne l'ai jamais connu animé par les préoccupations ultérieures de ses deux mandats présidentiels, lorsque, une fois président, il s'est fait le champion des droits de l'homme, des minorités et de la repentance anti-vichyste. Dans les années 70-80, ces questions ne l'intéressaient même pas.

    ☟ Peut-on considérer que vous êtes un dissident à l'intérieur de la droite française ?
    ☝ Sur certains points, oui, mais il faut savoir exactement ce que l'on entend par la droite. Il y a une droite avec laquelle je ne me suis jamais senti à l'aise, celle qui est européiste, atlantiste, mondialiste, et qui, à mon avis, a renié ses propres racines. Cette droite-là n'a jamais été la mienne. Car c'est aussi une droite qui n'aime pas regarder en face ses propres carences et ses erreurs, et je pense qu'il faut toujours avoir le courage de regarder ses erreurs en face. Par contre, je me sens proche d'une droite qui est avant tout une fibre populaire et une manière de sentir la France.
    « On enferme les peuples européens dans un carcan »

    ☟ Quelles ont été pour vous les fautes politiques principales de Giscard et de Chirac ?
    ☝ La principale faute de Giscard, c'est de ne pas avoir compris - ou plutôt de ne pas avoir voulu comprendre, car il était assez intelligent pour le faire - qu'ayant été élu en 1974 contre Jacques Chaban-Delmas par un électorat populaire de droite, il ne pouvait ensuite passer une bonne partie de son temps à essayer de séduire des partis de gauche en prenant des mesures que son électorat ne demandait absolument pas. Son européisme, notamment, qui était très fort, ne correspondait pas du tout aux attentes de ceux qui l'avaient élu. Sa défaite a été pour lui une grande surprise, car il était persuadé que ce qu'il faisait répondait aux désirs des Français, ce qui n'était pas vrai.
    En ce qui concerne Chirac, c'est un peu la même aventure : il a été élu lui aussi par des votes populaires, qui manifestaient une grande méfiance envers l'Union européenne. Il a été élu en 1995, à l'époque de la préparation de l'euro, et il avait promis lors de sa campagne qu'il y aurait un nouveau référendum après celui de 1992 pour l'application de la monnaie unique ; du reste, sa promesse centrale de réduire la fracture sociale impliquait forcément que l'on ne fît pas l'euro. Or, à peine élu, Chirac s'est dépêché de trahir cet électorat et de mener une politique favorable aux intérêts de Bruxelles, ce qu'il a payé très cher, en décembre 1995. en 1997 et en 2005.
    Les deux hommes, en fait, ont commis l'erreur de vouloir s'affranchir de leur électorat. de ne pas tenir les promesses implicites qu'ils lui avaient faites, et de se laisser ainsi attirer par le mirage du centre ou du centre-gauche, qui n'est jamais qu'un faux consensus exalté par une presse en trompe-l'œil.

    ☟ Y a-t-il un centre politique en France, et quel sens donniez-vous à ce mot lorsque vous dirigiez l'UDF ?
    ☝ L'UDF, pour moi, c'était le centre-droit. Le RPR, à mes yeux, devait occuper une place tout à fait à droite : je voyais la vocation de Chirac comme étant en fait proche de ce qui serait ensuite celle de Le Pen. Or, Chirac a déplacé le RPR vers le centre et donc a fait surgir, par contrecoup, le Front national. Mais cette évolution n'était pas écrite à l'avance, loin de là, et la bataille entre le RPR et l'UDF, telle que je la voyais dans les années 80, était une bataille pour la possession de la droite populaire. Je ne pensais, pas non plus que l'UDF pût s'élargir depuis le centre-droit vers le centre-gauche. Cela a du reste été impossible : Giscard s'est heurté à l'union de la gauche. Il y a bien un électorat centriste en France, mais il est minoritaire : vous le retrouvez aujourd'hui dans les 7 % de François Bayrou en 2002 et au premier tour des dernières législatives.

    ☟ Pour quelles raisons êtes-vous devenu, vous le fondateur d'un parti qui se veut européiste, un adversaire déterminé de la construction européenne ?
    ☝ Je précise que je ne me suis jamais considéré comme un adversaire de l'Europe, mais je suis devenu effectivement un adversaire de l'idéologie européiste à partir du moment où elle a commencé à devenir ce qu'elle est aujourd'hui, c'est-à-dire à partir de 1986 et l'arrivée de Jacques Delors à la tête de la Commission.
    Ma vraie hostilité toutefois ne s'est manifestée qu'avec le traité de Maastricht, en 1992. Le projet d'arrimage du franc au mark qui a abouti à l'euro m'a semblé et me semble toujours néfaste, parce que c'est une contrainte qu'on impose aux peuples de l'Europe. On les enferme clans ce que j'ai appelé un carcan, à partir duquel tout découle : on fait de la monnaie unique le point d'ancrage des politiques économiques. Cela me paraît à la fois une hérésie sur le plan de la doctrine économique et une contrainte très forte appliquée à la vie des peuples.
    Désormais, à cause de cette politique, il n'y a plus d'ajustement possible que par la pression sur les salaires et sur l'emploi.
    C'est une manière de faire que je trouve inhumaine, et qui n'est absolument pas indispensable. Je sais bien qu'elle fait partie des modes actuelles, qui viennent pour l'essentiel des Etats-Unis, mais elle est appliquée avec une rigueur implacable par Bruxelles et par ceux qui nous gouvernent, sans que cela soit justifié par rien de sérieux.

    La nécessité d'un « dialogue fécond entre le temporel et le religieux »

    ☟Vous êtes également très attaché à une certaine forme de collaboration entre l'Etat national et l'Eglise catholique romaine. Pour quelles raisons ?
    ☝ J'ai surtout réfléchi à la signification profonde de la laïcité. Elle existe dans toutes les nations occidentales, en Europe et aux Etats-Unis : partout, il y a séparation entre l'Eglise et l'Etat. Mais il ne faut pas s'illusionner sur le sens de cette séparation : aujourd'hui, beaucoup veulent faire croire qu'elle signifie coupure. On pense couramment que les convictions religieuses sont seulement une affaire de choix personnel, qui n'ont rien à voir avec la vie publique, laquelle est censée être avant tout dans l'Etat.
    J'ai essayé de montrer que c'est faux : en réalité, la séparation entre l'Eglise et l'Etat signifie qu'il doit y avoir un dialogue permanent entre deux puissances qui ont besoin l'une de l'autre, même si leurs domaines d'activité respectifs sont tout à fait différents. Renvoyer les références religieuses au seul domaine privé est une idée dangereuse parce qu'elle nous conduit à des malentendus voire à des crises. D'autant que la voie vers laquelle nous entraînent la mondialisation et le libéralisme économique est quelque chose qui rend la vie des hommes de plus en plus insupportable : on étouffe dans ce système inhumain et mécanique. il bouscule les hommes, détruit les emplois, met de plus en plus de gens au chômage ou les contraint à une vie trépidante.
    Nous avons ainsi toute une partie de nous-même qui est atrophiée à l'intérieur de ce système ; dès lors le seul moyen que nous avons de vivre comme des êtres humains, c'est d'avoir une ouverture spiritualiste vers autre chose. Les doctrines purement matérialistes du libéralisme ou du communisme ne peuvent pas suffire à diriger un peuple. Cela aboutit à des phénomènes qui nous troublent, et qui sont en effet troublants, parce qu'indices de déséquilibre.
    Je crois donc qu'on ne peut pas comprendre ce qu'est l'homme moderne si l'on ne comprend pas le danger de cette césure entre la vie politico-économique et la vie religieuse. Les deux sont nécessaires. Il ne s'agit pas bien sûr de revenir à une alliance entre l'Eglise et l'Etat, qui doivent restés séparés ; mais il faut parvenir à trouver un équilibre qui corresponde au besoin de liberté de l'époque actuelle par un dialogue constructif entre les deux puissances. L'histoire de France d'ailleurs nous apprend que les périodes durant lesquelles la nation est à la fois la plus rayonnante et la plus ordonnée sont celles où il y a ce dialogue fécond entre le temporel et le religieux. A l'inverse, quand les deux puissances se tournent le dos ou se combattent, progressivement, la nation se déchire et entre en déclin.

    « La centralisation administrative est allée beaucoup trop loin »

    ☟ Est-ce au nom de ces convictions que vous avez pris la tête du mouvement qui s'est opposé à l'adoption du Pacs ?
    ☝ Au moment du débat sur le Pacs, j'ai pris la tête d'un mouvement des maires, qui a d'ailleurs été une réussite puisque le gouvernement Jospin a dû renoncer à l'enregistrement des Pacs en mairie. Je l'ai fait au nom de convictions personnelles et républicaines. Mais je me sentais d'autant plus fort que j'avais aussi pour moi à la fois la raison et l'appui des différentes religions qui existent en France, dans la mesure où précisément le dialogue dont je vous parle sur ces matières était clair et aboutissait à une conclusion irréfutable.
    Je pense de même que la perspective du mariage homosexuel vise à introduire un conflit grave entre les deux puissances, dont nous aurons du mal à sortir. La conscience française sera déchirée, ce qui se traduit toujours chez nous par des oppositions politiques, des troubles sociaux, des conflits de toute sorte.
    Le malaise, d'ailleurs, est déjà là et croît de façon perceptible.

