Quitte ou double de deux états immergeants.
John Kerry, au terme d’une conférence de presse, s’est laissé aller à inviter les Syriens à détruire leurs arsenaux d’armes chimiques. Les Russes saisissent alors la balle au bond et surenchérissent sur l’ « imprudente » avancée du Secrétaire d’État américain en proposant que lesdites armes chimiques soient effectivement placées sous contrôle international. Damas donne immédiatement son accord, aussitôt suivi par Ban Ki-moon, Secrétaire général des Nations unies.
La réaction en chaîne laisse perplexe. Elle semble en effet trop synchrone pour ne pas être tout à fait fortuite. Il s’agit probablement d’une démarche négociée dans les coulisses du G20, toutes les parties disposant ainsi d’une sortie de crise idéale en sauvant la face. À la surprise générale, le discours adressé à la nation américaine ce mardi 10 septembre a d’ailleurs été conciliant. Cela a forcément déplu à Jérusalem qui a fait distribuer de dérisoires masques à gaz à ses populations alors que le gaz sarin se révèle létal par simple contact avec la peau.
À court ou moyen terme la guerre aura probablement lieu : les Occidentaux s’engageront en Syrie. La France en tout cas s’y emploie fortement. François Hollande a indiqué, à l’issue du Conseil de Défense restreint sur la Syrie, réuni mercredi 11 septembre à l’Elysée, que Paris « restera mobilisé pour sanctionner l’usage d’armes chimiques par le régime syrien ». Paris entend par ailleurs « explorer toutes les voies au Conseil de sécurité » de l’ONU pour un « contrôle effectif et vérifiable » des armes chimiques, a précisé le communiqué présidentiel.
Mardi, la Russie avait jugé « inacceptable » le projet français de résolution à l’ONU, qui « conférait aux autorités syriennes la responsabilité » d’une utilisation des armes chimiques, le 21 août, près de Damas et avait proposé une résolution contraignante pour faire suite à la proposition russe adressée à la Syrie de placer sous contrôle international son stock d’armes chimiques afin de le démanteler. Mardi soir, la France s’est dite prête à modifier, dans certaines limites, son projet de résolution et a souhaité pourvoir en discuter avec la Russie. Le projet de résolution que la France entendait présenter au Conseil de sécurité de l’ONU imposait à la Syrie de déclarer ses armes chimiques dans les quinze jours suivant l’adoption de la dite résolution et d’ouvrir immédiatement les sites concernés aux inspecteurs des Nations unies, faute de quoi Damas s’exposerait à des mesures punitives. La France en habile tacticienne avait rattaché cette résolution au chapitre VII de la charte de l’ONU, qui autorise de fait le Conseil de sécurité à infliger des sanctions qui peuvent aller jusqu’au recours à la force. La Russie s’oppose justement à toute référence au chapitre VII. Pour Paris, l’option de frappes contre la Syrie reste envisagée en cas d’échec de la diplomatie.
Les objectifs de cette intervention possible n’ont toujours pas été précisés par Paris, ni d’ailleurs les risques encourus dans cette opération. Bachar el-Assad n’a pas manqué de rappeler sur CBS qu’il n’était pas seul en cause et qu’une multitude d’acteurs non gouvernementaux seraient susceptibles de s’en prendre aux intérêts américains et français au Proche-Orient ou ailleurs. Le ministre des Affaires Étrangères russes, Sergei Lavrov lui faisait écho en prédisant une « explosion de terrorisme » dans toute la région.
Le sort de la présidence d’Obama se jouera dans les jours qui viennent. L’opinion publique américaine est contre la guerre. Malgré Prism, les Etats-Unis ne contrôlent plus réellement l’information et la communication. Ce qui est maintenant en jeu c’est non seulement la politique étrangère d’Obama mais le rôle même des États-Unis dans l’ordre mondial existant. Les deux votes au Sénat et au Congrès scelleront la présidence Obama. En réalité, le Président américain commandant en chef des armées n’a nul besoin de la permission du Congrès pour utiliser la force. Ce qui se passe généralement, comme ce fut le cas pour la résolution fatale du Golfe du Tonkin en 1964 qui a conduit à la guerre du Vietnam, et plus récemment de la résolution autorisant George W Bush à envahir l’Irak, c’est qu’une autorisation du Congrès de portée générale est donnée quelque temps avant l’opération. Rappelons aussi que, lors des frappes aériennes de 1999 contre la Serbie et lors de l’extension de l’implication étatsunienne dans la campagne de 2011 contre Mouammar Kadhafi en Libye, le Congrès a voté contre les opérations militaires. Mais Bill Clinton, dans le premier cas, et Obama, dans le second, ont outrepassé ces votes. Barak Obama discrédité comme François Hollande dans sa politique intérieure a besoin d’obtenir un soutien précis et spécifique..
En deux ans, depuis Kadhafi, le monde arabe a changé et explosé (Tunisie, Egypte). Les Etats-Unis sont en faillite (Détroit, Chicago), l’opposition au pouvoir fédéral s’accélère et en appelle même à la scission territoriale (Texas). le Président américain ne peut plus ignorer l’opinion du Congrès et du peuple américain. Il serait pour lui politiquement suicidaire qu’il se passe de l’avis du Congrès alors qu’il en a besoin plus que jamais à l’automne. Une chambre dédaignée serait en effet moins encline à faire des compromis au moment où s’annonce une nouvelle épreuve de force sur le budget et un éventuel blocage des institutions dans la discussion sur le renouvellement du plafond de la dette fédérale.
Le Pentagone lui-même est opposé à la guerre. Cela est ressorti de manière évidente du témoignage au Sénat du général Martin Dempsey, président du comité des Chefs d’État-major. Robert Scales, un général à la retraite, très bien au fait de ce qui se passe dans l’armée, a diffusé un communiqué dans lequel il affirme que les généraux américains sont « embarrassés d’être associés à l’amateurisme des efforts de l’Administration Obama » et à une entreprise guerrière qui « viole tous les principes de la guerre ». Ils étaient, ajoute-t-il, « indignés à la perspective d’un acte de guerre destiné uniquement à donner du crédit à la mention irréfléchie de lignes rouges ». Tout cela fait quand même désordre même si à la différence du Congrès, l’armée américaine comme toutes les armées du monde et bien sûr, comme l’armée française obéit aux ordres.
Depuis le G20 de St-Petersburg, nous savons que le monde est scindé en deux, que deux blocs distincts, peut-être demain antagonistes commencent à se dessiner. Dans ce maelstrom, l’Europe doit avant tout sauvegarder ses intérêts.
Michel Lhomme, Metamag, 12/09/2013
http://www.polemia.com/syrie-le-casse-tete-franco-americain/
géopolitique - Page 798
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Syrie : le casse-tête franco-américain
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Maaloula, village chrétien martyr
La Syrie n’a pas terminé son chemin de croix.
C’est un village assis sur le versant sud des pentes de la chaîne montagneuse de l’Anti-Liban, un village connu pour ses refuges troglodytes.
Là, à Maaloula, se réunissaient les premiers chrétiens persécutés pour célébrer leurs cultes il y a deux mille ans. On y trouve le monastère grec-catholique de Mar Takla ombragé par un arbre dont la tradition fait remonter les racines à sainte Thècle. Ce témoin de la foi, disciple de l’apôtre Paul, selon un récit apocryphe, « Les actes de Paul et Thècle », y a son tombeau. C’est l’une des trois dernières localités dans le monde où l’on parle encore l’araméen, la langue du Christ. C’est un village symbole pris d’assaut par la frange islamiste de l’opposition à Assad. Déterminée, elle a assassiné des chrétiens après avoir vainement exigé qu’ils se convertissent à l’islam. Le village devait célébrer la fête de l’Exaltation de la Croix hier.
