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entretiens et videos - Page 871

  • « Comprendre l'Empire » Entretien avec Alain Soral (arch 2011)

    Fut un temps où l'on voyait régulièrement Alain Soral à la télévision. On ne l'y voit quasiment plus. L'affaire Dieudonné est passée par là. Il s'est réfugié sur Internet et à Egalité & Réconciliation, l'association qu'il anime. Dans son dernier opus, qui rencontre un public assez large, il s'efforce de « comprendre l'Empire ». Ou comment on est passé de l'universalisme républicain, égalitaire et national, au cosmopolitisme impérial, inégalitaire et déraciné. C'est un succès de librairie d'autant plus inattendu que le livre s'est heurté à une conspiration du silence de la presse mainstream. C'est pour nous l'occasion de lui donner la parole.

    Le Choc du mois : Votre ouvrage représente une sorte « d'histoire de France et du monde de 1789 à nos jours » vue au travers de votre grille d'analyse politique, économique et sociale. Pour atteindre ce but ambitieux tout en restant dans le format d'un ouvrage grand public, vous avez recours à une multitude de courts paragraphes, condensés et incisifs. Cette formule donne une grande densité et une indéniable facilité d'accès à l'ouvrage, mais ne vous a-t-elle pas parfois contraint à un excès de « simplification » des problématiques traitées qui peut être « frustrant » pour un auteur ?
    Alain Soral : Je ne pense pas que le synthétique soit simplificateur. Je pense même que mes chapitres, additionnés les uns aux autres, produisent une analyse des plus complexe de la réalité. Mais l'habitude de la lourdeur universitaire et de sa poudre aux yeux bibliographique peut donner, c'est vrai, cette impression de légèreté au lecteur influençable...

    Dans votre évocation du processus d'imposition progressive du pouvoir de l'Empire, c'est-à-dire, pour vous, de la Banque, vous évoquez notamment l'assassinat de John Fitzgerald Kennedy que vous attribuez de façon assez affirmative aux milieux bancaires dont il aurait contrarié les projets. Ne craignez-vous pas d'être taxé de « complotisme » ?
    L'assassinat de Kennedy résulte bien d'un complot. Je me permets juste de faire remarquer que la théorie du complot officielle, attribuée à un individu mu par un mobile psychologique, est infiniment moins crédible que la mienne, validée par toute l'histoire cachée des États-Unis d'Amérique...

    Face à « l'empire bancaire », vous excipez comme modèle de « résistance » la finance islamique. N'est-ce pas une vision un peu naïve de ce qu'est réellement cette finance dont la pratique réelle est assez éloignée des beaux fondements théoriques comme le montrent, par exemple, la faillite de l'Amlak et la Tamweel, deux banques islamiques des Emirats Arabes Unis, lors de l'effondrement de la bulle immobilière au Moyen-Orient ou les difficultés de Banque islamique de Malaisie, « symbole de la finance islamique en Malaisie », qui a avoué, en 2005, des pertes massives sur des créances douteuses et de mauvais investissements et qui n'a été sauvée de la faillite que grâce à une recapitalisation ?
    Il me semble que ce que j'écris est un peu plus subtil. Je fais juste remarquer que le rouleau compresseur libéral s'agace, par définition, de tout sacré qui lui résiste en théorie, et que la finance islamique lui résiste encore théoriquement. Une raison suffisante pour que l'islam soit mis au pas définitivement par l'Empire, comme ce fut le cas de notre chrétienté, qui n'était pourtant pas plus exemplaire en la matière...

    Dans votre évocation des tentatives de résistance à l'Empire, vous semblez avoir une certaine indulgence pour l'URSS présentée comme une sorte de tentative judéo-chrétienne maladroite de rupture avec le monde de la Banque. Mais l'URSS, maintenue en survie à bout de bras par la finance occidentale, n'a-t-elle pas plutôt été un « partenaire » et un formidable accélérateur du développement de la domination bancaire en décrédibilisant pour longtemps, notamment par l'étendue de ses crimes, toute solution socialiste susceptible de s'opposer au modèle capitalisto-affairiste ?
    Réduire l'épopée  soviétique  à cette simple ruse de l'Histoire, voilà le complotisme ! Ne pas croire au roman communiste russe n'implique pas qu'on tombe dans l'excès inverse. Ce serait comme réduire le rôle historique du FN, sous Jean-Marie Le Pen, à une délégitimation orchestrée de la cause nationale. Par respect pour les hommes qui font l'Histoire en combattant, je refuse de tomber dans cette simplification-là...

    L’islam spirituel, antibourgeois, patriote, dont vous vous faites l'avocat, les Français ne le discernent pas forcément aussi clairement que vous, eux étant plutôt confrontés dans leur vie quotidienne à une sorte d'islamo-racaillisme, où le Coran se résume souvent à un marqueur identitaire couvrant les agissements d'un lumpenprolétariat de voyous totalement intégrés aux codes de l'Empire.
    Concrètement, quelles sont en France les personnalités et les organismes ou mouvements qui incarnent cet « islam français » que vous considérez comme un élément de la résistance nationale face à la puissance de la Banque mondialisée ?
    Concrètement, ce sont ces milliers de musulmans du quotidien qui vivent et travaillent discrètement en France et dont vous n'entendez jamais parler. J'en rencontre à chacune des réunions d'Egalité & Réconciliation, et eux, contrairement à certains nationalistes, stupides ou lâches, savent très bien quel est l'ennemi principal de la Nation française. Contrairement aussi à nos gauchistes de souche, ces musulmans français ne trouvent non plus aucune excuse à la délinquance ethnique...
    Vous insistez à plusieurs reprises dans votre ouvrage sur la rupture fondamentale que représente la logique de l'Empire avec la pensée et la morale chrétiennes. Cela signifie-t-il pour vous qu'une « sortie » de l'Empire ne peut passer que par une redécouverte et une réappropriation par les Français de leurs racines chrétiennes et de leur héritage catholique ? Redécouvrir le sens du « nous », du don et de la transcendance est une absolue nécessité pour sortir de la domination impériale bancaire sur les esprits. Pour ça, ici, nous avons les Evangiles et leur message. Un message d'amour et de combat que je trouve très éloigné de celui, fait de lâcheté et de soumission, que diffuse l’Église actuelle. Une Église que Jean, prophétiquement, qualifiait déjà de « putain de Babylone »...

    Selon vous, les récents soulèvements populaires au Maghreb sont-ils plutôt un signe d'ébranlement de l'Empire ou une nouvelle manipulation de celui-ci ?
    Dans le cas libyen, partagez-vous la défense de Mouammar Kadhafi exprimée par votre ami Dieudonné ?
    Un des principes de la domination impériale est la manipulation et la récupération des colères légitimes. Donc difficile de savoir, pour l'instant, qui va sortir gagnant de cet ébranlement, des peuples ou de l'Empire. Ça peut être aussi bien demain « la gouvernance globale ou la révolte des nations » que la gouvernance globale par la révolte des nations, habilement récupérée...Quant à Kadhafi, c'est un personnage complexe qui a beaucoup fluctué durant ses quarante années au pouvoir, mais il suffit que Bernard-Henri Lévy me dise d'aller l'abattre pour que je sache, comme Dieudonné, qu'en ce moment, c'est plutôt l'homme à soutenir !

    Bien que ne bénéficiant que de très peu de relais médiatiques et publicitaires, votre ouvrage est un véritable succès en termes de vente. Au-delà des qualités intrinsèques du livre, comment expliquez-vous cet attrait du public et par quels biais êtes-vous parvenu à le toucher ?
    Sans modestie aucune, par mon charisme, mon courage et mon talent. Je sais que c'est agaçant, mais c'est comme ça ! Être présent sur Internet ne suffit pas.
    Propos recueillis par Xavier Eman Le Choc du Mois mai 2011
    Alain Soral, Comprendre l'Empire, Demain la gouvernance globale ou la révolte des Nations ?, éditions Blanches, 237 p., 15 €.

  • ALAIN DE BENOIST La société capitaliste en perdition

    La réédition des Idées à l'endroit (éditions Avatar) et la parution d'un livre important sur la crise que nous traversons, Au bord du gouffre - La faillite annoncée du système de l'argent (éditions Krisis), sont l'occasion de dialoguer avec l'un des penseurs les plus aigus de notre temps.
    o L'Action Française 2000 – Depuis plusieurs années, vous développez une vigoureuse critique de la "Forme-Capital" dont votre dernier ouvrage, Au bord du gouffre, constitue l'un des points culminants. Pourquoi affirmezvous que « le système de l'argent périra par l'argent » ?
    o Alain de Benoist – Ce n'est pas seulement une formule, mais très exactement ce à quoi nous assistons aujourd'hui. La crise financière mondiale qui s'est déclenchée en 2008 aux États-Unis, et qui est encore appelée à s'aggraver dans les années qui viennent, en est la preuve. Ce ne sont assurément pas les contempteurs du capitalisme qui en sont la cause, mais bien le système de l'argent qui a évolué de lui-même vers la situation qui est la sienne actuellement. Dans le passé, on a souvent dit que le capitalisme se nourrissait de ses propres crises. Cela ne le prémunissait toutefois pas contre l'indigestion. Les crises conjoncturelles ne doivent pas être confondues avec les crises structurelles, qui sont des crises systémiques en ce sens qu'elles mettent en cause les fondements du système lui-même. La crise actuelle du système de l'argent est une crise structurelle, et c'est pourquoi les remèdes que l'on tente d'appliquer se révélèront inopérants.
    Toujours plus
    Il faut bien comprendre que le capitalisme se définit comme un régime, non seulement d'exploitation permanente du travail vivant, mais comme un système d'accumulation illimitée du capital. Il ne dégage pas des profits comme une conséquence de ce qu'il permet de produire, mais il ne produit qu'en vue d'augmenter sans cesse ses profits. L'illimitation est son principe, ce qui est d'ailleurs assez logique puisque toute quantité est toujours susceptible de s'accroître d'une unité.
    Le principe moteur de la Forme-Capital (notion empruntée à Gérard Granel), se résume en deux mots : « Toujours plus ! » Toujours plus de marché, toujours plus de marchandises, toujours plus de profits, toujours plus de réification des rapports sociaux, etc. Le déchaînement planétaire de la Forme-Capital correspond à ce que Heidegger appelait le Gestell. C'est en cela que le capitalisme n'est pas non plus seulement un système économique, mais est aussi porteur d'une anthropologie qui lui est propre, fondée sur le modèle de l'Homo oeconomicus (l'homme en tant que producteur-consommateur cherchant toujours à maximiser de manière égoïste son meilleur intérêt personnel). Ce modèle s'impose à travers la colonisation de l'imaginaire économique par les valeurs marchandes, ou plus exactement par la réduction de tout ce qui vaut à la seule valeur d'échange.
    o Comment la démocratie directe et participative que vous appelez de vos voeux pourrait-elle succéder aux démocraties libérales, que vous définissez comme des « oligarchies financières dirigées par une Nouvelle Classe capitaliste médiatique et politico-financière » ?
    o Je ne fais évidemment pas profession de lire l'avenir. On peut néanmoins penser que l'évident épuisement du système parlementaire et représentatif poussera les citoyens à s'organiser selon des formes de démocratie leur permettant de mieux décider par eux-mêmes de ce qui les concerne. Vous savez que je ne partage pas la critique "droitière" classique de la démocratie comme "loi du nombre". La démocratie se définit pour moi comme le système politique qui permet la participation de l'ensemble des citoyens aux affaires publiques. Cette notion de participation est centrale. Elle l'était déjà dans la Grèce antique. Dans cette optique, les élections ne sont qu'une technique parmi d'autres pour vérifier l'approbation ou le dissentiment. Je partage l'opinion de Rousseau, mais aussi de Carl Schmitt, selon laquelle une démocratie est d'autant moins démocratique qu'elle repose sur la représentation. La crise de la représentation, encore aggravée aujourd'hui par le fossé qui ne cesse de se creuser entre le peuple et la Nouvelle Classe politico-médiatique, pourrait par contraste faire apparaître l'intérêt de la démocratie de base, de la consultation directe et du principe de subsidiarité. Ces derniers entrent aussi en résonance avec le localisme, qui est la meilleure des réponses que l'on puisse apporter aujourd'hui à la mondialisation. Que ce soit dans le domaine politique ou économique, il faut relocaliser.
    Universalisme
    o Quelles sont les principales manifestations de ce que vous appelez l'« idéologie du Même » ?
    o Relèvent de cette idéologie toutes les doctrines, religieuses ou profanes, qui pensent que les hommes sont essentiellement identiques, et que les différences qui les distinguent ne sont que transitoires, superficielles, secondaires ou négligeables. De cette croyance, qui tend (à tort) à interpréter l'égalité dans le sens exclusif de la Mêmeté, découle évidemment l'idée que les institutions politiques et sociales peuvent et doivent être partout les mêmes, ainsi que le prétendaient les philosophes des Lumières. L'idéologie des droits de l'homme, l'idée d'une "gouvernance" mondiale, la montée généralisée de l'indistinction, et jusqu'à la théorie du "genre", dérivent elles aussi de cette conviction fondamentale, qui n'est pas seulement nocive, mais fausse. L'homme est indissociable de ses appartenances singulières parce que nul n'appartient immédiatement à l'humanité. Nous n'y appartenons que de façon médiate, c’est-à-dire par l'intermédiaire d'une culture spécifique. Un Français (un Italien, un Chinois, etc.) n'est pas "homme avant d'être français" (ou italien, ou chinois, etc.), mais homme en tant qu'il est français (italien, chinois, etc.). L'"idéologie du Même" n'est finalement qu'un autre nom de l'universalisme, que je me garde bien de confondre avec l'universel. La particularité est une médiation naturelle vers l'universel. Cervantès ou Goethe sont d'autant plus "universels" qu'ils ont été l'un plus espagnol et l'autre plus allemand. Vous connaissez peut-être ce joli mot de l'écrivain portugais Miguel Torga : « L'universel, c'est le local moins les murs. »
    Critique du Dieu unique
    o Votre critique du judaïsme et du christianisme est connue. Qu'en est-il de l'islam ?
    o Votre question laisse entendre que je manifesterais une sorte de faiblesse coupable envers la religion musulmane ! Tel n'est pas le cas. Ma critique du monothéisme se relie à ma critique de l'"idéologie du Même", qui n'en est qu'une version sécularisée. Affirmer l'existence d'un Dieu unique, c'est du même coup affirmer l'unité fondamentale de la "famille humaine", cette unité passant avant les différences entre ses membres. Cela posé, on peut discuter à l'infini des mérites comparés des trois grandes religions monothéistes. J'ai pour ma part surtout critiqué le christianisme pour cette simple raison qu'il a incontestablement participé plus que le judaïsme ou l'islam à la forme historique de la culture européenne à laquelle j'appartiens, et aussi dans la mesure où, précisément, les grandes idéologies politiques de la modernité en représentent des formes sécularisées en même temps qu'"hérétiques" (les « idées chrétiennes devenues folles » dont parlait Chesterton). Il en serait sans doute allé différemment si j'avais été juif ou musulman, ce qui n'est pas le cas.
    Ambiguïté de l'islam
    Le grand problème, c'est l'ambiguïté du mot "islam", qui tantôt décrit une religion, tantôt se rapporte à une civilisation. Je prends garde de distinguer ces deux domaines. Je peux ne pas nourrir de sympathie particulière pour la religion musulmane sans pour autant me sentir tenu d'exécrer les habitants des pays islamiques ou arabo-musulmans. Sur ce dernier plan, je m'en tiens à des analyses de type politique ou géopolitique. Elles m'enseignent que, dans le monde multipolaire qui est en train de s'instaurer sous nos yeux, il n'est pas de l'intérêt des Européens de cultiver l'inimitié envers l'Islam civilisation. C'est pourquoi je ne souscris pas à la doctrine américaine du "choc des civilisations", théorisée par Samuel Huntington. C'est pourquoi je déplore aussi que, dans les milieux de droite, on soit passé d'une légitime critique des pathologies sociales nées de l'immigration à une critique confusionniste de l'"islamisation", puis de l'"islam" tout court.
     L'excellent géopoliticien Aymeric Chauprade écrivait tout récemment : « J'ai noté, ces derniers temps, que chercher des querelles avec l'"ennemi musulman" était une pente à laquelle cédaient facilement nombre de défenseurs des identités française et européenne. Quand on entre dans ce genre de logique, il convient d'observer une règle de bon sens qui consiste à se demander "pour qui on roule vraiment". Il est évident que tout ce qui conduit à l'aggravation des relations entre les peuples européens d'un côté, les Iraniens, les Turcs et les Arabes de l'autre, sert les Américains et les Israéliens, mais certainement pas les Européens. Que les choses soient dites clairement à ceux qui pensent que Huntington a la solution : nous ne réglerons pas le problème de l'immigration extra-européenne par la guerre avec le monde musulman. » C'est aussi mon avis.
    o Comment expliquez-vous l'insatiable – et louable ! – "libido sciendi" qui vous anime ?
    o On n'explique pas un tempérament. J'ai toute ma vie été mû par la curiosité, le désir de connaître et la volonté de comprendre. Je ne pense pas que ce soit un défaut !
    Propos recueillis par Louis Montarnal L’ACTION FRANÇAISE 2000 Du 2 au 15 février 2012