    ☟ Vous avez été successivement consultant privé à l'étranger et maire de votre ville natale dans le Limousin, Felletin. Ces deux expériences à l'opposé l'une de l'autre vous ont-elles enseigné des vérités différentes ?
    ☝ Elles m'ont surtout montré les deux faces apparemment contradictoires de notre époque. La carrière privée de consultant que j'ai menée en Europe et aux Etats-Unis m'a montré la face heureuse de la mondialisation, dont j'ai profité : celle des vastes sujets d'envergure internationale, de l'argent gagné facilement, des contacts multiples avec des gens de tous les pays. Mais, j'en ai vu aussi les limites : les échanges entre personnes s'y bornent à des rapports superficiels.
    Mon expérience publique dans le limousin, elle, m'a montré l'autre face de la mondialisation : celle des tout petits qui sont écrasés par le système, qui subissent la précarité, les bas salaires, la chute des petites entreprises traditionnelles. A Felletin, j'ai dû agir avec les pouvoirs limités du maire, qui n'ont rien à voir avec ceux d'un législateur ou d'un chef d'Etat, mais j'y ai appris qu'il était faux de croire que le meilleur barrage protecteur aux excès de la mondialisation soit l'Etat. Cette croyance est une erreur grave, dont témoigne par exemple l'évolution du Royaume-Uni, où Margaret Thatcher a ouvert le pays aux grands vents de la mondialisation avant que Tony Blair poursuive cette politique en tentant de l'équilibrer par un usage beaucoup plus important du rôle de l'Etat. Or, toutes les statistiques montrent que son succès est très limité. Si en France nous faisons la même chose et continuons à mettre tout notre espoir dans l'Etat, comme le fait notre classe dirigeante depuis vingt ans, nous subirons les mêmes déconvenues parce que cela ne fonctionne pas.
    En réalité, l'Etat et la mondialisation marchent main dans la main, au détriment de l'homme et de sa liberté. L'Etat place les individus détruits par le système sous sa tutelle, au moyen d'innombrables subventions qui les privent de toute responsabilité et donc de leur vraie dignité.
    Mon expérience limousine locale m'a prouvé au contraire que la solution se trouve dans la reconstitution de ce que j'appellerais des sociétés intermédiaires, bien compromises aujourd'hui. La commune et la région sont deux d'entre elles, et j'ai essayé de voir comment, même avec des moyens très faibles comme ceux dont dispose ma ville de Felletin, on pouvait très concrètement, sur le plan économique, écologique et social, résister au laminoir de la mondialisation. Et après douze ans d'exercice et de combats quotidiens, je peux dire que la réponse est positive,
    Encore faut-il que l'on puisse quelque peu se dégager de cet engrenage terrible dans lequel nous broie la puissance conjuguée de l'Etat et de la mondialisation. C'est d'abord une question de volonté de la part de nos dirigeants. Or, nos gouvernements sont très velléitaires, et les moindres ébauches de décentralisation sont toujours compensées par des mesures allant en sens inverse.

    ☟ La plupart des fédéralistes sont européistes et la plupart des souverainistes partisans de la centralisation. Y aurait-il donc un paradoxe Pinton ?
    ☝ Je crois qu'il s'agit d'un faux paradoxe, dans la mesure où la centralisation politique me paraît pour un pays comme la France, quelque chose de nécessaire : c'est la raison pour laquelle je suis un partisan farouche des institutions de la Ve République, et je suis sévère pour notre classe politique qui les a déviées et polluées. Mais la centralisation administrative, elle, est allée beaucoup trop loin et a abouti à cette double dictature de l'Etat et du marché qui n'est pas une bonne chose pour la société française.
    On a trop tendance à les confondre toutes les deux, ce qui rend le débat politique en France impossible.
     Philippe Marsay le Choc du Mois Juillet 2007
    1. « Je voyais sans doute à l'époque le giscardisme avec une certaine naïveté », nous confie-t-il aujourd'hui, ajoutant : « Les faits ont démontré qu'il y avait là une part d'illusion. »
    2. Michel Pinton vient de publier Le Maire et la Mondialisation, éditions François-Xavier de Guibert, 224 pages, 19 euros.

  • Gérard Pince : « Nous assistons à la disparition d'un monde »

    Essayiste, économiste et démographe, Gérard Pince vient de publier « Qui a tué Mamadou ? », un roman qui a pour thème l'immigration.

    Monde et Vie : Gérard Pince, est-il possible d'estimer l'importance de la population immigrée en France aujourd'hui ?
    Gérard Pince : On trouve les chiffres exacts de [la présence étrangère dans les documents de l'Inisee, qui en a d'ailleurs récemment consacré un aux immigrés et à leurs descendants. Selon les chiffres que fournit ce document, les immigrés de 'la première génération se comptent actuellement à peu près 5,5 millions, et les descendants d'immigrés - qui sont nés en France et le plus souvent acquièrent la nationalité française par le droit du sol - sont 6,7 millions.
    Au total, la présence d'origine étrangère (personnes nées à l'étranger ou de parents nés à l'étranger) représente environ 12 millions de personnes sur une population de 65 millions. Sur ces 12 millions, la population d'origine extra-européenne, c'est-à-dire extérieure à l'Union européenne, représenterait d'après les statistiques de l'Insee - qu'il faut « décortiquer », car il n'est pas aisé de s'y retrouver - 6,9 millions de personnes.

    Ces chiffres de l'Insee sont-ils fiables ?
    Je l'ignore, mais ce sont les seuls dont nous disposons et ce sont donc sur eux que je me suis appuyé pour évaluer le déficit engendré par ces populations dans les finances publiques nationales, de manière à éviter les controverses et les polémiques en me fondant sur des bases reconnues par tout le monde.

    À combien ce déficit s'élève-t-il ?
    70 milliards d'euros en 2009. C'est compréhensible, puisque les taux de chômage sont extrêmement importants et les recettes fiscales faibles. Ces populations consomment énormément des prestations sociales et contribuent assez peu en retour, par leur fiscalité, aux finances publiques.

    Pour quelles raisons continue-t-on alors à faire appel à l'immigration ? Qui y trouve intérêt ?
    À l'échelle internationale, la plupart des grands médias qui représentent le patronat - je pense par exemple à l'hebdomadaire anglais The Economist - répètent sans cesse que l'immigration est indispensable. Manifestement, cette propagande a un but économique, que l'on peut comprendre d'une certaine manière du point de vue de l'entreprise et qui consiste à essayer de ramener les salaires au niveau de ceux des pays émergents. Or, pour les ramener à ce niveau, il faut davantage d'offres de travail, donc davantage de migrants. Voilà pourquoi, alors que le chômage augmente, on nous explique paradoxalement qu'il faut faire venir toujours davantage d'immigrés.

    S'il s'agit de réduire les salaires, une logique non moins cynique ne voudrait-elle pas que les entreprises délocalisent pour produire moins cher à l'étranger, plutôt que d'importer de la main d'oeuvre ?
    Les deux attitudes sont complémentaires. Toutes les entreprises ne peuvent pas se délocaliser. Certaines, en particulier des entreprises industrielles, se délocalisent aisément, mais d'autres pas : une entreprise de distribution qui est en France et vend à des consommateurs français, par exemple, ne se délocalisera pas. De même, beaucoup d'entreprises de services qui sont exclusivement tournées vers le marché intérieur ne le font pas non plus, ne serait-ce que pour d'évidentes raisons géographiques. Les deux démarches, délocalisations et immigration, sont donc complémentaires et s'épaulent l'une l'autre.

    Ces intérêts économiques ne rejoignent-ils pas des intérêts politiques ? L'immigration représente aujourd'hui un vivier électoral...
    En effet, et il deviendra encore plus important si l'on donne le droit de vote aux élections locales aux étrangers. Cela concerne d'ailleurs aussi les élections nationales, puisque les élus locaux participent à l'élection des sénateurs... Or, lors des dernières élections présidentielles, les quartiers musulmans ont voté pour la gauche pratiquement à hauteur de 90 %. Donc, plus elle fera venir d'étrangers en leur donnant le droit de vote, plus elle sera assurée de conserver indéfiniment le pouvoir. Dans ces conditions, la démocratie et le suffrage universel n'ont plus aucun sens, puisqu'il suffit de remplacer la population pour changer complètement les résultats des élections. L'élection d'Obama en fournit un exemple encore plus récent : 70 % des latinos et 90 % des noirs ont voté pour lui. Ainsi, dans les sociétés multiethniques ou multiculturelles, les électeurs ne se déterminent pas à partir de choix politiques, mais à partir de choix ethniques. On en revient ainsi au tribalisme.