Maaloula est un nom désormais largement connu en Occident. Cette localité de quelques milliers d’âmes à 55 kilomètres de Damas, est un village martyr. Au petit matin, le 4 septembre dernier, les rebelles islamistes ont lancé une attaque contre la bourgade jusque-là épargnée au milieu du conflit. Les rebelles, dont des djihadistes du Front al-Nosra associés à Al-Qaïda, avaient auparavant envoyé un véhicule militaire conduit par un kamikaze contre le barrage de l’Armée syrienne régulière, tuant les huit soldats qui protégeaient le village. Une fois la localité privée de protection militaire, les rebelles le surplombant ont tiré des obus et à la mitrailleuse anti-aérienne sur son centre. Le nombre de victimes varie selon les sources, ainsi que les méthodes d’assassinat, une agence d’information officielle iranienne parlant même de décapitations de chrétiens, sans confirmation des villageois. [...]
Jean Degert - La suite sur Causeur
http://www.actionfrancaise.net/craf/?Maaloula-village-chretien-martyr
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Le secret des gaz israéliens
Ce sont les recherches israéliennes sur les armes chimiques et biologiques qui ont poussé historiquement la Syrie à rejeter la Convention interdisant les armes chimiques. C’est pourquoi la signature par Damas de ce document risque de mettre en lumière l’existence, et éventuellement la poursuite, de recherches sur des armes sélectives destinées à tuer les seules populations arabes.
Les médias occidentaux paraissent stupéfaits du revirement des États-Unis face à la Syrie. Alors qu’ils annonçaient tous, il y a deux semaines, une campagne de bombardements et la chute inéluctable du « régime », ils restent sans voix devant la reculade de Barack Obama. C’était pourtant probable, comme je l’écrivais dans ces colonnes, l’engagement de Washington en Syrie n’a plus de mobile stratégique important. Sa politique actuelle est d’abord guidée par le souci de conserver son statut d’hyper-puissance unique.
En prenant au mot, ce qui n’était à l’origine qu’une boutade de John Kerry, et en proposant l’adhésion de la Syrie à la Convention sur l’interdiction des armes chimiques, Moscou a satisfait la rhétorique de Washington sans que celui-ci ait à faire une guerre de plus, en période de crise économique. Les États-Unis conservent en théorie leur statut, même si chacun voit bien que c’est désormais la Russie qui mène le jeu.
Les armes chimiques ont deux usages : soit militaires, soit pour exterminer une population. Elles ont été utilisées lors des guerres de tranchées, de la Première Guerre mondiale à l’agression irakienne contre l’Iran, mais elles ne servent à rien dans les guerres modernes, dont le front est toujours mouvant. C’est donc avec soulagement que 189 États ont signé la Convention les interdisant, en 1993 : ils pouvaient ainsi se débarrasser de stocks dangereux et inutiles, dont la garde leur était onéreuse.
Un second usage est l’extermination de populations civiles avant la colonisation de leur territoire. Ainsi en 1935-36, l’Italie fasciste conquiert une large partie de l’Érythrée en éliminant sa population au gaz moutarde. Dans cette perspective coloniale, de 1985 à 1994, Israël finança secrètement les recherches du docteur Wouter Basson au laboratoire de Roodeplaat (Afrique du Sud). Son allié, le régime d’apartheid, cherchait à y mettre au point des substances, chimiques et surtout biologiques, qui n’auraient tué que les individus selon leurs « caractéristiques raciales » (sic), qu’il s’agisse des Palestiniens en particulier et des Arabes en général, ou des personnes à la peau noire. La Commission Vérité et Réconciliation n’a pas été en mesure de déterminer les résultats obtenus par ce programme, ni ce qu’ils sont devenus. Tout au plus a t-elle montré l’implication dans ce vaste projet secret des États-Unis et de la Suisse. Il a été établi que plusieurs milliers de personnes sont mortes comme cobayes du docteur Basson.Si l’on comprend les raisons pour lesquelles ni la Syrie, ni l’Égypte n’ont signé, en 1993, la Convention, l’opportunité offerte à Damas par Moscou de la rejoindre aujourd’hui est une aubaine : non seulement, elle met fin à la crise avec les États-Unis et la France, mais elle permet aussi de se débarrasser de stocks inutiles devenus de plus en plus difficiles à défendre. À toutes fins utiles, le président el-Assad a spécifié que la Syrie agissait à la demande de la Russie et non pas sous la contrainte des États-Unis ; une manière élégante de souligner la responsabilité de Moscou de protéger à l’avenir le pays d’une éventuelle attaque chimique israélienne.
En effet, la colonie juive de Palestine n’a toujours pas ratifié la Convention. Cette situation pourrait rapidement devenir un poids politique pour Tel-Aviv. C’est pourquoi John Kerry s’y rend aujourd’hui, dimanche, pour en discuter avec Benjamin Netanyahu. Si le Premier ministre du dernier État colonial est habile, il devrait sauter sur l’occasion pour annoncer que son pays reconsidérera la question. À moins, bien sûr, que Wouter Basson n’ait trouvé de gaz ethniquement sélectifs et que les faucons israéliens envisagent toujours d’en faire usage.
Source : Al-Watan (Syrie)
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Merci à la Russie ! – Tribune de Michel Geoffroy
Le Système médiatique occidental diabolise en permanence la Russie contemporaine. Quoi qu’il fasse, le président Poutine est systématiquement présenté dans les médias comme un dangereux autocrate, un mafieux ennemi des droits de l’homme et des Femen, ainsi qu’un fauteur de guerre froide. MG
Par exemple, quand la Russie se trouve elle aussi aux prises avec le terrorisme islamique, on nous dit qu’elle terrorise les gentils Tchétchènes. Quand elle met au pas l’oligarchie économique et financière qui bradait les richesses nationales depuis la chute de l’URSS, on nous dit qu’elle menace les libertés. Quand elle encourage la natalité et la famille, on nous dit qu’elle est homophobe. Quand quelques isolés manifestent contre le gouvernement, on nous dit que la rue est contre Poutine et tout à l’avenant.
La Russie ? Une résistance bénéfique à l’ordre mondial
Pareil biais, alors que l’URSS ne subissait pas du tout le même traitement médiatique, ne peut signifier qu’une chose : que la Russie incarne une résistance bénéfique à l’ordre mondial que veulent imposer les Anglo-Saxons et les valets qu’ils recrutent dans l’oligarchie occidentale.
A l’heure du renversement des valeurs, instrument de cette tentative, on peut sans se tromper affirmer que la Russie reste dans le vrai quand l’Occident sombre dans l’erreur et le déclin. C’est pourquoi l’Occident cultive la haine de la Russie.
Mais cela veut dire aussi que la Russie redevient un modèle à suivre pour les vrais Européens.
La Russie fière de son passé comme de son identité
On a un peu vite oublié en Occident que le peuple russe a payé très cher – par des millions de morts – son entrée dans le XXe siècle, l’instauration du communisme et sa victoire dans la seconde guerre mondiale : un sacrifice qui dépasse de très loin celui supporté par les Occidentaux et notamment les Etats-Unis, bien à l’abri dans leur continent-île.
Pourtant la Russie a su tourner la page et intégrer ce passé tragique dans son histoire comme dans ses monuments, à la différence d’un Occident déboussolé qui ne cesse de ressasser la repentance instrumentée des « heures-sombres-de notre-histoire » et de nous rejouer les drames de la seconde guerre mondiale.
La Russie a aussi retrouvé son âme orthodoxe, c’est-à-dire chrétienne, alors qu’en Occident, soumis au culte de Mammon et du Veau d’homme, les églises sont vides et les mosquées se remplissent.
Merci à la Russie de nous démontrer qu’on peut entrer dans le XXIe siècle en restant soi-même.
Le cauchemar des Anglo-Saxons
Les Anglo-Saxons ont un cauchemar : celui d’une Europe puissance, d’une « maison commune » de l’Atlantique à l’Oural à laquelle ont rêvé tant de grands Européens. Toute leur diplomatie depuis deux siècles vise à rendre ce rêve impossible.
En Europe occidentale, l’instrument de cette diplomatie se nomme aujourd’hui Union européenne. C’est-à-dire une machine (un « machin », disait De Gaulle) destinée à détruire la souveraineté et la liberté des Etats, à détruire leur prospérité et à remplacer leur population ; un empire du néant, qui doit s’ouvrir à tous les vents à la condition de rester prisonnier des « liens transatlantiques », c’est-à-dire de rester vassal des Etats-Unis.