  • Anne-Marie Le Pourhiet : le mariage homosexuel ? « Drôle de progrès ! »

    Après son analyse du pacte budgétaire, Anne-Marie Le Pourhiet, professeur de droit public à l’Université Rennes 1 et vice-présidente de l’Association française de droit constitutionnel, nous explique les raisons de son opposition au mariage homosexuel.

    La légalisation du mariage homosexuel, de l’euthanasie ... Ce sont autant de sujets de type libéral-libertaire qui reviennent sur la scène médiatico-politique. N’est-ce-pas le signe de l’effondrement d’une société où les repères et la transmission existaient ?

    C’est ce que le doyen Jean Carbonnier, civiliste et sociologue du droit, appelait « la pulvérisation du droit objectif en droits subjectifs », c’est-à-dire que l’on ne raisonne plus en termes d’intérêt général à long terme et de cohésion de la société, mais en termes de droits particuliers immédiats d’individus et de groupes. Ceux-ci présentent tous leurs caprices et exigences tyranniques sous forme de « droits » illimités et ne supportent plus qu’on leur oppose la moindre borne, exactement comme des enfants. C’est sans doute la forme la plus sophistiquée de l’incivisme et le symptôme de l’immaturité de l’homme contemporain qui annonce peut-être la chute de la civilisation occidentale.

    Vous avez déclaré que le mariage est l’institutionnalisation « d’un lien naturel et charnel - avec l’intérêt social qui en découle » entre un homme et une femme. Mais il existe des couples hétérosexuels avec enfants qui ne sont pas mariés et inversement …

    Le mariage a été créé en droit religieux comme en droit laïque pour sceller et protéger un accouplement c’est-à-dire l’union sexuelle d’un homme et d’une femme. Il ne se conçoit pas autrement, c’est sa définition même. L’idée de marier deux hommes ou deux femmes est une pure aberration. Les Grecs et les Romains n’étaient pas homophobes mais vous ne trouverez évidemment pas de trace de « mariage homosexuel » en droit romain, cette notion n’a pas de sens.

    Pour autant, l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples homosexuels constituerait-t-elle une boîte de Pandore comme on l’entend beaucoup ? Le risque de mariage à plusieurs, par exemple, est-il sérieux ? [...]

    La suite sur Liberté politique  http://www.actionfrancaise.net

  • Alain de Benoist : la remarquable durée de L'AF

    Dans le cadre de l'année du centenaire de la naissance de L'Action Française quotidienne, nous avons rencontré Alain de Benoist. Le fondateur du Groupe de recherches et d'études pour la civilisation européennne (GRECE), communément désigné comme la "Nouvelle Droite", n'est certes pas maurrassien, mais sa passion pour les grands débats d'idées l'a conduit à rencontrer dès sa jeunesse l'école d'Action française et à en mesurer l'importance dans le débat intellectuel. Philosophe, politologue, bibliographe, l'auteur de Vu de Droite (1977) a publié l'an dernier dans son livre Nous et les autres – Problématique de l'identité (éd. Krisis) de fort judicieuses réflexions sur l'universel et le particulier (cf. L'AF 2000, 4 janvier 2007).

    L'ACTION FRANÇAISE 2000 – L’apparition d’un grand journal royaliste dans le débat politique n’est-elle pas extraordinaire au début du XXe siècle, à un moment où la République semblait bien installée ?
    ALAIN DE BENOIST – "Extraordinaire" est un peu excessif. Au début du siècle dernier, la République est loin d’être "bien installée" en France. Proclamée sur le plan institutionnel, elle est minée par la crise sociale et la crise religieuse, et fait déjà l’expérience des limites du parlementarisme. Le débat sur les institutions est alors loin d’être clos. N’oubliez pas qu’à la naissance de Maurras, il ne s’est même pas écoulé un siècle depuis la Révolution française ! Au moins sur le plan intellectuel, partisans et adversaires de l’Ancien Régime continuent de s’affronter. Qu’on soit encore royaliste à cette époque n’est donc pas véritablement surprenant. L’originalité de Maurras a surtout été de s’employer à démontrer, avec un effort de rigueur plus grand que ses prédécesseurs, la valeur des institutions monarchiques, et surtout de parvenir à créer un mouvement politique capable de cristalliser concrètement ses idées.
    Ce qui est remarquable, c’est que l’impulsion ainsi donnée se soit révélée aussi durable. L’Action Française quotidienne paraît pour la première fois le 21 mars 1908, jour du printemps. Mais elle s’ajoute à la revue du même nom, créée en 1899, tandis que le premier Comité d’Action française, fondé par Henri Vaugeois et Maurice Pujo, s’est réuni dès le 8 avril 1898. On célèbre donc cette année, non seulement le centenaire du journal quotidien, mais aussi le 110e anniversaire de la création du mouvement. Quant à Maurras, il est né en 1868, soit il y a très exactement 140 ans.
    Il ne fait pas de doute, en tout cas, que l’année 1908 fut véritablement une année clef. C’est l’année qui voit la création de L’Action Française quotidienne, des camelots du Roi, et aussi de la Revue critique des idées et des livres, qui joua un rôle très important dans les milieux proches de l’Action française. C’est également l’année où Georges Valois publie La Révolution sociale ou le Roi et lance son enquête sur la monarchie et la classe ouvrière, celle où Georges Sorel publie trois de ses principaux livres, les Réflexions sur la violence, La Décomposition du marxisme et Les Illusions du progrès, enfin celle où une grave crise touche la Confédération générale du travail (CGT) après les événements tragiques survenus à Draveil et Villeneuve-Saint-Georges, événements à propos desquels Maurras publie dans L’Action Française, entre le 30 juillet et le 11 août 1908, une série de quatre articles retentissants sur "la question ouvrière".

    Une influence sans équivalent

    L'AF 2000 – Dans quel domaine L’AF vous semble-t-elle avoir exercé la plus forte influence ?
    A. de B. – L’influence du journal, et plus largement celle des idées maurrassiennes, a été considérable, mais reste difficile à cerner. L’Action française n’a jamais pris le pouvoir – la question de savoir si elle a jamais voulu vraiment s’en emparer restant ouverte –, en sorte que l’on peut difficilement parler d’une influence directement politique. La seule exception qui vienne à l’esprit est celle du régime de Vichy à ses débuts. Je ne pense pas que l’AF ait beaucoup fait progresser en France la cause royaliste en tant que telle. Il y a eu en revanche une grande influence de Maurras dans les milieux littéraires et intellectuels, influence reconnue, sinon saluée, par l’immense majorité de ses contemporains.
    Lorsque j’ai établi la bibliographie Maurras que j’ai publiée en 2002, j’ai pu identifier plus de 600 livres et travaux universitaires consacrés à l’oeuvre de Charles Maurras ou à l’histoire de l’Action française. Ce seul chiffre confirme l’importance revêtue par un mouvement qui, par sa durée et son influence, n’a dans notre pays pratiquement pas d’équivalent.
    Mais cette influence, il ne faut pas le dissimuler, a parfois été véhiculée aussi par les dissidents de l’Action française, auxquels Paul Sérant avait naguère consacré tout un livre. On sait que les dissidences furent assez nombreuses dans l’entre-deux-guerres. À date plus récente, nombre de ces dissidences ont plus ou moins emprunté la même voie : la découverte de Bernanos ou de Boutang. Mais les dissidents ont souvent opéré aussi une sorte de retour aux sources, de retour à ce qu’était le mouvement à ses origines, à ce que pensait le "jeune Maurras", etc. Bien ou mal articulées, de telles démarches ont favorisé, non seulement l’étude universitaire ou scientifique du royalisme français, mais aussi la redécouverte périodique des acquis théoriques de l’AF.

    L'après Maurras

    L'AF 2000 – Comment expliquez- vous que l’Action française se trouve aujourd’hui marginalisée dans le débat politique ?
    A. de B. – Depuis un siècle, ce qu’on appelle conventionnellement "la droite" a perdu à peu près toutes les batailles dans lesquelles elle s’était engagée, sans avoir d’ailleurs jamais engagé une réflexion sérieuse sur les causes profondes de ces échecs répétés. Plus le temps passe, plus les "idées de droite" ont donc été marginalisées ou ostracisées. À cet ostracisme politico-intellectuel se sont encore ajoutées les conséquences de l’épuration de 1945. En 1968, à l’occasion du centenaire de la naissance de Maurras, un Comité Charles Maurras avait été créé à Paris. Présidé par le duc Antoine de Lévis-Mirepoix, il comptait dans ses rangs d’innombrables personnalités, parmi lesquelles Henri Massis, Thierry Maulnier, Marcel Pagnol, René Huyghe, Gustave Thibon, Paul Vialar, Marcel Jullian, le colonel Rémy, le général de Bénouville, Kléber Haedens, Pierre Fresnay et tant d’autres. Ces personnalités n’ont tout simplement pas été remplacées. J’ajoute que le centenaire de la naissance de Maurras avait même été marqué par la publication dans Le Monde, grâce à Gilbert Comte, de deux pleines pages très objectives, ce qui serait évidemment impensable aujourd’hui.
    À l’heure de Bruxelles
    Mais bien entendu, la force des uns se nourrit aussi des faiblesses des autres. Une école de pensée, lorsque son fondateur disparaît, a toujours tendance à se transformer en conservatoire. Elle maintient une orthodoxie et impose une vulgate, figeant ainsi des positions qui devraient normalement évoluer en fonction des transformations concrètes du monde réel. La tentation est alors grande de croire que le maître à penser avait tout prévu, qu’il ne s’est jamais trompé. On argumente à coups de citations, ce qui n’est pas spécialement attirant. Par ailleurs, même dans des milieux où l’on estime la pensée maurrassienne, il n’y a pas grand monde aujourd’hui pour penser que le retour sur le trône d’un roi changerait quoi que ce soit à la situation. Il y a toujours des monarchies en Europe, mais qui se risquerait à dire qu’elles se portent mieux que notre république ? Les monarchies aujourd’hui ne peuvent être que des démocraties couronnées. Nous ne sommes plus d’ailleurs à l’époque où le comte de Paris pouvait espérer son retour aux affaires. En dehors de milieux minuscules, qui connaît même aujourd’hui le nom du prétendant ?

