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géopolitique - Page 759

  • Conférence du Cercle Non Conforme: Afrique du sud, la faillite de Mandela par J.C. Rolinat - 15 mars 2014

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  • Afghanistan (province de Paktika) : Une bombe US de 500 livres est larguée par erreur sur un poste avancé de l’infanterie américaine

  • Ukraine, pour essayer de comprendre

     

    Alors que la situation en Ukraine continue à dégénérer (plus de 100 morts, des centaines de blessés), et que la désinformation émet à puissance maximale (Alexandre Adler au mieux de sa forme dans ce rôle, ce jour dans "C dans l'air"), nous vous proposons trois analyses complémentaires: la première russe, la deuxième ukrainienne, la troisième française.

     

    Celles-ci ont été exprimées lors d'un colloque sur la Russie à l'Institut de la démocratie et de le coopération, à Paris, le 4 février dernier.

     

    La première est dûe à Madame Tamara GOUZENKOVA, directrice adjointe de l’Institut russe des études stratégiques (Moscou). Extrait.

     

    "Il me semble que la faute principale a été commise juste après le sommet de Vilnius, lorsque le président ukrainien Ianoukovytch, peu intelligent, peu courageux, homme imprévoyant, refusa au dernier moment de signer l’Accord d’Association. Vous pouvez ne pas être d’accord avec moi, mais l’UE aurait dû dire dans cette situation que « si vous n’êtes pas prêt à signer cet Accord, allez-y, préparez-vous bien et lorsque vous vous sentirez prêt, nous signerons l’Accord en question ». Or, au lieu de cela, nous divisons aujourd’hui l’Ukraine. A mon avis, l’UE, la Russie et même les Etats-Unis doivent avoir le courage de reconnaître que l’Ukraine est à l’heure actuelle un pays qui ne peut pas être intégré, quel que soit le système d’intégration. Il est grand temps de laisser l’Ukraine tranquille et ne pas l’ennuyer avec toutes sortes de projet d’intégration. La Russie et l’UE doivent cesser leurs controverses au sujet de l’Ukraine et s’asseoir à la table des négociations.

    En guise de conclusion. Il me semble que nous restons des spectateurs trop détachés de la politique réelle et que nous faisons trop confiance aux hommes politiques. Il serait grand temps que l’opinion publique de tous les pays concernés dise stop à cette politique, dont les créateurs ne font que lutter pour leur propre avenir. Nous avons tous vu ce qui s’est produit en Yougoslavie, en Afrique. Voudrions-nous que la même situation se produise aujourd’hui en Ukraine ?"

     

    Mentionnons au passage que, pour un pays que d'aucuns imaginent comme étant encore l'empire des Soviets, la numéro 2 d'un tel institut semble avoir une certaine liberté de ton, ...

     

    La deuxième est de Rostyslav ICHTCHENKO, président du Centre du Centre d'Analyse et de Pronostique (Kiev). Extrait.  

     

    "A l’heure actuelle, la situation est telle qu’il est tout à fait évident que les deux parties de l’Ukraine seront séparées et tout le monde comprend que c’est pratiquement inévitable. La seule question à se poser, ce n’est pas quand la vraie séparation se réalisera, mais où passera la frontière entre deux parties de l’Ukraine. Je conçois que ni l’UE, ni la Russie n’ont d’intérêt à voir à la place de l’Ukraine actuelle deux voire plusieurs états, mais je ne vois absolument pas comment ils peuvent éviter cette situation."

     

    La troisième est de David TEURTRIE, chercheur au Centre de recherches Europes-Eurasie de l'INALCO.  Long extrait ci-dessous car c'est certainement l'intervention la plus éclairante et la plus complète (car elle n'avait pas besoin des délais de la traduction).

     

    Lire la suite "Ukraine, pour essayer de comprendre"

    Paula Corbulon

    http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/2014/02/ukraine-pour-essayer-de-comprendre.html

  • Attaque chimique en Syrie : le rapport qui dérange

    Une étude du prestigieux MIT affirme que le massacre chimique d'août 2013 a été perpétré depuis une zone rebelle, contredisant les affirmations occidentales.