A l’est, l’instrument de cette diplomatie se nomme diabolisation, affaiblissement et isolement de la Russie. Car la Russie a cher payé aussi l’implosion de l’URSS : un pays ruiné, mis en coupe réglée par les oligarques, entouré d’une ceinture d’Etats plus ou moins artificiels mais dans l’orbite occidentale, une armée détruite face à l’OTAN renforcé et agressif.
A la chute de l’URSS, les Occidentaux sous la direction américaine se sont immédiatement engagés dans une stratégie d’isolement de la Russie, dont l’affaire du Kosovo a constitué le point d’orgue, après la désagrégation de la Yougoslavie. Sans parler de la tentative de s’approprier ses ressources naturelles et de lui injecter les « valeurs » – c’est-à-dire les vices décadents – des Occidentaux. En clair, les Occidentaux donneurs de leçons n’ont eu de cesse de profiter et d’amplifier la faiblesse de la Russie.
Toute l’action de la présidence Poutine vise au contraire à recouvrer la puissance et la souveraineté de la Russie. Voilà qui insupporte nos maîtres.
Merci à la Russie de faire de la puissance une idée neuve en Europe.
Un monde multipolaire grâce à la réapparition de la puissance russe
La chute de l’Union soviétique fut, bien sûr, une bonne nouvelle, marquant la fin de la menace communiste en Europe. On ne la regrettera pas. Mais elle a fait aussi disparaître un contrepoids à l’unilatéralisme yankee et à sa prétention, ridicule mais dangereuse, d’imposer un modèle de société humaine indépassable.
On a vu ce qu’a donné en quelques années un tel unilatéralisme libéré de tout contrepoids : les conflits et les agressions militaires à répétition, la déstabilisation du Moyen-Orient ou la mise en œuvre d’un libre-échangisme débridé aux effets destructeurs.
Les vrais Européens ne peuvent donc que se réjouir de voir réapparaître la puissance russe. L’Europe manque désespérément de puissance, en effet, dans un monde de plus en plus dur et concurrentiel, face aux grands blocs de l’Asie, de l’Amérique et de l’Afrique.
La réintroduction de la puissance russe dans le jeu diplomatique mondial aura nécessairement des effets positifs, comme le montre déjà l’affaire syrienne. La Russie a résisté clairement et patiemment en effet aux fauteurs de « frappes » en vue d’une solution politique en Syrie. C’est-à-dire qu’elle s’est prononcée en faveur de la stabilisation contre l’aventure.
Il faut que le pouvoir arrête le pouvoir : merci à la Russie de nous rappeler cette antique loi européenne.
À l’est la liberté
Contrairement à ce que nous serinent nos médias, la démocratie – c’est-à-dire le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple – et la liberté sont moins menacées en Russie qu’en Europe occidentale.
Comme il est curieux qu’un Snowden, qui a dévoilé au monde la réalité de l’espionnage des communications mondiales par les Etats-Unis et leurs alliés, ne puisse trouver refuge qu’en Russie ! Mais pas en Europe de l’Ouest qui se targue pourtant d’accueillir à bras ouverts les réfugiés du monde entier. Comme il est curieux qu’un acteur français célèbre, lassé du fiscalisme et de la médiocrité ambiantes, préfère rejoindre la Russie plutôt que la côte est des Etats-Unis !
C’est que l’Occident ne vit plus en démocratie mais en post-démocratie : un régime de totalitarisme mou qui vide la nationalité et la citoyenneté de leur sens, un régime où l’Etat se dresse contre la nation et installe la loi de l’étranger. Car les vrais oligarques ne prospèrent qu’en Occident : en Russie ils sont sous contrôle ou ils vont en prison.
Merci à la Russie de nous rappeler que le salut du peuple – et non celui des banques ou des lobbys – doit rester la loi suprême des Etats.
Michel Geoffroy http://fr.novopress.info/141380/merci-a-la-russie-tribune-de-michel-geoffroy/#more-141380
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Syrie : les Etats-Unis livrent des armes aux islamistes. Et la France va "renforcer son soutien"
"Est-ce parce que la perspective de frappes contre le régime Assad s'éloigne ? Les Etats-Unis ont commencé à fournir des armes et des équipements techniques aux rebelles syriens, affirme le Washington Post.
Citant des sources américaines et syriennes, le quotidien américain a écrit que la CIA a commencé à livrer des cargaisons d'aide matérielle létale ces quinze derniers jours. Le journal rapporte sur son site que le département d'Etat a envoyé des véhicules et autres matériels, y compris des équipements de communication sophistiqués et des kits médicaux de combat".
Et Hollande veut soutenir "l'opposition démocratique" (sic. Et si, il a osé) :
"Le président François Hollande et les chefs des diplomaties saoudienne, jordanienne et émiratie "sont convenus de la nécessité de renforcer le soutien international à l'opposition démocratique" en Syrie, "pour lui permettre de faire face aux attaques du régime", a annoncé aujourd'hui la présidence française".
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AL QUAIDA UNE FABRICATION DES ETATS UNIS Michel Collon Chauprade Bonnet Clark Chouard
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Jean Bricmont analyse l’ingérence de la France, des Etats-Unis et d’Israël en Syrie
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Lettre d’un ancien ambassadeur de France à François Hollande
Diplomate de carrière de 1972 à 2009, Pierre Charasse fut ambassadeur, notamment au Pakistan, en Uruguay et au Pérou, et a représenté la France dans de nombreuses instances internationales.
Mexico, le 2 septembre 2013
Monsieur le Président de la République,
Dans l’épreuve que subit actuellement l’humanité du fait de la présence d’armes chimiques en Syrie, vous avez pris la tête d’un grand mouvement mondial au nom de « l’obligation de protéger » les populations civiles menacées. Vous avez très bien expliqué dans votre discours du 27 août devant vos Ambassadeurs que c’était là la vocation de la France, comme elle l’a fait en Libye récemment, et qu’elle ne manquerait pas à son devoir. Votre détermination exemplaire devrait rapidement convaincre vos partenaires européens flageolants et les opinions publiques pleutres, en France, en Grande Bretagne, aux Etats-Unis et partout dans le monde, du bien-fondé d’une intervention militaire chirurgicale en Syrie.
Naturellement, comme vous l’avez rappelé le 27 août, « l’obligation de protéger » s’inscrit dans une démarche très réglementée par les Nations Unies et incombe en premier lieu aux Etats concernés : protéger leur propre population. En cas de défaillance de leur part, c’est au Conseil de Sécurité qu’il appartient de décider des modalités de mise en œuvre de ce principe.
Sous votre conduite, la France s’honorera si elle fait respecter à la lettre cette avancée importante du droit international. Je suis sûr que le Président Poutine sera sensible à vos arguments tout comme le Président Xi Jiping et qu’ils ne feront pas obstacle à vos projets en opposant un veto au Conseil de Sécurité. Peu importe que l’objectif final soit encore un peu flou, ce qui compte c’est la défense énergique de principes clairs.
De même, je suis sûr que d’autres pays suivront la France dans son intention de livrer des armes aux rebelles syriens, malgré les risques que cela comporte. M. Laurent Fabius, Ministre des Affaires Etrangères, a annoncé qu’il exigerait des destinataires des armes françaises qu’ils signent un « certificat d’utilisateur final ». Avec une telle fermeté nous aurons l’assurance que nos armes ne tomberont pas entre les mains des combattants Jihadistes du Front Al Nusra-Al Qaeda, qui font partie de la Coalition rebelle (encore très hétéroclite mais que avez le mérite de vouloir unifier, bon courage !) et ne se retourneront pas contre les pays occidentaux qui les ont aidé ou leurs rivaux au sein de la Coalition, voire des populations civiles.
Nous voilà rassurés. Al Qaeda devrait comprendre le message fort que vous lui envoyez. Il est important de bien expliquer que notre ennemi reste le Terrorisme International, même si de temps en temps il faut se montrer pragmatique, comme disent nos amis anglo-saxons, et tendre la main à ceux qui veulent notre perte. Ceux-ci ne devraient pas être insensibles à nos gestes amicaux. Vos services devraient pouvoir sans peine démentir l’information diffusée par l’agence Associated Press selon laquelle des armes chimiques livrées par notre allié l’Arabie Saoudite (le Prince Bandar Bin Sultan, chef des services saoudiens de renseignement) au Front Al Nusra-Al Qaeda auraient été manipulées maladroitement par ces apprentis-sorciers.