    L'AF 2000 – Les grands principes de l’Action française (incarnation de la continuité nationale, libre représentation du pays réel, etc.) ne vous semblent-il pas toujours nécessaires à l’heure où les diktats de Bruxelles s’imposent partout ?
    A. de B. – Les "diktats de Bruxelles" ne sont malheureusement qu’une pièce d’un échiquier beaucoup plus vaste, que des "grands principes" édictés bien avant l’époque de la modernité tardive ne peuvent à eux seuls permettre d’analyser. J’ai pour Maurras une réelle admiration, voire une certaine affection, mais comme vous le savez je ne suis pas maurrassien. Je n’ai certes pas de mal à m’accorder avec le jeune Maurras qui, en 1892, s’affirmait fièrement "autonomiste" et "fédéraliste", mais je suis en grand désaccord avec lui sur beaucoup d’autres choses, ce dont j’ai eu l’occasion de m’expliquer ailleurs.
    Vous parlez d’"incarnation de la continuité nationale". Pourquoi pas ? Mais il y a tant de façons de définir ces mots ! Dans Mes idées politiques, Maurras écrivait : « Ni implicitement, ni explicitement, nous n'acceptons le principe de la souveraineté nationale, puisque c'est, au contraire, à ce principe-là que nous avons opposé le principe de la souveraineté du salut public, ou du bien public, ou du bien général. » Je ne fais pas cette citation par malice. Je veux seulement montrer que la réalité est complexe et que les mots sont parfois piégés.
    Sur Maurras, je ne peux pour ma part que redire ceci : au-delà de ses erreurs et de ses jugements parfois si injustes, son courage, son désintéressement, son exigeante passion, sa sincérité extrême, sa ténacité et la somme incroyable d'efforts qu'il a su déployer au cours de sa vie, commandent le respect. Il y a chez Maurras quelque chose de très proprement, de très exactement héroïque. Il n'y a pas beaucoup d'hommes publics dont on puisse en dire autant.
    PROPOS RECUEILLIS PAR MICHEL FROMENTOUX  L’Action Française 2000 du 3 au 16 juillet 2008

  • 17 millions de victimes de la traite musulmane


    Entretien avec Jacques Heers
    A partir du VIIe siècle, les musulmans ont pratiqué une traite esclavagiste touchant à la fois les Européens et les Africains. Agrégé et docteur en histoire, Jacques Heers a été professeur des universités et directeur du département d'études médiévales à la Sorbonne. Il a consacré plusieurs ouvrages à l'esclavage médiéval en Méditerranée, aux Barbaresques et aux négriers en terre d'islam (1), qui viennent d'être réédités. Autant dire que nul n'est mieux placé que lui pour parler de la traite musulmane.

    Le Choc du mois : Y -a-t-il une spécificité de la traite musulmane ?
    Jacques Heers : Il y en a deux. Son importance quantitative, d'abord. Les conquêtes musulmanes ont été d'une ampleur et d'une brutalité inédites. Et puis le fait que les musuhnans ont ajouté une dimension religieuse à l'esclavage, en distinguant très nettement le «fidèle», de «l'infidèle». En résumé, la théorisation du djihad et l'expansion territoriale musulmane aboutissent effectivement à l'apparition d'une forme d'esclavage tout à fait spécifique.
    Même si certains exégètes affirment le contraire, le Coran tolère parfaitement l'asservissement des «chiens de mécréants». Confrontés à la question cie l'esclavage, les docteurs de la loi rendaient en général le même verdict : le prisonnier infidèle doit demeurer esclave, même s'il se convertit aussitôt ; c'est la punition de sa mécréance passée. En revanche, le captif musulman, même ramené «chargé de chaînes» doit immédiatement retrouver la liberté.
    Théoriquement, le Coran interdit de réduire un musulman en esclavage, mais en pratique, les exceptions abondent, pour des raisons plus ou moins légitimes : les victimes sont de « mauvais musulmans », etc.

    Quand apparaît la traite musulmane ?
    Dès la naissance de l'islam, au VIIe siècle! Mahomet et ses fidèles possédaient des esclaves. C'était toutefois une pratique courante, durant toute l'Antiquité. Il n'est pas étonnant que les peuples orientaux, au cours du Haut Moyen Age, la perpétuent à leur bénéfice.

    Au début de l'hégire, les esclaves sont essentiellement blancs...
    Comment les musulmans se procurent-ils leurs esclaves ?
    Essentiellement par la guerre. Les « cavaliers d'Allah » conquièrent, asservissent ou convertissent les populations cles Balkans, d'Asie Mineure et d'Europe. Ils ramènent d'immenses cohortes de prisonniers, hommes et femmes. On a vu des Sarrasins mener des razzias jusque dans les Alpes, au IX' siècle ! En 997, le calife al-Mansur, qui régnait sur l'Espagne arabo-musulmane - al Andalous - mena une interminable razzia dans les royaumes chrétiens du nord de la péninsule. Il s'enfonça jusqu'au cœur de la Galice, laissant Saint-Jacques-de-compostelle en ruines.
    Toujours en Espagne, au XII' siècle, des flottes musulmanes croisent sur les côtes de Galice et, au petit matin, lancent des attaques sur les villages de pêcheurs. En Méditerranée, sur un autre front, les musulmans, maîtres de la Sicile, lancent des chevauchées contre les grands monastères et sur les routes de pèlerinage vers Rome. Ailleurs, les pirates musulmans ravagent les côtes du Languedoc ou de Toscane avec des flottes atteignant parfois cinquante galères ! Et chaque guerre apporte son lot de captifs, qui sont aussitôt convoyés pour être vendus sur les marchés, de l'Espagne au Maghreb et jusqu'en Orient...

    Il y a une réelle préférence pour les esclaves blancs...
    Les musulmans ont pratiqué la traite des Noirs, mais dans les premiers temps de l'hégire, l'ère d'expansion islamique, les esclaves étaient essentiellement des Blancs. Laissez-moi vous citer le savant Ibn Haukal, qui affirmait, au temps de l'Espagne arabo-musulmane que « le plus bel article importé d'Espagne sont les esclaves, des filles et de beaux garçons qui ont été enlevés dans le pays des Francs et dans la Galice. Tous les eunuques slaves qu'on trouve sur la terre sont amenés d'Espagne et aussitôt qu'ils arrivent, on les châtre. Ce sont des marchands juifs qui font ça ». Le géographe Ibn al-Fakih, lui, racontait que « de la mer occidentale, arrivent en Orient les esclaves hommes, romains, francs, lombards et les femmes, romaines et andalouses ».

    Quand la traite musulmane cesse-t'elle en direction de l'Europe ?
    Elle s'est considérablement réduite lorsque les Arabes ont passé le Sahara pour aller razzier l'Afrique noire. Mais elle a très vite repris, dès les années 800, avec la piraterie. Elle s'intensifie en 1517, lorsque Alger, véritable nid de pirates, tombe aux mains des Turcs. La guerre de course fait alors partie intégrante du plan de conquête de la Méditerranée par les Ottomans. L'esclavage des chrétiens, méthodiquement mené, redouble.
    Dans le même temps, les Barbaresques assiègent Rhodes en 1522 et Malte en 1565. S'ils perdent Rhodes en 1523, les chevaliers de Malte repoussent les musulmans en 1566. L'ordre de Malte devient une véritable sentinelle de la Méditerranée. Ses marins font régner la terreur chez les musulmans et pratiquent eux-mêmes l'esclavage ! Ils jouent un rôle clef dans la bataille de Lépante en 1571, qui marque le grand coup d'arrêt aux incursions musulmanes en Europe.

    En 1888, à Médine, 5.000 esclaves sont vendus dans l'année
    Mais les musulmans poursuivent la traite des chrétiens en Afrique noire...
    Exact. Il y a trois grandes routes de traite. La première mène en Afrique de l'Ouest sahélienne, où le commerce des esclaves fait traditionnellement partie des échanges transsahariens. La deuxième passe par la mer Rouge et le Soudan. En Arabie, en 1888, sur le seul marché de Médine, l'on peut vendre 5 000 esclaves par an. La troisième traite se passe sur la côte d'Afrique de l'Est, où Zanzibar devient le plus grand marché d'esclaves au monde.
    La première traite est la plus longue et occasionne de nombreuses pertes. Elle passe par l'Egypte, dont les musulmans sont devenus maîtres, et le Sahara. Elle est d'abord faite de razzias, puis, à partir du IX' siècle, repose sur la conquête de royaumes noirs et le négoce avec les marchands d'esclaves.

    Quelles sont les principales cibles ?
    Le royaume chrétien d'Ethiopie. Les Egyptiens l'attaquent en passant par la vallée du Nil. Les Arabes traversent la mer Rouge. A l'ouest, les Marocains osent une traversée de cent jours de marche après Marrakech, dont au moins la moitié à travers le Sahara.
    Le retour est un enfer. Le Niger, le Sénégal et le Mali sont également touchés ... Des forbans musulmans lancent des razzias le long des côtes de l'océan Indien avec des boutres - de rapides voiliers. Dans les royaumes islamiques du Soudan, les chasses aux esclaves mobilisent chaque année de forts partis de cavaliers. Ils repèrent les villages les plus intéressants et partent par petits groupes. Ils montent des chameaux de race, s'approvisionnent en eau, marchent la nuit et attaquent au petit matin. Les opérations devant être rentables, ils évitent les lieux trop bien protégés et n'attaquent qu'à coup sûr. Une fois maîtres du terrain, ils massacrent les faibles et les vieillards pour n'emmener que les malheureux en état de servir.
    Pour être honnête, il faut ajouter que des négociants sont aussi sur les rangs, car des rois noirs, près du Tchad par exemple, les informent du lancement des grandes chasses aux esclaves. Ils vont s'installer dans les villages, en attendant - à leurs frais - le retour de l'expédition.

    Comment les esclaves sont-ils traités ?
    Très mal, car ils sont gratuits et en grand nombre. Contrairement à la traite atlantique, il n'a pas fallu négocier avec des rois esclavagistes. Il a suffi de tuer ceux qui se défendaient !
    Sur la route de leur captivité, les esclave vivaient un enfer. La traite occasionne des pertes terribles tant dans leurs rangs que dans ceux des convoyeurs. Les plus faibles sont abandonnés sans pitié. Les témoignages sont horribles : les hommes et les femmes meurent de soif, en sont parfois réduits à ouvrir la panse des animaux pour y trouver de l'eau. Les esclaves malades ou affaiblis sont abandonnés en route à une mort certaine. Des négociants expliquent tranquillement à leurs associés, restés en Arabie qu'il a fallu, ici où là, égorger quatre femmes «fanées» et émasculer deux enfants pour ne pas perdre de temps dans le désert et préserver la cargaison. A l'arrivée, selon la difficulté de la traversée, les survivants sont vendus avec une marge de 200 à 300 %. C'est une façon de compenser les pertes.

    De quoi se compose une cargaison d'esclaves ?
    Essentiellement des jeunes femmes, blanches ou noires. Des enfants et des hommes solides. Ne restent que les personnes en bonne santé. Les autres sont morts en route. En chemin, pour ècouler les «cargaisons»: plus vite, certains campements se transforment en marché, où les grossistes viennent faire un premier choix. Puis on arrive dans les grandes places, comme Zanzibar ou Bagdad. Les acheteurs peuvent examiner leur marchandise, regarder les dent, l'élasticité d'une poitrine, constater si une jeune femme est vierge ou déflorée, mesurer la vivacité intellectuelle ou la force physique d'un esclave, son adresse...
    Le Caire est un gigantesque marché, où l'on trouve toute sorte de captifs. Au XIX' siècle, Gérard de Nerval, dans son voyage au Caire(2), raconte comment plusieurs marchands «basanés» l'abordent pour lui proposer «des Noires ou des Abyssiniennes»...

    Que deviennent les victimes ?
    Elles servent sur les chantiers publics ou au service d'un maître.

    A la Bourse aux esclaves, les négriers spéculent
    Il y a également les bagnes ?
    Là, c'est l'époque des Barbaresques et des Ottomans. Alors qu'à Bagdad ou au Caire, on trouve une majorité d'esclaves noirs, les bagnes d'Alger ou de Tunis comportent surtout des Blancs. Ils maintenaient à eux seuls toute l'activité économique locale : les chantiers navals, les fabriques, les commerces ... Alors que les villes d'Egypte achetaient aux caravaniers du désert des milliers d'esclaves venus d'Afrique, les cités corsaires du Maghreb s'épargnaient ces dépenses, grâce à la guerre.
    Une fois la part du sultan mise de côté, les captifs des Barbaresques passaient directement de l'entrepont du navire au marché. Des négociants les mettaient aux enchères, à la criée. Ceux visiblement inaptes aux travaux de force, mais dont on espère tirer une bonne rançon, valent jusqu'à sept fois un homme valide. Les Turcs et les Maures spéculent quotidiennement sur la valeur de leurs esclaves. Faut-il acheter ou vendre? C'est un peu une Bourse avant l'heure...

    Comment vivaient ces esclaves ?
    Le plus souvent en groupes, logés dans les bagnes - sept, rien qu'à Alger. A Tunis ou Tripoli, ils portaient plus de dix kilos de fers. Les esclaves en terre d'islam n'avaient pas le droit de fonder une famille et n'avaient pas ou peu d'enfants. Pour des raisons très simples : le grand nombre d'eunuques, l'interdiction faite aux femmes de se marier et une mortalité très élevée.
    Les conditions de vie étaient épouvantables. Les captifs étaient battus à la moindre occasion, dormaient dans de pauvres hamacs, pendus les uns au-Dessus des autres. Ils souffraient du froid en hiver, de la chaleur en été, de l'humidité et des vermines en toute saison.

    Et l'hygiène ?
    Pas d'hygiène, puisqu'ils devaient payer leur eau ! Elle leur servait essentiellement à boire. Il leur était impossible de se laver régulièrement, encore moins de laver les hardes leur servant de vêtements ... Vous imaginez que, rapidement, les frottements de tissus crasseux sur les peaux sales provoquaient des irritations, des furoncles et de nombreuses maladies, qui concourraient à la mortalité.

    Et le travail ?
    Le matin, à peine nourris, ils partaient vers les chantiers ou les demeures de leurs maîtres, leur atelier ou leur boutique. Les mieux lotis - une minorité - étaient loués à des diplomates chrétiens : ils menaient alors l'existence d'un domestique européen.
    La condition la plus difficile, d'un certain point de vue, était celle des femmes et des enfants. Les femmes avaient généralement un sort misérable, exposées à la vente comme des bêtes, forcées de servir, en butte à tous les abus, parfois prostituées pour le compte de leur maître... Contrairement aux légencles des Mille et Une Nuits, les récits des musulmans tranchent avec les textes des juifs et des chrétiens par le nombre d'histoires et de remarques salaces sur les « qualités », sexuelles des femmes.

    Des esclaves chrétiens sont brûlés vifs à Alger !
    Etait-il possible de fuir ?
    Difficilement. Certains captifs acceptaient de servir de mouchards en échange de menus arrangements. La surveillance était assez stricte et les punitions terribles. Un texte raconte qu'à Alger, « lorsqu'un chrétien était pris à fuir, (le sultan Hassan Pacha) le faisait saisir par ses esclaves et brûler vif en leur présence; il faisait bâtonner les autres jusqu'à la mort, et leur coupait lui-méme les narines ou les oreilles, ou faisait exécuter ce supplice devant lui ». D'autres subissaient la bastonnade, les galères ou on les envoyait aux carrières de pierres, où les travaux étaient particulièrement pénibles...