    J'en viens à votre livre, Qui a tué Mamadou ?(1). Vous êtes parti d'un fait divers pour créer cette histoire de montage politico-policier, visant à transformer l'assassinat d'un trafiquant de drogue malien en crime raciste. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
    Il s'agit de mon troisième roman, après Le revenant de la forêt guyanaise, en 2010, et La proie du mal, en 2011(2). Compte tenu de l'actualité brûlante, j'ai voulu consacrer ce troisième roman au thème de l'immigration. Je me suis servi de l'ensemble des faits divers liés à l'immigration qui se sont récemment succédé - qu'il s'agisse de l'école, de l'hôpital, etc. - pour créer une intrigue qui montre ses conséquences sur la vie quotidienne des Français. Je raconte l'histoire d'une famille d'entrepreneurs, bourgeoise, qui, à la suite d'une série d'intrigues policières et politiques, se trouve entraînée dans une déchéance irrésistible. Cette déchéance préfigure celle de la France en général, c'est pourquoi j'ai intitulé les différentes parties de mon roman : la montée des périls, la drôle de guerre et la débâcle, afin de faire un rapprochement entre la situation que nous connaissons actuellement et la catastrophe survenue en 1940. Je montre que, finalement, nous assistons à la disparition d'un monde. Ce n'est certes pas un roman très optimiste, mais il est malheureusement lucide.
    Propos recueillis par Jean-Pierre Nomen monde & vie 10 novembre 2012
    1) Gérard Pince, Qui a tué Mamadou ? éd. Godefroy de Bouillon, 274 p, 29 €
    2 ) Ces deux titres, publiés aux éditions de L'Harmattan, peuvent être commandés sur Amazon.

  • « L'Europe ne sera sauvée que par une remise en cause du dogme libre-échangiste »

    Jean-Luc Gréau n'est pas vraiment un agité altermondialiste. Cadre au CNPF, puis au MEDEF pendant trente-cinq ans, c'est un économiste iconoclaste qui nourrit sa réflexion aux meilleures sources : Smith, Schumpeter et Keynes. À la différence de bon nombre de ses pairs, il a vu venir la crise, comme il la voit aujourd'hui se poursuivre. Un économiste avisé. L'espèce est rare.

    Le Choc du mois : Quelles sont selon vous les nouveautés radicales qui caractérisent la globalisation économique mise en place dans les années 1980-1990, et dont vous dites qu'elles ont changé la nature même du libéralisme économique ?
    Jean-Luc   Gréau : Nous percevons maintenant avec netteté les deux orientations cruciales qui ont ouvert la voie à la transformation économique et financière de ces trente dernières années. Une première orientation est donnée par la subordination de l'entreprise aux volontés expresses de ces actionnaires puissants que sont les fonds de placement. La personne morale « entreprise » a été instrumentalisée et abaissée au rang de machine à faire du profit (money maker). Le phénomène est manifeste pour les sociétés cotées qui ne sont pas protégées par un capital familial ou par des actionnaires de référence, mais il affecte aussi beaucoup de sociétés non cotées, contrôlées par des fonds dits de « private equity » qui ont les mêmes exigences que les actionnaires boursiers.
    Une deuxième orientation est représentée par le libre-échange mondial qui concerne surtout l'Europe, espace le plus ouvert au monde, et à un moindre degré, les Etats-Unis. Cette ouverture des marchés des pays riches revêt une importance cruciale du fait que, contrairement au double postulat de suprématie technique et managériale des Occidentaux d'une part, et de spécialisation internationale du travail d'autre part, les pays émergents ont démontré leur capacité à rattraper nos économies et à s'emparer de parts de marché croissantes, y compris dans les secteurs à fort contenu technologique. Sait-on que les États-Unis subissent, depuis 2003, un déficit croissant de leurs échanges dans ces secteurs ?
    La grande transformation s'est produite quand ces deux orientations ont conjugué leurs effets pour entraîner les économies développées dans une spirale de déflation rampante des salaires qui a été longtemps masquée par l'endettement des particuliers. C'est cela que signifie au premier chef la crise des marchés du crédit déclenchée en 2007 : l'incapacité pour de nombreux ménages occidentaux de rembourser une dette disproportionnée.

    Estimez-vous que nous allons vers une sortie de crise comme le prétendent les chefs d’État du G20 ?
    Non, la crise du crédit privé n'est pas résorbée, en dépit de ce qu'affirme la communication tendancieuse de la corporation bancaire: elle couve discrètement dans les comptes de nombreux organismes. Aujourd'hui, nous devons faire face de surcroît à une montée des périls sur la dette publique de la plupart des pays occidentaux, pour ne pas dire tous. L'affaissement des recettes fiscales, le subventionne-ment des banques en faillite et les mesures de relance ont sapé les fondements de l'équilibre des comptes publics. Pour conjurer les nouveaux périls, il faudrait que se manifeste une providentielle reprise économique forte et durable redonnant aux Etats les moyens de faire face à leurs obligations financières. Mais les orientations qui ont conduit au séisme sont toujours à l'œuvre et l'on peut craindre au contraire leur renforcement.

    Comment interprétez-vous la crise suscitée par l'explosion de la dette publique grecque ?
    La faillite virtuelle de la Grèce, qui devrait précéder de peu celle d'autres pays européens, nous enseigne deux choses. La première est que le choix d'une monnaie unique impliquait le choix corrélatif d'une union douanière. Or, nous avons fait, immédiatement après Maastricht, le choix inverse de l'expérience, en forme d'aventure, du libre-échange mondial et de la localisation opportuniste d'activités et d'emplois dans les sites les moins chers. Ce choix a fragilisé par étapes les économies les moins compétitives, de la périphérie européenne, mais aussi des économies dignes de considération comme la française et l'italienne. Il a en outre conduit l'Allemagne, puissance centrale, à réduire ses coûts du travail, pour se maintenir à flot grâce à un courant d'exportation croissant, mais au prix d'une consommation chronique-ment en berne, qui pèse sur les exportations des partenaires européens vers le marché allemand. L'Europe, s'il n'est pas trop tard, ne sera sauvée que par une remise en cause du dogme libre-échangiste.
    La deuxième est probablement que la monnaie unique a joué, à l'inverse de ce qu'imaginaient ses concepteurs, un rôle d'inhibiteur des faiblesses et des déséquilibres. Avant la crise, tous les pays de la zone euro bénéficiaient de conditions d'emprunt favorables. Les écarts de taux entre l'Allemagne et les pays aujourd'hui directement menacés étaient tout à fait négligeables. C'était là la grande réussite apparente de l'euro. Mais ce faisant, et avec l'apport complémentaire des fonds dits de cohésion structurels, les pays membres de la zone euro n'ont, en dehors de l'Allemagne et des Pays-Bas, pas pensé leur modèle économique. Des déficits extérieurs structurels sont apparus partout où l'on n'avait pas les moyens de relever le double défi du libre-échange et de la monnaie forte. Ces déficits structurels n'ont aucune chance de se résorber, sauf dans deux hypothèses : la sortie de l'euro par les pays concernés ou l'entrée en violente dépression de la demande interne. On conviendra que chacune de ces hypothèses renferme la probabilité de la fin de l'Europe, telle que nous l'avons vu vivre depuis les commencements du projet.

    Le dollar pourra-t-il rester selon vous l'étalon monétaire universel dans les années qui viennent ?
    Il existe un malentendu ancien et majeur au sujet du rôle international du dollar. La devise américaine a cessé de constituer, une fois pour toutes, un étalon pour les autres monnaies, à partir de son flottement décidé au printemps 1973. Depuis lors, il fluctue, comme la plupart des autres monnaies importantes, en suivant de fortes variations dans le temps. Or, une monnaie étalon joue par définition le rôle d'un môle d'amarrage pour les autres monnaies. Au surplus, le rôle du dollar en tant que monnaie étalon ne figure plus dans aucun texte en vigueur. Il demeure prédominant en tant que moyen international de facturation et de règlement des transactions commerciales et financières. Cette prédominance découle de la puissance intrinsèque de l'économie américaine, mais aussi de la facilité d'acheter des biens internationaux comme les matières premières avec une seule monnaie. De surcroît, les partenaires asiatiques des États-Unis s'en sont toujours accommodés dans la mesure où ils étaient d'un côté importateurs de matières premières, et, d'un autre côté, exportateurs vers les États-Unis. L’entrée en scène de l'euro n'a pas modifié cet état de choses, sinon à la marge. Les Airbus sont toujours facturés en dollars, comme les Boeing.
    On peut penser cependant que la situation pourrait évoluer du fait du déclin relatif de l'emprise économique et financière des États-Unis. La puissance américaine a trouvé un interlocuteur en la personne de la nouvelle puissance chinoise. C'est entre ces deux pays qu'a commencé, semble-t-il, le régime de partage de la domination, ce qui crée une situation dangereuse pour les autres parties du commerce mondial, mais aussi à terme, pour les États-Unis eux-mêmes, qui ne peuvent escompter autre chose qu'une poursuite de leur déclin relatif. La Chine deviendra maîtresse du jeu, sauf si les Occidentaux font obstacle à son impérialisme économique ou si ce pays devait connaître à son tour une crise due à la surchauffe qui se manifeste depuis quelques mois.