    L'incident est passé relativement inaperçu. Le 4 février dernier, le chef de la diplomatie française Laurent Fabius est invité par l'école de commerce Essec à s'exprimer sur le dossier syrien. Lors de la séance de questions, un jeune homme se présentant comme journaliste indépendant pour l'Agence Info libre interroge le ministre sur un rapport du Massachusetts Institute of Technology (MIT) selon lequel, affirme le journaliste, "Bachar el-Assad ne serait pas à l'origine de l'attaque chimique de la Ghouta", survenue le 21 août dernier dans cette banlieue de Damas, faisant des centaines de morts, dont de nombreux civils.
    "Pouvez-vous aujourd'hui devant cette assemblée reconnaître que vous vous êtes trompés sur cette situation et présenter vos excuses ?" demande alors le jeune homme. "Certainement pas", répond Laurent Fabius. L'auditoire s'esclaffe de rire. "Il y a eu une enquête des Nations unies qui ont diligenté beaucoup d'experts et qui ont établi de la façon la plus ferme qu'il y avait eu un massacre chimique (...) qui trouvait son origine dans les gens du régime", souligne le ministre des Affaires étrangères. 
    "Mensonges" de Fabius 
    Très vite, la vidéo de la scène se répand comme trainée de poudre sur la Toile, présentée comme la "question qui tue d'un journaliste courageux à Laurent Fabius", accusé de "mentir" sur l'attaque au gaz attribuée à Bachar el-Assad. Ces accusations ne sont pas tout à fait sans fondement. Car si le rapport final de l'ONU sur l'attaque, remis le 12 décembre dernier, confirme l'existence de "preuves flagrantes et convaincantes de l'utilisation d'armes chimiques contre des civils, dont des enfants", dans la région de la Ghouta, il n'accuse nullement le régime syrien, encore moins les rebelles, les inspecteurs onusiens n'étant pas mandatés pour le faire.
    Bachar el-Assad est en revanche incriminé par deux synthèses des services de renseignements américains et français, publiées respectivement le 30 août et le 3 septembre 2013, pour ainsi justifier publiquement des frappes occidentales à venir. "La simultanéité de l'attaque, dans des endroits différents, réclame un savoir-faire tactique indéniable que seul le régime syrien possède", assure encore aujourd'hui Olivier Lepick, spécialiste des armes chimiques à la Fondation pour la recherche stratégique.
    Preuves sur Internet 
    Cette menace crédible d'une intervention militaire en Syrie avait finalement poussé le régime syrien à démanteler son arsenal chimique, à la faveur d'un rocambolesque accord américano-russe, dont la France a été écartée.
    Or, les conclusions des services de renseignement américain et français sont aujourd'hui remises en cause par le rapport du MIT. Celui-là même sur lequel s'appuie le journaliste indépendant cité plus haut.
    Rédigé par Richard Lloyd, ancien inspecteur de l'ONU spécialiste des missiles, et Theodore Postol, professeur au MIT, le document de 23 pages affirme que les attaques chimiques ont tout simplement été lancées depuis une zone tenue par les rebelles syriens. Pour étayer leurs propos, les deux experts américains ont étudié des "centaines" de photos et des vidéos d'ogive, de restes de roquettes, d'impacts sur le sol, et de barils contenant le gaz sarin, publiées sur Internet.
    Approximations américaines 
    "Ces sources proviennent d'Internet, mais nous nous sommes ensuite livrés à une analyse physique interne qui nous a permis d'établir le volume de gaz sarin utilisé, la portée des missiles, leur direction ainsi que l'endroit d'où ils ont été tirés", explique le Docteur George Stejic, directeur des laboratoires Tesla, qui emploient Richard Lloyd. Première conclusion, "contrairement aux dires du rapport américain, les impacts ont été confinés à une zone bien plus réduite du nord de la Ghouta", affirme le chercheur.
    Seconde conclusion, sûrement la plus importante, les roquettes tirées avaient toutes les caractéristiques de missiles de type Grad, de courte portée, sur lesquels étaient fixés les barils de gaz. "Après l'étude du poids des barils, de la géométrie des têtes et des caractéristiques des lanceurs, nous avons conclu à une portée de 2 kilomètres", souligne le chercheur. Une conclusion que François Géré, directeur de l'Institut français d'analyse stratégique (Ifas), juge "crédible", d'autant plus qu'elle est évoquée par le rapport final de l'ONU sur l'attaque de la Ghouta.
    Une "bonne estimation" (ONU) 
    "Le missile Grad est connu comme étant une arme bas de gamme, possédant une portée de 2 à 5 kilomètres avec des armes conventionnelles, et dont l'imprécision est assez importante, ce qui expliquerait les nombreuses pertes civiles de la Ghouta", affirme le chercheur. Les deux kilomètres de portée, avancés par le rapport du MIT, ont été jugés comme une "bonne estimation" par Ake Sellström, l'inspecteur en chef de l'ONU en Syrie, après la remise du rapport de l'ONU en décembre dernier.
    Ce chiffre est capital. Car il remet totalement en question le rapport américain, sur lequel s'est basé le 30 août le secrétaire d'État John Kerry, qui affirme que les roquettes ont été tirées depuis le "coeur" du territoire contrôlé par le régime à Damas. "C'est tout simplement impossible, affirme le Docteur George Stejic, la position la plus proche du régime se trouvant à quelque 10 kilomètres des impacts."
    "Difficile à vérifier" (expert) 
    Pour déterminer ces distances, les deux experts américains se sont basés sur les mêmes cartes de Damas fournies le 30 août par le renseignement américain pour accuser le régime.
    "Nous pouvons aujourd'hui affirmer à 100 % que tout point à deux kilomètres des impacts se situe en territoire rebelle. Mais cela ne signifie pas obligatoirement que ce sont les rebelles qui ont tiré." En effet, comme le rappelle François Géré, il est probable que le régime ait avancé ses vecteurs de lancement au plus près des positions adverses, pour réduire le temps de passage au-dessus de ses propres troupes et ainsi diminuer les risques de bavure. Le spécialiste du chimique Olivier Lepick abonde dans le même sens, ajoutant que des roquettes peuvent tout à fait être déplacées en territoire rebelle grâce à des véhicules tout-terrains.
    Toutefois, cet expert se montre assez circonspect sur les conclusions du rapport du MIT, bien qu'il salue la démarche de ses auteurs. "Ce rapport repose sur beaucoup d'hypothèses très difficiles à vérifier d'un point de vue technique, telles que la portée des missiles, la distance qu'ils ont parcourue et le calcul des charges de propulsion", pointe Olivier Lepick. "Tous ces paramètres ne permettent pas d'établir de conclusions catégoriques."
    Chercheurs "expérimentés et crédibles" 
    "Notre institut et ses chercheurs ont toute l'expertise nécessaire pour analyser ces roquettes et les comparer aux mêmes modèles utilisés au cours des soixante dernières années", répond le Docteur George Stejic, qui rappelle que les laboratoires Tesla ont pour habitude de travailler pour le gouvernement américain et la Navy, et que Richard Lloyd a dernièrement travaillé sur le bouclier anti-missile israélien Iron Dome, ou sur les attentats de Boston.
    "Richard Lloyd et Theodore Postol sont des experts très sérieux et expérimentés, tout à fait crédibles", souligne François Géré. "Postol est connu pour être un libéral américain contestataire, qui a mis la science au service de sa lutte depuis l'époque Reagan." Sauf qu'à la différence des inspecteurs de l'ONU, les deux experts ne se sont pas rendus en Syrie, se basant ainsi sur des documents de seconde, si ce n'est de troisième main.
    Silence de l'ONU 
    "Clairement, nous aurions eu de bien meilleures données si nous avions pu nous rendre sur le terrain", admet volontiers le Docteur Stejic. "Mais je peux affirmer que, si nous avons malgré tout réussi à apporter des conclusions probantes, l'ONU a la capacité de révéler précisément la portée des roquettes, d'où elles venaient et qui en est l'auteur. Or, ceci ne figure pas dans le rapport. Pourquoi ? Contactées par nos soins, les Nations unies rappellent que "toutes les infos dont (elles) disposent figurent dans le rapport écrit par l'équipe d'Ake Sellstrom." En revanche, l'ONU ne souhaite pas commenter le rapport du MIT.
    Une chose est sûre, contrairement aux dires du journaliste qui a interpellé Laurent Fabius à l'Essec, le rapport du MIT ne disculpe pas Bachar el-Assad. Mais il contredit formellement les rapports des renseignements américains et français, qui accusent le président syrien du massacre chimique du 21 août 2013. "Ces renseignements frauduleux auraient pu mener à une action militaire américaine injustifiée basée sur de fausses informations", souligne ainsi le document.
    "Ce ne sont pas de faux renseignements", réplique François Géré. "Les conclusions des services ne sont pas formelles à 100 %, quant à celles de l'ONU, elles sont beaucoup plus prudentes. Tout le reste est de la politique", poursuit le chercheur, qui rappelle qu'il existe, étant donné le savoir-faire requis pour lancer des armes chimiques, "98 % de chances pour que le régime syrien soit l'auteur de l'attaque, bien qu'il ne faille pas négliger les 2 % restants". Il n'empêche, après le scandale sur les fausses armes de destructions massives en Irak, ce rapport pourrait à nouveau plonger dans l'embarras l'administration américaine, et faire le jeu des partisans de Bachar el-Assad.