    Comme Cervantès...
    Cervantès illustre parfaitement votre question sur les possibilités d'évasion(3). Il a été prisonnier durant cinq ans. Il a tenté une première évasion en subornant un garde. Celui-ci n'honora pas son engagement. Direction : les carrières! En 1577, il fit une deuxième et une troisième tentatives, mais fut toujours pris et passa en tout dix mois aux chaînes, dans un cul-de-basse-fosse. Ses comparses furent pendus ou empalés. Les autres eurent les oreilles tranchées. A la quatrième tentative, il échoua encore! Il ne fut libéré que contre une rançon importante, grâce à l'action des ordres mercédaires, ces chrétiens qui achetaient les esclaves ou s'y substituaient !

    Quand cesse l'esclavage musulman ?
    Mais il existe encore ! La colonisation de l'Afrique au XIXe siècle a mis un terme que l'on croyait définitif à l'esclavage musulman. Mais celui-ci a repris avec la décolonisation. La traite musulmane, qui a duré mille deux cents ans, perdure, au Soudan par exemple.

    Connaît-on les chiffres estimés de la traite ?
    Les historiens travaillant sur l'esclavage musulman se heurtent à une désespérante absence de sources. Les registres fiscaux de Zanzibar sont les seuls répertoriés de nos jours mais ils ne remontent pas au-delà de 1850.
    Les estimations moyennes se situent à un minimum de 17 millions de victimes. Mais c'est ignorer les « chiffres noirs » très importants : où sont passées les victimes mortes durant le voyage, les opérations dont on ne sait rien, les caravanes perdues dans le désert ou en mer ? Sans compter les esclaves européens que l'on « oublie » de comptabiliser et les Africains tués lors des razzias : défenseurs ou « inutiles », qui étaient des bouches inutiles à nourrir. Faut-il ou non les intégrer au bilan de la traite orientale ?
    Propos recueillis par Patrick Cousteau
    ____________
    1. Les Négriers en terre d'islam. La première traite des Noirs, VIl-XVI siècle, Perrin, 2003 (rééd. Perrin, coll. Tempus, 2008).
    Les Barbaresques, la course et la guerre en Méditerranée, XIV-XVI siècle, Perrin, 2001 (rééd. Perrin, coll. Tempus, 2008).
    Voir aussi le livre tiré de sa thèse de doctorat; Esclaves et domestiques au Moyen Age dans le monde méditerranéen, Hachette, 1981 (rééd. 2006).
    2. A lire dans le Voyage en Orient, de Gérard de Nerval, que viennent opportunément de rééditer en collection Folio les éditions Gallimard.
    3. Pour en savoir plus, lire ; Le Captif. Extrait de Don Quichotte, de Cervantès, préface de Jacques Heers, éditions de Paris, 2006.
    Source : le Choc du Mois - Juin 2008

  • Enquête sur la droite en France : Bruno Larebière : « Nous nous trouvons à une charnière historique de renversement des perspectives »

    Après avoir été journaliste durant près de trente ans, Bruno Larebière a créé une société de conseil en communication. Il conçoit des stratégies de communication, élabore des « éléments de langage » et pilote des campagnes - dont certaines ont fait grand bruit - pour des collectivités territoriales, entreprises, institutions et politiques.

    Monde et Vie : Bruno Larebière, on constate un net déficit de communication à droite. À quels obstacles se heurte l'homme de droite dans sa manière de communiquer ?
    Bruno Larebière : Le principal obstacle que rencontre l'« homme de droite » - quelle que soit « sa » droite -, c'est lui-même. A savoir, c'est selon, une difficulté à mettre à jour son logiciel, c'est-à-dire à prendre en compte les évolutions sociologiques et politiques, la certitude - légitime -qu'étant porteur du « bon sens », les choses doivent s'imposer par elles-mêmes et n' ont pas besoin d'être expliquées par une campagne de communication, la méfiance, voire le rejet d'un « monde médiatique » conçu comme univoque et par définition hostile, etc.
    Je pourrais citer aussi une hémiplégie qui lui fait tenir tout ce qui est émis par des gens de gauche comme a priori détestable selon un sectarisme qui, trop souvent, n'a rien à envier à celui de la fraction la plus bruyante de la gauche, la difficulté intellectuelle qu' il éprouve à concilier les exigences de la modernité en matière de communication et les exigences de son combat politique antimodemiste, et un refus de s'adapter techniquement au terrain.

    Votre réquisitoire est violent...
    Il l'est, et, si je l'exagère volontairement, c'est afin de bien faire comprendre que la communication est d'abord affaire de méthode avant d'être une affaire d'imagination. Il est impératif de faire d'abord sauter les verrous psychologiques de Y« émetteur » si l'on veut qu'il ait une chance de se faire entendre du « récepteur ». Sinon, il ne va parler qu'à lui-même et à ceux qui sont d'accord avec lui, ce qui n'a aucun intérêt.

    N'existe-t-il pas à droite un complexe face aux médias, un défaut d'identité, voire une honte de se réclamer de la droite et de ses idées ?
    C'est ce que je vous disais: quand j'entends parler de la « caste médiatique », cela me fait hurler. On confond par cette formule les quelques grands éditorialistes avec l'ensemble d'une profession composée de personnes qui cherchent avant tout à faire leur métier. On peut les ostraciser globalement, si ça fait plaisir, mais qu'on ne cherche pas ensuite à leur expliquer qu'on n'est pas de mauvais bougres. L'erreur inverse, tout aussi idiote, est de chercher à les convaincre qu'on a raison.
    Ce qu'on est légitimement en droit d'attendre d'un journaliste, c'est qu'il rapporte ce qu'on lui dit et ce qu'on fait, et commente mots et actes sur la base de la réalité de ce qu'on est.
    Pour ce qui est de la honte de se réclamer de la droite, cela relève de la difficulté à mettre à jour son logiciel. Pour beaucoup d' « hommes de droite », la société est la même en 2012 que ce qu'elle était dans les années Mitterrand et Chirac, que j'associe dans la chape de plomb du « politiquement correct » qui a pesé sur la France. Or c'est faux. Les années Sarkozy, quoi que l'on pense de son action, ont libéré la parole, ouvert des espaces, fissuré tout l'édifice de la « bien-pensance » de sorte qu'il faut être sourd et aveugle pour croire qu'il est encore tabou de se dire de droite.

    La droite ne souffre-t-elle pas aussi d'avoir perdu la bataille de la sémantique ?
    Certes, mais les seuls combats qu'on est sûr de perdre sont ceux que l'on n'a pas menés...
    Presque toutes les tendances de la droite ou des droites ont maintenant leurs « think tank » (leurs laboratoires d'idées) qui commencent à trouver une certaine résonance. Mais c'est là un travail de longue haleine qu'il eût été judicieux de mettre en place dès 1981. Il paraît que l'UMP, el veut structurer un laboratoire d'idées. À la bonne heure ! Que n'y a-t-elle pensé plus tôt...

    Peut-il exister une communication de droite et quelles pourraient en les principales caractéristiques ?
    Paradoxalement, la droite, qui se veut en phase avec le réel, doit d'abord apprendre à voir la réalité sociopolitique de la France telle qu'elle est et non selon l'idée qu'elle s'en fait. À cet égard, le travail mené par Patrick Buisson pour Nicolas Sarkozy a été exemplaire.
    Ensuite, cette « communication de droite » qui n'est que l'application à la droite des techniques de communication, doit prendre en compte à la fois le temps court, caractéristique époque, et le temps long, qui est a priori consubstantiel à la droite. De façon concrète, la droite doit apprendre à la fois à « travailler en mode projet » c'est-à-dire sur un temps court avec des immédiats (ce que font très bien les Identitaires), et accepter de s'investir dans des travaux de fond qui ne porteront leurs fruits que dans dix, vingt ou trente ans (ce que font très bien les réseaux catholiques).
    Pour ce qui relève purement, ou concrètement, de la communication, la droite dispose d’atouts considérables. Je suis profondément persuadé que nous nous trouvons à une charnière historique de  renversement des perspectives - là aussi, que la droite arrête de cultiver un défaitisme paralysant - et que beaucoup de choses qui n’étaient plus audibles le redeviennent.
    En raison de la crise économique et lourdes incertitudes pesant sur l'avenir, les Français retrouvent ces « valeurs refuges » que sont ancrage dans un terroir, le renforcement des liens familiaux, le besoin d'inscription dans lignée via la recherche généalogique, etc. Ce terreau est extrêmement favorable à ce que la droite exerce, selon la formule d'un historien célèbre, « son droit de piratage sur ce monde ».
    À condition de faire preuve de curiosité à 360° et de réactivité, de bienveillance vis-à-vis les Français, et, sur le plan des messages, de simplicité, d'inventivité et de qualité graphique à la hauteur des valeurs dont elle est porteuse. Notamment dans les domaines de la communication d’influence et de la mobilisation de l’opinion.
    propos recueillis par Hervé Bizien monde&vie novembre 2012
    Pour contacter Bruno Larebière: contact@les-messagers.fr

  • Jean-Michel Vernochet : « Pourquoi l’axe Tel-Aviv-Washington veut détruire l’Iran »

    L'Iran doit être «détruit» : en tant que théocratie nationalitaire il est voué à être «normalisé». En tête des agendas politiques, l'inscription volontariste de l'Iran au rang des démocraties libérales est donc à l'ordre du jour. Car l'Iran est appelé, volens nolens, à se fondre dans le grand chaudron des sociétés éclatées dans lesquelles la segmentation du marché atteint son paroxysme (minorités ethniques, confessionnelles, sectaires et sexuelles, femmes, jeunes, enfants, la publicité s'adressant à ces derniers dès l'âge de deux ans, l'âge de leur scolarisation précoce) afin de pouvoir pleinement être intégré au marché unique, autrement dit le "système-monde".

    RIVAROL : L'armée israélienne vient de mettre fin précipitamment à ses bombardements de la bande de Gaza. Quant au ministre de la Défense, Ehoud Barak, celui-ci vient de faire valoir ses droits à la retraite. N'est-ce pas le signe d'un net reflux des ambitions expansionniste d'Israël et donc d'un renoncement implicite à toute agression contre l'Iran ?
    Jean-Michel VERNOCHET : Regardons les choses en face. Gaza a été pilonnée, l'aviation et les drones israéliens y ont semé la mort et la désolation. Certes, l'escalade s'est arrêtée assez vite, mais qui est nommément désigné comme le premier responsable de ces tragiques événements ? Téhéran ! Laurent Fabius,.ministre des Affaires étrangères, ne s'est pas gêné pour accuser l'Iran, « ce pelé, ce galeux d'où nous vient tout le mal » [Les Animaux malades de la peste] de « porter une lourde responsabilité dans l'affaire de la bande de Gaza », ceci en ayant notamment fourni des « armes à longue portée au Hamas ». Fabius étant particulièrement déconnecté, comme la plupart des énarques, ne connaît apparemment pas le sens du couple de mots « longue portée »... mais l'expression fait «riche ». Ainsi s'est-il répandu le 22 novembre sur Radio Monte-Carlo et BFMTV où il a désigné la cible ultime : « L'Iran est indirectement impliqué dans plusieurs conflits graves dans cette région... les missiles à longue portée de 950 kg qui peuvent atteindre le centre d'Israël et les villes du sud du pays sont fournis par l'Iran ». Des missiles qui n'ont causé au demeurant aucune victime dans le centre d'Eretz Israël malgré leur supposée formidable létalité ! À contrario nombreux ont été à Gaza les morts et les blessés dus à des bombes réputées "intelligentes" ! Bref, l'arrêt de l'offensive sur Gaza, la démission (ou l'éviction) d'Ehoud Barak ne changent rien sur le fond. Certains vont même jusqu'à se demander si les "rats" ne se mettraient pas à quitter le navire, surpris qu'ils sont par une annonce intervenant cinq jours après la fin de l'opération « Colonne de nuées » autrement nommée en français « Pilier de Défense ». Certes l'actuel ministre israélien de la Défense, ancien Premier ministre de 1999 à 2001, militaire le plus décoré du pays qui en janvier 2011 a tourné le dos au Parti travailliste pour rallier le cabinet de Benyamin Nétanyahou, était considéré jusqu'à ce lundi 26 novembre comme le numéro "2" du gouvernement... âgé de soixante-dix ans il ne quittera cependant pas ses fonctions d'ici les élections législatives du 22 janvier 2013. Mais il est encore trop tôt pour savoir ce que cache ou dissimule ce départ impromptu... de graves désaccords au sommet de l'État hébreu à n'en pas douter et des révisions politiques - forcément "déchirantes" imposées de l'extérieur ou par l'effet d'un simple « retour au réel » ? La question se pose : Israël a-t-il trop présumé de ses forces ? Ses méfaits et son hybris ne sont-ils pas en train de le rattraper ? Désormais la coupe est-elle pleine ? Reste que nous pouvons compter sur le Likoud, génétiquement parlant, et sur ses épigones néoconservateurs de Washington, pour ne pas savoir ni vouloir s'arrêter à temps.
    Au cours de cette dernière crise, MM. Obama et Fabius n'ont au demeurant ni lâché ni désavoué Israël et son gouvernement, le Likoud. J'en déduis que cet arrêt du pilonnage aérien de Gaza n'est en réalité qu'une sorte de "repli tactique" et que cela ne change en rien - au moins pour l'instant - quant à l'agenda occidentaliste visant à un remodelage en profondeur du Proche-Orient : Syrie, Liban, Iran... Même si nous nous plaçons dans la perspective encore lointaine d'une autosuffisance énergétique de l'Amérique du Nord grâce au gaz de schiste. Les enjeux énergétiques liés à la bataille de Syrie ou au littoral gazaoui - lequel jouxte la partie méridionale du "Léviathan", poche de gaz super géante dont Israël entend bien s'approprier la totalité - ne sont qu'une dimension du projet occidentaliste de reconfiguration de l'aire islamique. Un projet auquel l'Administration américaine n'est pas prête à renoncer, qu'elle soit "démocrate" ou "républicaine". Trop d'efforts et de moyens ont été déjà consentis en ce sens, la guerre de Syrie est coûteuse en termes diplomatiques, le mouvement est amorcé, la coalition euratlantistes ne reviendra plus en arrière. Même si M. Obama, en raison de restrictions budgétaires, réduit la voilure, le cap sera maintenu contre vents et marées.
    Syrie, Liban, Iran, ces trois pays constitutifs de l'arc chiite - l'Irak peinant durement à se reconstruire - doivent être et seront brisés sauf circonstances exceptionnelles. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'existe aucune dissension au sein des états-majors politiques et militaires à Washington et Tel-Aviv. Paris comptant pour du beurre, les états d'âme des exécutants n'entrant en effet pas en ligne de compte ! Désaccords, non pas sur les objectifs à atteindre - la nécessaire destruction d'un Iran souverain fait l'unanimité - mais sur les moyens d'y parvenir et le calendrier : la force brutale préconisée par le Likoud et les Néoconservateurs, ou encore l'usure et la ruse, les manœuvres indirectes, la guerre subversive ou les révolutions internes !
    Depuis des années, surtout ces derniers mois, nous voyons les nuées monter sur l'horizon. Les orages ont rarement pour habitude de faire demi-tour... de même les machines infernales, une fois le mécanisme enclenché. L'Iran est voué à la destruction... sauf capitulation en rase campagne de ses élites dirigeantes. À ce titre il est vrai que des élections présidentielles auront lieu en Iran en juin 2013. Rien n'indique cependant que les nouveaux dirigeants pourraient réorienter - du tout au tout - l'actuelle politique de la République islamique, ni, que de l'autre côté M. Obama veuille se déjuger en acceptant de négocier directement avec la théocratie parlementaire iranienne.