    D'après vous, la crise économique que doit affronter le monde depuis trois ans a-t-elle ébranlé la solidité des dogmes libre-échangistes ?
    Hélas, à l'instant présent, les dogmes, les tabous et les interdits qui définissent l'expérience néo-libérale restent en place. On se réjouit officiellement de ce que le libre-échange ait survécu malgré la gravité de la crise dont il constitue pourtant une cause majeure. On exhorte maintenant les pays sinistrés ou en difficulté à de nouveaux sacrifices sans prendre en considération le risque de retour en force de la crise de la demande et de rechute consécutive de l'ensemble des marchés financiers. L'aveuglement persiste et s'aggrave, en dehors de petits cercles de personnes placées en prise directe avec les entreprises ou les territoires sinistrés. Une chape de plomb s'est à nouveau refermée sur les consciences sincèrement ouvertes au débat. Mais le déni de réalité ne pourra se prolonger longtemps. Patience !
    Propos recueillis par Pierre-Paul Bartoli LECHOCDUMOIS mai 2010
    À lire : Jean-Luc Gréau, La Trahison des économistes, « Le Débat », Gallimard, 250 p., 15,50 €

  • Accroissement vertigineux de la pauvreté Entretien avec Noam Chomsky (1994)

     Noam Chomsky, le plus important des philosophes de la gauche américaine, accuse le système occidental d'avoir provoqué une « escalade de la misère » sans précédent. Clinton et les 2 partis américains, asservis à la grande industrie, en sont responsables. Paolo Morisi, le correspondant à Boston de l'hebdomadaire romain L'Italia settimanale, l'a rencontré chez lui pour son journal.

    ChomskyLes données que nous révèle le Census Bureau américain sont claires : le gouffre entre riches et pauvres s'élargit toujours davantage. La pauvreté a augmenté de 14,5% en 1992 et touche désormais 36,9 millions d'Américains. Aujourd'hui, un enfant sur quatre vit dans un état de pauvreté chronique, naît dans une famille détruite où la figure du père est absente. Selon Frank Levy, professeur au Massachussets Institute of Technology (MIT), les pauvres sont face à un horizon plus triste qu'il y a 30 ans, vu les changements qui sont survenus dans le marché du travail et qui tendent à défavoriser les travailleurs les moins spécialisés.

    Peter B. Edelman, consultant pour le Département de la Santé, affirme qu'outre les changements dans l'économie, l'Amérique ne peut s'en prendre qu'à elle-même : elle est responsable de ses pauvres. « Nous avons perdu la volonté, au niveau national, de faire quelque chose pour les pauvres ». Et il accuse : « Reagan et Bush ont montré qu'ils ne cultivaient aucune préoccupation pour les plus démunis ». Le débat sur la pauvreté est pourtant bien présent dans les colonnes des principaux quotidiens américains. Tant les libéraux (c'est-à-dire la gauche) que les conservateurs pensent qu'ils détiennent la bonne stratégie pour contrer cette pauvreté omniprésente, mais leurs discours nous semblent bien confus.

    Alors, qui a les idées les plus claires sur la question ? Noam Chomsky, le célèbre linguiste de notoriété internationale, un intellectuel juif connu pour ses provocations (en 1980, sa lettre défendant la liberté d'expression et par là la possibilité d'ouvrir sereinement à tout débat contradictoire sert d'avant-propos à un livre de l'historien “révisionniste” français Robert Faurisson alors poursuivi en justice) et pour ses positions pacifistes radicales. Dans le passé, Chomsky, qui enseigne au MIT, a critiqué durement l'invasion israélienne du Liban, ce qui lui a valu une excommunication signée par 3 rabbins et, plus récemment, il s'est aliéné le monde culturel et politique américain en condamnant ouvertement la Guerre du Golfe.

    Chomsky

    ♦ Q. : La pauvreté n'a fait qu'augmenter depuis 1992. Le gouffre entre riches et pauvres est plus large que jamais aux États-Unis. Qu'en pensez-vous ?

    NC : La disparité sociale croissante est une tendance de longue haleine, due aux changements profonds de l'économie internationale au cours de ces 20 dernières années. Un facteur crucial a été la désintégration du système économique mondial voulu par Nixon au début des années 70, à l'époque des accords de Bretton Woods. Ces mesures ont conduit à une forte expansion des capitaux libres (14 millions de milliards de dollars, selon la Banque Mondiale) et à une accélération rapide de la globalisation de l'économie, ce qui a rendu possible le transfert de la production vers des pays où règne une forte répression sociale et où les salaires sont très bas. Autre conséquence : le déplacement des capitaux d'investissement à long terme vers la spéculation et le commerce. Selon une estimation de l'économiste John Eatwell de l'Université de Cambridge, aujourd'hui, 90% du capital est utilisé à des fins spéculatives, contre 10% en 1971 ! Les effets à long terme sont clairs : la Communauté Européenne elle-même, en tant qu'entité politico-économique, n'est plus en mesure de défendre les monnaies européennes contre la spéculation.

    La planification de l'économie nationale des pays riches est considérablement menacée et les pays pauvres subissent un terrible désastre. Le monde est canalisé vers un équilibre qui sera caractérisé par une croissance basse et de bas salaires. Le modèle dual propre au tiers-monde, avec des îlots de richesse au milieu d'une mer de pauvreté, s'est internationalisé, de concert avec une internationalisation de la production. Les raisons de cette évolution sont claires et visibles dans le monde entier. Les gouvernements répondent d'abord aux nécessités du pouvoir domestique, incarné en Occident par les secteurs de la haute finance et des firmes multinationales. Pour le reste, la population, même dans un pays riche comme les États-Unis, devient pour une bonne part superflue pour la production de profits et de richesses, qui sont les valeurs premières de la société capitaliste.

    ♦ L'Administration Clinton pense-t-elle sérieusement à améliorer les conditions des moins privilégiés ? Comment expliquer que les idées et le programme de Clinton jouissent d'un grand prestige auprès des partis de gauche européens ?

    L'Administration Clinton n'a strictement rien fait pour résoudre les problèmes sociaux et économiques internes. Je suis resté stupéfait quand j'ai vu que les partis de la gauche européenne se sont alignés sur les “clintoniens” ; c'est un bien curieux exemple de conditionnement et de subordination à la propagande américaine. Clinton s'est présenté comme un “Nouveau Démocrate”, un représentant de l'aile la plus conservatrice du parti démocrate, que l'on distingue à peine des républicains modérés. Les “Nouveaux Démocrates” se vantent d'avoir abandonné les “clichés” de gauche que sont la redistribution, les droits civils, etc. et de se préoccuper principalement des investissements et de la croissance économiques. Il est vrai qu'ils parlent aussi de l'emploi, mais sur le même ton que Bush et que le Wall Street Journal. Il ne faut point trop gratter : on s'aperçoit bien vite que pour ces messieurs le mot “emploi” a la même signification que “profit”.

    L'électorat primaire de Clinton, c'est le secteur de management industriel. En fait, la problématique majeure de la campagne électorale de 1992 était la suivante : on s'est demandé jusqu'à quel point l'État devait protéger les intérêts de cette caste de privilégiés. La réforme dans le domaine de la santé, qui a été l'initiative majeure de Clinton au niveau national, est un exemple patent : il nous indique pourquoi le Président a pu attirer à lui tant de voix issues des castes économiques dirigeantes. La majorité de la population voulait que s'instaure aux États-Unis, comme dans toutes les nations civilisées, une forme d'assistance sanitaire publique. Le plan de Clinton a ainsi satisfait 2 conditions requises par le pouvoir industriel : a) il est radicalement régressif et n'est pas basé sur l'impôt ; b) il octroie un rôle déterminant aux compagnies d'assurances et les gens devront payer les frais immenses de leurs campagnes publicitaires, les hauts salaires de leurs directeurs, leurs profits, leur bureaucratie, etc.

    Mes critiques valent également pour les autres points du programme de Clinton, dont l'Administration accorde un rôle prépondérant aux “faucons” dans les rapports avec les pays du tiers-monde et subsidie les exportations américaines en violation des accords du GATT.