    Source

    http://www.oragesdacier.info/

  • Hollande à Washington Etait-ce bien nécessaire?

    Ex: http://www.europesolidaire.eu/
     Les visites d'Etat sont un rite utile dans toute diplomatie qui se respecte. Elles permettent au chef d'Etat visiteur de rappeler l'indéfectible amitié qui lie les deux pays. Elles permettent à ce même chef d'Etat visiteur de rappeler aux nationaux expatriés que la maison-mère ne les oublie pas...et que le gouvernement en exercice compte le moment venu sur leurs votes. Elles sont enfin l'occasion de contacts commerciaux, voire d'accords, dont certains déboucheront peut-être un jour.
    La visite de François Hollande à Barack Obama n'a pas manqué à cette tradition; Nous avons notamment eu droit une énième fois au rappel de la contribution de La Fayette à la révolution américaine, sans mentionner d'autres amabilités de cette sorte.
    Nous pouvons nous demander cependant si cette visite, précisément en ce début 2014, était bien nécessaire,. Elle aurait pu être repoussée un peu. Ou alors elle aurait du permettre à François Hollande de ne pas s'afficher en allié docile, se bornant à suivre voire précéder les Etats-Unis dans tous les méandres d'une politique internationale incohérente et dangereuse.
    Or rien n'a été dit, que nous sachions, de cette question. Ni concernant l'avenir du conflit syrien, ni concernant les relations (incestueuses) de l'Amérique avec les monarchies du Golfe, ni enfin concernant les manœuvres permanentes que mène Washington pour opposer la Russie aux Etats qui constituaient traditionnellement sa frontière occidentale. En Ukraine, il ne s'agit plus de manœuvres mais d'une véritable guerre soft. Que diraient les américains ou les européens si l'homologue russe de John Kerry débarquait chez eux pour y aider les oppositions à renverser les gouvernements en place?
    En dehors de l'Ukraine, l'Amérique conduit des politiques plus « covert » mais semblables, en direction de la Biélorussie, la Moldavie, la Géorgie, l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Ceci avec l'aide des Etats de l'Union européenne les plus anti-russes. La France qui, quoique l'on en pense, pèse encore d'un certain poids en Europe, n'a-t-elle pas son mot à dire pour calmer le jeu.
    En ce qui concerne la question diplomatique majeure résultant de l'espionnage des pays européens par la NSA, Obama avait déjà fait savoir que le sujet ne sera pas discutée avec Hollande, d'autant plus qu'il avait précédemment dit clairement aux services secrets américains et au Congrès qu'il n'avait en rien l'intention de limiter les intrusions américaines chez les « alliés ».
    Pour le reste, coopération économique internationale, négociations de libre échange, défense de l'environnement et lutte contre l'effet de serre ..., il est clair également que Obama ne fera rien pour tenir compte des points de vue de la France. Aussi bien d'ailleurs, il est également clair que Hollande n'a abordé ces questions que par des allusions discrètes.
    Une faute grave
    En prenant un peu de recul, on peut se demander ce que Hollande cherche en affichant un si total accord avec ce lame duck ou canard boiteux qu'est devenu Obama. Très fragilisé lui-même, il ne verra pas son poids international s'en accroître.
    Dans le même temps, faut-il le rappeler, le Président de la République française avait refusé de se rendre à l'inauguration des Jeux Olympiques de Sotchi formulée par Vladimir Poutine. Il ne s'agit pas d'une bagatelle, ni même d'une erreur, mais d'un faute grave. Non seulement la France s'affiche ce faisant au premier rang de ceux qui de par le monde font du Poutine bashing une politique systématique; mais la France heurte directement les quelques amis qu'elle avait pu conserver en Russie.
    Ceci à un moment où elle aurait le plus intérêt à contribuer au rapprochement de la Russie avec l'Europe. Nous avons plusieurs fois ici exprimé l'opinion que dans un monde de plus en plus en crise, des partenariats stratégiques avec les pays du BRIC s'imposaient à l'Europe. Or au sein du BRIC la Russie est la plus proche de nous. Si une Eurasie se construit, et si la France continue à jouer le caniche de l'Amérique, nous n'en ferons pas partie.
    Jean Paul Baquiast,11/02/2014
    http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2014/02/18/hollande-a-washington.html

  • LA PERSPECTIVE ALTEREUROPEENNE

    Méridien zéro a reçu Georges Feltin-Tracol et Thomas Ferrier pour deviser avec eux sur la perspective altereuropéenne

    altereurope, europe-puissance, européanité, france, union européenne, euro,

    Pour écouter:

    http://www.meridien-zero.com/archive/2014/01/17/emission-n-172-la-perspective-altereuropeenne-5273792.html