    R. : Mais pourquoi au final l'Occident est-il si acharné contre l'Iran ? Le nucléaire est-il la seule ou la vraie raison ?
    J.-M. V. : Le nucléaire n'est de tout évidence qu'un prétexte. Une grosse ficelle du même genre que les "armes de destruction massive" qui ont servi à tétaniser les opinions publiques occidentales et à lancer la croisade pour la démocratie en et contre l'Irak. Le 14 novembre dernier Le Parisien nous expliquait doctement que « selon les experts internationaux, le programme iranien se poursuit lentement mais sûrement malgré les sanctions économiques qui étranglent le pays. "C'est une question de mois pour que Téhéran parvienne à ses fins", analyse un diplomate français. Chaque jour qui passe nous rapproche peut-être d'une issue dramatique ». Observons que nul ne sait précisément qui sont « les experts internationaux » ni qui est le « diplomate français » ici mentionné. Tout cela n'est pas sérieux, mais c'est à l'image de ce que nous serinent quotidiennement grands et petits média : une menace croît à l'Est qui est en passe de se muer en danger imminent. Conclusion : l'intervention est inéluctable. Répété mois après mois, semaines après semaines, années après années, ce type de discours apparaît comme une fatalité et plus encore, comme une nécessité. La raison désarme devant tant de constance et d'énergie dans le prêche du malheur... et parce que dans nos magnifiques démocraties le peuple - de toute façon désinformé à mort - n'est jamais consulté pour ce qui engage son avenir, l'opinion subit et accepte, toujours et encore. Et que pourrait-elle faire d'autre puisqu'elle ne dispose d'aucun choix alternatif possible ? Chacun sait pourtant que la possession d'une ou plusieurs têtes nucléaires ne feraient pas de l'Iran un adversaire redoutable face aux deux ou trois cents vecteurs de mort atomique que déploie Israël. Au fond, tout cela serait risible si ce n'était atrocement tragique.
    N'est-ce pas M. Rocard, l'ancien Premier ministre, qui, transverbéré par un trait de lucidité - mais à moitié goguenard et satisfait de lui-même comme seuls savent l'être les "égrotants" - s'exprimait ce dernier printemps en ces termes [Libération 2 mars 2012] : « Nous avons une stratégie américano-anglaise... de torpiller toute possibilité de discuter sérieusement avec les Iraniens. Et même défaire un peu deprovoc de temps en temps. Comme s'il s'agissait de préparer une situation de tolérance rendant acceptable une frappe israélienne. Dans cette hypothèse, la guerre devient une guerre irano-syrienne soutenue par la Chine et la Russie, comme on le voit à l'Onu, contre en gros l'Occident et ses clients. Et l'Europe se tait. C'est une affaire à millions de morts, l'hypothèse étant que ça commence nucléaire. Je connais bien ces dossiers et je n'ai jamais eu aussi peur. Nos diplomates ont perdu l'habitude de traiter des situations de cette ampleur et tous nos politiques jouent à se faire plaisir avec des satisfactions de campagne électorale. Ce qui est nouveau, c'est l'intensité des dangers par rapport à un état d'esprit futile. Autre nouveauté, ces dangers sont extérieurs, résolument mondiaux. Il n'y a que l'Amérique latine et l'Australie pour avoir une chance d'y échapper. Aucun grand pays, même la Chine ou les États-Unis, n'y peut quelque chose à lui tout seul. Il n'y a de réponse que dans une consultation mondiale attentive dont tout le monde se moque ... Ça me rend malade ». L'agneau de la fable - innocent ou pas, là n'est pas la question - face au loup dominateur et sûr de lui, est forcément perdant : le premier démuni pollue l'eau du maître des lieux, l'autre manie la rhétorique sans appel du dominant. Iran/États-Unis, toutes proportions gardées, le schéma est à l'identique avec à l'arrivée, sans doute, le même résultat.

    R. : Mais quels intérêts l'Iran menace-t-il concrètement ?
    J.-M. V. : L'Iran ne menace personne mais barre le passage à une foultitude d'intérêts. Comme déjà dit, il ne faut pas réduire comme cela a été fait pour l'Irak, la question à sa seule dimension géoénergétique. Pour faire court disons qu'un processus d'Unification global du Marché est en cours et que l'Iran y fait obstacle. Après tout, il s'agit d'un pays où les prêts financiers à taux usuraires sont interdits, cela seul constitue un casus belli pour les potentats de la Finance et pour tout le système. Où l'Iran se soumet, accepte sa conversion aux dogmes du Monothéisme du Marché, ou bien doit se résoudre à se voir effacé de la Carte du Temps. À prendre ou à laisser. Sauf miracle, révolutions, effondrement des nations occidentales sous l'effet de la crise systémique...

    R. : Quelles sont, à votre avis, les issues possibles ? La guerre est-elle inéluctable ou encore évitable ?
    J.-M. V. : Obama veut ou voudrait temporiser. Sa préférence va aux stratégies indirectes, entre autres la subversion, l'étranglement par les sanctions, les révoltes populaires encouragées et soutenues de l'extérieur. Et cela marche. Les sanctions commencent à mettre l'Iran à genoux. Le peuple souffre. Les gens du Département d'État et les adeptes du « smart power » - le gros bâton subtil - comptent à ce titre sur un soulèvement de la population. De ce point de vue, pour le Département d'État, le président Ahmadinejad est devenu un personnage contingent. Il n'est plus le paramètre central. Les prochaines élections présidentielles pourraient en effet conduire à la tête des personnalités plus dures voire plus intransigeantes que l'actuel président. En tout cas, les stratèges de la terreur veulent d'abord priver l'Iran de ses bases avancées : celles du Liban, c'est-à-dire le Hezbollah ; de Syrie contre laquelle les coups de boutoirs se multiplient. En un mot, il s'agirait de ne pas aller trop vite en besogne, d'assurer les arrières, de déblayer le terrain et de faire le ménage avant de s'attaquer au sanctuaire iranien. Les autres, les faucons, veulent fondre sur la proie sûrs qu'ils sont de l'écraser sous leurs bombes en raison de leur infernale supériorité ; à savoir une maîtrise absolu de mers, de l'air et de l'espace... des espaces devrait-on dire puisqu'outre l'espace extra-atmosphérique il est désormais question de guerre à outrance dans le cyberespace. Or les Occidentalistes sont déjà allés trop loin. Ils n'ont d'ailleurs pas pour habitude de reculer. La Syrie mise à feu et à sang est un bon exemple de la détermination du camp israélo-américain, de leurs alliés, commensaux et satellites. Ils iront donc jusqu'au bout. Sauf que nul n'est vraiment assuré du résultat.
    Une victoire militaire coûtera de toutes façons cher, même si ce n'est pas à court terme. Car nul ne peut impunément et indéfiniment défier voire mépriser une communauté internationale en pleine mutation... Communauté des nations à présent traversée par les courants invisibles d'une information non filtrée véhiculée par la Toile. Dans l'actuel contexte de crise systémique, personne ne peut exclure non plus des révoltes en Europe et aux États-Unis. Une hypothèse qui devient chaque jour de moins en moins absurde pour ne pas dire de moins en moins "improbable". L’hybris des maîtres du monde est telle qu'ils croient encore pouvoir contenir ou canaliser des mouvements populaires de grande ampleur. L'histoire certes se répète souvent, mais c'est refuser de tenir un compte exact des transformations sociétales en cours ou déjà accomplies. L'intelligence et la culture des dirigeants occidentaux promus par le cirque médiatique et le bastingue démocratique, ne sont plus à la hauteur des défis actuels. Sur ce point nous sommes entièrement d'accord avec Michel Rocard. Mais pas pour les mêmes raisons. En vérité, sauf miracle, nous irons à l'abîme parce que ces gens veulent y aller et ont décidé de nous y emmener avec eux, assurés qu'ils sont de n'avoir pas à payer le prix du sang versé. Le sang des autres, bien entendu.
    Propos recueillis par Jérôme BOURBON. Rivarol du 30 novembre 2012
    Iran, la destruction nécessaire Persia delenda est... Jean-Michel Vernochet 128 p. 15 €.

  • Géopolitique : Interview de Yves Bataille

    Yves Bataille est une des figures marquantes de la mouvance Pan-européenne et Eurasienne. Géopolitologue, spécialiste des Balkans et notamment de la Serbie. Pour lire quelques articles de Yves Bataille :

    L’Ukraine sur le grand échiquier (2004)
    France : le syndrome Serbe ? (2005)
    La Chine et la prochaine guerre (2006)
    La guerre commence au Kosovo (2008)
    Yves Bataille a accepté de répondre a quelques questions pour DISSONANCE.

     Yves BATAILLE, bonjour, pouvez vous vous présenter pour les lecteurs qui ne vous connaissent pas ?
    Mon profil : Fils de magistrat et petit-fils d’officier ayant traîné le sabre du Tonkin à la Cilicie et de Madagascar à la Guyane en passant par le Sénégal et le Bénin, je tiens peut-être de ce dernier l’attrait des grands espaces. Descendants d ’ artisans catalans qui sous Louis XIV construisirent les défenses de Vauban sur la frontière espagnole au temps du rattachement du Roussillon à la France, les Bataille ont aussi un lien avec les Cardi de Sansonnetti, noblesse corse ralliée à la France avant même que la Corse ne devienne française. Par la famille de mon père, magistrat en Algérie puis en « Métropole », je suis un descendant du Général Mouton Duvernay, député royaliste de la Haute Loire rallié à Napoléon pendant les « Cent Jours » et fusillé sous Louis XVIII, et du Général La Fayette qui fut à l’origine de la création des Etats-Unis. Je suis un Français qui a passé sa prime enfance en Grande Kabylie et a fréquenté un temps le Collège de Jésuites de Notre-Dame d’Afrique d’ Alger. Un Français du dehors donc - ce qui explique le nationalisme - qui a toujours gardé le lien avec la Mère Patrie même lorsque celle-ci le décevait profondément. Nationaliste du Limes et internationaliste radical à la fois, j’ai épousé une serbe et la Cause serbe au début de la guerre contre la République fédérale de Yougoslavie, une guerre vue de très près. J’ai fait serment sur son lit de mort à Paris au Colonel Tranié, fils du général Tranié héros du Front de Salonique, de me battre toujours du côté des Serbes attaqués par Moloch. Formé aux Universités françaises à l’Histoire, à la Géopolitique et à la Communication, je me définis comme un nationaliste-révolutionnaire de profession, partisan d’une France libre dans une Europe indépendante intégrant la Russie et d’un Franc-Canada (Québec et Acadie) lui aussi libre et indépendant. Je suis en définitive un « nationaliste sans frontières » entretenant des relations de combat avec tous ceux qui, dans l’espace européen et américain poursuivent le même but. Dans ce cadre j’ai eu la chance de rencontrer Philippe Rossillon, compagnon secret du Général de Gaulle, qui fut l’organisateur de l’Opération « Vive le Québec libre ! », de m’entretenir dans les Balkans avec les héros serbes Radovan Karadzic et Vojislav Seselj, de trinquer en Transnistie avec le président Igor Smirnov, de partager le pain dans le Caucase avec le général Vardan Balayan, libérateur du Haut-Karabakh. Mon objectif, avec tous ceux qui vont dans la même direction, est clair, c’est la libération nationale et sociale des peuples et des nations de la domination états-unienne et l’unification géopolitique du Grand continent eurasiatique, autrement dit de la Grande Europe de l’Atlantique au Pacifique. Il faudra faire aussi la jonction avec la « Presqu’Amérique »... Vous m’avez posé une question et j’y ai répondu.

    Vous êtes un expert de la Serbie, après l’intervalle "démembrement de la Yougoslavie" (1990-1996), l’intervalle "démembrement de la Serbie" (1999-2008), quelle est selon vous la prochaine "étape" ?
    Il existe des plans pour poursuivre le morcellement de la Serbie jusqu’à l’absurde. Dans le chef lieu du Sandjak de Novi Pazar que les Serbes appellent « Raska » (la Rascie) où Serbes et Musulmans sont en nombre égal, les Etats-Unis ont installé un « centre culturel américain » qui rappelle celui qu’ils avaient créé au Kossovo en 1998. Or Novi Pazar n’a pas besoin de centre culturel américain. Il n’y en a pas à Belgrade. Donc ce centre culturel, comme hier à Pristina, est là pour autre chose. En Rascie les Américains poursuivent leur jeu qui consiste à pousser les Musulmans contre les Orthodoxes en soutenant une revendication séparatiste de rattachement territorial à la Bosnie.
    En Vojvodine la matrice de toutes les « révolutions de couleur », National Endowment for Democracy (NED) alimente un mouvement autonomiste. Dans ce grenier à blé du nord où les Serbes sont majoritaires (65% de Serbes, 14% de Hongrois, 3% de Slovaques et d’autres ethnies en petite quantité) les Américains appuient les minorités et spéculent sur la tendance de certains Serbes à se croire « supérieurs » à leurs frères du Sud n’ayant pas vécu jadis sous la coupe de l’Empire Austro-Hongrois. Ce mouvement peut être comparé au mouvement de la « Padanie » dans le nord de l’Italie. En excitant des tendances centrifuges les Américains visent à réduire encore la Serbie et à la ramener à la dimension de l’ancien Pachalik de Belgrade.