Une fois ce point éclairci vous aurez les mains libres pour agir sur la base des informations fournies par les Etats-Unis et Israël qui ont toute votre confiance. Toutefois il ne serait pas inutile d’éviter que se reproduise le scénario de 2003 aux Nations Unies lorsque Colin Powell a exhibé des photos truquées et un flacon de poudre de perlimpinpin comme preuves irréfutables de la présence d’armes de destruction massive en Irak ! Principe de précaution élémentaire. On vous fait confiance, c’est la crédibilité de la France qui est en jeu.
Quand aux objectifs militaires de cette opération, il paraît évident qu’ils doivent être en priorité de détruire par des moyens aériens les dépôts d’armes chimiques sans les faire exploser au nez de la population civile, ce qui serait un véritable désastre, et de neutraliser tous les engins qui permettent leur utilisation (missiles, chars, lance-roquettes etc.), sans mettre en péril la vie de nos soldats sur un terrain incertain. Si les Américains ont du mal à identifier les cibles, les services français de renseignement se feront un plaisir de leur fournir toutes les informations dont ils disposent, de telle sorte que l’opération soit courte et cinglante et que grâce à vous les armes chimiques soient définitivement éradiquées de la planète.
Les populations que nous allons protéger auront un prix à payer pour le service rendu et doivent accepter d’avance les quelques centaines ou milliers de morts que peuvent provoquer les effets collatéraux de cette opération et leurs conséquences en cascade. Mais c’est pour leur bien. Si vous prenez la tête de la manœuvre à la place de vos collègues Obama et Cameron, qui semblent rétropédaler avant même que le coup d’envoi ait été donné, Bashar Al Assad comprendra très vite à qui il a affaire. L’Occident ne doit pas de mollir, ce serait un mauvais signal au reste du monde, on compte sur vous pour tenir la barre fermement.
Lorsque cette mission humanitaire sera terminée et que Bashar Al Assad aura fait amende honorable après la tripotée qu’on va lui mettre tout en le laissant au pouvoir, vous aurez la satisfaction d’avoir contribué à appliquer en Syrie la théorie du « chaos constructif » élaborée par des « think tanks » américains à l’époque de George Bush, en espérant que les grandes entreprises américaines, principales bénéficiaires du chaos, auront la bonté de laisser aux entreprises françaises la possibilité de tirer quelques avantages du désordre institutionnalisé qui a désormais vocation à se substituer à des Etats forts comme c’est le cas en Irak ou en Libye.
Quelques contrats pétroliers feraient bien l’affaire de nos grands groupes.
Après cette victoire pratiquement acquise d’avance, il vous appartiendra de porter ailleurs le message humanitaire universel de la France. Les crises sont nombreuses dans le monde, la liste des dictateurs sanguinaires est longue, et des millions d’hommes, de femmes et d’enfants attendent avec joie que la France puisse les protéger comme elle s’en est donnée la mission. On pense toujours à l’Afrique qui arrive au premier rang de nos préoccupations. Mais il y a le feu dans de nombreuses régions du monde. Une intervention humanitaire en Palestine serait la bienvenue, vous y songez certainement.
Au Mexique, on estime à 70.000 les morts provoqués par la violence des groupes criminels et des forces de sécurité et 26.000 disparus durant de sexennat du Président Calderón (2006-2012). Après la première année du mandat du Président Peña Nieto, on dénombre déjà 13.000 morts. En toute logique avec de tels chiffres la population civile mexicaine devrait être éligible aux bénéfices du programme « obligation de protéger » concocté par la « communauté internationale », même si celle-ci se réduit aujourd’hui à la France seule. Au point où nous en sommes, il faut bien qu’un pays se dévoue pour être l’avant-garde agissante d’une communauté internationale amorphe et irresponsable, « ensemble gazeux et incertain » comme a dit Hubert Védrine à propos de l’Union Européenne. Mieux vaut être seul que mal accompagné. S’agissant du Mexique, on pourra tirer les leçons de l’intervention militaire française de 1862 et ne pas répéter l’erreur qui a conduit à la déconfiture les armées de Napoléon III : déclencher des opérations militaires injustifiées et lointaines qui dépassent nos forces.
Pour cela il faudra, mais vous l’avez évidement prévu, programmer davantage de moyens budgétaires, par exemple pour la construction de nouveaux porte-avions nucléaires, les avions et missiles qui vont avec. Le « Charles de Gaulle » rend de brillants services lorsqu’il n’est pas immobilisé dans nos arsenaux pour de trop longues périodes de révision, mais il aura du mal à répondre seul à toutes les demandes d’intervention surtout lorsqu’il devra croiser dans des mers lointaines, exotiques et dangereuses. Je suis sûr que vous saurez persuader nos compatriotes que dans les circonstances actuelles, le monde occidental, pour poursuivre sa mission civilisatrice, pilier de la globalisation, devra s’en donner les moyens budgétaires.
On se souvient des contraintes qui ont empêché les forces françaises de frapper encore plus massivement la Libye. Leurs stocks de missiles se sont rapidement épuisés et le budget de la Défense n’avait pas prévu que l’abominable Khadafi, pourtant ami intime de votre prédécesseur, serait aussi peu sensible à nos problèmes budgétaires en opposant une résistance aussi farouche qu’inutile. La population, si elle est bien informée, acceptera certainement de bon gré l’augmentation des impôts et les coupes dans les dépenses publiques, notamment sociales, comme les bourses scolaires pour les français de l’étranger, ainsi que la réduction des moyens du réseau diplomatique, consulaire, éducatif et culturel français dans le monde si c’est le prix à payer pour que la France garde son statut de grande puissance mondiale. Tout est question de pédagogie.
Monsieur le Président, vous n’êtes pas sans savoir que nos amis et alliés américains n’ont pas toujours une très bonne image dans le monde. La France, avec les Présidents De Gaulle, Mitterrand et Chirac, a joui d’un grand prestige international, justement parce ce qu’elle parlait d’une voix différente de celle de ses alliés occidentaux. Le Président Sarkozy a mis fin à cette tradition diplomatique, pensant que la France avait tout intérêt, dans le contexte de la mondialisation et face à la montée en puissance de nouveaux acteurs, à se fondre dans « la famille occidentale » et à réintégrer l’appareil militaire de l’OTAN, c’est à dire à mettre ses forces conventionnelles sous le commandement américain.
« O tempora ! O mores ! » comme a dit Ciceron en son temps. Mais vos Ambassadeurs ont déjà du vous signaler que dans de nombreux pays la France est désormais perçue comme un relais servile de la politique américaine. Des épisodes récents, comme l’affaire Snowden avec l’interception du Président Evo Morales lors de son survol de l’Europe, ont pu donner cette impression fâcheuse, mais je suis convaincu que vous n’aurez aucun mal à persuader vos interlocuteurs du monde entier que cette perception est erronée, car c’est en toute indépendance que vous avez confirmé l’ancrage de la France dans sa « famille occidentale ».
Enfin, je pense que vous avez réfléchi à la meilleure manière de protéger les populations mondiales des catastrophes humanitaires provoquées par le capitalisme mafieux et prédateur à l’origine des dernières crises économiques et financières. Il est probablement dans vos intentions de proposer à vos collègues du G7 et du G20 que vous allez rencontrer au Sommet de Saint Pétersbourg de changer de cap pour mettre fin à l’économie-casino et à l’empire de la finance sans contrôle. L’opinion publique mondiale, les chômeurs en Grèce, au Portugal, en Espagne, en France et ailleurs, apprécieraient vraisemblablement des frappes chirurgicales sur le FMI, la Banque Centrale européenne, la City de Londres, quelques paradis fiscaux « non-coopératifs » ou d’improbables agences de notation qui font plier les gouvernements.
Une telle cohérence dans l’application de « l’obligation de protéger » honorera la France et son Président. En continuant sans relâche sur cette voie et en défendant comme vous le faites le droit international et les normes fixées par les Nations Unies, il ne fait aucun doute qu’avant la fin de votre mandat vous rejoindrez votre collègue et ami Barack Obama dans le club très sélect des Prix Nobel de la Paix. Vous l’aurez bien mérité. Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’assurance de ma très haute et respectueuse considération.