    ♦ Vous ne croyez donc pas que l'Administration Clinton sera plus ouverte aux idées progressistes ? Que penser alors de l'attention toute spéciale que le Vice-Président Gore accorde aux problèmes écologiques ?

    L'Administration Clinton ne s'intéresse nullement aux idées progressistes, à moins qu'elles ne puissent être manipulées et instrumentalisées au profit des managers industriels, des financiers de pointe ou des professionnels de l'argent. Pour toutes ces catégories sociales, une forme restreinte d'écologisme est bien vue. En fait, cela ne leur plaît guère que la détérioration de la couche d'ozone nuise aux peuples blancs de l'hémisphère nord ; ils veulent protéger leurs maisons de vacances de l'invasion des exclus et ils évoquent alors des restrictions à la construction de bâtiments dans les zones où ils se sont établis. Mais sur les questions qui touchent directement les droits et les devoirs des puissants et des riches, il ne me semble pas que Clinton et Gore aient fait grand'chose.

    ♦ Bon nombre de politologues affirment qu'entre le parti démocrate et le parti républicain une convergence s'est établie en politique étrangère et ils citent la Somalie et l'Irak pour étayer leurs arguments. Si une telle convergence existe, pensez-vous qu'il y a aussi une approche commune des problèmes économiques et sociaux internes ?

    Les 2 principaux partis politiques américains ne sont au fond que 2 avatars d'un seul et même parti, celui qui défend les intérêts de la grande industrie. Ils sont tellement semblables sur le plan de la culture et de l'imaginaire politiques qu'ils pourraient parfaitement échanger leurs positions sans que personne ne s'en apercevrait ! Pendant les élections de 1984, la plate-forme républicaine envisageait une croissance militaire de type keynésien, stimulée par des prêts énormes contractés par l'État, tandis que les démocrates présentaient un programme de limitation fiscale. Pour autant que je le sache, aucun commentateur politique ne s'est aperçu que les 2 partis avaient tout simplement échangé leurs rôles traditionnels.

    Les programmes du Républicain Reagan ont été étonnamment similaires à ceux du Démocrate Kennedy. Leur objectif principal est de faire croire que le système politique est toujours en mouvement, de façon à ce que les électeurs ne perdent pas intérêt à la politique. Environ la moitié de la population croit que le gouvernement est aux mains des grands potentats de l'économie qui ne sont là que pour défendre leurs propres intérêts, et que les 2 partis devraient purement et simplement être abolis. Environ le même nombre de citoyens ne va pas voter.

    Pendant plusieurs décennies, le gouvernement américain s'en est tenu à un principe doctrinal : la politique étrangère devait être basée sur la bipartition, ce qui équivaut à une forme de totalitarisme. La politique intérieure, elle, révélait des disputes d'ordre tactique. Sur la plupart des problématiques cruciales, le public est tenu en dehors de la sphère de décision. En fait, la majorité de la population s'oppose à toutes les options prises en considération pour la réforme du système de santé, et refuse le Traité instituant l'ALENA (NAFTA : North American Free Trade Agreement), que l'on fait passer pour un accord de commerce libre, alors qu'il ne l'est pas.

    Le pouvoir est aux mains des grands potentats de l'économie, dans une société largement dépolitisée, où les options pour une véritable participation politique sont extrêmement ténues car les simples citoyens n'ont ni la force ni la volonté de faire valoir leurs intérêts qui sont ceux de la communauté nationale toute entière. Ce qui est intéressant à noter dans notre pays, c'est que tout cela se passe dans l'État qui croit incarner la société la plus libre du monde !

    ♦ Prof. Chomsky, nous vous remercions de nous avoir accordé cet entretien.  

    ► Propos recueillis par Paolo Morisi, Vouloir n°114/118, 1994.http://www.archiveseroe.eu

  • CULTURE : DE LA RÉSISTANCE Á la reconquête (Le Rat noir)

    JACK MARCHAL … un parcours nationaliste 100 % politiquement incorrect

    Présenter Jack Marchal n'est pas une mince affaire. Véritable pôle culturel nationaliste, il hante les groupes les plus mythiques (Occident, GUD, Ordre Nouveau, PFN) avec son humour décapant depuis plus de 30 ans … Selon ses dires : " C'est en voyant les gauchistes du campus de Nanterre que j'ai compris que les ennemis de ces bâtards ne pouvaient être que mes amis ; voilà comment j'ai rejoint la croix celtique, dans l'hiver 1966-1967 ". Dans l'article qui suit, il nous décrit, en tant que bédéphile averti, la genèse du symbole du militantisme nationaliste radical, le rat noir ! Ce rat maudit à l'humour au vitriol qui a contribué à un certain état d'esprit, combinant agression verbale, autodérision, nostalgie humoristique de ce qui est détesté par ceux d'en face, provocation et fierté ; cet humour " rouge-noir " qui constitue l'apanage des mouvements nationalistes-révolutionnaires en France, Belgique, Espagne et Italie… Homme de culture (dessinateur dans Alternative, célèbre revue du GUD, auteur avec Frédéric Chatillon et Thomas Lagane de l'ouvrage " Les Rats Maudits " sur 30 ans d'histoire des mouvements nationalistes étudiants en France), Marchal est aussi un musicien, précurseur de l'aventure du RIF, auquel il participe d'ailleurs. En 1979, il avait réalisé un album intitulé " Science & Violence " (réédité), et les plus anciens militants belges francophones se souviendront des images du reportage " L'Orchestre Noir " le montrant en concert au local du PFN - Front de la Jeunesse à cette époque. Aujourd'hui, il est guitariste au sein du groupe Elendil (très proche de notre revue) et a encore récemment enregistré des chansons en solo (album " Sur les terres du RIF "). Toujours selon ses paroles, il trouve son éternelle motivation " en regardant autour de lui et en faisant fonctionner sa cervelle ".

    Peux-tu nous expliquer la genèse du Rat Noir ?

    Il est apparu comme symbole du GUD il y a trente ans, fin janvier 1970. De façon fortuite, sans toutefois être totalement le fruit du hasard. Je m'explique. A cette époque une pléthore de groupuscules politico-syndicaux d'ultra-gauche avait profité du rapport de forces résultant de mai 1968 pour coloniser les universités françaises. Les halls de fac étaient bondés de stands et de panneaux couverts d'affiches manuscrites aux textes interminables et répétitifs, des types passaient leurs journées à gratter sur grand format des manifestes révolutionnaires, c'est incroyable comme les marxistes savent être verbeux quand on les laisse faire. Au centre juridique parisien Assas, où nous nous étions infiltrés dans la foulée de nos adversaires, le GUD tentait de se distinguer de la logorrhée ambiante avec des affiches limitées autant que possible à quelques slogans humoristiques tracés avec une graphie spécifique. On nous repérait au premier coup d'œil, même en l'absence de logo (depuis la dissolution d'Occident nous n'osions pas encore ressortir la croix celtique). J'étais de ceux qui étaient chargés de faire ces affiches (ou du moins d'en vérifier l'orthographe...), sous le contrôle de Frédéric B., un des anciens dirigeants d'Occident ? un pro, il sortait des Beaux-Arts, dessinait les affiches d'Occident, a aussi exécuté les premières d'Ordre Nouveau. Il nous avait enseigné que seule l'esthétique est révolutionnaire et qu'imposer un style est le meilleur moyen d'être vu et d'acquérir du pouvoir. Cependant, en cet hiver 1969-70, il arrivait à nos adversaires de marquer des points en affichant des caricatures, parfois pas mauvaises, qui attiraient le regard et étaient souvent dirigées contre nous. On ne pouvait pas se laisser distancer, il fallait répliquer par la surenchère : le GUD s'exprimerait par des bandes dessinées géantes, et en couleurs, lisibles à dix pas ! J'avais fait pas mal de BD quand j'avais 10-12 ans, rien dessiné depuis, mais je m'y suis remis. Et nous avons lancé une chronique illustrée drôlatique, quasi-quotidienne, j'y passais deux heures chaque fin d'après-midi au local du GUD; avec d'autres camarades nous délirions en chœur pour sélectionner les idées les plus saugrenues... L'actualité en offrait à foison, l'agitation universitaire faisait des pages entières dans les journaux. J'ai été amené ainsi à traiter du cas du doyen de l'université de Nanterre, que les gauches avaient forcé à se réfugier dans un local de service. Dans notre chronique illustrée je l'ai présenté vautré dans les poubelles parmi les arêtes de poisson et les épluchures. J'ai aussi mis un rat, c'était logique dans un tel environnement... A sa première apparition, il était juste là pour ronger un trognon de carotte, mais il n'a pas tardé à exprimer des commentaires sarcastiques dans son coin. Il était bien pratique, ce rat. C'est une tendance assez naturelle de mettre en marge un petit personnage adventice qui fait contrepoint avec la scène principale (procédé systématique chez Brueghel comme chez beaucoup de cartoonists américains, sans oublier Gotlib et sa coccinelle. Je note que depuis quelque temps l'infâme Plantu ne manque jamais de placer une petite souris dans un coin des dessins qu'il publie en une du Monde ? le malheureux sait-il sur quelle pente glissante il s'engage ?...). Donc, nous voilà avec ce rat accessoire qui, au fond, disait ce que nous avions à dire. C'est alors que Gérard Ecorcheville, le camarade qui à ce moment-là gérait la propagande du GUD, eut une illumination dont on ne pourra jamais assez le remercier : " Hé, ce rat... Mais c'est nous ! ". Cette remarque géniale a levé une des principales difficultés qui se posait à moi, et qui était de savoir comment représenter le GUD dans les événements où il était acteur. Sous l'aspect d'héroïques chevaliers hyperboréens ? de jeunes filles et jeunes gens propres sur eux ? en brutes casquées toujours victorieuses ?... Bref, en un tournemain, nous avons trouvé à la fois une auto-représentation satisfaisante, un logo, un signe de ralliement qui faisait clairement la différence entre nous et tous les autres, un symbole, tout un style qui allait avec... Ça a été un succès immédiat, du jour au lendemain tout Assas a su que GUD = rats, les foules se bousculaient pour lire la chronique du jour, le rat a été copié et recopié partout où des militants se reconnaissaient dans le GUD, il est même passé à la télévision à propos d'incidents ayant eu lieu à Assas en février-mars 1970.