    Pensez vous que l’arrestation de Radovan Karadzic, et sans doute demain de Ratko Mladic, ait un effet bénéfique pour la Serbie ? (limite de la casse au Kossovo ou intégration plus rapide dans l’UE ?) . Quelle est la probabilité que la Serbie intègre l’UE d’après vous ?
    Les représentants de Bruxelles et de Washington qui prétendent dire ce qui est bon pour la Serbie et lui imposer leur loi sont très arrogants. Non seulement ils l’ont bombardée sans raison mais encore ils prétendent lui donner des ordres et lui faire la morale. En 1999 ils disaient que cette guerre était une « guerre du droit » et présentaient les bombardements comme des « bombardements humanitaires ». L’ opinion en Europe a lâchement laissé faire ça. Pourtant la Serbie n’appartient ni aux Etats-Unis d’Amérique ni à l’Union Européenne et il revient aux Serbes de défendre les intérêts de la Serbie et non à leurs agresseurs. Ces arrogants continuent les menaces et les pressions au nom de la démocratie et des droits de l’homme pour contraindre toujours plus un pouvoir pourtant installé par eux. C’est ainsi que même l’équipe pro-occidentale au pouvoir à Belgrade refuse le vol du Kossovo. La période dite de « transition démocratique », qui a commencé en 2000 avec le renversement de Slobodan Milosevic, a été une période d’intensif pillage économique. Avec les privatisations à outrance l’Occident a fait main basse sur tout ce qui avait quelque valeur (grandes entreprises, sidérurgie, matières premières, systèmes de télécommunications). Aidé dans cette mise à sac par les ultralibéraux des partis fabriqués dans les ambassades occidentales comme le G17Plus.
    Dans l’esprit du peuple serbe les Etats-Unis et l’Union Européenne, c’est la même chose, c’est « l’Ouest » (Zapad). Cet Occident historiquement coupable de la Chute de Constantinople et qui veut imposer aujourd’hui « l’intégration euro-atlantique ». Cet Occident et ses nouvelles Croisades. Car la « diplomatie coercitive » de Madeleine Albright, le « devoir d’ingérence » de Bernard Kouchner, les embargos commerciaux de l’Union Européenne, les crimes des séparatistes, les mercenaires étrangers, les sanglants bombardements de l’OTAN sont encore en mémoire. Par tradition depuis la geste épique du haut moyen âge les Serbes sont le peuple qui a la mémoire la plus longue. Le Tribunal de La Haye, le TPIY, est assimilé à une Nouvelle Inquisition chargée de continuer la guerre par d’ autres moyens. Les Serbes pensent que cela ne s’arrêtera jamais, à moins que la Russie... Le dit tribunal n’a condamné que des Serbes, plusieurs chefs serbes sont mort dans la prison de Scheveningen et le passage à La Haye de Bosniaques musulmans et d’ Albanais du Kossovo s’est révélé n’être que du cinéma. Qu’il s’agisse du terroriste albanais Ramuz Haradinaj ou de son collègue bosniaque Naser Oric, ces individus n’ ont fait que de la figuration pour que l’on puisse donner le change avant de les relaxer. Haradinaj a fait tuer tous ses témoins et en conséquence le tribunal a estimé qu’il ne pouvait plus le juger. Le TPIY n’a rien d’une juridicion indépendante comme il a essayé de le faire croire. C’est un tribunal de circonstance, financé en ses débuts par George Soros et des sociétés commerciales, un pseudo tribunal qui a fait et continue de faire un procès politique de rituel anglo-saxon à des Serbes qui n’ont commis qu’un seul « crime », celui de résister à Moloch.
    Vous m’avez posé la question sur Radovan Karadzic. Je l’ai rencontré en Bosnie. Il m’a reçu à Pale en 1995 et m’a même donné une médaille. J’ai pu parler longuement avec lui. C’est un personnage intègre, un pur. Il n’a jamais voulu le pouvoir pour le pouvoir comme la plupart des politiciens mais le pouvoir pour défendre son peuple agressé et menacé. Avoir osé défendre les siens et avoir résisté à ceux qui ont détruit la Yougoslavie et attaqué la Serbie, c’est ce que « nos démocraties » lui reprochent. Radovan Karadzic a été et demeure l’objet d’une diabolisation à l’anglo-saxonne, comme le général Mladic qui n’a fait que son devoir d’officier qui était de défendre son territoire et son peuple contre l’ agression étrangère. En se faisant livrer Karadzic par des traîtres et des kollabos, le Sanhédrin de La Haye n’a non seulement pas entammé sa popularité mais encore il en a fait une icône. La partie vaillante du peuple serbe pense qu’ il faudra l’arracher des griffes de l’Ogre. Je salue au passage les militants du Mouvement Populaire 1389 qui manifestent chaque jour à Belgrade depuis l’annonce de son arrestation, des manifestations quotidiennes complètement passées sous silence par la presse occidentale.
    Il est évident que l’arrestation et la livraison de Radovan Karadzic à La Haye ne changeront rien aux convictions des Serbes à son égard et que cela n’aura non plus pas d’ effet sur l’adhésion à l’Union européenne. Cette adhésion, c’est Bruxelles qui la veut et de moins en moins de Serbes y sont favorables, d’autant plus que ceux que la Serbie profonde voit comme un club de malhonnêtes - pour ne pas dire de bandits - ont le culôt d’émettre sans cesse des exigences insupportables. Pour imposer par la force leur mission EULEX après l’octroi illégal de l’indépendance à la minorité albanaise du Kossovo, Bruxelles s’est appuyée sur un document falsifié auquel il manquait les dix lignes les plus importantes de la résolution 1244, celles qui stipulent que le Kossovo autonome est et restera partie intégrante de la Serbie. Par cette mission l’Union Européenne entend succéder à la MINUK des Nations Unies qui est pour les Serbes un moindre mal car la mission de l’ ONU repose sur la résolution 1244 non expurgée. EULEX vise à fournir les cadres administratifs qui manquent à la Mafia albanaise. Mon avis est que la Serbie doit attendre qu’une autre Europe reposant sur d’autres valeurs et une autre politique se dessine et que la Russie devienne de plus en plus active. Cela n’empêche pas de continuer la Résistance, bien au contraire. Le dynamitage des deux barrages de la ligne de démarcation et les manifestations de Kosovska Mitrovica après la proclamation d’indépendance ont impressionné l’occupant et c’est ce qu’il fallait faire.

    L’unilatéralisme totalitaire décrété en 1991 par l’Amérique semble être arrivé à son terme (perte générale d’influence de l’empire, renaissance de grands espaces tels que l’Asie, l’Orient, l’Eurasie, l’Amérique latine ..), pensez vous que l’on doive s’en réjouir ?
    L’unilatéralisme états-unien a été stimulé par l’implosion de l’Union Soviétique. Au début des années 1990 les Américains ont cru qu’ils pouvaient tout se permettre et que le monde leur appartenait. En 2003, dans Le Grand Echiquier, Zbigniew Brzezinski a établi le progamme : établir un cordon sanitaire autour de la Russie, la couper en trois morceaux et empêcher que ne se crée un bloc géopolique européen contrebalançant la puissance états-unienne. Les deux pays utilisés pour éviter ce cauchemar étaient la Pologne et l’Ukraine. Spéculant sur un abaissement irréversible de la Russie, les Américains se sont lancés dans les opérations de conquête que l’on sait, attaque de l’Irak en 1991 et 2003, démantèlement de la Yougoslavie et tentatives de prise de contrôle politique des anciennes républiques de l’Union Soviétique. Ils combattaient des musulmans au Proche Orient tout en en soutenant d’autres dans les Balkans et le Caucase. Leur but était d’encercler la Russie et d’ essayer de faire oublier leur soutien à Israël. Le 11 septembre 2001 et la « guerre à la terreur » contre l’épouvantail Ben Laden devaient faciliter la projection militaire en Afghanistan et en Irak. Mais les expéditions militaires ont provoqué des réactions et stimulé des résistances. La croisade des démocraties derrière la bannière étoilée s’est avérée être un fiasco. Des alliés ont jetté l’éponde en Irak, la guerre en Afghanistan s’est enlisée et la politique du « nation building » en Bosnie et au Kossovo a été un fiasco. Mieux, elle a permis à la Russie de damer le pion aux Américain en Géorgie et de rendre la monnaie de la pièce du Kossovo en reconnaissant l’indépendance de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie. La conséquence c’est que « l’ordre juridique international » sur lequel prétendaient se fonder les démocraties occidentales a été ruiné par ces mêmes démocraties. C’est tout à fait moral puisqu’elles l’interprétaient à leur façon. Le monde retourne donc à une affirmation bainvillienne des nations et des sphères d’influence.
    Avec la dépréciation du dollar, l’implosion de la bulle financière, les syncopes d’une place boursière aussi emblématiques que Wall Sreet, se profile la fin du rêve de Projet pour le Nouveau Siècle Américain, le fameux « PNAC » des « néocons » . La perte de confiance chez les alliés va de pair avec l’affirmation de nouvelles puissances émergeantes comme le Brésil, l’Inde, la Chine qui ont leur mot à dire. En Amérique latine, chasse gardée de l’oncle Sam, Washington a une épine dans le pied au Venezuela, plantée par la « révolution bolivarienne » d’un Chavez qui parle au nom de tout le Cône sud et y provoque la contagion. Riche de son pétrole, Chavez peut défier le maître yankee et les peuples l’Amérique latine applaudissent.
    La crise du capitalisme financier et de l’économie virtuelle détruit le mythe du progrès et de l’invincibilité de l’Occident américain au moins autant sinon plus que les échecs militaires en Irak et en Afghanistan. « L’empire est au bord de sa fin » explique Emmanuel Todd. Il n’est pas le seul. Aux Etats-Unis les analystes Charles Kupchan, Thomas Fingar, Jim Lobe, Michael Lind et maints autres commentateurs pensent que c’est le début de la fin. Le modèle américaniste est discrédité, l’économie est en récession, le moral est atteint. Un certain Andrew Bacevich a sorti un bestseller intitulé « The limits of Power. The End of American Exceptionalism » L’influence des Etats-Unis est en baisse. L’Amérique n’est plus l’avenir de l’Humanité. On le savait mais maintenant de plus en plus de learders d’opinion le disent. Bref ce « colosse aux pieds d’argile », malgré ses 761 bases militaires à travers le monde et un budget défense dépassant ceux de tous les autres pays réunis semble devoir s’écrouler.
    Donc peu importe qui gagne les présidentielles. En s’excitant sur cette mascarade comme si c’était l’acte fondateur du futur la presse française montre où est sa Mecque. Que ce soit le Démocrate Obama ou le Républicain MacCain, cela n’a aucune importance et ne change rien à la suite des évènements. C’est le système global - « global » ce mot maniaque des think tank états-uniens - qui est brutalement remis en cause. Comme les tours de Manhattan la Nouvelle Carthage arrogante et belliciste est sur le point de s’écrouler. Que l’on ne compte pas sur la communication ou le marketing des sociétés de relations publiques pour inverser la tendance, un monde multipolaire est en train de surgir. Que l’on pense à tous les changements que cet ordre nouveau et l’affirmation d’un pôle géopolitique eurasiatique vont entraîner.

    Comment situez vous l’Europe dans cette logique de grands espaces et quelle devrait être son rôle au sein d’un monde multipolaire ?
    Les têtes officielles de l’ Europe, comme José Manuel Barroso ou Javier Solana, sont des agents américains. Venant souvent de la gauche, ils ont été lavés et reçyclés par les services compétents pour devenir les petits toutous aboyants de l’oncle Sam. Avec la crise, l’Europe de Bruxelles apparaît comme ce qu’elle est, un géant économique et un nain politique ligoté aux Etats-Unis. Depuis 1945 cette Europe, qui s’est élargie et est devenue l’Union Européenne, a été volontairement maintenue dans un état de dépendance politique et militaire que dénonçait il y a quarante deux ans déjà le Général de Gaulle. Ne voulant pas subir la loi des Anglo-Saxons ce conservateur révolutionnaire avait sorti la France du commandement militaire intégré de l’OTAN et démantelé les bases américaines. Les atlantistes prétendent que c’est le passé mais la sortie de l’OTAN et le démantèlement des bases militaires US sont au contraire l’avenir de l’Europe. Nos amis serbes pourront ainsi assister au démontage des bases américaines des entités fantoches, à la fin de Camp Bondsteel et de tous les Camp Monteith et autres Able Sentry. L’industrie d’armements européenne y gagnera. Les Etats européens qui auront le moins collaboré y gagneront. Le zèle des marionnettes de l’Amérique, de ces entités qui ont donné des boulevards à Clinton et à Bush sera sanctionné. Les juges d’aujourd’hui seront les accusés de demain. Pour avoir une idée de ce que sera cette Europe il faut lire les écrits de Jean Thiriart en les replaçant dans le contexte de notre temps.

    La Russie semble sortir d’une longue hibernation et se préparer a être un acteur de premier plan. Pensez vous que ce pays a les moyens de surmonter les défis en cours ? (démographie, santé, provocations militaires occidentales, immigration chinoise très forte en Sibérie...) ? Comment jugez vous globalement la nouvelle administration Russe depuis 1999 ?
    Il y a une grande différence avec la période Eltsine. Un pouvoir fort apte à la décision, une économie qui se porte mieux, une armée qui se reconstruit. Au dedans le tandem Poutine-Medvedev fonctionne bien et a gagné en popularité, au dehors la Russie est non seulement crainte et respectée mais encore elle est devenue un espoir pour tous ceux qui ne supportent plus l’hégémonie des Etats-Unis. La Russie est perçue comme la puissance susceptible de briser le monopole de Washington. Idéologiquement critiquable, le libéralisme étatique russe est un moyen pour développer une économie viable. La solution à terme étant un nouveau socialisme national de champ continental.
    On peut espérer que les perspectives démographiques s’améliorent. Les mesures natalistes prises par Vladimir Poutine vont dans le bon sens. Elles devraient être renforcées. L’immigration chinoise en Sibérie correspond à un flux de main d’oeuvre difficile à éviter. Il faut le contrôler. Les Occidentaux qui font mine de s’inquiéter d’un « péril jaune » en Sibérie feraient bien de balayer devant leur porte, eux qui se sont montrés incapables de résoudre la question de l’immigration chez eux. La crise systémique où nous sommes peut faciliter la résolution de ce problème et tarir les flux migratoires, ne serait-ce que si les « pays d’accueil » deviennent moins attractifs pour des raisons économiques.
    L’agressivité de l’OTAN qui depuis la fin de l’Union Soviétique cherche à encercler la Russie de la Baltique aux « Balkans d’Eurasie » en passant par les rives de la Mer Noire, aura été finalement « un mal qui entraine un bien ». Elle aura fait prendre conscience au Kremlin de la nécessité de se doter de moyens de défense à la hauteur des nouveaux défis et de nouer de nouvelles alliances. Les associations comme l’Organisation de Coopération de Shangaï (OCS) ou Brésil Russie Inde Chine (BRIC) s’inscrivent dans cette perspective. Il était temps de contre-attaquer à ce niveau car la Russie a perdu du temps et des opportunités en particulier dans les Balkans avec la Serbie trahie sous Eltsine et mal soutenue sous Poutine jusqu’à l’affaire récente du Kossovo. Le Kossovo semble avoir été l’ électrochoc d’une Russie restée trop longtemps passive et qui commettait l’erreur de se cantonner à la diplomatie. Les Occidentaux ont longtemps pris cela pour de la faiblesse jusqu’au réveil estival de l’ « Ours Russe » en Géorgie. Une réaction liée à l’affaire du Kossovo. « Quand je dis « Kossovo » je pense « Caucase » » déclarait Poutine le 31 janvier 2006.