Pierre Charasse, Français de l’étranger, contribuable et électeur -
Pour une Grande Alliance eurasienne et ibéro-américaine
Extrait d’une conférence prononcée par Robert Steuckers à la tribune de l’association “Terre & Peuple” de Nancy, 26 novembre 2005
Henri de Grossouvre a publié naguère un ouvrage important, suggérant à ses lecteurs les bases concrètes d’une alliance Paris/Berlin/Moscou. Cette alliance, nécessaire, ne pouvait être que défensive, n’être qu’une première étape en direction d’un projet plus vaste, dans la mesure où les territoires de cette “Triplice” étaient dépourvus de glacis, surtout en Asie centrale, après la dissolution de l’URSS, héritière de l’empire des tsars dans cette région. Pour être complète, l’alliance doit également comprendre l’Iran, l’Inde, la Chine et le Japon. De cette façon, la puissance thalassocratique du Nouveau Monde éprouverait d’immenses difficultés à se fixer et s’incruster dans les rimlands et à y disloquer les cohésions impériales.
Les cinq premières puissances de cette alliance à sept, jusqu’ici hypothétique, sont indo-européennes, c’est-à-dire qu’elles ont des références à un passé indo-européen, en dépit de l’adstrat chrétien ou musulman, le bouddhisme étant une émanation particulière de la psyché indo-européenne de l’Inde, portée au départ par un prince indien, issu de la classe des kshatriyas. L’Iran n’est islamiste aujourd’hui que parce les Etats-Unis ont soutenu Khomeiny au départ, pour éliminer le Shah et son programme de retour aux racines perses de l’antiquité, assorti d’une vision diplomatique active axée sur l’organisation du pourtour de l’Océan Indien. Le projet géopolitique du Shah était visionnaire et intéressant: Zaki Laïdi et Mohammed Reza Djalili, géopolitologues de langue française, originaires du monde musulman et, de ce fait, excellents connaisseurs des sources arabes, iraniennes, pakistanaises et indiennes, l’ont bien mis en exergue dans leurs divers travaux. La nouvelle campagne médiatique contre l’Iran, engagée à fond depuis cet automne, au nom de la non-prolifération des armements nucléaires, est un prétexte, un de plus, pour intervenir sur le rimland eurasien, et élargir les conquêtes effectuées en Afghanistan et en Irak.
Le projet de « Grand Moyen Orient »
Comme le titrait le Corriere de la Sera du 25 novembre 2005, l’Iran envisage de traiter son uranium sur le sol russe, échappant de la sorte à d’éventuelles représailles américaines ou israéliennes. Beijing soutient ce projet, tout simplement parce que l’apport de pétroles iraniens est vital pour la Chine en pleine expansion, une expansion que tente de contrecarrer Washington.
L’Europe, pour sa part, n’a aucun intérêt à ce qu’un embargo général, dans le cadre de sanctions décidées par Washington, soit imposé à l’Iran: elle en ferait les frais, car les échanges entre les Etats-Unis et l’Iran sont infimes; de ce fait, les manques à gagner frapperaient uniquement les exportateurs européens de technologies, qui, en ne commerçant pas avec l’Iran, ne bénéficieraient pas de fonds suffisants pour investir ultérieurement dans la recherche et les innovations. L’affaire iranienne, si elle est analysée au départ des règles éternelles de la géopolitique, pourrait contribuer à consolider, de manière effective, un projet de défense commun sur la masse continentale eurasienne, car, en frappant l’Iran, les Etats-Unis frapperaient le coeur géopolitique de l’espace central de cette immense masse territoriale, feraient tomber le dernier obstacle politique à leurs projets. Ils veulent en effet fabriquer un “Grand Moyen Orient”, équivalant au territoire de l’USCENTCOM, et qui serait le débouché majeur de leurs industries de consommation, tout en excluant toutes les autres puissances économiques de ce marché juteux. Ni Moscou ni Beijing ne peuvent le tolérer, car ce ré-agencement géostratégique réduirait leurs territoires respectifs à une périphérie affaiblie, sans accès à l’Océan du Milieu, objet de toutes les convoitises impériales depuis la plus haute antiquité.
Dans cette synergie, qui se dessine actuellement, les sixième et septième puissances de l’hypothétique “Grande Alliance” (GA), que nous appelons de nos voeux, soit la Chine et le Japon, commenceraient par restaurer la fameuse “sphère de co-prospérité est-asiatique”, qui donnerait ipso facto cohérence à l’aire orientale de la masse continentale eurasienne. Sur le plan spirituel et métaphysique, ces deux puissances reposent sur des religions autochtones non prosélytes, non messianiques. On ne peut donc pas se servir d’une religion de ce type, dans ces deux pays, pour déclencher désordres et révolutions, comme on le fait avec l’islam, ou pour enclencher un processus d’auto-dénigrement masochiste, comme on le fait avec le christianisme en Europe, et plus particulièrement en Allemagne et dans les pays protestants. L’héritage religieux, en Chine et au Japon, y est un faisceau de legs ancestraux, de rites et de coutumes qui échappent à toute manipulation, car elles sont fixes et immuables, tout en permettant la modernité technologique.
La Chine se défend
Dans l’espace de co-prospérité est-asiatique, il y a certes l’Indonésie, agitée par quelques sectes fondamentalistes musulmanes, mais ses réseaux nationalistes, arrivé au pouvoir après 1945, ont participé aux efforts japonais, pendant la seconde guerre mondiale, pour que cette sphère voie le jour et se consolide. Le projet de “Grande Alliance” —qui comprendra aussi la Thaïlande, autre ancien allié des Japonais, considéré pendant longtemps comme “pays ennemi des Nations-Unies”— implique la défense, dans ce pays, de la tradition nationale bouddhiste contre les menées subversives d’éléments fanatiques musulmans dans le sud, qui entendent déstabiliser le pays et freiner son élan économique.
La Chine, de son côté, s’est toujours défendue contre les désordres provoqués par les nomades hunniques et turco-mongols: c’est sa raison d’être, le secret de sa continuité politique pluri-millénaire. De ce fait, fidèle à cette continuité, à cette longue durée, en dépit des idéologies occidentales et modernistes qui l’ont travaillée, elle n’est pas prête à lâcher du lest dans le Sinkiang, anciennement dénommé le “Turkestan chinois”, ni à y accepter l’émergence de bandes insurrectionnelles musulmanes, turco-ouïghoures, téléguidées par un panturquisme activé en ultime instance par les Etats-Unis. Et qui viserait à détacher ce Sinkiang de la sphère d’influence chinoise (et russe) pour en faire un éventuel appendice du “Grand Moyen-Orient”. Les Etats-Unis réaliseraient par personnes interposées le projet arabo-musulman jadis avorté de conquérir les avant-postes turkestanais de la Chine et, dans une phase ultérieure, se serviraient, pendant longtemps, du trop-plein démographique musulman pour contenir la Chine sur ses confins occidentaux.
Le problème de l’Islam, et plus exactement de ses factions les plus extrémistes, c’est qu’il est allié des Etats-Unis, en dépit des proclamations et des rodomontades, des attentats et des croquemitaines que l’on agite dans les médias. L’espace du “Grand Moyen Orient” (GMO), voulu par les Américains, sera musulman, si possible rétrograde pour éviter tout envol industriel et économique (comme l’envisageaient les agents de la CIA qui ont mis Khomeiny en selle), de préférence prosélyte pour grignoter les territoires adjacents comme en Thaïlande, mais aussi, à terme, dans la vallée de la Volga et de la Kama sur le territoire de la Fédération Russe, dans le Sin-Kiang contre la Chine et dans les communautés immigrées en Europe occidentale (qui serviront, le cas échéant, quand il le faudra, de leviers pour provoquer des désordres ingérables, déstabiliser les systèmes de sécurité sociale et affaiblir financièrement les concurrents européens sur tous les plans, comme on le voit aujourd’hui, en novembre 2005, dans les banlieues des grandes villes françaises).