    Par-delà l'anecdote de la remise à poubelles de Nanterre, la symbolique du Rat Noir ne plonge-t-elle pas des racines plus lointaines ?

    En effet, mais si tu veux je propose de remonter dans le temps à la recherche des indices qui jalonnent la préhistoire du bestiau. Il résulte de la confluence d'un tas de facteurs. Comme toutes les grandes idées il était dans l'air avant de venir au jour. Comme la croix celtique, dont personne ne sait au juste qui l'a inventée ni comment, mais qui a connu jadis des prototypes dans certains mouvements cathos militants, dans les roues solaires de diverses unités militaires, dans une forme très stylisée de francisque, etc... Je précise que dans sa première année d'existence le rat du GUD n'était pas noir mais gris. Sans doute pour gagner du temps. On le coloriait vite fait en hachures, avec des marqueurs usagés. Le fait que nous nous soyons immédiatement identifiés avec l'animal a évidemment à voir avec le fait que dans la période précédente nos amis les gauches nous avaient représentés ainsi. Une affiche collée sur les palissades des quartiers Sud de Paris en décembre 1969 nous avait beaucoup marqués, elle proclamait "Écrasons la vermine fasciste", décorée d'une grosse semelle s'apprêtant effectivement à écraser un hideux rongeur inspiré de Reiser. A partir de là, opérer un coup de judo en exploitant à notre profit les coups de l'adversaire était dans la logique du détournement à la situationniste, très dans l'esprit de l'époque.

    Cependant, la symbolique du rat avait aussi été employée dans un sens opposé sur la jaquette d'un roman paru l'année d'avant, L'Occident, de Marcel Clouzot, personnalité connue du milieu littéraire droitiste : là, une horde de sombres rongeurs représentait les forces de décomposition à l'assaut de notre civilisation...

    L'illustration était très réussie, a été remarquée. En ce qui me concerne, je sais que c'est elle qui m'a initialement retenu de pousser l'identification avec le rat... Peut-être a-t-elle eu un effet inverse chez d'autres camarades qui se sont bornés à y lire "Occident" et à associer la bande de rongeurs. Ce bouquin était en tout cas excellent, il est bien oublié aujourd'hui, peut-être un peu par ma faute... Il faut dire enfin qu'au mouvement Occident, dans les années 1965-67, s'était développé à propos des rats tout un folklore. François Duprat ne cessait de traiter tout le monde et n'importe qui de "Rat visqueux ! Rat pesteux ! Rat scrofuleux ! ", avec un puissant accent du Sud-Ouest qui a marqué les imaginations. Pas mal de responsables et militants on reçu un sobriquet dans cette veine. L'un, qui habitait un petit local semi-souterrain auquel on accédait par l'entrée des caves, était surnommé Rat d'Égout... Tel autre, de petite taille, était appelé Musaraigne. Quant au plus entreprenant des responsables action, on ne le connaissait que sous le nom d'Anthracite.

    Ce qui nous amène directement à Raymond Macherot.

    Évidemment, Anthracite le roi des rats dans la célèbre BD Chlorophylle contre les Rats noirs... Cette oeuvre immortelle de Macherot a eu un impact insoupçonné sur une certaine génération, pour des raisons qu'il est intéressant d'examiner.

    En première analyse, il s'agit d'une BD animalière bâtie sur des schémas archi-classiques. Dans le premier album de la série, Chlorophylle, le gentil lérot végétarien, incarne l'individualisme débrouillard qui se joue des forces mauvaises. De Tintin à Astérix, la BD franco-belge a suscité des foultitudes de héros positifs de ce style. Celui-ci est en butte à la meute des rats noirs, conduits par leur roi Anthracite dans le rôle non moins traditionnel du méchant malchanceux (cf. Zorglub, Iznogoud, Gargamel, Olrik, etc.). Dans le second album, l'antagonisme se circonscrit plus directement entre Chlorophylle et Anthracite, et c'est ce dernier qui vole la vedette. Il n'est pas un simple fantoche à la façon de Gargamel ou des centurions romains face à Astérix, il acquiert de l'épaisseur humaine (si on ose dire), fait preuve d'un cynisme jovial et réjouissant, il est fourbe et cultivé, fredonne des airs d'opéra ou des chansons de Charles Trenet quand il se prépare à commettre ses forfaits ? il commence à être sympathique tandis que Chlorophylle devient ennuyeux. Ces premiers albums se déroulent dans un cadre de prairies, de ruisseaux et de bois superbement observé, qui doit être le pays de Herve et qui m'évoque totalement le bocage normand de mon enfance. Les humains n'y interviennent pas, n'y sont présents qu'à travers les sous-produits de leur industrie que les rats noirs récupèrent à des fins meurtrières (lampe à souder utilisée comme lance-flammes, fusées de feux d'artifice, pistolet même...). L'anthropomorphisme des personnages est contenu dans des limites décentes. La bande des amis de Chlorophylle est composée d'animaux dont les biotopes sont compatibles, qui ne sont pas en lutte territoriale et dont aucun n'est le prédateur de l'autre ? une loutre, un lapin, un corbeau, un hérisson, un mulot. Dans le monde naturel, il n'y a pas de bons et de méchants univoques. Chez Macherot, les camps sont loin d'être tranchés. Certains des " bons " se révèlent paresseux et égoïstes. Pas de solidarité chez les " méchants " : quand les rats noirs coopèrent avec une vipère, ils se méfient tellement d'elle qu'ils la mettent hors d'état de nuire dès le premier service rendu. Les rats noirs finissent par se battre entre eux. D'ailleurs, s'ils sont agressifs, c'est parce que les hommes, en les chassant d'un vieux moulin, les ont contraints à rechercher un nouvel espace vital. Le monde que présente Macherot n'est pas la nature, mais il en est une extrapolation qui a sa plausibilité. Rien à voir avec Mickey, cette souris déracinée de banlieue anonyme. Je me souviens avoir commencé à lire chaque semaine l'hebdomadaire Tintin peu avant que s'achève La Marque Jaune de E.P. Jacobs. Les premières planches de Chlorophylle y ont paru peu après, grosso modo en même temps que L'Affaire Tournesol de Hergé et Les Martiens sont là de W. Vandersteen, ce devait être vers 1955, la BD belge touchait à son apogée. Ce qu'il y avait de bien avec cette série est qu'elle était toute neuve, ne faisait pas référence à des albums précédents, j'ai le sentiment d'avoir grandi et évolué en même temps qu'elle (le dessin des premières pages était encore assez sommaire). Elle a marqué toute une tranche d'âge, celle des baby-boomers francophones, à commencer par ceux qui pour une raison ou une autre (scoutisme, etc.) avaient une certaine sensibilité pour les choses de la nature. On peut dire que Macherot a eu à cet égard une signification générationnelle.

    En dehors des préoccupations écologisantes de Macherot, assez prophétiques pour leur temps, n'y a-t-il pas aussi chez lui un fond philosophique qui rencontre la sensibilité historique particulière que nous partageons ?