    La grand bouleversement du prochain siècle sera probablement double : leadership mondial, économique asiatique (Chinois ?) et explosion démographique du monde musulman. Comment estimez vous compatible / incompatible ces deux éléments ?
    La Chine est un monde et se considère comme le centre de la planète. Cela a toujours été ainsi et c’est la signification du terme « Empire du Milieu ». A Pékin j’ai demandé à des dirigeants chinois des instances suprêmes du Parti et de l’Etat ce qu’ils voulaient. La réponse a été claire. Nous voulons, m’ont-ils répondu, dépasser le Japon et devenir la puissance prépondérante en Asie. Ils veulent récupérer Taïwan. Ils m’ont dit aussi souhaiter une Europe plus forte et moins dépendante des Etats-Unis. Ils ont une certaine fascination pour l’Allemagne qui travaille fort et est disciplinée. Les Français sont sympathiques mais peu efficaces. Les Arabes ne sont jamais à l’heure (...). Les Anglo-américains sont les continuateurs des Guerres de l’Opium. On peut s’entendre avec les Russes. L’Organisation de Coopération de Shangaï est une sécurité pour les deux. Voilà, en résumé, comment ils voient le monde.
    On a beaucoup glausé sur le nombre de Chinois, prétendu qu’ils allaient se répandre dans l’univers. La Chine n’est pas un long fleuve tranquille. Sa population d’un milliard trois cent millions d’hommes à ce que l’on dit - personne n’a vérifié mais ce qui est sûr c’est qu’ils sont nombreux... - lui pose de gros problèmes. Démographes et prévisionnistes estiment que le nombre de Chinois devrait chuter aux alentours de 2030. Ses 53 ethnies – il n’y a pas que le groupe majoritaire Han , la superficie des régions séparatistes ethniques et religieuses convoitées comme le Tibet, le Xinkiang et la Mandchourie, le fait que la majorité des Chinois soient concentrés dans la partie est du pays, tout cela nécessite le maintien d’une direction politique forte, une augmentation quantitative et qualitative du budget de la Défense et une industrialisation qui ne soit pas limitée aux seules régions côtières du Pacifique. Avec tous ces problèmes, dont un développement trop rapide et polluant n’est pas l’un des moindres, la Chine a d’autres chats à fouetter que de se lancer dans une aventure extérieure. La question la plus importante pour elle étant maintenant d’avoir accès aux énormes sources d’énergie nécessaires à son développement. Ces dernières se trouvent au Proche Orient et en Afrique.
    Pour ce qui est de l’expansion démographique du monde musulman, elle est là aussi d’abord un problème pour ce monde musulman qui est, par ailleurs, loin d’être homogène. Les musulmans se tournent tous vers La Mecque pour prier et se soumettent aux règles du Coran, mais ces musulmans sont très différents. Il faut tenir compte des oppositions entre Sunnites et Schiites, ne pas confondre l’Islam avec l’intégrisme wahabbite qui vient d’Arabie Séoudite, savoir que les Arabes, qui contrôlent les principaux lieux saints de l’Islam, sont minoritaires dans l’Oumma. La majorité est faite d’autres ethnies, d’Indonésiens, de Pakistanais, de Malais, de Perses, de Turcs. Même s’ils se tournent vers La Mecque les musulmans de Russie ont aussi leurs particularités et l’on trouve chez beaucoup de musulmans une compréhension et une sympathie envers un monde orthodoxe qui n’est pas sans points de ressemblance avec l’Islam. Donc il ne faut pas se faire d’ennemis dans le monde musulman sous prétexte que certains s’y comportent mal. La direction russe l’a compris, qui a fait entrer la Fédération dans l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI), collabore avec les musulmans du dedans et tend la main aux musulmans du dehors, entretenant de bonnes relations avec les pays les plus importants de l’Islam, la Turquie, l’ Iran, l’ Indonésie, le Pakistan et même l’ Arabie Séoudite.

    La France (aux commandes de l’UE), et son tandem Sarkozy-Fillon, semble jouer sur un rapprochement très fort et avec la Russie et avec l’Amérique. Jugez vous cette double orientation crédible, et quel est d’après vous son sens profond ?
    « Sarközy l’Américain », comme il s’est qualifié avant son élection, incarne une France amnésique, déboussolée, affaiblie par le capitalisme financier, la démocratie libérale, l’ingérence étrangère et une immigration colonisation de peuplement porteuse de conflits. A la fiche des ministres le gouvernement Sarközy-Fillon n’est pas le gouvernement de la France mais un gouvernement de l’étranger. Comme Iouchtchenko en Ukraine, Sarközy a été élu avec l’aide des Américains. La sous secrétaire d’Etat US, Karen Huyghes, l’a publiquement reconnu il y a un an avant d’être licenciée, comme l’anglais Gordon Brown et le turc Erdogan, Sarközy a fait partie d’un « programme ». On sait que sa campagne électorale a été élaborée par Boston Consulting Group, les sondages favorables étaient distillés dans la presse par OpinionWay et les résultats du ministère de l’intérieur, avant publication officielle, étaient filtrés par Level 3 Communications, une société basée à Denver, Colorado. Il faut se souvenir de ce qu’avait dit la Secrétaire d’Etat Condoleeza Rice au début 2003 après le refus du précédent gouvernement Chirac-de Villepin de participer à la guerre américaine contre l’Irak : « Nous allons punir la France, ignorer l’Allemagne et pardonner à la Russie ». Le pardon à la Russie était hypocrite. Dans cette période de l’après 11 septembre 2001 les Etats-Unis faisaient semblant de croire à la participation de la Russie à la « guerre à la terreur ». Et avaient besoin de Moscou pour alimenter via la Russie leur corps expéditionnaire à Kaboul. En revanche ils en voulaient vivement à la France jusqu’à faire vider les bouteilles de vin français dans les canivaux et à rebaptiser leurs French fries « Freedom fries ». C’était l’époque où l’on évoquait la possibilité d’un axe Paris-Berlin-Moscou, un axe que Washington voulait à tout prix empêcher de voir naître pour les raisons décrites par Zbigniew Brzezinski.
    Toujours est-il que Sarközy, aussi mauvais soit-il, est autant conduit par la France qu’il la conduit. Malgré ses allégeances atlantistes, malgré l’influence négative des lobbies, Sarközy dispose d’un véhicule soumis à une réalité géographique, à une constante historique et à des pesanteurs sociologiques, qui s’appelle la Nation française. Superficiel mais doué pour la communication, l’individu est opportuniste et peut très bien, s’il le juge conforme à son intérêt, changer de discours politique. On l’a vu dans l’affaire géorgienne où, à l’opposé de l’activisme forcené d’un Kouchner (aussi russophobe qu’il est serbophobe et sans doute aussi francophobe) en faveur de Saakachvili, le président de la France, président en exercice de l’Union Européenne, a arrondi les angles avec la Russie au grand dam de la Grande Bretagne, de la Pologne et des Pays Baltes. Sans doute les considérations énergétiques jouent-elles un rôle dans ce comportement mais elles n’expliquent pas tout. Malgré son penchant américaniste, Sarközy se rend bien compte, lui aussi, du déclin états-unien, il connait l’impopularité de Washington dans le monde et, sur un plan psychologique, c’est quelqu’un qui est impressionné par la force. Or aujourd’hui la force déclinante ce sont les Etats-Unis et la force montante, encore plus visible depuis la contre-attaque russe en Géorgie, c’est la Russie. L’Europe est entre les deux, géographiquement plus proche de la Russie que des Etats-Unis, et la France n’a pas fini de subir l’héritage des idées-force gaulliennes. Sarközy, malgré sa fascination pour Bush, n’a pas été très bien traîté par la presse anglo-saxonne qui le caricaturise en petit Napoléon à talonnettes et se moque de lui. En revanche il a été correctement accueilli par les dirigeants et la presse russes. Tout cela explique la déclaration de Sarközy au World Policy Center de l’IFRI à Evian début octobre en présence de Dmitri Medvedev, à savoir la désignation publique de la Géorgie de Saakachvili comme l’agresseur.

    Le Pentagone semble vouloir aspirer l’Ukraine dans l’OTAN (après l’échec géorgien) et installer sa flotte dans la mer noire. Ajouté aux remous politiques en cours et aux échéances électorales proches en Ukraine, peut on imaginer un "conflit" dans ce pays et une scission en deux ou trois entités, à la manière yougoslave ?
    L’ Ukraine me fait penser au Liban et à la Yougoslavie à la veille de leurs guerres civiles. On présentait ces deux derniers pays comme des modèles de cohabitation et de fraternité entre ethnies et religions et puis on sait ce qui s’est passé. On ne peut donc pas exclure un morcellement de l’Ukraine à la faveur d’une crise plus grave que les autres. Mais l’intérêt de la Russie n’est pas de faire éclater ce pays mais de voir accéder au pouvoir une direction politique qui ne soit pas hostile, c’est-à-dire qui ne fasse pas adhérer l’Ukraine à l’OTAN. Car plus que pour la Géorgie une adhésion de l’Ukraine à l’OTAN serait un casus belli pour la Russie et pour s’en convaincre il suffit de regarder une carte. La Mer Noire deviendrait un lac de l’OTAN.
    L’Ukraine dans l’OTAN, ce serait le départ obligatoire de la Flotte russe de Crimée. A ce moment là nous aurions les mouvements suivants : sécession immédiate de la Crimée majoritairement russe et qui a manifesté massivement contre l’OTAN ces derniers mois. Sécession de l’Est de l’Ukraine, des régions de Karkhov et dе Donetsk. Sécession de la côte autour du port d’Odessa. La jonction serait établie avec le Pridnestrovie, cette bande de territoire « russophone » appartenant aux « conflits gelés », qui longe le Dniestr sur 400 kilomètres et qui, sous le nom connu de Transnistrie, trace la frontière avec les pays roumains. Kiev pourrait se trouver dans la situation de Belgrade avec un territoire réduit et des entités qui lui échappent. On peut même imaginer que la région de Lvov (Lviv) se tourne vers la Pologne. Ce serait tout le plan des Brzezinski qui volerait en éclat. Ce plan soutenu par Soros et les fondations pour la « révolution orange » ne visait pas simplement à installer un pouvoir antirusse à Kiev, il visait aussi à souder l’Ukraine à la Pologne pour en faire un puissant cheval de Troie occidental contre la Russie. Et contrebalancer le « couple franco-allemand » jugé peu sûr et en permanence suspecté de loucher sur la Russie.

    Pourriez vous conseiller aux lecteurs cinq ouvrages clefs à lire, cinq sites / blogs a consulter ?
    Les livres que j’apporterais sur une île déserte ?
    Le Fil de l’Epée de Charles de Gaulle, le Traité de Sociologie Générale de Vilfredo Pareto, Le Viol des Foules par la Propagande Politique de Serge Tchakotine, les Réflexions sur la Violence de Georges Sorel et Les Conséquences Politiques de la Paix de Jacques Bainville.
    Pour les sites français, je consulte fréquemment :
    dedefensa
    réseau voltaire
    zebrastationpolaire
    toutsaufsarkozy
    Dissonance

    Avez-vous quelque chose à ajouter ?
    Allons plus loin et parlons de la Révolution Européenne. Dans une seconde phase il faudra songer à donner consistance à cet Axe Paris-Berlin-Moscou déjà évoqué. Avant d’en arriver là, il apparaît absolument nécessaire que se constitue avec la Russie une Centrale internationale destinée à populariser dans les cercles influents l’idée d’un Bloc Géopolitique paneuropéen et à impulser dans tous les pays un mouvement d’avant-garde pour la libération nationale et l’unification de l’Europe. Il est évident que je ne parle pas ici de la petite Europe institutionnelle de l’Atlantique à la Mer Noire, qui n’est qu’une colonie américaine, mais de cette Grande Europe dont le coeur se trouve, au propre comme au figuré, en Russie et qui s’étend géographiquement de l’Atlantique au Pacifique, ou pour reprendre la formule de Jean Thiriart, de Vladivostok à Reykjavik. Dans cette attente, dans toute l’Europe résistante, nos camarades et amis suivent avec le plus grand intérêt le développement des forces qui ont déjà à leur actif le fait d’avoir fourni un cadre géopolitique conceptuel à la direction de la Russie. Ces forces doivent aller plus loin et mettre sur pied avec d’autres les structures d’un nouveau Komintern adapté aux défis des temps actuels.
    Merci Yves Bataille d’avoir accepté de répondre aux questions d’Alexandre Latsa.
    par Alexandre Latsa  http://www.agoravox.fr

  • “Je pense que la Russie aurait toute sa place dans une Europe des Nations” (B.Gollnisch)