  • Carl Schmitt actuel

    Tel est l’intitulé qu’Alain de Benoist vient de donner à son nouvel opus. Sous-titré « guerre juste, terrorisme, état d’urgence, ‘‘nomos de la terre’’ », l’ouvrage se propose, effectivement, d’interpréter l’Histoire du monde contemporain, notamment depuis un certain “11-Septembre”, à la lumière des concepts inventés par Carl Schmitt à une époque elle-même soumise à de grands bouleversements politiques et géopolitiques.
    Idées à l’endroit
    Si Marx a été l’un des grands idéologues des XIXe et XXe siècles, Schmitt pourrait être le philosophe du XXIe. Tel serait le présupposé implicite de ce Carl Schmitt actuel. Cette assertion n’est pas sans risques et les contempteurs haineux comme les thuriféraires fanatiques de Schmitt, tous ignorants de sa pensée, ont, depuis longtemps, pris conscience de l’impact de cette argumentation et de sa réversibilité.
    Alain de Benoist ne s’y trompe guère, qui commence par remettre quelques idées à l’endroit, singulièrement en ce qui concerne l’influence réelle ou supposée de Leo Strauss dans les milieux néoconservateurs américains. « L’idée générale était que Schmitt aurait été un penseur ‘‘nazi’’, que Leo Strauss, complice de Schmitt, aurait propagé à sa suite les mêmes idées ‘‘nazies’’ en Amérique, et que l’entourage de George W. Bush, influencé par la pensée de Leo Strauss, se rattacherait par son intermédiaire aux idées de Schmitt et donc au nazisme. » Cette thèse, évidemment délirante, demeure pourtant tenace, bien qu’il soit fermement établi sans que le doute ne soit plus permis, sauf chez les ignares et les dogmatiques, que « le lien entre les deux hommes [fut] plutôt ténu » et qu’il a été démontré « l’incompatibilité radicale existant entre la théologie politique de Schmitt et la philosophie politique de Strauss ».
    De ce point de vue, l’argumentaire d’Alain de Benoist est absolument convaincant. Une vision par trop monolithique du monde conduit inexorablement et tout uniment les adversaires et les tenants de Schmitt, qu’ils se recrutent au sein des atlantistes ou des anti-américains, à ne pas voir que les libéraux européens sont plus à droite que les libéraux outre-Atlantique (plus à gauche) et que les néoconservateurs américains sont plus proches de ceux-là que de ceux-ci. Dès lors, en toute logique, Schmitt devrait être honni tant par les néoconservateurs américains que par les libéraux européens. Les notions schmitiennes du politique, de l’ordre concret, de l’état d’exception sont, en effet, aux antipodes des conceptions bushistes ou humanitaro-kouchnériennes de criminalisation de l’ennemi, d’”Axe du mal”, de “guerre juste” ou d’antiterrorisme messianique.
    Nouveau Nomos
    De Benoist montre très clairement, en définitive, que Schmitt, des deux côtés de l’Atlantique, n’ayant été ni lu, ni compris, n’a pu être appliqué. Au contraire, depuis le “11-Septembre”, la réponse proprement politique, inhérente au jus publicum europeanum, s’est muée en ce que Schmitt redoutait par-dessus tout, comme négation du politique, en réponse théologique, c’est-à-dire totalitaire. La métaphysique universaliste informée par une vision religieuse des droits de l’Homme a, de manière assez horrifique, supplanté la métaphysique réelle, autrement dit la physique traditionniste des sociétés politiques. Au « Nomos concret du droit international public classique se substitue ce que Schmitt appelait un ‘‘ordre mondial universel’’ et abstrait. Assurément (et malheureusement), l’on assiste à l’émergence d’un nouveau Nomos que Schmitt enfermait dans cette alternative : “grands espaces contre universalisme” ».
    À ce propos, Alain de Benoist nous explique que selon Schmitt, cette nouvelle catégorie juridique de “grand espace” (« Graußraum ») « est appelée à se substituer à l’ancien ordre étatique national entré en crise dès les années trente et aujourd’hui devenu obsolète ». Le « Graußraum » par excellence serait constitué par les empires qui « pourraient bien devenir les principaux acteurs des relations internationales ». Il convient d’être prudent et de se garder de toute dérive nominaliste face à ce type d’analyse qui ferait prendre un constat visionnaire pour une conviction profonde de Schmitt qui, subitement, serait hissé au panthéon des pères fondateurs de l’Europe actuelle.
    Si Alain de Benoist ne prend pas explicitement position sur cette question, on sent bien que ses préférences inclinent vers une rhétorique peu favorable à l’État-nation. C’est oublier que Schmitt, dans Le nouveau Nomos de la terre, étude publiée en 1955, ménageait l’hypothèse d’une réactivation de l’ancien ordre juridique européen, certes différent du premier, mais prenant appui sur le paradigme étatique, fût-il le fruit d’un redécoupage géopolitique. À l’instar de toutes les sociétés humaines, les nations évoluent et se transforment au gré des circonstances et des aléas de l’Histoire. C’est dire, en tout cas, que la pensée de Carl Schmitt ne se laisse pas appréhender facilement, la subtilité d’approche étant préférable à une lecture hâtive.
    L’“exécutif unitaire”
    Quoi qu’il en soit, cette actualisation des concepts schmittiens intervient à point nommé, à un moment où l’on parle de plus en plus de la théorie dite de “l’exécutif unitaire” (« unitary executive »), très en vogue aux États-Unis, d’où elle est originaire, mais également en France où elle commence à faire des émules. Nicolas Sarkozy est ainsi loin d’y être insensible à telle enseigne qu’il n’a pas hésité à rencontrer le 16 juillet 2007 le président de la Cour suprême américaine, John G. Roberts (nommé par George W. Bush, le 19 juillet 2005). Ce dernier, inconnu des européens non spécialistes des questions juridiques, passe pour être un membre influent de la Federalist Society, sorte de réservoir de pensée qui défend, entre autre, l’idée selon laquelle le président des États-Unis, contre la lettre de la Constitution elle-même, peut étendre indéfiniment ses pouvoirs, y compris jusqu’à ceux dévolus au Congrès et sans qu’une autorité judiciaire, quelle qu’elle soit, ne puisse s’opposer à cette expansion. Partant, le président des États-Unis, notamment par la pratique des “déclarations de signatures” (« signing statements ») réécrit et livre sa propre interprétation des lois.
    La justification de cette concentration des pouvoirs réside dans la lutte contre le terrorisme international et contre tout ennemi des États-Unis et de ses intérêts internes et externes. Les détentions arbitraires sur le site de Guantánamo, la torture des détenus, le “Patriot Act” (24 octobre 2001), le “Military Order” (13 novembre 2001), la volonté de l’administration Bush-Cheney-Rice de s’affranchir des conventions internationales sont directement inspirés de ces juristes, tenants de “l’exécutif unitaire”.
    Depuis la nomination, le 31 janvier 2006, de Samuel Alito, la Cour suprême des États-Unis compterait désormais en son sein cinq juges sur neuf qui seraient membres de la Federal Society. Doit-on voir dans ces redoutables déviations du pouvoir une application de la “dictature souveraine” de Schmitt ? Certainement pas, car là où Schmitt se préoccupait de vouloir rétablir un “ordre” (« ordnung ») mis en péril par un état d’exception (« ausnahmefall »), Bush et ses juristes cherchent d’abord à consolider leur hyperpuissance. Le “11-Septembre” a, de ce fait, constitué l’accélérateur autant que le parfait alibi pour asseoir un peu plus leur « hégémonie bienveillante » (« benign hegemony »).
    Le drame est que la France, par les voix irresponsables de Nicolas Sarkozy et de Bernard Kouchner, veuille adhérer à cette doctrine dangereuse, apatride et si peu conforme à ses intérêts. La guerre en Iran est pour bientôt et la France, hélas, n’y sera pas étrangère...
    aleucate@yahoo.fr L’Action Française 2000 du 1 er au 14 novembre 2007
    * Alain de Benoist : Carl Schmitt actuel. Éd. Krisis, 164 pages, 19 euros.