La leçon de Naipaul, Prix Nobel de littérature
L’antidote idéologique à ce prosélytisme virulent nous est livré aujourd’hui par le Prix Nobel de littérature V. S. Naipaul, un Indo-Britannique auquel nous devons plusieurs livres très intéressants sur le destin de la civilisation indienne, minée par le prosélytisme islamique. Naipaul, notamment dans India: A Wounded Civilization et Among the Believers. An Islamic Journey, démontre la nocivité de tout prosélytisme, car il mutile en profondeur les peuples ou les civilisations qui le subissent. Le premier de ces livres a été écrit en 1975, à la suite d’une troisième visite en Inde, patrie de ses ancêtres qui l’avaient quittée pour se fixer en Jamaïque. Ses pérégrinations d’émigré, qui revient à ses sources, lui révèlent la profonde mutilation de l’Inde hindouiste, après des siècles de domination étrangère, musulmane et britannique.
Cette blessure fait que l’Inde n’avait pas encore trouvé l’idéologie de sa régénérescence, car le gandhisme, malgré qu’il ait in fine obtenu l’indépendance du sous-continent, se solde, aux yeux de Naipaul, par un échec. Le gandhisme ne fait pas revivre le passé, ne donne pas les recettes d’un Etat efficace, viable sur le long terme; il exprime les sentiments d’une Inde qui résiste, mais nous pas d’une Inde qui guérit et ressuscite, se fortifie et s’impose. Sous les coups d’un prosélytisme étranger, un “vieil équilibre” a été rompu, constatait Naipaul en 1975, la règle qu’il énonce là pouvant s’appliquer à tous les prosélytismes et à tous les “vieux équilibres” qu’ils ont rompus au cours de l’histoire.
Prosélytisme islamique et prosélytisme médiatique
Le second livre, que nous évoquons ici, montre la rage que les nouveaux convertis développent pour détruire les legs de leur civilisation-mère. L’apport de la Chine et du Japon serait dès lors, dans la “Grande Alliance”, celui d’une force qui résiste aux prosélytismes, qui leur demeure imperméable, qui permet de garder ses forces originelles intactes, de ne pas rompre le “vieil équilibre”. Au 21ième siècle, cette force servirait à résister à deux formes de pénétrations mutilantes, de prosélytismes actuels, l’un laïc, l’autre religieux: celle du discours médiatique véhiculé par les grandes agences de presse américaines et celui de l’Islam, sur le terrain, à la périphérie du “Grand Moyen Orient” (GMO).
Les médias américains servent à endormir et distraire les esprits en Europe et en Russie, à oblitérer la conscience géopolitique; le prosélytisme islamique sert à élargir l’espace du GMO par une application dosée et bien téléguidée de la djihad contre les minorités non musulmanes ou contre des pays limitrophes afin de grignoter leurs frontières (comme ce fut le cas avec les mudjahiddins et les talibans: argent saoudien et armes américaines); ensuite ce prosélytisme sert à disloquer la paix intérieure dans les pays européens accueillant une forte immigration islamique (les événements de la France en novembre 2005 deviendront à ce titre un exemple d’école).
Les deux prosélytismes ont pour objectif de gommer des mémoires vives, de briser des continuités historiques, d’instaurer des systèmes manipulatoires. Sans mémoire vive, sans le sentiment de vivre dans une continuité historique, les peuples, comme le peuple indien selon Naipaul, tombent dans l’apathie, chavirent dans le désordre et la putréfaction, après des crises de fanatisme et d’iconoclasme.
HUIT AXES D’ACTION
Concrètement, la Grande Alliance émergera, si les dirigeants européens, russes, chinois, iraniens, indiens et japonais appliquent huit axes d’action:
1. Réaliser de concert un réseau indépendant d’oléoducs et de gazoducs dans toute l’Eurasie (cf. les articles de Gerhoch Reisegger dans Au fil de l’épée/Arcana Imperii). La visite récente de Poutine au Japon, où les pourparlers ont été concluants, abonde dans ce sens. Poutine vise à arbitrer un équilibre entre la Chine et le Japon, alors que les grandes agences médiatiques excitent les deux puissances asiatiques l’une contre l’autre, au nom de différends issus des années 30 et 40. Cette politique vise à raviver de vieux conflits, aujourd’hui dépourvus de pertinence, et à entraver toute synergie commune en matière de communication et de transport de l’énergie dans cette région à très forte densité démographique. Notre objectif doit être de contrer cette propagande, de créer les conditions idéologiques qui la rendraient inopérante, de faire éclore les réflexes psychologiques forts qui les rendraient nulles et non avenues.
2. Créer un réseau de routes et de chemins de fer entre la Russie, la Chine, les Corées et le Japon, d’une part, la Russie et l’Inde, d’autre part. La nécessité d’assurer des liaisons terrestres optimales entre la Russie et l’Inde donne tout leur relief aux questions tadjiks et cachemirites. En effet, le Tadjikistan et le Cachemire sont des terres indo-européennes, partiellement islamisées mais persophones au Tadjikistan, qu’il convient de dégager de toutes influences étrangères. Le soutien à l’Inde, dans ses revendications légitimes à l’endroit du Cachemire, est un impératif incontournable de la future nouvelle géopolitique de la Grande Alliance. En aucun cas, le Cachemire et le Tadjikistan ne doivent être inclus dans le GMO.
Le projet GALILEO
3. Sous l’impulsion de l’UE, le Grande Alliance (GA) doit se constituer autour du projet satellitaire GALILEO, qui doit être la réponse européenne, russe, chinoise et indienne à la domination américaine dans l’espace et, partant, dans le domaine des télécommunications. La demande d’Israël, de participer à ce projet, doit être vue avec la plus grande méfiance, vu les liens trop étroits de vassalité qui lient ce petit pays du Moyen Orient au géant américain.
4. Il faut soutenir et amplifier le projet de gazoduc de la Baltique, créant de facto un axe économique germano-russe. Ce projet, en voie de réalisation grâce à l’entêtement de l’ancien Chancelier Schröder, permet de contourner les pays de la “Nouvelle Europe”, satellisés par les Etats-Unis, comme l’Ukraine, après sa “révolution” orange, comme la Pologne, entièrement inféodée à l’OTAN, et la Lituanie, qui suit la même détestable orientation. Le gazoduc de la Baltique a permis de réduire à néant la nouvelle stratégie du “cordon sanitaire”, soit la création d’un chapelet de puissances petites et moyennes entre l’UE (jadis l’Allemagne) et la Fédération de Russie (jadis l’URSS), auxquelles on accorde une garantie parce qu’elles s’inféodent à l’OTAN. Cette contre-stratégie germano-russe avait connu un antécédent en 1986, avec le projet de relier, par un système de ferries et de gros transporteurs, le port de Memel/Klaipeda en Prusse orientale à Kiel, et via le canal de Kiel, à la Mer du Nord. Avant que ces tractations n’aboutissent, tout au début de l’ère Gorbatchev, le ministre-président du Slesvig-Holstein avait été retrouvé mort, assassiné, dans sa baignoire... (cf. Vouloir, n°30 & 31). On n’a jamais retrouvé les assassins. Si la future Grande Alliance ne peut atteindre l’Océan Indien, vu la présence militaire américaine dans les eaux de cet “Océan du Milieu”, elle doit avoir une ouverture sur le large en Mer Baltique. Ainsi se réalisera le rêve de Haushofer: celui de la “Troïka” eurasiatique, avec les trois chevaux que sont l’Allemagne (l’UE), la Russie et le Japon. Une autre stratégie de “dés-étranglement” est en train de se mettre en place dans l’Arctique: les brise-glace russes de la nouvelle génération, qui sont simultanément des usines nucléaires flottantes, générant leur propre énergie, ouvriront bientôt la voie du Nord et relieront Hambourg au Japon.