    Macherot n'est pas un auteur à message (en tout cas pas au même degré que l'antifasciste Franquin, ou que Le Schtroumpfissime de Peyo, qui est du Maurras en BD), et la construction des albums de la série Chlorophylle se ressent d'une certaine improvisation, mais il lui arrive de toucher à quelque chose de très profond, qui va plus loin que le rappel des lois naturelles, qui met en jeu les conventions qui fondent l'existence des sociétés. C'est très net dans la seconde partie de la série, où la lutte entre Chlorophylle et Anthracite se transporte sur Coquefredouille, petite île méditerranéenne où en l'absence d'hommes les animaux ont développé une civilisation dont le niveau technologique évoque les années 20 (il passera vite aux années 60). On est passé de l'état de nature à l'état social. Le bon roi Mitron XIII (une souris blanche...) règne sur une sorte de pimpant Monaco animalier aux mœurs policées, où les voitures roulent à l'alcool de menthe et où rongeurs et oiseaux cohabitent sans histoires avec canidés et félidés. En fait, ce petit paradis est vétuste et sans joie, débilitant et fragile. Les oiseaux ne savent plus voler qu'en avion : " La vie à Coquefredouille est idiote " soupire l'un d'eux. L'arrivée d'Anthracite va ravager l'harmonie superficielle de Coquefredouille. Rien de tel qu'un rongeur barbare, rat des champs élevé à la dure, pour discerner où sont les points faibles d'une culture urbaine. Sans aucun scrupule, il introduit sur l'île des carnivores qui vont l'aider à faire fortune en terrorisant la population, non sans en dévorer une partie (aucune BD comique enfantine de cette époque ne comporte une telle quantité de morts, l'allégorie animalière permet à Macherot de faire passer ce qui autrement serait pure horreur). Anthracite ne respecte aucun tabou, il lève les interdits, il est le grand catalyseur dionysiaque, l'anarque absolu, le libérateur des puissances du désir (il n'est pas question de sexe, mais on remarque que dans cette deuxième partie de la série les personnages sont sexués, ce qui n'était pas le cas auparavant, et qu'Anthracite recourt très souvent aux déguisements féminins pour tromper son monde). Anthracite est pris, s'évade, participe à un complot pour détrôner le roi, est repris, s'évade de nouveau, recommence, etc. Les gardiens de l'ordre établi sont systématiquement présentés comme des abrutis. Ils ne font pas le poids quand se révèlent soudain volonté de puissance et agressivité dans un monde qui croit les avoir refoulées. Seul Chlorophylle, devenu petit bourgeois conservateur, sait encore être efficace car son hostilité à Anthracite vient de plus loin, elle plonge ses racines dans la nature sauvage. Ne serait-ce l'inévitable deus ex machina qui le fait échouer à chaque épisode, Anthracite serait évidemment vainqueur. Sans garantie de durée toutefois : dès le premier album, son autoritarisme avait provoqué chez les rats noirs une guerre civile dévastatrice entre les monarchistes fidèles à sa personne et les insurgés. Il y a chez Macherot une morale des rapports sociaux qui s'élève jusqu'à une conception cyclique du devenir des sociétés politiques.

    D'où vient la fascination qu'exercent les rats noirs en général et Anthracite en particulier sur les gens tels que nous ?

    Le tout est de savoir de quel " nous " il s'agit. Le " nous " d'il y a 50 ans ou un siècle aurait rejeté avec effroi ce symbole d'amoralité démoniaque. Le " nous " d'aujourd'hui le révère. C'est qu'entre les deux nous sommes passés du stade normatif au stade subversif. Pardon pour la digression, mais il faut rappeler que les théoriciens nationalistes (acceptons cet adjectif, l'invariant qui traverse notre histoire reste la référence à la nation, prise au sens étymologique) des années 20 ou 30 proposaient des systèmes complets allant d'une éthique individuelle jusqu'à une conception de l'État ; leurs idées étaient candidates au pouvoir, elles se battaient contre d'autres conceptions, c'était projet contre projet (voire projectile contre projectile). C'était le temps des idées simples forgées dans l'urgence et des ambitions constructivistes (ou re-constructivistes, dans le cas des maurrassiens et plus généralement de tous les traditionalismes, aussi organicistes qu'ils se veuillent). Depuis, sans devenir beaucoup plus malins, nous avons quand même appris des choses. Nous étions jadis en concurrence avec les marxistes sur le terrain de l'enthousiasme révolutionnaire, l'échec de leur totalitarisme nous a guéris. D'être écartés de l'espérance du pouvoir nous a fait un bien fou. Chez nous, plus personne de sérieux ne songe à dresser une société hiérarchisée rigide et froide, vierge de tout conflit interne. Nous avons appris la nécessité des oppositions entre idées et individus, des luttes de castes, de races et de classes (mais oui). Nos ennemis nous prennent encore pour des SA des années 30 et c'est tant mieux, il ne faudrait pas se réjouir si l'adversaire devenait intelligent. Nous connaissons la valeur de la révolte mais aussi ses limites. Nous savons très bien que si nous étions au pouvoir nous résoudrions un certain nombre de problèmes, que d'autres continueraient à se poser et que nous en susciterions d'inédits. A notre façon, nous sommes devenus plus libertaires et démocrates que nos ennemis, tout en demeurant conscients des paradoxes et contradictions que recèlent libertés et démocratie. Nous savons mieux que personne la valeur de la fonction critique ? même violente et vulgaire... Après tout, nos idées valent mieux que d'autres qu'on se batte pour elles, et nous avons aujourd'hui face à nous le pire totalitarisme de l'histoire, l'absolutisme de la Loi (celle qui n'en respecte aucune). Et donc : l'urgence est à la subversion, par tous les moyens même rigolos. Le tournant du normatif au subversif a été amorcé il y a longtemps (Degrelle a été un précurseur, et Céline dans un autre registre), et n'a vraiment pris dans la mouvance militante qu'au cours des années 70. Le Pen ne s'y est fait qu'au milieu des années 80 (c'est alors qu'il a décollé, pas un hasard) et Mégret demeure normatif comme la pluie. Le mode subversif est une question de ton et de contenu à la fois. Dans le contexte présent, rien n'est plus subversif que de rappeler la dimension passionnelle et animale de la nature humaine, a fortiori quand on le fait dans la bonne humeur (ce que la gauche moralisante ne pardonnera jamais à Gérard Lauzier ou Michel Houellebecq). Face à la pure volonté de puissance d'un prédateur hilare et sans scrupule tel qu'Anthracite, que valent les calembredaines sur la conscience universelle, le devoir de mémoire et l'éthique des Droits de l'Homme ? Je ne sais si Macherot a eu conscience du potentiel mythique du personnage qu'il a créé au début de sa carrière. Il s'est borné par la suite à des historiettes plutôt anodines. Mais les 4 grands albums du cycle de Coquefredouille sont à mettre au niveau des chefs-d'œuvre de la littérature universelle, rayon conservatisme critique. Si le canevas général évoque Animal Farm de George Orwell, Anthracite est un héros balzacien, Vautrin mâtiné de Rastignac, archétype de dominateur allègre et indomptable. La terrifiante bombe au bithure de zytron, allusion burlesque à la grande peur thermonucléaire de la fin des années 50, joue dans cette histoire le même rôle qu'Excalibur dans la geste arthurienne (elle permet à Anthracite de faire un coup d'État qui donne les pages les plus fortes jamais faites par Macherot, avec une immortelle satire des milieux courtisans). Et puis, cet Anthracite né à l'orée de l'Ardenne, tour à tour aventurier humoriste et chef de guerre, qui après la déroute d'une invasion manquée a pris une retraite prématurée quoique hyperactive quelque part au soleil, il me fait bougrement penser à quelqu'un...

    http://les-identitaires.com/Devenir13/Culture_resistance4.htm

  • Entretien avec Vincent Laarman « Jamais l'école républicaine n'a été aussi inégalitaire qu'aujourd'hui » (2007)

    Depuis 2002, forte de ses 64 000 membres revendiqués, l'association SOS Education multiplie les actions de lobbying auprès du personnel politique afin d'obtenir une réforme de fond du système scolaire. Vincent Laarman, son délégué général, explique les raisons de cette agit-prop.

    Le Choc du mois : Presque quarante ans après Mai 68, l'esprit soixante-huitard continuerait-il de dominer l'Education nationale ?
    Vincent Laarman : Oui. Et plus son échec est patent, plus ses représentants s'accrochent aux manettes du pouvoir. Ce qui est assez logique : ils jouent leur survie. Contrairement à ce qu'ils prétendent, ils ne défendent pas les intérêts de nos enfants, mais uniquement leurs privilèges.
    Que les élèves réapprennent enfin à lire, écrire et compter, telle serait un peu la devise de votre association...
    Pas seulement, et votre question est d'ailleurs mal formulée : les tenants de l'école «pédagogiste» vous assureront qu'ils poursuivent exactement le même but, mais avec d'autres méthodes. C'est pour cela que notre objectif principal consiste avant tout à en revenir à ce bon sens, à ces vieilles méthode, qui, elles, ont fait leurs preuves. Soit la transmission d'un savoir structuré, fondé sur l'apprentissage systématique des règles et de leur constante répétition. Les tables de multiplication, les grandes dates de l'histoire de France, les notions élémentaires de la géographie, voilà qui doit se rabâcher inlassablement, jusqu'à ce qu'elles deviennent des réflexes, parce que ce n'est pas en allant surfer sur Internet qu'on apprend à maîtriser l'usage de la langue française...