  • Entretien avec Alexandre Douguine sur l'Ukraine (commenté par Pascal Lassalle) Fin

    Nous avons pu observer une situation similaire à Moscou. Alexei Navalny, le blogueur libéral qui y était candidat aux dernières municipales, était soutenu par une alliance allant des mouvements activistes pour les droits des homosexuels aux groupes néo-nazis.
    Tout à fait. Et cette coalition était soutenue par l’Occident. Ce qui pour lui est important, ce n’est pas l’idéologie de ces groupes, elle n’intéresse pas les dirigeants occidentaux.
    Il arrive néanmoins, comme on a pu le voir ces dernières semaines, que le naturel des « bonnes âmes » qui peuplent les rédactions des médias occidentaux revient au galop.
    Que voulez-vous dire ?
    Selon vous qu’est-ce qui arriverait si une organisation néo-nazie soutenait Poutine ou Ianoukovytch ?
    On aurait le retour des « rouges-bruns », plus de 20 ans après.
    L’Union européenne mènerait une campagne politique, tous les médias rendraient compte de ce fait et seraient scandalisés.
    C’est exactement ce qui se passerait. Cela montre que l’important, c’est de quel côté un groupe se tient. Si ce groupe est contre Poutine, contre Ianoukovytch ou contre la Russie, l’idéologie de ce groupe n’a pas d’importance. Si ce groupe soutient Poutine, la Russie ou Ianoukovytch, l’idéologie devient immédiatement un problème majeur. Tout dépend du côté géopolitique que le groupe adopte. Tout se réduit à la géopolitique. Ce qui se passe en Ukraine en est une bonne leçon. Elle nous dit que la géopolitique domine ces conflits et rien d’autre. La même chose se vérifie en Syrie, en Libye, en Égypte, dans le Caucase, en Irak, en Iran …
    Il n’y a pas que la géopolitique ou l’idéologie pour justifier certains positionnements sur les grandes questions internationales
    Tous les groupes qui prennent parti de l’Occident sont donc considérés comme de « bons » groupes, indépendamment de leur extrémisme ?
    Oui, et tout groupe qui prend parti contre l’Occident – même s’il est séculier et modéré – sera traité d’extrémiste par la propagande occidentale. Cette approche domine le champ de bataille géopolitique actuellement. Vous pouvez être le combattant salafiste le plus radical et le plus brutal, vous pouvez haïr les juifs et manger de la chair humaine devant les caméras, tant que vous combattez pour les intérêts occidentaux contre le gouvernement syrien, vous serez un allié respecté et soutenu. Si vous défendez une société modérée, laïque et multi-religieuse - toutes les idées que l’Occident prétend incarner - mais si dans le même temps vous prenez position contre les intérêts occidentaux comme l’a fait le gouvernement syrien, c’est vous qui serez désigné comme l’ennemi. Personne ne s’intéresse à ce à quoi vous croyez, la seule chose qui compte, c’est le camp géopolitique que vous choisissez qui fait que vous avez tort ou raison aux yeux de l’hegemon occidental.
    Exact, surtout lorsque vous prenez les exemples syriens.
    Les groupes nationalistes de l’opposition ukrainienne ne sont pas du tout d’accord avec vous. Ils affirment : « Nous combattons à la fois la Russie et l’Union européenne, nous voulons une troisième voie ! » Est-il possible d’adopter une position tercériste dans la guerre géopolitique actuelle ?
    L’idée d’adopter une position tercériste et indépendante face aux deux blocs dominants est très commune. J’ai eu des discussions intéressantes avec un cadre dirigeant de la guérilla séparatiste tchétchène. Il m’avoua qu’il avait réellement cru à la possibilité d’une Tchétchénie islamique indépendante et libre. Mais ensuite, il comprit qu’il n’y avait pas de possibilité d’une « troisième voie », il comprit qu’il combattait contre la Russie et pour l’Occident, qu’il était un instrument géopolitique de celui-ci, un auxiliaire de l’OTAN sur le champ de bataille caucasien. Il en est de même pour les nationalistes ukrainiens ou les djihadistes arabes. Tous sont des auxiliaires de l’Occident. C’est difficile pour eux de l’admettre, car personne n’aime l’idée d’être un idiot utile de Washington.
    Par rapport à de nombreux à de nombreux commentateurs de ces événements, hostiles à la dynamique insurrectionnelle en cours, vous n’avez plus recours ici au discours réducteur et mécaniste d’une simple manipulation de l’étranger, celles de services et d’officines étatsuniennes en particulier (« révolution colorée » selon le terme convenu), pour expliquer la genèse et le déroulement des événements. Cela est louable car vous savez certainement, qu’à la différence de nombreux manifestants pro-Ianoukovytch, que ce soient les fonctionnaires des administrations locales ou les mineurs du Donbas, sans parler des voyous stipendiés pour propager une peur diffuse (les tristement célèbres titouchkis, recrutés parmi les gros bras des clubs de gym ou les jeunes chômeurs), l’immense majorité des insurgés agissent par conviction et n’ont pas besoin d’être payés pour cela. Leur soutien financier provient en grande partie de petits et moyens entrepreneurs ukrainiens qui en ont assez de vivre dans ce que ce que l’on qualifie en anglais de Blackmail State.
    Pour parler franchement : une « troisième voie » est-elle absolument impossible ?
    Tout à fait. En géopolitique s’affrontent les puissances thalassocratiques et tellurocratiques. Actuellement, la puissance continentale est la Russie, la puissance maritime les États-Unis. Durant la deuxième guerre mondiale, l’Allemagne a tenté de s’imposer comme une troisième voie. Cette tentative fut basée précisément sur l’erreur politique que nous venons d’évoquer. L’Allemagne fit la guerre à la thalassocratie représentée par l’Empire britannique et à la tellurocratie représentée par la Russie. Berlin affronta les plus grandes puissances de son époque et perdit la guerre. Il en résulta la destruction complète de l’Allemagne. Comment voulez-vous donc, alors que la puissante Allemagne fut incapable d’imposer une troisième voie, que des groupes plus petits et plus faibles soient capables d’en instaurer une maintenant ? C’est impossible, c’est une illusion ridicule.
    La défaite de l’Allemagne hitlérienne n’est pas réductible à un schéma géopolitique Terre-Mer, exposé de manière réductrice et rigide. L’illusion ridicule ? Lénine et ses partisans n’étaient qu’une poignée avant les bouleversements de l’année 1917 en Russie.
    La troisième voie n’a décidément plus votre faveur, Alexandre Guelievitch, ce qui n’a pas toujours été le cas. Mais, bien sûr, il est possible de changer d’avis…
    Quelques décennies après l’affrontement Est-Ouest, dans la perspective d’un monde multipolaire que nous appelons tous de nos vœux, nous voyons paradoxalement émerger, malgré la complexité d’une réalité confirmée par les enseignements de la géopolitique et de l’Histoire, de nouvelles logiques bipolaires de nature principalement idéologiques.