Briser l’alliance entre Washington et Ankara
5. Autre objectif: faire sauter l’alliance entre les Etats-Unis et la Turquie. Cette alliance, indéfectible jusqu’aux prémisses de l’invasion de l’Irak en mars 2003, bloquait l’Europe dans les Balkans, visait l’endiguement de l’UE sur le cours du Danube à hauteur de Belgrade, empêchait une voie terrestre directe entre la plaine hongroise et l’Egée, et endiguait ensuite la Russie en Mer Noire et dans le Caucase. Clinton, dans les discours qu’il avait tenus à Istanbul et à Ankara lors de sa dernière visite officielle en Turquie, jouait à fond la carte de l’alliance américano-turque; il exerçait des pressions constantes pour faire entrer la Turquie dans l’UE, de façon à ce que les Européens épongent les déficits turcs et accueillent son trop-plein démographique. Bush ne suit pas exactement la même politique, une politique qui était dictée, certes par les droits de l’homme, mais encore pour une bonne partie par le jeu classique des alliances. Bush II, lui, privilégie une stratégie pétrolière, bien dans la tradition de sa famille et des lobbies qui la soutiennent. La guerre en Irak est, à l’évidence, une guerre pour le pétrole. Les pétroliers américains veulent s’assurer la gestion de toutes les nappes pétrolifères du pays, voire de la région, pour trois raisons essentiellement:
a) maximiser leurs profits dans l’immédiat et couvrir les frais des opérations militaires;
b) pomper le pétrole partout et diminuer ainsi la dépendance à l’égard du pétrole saoudien, vu l’ambiguïté de la politique saoudienne, qui proclame, d’une part, sa fidélité à l’alliance américaine, mais, d’autre part, est “mouillée” dans l’affaire d’Al Qaeda, un réseau de la stratégie anglo-saxonne de l’“insurgency”, mais qui a suivi sa propre piste, jouant double ou triple jeu (cf. les ouvrages d’Eric Laurent à ce sujet);
c) ôter la gestion du pétrole à toutes les autres puissances de la masse continentale eurasienne, exploiter les champs pétrolifères pendant les années de “pic pétrolier” et au cours des premières décennies du déclin annoncé du pétrole, afin d’engranger des plus-values pour financer les technologies de l’après-pétrole et continuer de la sorte à dominer la planète.
Avec les promesses de Clinton, les Turcs avaient espéré récupérer la région du Kurdistan irakien autour des champs pétrolifères de Mossoul, quitte à envahir cette province septentrionale de l’Irak, à y liquider les implantations du PKK kurde et à l’annexer de facto, de manière à gagner une certaine indépendance énergétique, dont ils étaient privés depuis les accords de Lausanne en 1923. La stratégie américaine aurait dans ce cas parié sur son allié de longue date et fait jouer la position centrale de la Turquie dans l’arc de crises qui va des Balkans à la frontière iranienne. Mais faire jouer l’armée turque, comme le voulait la dernière administration démocrate, impliquait de renoncer à des puits particulièrement abondants. La stratégie pétrolière de Bush II ne pouvait l’accepter. Faire la guerre contre Saddam Hussein exigeait une mise énorme, qui, à terme, en butin, devait rapporter gros. Les puits du Kurdistan irakien ont constitué ce butin idéal. Pas question donc de le laisser aux Turcs.
Depuis les préliminaires de la guerre contre l’Irak, les relations américano-turques se sont considérablement refroidies. L’opinion publique turque se sent trahie. Non récompensée pour son indéfectible fidélité à l’Alliance Atlantique, depuis les prémisses de la guerre froide et la Guerre de Corée, où les troupes turques avaient payé le prix du sang pour se faire accepter dans la “communauté atlantique”.
Pire: pour conserver cette place qu’elle estimait valorisante, la Turquie avait créé les conditions matérielles de sa rupture avec les pays arabes du Croissant Fertile. Le barrage Atatürk, inauguré par l’ancien homme fort de la Turquie, Özal, entre bel et bien dans la ligne kémaliste, occidentaliste et libérale. La construction des barrages reflète une volonté de couper avec le monde arabe, avec les sources du pétrole, avec le passé ottoman. En coupant le cours des fleuves du Croissant Fertile, en limitant leur débit, les Turcs fragilisent ipso facto les économies et les agricultures de leurs voisins arabes. Ce qui va dans l’intérêt des Etats-Unis, qui, à terme, pourront pratiquer leur éternelle politique d’aide alimentaire (Food Aid) contre des matières premières ou des concessions politiques, et à consolider ainsi leur emprise sur les Etats.
Soutien total à l’Arménie
6. Faire sauter l’alliance américano-turque implique un soutien à l’Arménie enclavée dans le massif caucasien. L’an dernier, en août 2004, quelques semaines à peine avant l’abominable massacre des écoliers de Beslan en Ossétie, l’armée arménienne avait organisée des manœuvres remarquées dans la région, avec l’appui russe, démontrant par là même que le pays constituait un solide abcès de fixation, empêchant le projet panturquiste de s’élancer de l’Egée aux confins chinois, comme l’avait espéré Özal. Il faut avoir en tête que la dynamique du projet panturquiste, ou pantouranien, est l’un des ingrédients qui sert les Etats-Unis à créer le « Grand Moyen Orient » ou à asseoir leur domination sur la « nouvelle Route de la Soie », comme l’a théorisé Zbigniew Brzezinski (« New Silk Road Project »). L’objectif de toute bonne politique eurasienne serait dès lors de ralentir ou de contrer tous ces projets, en mobilisant les forces hostiles au panturquisme. Le hérisson militaire arménien est de première utilité dans toute contre-stratégie de la « Grande Alliance » que nous appelons de nos vœux.
7. Il convient ensuite d’organiser l’espace pontique, les pays riverains de la Mer Noire. Les grands axes fluviaux que sont le Danube, le Dniepr, le Don et, via le canal Don-Volga, la Volga et le bassin de la Caspienne doivent être organisé en synergies, en en excluant la Turquie, qui est étrangère à l’espace pontique, vu qu’aucun fleuve important ne provient du territoire anatolien et ne participe à la synergie hydrographique de la région. L’espace pontique doit être dominé par les puissances qui lui donnent l’eau de leurs fleuves, dans la perspective des puissances européennes qui ont voulu soustraire cet espace de civilisation à l’emprise de conquérants étrangers, des Seldjoukides aux Ottomans. Pour notre tradition politique, la reconquête de cet espace pontique, pour la consolidation de l’Europe, est inscrite à l’ordre du jour depuis plus de six siècles, depuis le Duc de Bourgogne Jean Sans Peur et la création de l’Ordre de la Toison d’Or : tous ceux qui s’y opposent, à commencer par les sinistres souverainistes gallicans qui suivent la détestable tradition de François I, sont de vils traîtres, qu’il faut empêcher de nuire et combattre sans merci. L’espace pontique sera dès demain le site sur lequel transitera le brut de la Caspienne et les gaz de Russie et du Kazakhstan : aucune puissance qui n’est pas européenne de souche ne devrait avoir barre sur l’acheminement de ces matières premières.
Soutien total à Chavez
8. Enfin, il convient de défendre les intérêts communs des principales composantes eurasiatiques de la « Grande Alliance » en Amérique ibérique et d’englober ce continent dans le combat planétaire contre Washington. Dans l’immédiat, cela implique un soutien sans faille à Chavez, président du Venezuela. L’Espagne, au nom de l’hispanité, a un rôle-clef à jouer dans cette stratégie. La présence de Zapatero au sommet latino-américain de la fin de l’année 2005 avait été un signe prometteur : Zapatero y avait affirmé le refus de tout boycott contre Cuba, qui, pour nous, demeure une province espagnole, puisque nous n’acceptons pas les retombées de la guerre hispano-américaine de 1898, déclenchée après un casus belli fallacieux et une campagne de presse hystérique et mensongère, orchestrée par l’infâme Teddy Roosevelt. Condoleeza Rice a évidemment refusé de mettre un terme à ce boycott, ce qui a créé l’unanimité contre elle et donné le rôle de la vedette à Zapatero, qui ne tiendra évidemment pas ses promesses de faux socialistes à la mode. Le premier ministre espagnol a promis de vendre des armes au Venezuela, de façon à ce que celui-ci puisse, disent les autorités américaines, « exporter sa révolution bolivariste » partout en Amérique ibérique. Lors de ce sommet, dont les travaux permettent de dégager les grandes lignes d’une éventuelle politique eurasiatico-ibéro-américaine, la promesse de vendre des armes espagnoles à Chavez est une riposte parfaitement justifiée à la vente de F-16 et d’autres matériels performants au Maroc, juste avant l’invasion de l’îlot de Perejil en juillet 2002, un acte de guerre que l’on peut considérer comme purement « symbolique ». Mais l’Europe ne peut se permettre de perdre une bataille « symbolique » supplémentaire, surtout dans le bassin occidental de la Méditerranée.