    C'est-à-dire ?
    C'est-à-dire qu'au lieu de monter un « projet pédagogique » sur les pharaons, juste parce que les livres de Christian Jacq se vendent bien, tendant à persuader les élèves qu'ils découvriront et dénoueront, grâce à Internet, les mystères de l'Egypte antique, encore faudrait-il au moins qu'ils soient capables de situer cette dernière, chronologiquement, ailleurs que quelque part entre le Moyen Age et la Renaissance...

    Un âne chargé de livres restera donc toujours un âne...
    Tout à fait. Internet est une gigantesque bibliothèque, la plus grande que l'humanité ait probablement connue. Mais elle ne transformera pas pour autant des analphabètes en de fins lettrés. C'est à l'école que revient la mission première de fournir à tous les outils susceptibles de leur permettre de tirer profit de cette somme de connaissances. Sans codes : sans repères fondamentaux et sans dates majeures leur permettant de s'y retrouver, apprises à coups de pieds dans le derrière si besoin est, tout cela demeurera vain.

    À vous entendre, cet apprentissage devrait alors commencer dès le plus jeune âge ...
    Bien sûr. Les élèves de maternelle sont à l'école pour commencer à apprendre avant même de comprendre. Cette fonction première de l'Education nationale consiste ainsi à ce que nos enfants apprennent et non point qu'ils s'épanouissent, tel qu'on voudrait nous le faire croire depuis tant d'années : pour s'épanouir, il y a la famille et les amis. Sans être forcément passéiste, rappelons-nous qu'autrefois les élève, de sixième avaient déjà revu trois fois leur Histoire de France. Ils avaient donc le substrat nécessaire à la compréhension du monde qui les entourait et pouvaient ensuite, selon la sensibilité de chacun, développer leurs propres opinions.

    Vous êtes très en pointe dans le combat visant à en finir avec la méthode de lecture globale. Est-ce pour des raisons politiques ou de simple efficacité ?
    Les deux à la fois. La méthode de lecture globale ou semi-globale a créé des générations d'analphabètes et d'illettrés. Quoi que prétende le ministère, c'est près de 20 % des élèves qui arrivent en sixième totalement analphabètes ou seulement capables de vaguement décrypter un texte. Voilà pour l'efficacité. Pour ce qui est du domaine politique, je remarque que cette méthode, vendue sous couvert d'égalitarisme, a abouti à un enseignement parfaitement inégalitaire. Pourquoi ? Tout simplement parce que la méthode de lecture globale permet de vaguement identifier un mot que l'on connaît déjà ou dont on a vaguement entendu parler grâce à un environnement familial que l'on peut, sans prendre grand risque de se tromper, qualifier de «favorisé».
    En revanche, les enfants qui n'ont plus la chance de grandir dans des familles motivées seront, eux, incapables de déchiffrer ces mots qui sont autant de concepts. Ces gamins, ne nous voilons pas la face, arrivent au CP avec tout juste cent mots de vocabulaire ! La méthode syllabique est la seule qui puisse leur permettre de s'élever. Car même un mot dont ils ne peuvent pas forcément comprendre le sens, au moins pourront-il, en apprendre la juste définition dans le dictionnaire, à condition qu'ils sachent lire. Pour résumer, la méthode de lecture globale est, en France, l'équivalent des idéogrammes chinois, réservés à une élite et inaccessibles au peuple, si ce n'est dans sa version abâtardie tel le verlan ...

    Avec tout ce qui en découle...
    Parfaitement. Une langue noble pour les lettrés et les fortunés, et une vulgate rudimentaire pour le commun. Si c'est cela, l'égalitarisme républicain dont on nous rebat les oreilles à longueur de journée...

    D'où la distorsion de la notion même d'élitisme...
    Oui. Sous couvert d'égalitarisme, les syndicats marxistes ou assimilés font la promotion d'un élitisme sournois tout en perpétuant des intérêts de castes. Alors que la véritable égalité, fondée sur la méritocratie et, justement, l'élitisme, consiste à donner les mêmes chances à tous nos enfants, riches ou pauvres. En ce sens, la méthode de lecture syllabique est, je le répète une fois encore, l'un des meilleurs garants de l'école jadis fondée par Jules Ferry. D'ailleurs, la bonne orthographe n'est ni de gauche, ni de droite ! Jean Jaurès écrivait en un aussi bon français que Charles Maurras !

    On vous sent passéiste, pour le coup ...
    Pas du tout ! L'école d'autrefois avait peut-être ses défauts ; mais au moins a-telle fait ses preuves. Je constate seulement que ceux qui se prennent aujourd'hui pour des hussards républicains persistent à perpétuer ce système inégalitaire que nous dénonçons en permanence, système qui est à l'exact opposé de leurs objectifs publiquement affichés. Quand on sait que les deux premières professions à contourner la carte scolaire sont les professeurs et les journalistes - deux castes majoritairement de gauche et financièrement assez privilégiées -, on a tout compris.

    Nicolas Sarkozy est désormais à l'Élysée. Que vous inspirent l'éviction de Gilles de Robien, ministre sortant de l'Education nationale, et son remplacement par Xavier Darcos ?
    Gilles de Robien présentait au moins ce mérite consistant à avoir insufflé à l'Éducation nationale un souffle nouveau qui allait dans le bon sens, même si dans les faits, il n'a pas fait grand-chose, si ce n'est brasser du vent et susciter la polémique sur des effets d'annonce médiatique pour ensuite capituler devant des syndicats d'obédience marxiste tels que l'Unsa ou le Snuipp. Mais au moins convient-il de lui reconnaître ce mérite d'avoir mis fin à la terreur des «pédagogistes», ces fous furieux ayant la haute main sur les IUFM, ces Instituts universitaires de formation des maîtres, où l'on évoque ces « référentiels bondissants » alors que l'homme de la rue persiste bêtement à parler de « ballons ».

    Et Xavier Darcos...
    À peine arrivé, il s'est déjà couché. Avant même d'entrer dans son nouveau costume, il revenait sur le décret Robien consistant à payer aux professeurs des heures supplémentaires n'ayant jamais été effectuées...

    À savoir...
    À savoir qu'autrefois, les professeurs de sciences naturelles nettoyaient leurs laboratoires. Mais il y a belle lurette que des femmes de ménages sont payées pour cette tâche. Tout comme ces professeurs étaient payés pour les heures passées à polycopier leurs cours alors que maintenant, l'informatique permet d'accomplir ce travail d'un simple clic. C'est un peu comme les conducteurs de TGV qui perçoivent encore une prime de charbon...

    Revenons-en à Xavier Darcos. Il semble qu'il soit revenu sur les décisions de son prédécesseur concernant la méthode de lecture globale...
    D'une manière plus ou moins fourbe, oui. En effet, tout cela est désormais laissé à la discrétion des enseignants. Ce qui signifie que ces derniers sont désormais abandonné, au bon vouloir des inspecteurs. Or il faut savoir que dans l'Education nationale, plus on monte dans la hiérarchie, plus on est syndiqué... À titre d'exemple, seuls 30 % des professeurs le sont, contre 80 % chez les inspecteurs chargés de les surveiller. Pour monter dans cette hiérarchie, le syndicalisme est donc plus que jamais devenu un passage obligé et les divers ministres s'étant succédé à ce poste n'ont jamais voulu ou pu remettre en cause cette tyrannie...

    De même, Xavier Darcos est immédiatement revenu sur les mesures de Gilles de Robien qui souhaitait remettre à l'honneur l'apprentissage dès quatorze ans. Tout comme il a refusé qu'on réinstaure cette simple règle de bon sens voulant que les élèves se lèvent dès que le professeur entre en classe. Mais il est vrai que pour que ces derniers se lèvent, encore faudrait-il qu'ils soient préalablement assis...

    On parle beaucoup de la carte scolaire, de sa suppression ou de son assouplissement. Qu'en pense SOS Education ?
    Il s'agit, là encore, d'une double hypocrisie. Plutôt que d'avoir la discipline et l'excellence pour tous, ce sera une école à deux vitesses, avec d'un côté les riches enfants des « classes dominantes » qui font ces lois, et, de l'autre, les délinquants et les gamins issus de l'immigration. Et, cerise sur le gâteau, Xavier Darcos vient de promettre que les écoles qui auront moins d'élèves bénéficieront de plus de moyens. Soit une sorte de prime aux cancres et à la nullité ; et l'élitisme pour les uns et le nivellement par le bas pour les autres.

    Propos recueillis par Nicolas Gauthier Le Choc du Mois Juin 2007
    SOS Education, 8, rue Jean-Marie Jego, 75013 Paris. Tél. : 01 45 81 22 67.
    Site : www.soseducation.com