    D’un côté, la perspective néo-eurasiste d’Alexandre Douguine qui essentialise une opposition Terre-mer et les théories de Halford J. Mackinder, reprises par Carl Schmitt.
    De l’autre, la perspective conservatrice mise en avant par le Kremlin et ses soutiens européens (cf. l’appel de Moscou en juin 2013 du géopoliticien français Aymeric Chauprade), opposée au nihilisme cosmopolite porté par les oligarchies occidentales américano centrées.
    De fait, chaque patriote et dissident se retrouve, selon ces logiques, dans un camp dont la Russie se veut au minimum l’initiatrice, au maximum l’épicentre.
    Le cas ukrainien révèle, ne vous en déplaise une fois de plus, cher Alexandre Guelievitch, que la troisième voie n’a peut-être pas perdu de son actualité.
    Ceux qui, comme l’auteur de ces lignes ne renoncent pas à certains principes cardinaux et font dans ce cas précis, primer les impératifs identitaires et civilisationnels sur ceux inhérents à certaines alliances et intérêts qu’il ne faudrait surtout pas contrarier, verront leurs sympathie aller à la lutte des révolutionnaires ukrainiens, dans leur tentative, peut-être vouées à l’échec, mais ô combien riche d’enseignements et de symboles, de secouer une domination tyrannique et oligarchique vassalisée par un pays étranger (au moment où j’écris ces lignes, l’assaut des prétoriens du régime sur le camp retranché du Maidan à Kyiv semble avoir commencé).
    Nous nous réservons donc le droit, voire le devoir, d’être en désaccord avec nos amis russes sur certaines questions.
    Ce positionnement tercériste est, bien entendu inconfortable et délicat. Les Ukrainiens qui l’ont expérimenté à plusieurs moments de leur histoire, en savent quelque chose.
    Mais la fortune sourit peut-être aux audacieux. Et les « idiots utiles » ne sont pas toujours ceux que l’on croit…
    Ceux qui affirment combattre aujourd’hui pour une troisième voie indépendante sont donc pour vous en réalité au service de l’Occident. Est-ce bien cela ?
    Oui, dans la plupart des cas.
    Certains hommes politiques allemands ont révélé qu’ils ont été surpris par les scènes de guerre civile à Kiev.
    Cela en dit plus sur la culture politique et historique de vos hommes politiques que sur la crise en Ukraine…
    Moscou donne l’impression d’être très passif dans cette affaire : il ne rend pas la monnaie de leur pièce aux Européens en soutenant des mouvements de contestation chez eux. Pourquoi cela ?
    La Russie n’a pas de projet impérialiste. Moscou respecte la souveraineté des autres pays et n’interfère pas dans leur politique intérieure. C’est une position qui est juste et honnête. Nous pouvons voir cette politique à l’œuvre même en Ukraine. On constate que les hommes politiques européens ainsi que les diplomates et politiciens yankees qui se rendent à Kiev pour soutenir l’opposition sont beaucoup plus nombreux que les hommes politiques russes venant manifester leur soutien à Ianoukovytch. Il ne faut pas oublier que la Russie n’a aucun intérêt hégémonique en Europe, alors que les États-Unis en ont. Pour parler franchement, l’Union européenne n’est pas une entité européenne, mais un projet impérialiste transatlantique. Elle n’est pas au service des intérêts européens mais de ceux de Washington. L’Union européenne est en réalité anti-européenne, et le mouvement EuroMaidan est en réalité anti-EuroMaidan. Les néo-nazis violents d’Ukraine ne sont pas plus nationalistes, qu’ils ne sont patriotes ou européens, ils sont tout simplement des marionnettes des Yankees. Il en est de même pour les Femen et pour les groupes activistes homosexuels ou libéraux de gauche.
    L’ingérence d’un pays dans les affaires d’un autre ne se limite pas à ses aspects les plus visibles et spectaculaires.
    Vladimir Poutine se souvient certainement de ses déconvenues de 2004, lorsqu’il était venu soutenir un peu trop ostensiblement au goût d’une majorité d’Ukrainiens, y compris russophones, le candidat à la présidentielle Viktor Ianoukovytch, entre deux tours de scrutin.
    Sans revenir sur la permanence du discours dépréciatif et diabolisateur signalé plus haut, je préciserai qu’il apparaît évident que la Russie garde des visées hégémoniques et impérialistes, quoiqu’elle en dise dans ses déclarations officielles, sur des nations européennes qu’elle ne renonce pas à inclure dans sa sphère d’influence exclusive, aujourd’hui matérialisée par le projet d’intégration eurasiatique.
    L’Ukraine, incluse dans ce nouveau Yalta, en fait partie.
    À cet égard, depuis l’indépendance formelle de ce pays en 1991, le Kremlin n’a cessé de s’ingérer par tous les leviers possibles et imaginables dans sa politique intérieure. Plusieurs livres ne viendraient pas à bout du sujet.
    Aujourd’hui, de « l’impérialisme orthodoxe » du patriarche Kyrill et de ses visites régulières en Ukraine, avec son projet de « Monde Russe » (« Russkiy Mir »), aux personnages haut placés dans les « structures de force » au sein du gouvernement de Ianoukovytch (ayant souvent fait leur carrière en Russie et possédant la double nationalité, je ne pense pas à l’ancien premier ministre, Mykola Azarov, l’homme qui a préféré porter le nom russe de sa mère plutôt que celui, estonien, de son père) ou à la mainmise, via des procédures « avantageuses », sur des pans entiers de l’économie ukrainienne qui reste ainsi, plus que jamais, largement intégrée à celle de sa grande voisine, on ne compte plus les modes d’ingérence d’un état qui n’a toujours pas accepté, en son for intérieur, l’indépendance inachevée de son ancienne possession.
    (1) : Lire le texte intitulé « La bataille pour l’Ukraine » publié dans votre livre L’appel de l’eurasie, éditions Avatar, 2013, p : 187-207
    (2) : op. cit. p : 87-88
    (3) : Article intitulé « Crise balkanique , crise européenne », consultable ici : http://vouloir.hautetfort.com/archive/2007/05/02/dtc.html
    (4) : Signé par un certain Olivier Pechter, il est consultable ici :
    http://www.legrandsoir.info/l-histoire-cachee-des-femen.html
    Les lecteurs intéressés pourront lire plusieurs de mes réflexions sur ces thématiques, en ligne sur les liens suivants :
    http://www.theatrum-belli.com/archive/2008/03/08/equivoqu...
    http://www.europemaxima.com/?p=1002

    http://www.europemaxima.com/?p=392

     

    http://www.europemaxima.com/?p=1242

     

    http://www.europemaxima.com/?p=1939
    Invitations pour parler de l’Ukraine sur la webradio autonome et dissidente Méridien Zéro :

    http://www.meridien-zero.com/archive/2010/10/11/podcast-d...