Conclusion philosophique
La vulgarisation de ce programme, son ancrage dans les pratiques diplomatiques, est le but de notre combat. Notre combat est identitaire ; il vise un retour à notre identité, à notre authenticité profonde. Mais cette authenticité ne saurait demeurer une petite pièce de musée que l’on admire avec tendresse, sans agir. Hegel nous a enseigné qu’être homme, cela ne se faisait pas seul, mais que cela se faisait au sein de « nous collectifs ». Hier, ces « nous collectifs » étaient des identités régionales ou nationales. Aujourd’hui, nous visons l’avènement d’un « nous collectif » plus vaste, celui de la communauté des peuples européens et des peuples qui refusent la logique du prosélytisme qui, comme nous l’a enseigné Naipaul, éradique les identités et rend les hommes malheureux. Hegel disait que nous ne pouvions vivre notre liberté que si nous donnions un sens, notre sens, à la réalité concrète du monde qui nous entoure. L’humanité est un mot vide de sens, ajoutait-il, si les hommes ne retournaient pas à leur moi profond avant d’arraisonner une réalité concrète, ici et maintenant, une réalité concrète qui subit sans cesse des mutations et des changements qu’il s’agit aussi d’affronter. Et l’ « humanité » de nos adversaires est effectivement un mot vide de sens, puisqu’ils refusent ce retour à l’authenticité profonde des peuples pour adopter les schémas figés, dépourvus de dialectique combattante, invitant à la démission, que leur suggèrent les prosélytes de tous poils, surtout ceux qui véhiculent les discours médiatiques. Washington représente la thèse, le pouvoir mondial en place, figé, dépourvu de sens pour les autres ; notre Grande Alliance représente l’anti-thèse, encore fragile, encore en jachère, mais seule pourvue d’un réel dynamisme. Je vous invite à y participer.
Robert STEUCKERS, Forest-Flotzenberg, Nancy, novembre 2005.
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Le continent américain, sous influence des États-Unis, réalites et contestations
L'influence essentielle des États-Unis s'étend à tout le continent. Le contrôle assez direct reste très réel sur l'Amérique du Nord, du Canada à Panama, en passant par le Mexique, les petits Etats d'Amérique Centrale et des îles des Caraïbes. Aucune armée ne peut bien sûr rivaliser avec la puissance des États-Unis. Le Canada exporte massivement son pétrole, conventionnel ou celui coûteux et polluant des schistes bitumineux, vers le grand voisin du Sud ; le pétrole mexicain est lui aussi absorbé, au Nord, tout comme de nombreuses usines délocalisées, voire relocalisées depuis que le coût du travail est devenu supérieur en Chine, qui exportent massivement au-delà du Rio Grande. Les petits pays, nombreux, dépendent encore davantage de Washington. Ne demeurent que deux exceptions à cette domination totale, Cuba, toujours cas-triste malgré une libéralisation purement économique partielle, et le Nicaragua, de nouveau sandiniste, suite à des élections libres depuis 2006, tous deux membres essentiels de l'Alliance bolivarienne de feu Chavez.
La domination forte de Washington s'étend en un pays charnière des deux Amériques, la Colombie, où sont dispersées de nombreuses bases militaires états-uniennes, en principe sept, plus les nombreuses bases secrètes de la CIA. Le prétexte officiel proclamé reste celui de la lutte contre la drogue. La consommation massive de dizaines de millions de drogués réguliers aux États-Unis déstabilise par sa demande massive plus de la moitié de l'Amérique latine, du Mexique à la Bolivie, où se poursuivent depuis des décennies désormais la culture des plantes - coca, cannabis - et les synthèses de produits finis. Si tout en demeurant importante, la production colombienne de coca, après des décennies de lutte dure, a effectivement significative-ment baissé, elle a augmenté en compensation au Pérou et en Bolivie, où l'expérience de légalisation contrôlée des cultures traditionnelles paysannes par le président bolivarien indigéniste Evo Morales a bien sûr débouché mordicus sur un développement du trafic. Les paysans, même s'ils ne s'enrichissent pas véritablement, gagnent beaucoup plus correctement leur vie avec la production de coca, que les cultures licites comme le maïs ou les agrumes. La solution n'est pas dans la pure répression - qui devrait cibler davantage les trafiquants que les paysans -, ni dans la légalisation - immorale - ; le remède serait plutôt dans la défense des marchés agricoles nationaux, permettant une juste rémunération des paysans.
Le modèle culturel des États-Unis s'étend à l'ensemble de l'Amérique du Sud. Ils sont toujours considérés comme un exemple, alors que bien des aspects de ce pays sont peu enthousiasmants, avec encore une illustration cet été à travers l'échec dans la lutte contre les grands feux de forêts dans les Montagnes Rocheuses et en Californie, corollaire d'un manque de moyens - à côté de gaspillages par dizaines de milliards en crédits militaires -. Toutefois demeure l'image du pays des libertés et de la prospérité ; ceci n'est d'ailleurs pas sans inconvénients pour les États-Unis, pays toujours très attractif pour une immigration clandestine encore en cours et massive, peut-être deux millions de nouveaux clandestins par an, qui comptent sur les régularisations promises par Obama. Souvent via une acculturation partielle, les tele-novelas pour les feuilletons, diffusent les mêmes valeurs sur tout le continent, beaucoup plus libérales que le catholicisme traditionnel, avec l'instabilité familiale, les divorces, la contraception, le tout noyé dans un sentimentalisme exacerbé, qui peut paraître ridicule pour des Européens. Des églises néoprotestantes réalisent depuis des décennies des percées nettes, imitations locales ou importations directes des États-Unis, regroupant plus du quart des Brésiliens, le dixième des Argentins, pratiquement tous d'ascendance catholique. Sur le plan politique, même dans un grand pays fier et indépendant, on entend désormais de curieux discours inspirés par le modèle néoprotestant, comme l'exigence d'un ferme soutien à l'Entité Sioniste, nouveauté dans des pays traditionnellement plutôt anti-impérialistes et pro-palestiniens.
La résistance à l'impérialisme américain est incarné dans l'ALBA, Alliance Bolivarienne pour l'Amérique, qui pour l'instant a survécu à Chavez ; le nouveau président vénézuélien Maduro, fortement contesté à l'origine, consolide plutôt son pouvoir. S'il est plus sérieux que Chavez, son manque persistant de charisme peine à en faire un relais du chef disparu. Les visites de la flotte russe à Cuba ou au Venezuela constituent surtout des contestations symboliques de Washington. Les investissements chinois, souvent de grandes entreprises liées à Pékin, massifs, incarnent véritablement une nouvelle et réelle concurrence à l'exclusivité jusque-là, depuis 1914, de la domination économique états-unienne, particulièrement dans les infrastructure et les mines. Un grand projet a attiré l'attention cet été, celui du creusement du Canal du Nicaragua, suivant une concession accordée à une grande entreprise chinoise HKND, votée le 14 juin 2013 par le Parlement de Managua ; son gabarit, plus large et profond que celui de Panama, récemment amélioré - passage en 2015 d'une capacité de recevoir des navires de 5000 à 13000 EVP ou 120 000 tonnes de déplacement -, en ferait un des points essentiels du trafic maritime mondial. Les travaux devraient débuter en 2014, pour un coût total de 40 milliards de dollars - un peu optimiste, en bas d'une fourchette toutefois crédible -. Or beaucoup d'aspects essentiels demeurent flous, dont le tracé exact du Canal, qui devrait déboucher à Bluefields sur l'Atlantique, l'aménagement du Lac Nicaragua, pour l'instant trop peu profond, ou le gabarit exact : il serait important, jusqu'à 250 000 tonnes, mais pas au-delà - de rares navires géants déplacent jusqu'à 500 000 tonnes -. L'impact serait absolument essentiel pour le Nicaragua et constituerait une base essentielle de son développement.
S. de S. Rivarol du 5 septembre 2013