    Le site francophone La voix de la Russie a publié en deux temps, les 28 et 30 novembre, l’entretien que leur a  accordé Bruno Gollnisch le mois dernier. Nous le   reproduisons  ici  in extenso. Coïncidence des dates, l’édition anglaise du célèbre quotidien de l’ère soviétique, La Pravda, mettait en ligne sur son site le 27 novembre un  entretien avec  Jean-Marie Le Pen, dont la traduction française est disponible sur le site NPI - http://www.nationspresse.info/?p=194604. Une occasion de constater une nouvelle fois la convergence de vue entre le président d’honneur du FN et Bruno sur les questions géopolitiques notamment :  les révolutions arabes, le rôle et le poids des  Etats-Unis, la Russie et l’UE…

     « Militairement affirme  ainsi Jean-Marie Le Pen dans La Pravda, les Etats-Unis cherchent à nuire au positionnement des autres puissances régionales telles que la Russie. On le voit aujourd’hui en Syrie où s’affrontent à l’ONU les conceptions russes et chinoises du respect des pouvoirs établis et le soutien américain et occidental des insurrections aux motivations le plus souvent extrémistes et dangereuses. Ces insurrections ont conduit au pouvoir en Tunisie, en Égypte et en Libye des islamistes et amené en Irak l’anarchie et un éclatement ethnique complet (…). »

    « Comme un des slogans des rebelles syriens l’illustre :  les chrétiens au Liban et les alaouites au cimetière . Mais les soutiens occidentaux de la subversion préfèrent alors se boucher les oreillesLa politique russe en la matière est bien plus censée : elle respecte la souveraineté et l’intégrité des Etats tout en étant réaliste puisque préférant la stabilité au chaos. »

    Le président d’honneur du FN souligne également qu’il «  milite pour la réalisation d’un ensemble harmonieux et animé par la volonté d’un destin commun sur l’ensemble de l’espace boréal, allant de Brest à Vladivostok. La Russie et les Europes centrale et occidentale ont de nombreux points communs et de nombreuses convergences d’intérêts. »

    «  Face à un monde de plus en plus instable poursuit-il, en pleine explosion démographique alors que nous connaissons pour notre part un hiver démographique sans précédent et suicidaire, il est certain que notre civilisation européenne y trouverait un outil de salut. Mais il n’en va pas de l’intérêt de ce qui reste la première puissance mondiale, les Etats-Unis, ni des firmes internationales, il est donc évident que les castes aux pouvoir s’y opposeront de toutes leurs forces… »

    Vous lirez ci-dessous,  le contenu de l’entretien  réalisé par La voix de la Russie avec   «  l’un des cadres parmi les plus importants » du FN, Bruno Gollnisch

    Laurent Brayard, La Voix de la Russie : Bonjour Monsieur Bruno Gollnisch, vous êtes député européen et Conseiller régional de Rhône-Alpes, vous avez été député du Rhône et vous êtes l’un des personnages politiques parmi les plus influents au Front National dirigé par Madame Marine le Pen. Votre parcours d’études et universitaire est très brillant et vous êtes titulaires de nombreux diplômes, en plus d’être un spécialiste avéré et reconnu de l’Extrême-Orient. Ai-je bien résumé ? Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur vous-mêmes ?

    Bruno Gollnisch :Voilà un résumé flatteur, et j’aimerais avoir la notoriété et l’influence que vous me prêtez !

    Disons, pour préciser votre présentation, que j’étais d’abord un juriste, spécialisé en droit public, international et comparé. Et, en particulier, dans le droit des pays. J’ai exercé un temps la profession d’avocat. L’essentiel de ma carrière est cependant universitaire, en droit international et comparé et surtout en relation avec l’Extrême-Orient, et notamment le Japon.

    Mon engagement politique a commencé à travers le drame de l’Algérie française. Etudiant à Nanterre en 1968, j’ai été secrétaire général de la Fédération nationale des Etudiants de France, opposée aux mouvements gauchistes qui faisaient rage à l’époque dans l’université française. Ce n’est qu’en 1984, alors doyen de la faculté de langues de Lyon, que j’ai officiellement rejoint Jean-Marie Le Pen et le Front National. Sans cesser d’enseigner, j’ai par la suite exercé diverses fonctions dans le mouvement (secrétaire général, délégué général, vice-président…) ainsi que les mandats que vous mentionnez.

    Je suis également officier de réserve dans la marine nationale.

    La Voix de la Russie : C’est au député européen que je m’adresse, vous occupez un siège dans le parlement européen depuis 1989 et votre expérience est donc très importante. Vous n’êtes pas sans savoir les événements qui secouent l’Europe notamment la crise monétaire dans la zone euro, que pensez-vous de cette situation ? L’Europe peut poursuivre et surmonter cette lame de fond ?

    Bruno Gollnisch :Nous avons dès 1992 (traité de Maastricht), été hostiles au projet de monnaie unique. D’abord, bien évidemment, parce qu’elle prive les nations d’un de leurs principaux attributs de souveraineté : le droit de battre monnaie. Ensuite pour son irrationalité économique : l’euro a été conçu comme un outil idéologique supposé mener mécaniquement à une union politique, et qui n’a au bout du compte profité qu’à l’Allemagne.

    Ce qui devait arriver est arrivé : un choc extérieur ayant des effets asymétriques sur les Etats membres de la zone euro a encore amplifié les divergences et mené à la catastrophe.

    Aujourd’hui, la crise sert de prétexte à la mise sous tutelle des souverainetés budgétaires et fiscales nationales, au nom d’une prétendue « gouvernance économique », à travers pas moins de huit textes, un Pacte et un nouveau traité.

    L’euro monnaie unique ne peut pas fonctionner sans la création d’un super-Etat européen doté d’un budget important, ce que les peuples européens refusent, ou du moins refuseraient massivement si on leur demandait leur avis. C’est pourquoi nous proposons d’organiser une sortie concertée de l’euro et un retour aux monnaies nationales. Afin d’éviter le pire.

    La Voix de la Russie : L’Europe semble déjà à la limite de l’implosion, d’autres candidats restent toutefois sur les rangs, malgré que certains pays renoncent à une entrée dans la zone monétaire européenne, pour le moment. Dans les Balkans, nous pensons aux candidats potentiels qui voudraient sans doute pousser les portes de l’Europe, et nous connaissons la dualité qui existe en Ukraine, et en Moldavie sur la tentation européenne. De votre avis, où l’Europe dite des Nations doit-elle s’arrêter ?

    Bruno Gollnisch : Une véritable Europe des Nations souveraines, fondée sur des coopérations ciblées, concrètes et mutuellement profitables, au choix et selon les intérêts de chaque Etat, et sans institutions bureaucratique supranationale, a vocation à s’étendre à l’ensemble des pays d’Europe. J’entends par Europe une aire géographique définie, et pour paraphraser De Gaulle, de peuplement majoritairement blanc, de culture gréco-latine et de religion chrétienne. La Russie y aurait sa place, mais pas la Turquie.

    En revanche, l’Union européenne telle qu’elle est conçue et qu’elle évolue est une prison des peuples et des nations. Je comprends bien que pour certains Etats, l’appartenance à l’Union est un mirage financier et économique et reste un gage d’ancrage définitif à l’Europe occidentale et aux Etats-Unis. Mais je ne saurais trop mettre en garde ces pays sur la perte d’indépendance et d’identité que cela représente. Les coûts sont énormes pour des avantages très temporaires. Les Grecs, les Irlandais, les Portugais en ont fait l’amère expérience.

    La Voix de la Russie :Il y a peu nous avons vu le cas difficile des Roms, les expulsions, mais aussi les émeutes à Amiens qui montrent une fois encore que les migrants sont mal intégrés à la société française ou tout simplement ce qui est moins dit, n’ont pas l’intention avérée de se fondre dans la civilisation française, pensez-vous que la France et l’Europe d’ailleurs, sont en mesure de régler ce problème de fond ?

    Bruno Gollnisch :C’est effectivement un grave problème : les nouveaux immigrants, et même les enfants des vagues d’immigration non-européenne précédentes, revendiquent désormais haut et fort leur non intégration, la pratique du mode de vie de leur pays d’origine, voire le respect de ces pratiques par les populations autochtones. Certains vont jusqu’à exprimer leur haine de leur pays d’accueil par la violence terroriste.

    La résolution de ce problème passe d’abord par un arrêt de l’immigration ; ensuite par une réforme de notre code de la nationalité que l’on doit fonder sur la filiation, ce que l’on appelle le « droit du sang » ou la manifestation expresse d’une volonté de naturalisation étayée par des preuves concrètes d’assimilation. Et enfin, il faudra bien songer à mettre certains immigrés devant leur contradiction : si le pays qui les a accueillis est cet enfer raciste et discriminatoire qu’ils se plaisent à décrire, qu’ils n’hésitent pas à rentrer chez eux, nous ne les retenons pas !

    La Voix de la Russie : Avec les printemps arabe, nous avons vu dans l’actualité une recrudescence de naufrages de coques de noix, les nouveaux « Boat-peoples », ainsi que l’arrivée massive de migrants dans les îles italiennes de Méditerranée, Lampedusa est souvent citée, pensez-vous que la France pourrait être en mesure de refonder la protection de ses frontières ?

    Bruno Gollnisch : Rétablir les contrôles aux frontières intérieures de l’Union européenne est une priorité et ce n’est qu’une question de volonté politique. Cela a été fait, sous couvert des clauses de sauvegarde « Schengen », au moment des débarquements massifs à Lampedusa que vous évoquez. Ce rétablissement des contrôles aurait d’abord un effet dissuasif : tout candidat à l’immigration illégale sait aujourd’hui qu’une fois entré en n’importe quel point de l’Union européenne, il peut facilement « se fondre » dans la nature et arriver dans le pays qu’il souhaite. Expulsé, le cas échéant, il est d’abord renvoyé dans le pays d’entrée, c’est-à-dire toujours dans l’Union européenne. C’est un système absurde.

    La Voix de la Russie :Il existe un problème de visa actuellement entre la France, l’Europe et la Fédération de Russie, je suis moi-même « victime » de cette situation, les citoyens russes ayant de la peine à obtenir les fameux visas, notamment de tourisme, et les citoyens français au moins autant à obtenir les sésames pour venir dans la Fédération de Russie. Il a été souvent question des négociations entre l’Europe et cette dernière quant à l’abolition du régime des visas, j’entends bien sûr de tourisme, mais les choses trainent en longueur depuis des années, que pensez-vous de ce problème ?

    Bruno Gollnisch : Il est en effet absurde qu’une libéralisation des visas de court séjour ait été obtenue par des pays comme l’Albanie et n’avance pas plus vite avec la Russie. Ceci posé, je crois que pour le bien de chacun, des visas devraient rester requis pour des séjours plus longs et d’autres raisons de voyage : la prise en compte des convenances personnelles part sans doute d’un bon sentiment, mais je ne fais pas partie de ceux qui croient que la liberté totale et sans contrôle de circuler et de s’installer où bon lui semble fasse partie des droits imprescriptibles de l’homme. Question de cohérence. Chaque Etat souverain doit pouvoir décider qui et à quelles conditions peut entrer et séjourner sur son territoire.

    La Voix de la Russie : Je ne sais pas si vous connaissez la Russie ou certains pays de l’espace ancien de l’Union Soviétique, mais en tant qu’habitant de la Russie et de Moscou, j’ai souvent l’impression que la France prend à la légère la Russie et qu’une incompréhension regrettable est présente entre les deux mondes. De votre avis personnel, les relations franco-russes ne devraient-elles pas faire l’objet de plus d’attention de la part de la France ? Quelle est l’opinion générale au Front National, sur le thème de la Russie ? Ne devrait-elle pas se trouver un partenaire plus étroit de la France ?

    Bruno Gollnisch : Vous prêchez un convaincu ! Ma sympathie pour la Russie est sans doute un héritage de famille : mon arrière-grand-père, ministre des affaires étrangères à la fin du XIXème siècle, a été l’initiateur de l’alliance franco-russe !

    Je pense que la Russie aurait toute sa place dans une Europe des Nations. Nous avons besoin d’elle pour équilibrer la prépondérance excessive de Washington, lutter contre le Mondialisme, concevoir ensemble des projets de développement scientifiques, culturels, énergétiques, industriels.

    Je reste effaré de l’hostilité manifestée au Parlement européen à la Russie qui semble être devenue un adversaire au moment où elle cessait d’être l’Union soviétique, et surtout depuis l’accession de Vladimir Poutine au pouvoir. Trop patriote sans doute aux yeux de gens qui ne jurent que par la mondialisation heureuse et l’indifférenciation des peuples.

    La Voix de la Russie : Ma dernière question portera sur les événements syriens et des printemps arabes, vous n’êtes pas sans ignorer non plus la divergence de position entre la France et la Russie sur ce point. J’aimerais que vous nous donniez personnellement votre sentiment à vous, sur la crise terrible qui secoue la Syrie et sur la politique qui a été menée et qui est menée par les gouvernements français, notamment de Messieurs Sarkozy et Hollande ?

    Bruno Gollnisch : Sur ces questions, nous avons encore été ceux qui ont alerté sur les conséquences prévisibles de ces printemps arabes, déjà devenus quasi-hivers islamistes. Nous pensons que le gouvernement français joue avec le feu dans cette tentative de déstabilisation de la région. Je remarque au passage la schizophrénie dudit gouvernement, qui prétend combattre avec la plus grande fermeté l’islamisme radical en France mais soutien, directement ou indirectement, les djihadistes à l’étranger, y compris des « Français » venus en Syrie faire la guerre sainte et instaurer un régime fondé sur la Charia.

    Certes, le régime de Bachar el-Assad n’est pas un exemple de démocratie parlementaire, mais il me semble qu’il est perfectible. Il n’était pas hostile à « l’Occident », il a assuré jusqu’à récemment la stabilité des communautés vivant sur son territoire et notamment garanti aux communautés chrétiennes, parce qu’il est laïc, une tranquillité sans équivalent aujourd’hui en Orient. C’est une problématique à laquelle je suis particulièrement sensible.

    Tout n’est pas noir ou blanc, comme on voudrait nous le faire croire, et l’attitude mesurée des Etats-Unis et d’Israël sur ce dossier devrait alerter même les plus obtus de nos politiciens.

    Laurent Brayard, La Voix de la Russie : Monsieur Bruno Gollnisch, il ne me reste plus qu’à vous remercier d’avoir bien voulu répondre à nos questions pour La Voix de la Russie et d’avoir donné à nos lecteurs un peu de votre temps, nous vous en remercions chaleureusement et nous espérons parfois vous retrouver parmi nos lecteurs ! Merci à vous.

    Bruno Gollnisch : C’est moi qui vous remercie.

    http://www.gollnisch.com