     

    http://www.meridien-zero.com/archive/2010/10/18/chronique...

     

    http://www.meridien-zero.com/archive/2014/01/30/emission-...
    Conférence donnée sur la question russe dans le cadre du Cercle Non Conforme de Lille, intégré au réseau M.A.S. (Mouvement d’Action Sociale), le 20 juin 2012 :

    Présentation : http://cerclenonconforme.hautetfort.com/archive/2012/05/3...

     

    Enregistrement : http://www.meridien-zero.com/archive/2012/07/06/emission-...
    http://cerclenonconforme.hautetfort.com/archive/2014/02/18/entretien-avec-alexandre-douguine-sur-l-ukraine-commente-par-pascal-lassall.html

  • Entretien avec Alexandre Douguine sur l'Ukraine (commenté par Pascal Lassalle) 2ième partie

    Mais le président Viktor Ianoukovytch a refusé l’invitation de l’Occident.
    Bien sur qu’il l’a refusée. Il a été élu par l’Ukraine orientale pro-russe et non pas par l’Ukraine occidentale. Ianoukovytch ne peut pas agir contre les intérêts et les souhaits de sa base électorale. S’il avait accepté l’invitation de l’Union Européenne, il aurait immédiatement été considéré comme un traître par ses électeurs. Les partisans de Ianoukovytch veulent l’intégration avec la Russie. Pour parler clairement : Ianoukovytch a simplement fait ce qui était logique pour lui. Il n’y a ni surprise, ni miracle, simplement une logique politique.
    Ianoukovytch a surtout reculé pour des raisons de basse cuisine électorale (volonté d’être réélu en 2015) et du fait de la réaction de Moscou, qui après une brève guerre commerciale en août 2013, lui a fait réaliser quel serait le prix à payer économiquement et socialement en cas de signature des accords avec l’UE. Il est vrai que dans la politique de chantage menée maladroitement par l’ancien gouverneur de Donetsk, l’UE sinistrée ne s‘est pas montrée désireuse de payer le prix nécessaire pour faire pencher la balance de son côté.
    Pour satisfaire sa base électorale « naturelle », mais aussi Moscou, il a fait quelques concessions symboliques dans les domaines linguistiques (russe devenu langue officielle dans les régions russophones), mémoriels et identitaires (réécriture des manuels d’Histoire dans un sens plus favorable aux schémas historiographiques russes, ceux de l’Histoire dite « commune »).
    L’alliance anti-Ianoukovytch comprend des libéraux, des anarchistes, des communistes, des militants des droits des homosexuels, ainsi que des groupes nationalistes qui sont parfois néo-nazis. Qu’est-ce qui unit ces différents mouvements ?
    Ils sont unis par une seule chose : leur haine de la Russie. Ianoukovytch pour eux est l’homme de la Russie, l’ami de Poutine, l’homme de l’Est. Ils haïssent tout ce qui a un rapport avec la Russie. Cette haine les tient unis ; ils forment un bloc de haine. Pour le dire clairement, la haine est leur seul idéologie politique. Ils n’aiment ni l’Union européenne, ni Bruxelles.
    Encore cette « haine » tombée du ciel, chez des gens déshumanisés et animalisés par vos soins, que l’on pourrait croire génétiquement programmés pour détester une vertueuse et innocente Russie. On est loin des beaux principes énoncés dans le cadre de la Quatrième théorie politique dont vous vous faites l’ardent promoteur et ses belles paroles sur le respect des identités, des traditions et des souverainetés pour tous les peuples. Certains sont visiblement plus dignes d’en bénéficier que d’autres (plus égaux aurait dit George Orwell). Un double standard dont vous créditez, à juste titre, les médias mainstream occidentaux, mais que vous n’hésitez pas à pratiquer cyniquement lorsqu’il est question de vos intérêts. Ce qui peut amener le lecteur, un tant soit peu perspicace, à se demander si la vision du monde néo-eurasiste qui est la vôtre ne constitue pas en fin de compte un nouvel habillage du traditionnel impérialisme et chauvinisme que la « Sainte Russie », quelles que soient ses incarnations historiques, a pratiqué de manière récurrente depuis le XVème siècle. Ce qui est autorisé pour certains peuples ne l’est pas pour d’autres, comme les Ukrainiens que vous persistez à vouloir inclure dans votre sphère géopolitique et civilisationnelle, en dépit des enseignements de l’histoire ou de l’ethnologie.
    Ceux-ci, diabolisés par vos propos, ne peuvent se prévaloir d’une démarche positive, celle de construire un état souverain et une nation unifiée, dans une conscience identitaire enfin retrouvée. Dans votre aveuglement et votre obstination à leur dénier ce droit légitime, vous contribuez à être le meilleur promoteur de réflexes russophobes, sans parler du fait de les repousser, par réaction, dans les bras des puissances occidentales et atlantistes.
    Par cette posture funeste, vous faites indiscutablement le jeux de nos ennemis qui ne souhaitent pas voir émerger un monde multipolaire.
    Quels sont les principaux groupes ? Qui détermine les actions de l’opposition ?
    Au sein de ce qu’on nomme les EuroMaidan, ce sont clairement les groupes néo-nazis violents qui dominent. Ils incitent à la violence et tentent de provoquer une situation de guerre civile à Kiev.
    Comme j’avais pu le voir, il y a quelques années, dans vos interventions télévisées à destination d’un public russophone, vous n’hésitez pas, comme les autorités et les médias de votre pays, ainsi que leurs fidèles relais en Occident, à avoir recours à cette reductio ad Hitlerum diabolisante cet « antifascisme » anachronique, inquisitorial et mensonger, pratiqué également par nos pouvoirs oligarchiques, pour discréditer les pensées et les actions des dissidents.
    Nous trouvons ces procédés indignes et déshonorants, qu’ils soient employés à l’Ouest ou à l’Est du continent.
    Décidément, au-delà de leurs oppositions géopolitiques, il semblerait que toutes les oligarchies se ressemblent, dans le « traitement » de leurs opposants ou de leurs hérétiques.
    Tous ceux qui ne se soumettent pas à votre vision mythifiée de l’Histoire (vulgate de la « Grande guerre patriotique ») ou à vos perpectives géopolitiques sont diabolisés, anathémisés et ostracisés, par le recours à ces pratiques totalitaires qui montrent, comme l’écrivait Lampedusa, que « plus les choses changent, plus rien de ne change ».
    Concernant les éléments nationalistes présents sur les barricades de l’EuroMaidan, ceux-ci se rattachent majoritairement à l’héritage de l’Organisation des Nationalistes Ukrainiens (OUN) dans sa branche révolutionnaire, celle de Stepan Bandera (horresco referens !) et de l’Armée Insurrectionnelle Ukrainienne (UPA) qui en est, d’une certaine manière, l’émanation, avec sa bannière noire et rouge et son cri de guerre omniprésents ces dernières semaines. Ces militants et guérilleros ont lutté d’abord contre les Polonais, puis contre les Allemands (après avoir vainement cherché leur appui) et les Soviétiques, jusque dans les années 50.
    Votre honnêteté devrait vous amener à reconnaître que vouloir chercher des soutiens allemands pour édifier un état ukrainien social et national ne fait pas nécessairement de vous quelqu’un d’acquis au racisme national-socialiste (que vous pourriez presque « bénir » d’ailleurs, car il a empêché une synergie germano-ukrainienne, voire germano-russe qui aurait pu changer le cours de la guerre à l’Est). Ce raisonnement est globalement valable également pour la majorité de ceux qui ont servi dans des divisions de la Waffen SS, qu’ils aient été Ukrainiens, Bélarussiens, Baltes ou mêmes Russes.
    Cet héritage « bandériste » connaît un certain regain chez un nombre croissant de jeunes ou de moins jeunes à Kyiv, mais aussi dans toute l’Ukraine.
    Tous ces supposés « néo-nazis », naturellement antisémites comme ne se privent pas de le répéter ad nauseam les médias mainstream russes, comme la chaîne de télévision Russia Today, ne sont pas uniquement des « bandéristes » accourus d’Ukraine occidentale (Galicie avec les régions de L’viv, Ternopil’ ou Ivano-Frankivsk), mais des patriotes venus de l’ensemble du pays, ukrainophones et russophones mêlés.
    Ne vous en déplaise, comme vous l’avez montré à de multiples reprises avec des actions hostiles à l’Etat ukrainien initiées par l’organisation de jeunesse de votre mouvement, ces dernières années(2), une nation est peut-être en train de naître difficilement, mais irrésistiblement, quels que soient les combats d’arrière garde des nostalgiques d’une intégration impériale et eurasiatique, minoritaires dans l’ensemble du pays.
    Les Altereuropéens sincères ne peuvent qu’espérer que le bon sens finisse par l’emporter, d’un côté comme de l’autre, pour faciliter la résolution durable de contentieux qui ne font que profiter aux ennemis de nos peuples.
    Dans le cas contraire, et sans avoir les capacités oraculaires de la Pythie de Delphes, je dirai vous n’avez pas fini d’entendre parler des Ukrainiens, ce que vous savez parfaitement d’ailleurs.
    Les médias mainstream occidentaux affirment que le rôle de ces groupes extrémistes est artificiellement amplifié par les médias pro-russes afin de nuire à toute l’opposition.
    S’ils affirment cela, c’est pour botter en touche. Comment pourraient-ils justifier que l’Union européenne et les gouvernements européens soutiennent des mouvements racistes, extrémistes et néo-nazis à l’extérieur des frontières de l’Union européenne alors qu’à l’intérieur de celles-ci, ils mènent des campagnes mélodramatiques contre des groupes d’extrême droite mille fois plus modérés ?
    Peu nous importe en définitive le traitement médiatique en Occident d’une réalité qui s’avère être la suivante : Une minorité active et déterminée, porteuse d’une vision du monde et d’un projet alternatif, comptant quelques centaines de militants nationalistes radicaux, a transformé une contestation initialement pro-UE, en une lutte révolutionnaire pour abattre une clique mafieuse, incarnant un mode de gouvernance étrangers aux traditions politiques nationales et soutenue obstinément par une puissance étrangère. Ces nationalistes révolutionnaires ont su saisir ce moment propice, aidé par la maladresse d’un pouvoir discrédité (violences du 30 novembre 2013 sur Maidan, passage en force le 16 janvier à la Rada d’un arsenal législatif répressif encore pire que ce qui se fait de mieux en Occident ou en Russie). Réunion de plusieurs petits groupes (Tryzub Stepan Bandera, UNA-UNSO…) sur le modèle réticulaire de la leaderless resistance , ce Praviy Sektor (« Secteur Droit ») a su forcer les événements, en « chevauchant le tigre », ravivant un mouvement qui stagnait, radicalisant vers eux des milliers de personnes initialement non politisées et imposant en grande partie leur dynamique à des partis politiques perçus comme trop mous, y compris les nationalistes du parti Svoboda d’Oleh Tyahnybok.
    Un processus révolutionnaire-conservateur semble donc à l’œuvre, processus qui devrait logiquement vous inspirer, cher Alexandre Guelievitch, une certaine sympathie, ainsi que l’aviez fait à l’égard de tous les camps en présence durant la guerre de Bosnie, avec un article publié dans le numéro de la revue belge Vouloir de janvier-mars 1933(3)

    Mais comment les militants des droits des homosexuels et les groupes de la gauche libérale peuvent-ils combattre côte à côte avec des néo-nazis qui sont bien connus pour être homophobes ?
    Avant tout, tous ces groupes haïssent la Russie et le président russe, cela en fait des camarades de combat. Et les groupes de la gauche libérale ne sont pas moins extrémistes que les néo-nazis. Nous les nommons libéraux, mais c’est une erreur. On peut constater en Europe de l’Est et en Russie que, très souvent, le lobby homosexuel et les goupes néo-nazis et ultra-nationalistes sont alliés. De même, le lobby homosexuel a des idées très extrémistes sur la manière de déformer, rééduquer et influencer la société. Nous ne devons pas oublier cela. Le lobby des gays et des lesbiennes n’est pas moins dangereux pour la société que les groupuscules néo-nazis.
    Une série d’amalgames qui peuvent montrer leurs limites lorsqu’on analyse la situation en détails. Cela me fait penser à un article remarquablement documenté à propos des FEMEN, récemment mis en ligne sur internet (4).
    L’offensive chromatique se poursuit : après les « oranges-bruns », voici venu le temps des « roses-bruns » !

    À suivre